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Les migrants dans le codéveloppement

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Pratiques et représentations de la relation migration - développement dans l'espace français - mémoire de fin d'étude à Sciences-Po Toulouse - Yvain Bon

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Page 1: Les migrants dans le codéveloppement

Institut d'Études Politiques de Toulouse

Les migrants dans le codéveloppement :

Pratiques et représentations

de la relation migration - développement

dans l'espace français

Mémoire de recherche présenté par Yvain Bon

Sous la direction de Jean Louis Guy

Année universitaire : 2012 / 2013

Page 2: Les migrants dans le codéveloppement

Avertissement

L'IEP de Toulouse n'entend donner aucune approbation, ni improbation dans les

mémoires de recherche. Ces opinions doivent être considérées comme propres à

leur auteur.

Page 3: Les migrants dans le codéveloppement

Résumé

Dans un contexte international où les analyses sur les relations entre

migration et développement se multiplient, ce mémoire s'intéresse à la décli-

naison de ces problématiques au niveau de l'espace français. À travers l'étude

des acteurs de la coopération internationale française, il interroge la façon

dont sont combinées les perceptions et la compréhension du rôle des migrants

dans les processus de développement, avec les discours et pratiques des or-

ganismes français. Ces acteurs étudiés sont notamment les institutions liées

au gouvernement français, les ONG et réseaux d'Organisations de Solidarité

Internationale, le Forim et les collectivités territoriales.

Ce mémoire met en valeur la diversité des approches théoriques sur la

migration et le développement, ainsi que l'interprétation restrictive du gou-

vernement français qui a prévalue jusqu'au début des années 2000 (à travers

notamment le concept de codéveloppement). Il analyse ensuite les positions

des acteurs sus-cités vis à vis des enjeux de migration et de développement, à

travers l'analyse de leurs publications, discours et pratiques. Cette recherche

met en valeur le rôle de ces acteurs de l'espace français sur l'évolution de

la compréhension des liens unissant migration et développement. Cette évo-

lution se fait notamment vers une plus grande considération accordée aux

migrants dans les processus locaux de développement. Les conclusions de

ce mémoire mettent cependant l'accent sur les relations existantes entre les

stratégies et les activités des acteurs étudiés, avec les recommandations et

les positions qu'elles adoptent en faveur d'une nouvelle dé�nition du codé-

veloppement.

Page 4: Les migrants dans le codéveloppement

Table des matières

Introduction 4

I La mise en politique de la relation Migration - Déve-

loppement 13

1 Les recherches sur la migration et le développement : vers un plus

grand intérêt accordé aux migrants 14

1.1 Recon�guration des analyses Migration et Développement . . . . . 15

1.1.1 Les migrations dans le développement au �l des analyses

optimistes et pessimistes du développement . . . . . . . . . 15

1.1.2 Vers une vision plurielle des circuits migratoires . . . . . . . 17

1.2 Les migrants comme agents transnationaux du développement :

l'optimisme associé aux transferts et aux réseaux de la diaspora . . 21

1.2.1 Les remises des migrants : au c÷ur des ré�exions sur le dé-

veloppement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

1.2.2 Intérêt et limites des nouvelles approches . . . . . . . . . . . 25

2 L'invention et la déclinaison du concept de codéveloppement en

France : la mise en politique de préoccupations gouvernementales 28

2.1 L'invention du codéveloppement au sein du gouvernement français . 29

2.1.1 Le codéveloppement entre relations Nord - Sud et aide au

retour . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

2.1.2 La mise en ministère du codéveloppement . . . . . . . . . . 30

2.2 La mise en politique du codéveloppement dans l'espace français . . 33

2.2.1 Le développement comme prévention des �ux migratoires . . 33

2.2.2 Le codéveloppement comme instrument de coopération in-

ternationale : entre instrumentalisations et expérimentations 36

2.2.3 La mobilisation des associations de migrants dans les poli-

tiques de codéveloppement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38

1

Page 5: Les migrants dans le codéveloppement

II Vers une redé�nition du codéveloppement à travers les

pratiques et les discours de nouveaux acteurs 42

1 Les organismes o�ciels liés au gouvernement : de la réévaluation

à l'ouverture 43

1.1 Le Codéveloppement en question : une réévaluation interne des év-

idences du codéveloppement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43

1.1.1 Les rapports d'évaluation de la politique française de codé-

veloppement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

1.1.2 Le Conseil Économique et Social et les institutions �nancières 46

1.1.3 l'AFD : des compétences à dispositions . . . . . . . . . . . . 47

1.2 La nouvelle administration : vers un désengagement du codévelop-

pement ou une redé�nition des méthodes d'actions ? . . . . . . . . . 49

1.2.1 Positionnements politiques autour du codéveloppement . . . 49

1.2.2 Stratégies et évolutions du MAE . . . . . . . . . . . . . . . 51

2 Le FORIM : entre fédération et mobilisation 58

2.1 La création du Forim au croisement des stratégies des acteurs français 59

2.2 Une organisation maintenant institutionnalisée au niveau national . 61

2.3 Un processus de mobilisation à l'échelle locale . . . . . . . . . . . . 63

3 Les ONG et les réseaux d'OSIM : au c÷ur de la redé�nition du

codéveloppement ? 69

3.1 Le codéveloppement comme pratique de coopération . . . . . . . . 70

3.2 Des activités de plaidoyer : une dé�nition alternative du codévelop-

pement dans l'espace public ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75

3.3 La mise en réseau : un apport décisif à la ré�exion sur le codévelop-

pement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78

4 Les collectivités territoriales : ouverture et nouvelles opportu-

nités ? 80

2

Page 6: Les migrants dans le codéveloppement

4.1 Des expériences isolées construites à l'échelle locale . . . . . . . . . 81

4.2 Vers un investissement plus prononcé des collectivités territoriales ? 84

Conclusion 87

Bibliographie 91

Annexes 94

Annexe 1 : Sources mobilisées pour l'étude des acteurs . . . . . . . . . . 94

Annexe 2 : Perspectives sur la politique de coopération au développement

du nouveau gouvernement : le compte rendu du CICID . . . . . . . 99

3

Page 7: Les migrants dans le codéveloppement

Introduction

L'année 2013 constitue une étape importante dans les ré�exions internationales

portant sur la migration et le développement. L'Assemblée Générale des Nations

Unies va en e�et consacrer en octobre prochain un Dialogue de Haut Niveau sur

les migrations internationales et le développement. Un premier événement similaire

avait eu lieu avec le dialogue de Haut Niveau de 2006 et avait permis d'inscrire

à l'agenda de la coopération internationale cette thématique, en consacrant la

relation migration - développement comme un potentiel à encourager 1.

Cette nouvelle série de consultations, mise en place aux Nations Unies avec

les di�érents organismes nationaux et internationaux qui traitent de ces prob-

lématiques, ne fait que re�éter la reconnaissance croissante des liens complexes

qui unissent les phénomènes de migration et de développement, et ce à tous les

niveaux. D'autre part, l'Initiative Conjointe pour la Migration et le Développement

met l'accent sur le fait que cette reconnaissance va de paire avec une diversi�cation

des acteurs qui s'investissent dans des actions ou des politiques soutenant l'impact

des �ux migratoires sur le développement 2.

La prise en compte de ces liens n'est cependant pas la même selon les pays ou

les acteurs en présence. La compréhension et l'analyse que fait un pays des actions

des migrants sur son territoire varie en e�et en fonction de son exposition aux

phénomènes migratoires. Cependant même chez des pays particulièrement sensibles

à l'impact des migrations, comme par exemple le Mexique ou les Philippines, le

potentiel de la migration n'est pas perçu de la même façon par les acteurs au sein

d'un même État, selon qu'il s'agisse des gouvernements, des collectivités locales

ou des organisations de la société civile. Les actions et positions prises autour de

la question des migrations et du développement sont donc étroitement corrélées à

l'histoire et aux rapports entretenus par les di�érents acteurs d'une société vis à

1. Philip Martin, Susan Martin et Sarah Cross. � High Level Dialogue on Migration and

Development �. Dans : International Migration 45.1 (mar. 2007), p. 7 �25.2. Joint Migration and Development Initiative. Mapping Local Authorities Practices

in the area of Migration and Development : a territorial approach to local strategies, initiatives

and needs. 2013, p6.

4

Page 8: Les migrants dans le codéveloppement

vis des activités des migrants sur leur territoire 3.

Le but de ce mémoire est de s'interroger sur la façon dont se manifeste cette

compréhension des relations Migration et Développement dans l'espace français.

Présentation du thème du mémoire

L'analyse de la thématique Migration - Développement recouvre de multi-

ples perspectives compte tenu de la diversité d'acteurs et d'approches qui y sont

consacrées. En e�et, l'étude des relations entre ces deux phénomènes n'est pas

l'apanage d'une discipline en particulier. Au contraire, on se rend compte que

plusieurs branches des sciences humaines ont étendu leurs analyses et théories aux

impacts de la migration sur le développement. Cela amène donc à une première

complexité du traitement de cette thématique, les angles d'approches étant très

variés sur la question, et évoluant en même temps que les disciplines qui y sont liées.

Par exemple, l'étude des impacts des �ux migratoires par l'économie internationale

a mobilisé plusieurs théories au �l du temps (depuis des analyses néo-classiques

en passant à une approche structuraliste, pour privilégier aujourd'hui une analyse

plus systémique de la question 4).

D'autre part, la ré�exion autour des relations Migrations - Développement

est une question éminemment politique. La recherche se fait souvent en réaction

aux préoccupations des sociétés et gouvernements vis à vis des �ux migratoires

(en fonction de l'actualité ou de leur exposition particulière aux �ux migratoires).

L'analyse des questions de migration et de développement est donc intrinsèque-

ment liée à l'agenda des politiques publiques cherchant à exploiter ou prendre en

compte ces problématiques. Lorsque qu'on se penche sur les actions des migrants

il faut donc les considérer par rapport aux orientations politiques d'un pays : on

considérera notamment les politiques d'aide au développement d'un pays, de régu-

lation des �ux migratoires ou des questions d'intégration des migrants et de leurs

associations dans la société.

3. Thomas Lacroix. Migration, Développement, Codéveloppement : quels acteurs pour quels

discours. 2009.4. Hein de Haas. Migration and Development - A theoretical perspective. 2008.

5

Page 9: Les migrants dans le codéveloppement

Cette deuxième complexité (dans l'analyse des relations migrations - dévelop-

pement liées au pro�l des pays) est mise en évidence notamment dans le rapport

de synthèse de l'institut Panos qui analyse, à l'échelle européenne, les di�érences

d'approches de la recherche sur le sujet 5. La structuration de l'espace politique

et des acteurs qui traitent de cette thématique est donc essentielle pour rendre

compte de la politique d'un pays vis à vis des impacts de la migration sur le

développement.

Le concept de codéveloppement dans l'espace français

Lorsque l'on s'intéresse au contexte français, on constate rapidement que le

traitement de la relation migration - développement s'est établi depuis les années

1980 autour d'un concept spéci�que à l'espace francophone : le codéveloppement 6.

Au �l du temps, et selon les acteurs de l'espace français qui s'investissent,

cette notion de codéveloppement a recouvert plusieurs façons d'aborder la pro-

blématique Migration - Développement. Le chercheur Thomas Lacroix distingue

trois réalités di�érentes désignées à travers ce concept, qui nous serviront de base

à notre travail 7 :

� Le concept de codéveloppement peut d'abord servir à désigner l'ensemble

des pratiques spontanées des migrants (transferts individuels, collectifs, in-

vestissements productifs à destination du pays d'origine) et leurs impacts

sur les pays d'origine et d'accueil. Ces pratiques ont toujours eu lieu et sont

étudiées de longue date par les réseaux universitaires, donnant lieu à une

production scienti�que dense à ce sujet.

� Le codéveloppement désigne également l'ensemble des politiques liant déve-

loppement et contrôle des �ux. Cela regroupe notamment les actions mises en

÷uvre au niveau national et international pour gérer les déplacements des

5. Lacroix,Migration, Développement, Codéveloppement : quels acteurs pour quels discours,

op. cit., p18.6. On retrouve ce terme orthographié indi�éremment codéveloppement ou co-développement.

Nous privilégierons dans ce travail la première orthographe7. Lacroix,Migration, Développement, Codéveloppement : quels acteurs pour quels discours,

op. cit., p45.

6

Page 10: Les migrants dans le codéveloppement

migrants (recouvrant aussi bien leur circulation que leur inscription dans

le marché du travail ou leur intégration). Cette appréhension du codéve-

loppement par le contrôle des �ux migratoires correspond à un traitement

politique de la thématique très précis dans le temps en ce qui concerne l'es-

pace français. Émergente au début des années 1980, cette approche a atteint

son apogée sous le mandat du président Sarkozy lorsque le codéveloppement

était lié directement à des accords de gestion concertés avec les pays tiers

sur le contrôle des frontières et l'aide publique au développement.

� En�n, une troisième approche du codéveloppement désigne l'ensemble des

diverses politiques et actions destinées à soutenir les initiatives des migrants

en faveur du développement dans leur pays d'origine.

Cette distinction met en valeur la diversité des phénomènes que l'on peut

traiter en associant un simple pré�xe (co-) à la notion de développement. Selon

l'approche privilégiée, ce sont di�érentes modalités d'association des migrants qui

sont désignées. Cela amène à percevoir ou à leur attribuer des rôles di�érents dans

les relations de migration - développement. Par exemple, et en reprenant l'analyse

de M. Lacroix, la première approche perçoit les migrants comme une population

autonome évoluant et ayant un impact sur les territoires ou les économies. La

seconde considère davantage les migrants comme la cible de dispositifs d'action

publique (des individus en déplacement à contrôler) quand la troisième privilégie

davantage une approche par les partenariats et les modes d'association des mi-

grants.

Ces approches sont mobilisées di�éremment dans l'espace français en fonction

des acteurs qui traitent de ces problématiques. Or si le codéveloppement a été,

jusqu'au début des années 2000, une question essentiellement abordée par les or-

ganismes gouvernementaux (et bien documentée à travers les écrits scienti�ques),

on assiste depuis une décennie à une multiplication des acteurs qui se positionnent

sur cette thématique. Ces derniers, par leurs actions et leurs discours, prennent

des initiatives visant à mettre en valeur les activités des migrants ou incitent à

repenser les liens unissant migration ou développement. Il s'agit d'acteurs comme

des organisations de solidarité internationale, des associations de migrants, des

collectivités locales ou régionales, ou encore des organismes du secteur privé.

7

Page 11: Les migrants dans le codéveloppement

Or ces di�érents acteurs ont des pratiques, des obligations et des logiques

d'actions distinctes. Leur agenda et leurs préoccupations orientent la façon dont

ils vont aborder et traiter la question du rôle des migrants dans le développement.

On peut alors supposer que cette multiplication des acteurs, des initiatives et des

échanges autour du potentiel des migrants dans leur société d'origine et d'accueil

s'accompagne d'une évolution de la façon dont l'on appréhende le codéveloppement

dans l'espace français.

Mise en problématique

Depuis le début des années 2000, seules certaines études (principalement menées

par les chercheurs du Migrinter) ont étudié en détail les modes d'actions de

certains de ces nouveaux acteurs. Les principales contributions à ce sujet sont no-

tamment celles de Thomas Lacroix 8 et Patrick Gonin 9 sur le rôle des associations

dans l'espace français, et celle de l'Université de Genève 10 sur le rôle de la di-

aspora sénégalaise. Dans un même temps, les publications et les actions menées

dans l'espace public autour du codéveloppement se multiplient (colloques, événe-

ments, manifestations. . .), introduisant avec elles autant de nouveaux discours et

de nouveaux traitements politiques de la relation migration - développement.

L'enjeu de ce mémoire est donc de croiser les recherches et études de cas

disponibles avec les publications et les prises de paroles des di�érents acteurs qui

font aujourd'hui du codéveloppement. Il s'agit d'identi�er comment la compréhen-

sion de la relation migration-développement se manifeste dans l'espace français, et

quels enjeux sont associés au rôle des migrations dans le développement.

On cherchera donc à établir à travers ce mémoire comment sont pensés en-

semble d'une part les pratiques et les discours des di�érents acteurs de l'espace

8. Thomas Lacroix. Les résaux marocains du développement : Géographie du Transnational

et Politiques du Territorial. Les Presses de Sciences Po, 2005.9. Mohamed Charef et Patrick Gonin. � Place et rôle des Émigrés / Immigrés dans le

développement local �. Dans : Emigrés - immigrés dans le développement local. Sous la dir. de

Mohamed Charef et Patrick Gonin. Agadir : Editions Sud-Contact, 2005.10. JennyMaggi et al.Migrations transnationales sénégalaises, intégration et développement :

Le rôle des associations de la diaspora à Milan, Paris et Génève. 15. Université de Genève -

Faculté des Sciences Économiques et Sociales - Département de Sociologie, 2013.

8

Page 12: Les migrants dans le codéveloppement

français vis à vis des migrants, et d'autre part les relations entre migration et

développement.

À travers cette problématique, ce mémoire vise à dresser un état des lieux de

la façon dont le concept de codéveloppement (ou plutôt la thématique migration

- développement) est déclinée en France, à travers un panorama des di�érents

acteurs qui développent des activités avec ou à destination des migrants.

Nous essaierons donc, à travers ce mémoire, de dé�nir ce concept de � codé-

veloppement � à partir des discours et des activités de di�érents types d'acteurs

de la coopération française. A�n de pouvoir situer plus précisément leurs posi-

tions vis à vis de la relation migration - développement, nous nous e�orcerons de

mettre en regard ces pratiques et discours, avec les connaissances académiques et

les recherches développées à l'échelle internationale sur la thématique. Nous insis-

terons particulièrement sur la dimension politique liée aux approches des questions

de migration et de développement au regard des enjeux qu'elles abordent.

L'hypothèse de départ de ce mémoire est qu'avec la multiplication des acteurs

qui travaillent et interagissent avec les populations migrantes françaises, il est

donné un rôle plus important et valorisant à ces populations dans les processus de

migration et de développement.

Méthodologie et terrain d'enquête

A�n de mener à bien ce mémoire, nous avons mobilisé d'une part les recherches

et rapports disponibles traitant de la relation migration - développement de façon

générale, et d'autre part les analyses consacrées aux politiques françaises de codé-

veloppement jusque dans les années 2000. La production académique étant su�-

samment dense sur le sujet, cela permettra de mettre en perspective les discours

et les activités des acteurs étudiés par rapport à l'état de la connaissance des sci-

ences humaines sur cette thématique. On mobilisera indi�éremment les recherches

académiques et les rapports d'organismes internationaux (comme l'Organisations

Internationales des Migrations, la Banque Mondiale ou le Programme des Na-

tions Unies pour le Développement) à ce sujet. Les recherches et analyses sur

les politiques françaises de codéveloppement permettront quant à elles de mettre

9

Page 13: Les migrants dans le codéveloppement

en perspective les positionnements des di�érents acteurs étudiés dans la société

française.

Pour étudier les acteurs qui traitent aujourd'hui de migration et de développe-

ment, les sources d'études mobilisées se concentrent sur les publications disponibles

et les études de cas existantes liées à leurs activités. Ce mémoire vise à donner

un aperçu général des discours sur la migration et le développement en France.

Nous nous concentrons donc sur les initiatives et les acteurs ayant le plus de

visibilité dans l'espace public français. Ces di�érentes sources (outre les études

de cas académiques et rapports d'enquête portant sur ces acteurs) sont assez di-

verses. Elles rassemblent des plaquettes de présentation, des rapports et évaluations

présentés par des associations ou des collectivités locales, des prises de positions

publiques, des comptes rendus ou des publications détaillant les activités pour-

suivies. Quand cela a été possible, nous avons également assisté sur le terrain à

des réunions des acteurs étudiés au cours d'événements ou de séminaires où ils font

valoir leurs positions.

Cette démarche possède ses limites. En e�et, en se concentrant sur le posi-

tionnement et les discours publics des acteurs étudiés, on s'éloigne en partie des

activités qu'ils mettent en place. Par exemple : malgré les positions publiques et le

soutien o�ciel du CCFD-Terre Solidaire 11, cela ne permet pas d'analyser dans le

détail les activités et leurs relations avec les migrants. Nous nous e�orcerons cepen-

dant d'analyser son action à travers la documentation disponible. Par ailleurs, une

part importante des activités qui relèvent de la migration et du développement

prennent place au niveau local : elles ne sont pas forcément associées à des prises

de parole dans l'espace public sur les action et les approches des associations sur

les liens migration - développement.

Cela tient particulièrement au fait que ce qu'on appelle codéveloppement est un

discours a posteriori porté sur les actions des migrants ou avec leurs associations,

ou sur les politiques les ciblant 12. Nous contournerons en partie cette di�culté en

sollicitant les études de terrain disponibles, et en mettant l'accent sur les ONG et

11. Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement12. Lacroix,Migration, Développement, Codéveloppement : quels acteurs pour quels discours,

op. cit., p30.

10

Page 14: Les migrants dans le codéveloppement

fédérations d'associations de migrants qui sont en contact et travaillent avec les

migrants.

Cela nous a amené cependant à laisser hors de notre analyse certains acteurs :

de nombreux organismes du secteur privé (entreprises, fondations) développent

e�ectivement des partenariats et des projets de développement avec les migrants.

Cependant l'accès aux sources d'information à ce sujet est particulièrement di�-

cile, et il a donc été choisi de les laisser de coté. Les Organisations de Solidarité

Internationale issues de la Migration (OSIM) quant à elles, compte tenu de leur

nombre, de leur diversité et de leur di�culté d'accès seront principalement ap-

préhendées à travers les réseaux d'associations de solidarité internationale et les

chercheurs qui interagissent avec elles.

Cela nous a amené à considérer les acteurs suivants :

Les organismes o�ciels liés au gouvernement français : on mobilisera alors

les publications des di�érents ministères et institutions françaises, ainsi que

de l'Agence Française de Développement (AFD) en charge de la mise en place

de la politique d'Aide Publique au Développement (APD) de la France ;

Les autorités locales et régionales : compte tenu de leur nombre, on com-

plétera leurs publications o�cielles, avec les études qui leur sont consacrées

et les rapports sur les activités qu'elles mènent en matière de coopération et

d'intégration ;

Les organisations de la société civile comprenant

� L'organisation particulière du FORIM (Forum des OSIM) qui est une par-

ticularité de l'espace français ;

� Les Organisations de Solidarité Internationale (OSI) particulièrement ac-

tives et visibles dans l'espace français auprès des migrants (les capacités

de ces ONG leur permettant d'avoir un poids considérable dans l'espace

public) ;

� Les fédérations et les réseaux d'OSIM, ainsi que les OSI agissant en soutien

des initiatives des migrants et de leurs associations.

Pour chacun des acteurs étudiés, ce mémoire s'e�orce de dégager les grandes

tendances en termes de positionnements et de discours qui sont à l'÷uvre, vis à vis

11

Page 15: Les migrants dans le codéveloppement

des thématiques de migration et développement, et de les mettre en perspective

par rapport à l'état de la connaissance sur le sujet

Cette analyse nous permet donc de montrer premièrement la diversité des

approches liées à la migration et au développement. Les discours sur le codévelop-

pement dans l'espace français ont cependant longtemps été caractérisés par une

lecture restreinte de cette thématique, liée au contrôle des �ux migratoires (Partie

I). Depuis les années 2000, on assiste cependant à une diversi�cation des discours

portés sur le rôle des migrants dans les questions de coopération au développement,

à travers les actions et les discours d'acteurs comme le FORIM, les organisations

non-gouvernementales, les réseaux d'OSIM et les collectivités territoriales (Partie

II). Si les positions de ces acteurs permettent de faire évoluer la compréhension

des relations entre migrations et développement dans l'espace français, ces discours

restent cependant fortement liées aux pratiques et aux stratégies de ces mêmes ac-

teurs, en matière de coopération au développement.

12

Page 16: Les migrants dans le codéveloppement

Première partie

La mise en politique de la relation

Migration - Développement

Cette première partie vise à présenter les enjeux qui se posent en matière de mi-

gration et de développement en insistant sur la dimension politique du traitement

qui en est fait.

À travers l'analyse et la lecture du rôle des migrants dans les processus de

développement des pays, ce sont des choix de politiques publique des États qui

se font jour. La première section de cette partie présente les di�érentes approches

théoriques de la relation migration - développement à une échelle internationale.

Cette partie nous permettra d'identi�er les questions et des débats liés à l'aide au

développement ou aux problématiques d'intégration qui apparaissent à travers l'é-

tude des populations migrantes. Cela permettra d'analyser, lorsque nous étudierons

les positions des acteurs de la coopération française, d'analyser les positions qu'ils

adoptent au regard de ces grandes problématiques de la migration et du dévelop-

pement, et d'en souligner les spéci�cités.

La seconde section reviendra sur la déclinaison française des questions de mi-

gration et de développement à travers le concept de codéveloppement. Cette présen-

tation historique permettra d'une part d'illustrer la façon dont cette thématique

se lie aux problématiques nationales d'une société, et d'autre part comment ces

approches se sont traduites en politiques dans l'espace français. Cette partie per-

mettra ainsi de mettre en valeur comment cette mise en politique a structuré le

champs des acteurs agissant aux cotés des migrants jusque dans les années 1990.

Cette compréhension est essentielle pour analyser les positions qu'ont adoptées ces

dernières années les acteurs étudiés en deuxième partie de ce mémoire.

Cet état des lieux des connaissances liées au codéveloppement vise à mettre

en valeur d'une part le caractère évolutif et changeant des façons d'aborder le rôle

des migrants dans les questions de migration et développement. D'autre part, elle

13

Page 17: Les migrants dans le codéveloppement

illustre l'intrication de ces recherches et questionnements avec les problématiques

d'une société, telles que les politiques migratoires ou d'aide publique au dévelop-

pement (APD).

Le cas français permet ainsi de montrer que si l'étude des relations migrations

- développement semble accorder un intérêt de plus en plus prononcé au rôle des

migrants dans le développement local, la compréhension française reste jusqu'au

début des années 1990 dominée par les enjeux de contrôle des �ux migratoires.

1 Les recherches sur la migration et le développe-

ment : vers un plus grand intérêt accordé aux

migrants

Cette première partie va nous permettre d'exposer et de mettre en perspective

les di�érents types d'analyses sur les relations entre les migrations et le dévelop-

pement.

Lorsque l'on fait le bilan des recherches sur la migration et le développement, on

constate que l'appréhension de ces phénomènes par l'économie reste prédominante.

En e�et, même si l'analyse des migrations fait l'objet d'études par di�érentes disci-

plines (géographie, sociologie, anthropologie), ce sont les paradigmes de développe-

ment et les théories économiques qui semblent le plus in�uencer la compréhension

des liens migrations - développement. Nous verrons donc que jusqu'au début des

années 1990, les migrations sont ainsi marquées par l'optimisme allant avec les

théories de la modernisation, puis le pessimisme accompagnant les lectures struc-

turalistes des théories de la dépendance (dependency theory). Les analyses évoluent

ensuite vers une vision plus complexe des migrations, mais l'explication de la rela-

tion migration-développement aux travers des analyses néo-classiques marqueront

durablement la façon d'analyser le rôle et les comportements des migrants.

Dans un deuxième temps, nous analyserons les paradigmes dominants d'au-

jourd'hui visant à expliquer et soutenir le potentiel que représentent les migrants

dans les questions de développement, en soulignant toutefois leurs limites

14

Page 18: Les migrants dans le codéveloppement

1.1 Recon�guration des analyses Migration et Développe-

ment

1.1.1 Les migrations dans le développement au �l des analyses opti-

mistes et pessimistes du développement

Dans un premier temps, l'analyse qui est faite des migrations s'inscrit dans la

lignée de la théorie de la modernisation de Rostow 13. Ce paradigme dominant

au moment de l'après-guerre appréhende les États comme des entités distinctes,

dont le degré de développement est lié au décollage et à la maturité de son marché.

Dans cette perspective libérale, les �ux de migrants à l'échelle internationale sont

appréhendés comme des déplacements de la main d'÷uvre répondant aux règles

d'un marché international du travail : les migrations sont donc essentiellement

analysées comme des transferts de capital humain à travers les frontières depuis

les économies nationales ne permettant un bon équilibre entre l'o�re et la demande

vers des marchés plus matures assurant une o�re de travail.

Dans ce contexte, les déplacements des migrants sont analysés comme un prob-

lème marginal et une conséquence du sous-développement 14. Dans une perspective

fonctionnelle où les individus font des arbitrages micro-économiques rationnels, les

migrants se déplacent pour suivre les changements de la structure de l'économie et

du marché (des campagnes vers les villes, ou vers les économies plus développées)

et maximiser ainsi leur utilité. Cette analyse des modèles de développement linéaire

et anhistorique des pays a été accompagnée de modèles d'analyse comme celui de

Zelinsky où la migration constitue une mobilité de transition accompagnant les dif-

férentes phases de développement d'un pays 15. Un État passe donc par di�érentes

phases d'émigration de sa main d'÷uvre avant de devenir un importateur net de

travailleurs. Les migrants deviennent alors un facteur de développement pour le

13. Alessandro Monsutti. � Migration et développement : une histoire de brouilles et de

retrouvailles �. Dans : Annuaire Suisse de politique de développement 27.2 (2008), p28.14. Alejandro Portes. � Migration and Development : A Conceptual Review of the Evi-

dence. � Dans :Migration and Development - Perspectives from the South. Sous la dir. de Stephen

Castles et Raul Delgado Wise. 2007, p. 17�42, p37.15. Jérôme Audran. � Gestion des �ux migratoires : ré�exions sur la politique française de

codéveloppement �. Dans : Annuaire Suisse de politique de développement 27.2 (2008), p108.

15

Page 19: Les migrants dans le codéveloppement

pays, puisque leur trajectoire les amènent à revenir au pays avec des compétences

et des capitaux béné�ciant au décollage de l'économie en question.

Dans un deuxième temps, les courants de la théorie de la dépendance vont

prendre le relais dans l'analyse du rôle des migrations dans le développement d'un

pays, s'accompagnant d'un scepticisme grandissant à leur encontre.

Les �ux de migrants sont alors vus comme un pillage des économies en dé-

veloppement par les économies industrialisées récupérant les capitaux et la main

d'÷uvre des pays. Cette spoliation des capitaux des pays à la périphérie les em-

pêchent alors de prendre en main leur développement, au pro�t des pays au centre

de la mondialisation. Cette analyse dépendantistes voit le jour à la �n des années

1960, au moment où les pays européens et les États-Unis attirent la main d'÷uvre

quali�ée comme non-quali�ée pour venir au renfort de leur économie. Ces théories

s'accompagnent d'expériences démontrant que la migration ne tend pas à béné-

�cier aux pays d'origine, les mouvements des migrants se rapprochant davantage

d'une fuite face à la misère 16. Ces théories vont durablement in�uencer les ré�ex-

ions sur le brain drain ou la fuite des cerveaux. La migration prend alors un pro�l

d'accentuation des déséquilibres à travers des cycles de migrations renforçant les

économies développées aux dépends des pays d'émigration (ces analyses font écho

à la cumulative causation theory du suédois Gunnar Myrdal qui met l'accent sur

les conséquences qu'a le développement d'un pays sur celui de pays tiers).

Le rôle des migrants dans le développement des pays passe alors au second

plan pendant une longue période. Les politiques des pays visant à réduire les �ux

migratoires en réaction à la crise économique font perdre de vue la contribution

des migrants à l'économie, celle-ci se limitant principalement aux politiques et

expériences d'aide au retour.

Ces deux analyses, qui ont dominé l'après-guerre jusque dans les années 1990,

présentent toutes deux une lecture de la relation migration-développement liée à la

croissance et au développement linéaire des pays. Dans cette perspective, les choix

des migrants sont vus comme des arbitrages isolés entre les facteurs d'un pays

les poussant à émigrer (facteur push) ou à immigrer dans un autre (facteur pull).

16. de Haas, Migration and Development - A theoretical perspective, op. cit., p25.

16

Page 20: Les migrants dans le codéveloppement

Cette vision des migrants comme des acteurs isolés autour d'un schéma push-pull

n'aide pas vraiment à comprendre la complexité des choix liés à la migration et

revient à mettre face à face des facteurs décrivant la situation macro-économique

d'un pays par rapport à un autre 17

L'analyse des relations migration - développement suit jusqu'ici les théories en

vigueur sur le développement économique des pays.

1.1.2 Vers une vision plurielle des circuits migratoires

À partir des années 1990, les analyses des impacts des migrations sur le déve-

loppement vont évoluer sensiblement. La multiplication des études sur les migrants

et les diasporas vont amener à développer une compréhension plus �ne des proces-

sus migratoires, et donc de leur in�uence sur le développement des pays. Cela va

également amener les théories économiques à évoluer et complexi�er leurs modèles

d'analyse.

La diversi�cation des approches doit en grande partie aux analyses de la so-

ciologie qui imposent les chaînes de migrations dans l'analyse des phénomènes

migratoires. Une meilleure compréhension des choix des migrants requiert ainsi

de se pencher à la fois sur les réseaux de migrations par lesquels transitent les

migrants et sur les contextes propres qui conditionnent le choix et les modalités

de la migration.

Des analyses en réseaux et en capitaux

Analyser les réseaux de migrants permet de dépasser la vision des parcours de

migration comme un arbitrage menant d'une économie fermée A à une économie

fermée B. Les réseaux sociaux que peuvent mobiliser des migrants à travers leur

communauté ou leurs relations permettent ainsi d'accéder à d'avantages d'infor-

mations et de facilités permettant de circuler d'un territoire à l'autre et d'intégrer

une société ou un marché du travail. Cela rentre en compte dans les stratégies mi-

gratoires. En mettant en évidence les stratégies et choix des migrants, on dépasse

alors une analyse de type push - pull pour s'intéresser à la migration comme un

processus, souvent en plusieurs étapes, comportant des allers, des retours et des

17. Ibid., p. 14.

17

Page 21: Les migrants dans le codéveloppement

migrations circulaires. À travers l'étude des parcours de migrants, c'est la diversité

des pro�ls des migrants qui est mise en évidence. Cela amène à voir dans la mo-

bilité des individus autre chose qu'un déplacement de main d'÷uvre, et de mettre

à jour les liens unissant deux territoires.

La compréhension des ces liens passe notamment par des analyses mettant l'ac-

cent sur les di�érents capitaux des migrants : en dehors de leur force de travail et

de leur productivité, les migrations ont aussi une dimension sociale et politique qui

rentre en compte pour comprendre les activités des migrants et les liens qui sub-

sistent entre les territoires d'émigration et d'immigration. On met alors en valeur

que la migration n'est pas simplement qu'un déplacement de main d'÷uvre à la

recherche de travail. À travers ces réseaux, on observe e�ectivement la mobilité

de capitaux �nanciers qui transitent en même temps ou après la migration des

individus. Ces derniers ont une in�uence, à travers les remises et transferts des mi-

grants, à la fois sur le territoire d'immigration et sur la communauté d'origine. Les

�ux �nanciers ne sont pas les seuls capitaux des migrants qui circulent. Avec eux,

transitent également des connaissances (l'éducation permise par les envois de fonds

ou la formation à l'étranger), des représentations (des modèles de vie, des aspira-

tions politiques par exemple), ou des rôles dans une communauté (par exemple sur

la division des tâches au sein d'une famille) 18. La mobilité est alors vue comme un

processus qui enrichit les migrants (en leur donnant de nouvelles compétences et

attitudes), mais a également une in�uence sur les évolutions socio-économiques des

pays de départ : les pratiques des communautés d'origine changent, leurs activités

économiques également ainsi que leurs structures d'organisation sociale.

Les migrations comme stratégies collectives localisées

Ces analyses amènent alors à analyser les contextes propres à la migration, en

établissant le pro�l des migrants et de leurs communautés à travers les contraintes

structurelles qui les amènent à émigrer : La migration dépasse alors l'individualisme

méthodologique qui était à la base des premières analyses économiques. Les activ-

ités des migrants se comprennent en tant que stratégies collectives : les décisions

18. Denise Efionayi-Mäder, Gérard Perroulaz et Catherine Schümperli-Younossian.

� Migration et développement : les enjeux d'une relation controversée �. Dans : Annuaire Suisse

de politique de développement 27.2 (2008), p14.

18

Page 22: Les migrants dans le codéveloppement

prises sont donc in�uencées par les communautés dans lesquelles les communautés

sont insérées. La migration se propose alors comme une stratégie à l'échelle du

ménage pour dépasser les contraintes locales : un membre du ménage migre par

exemple pour obtenir un revenu ou un capital qui permettra au reste du ménage

de conduire d'autres activités économiques.

Cette analyse plus �ne des migrations amène les analystes économiques à revoir

leurs modèles et à les faire évoluer a�n de couvrir cette complexité des stratégies mi-

gratoires. Un exemple de cette évolution est le courant de l'économie connu comme

la Nouvelle Économie des Migrations du Travail (New Economics of Labour Mi-

gration). Cette approche élargit notamment l'analyse des décisions des migrants

aux facteurs structurels d'une société : le marché du travail et les opportunités

d'emplois sont donc complétés par la prise en compte de facteurs comme les pos-

sibilités de communication, la mobilité des capitaux (via la structure du marché

bancaire ou les technologies accessibles pour faire transiter des revenus) ou les tra-

ditions et rapports familiaux. Cette compréhension élargie s'explique en économie

par les � stratégie de mode de vie � (en anglais : livelihood strategies) qui pren-

nent en compte les choix et les opportunités au niveau local. La migration devient

alors, à l'échelle du ménage, une possibilité de diversi�er les revenus et les activ-

ités économiques assurant sa subsistance, ou permet d'o�rir des garanties ou des

formes d'assurance pour les personnes du ménage ne migrant pas.

Ces choix à l'échelle local se complètent également par les représentations

qu'ont des individus de modèles et attitudes de vie. Une application de ce type

de choix s'illustre dans les analyses en termes de relative deprivation (privation

relative) : les choix des migrants ne se comprennent pas seulement à travers une

analyse coût-avantage du déplacement, mais aussi par rapport aux modèles et aux

conditions de vie des autres membres de la communauté qu'ils peuvent observer.

Les di�érences et inégalités de mode de vie, au sein même d'une communauté

peuvent alors pousser les individus à entreprendre des processus migratoires 19.

L'analyse de ces contextes locaux permet ainsi d'avoir une compréhension plus

�ne de ce qui amène, non pas des individus, mais des groupes d'individus à se lancer

19. Portes, � Migration and Development : A Conceptual Review of the Evidence. �, op. cit.,

p21.

19

Page 23: Les migrants dans le codéveloppement

dans des expériences de migration et à s'engager dans des parcours qui dépassent

le simple dépassement d'imperfections de marché.

Les objets d'études en migration et développement vont à partir de cette péri-

ode s'orienter vers la compréhension de l'in�uence des diasporas sur les commu-

nautés d'origine 20. La question qui se pose est alors sur les circuits migratoires

peuvent servir de levier au développement économique d'une région. Hors la plu-

part des recherches e�ectuées n'arrivent pas à établir de relation systématique en-

tre la migration et le développement des régions d'origine. L'ensemble des analyses

menées mettent notamment l'accent sur le fait que les contextes de la migration et

la façon dont s'organisent les réseaux in�uencent en grande partie les circulations

d'hommes et de capitaux prenant place dans un pays, mais avec des impacts très

di�érents d'une région à l'autre 21.

L'ensemble de ces analyses plus poussées sur le rôle des migrants amène pro-

gressivement à repenser les relations entre migration et développement, et à con-

sidérer les migrants comme des agents transnationaux du développement 22. La dé-

couverte du potentiel des migrants amène ainsi à mettre leurs activités au c÷ur de

beaucoup d'analyses tentant de comprendre et conceptualiser les liens entre le dé-

veloppement d'un territoire et la migration, ou l'in�uence des �ux migratoires sur

l'économie d'un pays. Selon plusieurs auteurs se penchant sur la question (notam-

ment Thomas Faist et Ernst de Haas), cette vision des migrants comme acteurs

transnationaux du développement constitue aujourd'hui le paradigme dominant

des études sur la relation migration - développement.

20. On peut lire par exemple cette analyse de Jean Schmitz qui montre comment la société

mauritanienne se recon�gure par rapport aux possibilités et choix de migration. Jean Schmitz.

� Migrants ouest-africains : miséreux, aventuriers ou notables ? � Dans : Politique africaine 109

(2008).21. On peut prendre l'exemple de cette perspective comparée des réseaux de migration en Asie

et en Afrique Sandra Palméro et René Teboulb. � Migrations & développement en Asie de

l'Est et sur le bassin méditerranéen �. Dans : Géographie, économie, société 6.1 (2004), p. 43�66.22. Thomas Faist. � Migrants as transnational developement agents : an inquiry into the

newest round of the migration and development nexus �. Dans : Population, Space and Place

14.1 (jan. 2008), p. 21�42.

20

Page 24: Les migrants dans le codéveloppement

1.2 Les migrants comme agents transnationaux du déve-

loppement : l'optimisme associé aux transferts et aux

réseaux de la diaspora

La multiplication des études qui s'intéresse aux activités transnationales des

migrants s'accompagne d'un optimisme renouvelé pour les liens entre migration et

développement. Cet enthousiasme est essentiellement lié à la prise en compte des

transferts �nanciers qui ont lieu entre les territoires d'émigration et d'immigra-

tion, dont les montants dépassent de loin ceux de l'Aide Publique au Développe-

ment 23.Cet intérêt pour les facteurs amenant les migrants à se constituer comme

agents de développement amène par ailleurs de plus en plus de rapports à insister

sur le rôle des associations de migrants et de la diaspora.

1.2.1 Les remises des migrants : au c÷ur des ré�exions sur le dévelop-

pement

Une majorité des recherches poursuivies aujourd'hui se focalise notamment sur

l'analyse des transferts �nanciers des migrants et leur in�uence sur le développe-

ment des pays d'origine. Cette ré�exion, motivée par la taille des communautés à

l'étranger et le volume des remises envoyées, amène de nombreux auteurs à réviser

les modèles économiques mobilisés dans l'étude du développement. Ce rôle cen-

tral associé aux transferts des migrants leur attribut ainsi une capacité à résorber

les di�cultés �nancières des économies en développement et à apporter aux so-

ciétés les ressources nécessaires pour un développement de long terme 24. Au �l

des rapports de di�érents institut de recherches et organisations internationales, la

question des transferts �nanciers des migrants semble devenir une nouvelle mantra

du développement 25.

23. Manolo Abella et Je�rey Ducanes. � Is Transnationalism a New Paradigm for Devel-

opment ? � Dans : Migration and Development - Perspectives from the South. Sous la dir. de

Stephen Castles et Raul Delgado Wise. 2007, p. 65�78, p. 82.24. Portes, � Migration and Development : A Conceptual Review of the Evidence. �, op. cit.,

p37.25. Cette expression a été popularisée par Devesh Kapur en 2004 dans son essaiRemittances :

The New Development Mantra ?' (Arjan de Haan. Migration in the development studies litter-

21

Page 25: Les migrants dans le codéveloppement

Faciliter la mobilité des transferts

Au centre du potentiel attribué aux transferts des migrants est la question

d'un e�et multiplicateur de ces �ux de capitaux sur l'économie locale étudiée. Le

secteur �nancier donnant dans de nombreux pays un faible accès au crédit ou

aux capitaux, les transferts sont alors appréhendés comme une solution possible

aux imperfections du marché, à travers les pratiques individuelles des migrants. Les

études enthousiastes butent cependant sur le caractère fragmenté de ces transferts.

Si le montant accumulé des remises des migrants est impressionnant, il consiste

en grande partie de transferts de faibles montant consacrés pour 80% d'entre eux

à la consommation des ménages 26. Les recherches statistiques qui portent sur la

question se multiplient cependant dans les di�érentes régions du monde. Sous l'im-

pulsion d'organismes comme la Banque Mondiale ou l'IFAD, les résultats agrégés

des transferts commencent à être bien documentés Les États prennent également

conscience de ces montants et des potentiels qu'ils représentent dans leurs relations

avec les pays du Sud.

La ré�exion s'engage alors à partir de ces transferts �nanciers sur di�érentes

thématiques. Un premier axe des recherches consiste à la ré�exion sur la facilita-

tion des transferts. En e�et, bien des migrants sont faiblement bancarisés et les

coûts de transaction entre les territoires force la plupart des transferts à transiter

par des voies informelles, ou restreignent les sommes transférées à cause de la com-

mission des transferts. Depuis 2005, ont ainsi lieux des global forum on remittances

consacrés aux échanges et solutions des di�érents acteurs étatiques et bancaires

internationaux visant à faciliter et encourager les transferts des migrants vers des

voies formelles. L'enjeu est ici d'encourager le volume des transactions pour décu-

pler les e�ets multiplicateurs des transferts des migrants.

Cela nous amène à un deuxième axe d'étude consacré à la captation de ces

transferts pour en faire un levier au développement des pays receveurs. En e�et, la

consommation directe des transferts ne rentre pas dans les cadres de compréhen-

sion du développement comme investissements productifs permettant le décollage

ature : has it come out of its marginality. 19. 2006, p8)26. Philippe Wanner. � L'apport des migrants au développement : une perspective

économique �. Dans : Annuaire Suisse de politique de développement 27.2 (2008), p127.

22

Page 26: Les migrants dans le codéveloppement

de l'économie. Les questions se posent alors sur les modalités permettant d'orienter

ces transferts vers des secteurs propices à la croissance d'un pays. L'exemple du

programme du Mexique � tres por uno � a particulièrement alimenté l'enthousi-

asme pour ces recherches. En e�et, les structures bancaires et les gouvernements

des USA et du Mexique se sont accordés pour que chaque dollars investis dans

un programme ou un secteur valorisé soit complétés par un investissement égal de

chacun des pays.

Faciliter la mobilité de la main d'÷uvre

Les e�orts dans la matière restent cependant limités, car les études n'ont

pas réussi à prouver de l'existence de mécanismes automatiques par lesquels les

remises des migrants permettent de sortir de la pauvreté. Cela a cependant inciter

les études à se pencher plus profondément sur les relations qui existent entre la

migration et le développement des pays d'origine. Parmi les objets d'études, on

trouve donc des ré�exions sur l'impact des migrations sur la capacité de choix

des migrants. Cette approche en économie du développement est populaire depuis

plusieurs années et s'inscrit dans la ré�exion sur les capacités initiée par Ana-

martya Sen. En favorisant la mobilité des individus, la migration permettrait alors

l'augmentation des possibilités de choix des migrants, notamment pour augmenter

leur accès à certains biens ou stratégies économiques. La migration est donc vu

comme un facteur possible de réduction des inégalités entre les territoires, donnant

la possibilité, via la circulation, de diversi�er ces choix de vie. Les analyses con-

sacrées à ces questions mettent cependant en cause des questions d'équité, l'accès

à la migration parmi les populations des pays pauvres étant fortement inégal 27.

Un autre groupe d'étude se penche les questions de circulation de la main

d'÷uvre. Les abondantes analyses sur la question cherchent en e�et des corrélations

entre les vagues d'émigrations d'un pays et les processus de développement. La

théorie du migration hump (� les bosses de migrations �) propose ainsi des schémas

où la migration d'une frange de la population permet le développement et enclenche

en retour d'autres groupes de la société à émigrer. Les conclusions sont qu'à long

27. Denis Requier-Desjardin. � Migration, transfert de migrants et équité : quels enseigne-

ments de la littérature ? � Dans : Actes du Colloque association Charles Gide, Toulouse. Juin

2011.

23

Page 27: Les migrants dans le codéveloppement

terme, faciliter la migration peut e�ectivement permettre le développement d'un

pays, mais qu'à court et moyen termes, elle accélère les processus de migration 28.

Ces relations restent cependant fortement dépendantes des contextes des pays 29

Ces recherches amènent un nombre considérable de ré�exion sur la question de

la mobilité de la main d'÷uvre et la circulation des cerveaux. Elles se traduisent

en politiques permettant de tirer au mieux parti de la mobilité de la main d'÷uvre

pour permettre le réinvestissement des compétences et revenus dans le pays d'orig-

ine. Au centre de ces recherches �gurent les migrations circulaires des travailleurs

peu quali�és, et celles de l'exportation des cerveaux 30. L'analyse des circuits migra-

toires sur la question des travailleurs quali�és amène à de nombreuses conclusions

sur la gestion du marché du travail en lien avec la mobilité des étrangers. Cela

a participé notamment à faire dépasser les discours de brain drain (� fuite des

cerveaux �) pour parler de brain gain : autrement dit, la façon de faciliter la mi-

gration pour que la formation des migrants au sud béné�cie aux pays d'émigration.

Ces di�érentes analyses consacrées à la mobilité des travailleurs mettent en

leur centre les réseaux de diaspora. En e�et, à travers les communautés de con-

naissance qui se forment autour de la migration, on attribue à ces réseaux la

capacité d'orienter une mobilité des capitaux qui ne se limite pas aux transferts �-

nanciers et pro�tent au développement des communautés d'origine. Ces recherches

se traduisent en recommandations pour encourager et accompagner la création de

réseaux diasporiques 31. Le moteur du développement au départ associé aux re-

mittances passe ainsi (en raison de la di�culté de les capter) aux communautés

de migrants dont l'action est vue comme s'inscrivant dans des stratégies de long

terme, et reposant sur des structures sociales solidaires se traduisant en gain pour

les régions d'origine. On parle ainsi de social remittances qui sont caractérisées par

28. Jean-PierreGarson. � Migrations et développement : avantages partagés ? � Dans : Revue

d'économie du développement 21.2 (2007), p. 215�220, p218.29. Monsutti, � Migration et développement : une histoire de brouilles et de retrouvailles �,

op. cit., p33.30. voir notamment Robert Lucas. � Migrations internationales dans les pays à haut revenu :

quelles conséquences pour le développement économique dans les pays d'origine �. Dans : Revue

d'économie du développement 19.4 (2005), p. 123�171, p160.31. Abella et Ducanes, � Is Transnationalism a New Paradigm for Development ? �, op. cit.,

p70.

24

Page 28: Les migrants dans le codéveloppement

le pro�l transnational des migrants 32.

1.2.2 Intérêt et limites des nouvelles approches

Si l'ensemble de ces nouvelles thématiques de recherche renouvellent l'approche

des migrants, leur traduction en politiques reste cependant au c÷ur des interroga-

tions de bien des chercheurs. Ces analyses sur le pro�l transnational des migrants

vient au départ de la sociologie qui s'intéresse aux dynamiques de mobilisation de

la diaspora et à ses relations avec les communautés d'origine. La traduction de

l'étude de ces communautés transnationales en potentiel de développement pose

cependant des limites.

Un premier élément relevé par les chercheurs concerne l'optimisme associé à la

circulation des remises des migrants et l'omniprésence de la question des transferts

dans les discours sur la migration et le développement. Ernst de Haas explique

notamment que les analyses sur la contribution des migrations au développement

balancent depuis les années 1960 entre optimisme et pessimisme. Cette nouvelle

vague d'optimisme souvent � naïf � ignorerait ainsi toutes les analyses développées

et la valeur ajoutée des di�érentes sciences sociales, au pro�t des cadres d'analyse

économique qui se ferait que se réadapter 33. L'enthousiasme suscité par le potentiel

des remises laisserait passer l'idée d'une réaction mécanique entre migration et

développement. Selon l'auteur, la question serait plutôt celle des politiques qui

permettent d'activer le potentiel des activités des migrants. . .ou au contraire de

rendre leurs conditions de mise en place plus dures.

Cela nous amène à une autre réserve exprimée par les chercheurs sur la mise

en cohérence des politiques. En e�et, si la ré�exion théorique sur les liens entre

migration, marché du travail et mobilité de la main d'÷uvre s'enrichit, les impli-

cations politiques restent insu�samment développées. D'une part, elle nécessite

de développer une compréhension accrue des mécanismes de fonctionnement des

réseaux de diaspora en lien avec le marché du travail. La recherche à ce sujet reste

selon les chercheurs insu�samment développée, et fortement dépendante des con-

32. Faist, � Migrants as transnational developement agents : an inquiry into the newest round

of the migration and development nexus �, op. cit., p17.33. de Haas, Migration and Development - A theoretical perspective, op. cit., p49.

25

Page 29: Les migrants dans le codéveloppement

textes. D'autre part, l'encouragement des liens entre migration et développement

ne font pas la liaison entre les di�érentes implications en termes de politiques mi-

gratoires, politiques sociales et politiques de coopération et de développement En

e�et, selon les chercheurs de l'OCDE, si l'on veut encourager les liens entre mi-

grations et coopération au développement, cela nécessite de réaliser des arbitrages

et de faire dialoguer les ministères autour des questions de politiques de cohésion

sociale, de réduction de la pauvreté et d'équilibre du marché du travail 34. Les

recherches concernant les liens entre le fonctionnnement des réseaux de migration,

et le fonctionnement du marché du travail et des politiques sociales reste insu�-

isamment approfondies. L'analyse de ces arbitrages amènerait en e�et selon les

auteurs à donner un plus grand rôle aux questions de politiques d'intégration dans

ces processus.

On aborde ainsi la question de la thématique migration - développement à

travers le biais des approches en termes de politiques de coopération au dévelop-

pement. En e�et, les discours tenus mettent l'accent sur le fait que la contribution

des migrants permet un processus de développement par le bas. Or, les études sur

le transnationalisme des migrants attirent l'attention sur la nécessité d'analyser

les modalités de fonctionnement des réseaux de migrants plutôt que d'adopter une

lecture globale macro-économique du rôle des migrants. Cette dernière attitude,

héritée des modèles d'analyse économique, généraliserait alors des comportements

locaux en dynamiques de développement national 35.

Les nouvelles séries de recherches projetteraient ainsi des cadres d'analyse tra-

ditionnels de l'économie, c'est à dire analysant les activités des migrants comme

une réaction fonctionnelle à un déséquilibre de marché : elle négligerait alors toute

la composante traditionnelle et communautaire qui orientent ces actions. Il est ainsi

important de faire rentrer les concepts de mobilité et de migration, tels qu'étudiés

par la sociologie dans les schémas d'analyses du développement. Faire l'impasse sur

la compréhension de ce champ transnational amènerait les théories d'analyse du

34. voir à ce sujet Je� Dayton-Johnson et Theodora Xenogiani. � Immigration, dévelop-

pement et arbitrages entre politiques �. Dans : Revue d'économie du développement 21.2 (2007),

p. 97�138.35. Christophe Daum. � Le Codéveloppement : Grandeur et décadence d'une aspiration

généreuse �. Dans : Revue Internationale et Stratégique 68 (2007), p. 49�59, p50.

26

Page 30: Les migrants dans le codéveloppement

développement à transférer aux migrants la capacité d'initier un développement

par le bas de façon autonome qui béné�cie automatiquement à toute l'économie 36.

Il est intéressant de faire le lien entre ces critiques et les analyses de Gilbert Rist

dans Le Développement, histoire d'une croyance occidentale 37. L'auteur y dénonce

ici la tendance des analyses sur les mécanismes de développement comme se refor-

mulant au �l des théories à travers des référentiels nouveaux. Or, c'est référentiels

ne ferait que répèter une vision linéaire et endogène d'un développement, justi�ant

la con�ance des théories dans les mécanismes de marché et de coopération contem-

porain. Considérer les migrants comme les acteurs par qui passe le développement

revient ainsi à projeter sur eux la responsabilité d'initier un mécanisme de décol-

lage, ce qui nous ramène à une conception similaire à la théorie de la modernisation

de Rostow.

Conclusion

Pour conclure, les analyses sur la migration et le développement apparais-

sent comme liées aux angles d'analyses des di�érentes disciplines des sciences so-

ciales.Si les outils d'analyse théoriques progressent donc au fur et à mesure que la

compréhension des comportements migratoires s'a�ne, les chercheurs recensés à

travers ce mémoire mettent en évidence que les analyses en termes de développe-

ment peinent à changer : elles tendent à privilégier une vision globale et générale

du développement qui s'auto-entretient, les migrants ayant alors un rôle forcément

béné�que qu'il convient d'encourager. Cette partie met également en évidence les

di�cultés de l'appréhension des phénomènes de migration et développement, et de

leur traduction sous forme de politique.

Des évolutions dans l'appréhension des migrants semblent cependant à l'÷uvre

à travers les analyses économiques mettant l'accent sur le territoire. Les études sur

les �ux de migration mettent en e�et en valeur les connexions directes existant

entre di�érents territoires d'émigration et d'immigration, entre lesquels transitent

36. de Haan,Migration in the development studies litterature : has it come out of its marginal-

ity, op. cit., p. 15.37. Gilbert Rist. Le développement : histoire d'une croyance occidentale. Paris : Presses de

Sciences-Po, 2007.

27

Page 31: Les migrants dans le codéveloppement

particulièrement les capitaux des migrants. Leur contribution au développement

est ainsi abordée à l'échelle territoriale, et pose des questions sur l'impact des

migrants sur des questions comme l'économie résidentielle ou la gouvernance locale.

Ces analyses donnent plus de poids au rôle des associations de migrants, ainsi qu'au

contexte dans lesquels naissent leurs actions.

On retrouvera cette approche dans le discours de certains acteurs, lors de la

deuxième partie de ce mémoire.

2 L'invention et la déclinaison du concept de co-

développement en France : la mise en politique

de préoccupations gouvernementales

Cette section distingue les di�érentes étapes qui ont marquées la ré�exion sur

le codéveloppement dans l'espace français. Largement basé sur les études qui y

ont été consacrées, on essaiera de préciser les référentiels qui ont été mobilisés, et

l'in�uence que ce traitement politique a eu sur la structuration de l'espace de la

coopération avec les migrants.

La France est caractérisée par une longue histoire de politiques de migration

et d'intégration 38. La thématique migration - développement quant à elle, fait son

entrée dans l'espace des politiques françaises au début des années 1980, à travers

le concept de codéveloppement.

L'ensemble des chercheurs ayant analysé la politique de codéveloppement de la

France insiste sur la prédominance des orientations en termes de politiques migra-

toires sur le contenu donné au codéveloppement. Peu à peu, di�érentes idées font

leur chemin à travers les expérimentations politiques du gouvernement français qui

s'e�orcent d'ajouter une dimension � développement � à des orientations politiques

de contrôle des �ux migratoires. Le codéveloppement devient ainsi un concept in-

strumentalisé (section 2.1). Après Trente années d'expérimentations autour de ce

concept, on peut mettre en valeur les pratiques et options politiques qui sont priv-

38. Hein de Haas. Engaging Diasporas : How Governments and developing Agencies can sup-

port diaspora involvement in the development of origin countries. Juin 2006, p67.

28

Page 32: Les migrants dans le codéveloppement

ilégiées (section 2.2) : la place des migrants dans ces dispositifs semble alors être

une déclinaison de l'état de la ré�exion et des arbitrages politiques développés en

matières de politiques migratoires ou de coopération au développement.

2.1 L'invention du codéveloppement au sein du gouverne-

ment français

Le cas de la France dans sa mise en politique de la relation Migration Dé-

veloppement est fortement in�uencé, malgré les idées qui naissent et enrichissent

le concept, par les préoccupations de l'État quand aux �ux des migrants qui ar-

rivent sur son territoire. Cela n'est pas vraiment un cas particulier en Europe

occidentale. Malgré des cheminements divers, la migration reste une préoccupa-

tions importante des gouvernements, en ce que ces �ux de migrations touchent aux

attributs régaliens de l'État, notamment à travers l'intégrité du territoire 39.

2.1.1 Le codéveloppement entre relations Nord - Sud et aide au retour

Le concept de codéveloppement, dans sa première acception, n'est cependant

pas un produit de l'agenda des politiques migratoires de la France. En e�et, le

terme apparaît dans les milieux de gauche au début des années 1980 (plus parti-

culièrement au sein du Centre d'Études, de Recherches et d'Éducation Socialiste

- CERES 40). Il s'agit alors d'une formule du ministre de la coopération Jean-

Pierre Cot utilisée en 1984 dans un discours aux in�uences tiers-mondistes sur le

partage des richesses à l'échelle mondiale (le Parti Socialiste est alors au pouvoir).

Le codéveloppement n'est alors pas lié aux questions migratoires et se propose

plutôt comme un partenariat entre la France et certains pays émergents pour

leur développement partagé. Au centre de la question : la mise en valeur con-

certée au niveau des États des synergies et des complémentarités dans un partage

équitable des richesses mondiales (autrement dit, des savoirs et technologies des

pays industrialisés contre la main d'÷uvre et les ressources naturelles des pays en

39. Lacroix, Les résaux marocains du développement : Géographie du Transnational et Poli-

tiques du Territorial, op. cit., p177.40. Ibid., p180.

29

Page 33: Les migrants dans le codéveloppement

développement) 41.

Le lien avec les questions migratoires se fait quelques années ensuite sous l'in-

�uence de Jean-Pierre Chevènement alors ministre de l'intérieur. Sous sa dé�nition,

le codéveloppement consiste à � valoriser les capacités intellectuelles des migrants

au pro�t de leur pays d'origine �. Dans la pratique, cette dé�nition est associée aux

politiques d'aide au retour qui prennent davantage d'importance dans un contexte

de crise 42. Les politiques d'aide au retour sont e�ectivement à l'agenda bien avant

l'utilisation du concept de codéveloppement. Ces dernières prennent des appel-

lations di�érentes (� aide au retour �, � aides à la réinsertion �). Ils consistent la

plupart du temps en bonus �nanciers ou en programmes de formation à destination

des migrants retournant volontairement au pays 43.

Ces premières expériences s'incarnent, outre dans des programmes proposés

aux migrants volontaires, dans des partenariats avec certains pays d'Afrique du

nord et subsaharienne (dans la vallée du �euve Sénégal notamment). Ces pro-

grammes thématiques visent notamment à accompagner l'insertion des migrants

à travers le soutien à leurs projets. Ces di�érentes expériences rencontrent cepen-

dant plusieurs réserves, car les accords se trouvent souvent de fait accompagnés

d'exigences sur la maîtrise des �ux migratoires.

2.1.2 La mise en ministère du codéveloppement

Le concept de codéveloppement prend un autre tournant dans les politiques du

gouvernement français entre 1998 et 2002 avec l'établissement d'une Mission In-

terministérielle au co-développement et aux migrations internationales (MICOMI)

41. Audran, � Gestion des �ux migratoires : ré�exions sur la politique française de codéve-

loppement �, op. cit., p. 103.42. Cette acception du codéveloppement trouve également un écho dans les sphères de l'ex-

trême droite : dans ces milieux, la question des immigrés est également envisagée sous l'angle

du retour des étrangers dans leur pays d'origine. Les ré�exions qui prennent place à ce moment

insistent sur la nécessité de régler l'aide au développement sur le soutien direct aux migrants

retournant dans leurs pays, plutôt que de passer par des accords étatiques.43. Haas, Engaging Diasporas : How Governments and developing Agencies can support di-

aspora involvement in the development of origin countries, op. cit., p67.

30

Page 34: Les migrants dans le codéveloppement

sous la tutelle du ministre des A�aires Sociales 44. Outre la prise en charge des

programmes et partenariats expérimentés auparavant, la mission est chargée de

procéder à des concertations avec di�érents acteurs (les pouvoirs publics, les ONG,

les OSIM) a�n d'évaluer les opportunités de programmes de développement liés à

la migration.

Ce ministère s'inscrit dans la prolongation d'un rapport commandé à l'univer-

sitaire Sami Nair alors député,intitulé � Rapport de Bilan et d'orientation sur la

politique de codéveloppement liée aux �ux migratoires � 45. Si ce rapport analyse

les synergies entre politiques migratoires et développement, il dépasse cependant

les questions de politiques de retours. Son rapport analyse les potentiels avantages

partagés pouvant être obtenus à travers une plus grande concertation des acteurs

de la coopération et de leurs besoins. Les propositions émises se veulent inclusives

des di�érents acteurs en contact avec les migrants, depuis les ministères jusqu'aux

associations de solidarité des migrants, en passant par les entreprises et universités.

Les propositions relativement nombreuses étendent le champs de ré�exion du

codéveloppement, en adoptant une dé�nition beaucoup plus large du concept qui

sera reprise dès lors par l'ensemble des acteurs : le codéveloppement désigne alors

� toute action d'aide au développement à laquelle participent des migrants vivant

en France � 46. La MICOMI s'inscrit alors dans cette démarche mais rencontre des

di�cultés dans l'établissement des relations avec les organisations des migrants 47.

Ces e�orts de concertation sont également associés aux politiques de retour con-

traintes des sans papiers (et à la gestion du Contrat de Réinsertion dans le Pays

d'Origine). Ces facteurs contribuent à la perte de crédibilité et de con�ance de la

MICOMI auprès de la société civile.

La MICOMI sera donc remplacée en 2002 par la nomination d'un ambassadeur

44. Maggi et al., Migrations transnationales sénégalaises, intégration et développement : Le

rôle des associations de la diaspora à Milan, Paris et Génève, op. cit., p79.45. Sami Naïr. Rapport de Bilan et d'orientation sur la politique de codéveloppement liée aux

�ux migratoires. 1997.46. Daum, � Le Codéveloppement : Grandeur et décadence d'une aspiration généreuse �, op.

cit., p2.47. Lors des Assises de 1998, les OSIM ne sont en e�et par invitées aux consultations, amenant

dès lors les organisations de la société civile à protester et aborder de façon très critique ces

échanges

31

Page 35: Les migrants dans le codéveloppement

délégué au codéveloppement. 2002 voit cependant également la création du FORIM

qui se présente comme la première tentative de formaliser le dialogue avec les

organisations de solidarité internationale issues de la migration (nous reviendrons

sur cet organisme dans la deuxième partie du mémoire).

Sous la tutelle du Ministère des A�aires Étrangères, le codéveloppement est

toujours associé aux problématiques migratoires mais fait des e�orts pour adopter

une dé�nition plus précise de sa politique de codéveloppement. Ces e�orts de co-

hérence font suite à la déclaration du Ministre Délégué à la Coopération et la

Francophonie en 2003. Celui-ci admet que le codéveloppement reste pour l'instant

un concept trop largement dé�ni et associé aux politiques de retour et de réinser-

tion, alors que les migrants ont un rôle de constructeur de ponts entre la France

et les sociétés d'émigration qu'il convient d'encourager 48.

Les questions d'aides au retour partagent alors le devant de la scène avec

deux objectifs a�rmés par le Ministère : la canalisation de l'épargne des migrants

vers l'investissement productif des pays d'origine et la mobilisation de la diaspora

hautement quali�ée 49. L'équipe ministérielle en charge du développement tente

ainsi de rationaliser et de mettre en cohérence les di�érentes expériences liés au

codéveloppement. Elle conjugue dans son action et ses discours les programmes

avec les pays d'Afrique Subsaharienne, les aides à la réinsertion, à l'intégration des

migrants et à la circulation des diasporas scienti�ques, les concertations avec les

ONG et la société civile et la valorisation de leurs activités, ainsi que l'encourage-

ment des tentatives des collectivités locales. Un bon exemple de ces e�orts, ainsi

que de ces limites s'illustre dans la � Lettre du codéveloppement � émise en 2005 :

elle tente d'établir une communication régulière sur la question et d'ouvrir le con-

cept aux di�érents acteurs qu'elle vise 50. Cette série de Lettres du codéveloppement

ne comptera cependant qu'un seul numéro.

Avec 2007 et l'élection de Nicolas Sarkozy à la Présidence de la République, le

codéveloppement prend un nouveau tournant, passant sous la tutelle du Ministère

48. Haas, Engaging Diasporas : How Governments and developing Agencies can support di-

aspora involvement in the development of origin countries, op. cit., p70.49. Christian Connan. Le Codéveloppement Présentation générale. Jan. 2005.50. Ministère des Affaires Étrangères. Lettre du Codéveloppement. Juil. 2005.

32

Page 36: Les migrants dans le codéveloppement

de l'Immigration, de l'intégration, de l'Identité Nationale et du Codéveloppement

(MIIINDS) nouvellement créé. Le discours du gouvernement de l'époque place alors

clairement la politique d'Aide Publique au Développement comme devant soutenir

les e�orts en termes de politiques migratoires. Le codéveloppement s'éloigne alors

de son rapprochement auprès des migrants pour privilégier une vision du codé-

veloppement où la France établit des accords cadres avec les pays d'émigration,

échangeant des engagements sur le contrôle des migrations contre les possibilités

d'accès à l'APD. Le contrôle migratoire devient alors l'objectif clairement identi-

�able d'une mise en cohérence des di�érents éléments éléments faisant jusqu'alors

parti du codéveloppement. Le contrôle des politiques de développement par le Min-

istère des A�aires Étrangères (supervisant traditionnellement l'APD) passant au

Ministère de l'Intégration est à ce sens emblématique. À l'occasion du remaniement

ministériel (18 mars 2008), le codéveloppement est alors remplacé dans le nom du

ministère par � Développement Solidaire � : la logique est alors d'adopter une

approche sectorielle de la coopération (en identi�ant les besoins des pays d'émi-

grations pour mieux les soutenir dans le contrôle des �ux migratoires) 51.

2.2 La mise en politique du codéveloppement dans l'espace

français

La section précédente nous a permis de présenter la façon dont le codévelop-

pement a été pris en charge au niveau du gouvernement français. À travers les

di�érents traitement politique de la question, les chercheurs proposent des lec-

tures sur la façon dont cette relation migration - développement se construit en-

tre tentative de dé�nition de l'Aide Publique au Développement, et sujétion aux

préoccupations des politiques migratoires.

2.2.1 Le développement comme prévention des �ux migratoires

Un premier angle d'analyse des politiques française consiste à mettre en valeur

la représentation du développement dans l'appréhension des problématiques mi-

51. Maggi et al., Migrations transnationales sénégalaises, intégration et développement : Le

rôle des associations de la diaspora à Milan, Paris et Génève, op. cit., p82.

33

Page 37: Les migrants dans le codéveloppement

gratoires.

Jérôme Audran caractérise alors la politique de codéveloppement française

comme une politique migratoire sécuritaire qui s'ouvre progressivement aux enjeux

de développement 52.

L'APD est ainsi saisie par le gouvernement français comme un outil d'at-

ténuation de la politique migratoire : devant l'échec de l'endiguement des �ux,

les partenariats de développement sont alors une option pour compenser l'arrivée

non-contrôlée de travailleurs migrants. Dans sa première acception, le codévelop-

pement est un concept plaqué sur les politiques de retour : le soutien aux migrants

(formation, capitaux pour �nancer leur entreprise au pays) y constitue une carotte

de l'APD à la réinsertion d'une main d'÷uvre étrangère vue comme trop nom-

breuse par les pouvoirs publics. Il faut alors rappeler que les politiques migratoires

de retour sont liées à des arbitrages politiques en contexte de crise mettant l'accent

sur les di�cultés d'équilibre du marché du travail en termes de main d'÷uvre. Un

autre élément de contexte dans les années 1990 est la question de l'intégration

des sans-papiers et des expulsions, accompagnée d'une peur des migrations. Le

codéveloppement s'o�re alors comme une compensation au retour massifs 53.

Cette analyse du codéveloppement comme compensation des politiques de rac-

compagnement des migrants est importante, car elle est fortement mobilisée dans

les discours de la société civile sur lesquels nous reviendrons dans la seconde partie.

Par la suite, le gouvernement adopte une meilleure prise de conscience des ac-

tivités des migrants, notamment à travers ses partenariats d'accompagnement des

initiatives des migrants. Il cherche alors à exploiter l'impact des remises de fond

et des capitaux des migrants sur leur pays d'origine. Si les recherches académiques

que nous avons étudiées dans la première partie mettent l'accent sur les conditions

permettant un processus de développement local, les politiques françaises sem-

blent aborder la question par une autre entrée : Le potentiel associé aux remises

des migrants est ainsi fréquemment associé à la relation � plus de développement

= moins de migration �. Si cette relation n'a rien de mécanique et ne se véri�e

52. Audran, � Gestion des �ux migratoires : ré�exions sur la politique française de codéve-

loppement �, op. cit.53. Ibid., p103.

34

Page 38: Les migrants dans le codéveloppement

que sur le long terme, elle présente un pro�l intéressant par rapport aux problé-

matiques migratoires françaises. En e�et, si plus de développement est à même

d'endiguer les �ux d'émigration, la réussite du pays de départ permet aussi d'of-

frir un modèle incitant les migrants présents sur le sol français à retourner dans

leur pays. Cette compréhension guide plusieurs des politiques proposées par le

gouvernement, notamment en ce qui concerne la circulation des cerveaux. Les pro-

grammes d'échanges à destination des diasporas diplômées visent précisément à

encourager le réinvestissement des compétences des migrants formés en France,

pour les réinvestir dans l'économie d'origine.

Le discours de Brice Hortefeux, alors Ministre de l'Intégration réduit cette

relation supposée à sa plus simple acception 54 :

Le mécanisme est connu : la pression de l'immigration, qui s'exerce sur

le Nord,se nourrit des déséquilibres du Sud. [. . .] Et pour cause, plus

d'un tiers des 900 millions d'Africains vivent avec moins de 1 euro par

jour. . .

Autrement dit : la misère des pays du Sud est responsable des migrations en

France. L'APD doit donc se mettre au service de la politique migratoire pour

réduire les sources d'émigration. Cette conception simpli�ée à l'extrême renvoie

aux premières théories de la migration analysant cette dernière comme un dif-

férentiel entre une économie A et une économie B. L'ensemble des stratégies et

comportements migratoires, ainsi que les dispositifs de coopération au développe-

ment, doivent donc s'articuler à cet objectif de réduire la pression migratoire.

Outre le fait que cette assertion est fausse à court terme, les modalités d'appli-

cations telles qu'elles sont mise en ÷uvre par le Ministère de l'intégration semblent

peu adéquates. D'une part, une politique visant à réduire la pauvreté (telle que

présentée dans les objectifs de l'AFD) devrait d'abord cibler les pays les plus pau-

vres. Or ce ne sont pas les ménages les plus pauvres qui émigrent, ni les pays

d'émigration dont la population sous le seuil le pauvreté est la plus importante.

D'autre part, les nombreuses études consacrées à la question insistent sur l'im-

54. Brice Hortefeux. � Le Codéveloppement : un enjeu majeur pour la France �. Dans : Les

Échos 19994 (2007), p. 13.

35

Page 39: Les migrants dans le codéveloppement

portance des investissements politiques permettant aux transferts et aux capitaux

des migrants d'initier un processus de développement soutenable sur le long terme.

Or, au regard des faibles budgets associés au chapitre codéveloppement (5% du

budget du Ministère de l'Immigration), cette politique se montre peu crédible.

Ce constat ne se limite pas qu'à la politique instituée par le gouvernement de N.

Sarkozy. Elle se retrouve également dans les expériences précédentes tentant, à

travers des expérimentations faiblement subventionnés, d'atteindre des objectifs

de long terme.

Cette écart entre les analyses et les tentatives isolées d'accompagnement des

migrants met en valeur la prépondérance des agendas des politiques migratoires

sur la dimension développement comprise dans la politique de codéveloppement.

C'est ce qu'a�rme Christophe Daum en expliquant que les ambiguïtés du co-

développement tiennent principalement aux orientations relevant du contrôle de

l'immigration 55. Charles Condamines pointe quant à lui une di�culté de conceptu-

alisation de la relation migration développement. Ernst de Haas explique quant à

lui la faiblesse de l'inscription d'une politique de codéveloppement par un manque

de vision (dans les thématiques et objectifs poursuivis), d'un manque de moyens

(concernant les fonds attribués à ces programme) et par un manque de crédibilité

(à l'égard des acteurs associatifs et associations de migrants) 56

2.2.2 Le codéveloppement comme instrument de coopération interna-

tionale : entre instrumentalisations et expérimentations

Par delà les discours sur la relation migration - développement des pouvoirs

publics, il convient de s'interroger sur la façon dont ces politiques dépassent leurs

ambiguïtés pour se former en tant que politique.

Le chercheur Thomas Lacroix, analyse les programmes d'aide au retour mis

en place au �l des années comme suivant un schéma régulier : sélection, incitation,

coopération 57. Dans un premier temps, les personnes en charge de l'action publique

55. Daum, � Le Codéveloppement : Grandeur et décadence d'une aspiration généreuse �, op.

cit., p. 58.56. Haas, Engaging Diasporas : How Governments and developing Agencies can support di-

aspora involvement in the development of origin countries, op. cit., p67.57. Lacroix, Les résaux marocains du développement : Géographie du Transnational et Poli-

36

Page 40: Les migrants dans le codéveloppement

repèrent une catégorie de population (par exemple : les travailleurs issus de l'im-

migration sénégalaise dans l'industrie). Dans un deuxième temps, les politiques

cherchent à inciter les populations sélectionnées à rentrer par elles-même dans leur

pays, avec des dispositifs de formation ou des aides �nancières à la réinsertion.

Cette phase est souvent suivie de coopération entre les di�érents ministères ou les

pays tiers pour soutenir et élargir ces expérimentations dans un cadre plus large,

articulant alors ces programmes à des enjeux plus globaux de développement.

En ce qui concerne les programmes de codéveloppement à proprement parler,

ils consistent jusque dans les années 2000 en di�érentes collaborations élaborées à

partir du constat de l'in�uence ou de l'expérience d'une diaspora sur le dévelop-

pement de régions spéci�ques. Di�érents programmes thématiques de collaboration

régionale ont ainsi vu le jour, en marge des aides au retour, comme le � Pro-

gramme pour le Développement local et la migration � ou le � Programme Migra-

tion Internationale Économique �. À travers le soutien à l'action d'ONG, d'asso-

ciations de migrants et d'entreprises, le gouvernement français tente de prodiguer

un cadre plus général aux actions des migrants. Ces cadres d'actions impulsés

par le gouvernement sont élaborés avec ses homologues dans les pays d'Afrique

sub-saharienne, tout en tentant de coordonner l'action de plusieurs ministères et

acteurs économiques 58.

Une autre modalité d'action, privilégiée lors de l'intégration du codéveloppe-

ment à l'action du MIIINDS consiste en l'établissement d'accords cadres de gestion

partagés : ces derniers rassemblent à la fois des accords avec les gouvernements des

pays d'émigration concernant les attentes quant à la maîtrise des �ux migratoires

et des programmes ciblés pour faciliter la migration légale.

Dans la pratique, ces di�érentes formes de soutien rassemblées sous le concept

de codéveloppement recouvrent di�érents types d'actions 59 :

� les mesures visant à mobiliser les compétences des élites de la diaspora ;

� les projets d'aménagement locaux, à partir des activités des associations de

tiques du Territorial, op. cit., p. 179.58. Ibid., p187.59. Audran, � Gestion des �ux migratoires : ré�exions sur la politique française de codéve-

loppement �, op. cit., p. 105.

37

Page 41: Les migrants dans le codéveloppement

migrants ;

� les aides à la réinsertion (locution préférée à celle d'� aide au retour �, plus

péjorative, autrefois utilisée) ;

� les investissements productifs dans les pays à l'origine des �ux migratoires.

2.2.3 La mobilisation des associations de migrants dans les politiques

de codéveloppement

Face à ces mises en application des politiques, on voit que les migrants sont

avant tout une cible de politiques visant à la maîtrise des �ux migratoires. Les

di�érents projets d'aide au retour et de circulation des cerveaux reposent sur une

approche individuelle des migrants, comme béné�ciaires des programmes. Les or-

ganisations de migrants ou s'engageant auprès des migrants sont l'objet de dif-

férents modes d'association aux actions du gouvernement. Plusieurs programmes

reposent sur l'existence de leur dynamisme et leurs activités dans certaines régions

cibles. Il semble cependant qu'elles fonctionnent jusqu'ici comme des relais aux

di�érentes priorités des politiques migratoires et des orientations visant à donner

au codéveloppement un contenu en termes de coopération pour le développement.

Cette attitude vis à vis des migrants et surtout la proximité avec les objectifs

de contrôle des �ux migratoires a instauré beaucoup de réserves de la part des

associations de migrants. La majorité d'entre elles n'adhèrent pas aux politiques

tentant de les mobiliser 60.

Cependant, la prise en compte progressive des activités des associations de

migrants a permis de faire valoir leurs compétences. Cela est du également à l'in-

termédiation d'ONG comme le CCFD qui sont inscrites depuis longtemps dans la

mise en ÷uvre de programmes de coopération de l'État français. Les associations

de migrants arrivent ainsi à agir comme des acteurs de la coopération interna-

tionale dans certains projets gouvernementaux à dimension locale. À travers la

recherche de mobilisation par l'État français des réseaux de migrants, ces derniers

ont peu à peu fait leur entrée dans un espace de coopération plus institutionnel.

60. Lacroix, Les résaux marocains du développement : Géographie du Transnational et Poli-

tiques du Territorial, op. cit., p192.

38

Page 42: Les migrants dans le codéveloppement

Si la plupart de ces réseaux et associations étaient déjà actifs dans l'établisse-

ment de liens de solidarité avec leur pays d'origine, nombre d'entre eux se voient

cependant reconnaître une certaine légitimité. Leur expertise se trouve en e�et

mobilisée à travers plusieurs programmes et initiatives. Un exemple dans ce cadre

est le Programme Concerté Maroc, qui ne fait pas parti de la politique de codéve-

loppement de la France. Il s'agit d'un programme de coopération du Ministère des

A�aires Étrangères visant à renforcer les rapports Nord-Sud à travers les Organisa-

tions de Solidarité Internationale (OSI) 61. Le coordinateur général du programme

est le CCFD et, dans la pratique, sollicite et met à pro�t l'expertise et l'action des

OSIM.

Un autre programme mis en place en 2009 s'intitule le � Programme d'Appui

aux Initiatives de Solidarité pour le Développement � (PAISD). Cette collabora-

tion étatique entre le Sénégal et la France s'inscrit dans les politiques de soutien

aux initiatives de développement de la diaspora datant des années 2000 et aux

diverses conventions de codéveloppement signées en 2006 et 2008. Le programme

se concentre cependant sur le soutien aux initiatives et activités de la diaspora

Sénégalaise et permet de multiplier les liens de coopération avec l'État Sénégalais,

des entreprises privées les accompagnant dans leur projet et les autorités locales.

Les OSIM trouvent alors ici un espace favorisant leurs activités et leur permettant

de faire valoir leur expertise. Elles sont alors déliées des accords direct d'aide a

retour.

Malgré les priorités du gouvernement, les associations issues de la migration

commencent donc via ces programmes à sortir des relations purement associatives.

À partir des �nancements de l'État français, elles se constituent une visibilité

dans l'espace public.Les migrants passent alors de cibles des politiques publiques

à des acteurs de la coopération au développement. Bien que les associations de

migrants ne soient pas engagées à coté de l'État (elles ne sont pas considérées

comme partenaires), ces pratiques font passer les politiques de développement par

leurs activités

D'autre part, des institutions comme le FORIM ou les ONG, mobilisées à l'o-

rigine pour faire la liaison avec les programmes gouvernementaux, trouvent peu à

61. Ibid., p. 216.

39

Page 43: Les migrants dans le codéveloppement

peu un nouveau rôle dans l'espace français : leurs actions s'orientent alors vers la

transformant des pratiques des associations de migrants vers davantage de profes-

sionnalisme, comme nous allons le voir dans la seconde partie.

Conclusion de la première partie

À travers cette première partie, on voit donc que la relation migration - déve-

loppement telle qu'elle est déclinée dans l'espace français jusqu'au début des années

2000 est très spéci�que et orientée sur la mise en cohérence des politiques migra-

toires. Elle s'accompagne d'une instrumentalisation de l'aide au développement

pour des politiques de maîtrise des �ux, et des partenariats bi-latéraux autour de

la présence des diasporas dans les pays d'origine.

À travers les discours et les expérimentations du gouvernement français, on

voit se dessiner au fur et à mesure la présence des organisations de solidarité

internationale : leur participation semble de plus en plus recherchée et elles se

trouvent associées à l'élaboration de di�érents programmes. On se situe en cela

dans une progression semblable, bien que par un cheminement di�érent de celui

e�ectué dans la recherche et les analyses économiques : Peu à peu, on découvre et on

met l'accent sur le rôle des migrants comme agents du développement de leur pays,

plutôt que les conséquences de déséquilibres économiques internationaux à l'origine

de migrations. Jusque dans les années 2000, le discours sur le codéveloppement est

aussi principalement mené par le gouvernement.

Il convient alors de questionner dans la seconde parte de ce mémoire, la façon

dont les di�érents acteurs de la coopération internationale se positionnent et ont

fait évoluer ces dernières années la thématique migration et développement dans

l'espace français. Cela permettra alors de véri�er si le codéveloppement tel qu'il

est présenté en France reste bloqué sur son assimilation aux objectifs de maîtrise

des �ux migratoires. À contrario, nous nous rendrons compte si les enjeux contem-

porains soulignés par la recherche quant au potentiel et aux actions des migrants,

ont des chances de progresser et de diversi�er l'approche. Comme le souligne Arjan

de Haan, il convient de se demander si la relation migration - développement vont

sortir de leurs analyses marginales, pour arriver à des politiques plus conséquentes

40

Page 44: Les migrants dans le codéveloppement

et structurées mettant les migrants à contribution du développement 62.

62. de Haan,Migration in the development studies litterature : has it come out of its marginal-

ity, op. cit.

41

Page 45: Les migrants dans le codéveloppement

Deuxième partie

Vers une redé�nition du

codéveloppement à travers les

pratiques et les discours de

nouveaux acteurs

La première partie nous a permis de mettre en évidence que les études portant

sur la relation migration - développement est en évolution, amenant à porter da-

vantage d'attention au rôle des organisations de migrants. Par rapport à cet état

des recherches, la mise en politique de la relation migration - développement par

le gouvernement français apparaît au début des années 2000 assez restreinte de ce

point de vue, limitant l'implication des migrants comme un relais d'une politique

migratoire restrictive et en ayant bien du mal à intégrer le volet développement.

Cette seconde partie rend compte des recherches e�ectuées sur di�érents ac-

teurs de l'espace français lors de cette dernière décennie à travers leurs publications

et prises de position. En déclinant notre problématique aux types de pratiques,

d'activités et de stratégies mises en place par chacun des acteurs, il semble alors que

la ré�exion sur la relation migration - développement semble également accorder

une plus grande place au rôle des migrants dans la coopération internationale.

Cela se manifeste par un certain désengagement et une réévaluation de la re-

lation migration - développement au niveau du gouvernement français (section 1),

par une entreprise de mobilisation des actions des migrants au niveau du FORIM

(section 2), par un rôle actif des ONG et réseaux d'associations de la société civile

autour de la redé�nition du codéveloppement (section 3), et en�n par des ex-

périences éparses des collectivités territoriales allant dans le sens de davantage de

mobilisation des organisations de solidarité internationale issues de la migration

(section 4).

42

Page 46: Les migrants dans le codéveloppement

1 Les organismes o�ciels liés au gouvernement :

de la réévaluation à l'ouverture

Nous allons dans un premier temps nous intéresser aux évolutions les plus

récentes intervenues sur la thématique migration - développement au niveau du

gouvernement français. Si la composition d'un nouveau gouvernement en 2012 sem-

ble vouloir de désengager des politiques de codéveloppement telles que pratiquées

jusqu'ici, les institutions entourant la politique de coopération au développement

de l'État français semblent elles aussi participer à la redé�nition de la thématique

migration - développement.

1.1 Le Codéveloppement en question : une réévaluation in-

terne des évidences du codéveloppement

La première partie a permis de mettre notamment en évidence les tendances

des politiques mises en ÷uvre par le gouvernement français à travers ses di�érents

programmes et ses cadres de gestion concertés jusque sous le mandat de Nicolas

Sarkozy. Si cette période a vu l'annexion presque totale de la politique de codéve-

loppement et de sa dé�nition par le Ministères de l'Immigration, de l'Intégration

et de l'Identité Nationale, ces décisions n'ont pas eu lieu dans un cadre de ré�exion

laissé vide.

En e�et, plusieurs des organes associés à la politiques de coopération de la

France ont durant cette période émis et proposé des rapports sur la relation migra-

tion - développement. Si ces institutions ont bien conscience de la prépondérance

des orientations migratoires, leurs recherches et propositions vont cependant dans

le sens d'une plus grande �nesse d'analyse dans les options politiques liées à la

migration - développement.

43

Page 47: Les migrants dans le codéveloppement

1.1.1 Les rapports d'évaluation de la politique française de codévelop-

pement

En e�et, au moment de l'élection à la présidence de N. Sarkozy, deux rapports

sur le codéveloppement sont publiés, l'un pour le Ministère des A�aires Étrangères

en janvier 2007 63, et le second à l'initiative du Sénat, rendu public juste après la

prise de fonction du nouveau gouvernement 64.

Le rapport commandé par le précédent gouvernement aux députés

Jacques Godfrain et Richard Cazenave s'inscrit dans la lignée du gouvernement

depuis 2002 : il met l'accent sur la circulation de la diaspora hautement quali�ée

et la mobilisation des transferts �nanciers des migrants. Il aborde cependant la

question du codéveloppement sous l'angle de la coopération au développement de

la France (en dressant un tableau de l'e�cacité et des limites de l'APD française)

plutôt que sous l'angle de la régulation migratoire. Ce rapport insiste ainsi d'entrée

de jeu sur l'importance de la circulation plutôt que sur la maîtrise et les quotas

d'émigration :

Sans renoncer à la maîtrise des �ux migratoires, il apparaît évident

que le problème ne pourra être résolue par un verrouillage des fron-

tières. [. . .] La politique migratoire doit donc être repensée a�n d'être

davantage axée sur le partenariat et la mobilité 65.

Il acte également de la prépondérance de l'aide au retour dans la dé�nition du

codéveloppement mais invite à l'envisager en donnant la priorité aux question de

coopération au développement :

Le codéveloppement relève pleinement d'une logique de coopération

pour le développement, même si cela ne signi�e pas que le codévelop-

pement ne puisse contribuer à la maîtrise des �ux migratoires. [. . .] Le

codéveloppement ne peut être compris comme un moyen détourné de

renvoyer les migrants dans leur pays d'origine. [. . .] L'impact du codé-

veloppement sur la maîtrise des �ux migratoires est donc indirect et ne

pourra être réellement envisagé qu'à long terme. Il serait donc illusoire

63. Jacques Godfran et Richard Cazenave. Rapport sur le codéveloppement. Jan. 2007.64. Senat. Rapport d'information 417 : le Co-développement à l'essai. Juin 2007.65. Godfran et Cazenave, Rapport sur le codéveloppement, op. cit., p10.

44

Page 48: Les migrants dans le codéveloppement

d'attendre du 66.

La suite du rapport con�rme ainsi l'intérêt des expériences et programmes

de coopération au développement expérimentés jusqu'ici au Maroc et au Mali

en invitant à reproduire ces expériences de façon plus cohérente au sein de la

politique d'APD. Au niveau domestique, le rapport dresse un panorama des limites

et opportunités d'accès des migrants aux services �nanciers. Il insiste aussi sur la

nécessaire participation des organisations de migrants, des collectivités territoriales

et des acteurs privés, dans le cadre d'une politique cohérente de codéveloppement.

Le rapport de la commission constituée au sein du Sénat sur la ques-

tion du codéveloppement s'intitule � Le Co-développement à l'essai � et parvient à

des conclusions similaires sur l'importance du développement du secteur �nancier

à destination des migrants 67. Elle procède cependant d'une autre analyse en dé-

gageant d'abord l'importance des questions de développement qui peuvent être

couvertes à travers les questions de migration à l'échelle globale. La commission

dé�nit ainsi le codéveloppement à travers l'intérêt que représentent les transferts

des migrants pour les bailleurs bilatéraux et internationaux : ces remises ont donc

une capacité à être soutenue par des co-�nancements publics a�n de mieux les

structurer et les orienter 68.

Cette approche globale des questions de migrations amène ainsi la Commission

à établir des objectifs de politiques migratoires en partenariat avec les partenaires

européens et des États d'émigration en fonction de ces nouveaux enjeux de dé-

veloppement (notamment la question de la circulation des personnes et des capi-

taux). D'autre part, il invite à rationaliser la cohérence des actions des di�érents

ministères dans la dé�nition des enjeux de développement liés à la migration.

Ces deux rapports se rejoignent en ce qu'ils condamnent la réduction du codé-

veloppement aux problématiques migratoires et développent une analyse plus �ne

des enjeux et des comportements liés à la migration. Les deux décrivent ainsi la

66. Ibid., p11.67. La Commission constituée est nommée Commission des A�aires étrangères, de la défense

et des forces armées sur le co-développement et les relations entre politique de développement et

politique de gestion des �ux migratoires.68. Senat, Rapport d'information 417 : le Co-développement à l'essai, op. cit., p16.

45

Page 49: Les migrants dans le codéveloppement

migration comme un phénomène réversible nécessitant un soutien à la mobilité des

personnes. On se trouve ici dans une compréhension des migrants comme acteurs

de développement pouvant être mobilisés par l'APD pour le développement des

pays d'origine, mais pas encore comme partenaires directs de l'État.

1.1.2 Le Conseil Économique et Social et les institutions �nancières

Ces analyses sont complétées d'autre part par les rapport du Conseil Économique

et Social de la France. En 2001 69 et 2008 70 des dossiers sont consacrés à l'analyse

des populations migrantes dans la perspective d'un � co-développement � Le pre-

mier rapport consistait en une analyse des pro�ls des migrants en France, notam-

ment des choix de stratégie migratoire qu'ils adoptent en fonction des possibilités

de circulation et d'insertion sur le marché du travail. Il se concluait en insistant no-

tamment sur l'enjeu de parvenir à une gestion concertée de la migration associant

les capacités à la fois de l'État en tant qu'employeur et puissance publique, ainsi

que des di�érents acteurs de la société civile (depuis les entreprises et syndicats

jusqu'aux associations, collectivités et ONG).

Le rapport de 2008 est plus particulièrement dédié à la question de l'épargne

des migrants en analysant les besoins spéci�ques de ces populations en termes d'ac-

cès aux services �nanciers. Tout comme le premier rapport, il appelle outre à une

plus grande accessibilité du secteur �nancier, à une meilleure coordination entre

les acteurs nationaux et locaux ; la �nalité est de permettre aux investissements

et emplois des migrants de trouver une meilleure insertion et un meilleur impact

dans l'économie locale des pays d'origine.

Ces analyses sur le sujet ne sont pas des exceptions puisque d'autres institu-

tions comme la Banque de France participent dans leurs études à renforcer l'accent

mis sur le potentiel des transferts comme source de développement 71. Si l'approche

uniquement �nancière de la question migration - développement par la Banque

69. Conseil Économique et Social. De l'exode à la mobilisation des compétences dans le

cadre d'un véritable co-développement. 2001.70. Conseil Économique et Social. Comment mobiliser l'épargne des migrants en faveur

du codéveloppement. 2008.71. Emmanuel Rocher et Adeline Pelletier. Les transferts de revenus des migrants : quel

impact sur le développement économique et �nancier des pays d'Afrique Subsaharienne. Mai 2008.

46

Page 50: Les migrants dans le codéveloppement

de France est assez réductrice de la complexité des pratiques des migrants, elle

souligne tout de même les dé�s en matière d'accès au crédit des migrants. La

compréhension des relations migrations - développement mobilise cependant des

approches macro-économiques classiques se traduisant en politiques de � moderni-

sation � et de � réforme structurelle � pour stimuler la croissance.

1.1.3 l'AFD : des compétences à dispositions

En�n, un troisième acteur proche du gouvernement est actif dans la ré�exion

sur les pratiques de codéveloppement : il s'agit de l'Agence Française de Dévelop-

pement (AFD).

En tant qu'organisme de recherche, l'AFD participe à la ré�exion globale sur

les relations migrations - développement aux cotés d'autres organismes interna-

tionaux. On peut prendre pour exemple la conférence qu'elle a organisé aux cotés

du Réseau Européen de Recherche sur le Développement (EUDN - European Devel-

opment Research Network) et qui alimente les ré�exions sur la thématiques 72. Ces

discussions restent cependant déconnectées de l'analyse des politiques françaises

et se consacre à approfondir les analyses théoriques sur le sujet.

Les ré�exions stratégies appliquées à l'espace français ne font cependant pas dé-

faut lorsque l'on s'intéresse aux documents stratégiques émis par l'AFD. À travers

sont Cadre d'Action Transversal - Migrations Internes et Internationales, l'Agence

fait par exemple le lien entre les connaissances disponibles sur la thématique et

les actions qu'elle mène. Il faut noter à ce sujet une perspective beaucoup plus

vaste adoptée par l'Agence, qui lie les migrations à l'ensemble des dé�s de déve-

loppement. Elle s'éloigne alors des politiques de coopération réduites au soutien

au développement économique des pays d'origine, comme tendent à le faire la ma-

jorité des organismes de recherche. L'analyse que fait l'AFD de ses projets dans la

perspective migration et développement met notamment en valeur l'avance prise

par l'organisme : la conduite de ses projets met déjà en ÷uvre une prise en compte

importante de la dimension territoriale de ses projets. Les actions exposées tien-

72. Agence Française de Développement. Migration and Development - Mutual bene-

�ts ? 2006.

47

Page 51: Les migrants dans le codéveloppement

nent compte par exemple de de la mobilité des migrants dans la conduite de projets

de développement, et l'inclusion des di�érents acteurs locaux dans les actions ren-

forçant l'attractivité des territoiresAgence Française de Développement.

Migration and Development - Mutual bene�ts ? 2006, p27. En�n, l'AFD identi�e

les di�érents acteurs de l'espace français pouvant s'inscrire dans ce cadre d'action

(Ministère, partenaires européens, OSIM. . .). Elle appelle les organismes o�ciels à

solliciter son soutien dans les domaines de compétences qui sont les siens : l'appui

technique et opérationnel, la prise en compte des accords de gestion concertés ou

l'animation du débat sur les migrations et le développement.

Le document de stratégie de l'AFD établit en 2011 insiste en�n sur la nécessité

de renforcer le lien entre migration et développement à travers la coordination des

di�érents ministères.

Au regard des positions prises par ces di�érentes institutions on remarque

alors que si les politiques françaises de codéveloppement restent focalisées sur la

maîtrise des �ux migratoires, la prise en compte du potentiel sur la migration et

le développement n'est pas absente des sphères institutionnelles.

Au contraire, elles o�rent une analyse qui contrebalance les positions du gou-

vernements en insistant sur les questions de circulation et de mise en cohérence des

politiques. Leur objectif est d'atteindre des enjeux globaux de développement re-

posant sur une coordination entre États, Ministères et acteurs de la société civile.

Au niveau des thématiques favorisées par ces institutions la mise en valeur des

transferts �nanciers reste au centre des interrogations : elles se concentrent sur les

façons de réformer le secteur bancaire à la fois en France et dans les pays d'origine

pour parvenir à un meilleur impact des capitaux des migrants.

La place des réseaux de la diaspora est quant à elle bien présente dans ces

cadres d'actions, en insistant sur le rôle d'agent de développement dont l'expertise

est à intégrer pour exploiter au mieux les remises des migrants.

Si les politiques du gouvernement semblent s'intéresser davantage aux analyses

des migrations en termes de quotas et de contrôle, en leur associant le quali�catif

de � solidaire � 73, des analyses sont disponibles dans l'espace français concernant

73. voir par exemple : Pierre Mazeaud. Pour une politique des migrations transparente,

48

Page 52: Les migrants dans le codéveloppement

les arbitrages qu'impliquent la relation migration et développement et le pro�l des

migrants dans l'espace français.

1.2 La nouvelle administration : vers un désengagement du

codéveloppement ou une redé�nition des méthodes d'ac-

tions ?

Avec la nouvelle équipe à la présidence de la République, les discours sur le

codéveloppement se sont fait jusqu'alors très discrets. Cela n'a pas été le cas lors

de la campagne présidentielle, et l'on peut toutefois repérer certaines dynamiques

à travers la mise en place de la nouvelle politique de coopération.

1.2.1 Positionnements politiques autour du codéveloppement

Lors du gouvernement de M. Sarkozy, une des politiques les plus vivement cri-

tiquée est la constitution et l'action du MIIINDS. L'instrumentalisation du codé-

veloppement comme outils de contrôle des �ux migratoires ne passe pas inaperçue,

et plusieurs articles dans la presse mettent en débat le codéveloppement. Un texte

fréquemment repris à cet endroit est la tribune de Jean-François Bayard intitulée

En �nir avec le Codéveloppement 74. Dans ce texte, le chercheur reconnu, après être

revenu brièvement sur les présupposés et objectifs idéaux placés dans le codéve-

loppement, dénonce violemment le concept de codéveloppement comme un outils

d'exclusion et de stigmatisation des populations migrantes en France.

[Le codéveloppement] met à distance les migrants en leur assignant un

espace, celui du développement de leur village, et en leur interdisant

d'autres espaces, ceux de la citoyenneté dans leur société d'accueil et de

l'accumulation dans l'économie globale. Elle � indigénise � l'Afrique :

on parlera de codéveloppement à propos du Malien émigré en France,

mais non de l'Ardéchois expatrié aux États-Unies 75.

simple et solidaire. 2008.74. Jean-François Bayart. � En �nir avec le codéveloppement �. Dans : Alternatives

Economique 257 (avr. 2007).75. Ibid.

49

Page 53: Les migrants dans le codéveloppement

Cette analyse qui met en lumière les sous-entendus du codéveloppement est

peu reprise dans les discours. Le titre cependant, va être abondamment réutilisé

par la société civile et dans le discours politique comme base de questionnement :

après les vives controverses liées au MIIINDS les discours se multiplient sur la

nécessité de oui ou non � en �nir avec le codéveloppement �.

La campagne de 2012 abordera de tant à autre la question, notamment à

travers les think tank qui leurs sont associés. Dans le cadre de ce mémoire, on

prendra à titre d'exemple le rapport de Terra Nova Refonder l'approche politique

du co-développement 76, etelui de l'Institut Montaigne Afrique - France : réinventer

le co-développement 77.

L'auteur du rapport de Terra Nova, Samuel Pommeret, fait parti de l'équipe de

gestion du CCFD qui, comme nous le verrons dans la section suivante, est engagée

de longue date auprès des associations issues de la migration 78. Le texte dénonce

le codéveloppement comme une � notion fourre-tout pour des dirigeants politiques

souvent mal inspirés dès que l'on traite des migrations internationales �. Il détaille

alors les assimilations courantes liées au codéveloppement (recherche d'impact mé-

caniques entre développement et réduction des migrations, l'utilisation productive

automatique des transferts �nanciers des migrants et la recherche d'impacts sur

le développement à court terme). Le rapport appelle ainsi engager un nouveau

dialogue sur les dispositifs à destination des migrants, à réorganiser les rapports

avec la société civile à travers une coopération inter-ministérielle, et à donner un

rôle plus importants aux partenariats développés par les régions.

Quelques mois après, l'Institut Montaigne réplique avec la publication de son

rapport. Celui-ci est construit à partir de la consultations de nombreux acteurs du

secteur privé. Il adopte une dé�nition du codéveloppement construite à partir de

sa première acception (développée dans les cercles socialistes au début des années

1980) : celle d'un partenariat entre pays riches et pays en développement : dans

cette perspective, il s'agit de mettre à pro�t les atouts et potentiels des migrants

76. Samuel Pommeret. Refonder l'approche Politique du Co-developpement. Mar. 2010.77. Institut Montaigne. Afrique - France réinventer le Co-développement. Juin 2010.78. L'auteur est cependant présenté dans le rapport comme � Doctorant en géographie, mem-

bre d'une ONG en charge de projets relatifs aux migrations internationales �

50

Page 54: Les migrants dans le codéveloppement

comme entrepreneurs pouvant développer les échanges économiques, en partenariat

avec le secteur privé.

Le rapport s'e�orce de remplacer le discours politique du codéveloppement

(en termes de choix de politiques publiques vis à vis des migrants) par un discours

économique présentant le codéveloppement comme � avant tout une méthode, une

entraide, un nouveau partenariat pour la croissance � 79. Dans une analyse où � dé-

veloppement � signi�e � croissance �, le rapport met l'accent sur le rôle du secteur

privé français en concurrence avec les � stratégies prédatrices des économies émer-

gentes �. Le codéveloppement est alors présenté comme un ensemble de mesures

soutenant l'épargne et l'investissement des entrepreneurs français et migrants. Il

doit permettre de valoriser l'expertise française d'un coté, et de développer la pro-

ductivité des régions d'origine de l'autre.

Ces deux rapports relèvent d'approches radicalement di�érente de la relation

migration - développement : l'approche du think tank socialiste s'inscrit dans une

perspective critique axée sur la gestion des migrations et des espaces de partici-

pation réservés à la diaspora.L'institut libéral développe quant à lui une approche

s'appuyant sur l'économie internationale : ici les migrants sont vus sur une base in-

dividuelle comme des entrepreneurs potentiels qu'il s'agit d'insérer dans l'économie

formelle a�n d'augmenter leur contribution à la croissance du pays en général.

1.2.2 Stratégies et évolutions du MAE

Avec l'arrivée d'une nouvelle administration en mai 2012, le MIIINDS se trouve

dissous et la politique de codéveloppement disparaît des compétences des min-

istères. Cela ne veut pas dire que la ré�exion et les politiques alliant migration et

développement se trouve également dissolue.

Le Ministère des A�aires Étrangères, via la Direction Générale de la Mondiali-

sation du développement et du partenariat se montre à ce point de vue active : cela

se manifeste à travers les rapports qu'elle émet, la conduite des Assises du Dévelop-

pement et de la Solidarité Internationale et de sa nouvelle politique de coopération.

À travers ces di�érentes prises de positions, on peut distinguer certaines tendances

79. Institut Montaigne, Afrique - France réinventer le Co-développement, op. cit., p4.

51

Page 55: Les migrants dans le codéveloppement

et actions qui se dessinent en matière de migration - développement.

Quelques mois après la prise de fonction du gouvernement, le MAE publie en

e�et un rapport intitulé Mobiliser les compétences des Migrants et de la Diaspora

en faveur du développement : quelques pistes stratégiques 80. L'originalité du rap-

port tient dans le choix qu'elle fait de ne pas traiter de la question des transferts

�nanciers � bien documentés par ailleurs �. Il privilégie la valorisation des compé-

tences des migrants et de la diaspora � tant d'un point de vue économique que

social � 81. Associer ainsi l'utilisation conjointe des termes migrants et diaspora

révèle une évolution de l'approche des migrants : en e�et, le rapport élaboré en

partenariat avec l'AFD et l'OCDE procède à une amélioration des données statis-

tiques pour une meilleure connaissance des réseaux et liens entretenus avec les pays

d'origine. À travers les di�érentes rubriques le rapport insiste sur la question des

informations que possèdent les migrants, qui permettent ou incitent à la circula-

tion et la mobilité. On se trouve bien ici dans une analyse des comportements des

migrants en réseaux, appliquée tant aux migrations du travail, qu'aux migrations

hautement quali�ées, ainsi qu'aux deuxièmes et troisièmes générations de migrants

intégrées en France, et qui conservent des liens avec les pays d'origine. En termes

de politiques intérieures, le MAE insiste alors sur une meilleure compréhension et

concertation des processus permettant la mobilité des personnes et des capitaux,

liés aux comportements, aux activités et aux choix des migrants. La question des

politiques de coopération au développement alors déclinée insiste alors non pas sur

le contrôle des �ux migratoires, mais sur le renforcement de l'accès à l'information,

le soutien aux initiatives des migrants et la concertation plus grande entre acteurs

de niveaux décentralisés.

À travers les recommandations a�chées par ce rapport ce dessine tout d'abord

l'abandon d'une politique maîtrisant tous les circuits de migration. En e�et, ces

mesures politiques vont davantage dans le sens de l'accompagnement de dynamiques

déjà à l'÷uvre (les migrations temporaires et cycliques, les migrants venant se for-

mer en France, et les initiatives déjà présentes de solidarité internationale). L'idée

80. OCDE/Ministère des Affaires Étrangères. Mobiliser les compétences des Migrants

et de la Diaspora en faveur du développement : quelques pistes stratégiques. Sept. 2012.81. Ibid., p5.

52

Page 56: Les migrants dans le codéveloppement

de relations bilatérale et de gestion concertée des �ux migratoires n'est pas non

plus exposée, au pro�t d'une meilleure articulation de politiques publiques autour

de dynamiques migratoires.

L'extrait suivant souligne par ailleurs la compréhension du rôle des migrants

comme acteurs transnationaux du développement, qui dépasse la simple appréhen-

sion de leur transferts �nanciers :

L'apport de la diaspora ne doit pas seulement se mesurer à l'aune de sa

contribution �nancière et de son apport en main d'÷uvre quali�ée, mais

plus généralement dans sa capacité à dresser des ponts entre les pays

d'origine et de destination par lesquels transitent à la fois des échanges

économiques, mais également des transferts sociaux ou de normes. En

ce sens, les migrants et leur descendants sont susceptibles d'agir en tant

qu'acteurs du changement y compris sur les aspects sociaux, politiques

et environnementaux.

Ces options politiques exposées n'engagent cependant aucunement la politique

de coopération. Lors de la conférence qui a suivi la publication de ce rapport Con-

naître et mobiliser les compétences des migrants en faveur du développement en

octobre 2012, les représentants français 82 ont accompagné leur présentation des

recherches du MAE d'un simple rappel des sommes investies dans les programmes

de migration et de développement d'environ 25 millions d'euros (on notera la

distinction entre les deux termes programmes de migration et programme de déve-

loppement). Les objectifs énoncés de ces programmes restent cependant les mêmes

que ceux a�chés précédemment :

� soutenir les projets de développe- ment local impliquant les diaspo-

ras ;

� appuyer la création d'entreprises et l'investissement productif des

migrants ;

� renforcer la capacité des États du Sud à faire face aux dé�s migra-

toires 83.

82. Jean-Marc Châtaignier, directeur adjoint de la mondialisation, du développement et des

partenariats, et Philippe Meunier, directeur des biens publics mondiaux au MAE.83. Voir le compte rendu de la réunion : Ministère des Affaires Étrangères. Connaître

53

Page 57: Les migrants dans le codéveloppement

Au regard de ces engagements, les objectifs associés à la migration et au dé-

veloppement restent les mêmes que dans les politiques de codéveloppement : les

modalités de coopération et les orientations privilégiées devraient quant à elles

démontrer ou nom si une évolution est e�ectivement en marche dans la politique

du ministère, par delà la compréhension a�née des phénomènes de mobilité.

Ces modalités de coopération et orientations privilégiées peuvent se distinguer

à travers les manifestations publiques mises en place par le MAE dans le cadre de

sa coopération au développement.

Les Assises du Développement et de la Solidarité Internationale or-

ganisées au premier semestre 2013 peuvent nous renseigner à cet égard. Cette série

de consultation avec les acteurs de la société civile a été accompagnée de notes

de cadrages et �ches de présentation donnant des indications sur la façon dont la

coopération dans le domaine de la migration et le développement est amenée à

être menée.

Ces documents prennent tout d'abord leur distance par rapport aux positions

de l'ancien gouvernement. le MAE a�rme ainsi :

La politique de développement vise à renforcer la compréhension et

promouvoir une approche intégrée des interactions entre la migration

et le développement des pays et territoires d'origine et de destination.

Elle est déliée de la politique de gestion des �ux migratoires, mise en

÷uvre par le ministère de l'intérieur 84.

Les documents accompagnant les assises marquent également une évolution

quant à l'appréhension des relations migration - développement en rappelant no-

tamment que � l'existence d'une relation mécanique de causalité directe entre

développement des pays d'origine et tarissement de l'émigration reste encore à

et mobiliser les compétences des migrants en faveur du développement. Le Point Sur..., Octobre

2012, No 67. Oct. 2012.84. Assises du Développement et de la Solidarité Internationale. Note de cadrage :

Table ronde du 22 février 2013 sur migrations, mobilités, développement. Assises du Développe-

ment et de la Solidarité Internationale - CHANTIER 4 : Comment renforcer les partenariats avec

les acteurs non-gouvernementaux du développement et de la solidarité internationale ? - Table

ronde du 22 février 2013 : migrations, mobilités, développement. Fév. 2013.

54

Page 58: Les migrants dans le codéveloppement

prouver �. Ces assises se placent résolument dans une approche privilégiant les

activités et enjeux liés aux développement en soulignant l'importance de faciliter

les transferts des migrants 85 et de mieux intégrer la migration dans les stratégies

de développement des partenaires � qui en sont demandeurs �.

Les discussions liées à la migration et au développement donnent l'opportu-

nité aux organisations de la société civile d'exposer leur action au cours d'une ta-

ble ronde intitulée � Migrations, Mobilité et développement � au sein du chantier

� Comment renforcer les partenariats avec les acteurs non-gouvernementaux du

développement et de la solidarité internationale ? �.

Les axes de discussions, s'ils mettent l'accent sur le rôle des diaspora, s'éloigne

du rôle et des responsabilités de l'État pour privilégier les questions de renforce-

ment des droits des migrants, des modalités de partenariats avec les acteurs locaux

encourageant les liens transnationaux et des cadres de concertations (à l'échelle

européenne et territoriale) à mettre en place. À travers ces assises, le discours sur

la migration et le développement passe donc ostensiblement de l'action de l'État

comme gestionnaire des �ux migratoires et acteur de développement au rôle de

facilitateur. Il laisse les discours sur les pratiques de codéveloppement à la charge

des organisations de la société civile et renvoie les politiques liées aux questions de

mobilité au niveau européen 86.

Cette impression de désengagement de l'État au pro�t de la société civile

se retrouve dans d'autres événements comme la conférence sur le rôle de la

diaspora malienne pour la paix et le développement au Mali . Organisée

par le MAE dans le contexte de la dé�nition du processus de sortie de crise au

Mali, et présentée par le ministre délégué chargé du développement Pascal Can�n,

ce séminaire a lieu à la mairie de Montreuil 87. Les tables rondes mettent une fois

85. Assises du Développement et de la Solidarité Internationale. Fiche Technique :

Les transferts de fonds des migrants. Assises du Développement et de la Solidarité Internationale

- CHANTIER 4 : Comment renforcer les partenariats avec les acteurs non-gouvernementaux du

développement et de la solidarité internationale ? - Table ronde du 22 février 2013 : migrations,

mobilités, développement. Fév. 2013.86. Voir à ce sujet : idem, Note de cadrage : Table ronde du 22 février 2013 sur migrations,

mobilités, développement, op. cit.87. Ce choix dans le lieu n'est pas neutre, la mairie de Montreuil étant une collectivité parmi

55

Page 59: Les migrants dans le codéveloppement

de plus l'accent se rôle de la diaspora malienne comme � potentiel de solidarité � 88

et réservoir d'expertise. Le ministre des Maliens de l'extérieur et de l'Intégration

africaine avec Pascal Can�n appellent ainsi les actions de la diaspora à � dépasser

les projets d'infrastructures villageoises voire communales, essentiellement �nancés

jusqu'à présent � pour s'investir dans deux orientations : renforcer l'impact sur le

développement économique de la diaspora malienne et soutenir la gouvernance

locale.

Ces positions s'inscrivent dans la vision d'un développement grâce au migrants

par le bas, tel que nous l'avons exposé dans la première partie. Dans ces incitations,

les gouvernements maliens participent directement à transformer les migrants en

acteurs transnationaux du développement, dont l'action peut permettre, à travers

leur solidarité, à devenir un facteur de croissance économique. À travers ce discours,

les migrants ont donc la charge de � relever le dé� des investissements productifs �

et développer leur � potentiel encore sous-exploité � pour la création d'entreprise

par la diaspora. Cependant, par delà les discours, les pratiques de coopération

de l'État français évoluent d'une appréhension des migrants comme des acteurs

de développement à encourager, à de potentiels partenaires dans des objectifs de

plani�cation nationale et/ou local.

Conclusion

O�ciellement, la direction de la politique de la France dans le cadre du codé-

veloppement reste encore à dé�nir. À travers les prises de positions des discours

dans la sphère du gouvernement, l'action du gouvernement pointe cependant dans

la direction d'un désistement de l'État de la politique de codéveloppement jusque

là mise en ÷uvre. La thématique migration - développement se voit ainsi intégrée

dans le cahier des charges des actions d'aide publique au développement, au même

titre que l'environnement ou la question du genre. La question du développement

par les actions des migrants semble ainsi se détacher de programmes étatiques pour

être transférée aux initiatives des organisations des migrants, ONG et collectivités

les plus actives dans les relations avec les migrants.88. Ministère des Affaires Étrangères. La Diaspora Malienne pour la Paix et le déve-

loppement au Mali - Dossier de Présentation. Avr. 2013.

56

Page 60: Les migrants dans le codéveloppement

territoriales.

En ce qui concerne la question de la mobilité des migrants, la prise en compte

de la circulation des capitaux des migrants reste à être traduite sous forme de

politiques. Or, la question de la mobilité se voit presque systématiquement rejeté

hors de la sphère d'intervention du gouvernement : la mobilité des capitaux devient

la charge du secteur �nanciers (celui doit se � rendre accessible � aux pratiques

des migrants). En ce qui concerne la mobilité humaine, on assiste à un renvoi

quasi-systématique de ces questions à l'échelon de décision européen. Or, à travers

des processus de concertation autour des �ux migratoires de l'Europe de Tampere

ne lie pas vraiment l'État à des engagements en la matière 89.La redé�nition de la

politique de coopération au développement de la France le 31 juillet 2013 semble de

son coté maintenir la gestion des �ux migratoires dans la lignée des orientations du

gouvernement précédent (voir à ce sujet l'Annexe 2 : perspectives sur la politique

de coopération au développement du nouveau gouvernement : le compte-rendu du

CICID)

Il est clair que la politique migration - développement de la France s'enrichit

et intègre progressivement une compréhension des actions des migrants plus �ne,

liée aux liens qu'ils conservent entre leurs territoires, et aux circulations qui exis-

tent. On s'inscrit en cela dans les études les plus récentes sur le transnationalisme

des migrants. Les cadres de d'action de l'AFD et l'encouragement de l'action des

collectivités territoriales permettent également d'insister sur les coordinations qui

ont lieu en termes de gouvernances locales. L'enthousiasme ayant caractérisé la

vision des migrants comme la solution aux processus de développement semble

ainsi évoluer comme des agents de développement pouvant contribuer au succès

de politiques de développement. En termes de mises en politique de la thématique

migration - développement semble abandonner l'idée d'institutions et de budgets

dédiés à l'exploitation de ces relations.

La ré�exion et les discours du nouveau gouvernement sur la relation migration

89. La politique européenne se caractérise jusqu'ici comme stratégie de maîtrise des �ux. Si les

cadres d'actions invitent simplement à favoriser les actions des migrants pour le développement

a�n de faire des politiques migratoires des partenariats � gagnant-gagnant �. Cela reste encore à

l'état de recommandation.

57

Page 61: Les migrants dans le codéveloppement

- développement et le rôle des migrants semblent évoluer et s'a�ner dans l'espace

public. La traduction en politiques de développement reste encore embryonnaire,

les politiques de gestions migratoires sujettes à une forte inertie, et les moyens

investis dans le soutien aux migrants limités.

2 Le FORIM : entre fédération et mobilisation

Lorsqu'il a été créé en 2002, rien ne prédisposait le Forum des Organisations

de solidarité internationale Issues de la Migration (Forim) à avoir une durée de

vie supérieure à la plupart des institutions dédiées au codéveloppement. Les con-

ditions de sa création étaient en e�et assez instables pour un organisme en charge

de faire la liaison entre les di�érents acteurs impliqués dans des activités de codé-

veloppement. Sa constitution est donc une expérience originale spéci�que à l'es-

pace français, qui est le produit de di�érentes dynamiques stratégiques des acteurs

français (section 2.1). Le Forim a cependant réussi à s'institutionnaliser dans l'es-

pace français au milieu des di�érents acteurs nationaux en liens avec la migration

et le développement (section 2.2). Cette implication réussie dans la thématique

migration - développement s'explique notamment par les initiatives de mobilisa-

tion des OSIM qu'il met en place au niveau local (section 3). Sur ce dernier point,

nous mobiliserons des observations que nous avons e�ectuées en Midi-Pyrénées à

deux reprises aux cotés des membres du Forim.

Cette structure qui fait la liaison entre di�érents acteurs de l'espace français

nous permet d'une part d'aborder sous un autre angle la façon dont se décline le

volet développement de la politique de codéveloppement, et d'autre part d'intro-

duire les autres acteurs de l'espace français s'investissant dans le codéveloppement.

On remarquera alors que les discours sur la migration et le développement s'au-

tonomisent à travers les activités du Forim, des discours du codéveloppement

menés gouvernement.

58

Page 62: Les migrants dans le codéveloppement

2.1 La création du Forim au croisement des stratégies des

acteurs français

Le Forim est le produit de dynamiques de di�érents acteurs de la coopéra-

tion internationale dans l'espace français à la �n des années 1990. Le contexte

de l'époque marquait, comme nous l'avons vu, un regain d'intérêt au niveau du

gouvernement pour les questions de migration et de développement, avec notam-

ment la Mission Interministérielle au co-développement et aux migrations interna-

tionales (MICOMI). Di�érents ministères cherchent alors à associer les associations

de migrants aux programmes de codéveloppement mis en place au niveau du gou-

vernement.

Parallèlement les organisations issues de la migration commencent à se struc-

turer et à s'exprimer dans l'espace public. Malgré le fait que leurs structures asso-

cient aussi bien des migrants que des français, les associations sont toujours label-

lisées comme des � associations de ressortissants étrangers résidant en France � 90.

Cela leur limite notamment l'accès aux �nancements, les obligeant ainsi à s'associer

aux ONG françaises.

On aborde alors le rôle des ONG dans la mobilisation des OSIM. En e�et, si

les migrants et leurs associations mobilisent des fonds et des compétences via leurs

actions de solidarité, nombre d'entre elles éprouvent alors des di�cultés dans leurs

rapports avec les administrations et la mise en place de leurs projets. Certaines

ONG comme le CCFD ont alors eu un rôle décisif pour permettre le développement

des projets des migrants et leur autonomisation. L'association marocaineMigration

et Développement, qui est sans doute la structure de solidarité des migrants en

France la plus importante, a par exemple réussi son inscription et sa mise en réseau

grâce à son partenariat avec le CCFD 91. Sans se substituer à la mise en ÷uvre des

projets, ces dernières permettent de faire la liaison entre les associations et d'autres

structures (gouvernementales, du secteur privé ou de la société civile) s'associant

à la réussite des projets. Ce rôle des ONG se retrouve également dans la mise en

90. Maggi et al., Migrations transnationales sénégalaises, intégration et développement : Le

rôle des associations de la diaspora à Milan, Paris et Génève, op. cit., p80.91. Lacroix, Les résaux marocains du développement : Géographie du Transnational et Poli-

tiques du Territorial, op. cit., p108.

59

Page 63: Les migrants dans le codéveloppement

÷uvre des programmes gouvernementaux comme le Programme Concerté Maroc,

où le CCFD agit comme coordinateur du projet pour le gouvernement et mobilise

les réseaux de migrants dans la réalisation des activités. Le chercheur Thomas

Lacroix qui a analysé les liens entre le développement des OSIM marocaines et les

Organisations de Solidarités Internationales parle alors des ONG comme ayant un

rôle à la fois d'entremetteur et de garant de l'action des OSIM 92.

Ces interactions et médiations entre les ONG, les pouvoirs publics et les as-

sociations de migrants amènent à di�érentes expériences pour faciliter la com-

munication avec les OSIM. L'une d'entre elle est une commission mise en place

par l'administration avec des collectivités territoriales et des OSI en juin 2000,

qui eu pour mission de rechercher des modalités d'organisation interne des OSIM,

en procédant à des auditions de ces structures 93. Parallèlement, les Assises de la

coopération permettent de faire valoir et revendiquer les activités des OSIM. Cela

passe à la fois par les Organisations Non Gouvernementales, et par les associations

de migrants, bien que celles-ci aient été exclues des consultations des Assises. Le

besoin de davantage d'implication des OSIM et de concertation débouchera alors,

en 2002, par la création du Forim.

Le Forum des OSIM a donc pour mission de structurer le paysage des OSIM

ainsi que des fédérations et associations d'OSIM (FOSIM) en France 94. Il sera

associé à un dispositif du Ministère des A�aires Étrangères et du Ministère des

A�aires Sociales : le Programme d'Appui aux OSIM (PRA/OSIM) comprenant

un renforcement des capacités des OSIM, le �nancement de projets d'OSIM, et la

mise en place du Forim en tant que tel.

La mise en place d'une telle structure n'allait pas de soit : tout d'abord, dépen-

dante des �nancement de l'État, cela rend le Forim tributaire de la politique gou-

vernementale. D'autre part son association au gouvernement avait de quoi ques-

tionner son indépendance et sa position par rapport aux politiques migratoires

restrictives, rendant les relations avec les OSIM périlleuses. En�n, une autre ten-

92. Ibid., p216.93. Jean-Charles Ahomadegbe. Discours de Jean-Charles Ahomadegbe, Président du FORIM

pour les 10 ans du Forim le 20 avril 2012. 2012, p2.94. Lacroix, Les résaux marocains du développement : Géographie du Transnational et Poli-

tiques du Territorial, op. cit., p208.

60

Page 64: Les migrants dans le codéveloppement

sion concernait les rapports avec les ONG qui jusque là se positionnaient comme

partenaires et interlocuteurs des OSIM. En créant cette structure faisant la liaison

entre les OSIM et le gouvernement, le monopole traditionnel des ONG dans le

champs de la coopération au développement se trouvait concurrencé 95.

2.2 Une organisation maintenant institutionnalisée au niveau

national

Plus de dix ans après sa création, le Forim semble cependant avoir trouvé

son équilibre et sa place dans le champ de la coopération avec les migrants. Tout

d'abord, il a réussi à assurer la liaison entre les di�érentes associations de migrants,

notamment à travers l'assistance du programme PRA/OSIM. En accompagnant

les OSIM dans le remplissage des dossiers de co�nancement, et en capitalisant

sur leurs expériences, le Forim réussit ainsi à accompagner les associations sans

se substituer à leurs activités ou remettre en cause leurs manières de faire. Son

rôle en la matière est non-négligeable : l'appui apporté aux associations a permis

de démocratiser largement leur participation aux possibilités de co�nancement du

programme PRA/OSIM, comme en témoigne l'augmentation des dossiers instru-

its 96.

D'autre part, la réussite du Forim s'explique également par sa capacité pren-

dre l'initiative d'étendre son champ d'action en ne se limitant pas au rôle de facil-

itateur des appels à co�nancement gouvernementaux. Plusieurs de ses actions, à

partir de 2008 permettent de renforcer sa représentativité auprès des OSIM : une

réorganisation interne et la redé�nition de ses orientations stratégiques en 2008

permet en outre de diversi�er ses activités auprès des OSIM. Son action s'étend

également géographiquement grâce à la constitution de collectifs d'OSIM (COSIM)

dans certaines régions 97. D'une organisation essentiellement parisienne, le Forim

95. Maggi et al., Migrations transnationales sénégalaises, intégration et développement : Le

rôle des associations de la diaspora à Milan, Paris et Génève, op. cit., p81.96. À titre d'exemple : le nombre de dossier instruits de demande de subvention est passé de

48 à 129 entre 2010 et 2011Ahomadegbe, Discours de Jean-Charles Ahomadegbe, Président du

FORIM pour les 10 ans du Forim le 20 avril 2012, op. cit.97. On trouve ainsi des COSIM en Région Rhône-Alpes, Nord Pas-de-Calais, Midi-Pyrénées,

61

Page 65: Les migrants dans le codéveloppement

arrive aujourd'hui, par l'intermédiaire de ces organismes régionaux qui lui sont liés

statutairement, à atteindre de nombreuses OSIM en Province.

En outre, ses compétences en accompagnement des associations issues de la

migration et de liaison avec elles ont permis au Forim d'être associé à d'autres

programmes de dimension nationale et européenne : depuis juin 2010, le Forim

est la Cellule Relais du Projet d'Appui au Codéveloppement Mali en France (lancé

par le Ministère des A�aires étrangères et le Ministère des Maliens de l'extérieur

et de l'intégration africaine du Mali 98). Il se trouve également impliqué dans des

programmes d'échanges au niveau européen sur le dialogue avec les diasporas,

ou pour mobiliser et sensibiliser les autorités locales sur le rôle des OSIM dans

l'intégration (le programme ELCI). Le soutien que reçoit le Forim de l'AFD l'aide

également à renforcer ses capacités à développer la capitalisation et la collecte

d'information auprès des activités des OSIM. On le trouve également comme un

interlocuteur des collectivités territoriales (on le retrouvera dans la politique de

codéveloppement de la ville de Paris)

L'apport du Forim à la relation Migration et Développement tient

particulièrement à la thématique intégration qui lui est liée. Sa création, à la fois

par le MAE et par le Ministère des a�aires sociales inscrivait déjà le Développe-

ment et l'Intégration comme deux volets essentiels de son activité (bien que par

la suite, le MIIINDS ne �nance plus que le volet développement). Le Forim se

montre tout particulièrement actif autour de cette double relation. Cela s'explique

principalement par l'importance pour les associations de migrants de valoriser leur

action ici et là-bas. Le Forim se fait donc porte-parole du rôle citoyen joué par

les OSIM en renforçant la visibilité et la prise de conscience du rôle mobilisateur

tenu par ces associations.

Cela se manifeste dans l'espace public par des événements thématiques sur

les femmes migrantes et la jeunesse issue de la migration. Depuis 2010, le Forim

établit chaque année les RENAICODE : ces Rencontres Nationales de l'Intégration

et du Codéveloppement sollicitent à la fois l'échelle locale (à travers les événements

Normandie, Aquitaine et Bretagne.98. Ahomadegbe, Discours de Jean-Charles Ahomadegbe, Président du FORIM pour les 10

ans du Forim le 20 avril 2012, op. cit., p7.

62

Page 66: Les migrants dans le codéveloppement

de communication et de visibilité) et l'échelle nationale (en rassemblant les reven-

dications des associations et les actions de sensibilisation des autorités publiques).

Cela permet notamment au Forim de prendre position publiquement, par exemple

à l'occasion de son dixième anniversaire et des élections présidentielles de 2012,

sur les enjeux de l'intégration et la situation des migrants en France.

Pour résumer, le Forim a réussi à s'insérer au niveau national avec succès

dans les structures de coopération internationale, en capitalisant sur les relations

et l'expertise qu'il accumule au contact de ses associations membres. Il se construit

par ailleurs son image propre en poussant très loin son rôle de mobilisation de la

diaspora : il en met e�ectivement en valeur auprès des partenaires publics et des

collectivités territoriales le � double espace � d'action des migrants, autrement dit :

l'apport de leur pro�l transnational aussi bien aux pays d'origine qu'en France. Un

exemple révélateur à cet e�et est la charte adoptée en 2012 par les membres du

Forim où la double appartenance apparaît en tête du document 99 et est liée

clairement à la solidarité envers les pays d'origine, mais également sur le territoire

français.

Le Forim participe donc à l'évolution de la relation migration - développement

dans l'espace français vers une plus grande prise en compte du pro�l transnational

des migrants et du rôle des politiques d'intégration aux questions de codéveloppe-

ment.

2.3 Un processus de mobilisation à l'échelle locale

Si ces prises de position dans l'espace français sont importantes, le travail de

mobilisation du Forim au niveau local auprès des associations l'est tout autant. Il

illustre le rôle d'articulation que fait le Forim entre les discours et agendas tenus

au niveau national sur la migration et le développement, et les préoccupations et

activités des OSIM. Nous allons pour cela nous intéresser aux activités du Cosimip

99. � Migrant(e)s femmes et hommes, rassemblé(e)s au sein de fédérations, de regroupements,

de réseaux et de collectifs de personnes issues des migrations internationales dont le c÷ur et

l'esprit occupent à la fois deux espaces de vie que constituent le pays de résidence et le pays

d'origine. Nous nous reconnaissons autant dans notre culture d'origine que dans celle du pays

d'accueil. � (FORIM. Charte du Forim. 2013)

63

Page 67: Les migrants dans le codéveloppement

(le collectif des Organisations de Solidarité Internationales Issues des Migrations de

la Région Midi-Pyrénées). Statutairement lié au Forim et géré par trois personnes,

il rassemble 15 associations de Midi-Pyrénées et agit comme relais régional des

activités du Forim. Nous nous appuyons pour cette partie sur les observations

rassemblées à Toulouse le 17 novembre 2012, lors de la session de présentation

du PRA/OSIM par le Cosimip, et sur le forum régional de Midi-Pyrénées des

RENAICODE (Rencontres Nationales de l'Intégration et du Codéveloppement)

qui ont eu lieu le 1er décembre 2012.

La session de présentation du PRA/OSIM permet de voir les écarts qui

existent entre les modalités de la coopération française et les pratiques des or-

ganisations de solidarité des migrants. La réunion réunit ainsi les responsables

du Cosimip qui prennent ici le rôle d'Opérateur d'Appui pour le programme

PRA/OSIM, expliquent l'action du Forim et le programme dans lequel il s'in-

sère. Un chargé de mission de l'Université du Mirail a le rôle d'animer les sessions

de formation et de présenter l'importance et les détails techniques des dossiers de

subvention. Les participants, quant à eux, rassemblent aussi bien des représentants

d'associations locales à vocation culturelle ou de solidarité agissant à Toulouse et

en Afrique, et des représentants de communautés ou de pays d'origine.

Le dialogue s'établit facilement autour de la question des dossiers de montage

de projet, les membres des associations reconnaissant un besoin de comprendre et

maîtriser les façons de présenter les projets pour les dossiers. Les points de débats

concernent la nécessité de valoriser la composante � développement � du projet.

Il est en e�et très important pour les participants d'insister sur l'histoire des liens

entre leur association et/ou leur communauté et leur projet, sur leur connaissance

des enjeux présents là-bas et sur l'importance de la dimension � culturelle � du

projet. Ce dernier aspect recouvre notamment dans les discours la transmission du

patrimoine aux communautés résidant en France, et les liens de solidarité noués

au �l des aller-retours dans les pays d'origine.

Il apparaît ainsi que derrière la vision des OSIM comme agent transnationaux

de développement, ces dernières se représentant davantage comme un espace asso-

ciatif de mise en commun des solidarités et des vécus : si le montage des dossiers

64

Page 68: Les migrants dans le codéveloppement

implique d'insister sur la � valeur ajoutée au développement � de la région d'o-

rigine, cet aspect n'est qu'une dimension des actions des OSIM et un élément

stratégique de valorisation institutionnelle des projet.

Ces aspects se retrouvent également dans les revendications des participants

auprès du Cosimip, transformant la réunion en un espace de ré�exion sur les ac-

tions du Forim. Les programmes du Forim s'avèrent donc bien être davantage

qu'un simple relais auprès des OSIM. Celles-ci émettent ainsi des réserves et propo-

sitions sur les modes de sélection des projets 100, proposant à ce que les porteurs

de projet aient la possibilité de soutenir en personne leurs projets lors de la sélec-

tion, faisant des remarques sur la faiblesse du nombre de co�nancements 101, pour

arriver ensuite à des remarques plus générales sur la reconnaissance de la diversité

du rôle des OSIM 102.

Ainsi, les dispositifs d'appui fonctionnent bien comme des espaces de débats à

double sens. Si les actions du Cosimip ne mobilisent les OSIM de Midi-Pyrénées

qu'à l'occasion de la préparation des projets et des RENAICODE, les associations

font tout de même de ces rencontres un espace de discussion alliant l'acquisition

de compétences technique (le montage des dossiers de �nancement) aux échanges

autour de leurs actions et de leurs rôle.

Le déroulement des RENAICODE qui eurent lieu peu de temps après cette

réunion nous permet de compléter ces observations. Celles-ci s'adressent à un pub-

lic plus large, rassemblant aussi bien des représentants et membres d'OSIM, que

des OSI locales ou des citoyens non engagés. La journée se déroule autour de dif-

férents moments de rencontres (accueil, bu�ets), de débats (autour de conférences)

et de représentations culturelles (contes, exposition photo, pièce de théâtre). Cha-

cun de ces moments montre l'importance que prend la dimension intégration dans

100. Rappelons que le Forim participe également au Comité d'Examen Paritaire des projets

déposés pour co�nancement101. � Plutôt que d'augmenter les plafonds des co�nancements disponibles par projet pour les

projets, il faudrait mieux augmenter le nombre de projets subventionnés : ce sont les associations

les plus professionnelles qui arrivent le mieux à avoir leur dossier validé �102. � Ne pas réduire les associations juste à leur pro�l de migrants. Certains d'entre nous

sommes là depuis des années, nous agissons avec des associations françaises de Toulouse depuis

longtemps �

65

Page 69: Les migrants dans le codéveloppement

le codéveloppement.

Ainsi, les conférences proposent à la fois des présentations des dispositifs du

Forim, mais aussi des rétrospectives sur l'histoire de l'immigration en France, ou

sur le vécu et les liens qui se créent au �l de l'immigration. Ces tables rondes font

ainsi la liaison entre les activités d'associations de la diaspora, les interventions

des chercheurs (sous l'angle des sciences politiques, du droit ou de la sociologie) et

les témoignages des membres du public (à titre individuel ou d'associations). Les

discussions ne sont pas compartimentées mais mettent au contraire en dialogue les

actions, engagements et vécus de chacun autour de questions générales de l'immi-

gration ou de l'intégration. Les scénettes de théâtre, contes et exposition de photo

permettent également d'illustrer ou de faire rebondir les conversations 103 .

Les conférences fonctionnent en exposant certaines di�cultés rencontrées par

les migrants (accès aux papiers, déracinement, conciliation des identités, di�cultés

d'accès à l'emploi ou à monter leur entreprise. . .). Les discussions qui s'engagent

alors insistent sur l'intérêt des activités des immigrés et associations sur le terrain

pour y faire face. Les solutions proposées mettent en valeur le rôle crucial joué

par ces rencontres sur les thématiques de l'intégration : renforcer les services et

l'accompagnement des primo-arrivants, transformer le déracinement en richesse,

dépasser la stigmatisation des populations migrantes pour les valoriser en tant

qu'acteurs locaux, renforcer les espaces d'échanges et de concertation pour per-

mettre aux populations immigrées de prendre compte des discriminations qu'elles

subissent et de l'aide dont elles ont besoin. . .

Le �l des discussions assez libre donne ainsi un autre visage au codéveloppe-

ment : Tout d'abord, il permet de mettre en valeur la justesse des analyses sur

le transnationalisme : en e�et, les actions des migrants s'ancrent dans le vécu à

l'échelle locale, vers les régions d'origine et autour des liens conservés avec le terri-

toire d'origine. Il faut noter que les discussions qui s'engagent allient l'engagement

individuel à la critique des politiques gouvernementales. Chaque échange sur les

actions et attitudes des gouvernements vis à vis des immigrés s'accompagne de

ré�exions et de témoignages sur des engagements individuels, associatifs et sur les

103. Les scénettes proposent ainsi des représentations du vécu des immigrés sans-papiers et les

espaces photos illustrent des parcours d'intégration d'immigrés à la société toulousaine

66

Page 70: Les migrants dans le codéveloppement

parcours de chacun. Les conclusions de chaque échange amènent le plus souvent

au constat de nécessaire mobilisation des acteurs issus de la migration pour faire

valoir leur présence légitime dans la société française et faire valoir leurs positions

auprès des acteurs locaux et nationaux.

On touche alors au c÷ur de problématiques d'intégration qui rajoutent un

dimension à l'engagement ici et là-bas. À travers ces échanges, ce sont surtout des

volontés de reconnaissance de l'action des migrants qui se font jour, que ce soient

à titre individuel, au nom d'associations, ou en termes d'association à la vie de la

cité.

Ces événements du Forim amènent donc les participants à conceptualiser leur

action, tant en tant qu'immigré mais aussi que citoyen, et d'exprimer leur point

de vue sur la façon dont leurs actions sont considérées. Si ces revendications, en

présence des membres du Cosimip et du Forim, permettent de faire remonter

les revendications au niveau national, elles permettent aussi aux di�érents acteurs

locaux de se rencontrer pour concerter leurs actions (les di�érentes activités des

participants soulignent en e�et un certain éclatement associatif).

C'est donc une mise en réseau local qui se met en place, et qui dépasse le

cadre des OSIM. En e�et, d'autres associations de solidarité sont présentes, les

RENAICODES amènent à donner plus de visibilité aux actions des migrants dans

l'espace public. Certains responsables des collectivités locales participent ainsi aux

rencontres, en a�rmant leur positionnement politique local vis à vis des gouverne-

ment (ici aussi, les discours sur le codéveloppement s'enrichissent d'une dimension

intégration). Le cadre convivial des rencontres permet également à des pro�ls très

di�érents de se côtoyer, tant en termes d'engagement que de générations ou de

pro�ls socio-professionnel).

Conclusion

Cette section nous a donc permis de mettre en valeur un acteur qui se trouve

à l'interface entre les discours gouvernementaux et les dynamiques locales. Le

parcours du Forim souligne que les ré�exions sur la migration et le développement

peuvent se décliner de façons tout à fait di�érentes tant au niveau national que

67

Page 71: Les migrants dans le codéveloppement

local. Cela tient d'une part aux programmes d'appels à projets et de fédération

des OSIM : il s'agit de la base sur laquelle a été construit le Forim, comme un

structure de coopération internationale dans l'espace français. À partir de cette

base se bâtissent cependant d'autres logiques de mobilisation : celles-ci reposent

sur le contact et les relations au contact des OSIM. En appuyant la reconnaissance

du rôle des migrants tant au niveau local que national, le Forim enrichit et fait

évoluer le discours sur la relation migration - développement, vers des enjeux en

termes d'intégration de l'action des migrants, à la fois aux réseaux de coopération,

et dans la société française. Il répond ainsi à la fois aux attentes du gouvernement

(en intégrant l'action des migrants aux politiques publiques) et aux OSIM (en

intégrant leur action dans l'espace public)

Même si le Forim dépend toujours des budgets débloqués par la coopération

française, il s'est cependant institutionnalisé avec succès et s'autonomise dans ses

discours. Cette structure est encore en évolution : elle tente en e�et de développer

davantage son professionnalisme pour prolonger et multiplier ses partenariats avec

les acteurs de la coopération internationale française, et de développer plus avant

cette mobilisation des OSIM au niveau local (la création d'une Maison des As-

sociations des OSIM est en projet). Malgré ses moyens limités, le Forim montre

que le codéveloppement s'enrichit dans ses contenus, à travers ses pratiques et ses

discours. Il a également un rôle important dans le développement la capacité des

associations de migrants à agir dans l'espace public (en gagnant en visibilité, en

accédant aux programmes institutionnels, en multipliant les espaces d'échanges et

de concertation).

Nous allons voir que ces dynamiques ne sont pas si di�érentes lorsque l'on se

penche sur les réseaux d'ONG.

68

Page 72: Les migrants dans le codéveloppement

3 Les ONG et les réseaux d'OSIM : au c÷ur de la

redé�nition du codéveloppement ?

Nous avons pu voir à travers la section précédente que les OSIM et les organi-

sations de solidarité impliquant les migrants sont caractérisées par leur dynamique

associative ultra localisée. Or, si le forim, les COSIM et les fédérations de mi-

grants permettent une forme d'interface entre leurs activités et les politiques du

gouvernement, leur capacité à se faire entendre et investir le débat sans intermédi-

aires (tant dans les circuits de coopération que dans l'espace public) semble encore

limitée.

Cette partie vise donc à étudier le rôle joué par les Organisations Non-Gouvernementales

et les réseaux d'OSIM qui s'investissent pour représenter, mobiliser et défendre la

contribution des migrants et de leurs associations dans l'espace français. Cela va

nous amener à découvrir de nouveaux discours et de nouvelles positions autour du

codéveloppement. Ces acteurs de la société civile ont e�ectivement des pratiques et

des stratégies di�érentes de celle du forim, et participent activement à redé�nir et

prendre parti autour du rôle des migrants dans la migration et le développement.

Dans le cadre de ce mémoire, nous avons donc étudié les publications et les

pratiques par lesquelles ces ONG et réseaux s'imposent et participent à la ré�exion

sur la migration et le développement. Nous avons étudié une dizaine d'associations

et réseaux qui ont à la fois une capacité d'intervention et un investissement actif

dans la question. Nous allons montrer que le codéveloppement se redé�nit à travers

leurs projets de développement (Section 3.1), à travers leurs critiques et prises de

position dans l'espace public (section 3.2) et à travers les mises en réseau qu'elles

opèrent entre les OSIM et OSI (Section 3.3) 104.

104. Les organismes dont les publications ont été étudiées sont : Migration et et Développe-

ment,l'ADER, Touiza Solidarité, le SIAD, ID Méditerranée, le GRDR, ENDA-Diapol, la Cimade

et le CCFD. Les réseaux et collectifs étudiés sont le réseau Eunomad, le CRID et le réseau IDD.

Ces organisations �gurent parmi les plus actives et les plus visibles dans l'espace public sur la

relation Migration - Développement. Les documents s'y rapportant sont listées en Annexe 1.

69

Page 73: Les migrants dans le codéveloppement

3.1 Le codéveloppement comme pratique de coopération

Les ONG et réseaux d'ONG retenus nous o�rent un aperçu des types de

coopération qui sont mis en place aux cotés des migrants. Par leur durée d'ex-

istence et le nombre de projets soutenus, les organisations étudiées permettent

d'avoir une idée des types de partenariats qui sont mis en place dans le cadre de

projets alliant migration et développement, et des types de stratégies et de vision

qui s'en dégagent.

Ces ONG ont des pro�ls di�érents. On trouve des ONG spécialisées dans l'ac-

compagnement des projets de développement des migrants (le GRDR, le CCFD),

d'autres qui font de l'accompagnement des migrants ou de leurs projets une des

thématiques qu'elles traitent (Touiza Solidarité, ENDA, le SIAD, l'ADER, la

CIMADE) et des réseaux d'ONG (Eunomad, le CRID, IDD). Nous avons choisir

d'inclure également l'ONG franco-marocaine Migration et Développement car son

pro�l dans le champ des OSIM est particulier.

Selon leur taille, leur capacité et les types de structure, certains types d'ac-

tivités seront privilégiées. Nos recherches nous ont cependant permis d'identi�er

un certain nombre de types d'accompagnements mis en place pour soutenir les

activités des migrants que l'on retrouve dans la plupart des cas. À travers les ac-

compagnements des migrants, nous pouvons ainsi repérer quelles dimensions des

activités des migrants dans les pays d'origine sont mises en valeur par les ONG,

et donc quelle compréhension de leur rôle en tant qu'agent de développement elles

véhiculent.

Les actions identi�ées sont :

Développer une meilleure connaissance de la diaspora : Plusieurs projets

s'inscrivent dans une logique de codéveloppement consistant à recenser et connaître

les OSIM et leurs projets. Bien que les migrants ne soient pas toujours les béné�ci-

aires directs des projets, ces expertises sont adressées à l'ensemble des acteurs de la

coopération (ant les associations de migrants, que les ONG, le secteur privé ou les

organismes gouvernementaux). Le but est de faire connaître et rendre disponible

un répertoire des actions déjà entreprises par les migrants. Les informations créées

70

Page 74: Les migrants dans le codéveloppement

permettent alors de développer des projets dans un cadre d'intervention connu,

soulignant ainsi le rôle actif que prennent déjà les migrants dans une région par-

ticulière, ou dans un champs d'activité précis. Ces types d'activités se retrouvent

aussi bien dans des Organisations de Solidarité Internationales s'investissant spo-

radiquement dans la question des migrations 105 , que des organismes comme le

GRDR accompagnant de longue date les communautés de migrants 106. Ces pro-

grammes de type recherche - action sont souvent menés en collaboration avec des

instances gouvernementales ou des collectivités locales et visent explicitement à

faire rentrer la contribution des migrants dans les cadres d'action de ces acteurs

publics 107.

Formation et accompagnement des migrants : Une autre pratique large-

ment répandue chez les ONG est la prise en charge ou le �nancement de sessions

de formation pour les migrants. Ces actions ciblent les migrants de façon individu-

elle dans le cadre de projets qu'ils ont construits, ou d'activités qu'ils établissent

en s'établissant dans leurs territoires d'origine. Leur objectif est de permettre la

viabilité des projets et des entreprises menées par les migrants de retour, ou le pro-

fessionnalisme de leur contribution auprès d'une communauté d'origine. Ces types

d'actions réclamant moins de capacité �nancières, on les retrouve le plus souvent

dans des ONG de petites tailles ayant un volet d'accompagnement des initiatives

des migrants (les ONG mieux dotées en capacité �nancière tendent à privilégier

les actions collectives, l'accompagnement au retour prenant une moindre part dans

105. On peut citer à titre d'exemple les programmes de l'ONG ENDA-Diapol : MAFE (Pro-

jet Migration Afrique Europe) visant à créer des données statistiques sur les déplacements des

migrants ou Diapode (Diaspora pour le Développement) ciblant les activités de la diaspora et la

façon des les associer dans des projets de développement local (Enda - Diapol. Cohérence des

politiques et e�cacité des actions de développement - Migrations, Diasporas et Développement,

voir.106. Voir par exemple le recensement des actions de la diaspora en Guinée Bissau : GRDR.

Les pratiques de Co-développement entre la France et la Région de Cacheu - Guinée Bissau - état

des lieux et �ches techniques.107. Voir par exemple un autre programme du GRDR en Ile de France : PICRI http://www.

grdr.org/PICRI-Programme-Recherche-Action,345.html

71

Page 75: Les migrants dans le codéveloppement

leurs projets 108. Ces accompagnements sont généralement associés à des partenar-

iats avec des organismes privés de formation professionnelle ou des organismes de

formation, ainsi que de mise en réseau d'organismes professionnels entre la France

et les pays d'origine 109. En termes d'activités concernées, ces projets consistent

souvent en renforcement d'expertise dans le domaine des infrastructures rurales,

ou en création de compétence pour la gestion de coopérative ou d'entreprises lo-

cales (l'appui à l'entrepreneuriat des migrants constitue par exemple la façon dont

le SIAD (Service International d'Appui au Développement) associe les diasporas

à ses actions de solidarité 110)

Structurer la vie associative : Le renforcement des capacités des OSIM est

une activité historiquement très présente dans l'engagement des ONG. Ces ac-

tivités consistent à notamment à aider les associations de migrants à remplir les

dossiers de demande de �nancement, leur permettant ainsi d'accéder aux subven-

tions et programmes public français, européen ou des pays d'origine. Les ONG

agissent ainsi comme Opérateurs d'Appui de façon similaire aux structures lo-

cales du forim 111. Elles permettent de mieux implanter localement les OSIM et

de les inciter à développer des partenariats avec d'autres structures locales (OSI,

collectivités territoriales) en France a�n de renforcer et compléter leurs actions.

Les ONG concernées par ce type d'activité sont généralement très bien implan-

tées localement ce qui leur permet de suivre et d'accompagner les OSIM, ainsi

que de rentrer en contact avec d'autres acteurs locaux pour faciliter les prises

108. On peut se rendre compte de ces di�érence dans les choix des options à travers l'évaluation

de la stratégie du GRDR dans le bassin du Fleuve Sénégal : Bernard Husson et Babacar Sall.

Evaluation de la stratégie du GRDR dans le bassin du Fleuve Sénégal. Avr. 2001.109. Un exemple emblématique est l'action du Groupe d'Appui à la Micro-Entreprise (GAME).

Ce programme lié au réseau professionnel de solidarité internationale PSEAU créé des réseaux de

structure coordonnées pour renforcer les capacités des migrants porteur de projet ou de création

d'entreprise en France et en Afrique Eunomad. Présentation du GAME sous l'angle Migration

- développement. Fiche Pro�l Acteur-eunomad France. Mar. 2010.110. SIAD. Rapport d'activité 2011. 2012.111. Voir par exemple le rapport de la Maison Internationale de Rennes qui étudie la façon

dont les migrants s'associent localement pour monter leurs projets de développement Maison

Internationale de Rennes. Participation des migrants au développement local et international

- Résultats, propositions et actions. 2008.

72

Page 76: Les migrants dans le codéveloppement

de contact 112. Cette structuration de la vie associative est un axe important que

l'on retrouvera dans les discours des ONG qui insistent pour que les OSIM soient

impliquées et �ables dans les réseaux de coopération au développement 113

Mise en réseaux et connaissance des acteurs locaux des régions d'orig-

ine : Parmi les activités menées en partenariats avec les associations de migrants,

le renforcement des interactions entre les migrants et les institutions locales des

pays d'origine est sans doute le type d'implication des ONG qui suscite le plus

de dynamisme de leur part. En e�et, à partir des actions et des liens existants

entre les associations de migrants et les territoires d'origine, les ONG encoura-

gent et suscitent vivement les échanges et les débats sur la gouvernance locale.

Ces programmes sont axés autour de la question du développement local et

visent encourager les migrants à inscrire leurs actions dans le contexte local. Ces

accompagnements permettent ainsi de forcer les associations à un dialogue avec

les habitants et communautés des pays d'origine, a�n d'identi�er l'impact réel de

leurs actions sur la région et les conditions de vie des populations (l'action de

l'ONG Touiza-Solidarité est intéressante à cet égard, à la fois à travers les rencon-

tres qu'elle organise avec les acteurs locaux, mais aussi ses formations qui visent

à la fois les collectivités territoriales, et les associations de migrants 114). D'autre

part, elles incitent aussi aux interactions avec les institutions locales et territoriales

en charge du développement. Ces di�érentes activités ne prennent pas forcément

la forme de consultations supplémentaires au montage de projet, mais souvent

à des séminaires ou rencontres entre autorités et migrants autour de la question

du développement local. Compte-tenu du nombre de malentendus pouvant naître

de l'implication des migrants, les activités des ONG consistent ainsi à inciter les

OSIM à devenir des passerelles entre les enjeux de développement locaux et leur

112. Voir à cet égard les conclusions du réseau IDD dans ces relations avec les OSIM de l'est de

la France IDD. Le poids de l'engagement, La force du réseau,IDD pôle Grand Est de la France.

Étude du réseau. 2010, p63.113. Cimade. Le Co-dev : Kezako ? 2007.114. F3E. Évaluation du programme de formation de cadres et élus des collectivités territori-

ales (Algérie/Maroc). Rapport d'Évaluation F3E de Touiza Solidarité. Oct. 2004 ; F3E. Gestion

participative territoriale : Formation / action d'experts du développement local. Rapport d'Éval-

uation F3E de Touiza Solidarité. Mar. 2007.

73

Page 77: Les migrants dans le codéveloppement

connaissance des besoins des populations locales 115.

À travers ces di�érents types de soutien, on peut distinguer deux tendances

dans les pratiques d'assistance aux migrants qui sont mises en place. Tout d'abord,

on se situe bien dans une perspective de construction des migrants comme acteurs

transnationaux du développement. Le renforcement des compétences des migrants

permet de développer leurs capacité à agir dans des cadres de coopération struc-

turés, et en partenariats avec d'autres acteurs de la coopération.

D'autre part, la façon dont sont structurés les projets, lorsque soutenus par les

ONG, va dans le sens d'une plus grande approche territoriale du développement :

même si les ONG ne se substituent pas aux actions des migrants (la plupart in-

sistent bien sur cette composante de leur assistance), elle permet de mettre les

activités en cohérence avec les autres acteurs territoriaux impliqués dans la gou-

vernance de la région d'origine. L'action des migrants ici et là-bas s'inscrit donc

de plus en plus dans une logique multi-acteurs : si la communauté d'origine reste

béné�ciaire, des synergies et des partenariats sont recherchées et mis en place. Cela

permet de dépasser la relation transnationale directe qui unit les migrants aux pop-

ulations concernées, pour en faire des acteurs qui participent aux dialogues et aux

politiques de développement. Ces positions sont variées (les migrants et leurs asso-

ciations peuvent ainsi être maître d'÷uvre, exécuter le projet, superviser le projet,

ou venir en appui à des activités particulières.

Ces pratiques ne font donc pas du migrant l'acteur unique du développement

comme tendent à le promouvoir les analyses mobilisées en première partie. On

peut noter d'ailleurs que ces programmes et projets soulignés mettent rarement les

migrants dans la position d'� entrepreneur � dont les � investissements productifs �

sont encouragés. Cela n'empêche pas bien sûr les rapports directs entre les migrants

et la communauté d'origine, ou des échanges économiques ou �nanciers d'avoir lieu

sans intermédiaire lors de la conduite de ces projets. Les approches développées

avec les ONG se se veulent cependant professionnalisantes, inscrivant les migrants

dans des cercles de participation plus large et insistant sur la dimension collective

115. Ce rôle est notamment mis en évidence dans l'évaluation de la stratégie du GRDR Husson

et Sall, Evaluation de la stratégie du GRDR dans le bassin du Fleuve Sénégal, op. cit.

74

Page 78: Les migrants dans le codéveloppement

des contributions des migrants 116.

3.2 Des activités de plaidoyer : une dé�nition alternative du

codéveloppement dans l'espace public ?

Si les ONG et réseaux d'ONG se veulent respectueuses de l'indépendance, de

l'autonomie et de l'apport des migrants et de leurs organisations, les discours que

ces organismes tiennent sur le rôle des migrants dans l'espace public français a

tout de même un fort impact sur la dé�nition du codéveloppement. De part leurs

moyens et leur expérience, ces acteurs qui se mobilisent auprès des migrants ont

e�ectivement la capacité de prendre position et di�user des représentations sur les

relations migration - développement alternatives à celles construites à travers les

politiques gouvernementales.

Nous avons déjà décrit dans la section précédente le rôle d'intermédiaire qu'elles

avaient eu lors des concertations gouvernementales à la �n des années 1990 (qui

avait mené entre autres à une plus grande prise en compte des OSIM et à la créa-

tion du forim). Nous allons donc étudier ces positions à travers les interventions

des plus actives d'entre elles ces dernières années vis à vis du gouvernement, ainsi

qu'au cours de leurs activités de mise en réseau.

La prise de position face au gouvernement fait partie intégrante des activités

des ONG et réseaux d'OSI. Le réseau EUNOMAD présente par exemple chaque

année un rapport sur l'État de la Migration, de l'intégration et du développement

en Europe analysant les politiques mises en place par les gouvernements 117 et la

plate-forme pays établit sa stratégie de lobbying auprès des pouvoirs publics 118.

2007 nous présente un bel exemple de l'investissement de l'espace public par les

116. Patrick Gonin. � Des voix sur la solidarité internationale - Voyage au coeur d'une associ-

ation, Entretien avec les salariés du GRDR �. Dans : Hommes & Migrations 4 (2010), p. 16�23,

L'étude sur les positions du GRDR nous renseigne notamment sur les di�érentes dimensions qui

rentrent en compte dans les partenariats avec les migrants.117. Eunomad. Rapport Eunomad 2012 - Migration, Développement et intégration en Europe.

2013.118. Eunomad. Document provisoire présentant une stratégie de concertation avec les pouvoirs

publics au niveaux national et européen. 2012.

75

Page 79: Les migrants dans le codéveloppement

ONG, avec la création du Ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité

Nationale et du Codéveloppement. Les associations décrivent en e�et minutieuse-

ment les instrumentalisations du développement avec l'aide au retour et les poli-

tiques migratoires restrictives 119. D'autres organisations se livrent à des exercices

pédagogiques sur l'impact du développement et sa relation avec les décisions à mi-

grer 120. En�n, c'est l'occasion pour les associations de faire valoir leur expérience

et de distinguer la mise en ministère du codéveloppement des di�érents autres sens

que peut avoir cette notion, au regard de leur expérience et de leurs pratiques 121.

Au c÷ur des discours �gure surtout la question de la mobilité. En e�et, toutes

les positions prises par les ONG insistent sur l'importance de la liberté de cir-

culation et la facilitation de la mobilité des migrants, a�n de rendre pro�table

la migration, avoir une approche respectueuse des droits des migrants, et libérer

l'impact de leurs activités sur le développement et l'intégration. Les revendications

principales des ONG sur cette période sont la déconnexion des crédits d'APD de

la gestion des �ux migratoires, et une mise en cohérence des politiques entre les

actions de codéveloppement des migrants et les politiques d'intégration, condition

essentielle du succès des initiatives des migrants 122.

Les positions des ONG ne se font pas que dans l'opposition. En e�et, elles

di�usent leur expertise et sont force de proposition auprès des gouvernements 123.

Les Assises du Développement et de la Solidarité Internationale sont de ce point de

vue assez parlantes. Les réseaux d'ONG et le forim se mobilisent pour partager

leur expérience et proposer des directions sur la politique de coopération au dé-

119. La Cimade propose ainsi une analyse détaillée des accords de codéveloppement passés

par la France Cimade. Les accords relatifs à la gestion concertée des Flux Migratoires et au

codéveloppement. publié le 20 octobre 2009. 2009.120. CCFD. Le co-développement, ligne Maginot des migrations internationales ? publié le 19

jui 2007. 2007. url : http://ccfd-terresolidaire.org/projets/europe/france/doc_1098.121. GRDR. Le Codéveloppement a-t-il un seul sens. Jan. 2009.122. La position de la Cimade a cet égard est particulièrement parlante Cimade, Le Co-dev :

Kezako ?, op. cit.123. En témoigne cette note du collectif Des Ponts et pas des murs présentant une dé�nition

alternative du codéveloppement CRID / Collectif Des Ponts et Pas Des Murs. Les

migrations internationales, une richesse pour le développement : à quelles conditions ? Note des

associations françaises du réseau des Ponts pas des Murs (DPPDM) à l'attention de M. Pascal

Can�n, Ministre délégué chargé du développement publié en septembre 2012. 2012.

76

Page 80: Les migrants dans le codéveloppement

veloppement du gouvernement. Les di�érents arguments qui reviennent sont les

suivants :

La position des migrants dans le codéveloppement Les ONG prenant la pa-

role insistent sur le fait que les migrants ont un rôle de � passerelles � avec

les sociétés d'origine, mais n'ont pas d'� assignation à développer � 124. Plutôt

qu'une mobilisation des migrants, les pouvoirs publics devraient plutôt chercher

à s'appuyer sur leurs expériences bénévoles pour améliorer l'e�cacité des

politiques de développement et d'intégration

L'approche multi-acteurs et la dimension territoriale Cette autre dimen-

sion des discours insiste sur la concertation des di�érents acteurs de la

coopération pour des actions mutuellement béné�que. Cela implique notam-

ment que les migrants et les autorités locales et nationales doivent être im-

pliquées dans les négociations de tous les partenariats qui voient le jour.

Associer les migrants aux projets de coopération est une valeur ajoutée con-

sidérable aux processus de coopération décentralisée 125.

À travers ces prises de position, il faut surtout retenir l'importance de la mo-

bilité et de l'intégration qui font évoluer les perspectives sur le codéveloppement de

la relation � développement - �ux migratoires �, vers les conditions de circulations

des activités des migrants, en tant qu'acteurs transnationaux.

124. Annie Takarli. E�cacité de l'aide et co-développement. Intervention du 10/02/2013 au

nom de la plate-forme France du réseau Eunomad lors des Assises du Développement et de

la Solidarité Internationale. 2013 ; Mireille Alphonse. Migrants, acteurs du développement.

Intervention du 8/02/2013 au nom du réseau Eunomad lors des Assises du Développement et de

la Solidarité Internationale. 2013.125. Guillaume Top. De la nécessité d'une démarche multi acteurs pour traiter la thématique

'Migration et Développement'. Intervention du 9/02/2013 au nom du réseau Eunomad lors des

Assises du Développement et de la Solidarité Internationale. 2013 ; FORIM. Une piste inno-

vante : les projets CD. Intervention du 21/01/2013 lors des Assises du Développement et de la

Solidarité Internationale. 2013.

77

Page 81: Les migrants dans le codéveloppement

3.3 La mise en réseau : un apport décisif à la ré�exion sur

le codéveloppement

Les prises de position dans l'espace public ne sont qu'une dimension visible du

travail des ONG autour de la thématique Migration Développement. En e�et, un

aspect essentiel de l'action se trouve dans les rencontres que font les ONG et les

réseaux de migrants.

Les ONG et réseaux de migrants tiennent en e�et fréquemment des séminaires

et conférences réunissant les membres de leurs réseaux, mais aussi des entités

publique et territoriale. Ces actions sont de véritables moments de fédérations

des ONG 126. En e�et, elles permettent aux di�érents participants d'exposer leur

action et leur valeur ajoutée, permettant ainsi d'approfondir la compréhension de

leurs contexte d'actions. À travers les échanges sur les projets de coopération, les

parcours des membres, les analyses des sociétés d'émigration, c'est également une

compréhension plus �ne des stratégies des migrants qui est soulignée, et qui permet

aux ONG et OSIM de mieux cadrer leur action. Ces événements associent en e�et

à la fois des chercheurs, des membres des antennes locales des OSIM et ONG,

des universités, des institutions des pays d'origine et des collectivités territoriales,

toutes impliquées dans des processus d'échanges et de partenariats transfrontaliers.

Ces rassemblements suivent souvent la même structure : une première étape

consiste à mettre en perspective le concept de codéveloppement. Souvent animée

par des chercheurs 127, celle-ci consiste à dresser un historique des politiques de

codéveloppement et de les opposer et les mettre en perspectives des pratiques des

migrants. Dans un deuxième temps, des conférenciers expliquent l'implication de

126. Pour cette partie, nous nous appuyons notamment sur les actes de 4 de ces collo-

ques/rencontres : CRID. Enjeux et pièges du codéveloppement - actes du colloque. 2008 ; GRDR.

Mobilités humaines et développement : regards croisés, échanges, débats et propositions. Actes

du Forum de Nouakchott - novembre 2010 - Université de Noukchott. 2010 ; IDD. Séminaire

international : Migration - développement - Une dynamique Sud/Sud/Nord. Actes de colloque.

2011 ; Initiatives.Migrations et développement des territoires : Quels enjeux pour nos pratiques

de coopération ? Initiatives, 2009.127. Ces chercheurs proviennent principalement du laboratoire Migrinter de l'Université de

Poitiers. Cette équipe, avec à sa tête Patrick Gonin est spécialisée dans les questions des migra-

tions transnationales en France.

78

Page 82: Les migrants dans le codéveloppement

leur association ou de leur institution dans leurs relations avec les migrants et des

politiques de développement, soulignant les enjeux et les dé�s lier à la coopération.

En�n, un troisième temps permets aux participants d'échanger sur leur stratégies

et la façon de proposer, à travers leurs actions, des alternatives au politiques de

développement et de la valorisation des migrants.

Tout comme dans leurs interventions publiques, ces moments ne se posent pas

en opposition radicale au gouvernements. Si la perspective critique est de mise,

les politiques publiques sont davantage des horizons à convaincre par une � mobil-

isation par les bas �. Elle valorise par ailleurs l'approche territoriale qui permet,

à travers la concertation avec les pouvoirs publics, d'ancrer la participation des

migrants dans la gouvernance locale et de la faire progresser 128. En�n, à travers

l'échange et la mise en valeur des résultats obtenus et de l'engagement des acteurs,

ces mises en réseaux permettent de fédérer les e�orts des di�érents acteurs au-

tour d'un discours commun, alliant aussi bien l'expérience pratique, les stratégies

politiques et les analyses scienti�ques.

Conclusion

À travers ces regroupements et ces échanges riches en arguments, la vision de

la migration - développement se trouve articulée entre les approches générales et

critique, et les observations locales. Le codéveloppement se dé�nit alors par le bas, à

travers les pratiques et stratégies d'acteurs locaux, territoriaux et transnationaux,

plutôt que par des �ux macro-économiques.

En conjuguant ces di�érentes approches et pratiques, c'est donc un discours

autonome qui émerge dans l'espace français, et autour desquels peuvent se re-

grouper les acteurs de la société civile et les collectivités territoriales. C'est une

approche radicalement di�érentes des discours qui ont lieu au niveau des institu-

tions gouvernementales, mais en aucun cas opposées : en e�et, comme nous l'avons

vu, les acteurs qui s'impliquent dans ces dialogues de la société civile participent à

la déclinaison des programmes gouvernementaux (à travers la mise en ÷uvre par

128. C'est d'ailleurs cet échelon qui est choisi comme angle d'analyse dans la conférence du

groupe Initiatives Initiatives, Migrations et développement des territoires : Quels enjeux pour

nos pratiques de coopération ?, op. cit.

79

Page 83: Les migrants dans le codéveloppement

les ONG) et aux sphères gouvernementales (ONG et chercheurs sont fréquemment

sollicitées pour apporter leur expérience aux rapports gouvernementaux ou à des

consultations 129).

À travers ces dialogues, l'accent mis sur les modalités de soutien aux activités

collectives des migrants et l'échelon territorial prennent davantage de visibilité.

Cela participe de la construction de la vision des migrants comme des acteurs

transnationaux de développement impliqués dans des dynamiques de réseau, et

des processus de gouvernance locales. La migration et le développement sont des

contextes caractérisant leurs activités et leur plus-value, mais ne les assigne ni dans

une position de migrant ni dans une position d'entrepreneur du développement :

la présentation des immigrés comme citoyens d'un � double espace � fait d'eux des

citoyens parfaitement intégrés dans les pays d'accueil. La dimension traditionnelle

et collective de leurs activités se présente en outre plus comme une contribution

aux territoires où ils s'investissent qu'un devoir vis à vis de l'État d'origine.

Cela nous amène à la question des collectivités territoriales qui confortent ces

positions.

4 Les collectivités territoriales : ouverture et nou-

velles opportunités ?

Les collectivités territoriales sont les acteurs �naux que nous étudions dans

ce mémoire. À travers notre étude, on les a retrouvées dans les discours de la

plupart des acteurs investis dans les questions de migration et développement.

Les institutions gouvernementales appellent ces dernières à s'impliquer dans le

codéveloppement. Le FORIM et les organisations de la société civiles insistent

quant à elles sur la valeur ajoutée qui existe de les impliquer dans les projets des

migrants et sur le potentiel que représente la coopération décentralisée pour établir

des partenariats.

129. L'investissement des ONG et du Forim dans les Assises du Développement et de la Soli-

darité Internationale est un exemple. Les plate-formes françaises sont également présentes dans

les circuits de ré�exions européens

80

Page 84: Les migrants dans le codéveloppement

Leur présence dans les questions de Migration et Développement se montre

encore discrète en raison du caractère isolé de leurs expériences (Section 4.1), mais

leur position au niveau local leur donne un potentiel considérable dans la relation

des liens avec les migrants (Section 4.2).

4.1 Des expériences isolées construites à l'échelle locale

L'engagement des collectivités territoriales auprès des territoires d'origine trouve

son origine dans les accords de jumelage qui se sont développés après la deuxième

guerre mondiale. Bien que ces rapprochements (visant au départ à encourager la

paix entre les pays) ne soient pas forcément bâtis sur l'action de la diaspora, il

re�ète dans certaines collectivités, les liens qui existent entre les deux territoires et

qui se sont développés via les �ux migratoires 130. Dans certains cas, cette présence

a amené les collectivités territoriales à transposer ces liens d'amitiés en partenari-

ats de coopération décentralisée à partir des années 1980 131. C'est e�ectivement à

ce moment que se développent les cadres juridiques permettant aux entités locales

de développer une action internationale sur une base contractuelle (comme des

actions de coopération ou des échanges de compétences entre les administrations).

Les accords de coopération décentralisée (consistant en di�érents processus

d'aide au développement) se sont généralisés au cours des dernières années. Cepen-

dant, le degré d'activité et d'investissement dans les actions de coopération dé-

centralisée �uctue énormément d'une entité territoriale à l'autre. Deux facteurs

peuvent être identi�és pour l'expliquer :

Premièrement, le degré d'ouverture des régions ou des collectivités locales à la

société civile est fortement corrélé aux partenariats et échanges qui ont lieu avec

130. Rappelons à cet égard que les dynamiques des �ux migratoires amènent les communautés

venant d'une même région d'origine à se concentrer vers des mêmes régions d'immigration (Joint

Migration and Development Initiative, Mapping Local Authorities Practices in the area

of Migration and Development : a territorial approach to local strategies, initiatives and needs,

op. cit., p6)131. Dans son intervention au séminaire du réseau Eunomad du 13 mai 2013, la maire ad-

jointe d'Aubervilliers, Yacinne Diakite, décrit la coopération à l'internationale comme une porte

d'entrée pour les partenariats locaux avec les migrants.

81

Page 85: Les migrants dans le codéveloppement

les communautés migrantes. En e�et, l'intérêt porté par un Conseil Régional aux

organisations de solidarité internationale permet de prendre compte de l'activité

des OSIM sur leur territoire, et d'évaluer les opportunités d'échanges et de col-

laboration entre les associations. Les activités de beaucoup d'OSIM comme nous

l'avons vu, relèvent d'une dynamique associative fortement localisée et souvent

communautaire. Les inclure dans les consultations d'une collectivité territoriale

leur apportent une forme de reconnaissance encourageant leur participation aux

concertations publiques et peut poser les bases de partenariats futurs.

Les études mises en place au niveau des régions recensent donc les activités

des migrants et établissent les besoins et capacités présentes. On peut citer entre

autres les études menées en région Rhônes Alpes, Bretagne, et Centre, ainsi que les

recommandations du Président du Conseil Régional de l'Essonne. Toutes indiquent

un potentiel à travers les activités des migrants de développer les liens établis

avec les territoires d'origine et les possibilités de coopération 132. On remarquera

également que ces études peuvent provenir directement des Conseil Régionaux

(comme le CR de l'Essonne), des assemblées et fédérations consultatives associées

à l'action de la région (Centreaider en Région Centre, le Conseil économique, social

et environnemental régional en Rhône-Alpes) ou des réseaux d'OSI travaillant

avec la région (Resacoop en RhôneAlpes, la Maison Internationale de Rennes en

Bretagne). Le niveau de dialogue des entités régionales avec la société civile est

donc essentiel à la considération de l'apport des migrants.

Un deuxième facteur d'activité se trouve dans les politiques d'intégration des

villes : les plus volontaristes accompagnent et soulignent depuis longtemps le rôle

des associations de migrant dans les dynamiques d'intégration. Cela est renforcé

par le pro�l international des populations des villes. Ainsi, les villes ayant développé

132. Conseil Économique Social et Environnemental régional Rhône Alpes. Pour

un nouveau modèle de coopération internationale. Juin 2013 ; Resacoop. Panorama des Actions

des organisations issues de l'immigration en région Rhône alpes. Juin 2003 ; Maison Inter-

nationale de Rennes. Participation des migrants au développement local et international -

Résultats, propositions et actions. 2008 ; Centraider / Elise Tauvin. Les Organisation de

Solidarité Internationales issues de la migration en Région Centre. 2004 ; Conseil Général

de l'Essonne. Orientations Stratégiques 2008-2010 de la politique de coopération internationale.

Rapport du Président au Conseil Régional - Séance du 28 janvier 2008. 2008.

82

Page 86: Les migrants dans le codéveloppement

les relations les plus denses avec les associations de migrants sont celles ayant

des politiques d'intégration proactive et inclusive. On recense particulièrement ces

villes au sein de la région parisienne. La ville de Paris o�re un exemple intéressant :

elle est en e�et dotée d'une Direction à la Politique de la Ville et à l'Intégration

(DPVI) particulièrement active depuis une dizaine d'année dans le soutien aux

activités d'intégration et citoyennes des immigrés. Cela s'est traduit par un intérêt

certain de la ville pour les actions de solidarité du tissu associatif ici et là-bas,

faisant rentrer la dimension transnationale dans les politiques de la ville 133.

La densité des réseaux de diaspora augmente également la représentativité des

migrants, à travers les di�érentes mobilisations qu'elles e�ectuent dans l'espace

public : la mairie de Montreuil en Seine Saint-Denis ou Evry en Essonne ont par

exemple une longue histoire de collaboration et d'intégration de son importante

diaspora malienne, qui se traduit par le soutien à de nombreuses initiatives dans la

ville de Yélimané pour Montreuil, et Kayes pour Evry 134. L'activité de la diaspora

Figuig en Seine Saint-Denis a également amené plusieurs collectivités territoriales

a faire de même avec cette ville du Maroc 135.

Ces initiatives restent cependant déconnectées les unes des autres 136. On s'aperçoit

qu'elles prennent leur racine en contact direct avec les populations migrantes,

plutôt que sous une impulsion gouvernementale. Ces relations sont construites et

ne vont pas de soit. Elles ne dépendent pas de la simple volonté politiques des

entités publiques, mais naissent des relations et rapport tant des collectivités vers

les associations de migrants que vice-versa. L'évolution des cadres de coopération

décentralisée donne cependant les moyens aux collectivités de traduire ce dialogue

avec les immigrés en soutien aux activités de codéveloppement 137.

133. Maggi et al., Migrations transnationales sénégalaises, intégration et développement : Le

rôle des associations de la diaspora à Milan, Paris et Génève, op. cit., p76.134. Initiatives,Migrations et développement des territoires : Quels enjeux pour nos pratiques

de coopération ?, op. cit., p41.135. Ibid., p34.136. Cimade, Le Co-dev : Kezako ?, op. cit., p1.137. Joint Migration and Development Initiative, Mapping Local Authorities Practices

in the area of Migration and Development : a territorial approach to local strategies, initiatives

and needs, op. cit., p25.

83

Page 87: Les migrants dans le codéveloppement

4.2 Vers un investissement plus prononcé des collectivités

territoriales ?

La prise en compte des liens et des possibilités de partenariats entre le niveau

décentralisé et les migrants tend cependant à augmenter.On peut le remarquer tout

d'abord au niveau des réseaux soutenant l'action à l'international des collectivités.

L'association Cités Unies France fédère par exemple les collectivités territoriales

autour de leurs expériences de coopération internationale décentralisée. Elle con-

sacre ainsi une importante ré�exion à l'intégration des OSIM dans les processus

de coopération.

Cela se manifeste pas un répertoire des partenariats engagés avec les mi-

grants 138, ainsi que par des journées d'échanges avec ses membres 139. Ces concer-

tations font intervenir à la fois des cas pratiques, des ré�exions sur les politiques

qui peuvent être mises en place à l'échelle locale, les politiques gouvernementales

(à travers la participation du MIIINDS) et l'approche des chercheurs (on retrouve

une fois de plus une intervention de Patrick Gonin du Migrinter). D'autres

publications et rencontres de Cités Unies France abordent également la question

de l'intégration des migrants sous l'angle des relations internationales des entités

décentralisées avec les pays du Sud 140.

D'autre part, on assiste à un investissement plus actif des collectivités qui

mènent déjà des partenariats avec les populations migrantes. La ville de Paris

o�re là encore un exemple, avec son label Paris Co-développement Sud depuis

2006. Géré depuis sa Délégation générale aux relations internationales l'approche

de la mairie de Paris est originale : À travers le �nancement de projets portés

par des associations de migrants, le label révèle en fait une politique mettant en

138. Cités Unies France ;Migrants et collectivités territoriales : la coopération décentralisée, une

réponse à la question du codéveloppement ? (2008)139. Cité Unies France. Journée de la coopération décentralisée - migrants, co-développement

et coopération décentralisées. Compte rendu de Réunion le 24 juin 2009 à l'Institut catholique de

Paris. 2009.140. Voir par exemple : Abdelkader Djeflat. � La coopération décentralisée face aux chox ex-

ogènes �. Dans : Cahier de la Coopération Décentralisée : l'action internationale des collectivités

1 (juin 2009), p. 31�47.

84

Page 88: Les migrants dans le codéveloppement

contact à la fois les OSIM (qui animent leurs projets), les ONG et le FORIM

(qui ont participé aux concertations et à la mise en place du programme), les

collectivités territoriales (qui doivent avoir un rôle actif dans les projets menés au

Sud) et les pouvoirs publics (devant être partie-prenante des initiatives menées à

Paris.

Cette interconnexion des di�érents acteurs s'accompagne d'une obligation pour

les projets de présenter à la fois un objectif de développement durable dans les pays

d'intervention, et d'intégration sur le territoire parisien. En mobilisant plusieurs

acteurs di�érents, la ville de Paris inscrit donc une forme de reconnaissance des

pays d'origine des immigrants, associés à leur intégration. Intégration et dévelop-

pement prennent sont donc compris comme complémentaires, et présente l'impli-

cation dans leurs pays d'origine sous un angle favorable déconnectée d'une gestion

des �ux migratoires 141.

En�n, l'implication des collectivité locales se manifeste également par leur

participation à des forums et séminaires internationaux. La ville de Paris a par

exemple accueillie le colloque � Migrations et développement :enjeux et pièges

du co-développement � du CRID en 2012, soulignant ainsi son soutien aux regards

critiques et alternatifs sur les politiques de codéveloppement 142. On retrouve égale-

ment certaines collectivités locales lors d'événements européens où se développent

des interactions avec d'autres ONG et collectivités européennes soutenant les ac-

tivités des migrants (la mairie d'Aubervilliers participe par exemple au séminaire

d'Eunomad de 2013. Certaines villes (Nantes, Rennes, lyon) s'inscrivent également

dans des réseaux européens (comme le réseau de Eurocities Integrating Cities) por-

tant sur la migration et l'intégration.

Conclusion

On retiendra de cette section que l'investissement progressif des collectivités

territoriales ne va pas de soit et émerge sous l'in�uence de ses relations avec les

141. Pour plus de détails, lire : Maggi et al., Migrations transnationales sénégalaises, intégra-

tion et développement : Le rôle des associations de la diaspora à Milan, Paris et Génève, op. cit.,

p86.142. CRID, Enjeux et pièges du codéveloppement - actes du colloque, op. cit.

85

Page 89: Les migrants dans le codéveloppement

populations migrantes et les organisations de la société civile. Si la coopération

décentralisée constitue l'outil le plus prometteur de collaboration pour les Organ-

isations de la Société Civile, c'est bien à partir des questions d'intégration que les

collectivités territoriales font leur entrée dans les discours du codéveloppement.

Ces pratiques restent cependant isolées et déconnectées, malgré leur poten-

tiel de mise en réseau. Elles sont cependant des alliés de poids pour la mise en

÷uvre des projets des OSIM : elles donnent à la fois de la visibilité et de la re-

connaissance à l'implication des migrants. Elles ont en outre la capacité d'intégrer

la contribution des migrants dans une perspective de gouvernance territoriale plus

large, favorisant les échanges et la concertations autour de projets de coopération

au développement.

86

Page 90: Les migrants dans le codéveloppement

Conclusion et perspectives : quelle place pour les

OSIM dans les débats sur le codéveloppement

À travers les documents analysés dans ce mémoire et les observations présen-

tées, il semble bien que la thématique migration - développement soit en pleine

évolution dans l'espace français.

La première partie nous a permis de montrer que, alors que les études sur

les relations migration et développement sont très vastes et riches (diversi�ant

ses angles d'approches pour une compréhension plus complexe des activités des

migrants), la ré�exion dans l'espace français a longtemps été limitée aux positions

prises par le gouvernement français, en lien avec sa politique de contrôle des �ux

migratoires.

Depuis une dizaine d'année, nous avons pu mettre en évidence que la partici-

pation active de di�érents acteurs à la coopération internationale contribue à faire

évoluer la ré�exion. Les institutions gouvernementales développent de nouvelles

perspectives invitant à des politiques qui favorisent l'accompagnement des activ-

ités des migrants et leur circulation. Elles prennent des distances avec les politiques

de contrôle des �ux de migrants via l'APD. Le Forim béné�cie d'un ancrage grâce

à l'accompagnement du programme PRA/OSIM qui lui permet de prendre position

au niveau national, en relayant les préoccupations des OSIM, tout en e�ectuant un

travail de mobilisation auprès de celle-ci (contribuant ainsi à assurer son expertise

dans les réseaux de coopération nationaux et internationaux). Les ONG et réseaux

d'ONG favorisent quant à eux la ré�exion et la mise en commun des expériences

des acteurs locaux. Ils mettent en valeur la façon dont les parcours et les activités

transnationales des migrants s'associent aux questions de développement territo-

rial. En�n, les collectivités territoriales développent peu à peu des expériences et

des partenariats avec les communautés de migrants, donnant une forte visibilité à

la valeur ajoutée des immigrés dans les sociétés d'accueil.

Au �l de ces discours et pratiques variées, le concept de codéveloppement

se révèle comme un discours a posteriori sur les pratiques des acteurs. Comme

l'a�rme le chercheur Thomas Lacroix : � le codéveloppement n'est pas un terme

87

Page 91: Les migrants dans le codéveloppement

�gé : il est fonction de la diversité des référentiels et des intervenants � 143.

Or, ces référentiels évoluent : d'une approche spéci�que à l'espace français et

concentrée sur la question des circulations migratoires, la ré�exion sur la migra-

tion et le développement se déplace : on assiste à une concentration des discours

sur l'apport des communautés migrantes, tant dans les pays d'accueil que d'orig-

ine. Cette in�uence des analyses sur pro�l transnational des migrants favorise les

recherches et les dialogues sur les meilleures façon d'accompagner les initiatives.

Di�érents programmes et structures d'accompagnement apparaissent et tentent

de lier l'action des OSIM aux pratiques des di�érents acteurs de la coopération

internationale française.

À travers ces mobilisations, la question des politiques d'intégration devient

plus saillante ici et la gouvernance multi-acteurs au niveau territorial gagne en im-

portance dans les projets de développement qui sont créés là-bas. Cette meilleure

compréhension des OSIM et les liens créés avec elles permettent d'autre part à l'es-

pace français de se détacher de l'e�ervescence des discours voyant le développement

par les migrants et leurs transferts comme la nouvelle solution aux problèmes de

développement des pays. En e�et, les positions étudiées privilégient davantage une

approche en termes de partenariats avec les migrants dont il s'agit d'accompagner

les initiatives.

Cependant, si l'apport de ces perspectives sous l'in�uence des la société civile

et des instituts de recherche permet une meilleure compréhension du rôle des mi-

grants, il faut souligner les limites qui accompagnent cette augmentation de l'in-

térêt porté aux associations de migrants : cela concerne d'une part les politiques

mises en place au niveau national, et d'autres part, le champs associatif des OSIM.

Tout d'abord, si le codéveloppement donne aujourd'hui un plus grand rôle aux

migrants, les liens entre migration et développement semblent quant à eux prendre

des orientations politiques di�érentes au niveau national. À travers les politiques

publiques, la contribution des migrants au développement semble en e�et renvoyée

par l'État à l'échelon local. Le codéveloppement semble devenir l'attribution des

143. Lacroix, Les résaux marocains du développement : Géographie du Transnational et Poli-

tiques du Territorial, op. cit., p219.

88

Page 92: Les migrants dans le codéveloppement

acteurs locaux (collectivités, OSIM, ONG) sous l'÷il bienveillant du gouvernement

qui encourage ces pratiques avec une part du budget de l'APD des plus limitées : le

programme PRA/OSIM et les quelques programmes de développement nationaux

incluant les migrants ne semblent pas engager de vision stratégique de la coopéra-

tion française, laissant le codéveloppement comme un volet mineur des politiques

domestiques.

D'autre part, les politiques migratoires, malgré leur déliement de l'aide au dé-

veloppement, ne semblent pas évoluer vers une plus grande prise en compte des

migrants. L'inscription de la politique migratoire française dans les accords eu-

ropéens de Tampere privilégie e�ectivement une gestion concertée des �ux migra-

toires, où les activités des migrants restent des � partenariats gagnant-gagnant �

à � encourager �. Le codéveloppement reste donc à être traduit en tant que poli-

tique au niveau national, sous peine d'être simplement transféré à l'attention des

niveaux de coopération décentralisés.

Ces discours et pratiques ont une autre limite au niveau local. Les acteurs

que nous avons étudiés valorisent en e�et les activités des OSIM et tentent de les

inscrire dans des dispositifs plus généraux (gouvernance territoriale, intégration).

Cependant, les recherches sur les diasporas rappellent à notre attention que les dy-

namiques associatives des OSIM restent à étudier en profondeur. Les associations

de la diaspora restent en e�et très diverses : associations de village, associations de

jeune, associations de femmes, associations d'intellectuels ou fédération de la dias-

pora sont autant de types d'OSIM qui ont des attentes, des revendications et des

pratiques très variées 144. Si les référentiels sur le développement et l'intégration

sont plaqués sur les activités et les partenariats des OSIM, les relations d'échanges

avec les communautés d'origine préexistent largement les discours et les partenar-

iats sur la migration et le développement. De ce point de vue, le codéveloppement

n'est qu'un référentiel mobilisé et instrumentalisé par ces associations pour obtenir

une reconnaissance de leur investissement 145.

144. Voir notamment l'étude de la diaspora sénégalaise en France Maggi et al., Migrations

transnationales sénégalaises, intégration et développement : Le rôle des associations de la diaspora

à Milan, Paris et Génève, op. cit., p90.145. Lacroix,Migration, Développement, Codéveloppement : quels acteurs pour quels discours,

89

Page 93: Les migrants dans le codéveloppement

Au regard de ces enjeux, on peut conclure que la migration et le développement

dans l'espace français n'est pas tant une question de stratégie des politiques migra-

toires ou de développement. Il s'agirait plutôt, comme le dit Antoine Dumont 146,

d'accompagner la reconnaissance des migrants dans di�érents espaces : nationaux,

transnationaux (au niveau des territoires locaux où ils s'insèrent) et associatifs.

op. cit., p38.146. Antoine Dumont. � Les conditions d'émergence de projets de développement local au

sein des associations d'immigrés marocains en France �. Dans : Emigrés - immigrés dans le

développement local. Sous la dir. de Mohamed Charef et Patrick Gonin. Agadir : Editions

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Page 102: Les migrants dans le codéveloppement

Annexe 4 : perspectives sur la politique de coopéra-

tion au développement du nouveau gouvernement :

le compte rendu du CICID

Le 31 juillet 2013 a vu la réunion du CICID : Le Comité Interministériel de

la Coopération internationale et du Développement dé�nit les axes prioritaires

de la politique de développement de la France en concertation avec les di�érents

Ministères du gouvernement. Celui-ci ne s'était pas réuni depuis cinq ans, et la

� rénovation de la politique de développement � telle qu'elle est présentée privilégie

l'action auprès des pays les plus pauvres et les enjeux liés à l'environnement. Le

rôle des migrants dans ce contexte ne semble trouver sa place qu'à travers la

création d'un Conseil National du Développement et de la Solidarité Internationale

(CNDSI) qui a pour but de coordonner les activités des acteurs locaux et européens

de la Solidarité. En revanche, dans sa décision numéro 15, le gouvernement ne

semble pas s'éloigner dans la pratiques des mécanismes de gestion concertés des

migrations, telle qu'elle était pratiquée par les précédents gouvernements :

Le Gouvernement relève que politique de développement et politique

migratoire doivent être en cohérence. Il reconnaît le rôle des migra-

tions pour le développement des pays partenaires. Les migrants sont

des acteurs du développement. Ils y contribuent par leurs apports �-

nanciers, techniques et culturels. L'articulation entre politique migra-

toire et politique de développement s'inscrit dans l'approche globale des

migrations adoptée par le Conseil européen en 2005 et mise en ÷uvre

par l'Union européenne. Cette méthodologie a vocation à s'appliquer

à tous les pays concernés 147.

147. Comité interministériel de la coopération internationale et du développe-

ment du 31 juillet 2013. Relevé des décisions. 2013, p6.

99