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Les stratégies
par Aurélie de Lanlay*
marketing
De la segmentation des collectionsaux pratiques de relookage,de la présence sur le marchéinternational à l'implantationsur le marché scolaire,les stratégies de marketingont une importance croissantechez de nombreux éditeurs.Aurélie de Lanlay décrit lesdémarches les plus significativesou les plus courantes et situeleur rôle dans les politiqueséditoriales.
*Aurélie de Lanlay a été chargée de la partie concernant
l'édition dans le document récemment publié par la
Direction des études et de la prospective du Ministère
de la Culture et de la Communication1. L'article présen-
té ici en est une version résumée. Nous adressons nos
remerciements à Sylvie Octobre, chargée de mission à la
DEP, qui en a autorisé la publication.
P our réaliser un ouvrage ou lancerune collection, beaucoup de mai-sons d'édition adoptent aujourd'hui
une démarche marketing, confiée à unsecteur - ou département - qui s'attacheà mener une réflexion globale sur les dif-férents éléments du mix-marketing - leproduit, le prix, la promotion, la distri-bution - en utilisant les outils habituels :veille concurrentielle, études de concur-rence, études de marché. Ce « secteurmarketing » remplace ce que l'on nom-mait autrefois « secteur promotion ».Ce changement de dénomination traduitl'évolution du rôle qui lui est dévolu : siauparavant, le département promotionse chargeait seulement de promouvoirun produit fini, aujourd'hui le départe-ment marketing participe aussi à l'élabo-ration des caractéristiques physiques del'ouvrage en menant une réflexion sur lechoix du format, du prix, de la couver-ture, etc. conjointement avec les dépar-tements d'édition. Toutefois, ce ne sontpas les chefs de produits qui détermi-nent la création de l'ouvrage, car c'estl'éditeur qui reste, dans le secteur jeu-nesse, le principal « accoucheur du livre ».Chez Flammarion par exemple, les chefs
LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS-N°218dossier
Après Chair de poule, 100% aventure !
chez Bayard,
et la première couverture de Frissons
chez Pocket Jeunesse en 1994
de produits soulignent qu'ils font avanttout un travail de marketing opération-nel. C'est-à-dire qu'ils doivent mettre enplace la politique de promotion et devalorisation de l'ouvrage en aval du pro-duit : campagne de promotion, mise enplace de la PLV2 , démarchage et mai-lings des prescripteurs. Ils n'ont doncque peu de poids sur la création du livreen tant que tel.
Encore qu'en édition jeunesse certainesstratégies puissent être nommées « édito-riales » par les uns et qualifiées de« marketing » par les autres : par exemple,le choix de développer une collection surle thème du « frisson » peut être consi-déré comme une orientation éditoriale,avec un choix de contenu, d'auteurs etd'illustrateurs, mais peut aussi êtreconsidéré comme la volonté d'occuperun créneau et de segmenter une collec-tion en thèmes.Les évolutions de l'offre éditoriale sontdonc le résultat d'une alchimie entreréflexion éditoriale et marketing, quivarie selon les maisons d'édition.
Diversification de l'offre :la segmentation s'affineLes éditeurs segmentent leurs collectionsafin de faciliter le rapport direct du lec-teur - ou de l'acheteur - au livre et derépondre notamment à la demande desgrandes surfaces non spécialisées.Disposant de peu de vendeurs, qu'on nepeut pas appeler « libraires » puisqu'ilsne sont pas spécialisés, les grandes sur-faces préfèrent référencer des collectionsfacilement identifiables sur les linéaires.Le client doit trouver seul les réponses àses interrogations : à quel âge s'adressele titre ? quel est son sujet ? quels sontles thèmes qu'il aborde ? etc.
La solitudedu buveur de sang
Annette Curtis Klause
Zoé se raidit, vit une silhouette
qui se détachait de l'ombre. Elle
aperçut son visage. Lui aussi,
soudain conscient de sa présence,
se figea, tel un cerf pris dans
la lumière aveuglante des phares.
Relookage de Folio Cadet chez Gallimard Jeunesse :
« dos plus large, couverture brillante, indication visible de l'âge de lecture,
résumé du livre et atouts du livre synthétiquement exprimés... »
dossierN°218-LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS
Cette segmentation, de plus en plus fine,permet également à plus de collectionsde trouver un créneau : une collectionqui couvre la tranche des 6-10 ans peutse segmenter en 6-8 ans et 8-10 ans, per-mettant ainsi le positionnement d'unenouvelle collection.À l'inverse, pour toucher un public pluslarge, les éditeurs proposent des titresconnus dans plusieurs collections s'adres-sant à des tranches d'âge différentes.On retrouve par exemple Bécassine chezGautier-Languereau ou Le Petit princechez Gallimard, exploités dans des col-lections ne ciblant pas le même lectorat.
Paul Garapon apporte une explication decette segmentation fine par âge :« [...] une tendance lourde de la littéra-ture jeunesse est à une sur-instrumenta-lisation pédagogique et éducative, ceque souligne encore l'approche sanscesse plus psychomorphique des publicsen termes de conception d'ouvrages :il y a les tout-petits (jusqu'à 3 ans), lapetite enfance (de 3 à 5 ans), la moyenneenfance (de 5 à 8 ans), la grande enfance(de 8 à 11 ans) la préadolescence (de 11à 13 ans), l'adolescence (de 13 à 17ans), la post-adolescence (de 16 à 18ans) et, désormais, la catégorie des jeunesadultes (18 ans et plus)... Une telle seg-mentation est aussi bien le signe del'avènement de catégories médicalespsychopédagogiques (aux fins d'accom-pagner le développement psychologiqueet social) attestant de notre passiond'éduquer (au moment où l'éducationfamiliale change, peut-être ?) que lamarque de la complexité d'un marchéoù les jeunes, devenus une catégoriesociale de consommation à part entière,font l'objet d'un ciblage marketing etéducatif plus fin qu'auparavant. »3
L'édition jeunesse est également de plusen plus segmentée par thèmes4.Quant à la segmentation par format, elles'est développée sur le modèle du mar-ché anglo-saxon depuis quelquesannées. Les titres à fort potentiel et lestitres achetés à l'étranger - souvent dansles pays anglo-saxons - sont proposésdans un format hors série (c'est-à-direun grand format), avant d'être, aprèsquelques mois en librairie, déclinés enpoche. Pour de nombreux observateurs,ce sont les best-sellers qui, en touchantune cible très large, ont fait accéder lafiction jeunesse à ce nouveau format. Cephénomène est-il le signe d'une recon-naissance de la littérature jeunesse pardes lecteurs adultes, ou le témoignaged'enjeux marketing et de pressions com-merciales analogues sur les deux mar-chés ? Peut-être à la fois l'un et l'autre.
Le « relookage »Depuis la fin des années 1990, de nom-breuses maisons cherchent à reposition-ner leur offre afin d'augmenter leur visi-bilité et de conquérir de nouveaux lec-teurs. Cet effort de repositionnementpasse d'abord par le « relookage », travailfait souvent conjointement entre les équi-pes éditoriales et les équipes marketing,qui permet une meilleure visibilité dansles linéaires. Le contenu reste le mêmemais la maquette, le format, l'impression,le papier évoluent pour donner uneimage créative et « dans l'air du temps »à la collection. En général, ce sont lescollections au format poche qui sontles premières « relookées » et ceci pourdeux raisons. Tout d'abord le chiffred'affaires que ces collections génèrentne doit pas faiblir : le relookage permetd'occuper les linéaires, de créer l'effet« nouveauté » et, donc, d'obtenir des
1±4 LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS-N°218 / d o s s j e r
Au temps deNapoléon©1979
Relookage de la
collection
La Vie privée des
hommes
chez Hachette
Jeunesse
Sous le règnede Napoléon©2003
Loin des best-sellers, d'autres titres moins connus font aussil'objet d'adaptations télévisuelles.
Page extraite du catalogue de de L'École des loisirs
Vous aviez aimé..
Uimt- pas mapetite v
.
Vous aviez aimé £JI prédiction du Nadia de Marie Despîechin,f.timc pas ma petite MBW de Claire Latoussinie, UN poisson nommé Jean-Paul
de Brigitte Smadja, On ne t'attendait pas de Kéthéwaae Davrichcwy, ou Motteileet Us JooAilleurs de Geneviève BrisacVbiu l « ivcz oubliés? Vous les avka laissés passer?
Vous pouvez profiter de la semaine de Noël pour les décG i
d'Anuud Sélipi t formidablep p r la
, émouvants ec beacession ni facilité étlevé. Et le pari gag
vrir on les reclévisjon, et Ici mli15
ire une collectiondétl et un pari.
Retrouvez-les sur
pages de rédactionnel dans la presse etde donner une image dynamique de lamaison. D'autre part, ce sont des collec-tions cohérentes, dont l'image est plusfacile à faire évoluer et dont on peutréorganiser la segmentation lors de ladéfinition d'un nouveau positionne-ment. Enfin, le domaine de la fiction esttrès concurrentiel : l'objet « livre » (pagi-nation, format, couleur, qualité dupapier, charte graphique...) joue un rôlefondamental dans la décision d'achat.Chaque année, des dizaines de collec-tions sont ainsi relookées.Certains acteurs de la profession déplo-rent cette course au relookage. JeanDelas, directeur de L'École des loisirs,insiste sur les enjeux mercantiles durelookage :« En 2002, il n'y a plus que du reloo-kage pour les documentaires. Cela per-met uniquement de remettre en vente,d'occuper les rayons. Ce n'est pascréatif .»5
Best-sellers et outils marketingL'arrivée des best-sellers participe del'évolution de l'édition jeunesse. Cetteoffre ne s'adresse plus exclusivementaux enfants, mais touche une cible pluslarge, probablement pluri-génération-nelle. Les techniques commerciales etles outils marketing sont alors utilisésactivement : choix des différents for-mats, campagnes promotionnelles, jeuxconcours, sites Internet, etc.
Le relais audiovisuel joue un véritablerôle promotionnel pour le succès deces titres. La sortie des films d'HarryPotter ou du Seigneur des Anneaux,en créant l'événement, a favorisé lesventes d'ouvrages. Ainsi Le Seigneur desAnneaux, ouvrage qui existe depuis plus
dossier / N°218-LAREVUEDE5LIVRESP0URENFANTS 115
Quand Bayard
joue la carte
du sentimental :
l'une des couvertures
de la collection
Cœur grenadine
L'une des formules
abonnements-livres de L'École
des loisirs en direction
des écoles et la page des titres
recommandés par le ministère
de l'Éducation nationale
du catalogue Gallimard
Jeunesse
kilimaxS livres en couleur* pour ies S à 7 ans
•. enfants de cet âge inuivcroiu leurs premiershéros d im ies jlbunu kilimax
LL-S imapes c\ les IJHKS s'y coiii]>Iètciu pourrai-omer des hisiolres vivantes e( imei»e^.
.îpprvitl» lecteursmien VA'-.
Titres au programme du cycle 3 de l'école
élémentaire ( Œ 2 , CMl , CM2).
Titres recommandés par le ministère
de l'Éducation nationale en accompagnement
du programme des collèges.
11 rendre compte,
our commente:
oor tin livres,
«nu dioe-is parmi
N&k âet fatite.
de 20 ans et dont le succès ne se démentpas, a connu un renouveau spectaculairede ses ventes lors de la sortie des films.
L'effet collection et les sériesLe souci de développer des collectionsne date pas d'hier6. Pour l'éditeur l'inté-rêt est multiple : une collection permetde réaliser des économies d'échelle car ilest plus facile d'obtenir des réductionsde coûts auprès de l'imprimeur pourimprimer toute une série d'ouvrages ; entermes de marketing, il est possible demettre en place des opérations qui visentà promouvoir la collection dans sonensemble et non titre par titre ; la chartegraphique imposée à la collection déter-mine la cohérence des couvertures, cequi lui donne une visibilité certaine surles rayons des librairies. À tout celas'ajoute le goût spontané des enfantspour les collections en général.7
Quant aux séries8, quand elles sont biensegmentées et qu'elles se déclinent selondes thématiques porteuses - le frisson,le policier, le sentimental -, elles per-mettent d'entretenir, voire d'augmentersensiblement, le chiffre d'affaires desouvrages au format de poche.Bayard, Hachette et Gallimard publientde nombreuses séries souvent achetéesà l'étranger. Elles sont généralementd'origine anglo-saxonne et reprennentparfois des succès télévisuels. C'estparce qu'ils possèdent les moyens tech-niques et financiers pour réussir à obte-nir leur cession que ces trois éditeurspeuvent proposer des séries.
La détermination du prix de venteLa fixation du prix en édition jeunesseest un vrai dilemme. Les éditeursessaient de relever le défi censé leur per-mettre d'atteindre le succès : proposer
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des livres de qualité, faisant preuve decréation et d'innovation éditoriale (ceciimplique des équipes éditoriales solideset des moyens techniques importants) àdes prix peu élevés.
Cependant, quand il s'agit de faire pen-cher la balance du côté de la créativité oudu prix, les éditeurs s'opposent. En 1994Christian Gallimard, directeur deCalligram, soutenait que le marché dudébut des années 1990 n'avait que peu deplace pour les ouvrages à plus de 50francs9 - et nombreux sont les éditeursdont très peu de titres dépassent effective-ment ce seuil. Mais pour d'autres, la qua-lité prime avant tout et elle a un prix :ainsi, Le Seuil Jeunesse propose desouvrages, souvent hors collection, de qua-lité et chers. Cependant, certains éditeurs(Gallimard, L'École des loisirs...) propo-sent des collections à des prix accessibles :Folio Junior chez Gallimard Jeunesse,Lutin poche à L'École des loisirs...
Le marketing face au marchéspécifique des scolairesL'un des faits marquants de ces trentedernières années, c'est la reconnaissanceet la demande de la littérature jeunessedans les écoles. Le public scolaire repré-sente un véritable enjeu pour les édi-teurs qui sont de plus en plus nombreuxà mettre en place des stratégies de com-munication pour les écoles et en direc-tion des enseignants. Flammarion endonne un exemple, avec ses opérationsmarketing importantes en direction dece marché de prescription :- Entre janvier et mai, le service marke-ting envoie des mailings à plus de 90 000professeurs et documentalistes demanière très régulière, composés d'uncatalogue des titres, d'un spécimen gra-
tuit, d'une offre spéciale et d'un guide del'enseignant dans lequel est présenté untravail préparatoire sur l'ouvrage. Lesprofesseurs sont ainsi incités à prescrireces ouvrages, déjà commentés et étu-diés, auprès des enfants.- Le mailing contient également l'offrespéciale faite aux enseignants d'undeuxième spécimen gratuit contre le rem-boursement des frais de port. Le taux deretour de ce mailing se situe autour de 4à 5 %, un bon résultat qui montre le suc-cès de ce type d'opération.10
- En outre, le chef de produit travailleavec une déléguée pédagogique de façonponctuelle. Elle se rend dans les écoles,les IUFM, les CDDP, pour présenter lesouvrages aux enseignants et rapporteaux éditeurs et aux chefs de produitsleurs remarques et critiques.
Présence à l'internationalL'international représente un doubleenjeu pour l'éditeur : d'une part, vendreses titres à l'étranger afin d'augmenterson chiffre d'affaires, réaliser des écono-mies d'échelle et occuper des parts demarché ; d'autre part, acheter les titresétrangers les plus prometteurs. Les ven-tes à l'international peuvent soit être descessions, soit des coéditions.11
La fin des années 1990 est marquée parune internationalisation plus forte encorequ'auparavant de l'édition jeunesse quis'exerce selon un double mouvement :l'international devient un véritable enjeupour le développement et l'évolution descoûts de fabrication, et, parallèlement,l'édition jeunesse devient un élément despolitiques internationales des groupes.12
Philippe Merlet de Nathan Jeunesse-Larousse Jeunesse insiste sur le rôle desfiliales internationales :« Nous avons gagné des parts de marché
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dans le documentaire grâce à nos créa-tions mais aussi grâce aux titres de notrefiliale britannique Kingfisher, que nousavons adaptés. Nous devons nousappuyer sur les filiales internationalesdu groupe : le métier change. »13
L'augmentation des échanges est égale-ment due à l'importation de séries à suc-cès. Les éditeurs essayent activement dedécouvrir et d'obtenir les droits desfuturs succès étrangers, à l'instar dufonctionnement de la production adulte.D'où des enchères de plus en pluscoûteuses en termes financiers (avaloirs)mais également en termes de marketingpuisqu'il faut proposer un médiaplan-ning, prouver l'efficacité de son équipede diffusion, etc. L'édition jeunesse setrouve donc face à un marché trèsconcurrentiel en amont, lors des achatsde droits.La vente de coéditions à l'étranger est unmoyen de favoriser des économiesd'échelle en utilisant le principe destrains de réimpression14. De nombreusescollections à succès utilisent ce système :la collection Mes premières découverteschez Gallimard Jeunesse est ainsicoéditée dans 24 pays.De leur côté, des éditeurs étrangers ten-tent de s'imposer sur le marché français.Ainsi la maison suisse allemande Nord-Sud, le britannique Usborne, l'anglaisDorling Kindersley et le leader du livrejeunesse allemand Ravensburger implan-tent des filiales sur le territoire nationalpour publier directement en français.
L'international toutefois ne représentepas seulement un enjeu économique, iltémoigne aussi d'une nécessité éditoriale :l'augmentation des échanges permet dedécouvrir la production étrangère et lemarché international est source de légiti-
mation pour les auteurs comme lesillustrateurs. Dans les années 1960-1980, les nombreuses ventes à l'inter-national légitimaient le marché anglo-saxon dans sa position de leader dumarché.15 Aujourd'hui, c'est un mar-ché encore considéré comme porteur,mais ce n'est plus le seul. Les auteursd'une étude sur la production jeunesseen 2001 estiment que « la productionfrançaise est unanimement perçuecomme de très grande qualité. [...]Mais la France ne semble pas encorereconnue comme un acteur internatio-nal de poids dans le secteur de l'éditionjeunesse - bien que cela soit contestépar certains éditeurs ».16
En France, on peut discerner plusieurstypes de stratégies face au marché inter-national. Les groupes ou les grandesmaisons - Hachette ou Gallimard parexemple - ont souvent une forte activitéen termes d'achats, de cessions ou decoéditions. Des éditeurs, comme Pocketou Bayard pour les maisons de tailleimportante, Kaléidoscope ou Magnardpour les plus petites, minimisent lesinvestissements de création et préfèrentacheter des titres étrangers. D'autres, aucontraire, comme Nathan, Didier ouActes Sud, tentent de vendre leursouvrages à l'étranger et développent lacession de droits. Enfin, certains petitséditeurs n'ont qu'une faible activité àl'international.
Faut-il alors conclure que nous nousorientons vers un marché international àplusieurs vitesses ? Avec les grands grou-pes qui pourront jouer dans la courinternationale, les éditeurs qui jouerontà l'échelle européenne et qui devronttravailler avec les éditeurs étrangers
LAREVUEDESUVRESP0URENFANTS-N°218dossier
notamment anglais et allemands, et lesplus petits qui devront se contenter dumarché français ?
1. Le département des études et de la prospective (DEP)
vient de publier en même temps deux ouvrages concer-
nant les loisirs des moins de 15 ans. Le premier publié à
La Documentation française : Sylvie Octobre, Les loisirs
des 6-14 ans, DEP, 2004 présente les résultats de la pre-
mière enquête sociologique réalisée sur les loisirs des 6-
14 ans : celle-ci permet de décrire l'ensemble des
consommations et pratiques culturelles des plus jeunes
et de comprendre les modalités d'entrée dans la « culture
jeune ».
La seconde publication : Les moins de 15 ans et le mar-
ché des loisirs culturels. Premiers éléments documen-
taires, DT n°1269, mai 2004, téléchargeable sur le site
du DEP (www.culture.gouv.fr/dep) est un travail de
recherche documentaire de nature économique, qui vise
à comprendre le rapport des moins de 15 ans aux mar-
chés culturels. Ce rapport apparaît protéiforme pour plu-
sieurs raisons : d'abord, parce que les consommations
des moins de 15 ans ne se cantonnent pas aux produc-
tions jeunesse des différents secteurs ; ensuite parce
que leur rôle d'agent économique est pluriel (acheteurs
directs, prescripteurs familiaux, destinataires de la
consommation dans une perspective éducative, etc.) ;
enfin parce que l'approche sectorielle achoppe rapide-
ment sur la multiplication des produits transversaux qui
essaiment dans différents médias (le cas Harry Potter
en est un exemple emblématique).
2. PLV : Promotion sur lieu de vente. Ce sont par exem-
ple les affiches, les présentoirs, etc.
3. Paul Garapon : « L'imaginaire mondialisé de la littéra-
ture jeunesse », Esprit, mars-avril 2002.
4. Ainsi, le catalogue Littérature Jeunesse 2003 des édi-
tions Flammarion qui s'adresse aux parents, bibliothé-
caires, documentalistes, enseignants et libraires, précise :
« Nous vous présentons la nouvelle organisation de
Castor Poche, dont nous avons réparti les quelque 500
titres en neuf segments. » Ce type de segmentation
n'est pas récent et déjà en 1994, la collection Pocket
Junior était clairement segmentée par thèmes : les clas-
siques avec « Références •, « Mythologies », « C'est ça
la vie ! », • Science-fiction », • Frissons », l'écologie avec
« SOS Planète ».
5. Entretien du 5 mai 2003.
6. Laura Noesser souligne qu'au début du siècle déjà, les
éditeurs cherchaient à utiliser le principe de la collection :
• Les éditeurs, soucieux de conquérir des nouveaux mar-
chés, vont rechercher des formules plus économiques et
organiser leur production en collections tout en conser-
vant le terme de « bibliothèque » qui présente une conno-
tation culturelle rassurante et en camouflant au besoin
les impératifs de vente derrière des arguments pédago-
giques. » Voir Laura Noesser, « Le livre pour enfants »,
Histoire de l'édition française, t.IV, Le livre concurrencé,
1900-1950, p. 463. Promodis, publié avec le concours
du Centre national des lettres.
7. Pascale Ezan souligne que « le goût de la collection
est un phénomène naturel chez les enfants puisqu'il s'in-
tègre dans son processus de développement. [...] les
enfants sont accumulateurs. Ils procèdent par adjonc-
tion et s'intéressent à tous les supports qui présentent
un intérêt par rapport à leur collection ». Voir Pascale
Ezan, « Le phénomène de collection comme outil marke-
ting à destination des enfants », Décision marketing,
n°29, janvier-mars 2003, p. 7-55.
8. Une série est une suite d'ouvrages, souvent du même
auteur, proposant les aventures d'un ou de héros que
l'on retrouve à chaque fois. La collection, en revanche,
peut proposer un regroupement d'ouvrages d'auteurs et
de thèmes différents.
9. C. Ferrand : • Jeunesse 1994 : concilier qualité et petits
prix », Uvres Hebdo, n°138, 25 novembre 1994, p. 69-76.
10. En moyenne, le taux de retour d'un mailing se situe
autour de 2 à 3 %.
11. Pour une cession, l'éditeur d'origine vend les droits
de l'ouvrage à un éditeur étranger. Il autorise l'éditeur à
traduire et à réimprimer l'ouvrage au sein d'un territoire
déterminé. L'éditeur étranger reverse à l'éditeur d'origine
des royalties, c'est-à-dire un certain pourcentage du prix
de vente de l'ouvrage (de 5 à 8 % en général). Pour une
coédition, l'éditeur d'origine vend des exemplaires finis
(traduits et imprimés) à un éditeur étranger. Le prix de
vente contient les droits. L'acheteur fixe le tirage de
l'ouvrage désiré. Le système des coéditions permet à
l'éditeur de percevoir immédiatement les droits des
ouvrages imprimés et vendus.
12. Marie Lallouet, alors directrice éditoriale de Hachette
Jeunesse Roman, estimait en 2001 que • longtemps
intimiste, l'édition jeunesse devient un véritable enjeu
économique international ». Voir V. Calon : • L'édition jeu-
nesse fait sa révolution », LSA, n°1747, 29 novembre
2001, p. 34-35.
13. C. Combet et L. Santantonios : • L'édition jeunesse
en pleine crise de regroupement », Livres Hebdo, n°314,
20 novembre 1998.
14. Les services « fabrication » et « coédition » des édi-
dossierN°218-LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS
teurs commandent tous les six mois environ la réim-
pression d'un certain nombre de titres en français et
dans d'autres langues pour les coéditeurs. Grâce à cette
commande commune, le nombre d'exemplaires à retirer est
important. L'imprimeur réimprime tous les exemplaires en
couleurs et fait, pour chaque langue, un passage en noir
pour le texte. Ainsi, grâce à des économies d'échelle, le
coût de fabrication est moindre et cela permet d'obtenir
des prix plus faibles sans tirage minimum imposé.
15. Dans les années 1970-1980 le marché anglo-saxon
était le plus novateur et le plus reconnu sur le marché de
l'édition jeunesse. « L'étude de la production jeunesse
en 2001 » faite par les élèves du mastère de l'ESCP-
Asfored expliquent cette suprématie des Anglo-Saxons
par trois raisons :
- les Britanniques sont réputés être très bons en fiction,
ce qu'illustre la réussite d'une J.K. Rowling ou d'un
Philip Pullman ;
- les Britanniques ont une longue histoire de packageurs :
ils investissent sur des projets lourds qu'ils rentabilisent
avant leur réalisation en les vendant aux États-Unis, puis
inondent le marché avec ces projets ;
- enfin, les Anglo-Saxons ayant une culture de l'image
très développée, la littérature jeunesse bénéficie chez
eux d'une meilleure perception : elle est notamment
mieux suivie et commentée par la presse.
16. Mastère spécialisé • Management dans l'édition •
ESCP-Asfored avec le SNE, • Étude de la production dans
l'édition jeunesse en 2001 », mai 2002, p. 27.
Hl. Quentin Blake,
Gallimard Jeunesse
120 LAREVUEDESUVRESPOURENFANTS-N°218 / ./ dossier
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