View
19
Download
2
Category
Preview:
Citation preview
0
Patrimoine Hanséatique et Emergence d’une région baltique :
Brème, Gdansk et Riga
(M1)
Master « Lettres, Arts, Sciences humaines et sociales »
Mention ‘sciences sociales’- Spécialité ‘recherche’
SYSTEMES TERRITORIAUX, DEVELOPPEMENT DURABLE,
AIDE A LA DECISION
Réalisé au Laboratoire Géophiles-ENS LSH
Mémoire soutenu le Lundi 16 Juin 2008 par Nicolas Escach
Devant la commission d'examen constituée de :
Directeur de mémoire : Mme Lydia Coudroy de Lille, Maître de conférences
Université Lumière-Lyon II
Examinateur : Mme Emmanuelle Boulineau, Maître de conférences ENS-LSH
ANNEE 2007-2008
1
Remerciements
Un grand merci, bien sûr, à ma directrice, Lydia Coudroy de Lille pour son aide, ses
conseils, sa disponibilité, sur le terrain, comme à Lyon.
Je tiens à remercier tout particulièrement mon amie Verena pour son soutien sans
faille, mes parents Pierre et Pascale qui ont relu patiemment ces pages et m’ont encouragé,
mes grands parents, et tous mes amis notamment Thomas et Benoît qui m’ont accompagné sur
le terrain et avec lesquels j’ai beaucoup échangé ainsi que mes colocataires Irène, Jana,
Mallorie, Geneviève et Seck.
Un grand merci aux acteurs qui, à Brème, Gdansk, ou Riga sont parfois allés au-delà
d’un simple entretien, le temps d’un repas, d’une visite, d’une exposition d’art contemporain
ou à l’occasion d’un échange régulier de mails : Jolanta Murawska pour sa gentillesse et son
engagement, Magdalena Zakrzewska-Duda pour son aide précieuse, Peter Oliver Loew qui a
toujours répondu au plus vite à mes interrogations, Jens Joost-Krüger, enfin, qui, malgré les
difficultés, a rendu possible notre entretien. Merci à l’ambassade de France en Lettonie.
Merci également à ceux qui, sur le terrain, m’ont accompagné, ou m’ont aidé à
préparer en amont mon travail : Gauthier Graslin pour son accueil chaleureux à Varsovie,
Pascal Orcier pour son aide tout au long de l’année, Denys, pour son regard letton…
Je pense bien entendu à tous mes professeurs. D’abord à ceux qui m’ont accompagné
dans cette année de master à l’ENS-LSH dans les différents modules. Ensuite à ceux des
classes préparatoires, qui m’ont donné envie de travailler sur la Baltique et m’ont soutenu
dans mes projets : Michel Cardine, Luc Daireaux, Philippe Derule, Philippe Reversat et Anne
Raynaud, Jean-Louis Noël…
Photo de Couverture : La place de la mairie de Riga sur laquelle on trouve la maison des
Têtes Noires qui abritait jadis une gilde de marchands. On peut apercevoir sur la photo la
statue de Roland de Riga ainsi que l’église St Pierre. Cet ensemble, s’inscrit dans le vieux
centre de Riga classé au patrimoine mondial de l’UNESCO (photo prise le Dimanche 17
Février 2008 par Nicolas Escach).
2
Sommaire
Introduction ........................................................................................................................................... 3
I) Peut-on parler d'une patrimonialisation commune de l'héritage hanséatique à Brème, Gdansk
et Riga ? .................................................................................................................................................. 5
1. Brème, Gdansk et Riga : quel cadre géographique? .................................................................... 5
2. Brème, Gdansk et Riga de l’histoire dans la Hanse à l’histoire de la Hanse ............................... 8
3. La Hanse : un patrimoine ou une ressource territoriale ? .......................................................... 18
II) La Hanse dans les représentations des acteurs à Brème, Gdansk et Riga : les enjeux de
l’instrumentalisation d’un imaginaire ............................................................................................... 23
1. La « Nouvelle Hanse » : la (re)création politique d’une région ? ............................................. 23
2. Les représentations des acteurs publics et la Hanse .................................................................. 26
3. Les représentations des acteurs privés et la Hanse .................................................................... 38
III) Au-delà des représentations, parler de la Hanse aujourd’hui fait-il encore sens dans les
pratiques ? ............................................................................................................................................ 41
1. A l’échelle locale, quelle place de l’héritage matériel hanséatique dans une stratégie
touristique ? ....................................................................................................................................... 41
2. A l’échelle régionale, quelle place de l’héritage immatériel de la Hanse dans l’émergence d’un
nouveau réseau urbain ? .................................................................................................................... 49
3. Un réseau inachevé : le constat d’une régionalisation impossible ? .......................................... 63
Conclusion ............................................................................................................................................ 72
Bibliographie ........................................................................................................................................ 74
Liste des entretiens menés sur le terrain ........................................................................................... 82
Annexes ................................................................................................................................................ 84
Table des Illustrations ......................................................................................................................... 88
Table des Sigles .................................................................................................................................... 89
Glossaire ............................................................................................................................................... 90
Table des Matières ............................................................................................................................... 91
Résumés en langues étrangères .......................................................................................................... 93
3
Introduction
«Le patrimoine n'est pas un donné mais un construit. L'identification d'un lieu comme
patrimonial (patrimonialisation) procède bien d'une opération intellectuelle, mentale, et sociale qui
implique des tris, des choix donc des oublis : que conserver? Selon quel critère?»1 (Lévy, Lussault,
2003). Une réflexion sur le patrimoine en géographie nous invite donc à déceler ce que l'on fait de
l'héritage2, comment on l'utilise et dans quel contexte il y est fait référence dans le présent. Ce
dialogue entre le passé et le présent est au fondement pour François Durand-Dastès (Rey, St Julien,
2005) de la distinction entre passé et mémoire. Le passé est l'ensemble des phénomènes qui se sont
enchaînés les uns après les autres, la mémoire se concentre sur ce qui est actif dans le présent. La mise
en patrimoine d'un lieu comporte un fort volet social et politique et il est essentiel de se poser la
question des enjeux du construit, du sens et des acteurs de la (re)construction.
Il peut être prolifique d'associer cette thématique à un cadre géographique (celui des villes du
pourtour de la mer Baltique) et à un contexte (la période contemporaine des quinze dernières années).
En effet, depuis 1990 et la chute du rideau de fer, dans la perspective d'une intégration réalisée en
2004, la région baltique est en recherche d'unité. Nathalie Blanc-Noël nomme dans son ouvrage La
Baltique, une nouvelle région en Europe cette déconstruction de la frontière Ouest/Est «processus de
régionalisation». La régionalisation serait l’un des phénomènes majeurs de la recomposition
géopolitique territoriale de la région baltique. Il faut ici entendre par régionalisation «une forme
d'intégration multidimensionnelle qui inclut des aspects économiques, politiques, sociaux et culturels
[...] C'est l'ambition politique d'établir une cohérence et une identité régionale qui semble ici de
première importance»3. Certes des coopérations entre les pays de la mer Baltique existaient dès les
années 1980 mais sans les villes de l’Est lesquelles espéraient tôt ou tard rejoindre l’espace européen.
La régionalisation dans l’Europe baltique est souvent présentée associée, à l’aide d’une
référence, à la Hanse : il est question de "Nouvelle Hanse", des "Journées de la Hanse ». La « Hanse »4
est une association de marchands dont la genèse est à trouver dans une première Hanse de
commerçants allemands qui s’est formée vers 1161 à Visby, sur l’île de Gotland, dans le but de
développer le commerce maritime en Baltique, sur des bases régulières, plus sûres, en luttant contre la
piraterie. (Champonnois, 2002), Cette première Hanse se déplaça à Lübeck vers 1241 lorsque celle-ci
conclut un accord avec Hambourg et la ville prit un rapide essor comme point de concentration des
marchandises destinées à l'Est et comme point de départ des colons vers Riga et vers la Russie. En
1259, les cités de Wismar et de Rostock rejoignirent la Hanse puis, en 1281, Cologne et d'autres villes
1
LEVY, J., LUSSAULT M., 2003, Dictionnaire de la Géographie et de l'espace des sociétés, Paris, Éditions
Belin, pp.693 2 Ce que l'on tient de ses prédécesseurs
3 HETTNE, B., «The New Regionalism : A Prologue», in : HETTNE, B., INOTAL, A., SUNKEL, O., (edit.),
(1999), National Perspectives on the New Regionalism in the North, Londres, Mac Millan, pp.16 4 D'un vieux mot allemand Hansa qui signifiait gilde
4
germaniques de l'Ouest se groupèrent à leur tour. Ces deux associations se réunirent pour former en
1358 la Ligue Hanséatique allemande qui devint rapidement une puissance commerciale et politique
dans toute l'Europe du Nord et spécialement dans la Baltique. L'union reposait principalement sur les
privilèges que les villes s'accordaient mutuellement pour la protection et l'exercice du commerce. 1280
marque pour beaucoup d'auteurs notamment Dollinger le passage de « la Hanse des marchands » à « la
Hanse des villes »5.
La référence à la Hanse dans les pourtours de la Baltique amène un questionnement essentiel :
quelle place occupe la patrimonialisation de l'héritage hanséatique dans le processus de régionalisation
qui semble se développer sur les rives de la Baltique? Cette question peut-être renversée : à contrario,
quelle est la place de la régionalisation de l'espace Baltique dans l'enjeu d'une patrimonialisation de
l'héritage hanséatique?
Cette problématique peut donner lieu à la mise en place de quatre hypothèses : le processus de
régionalisation s’appuierait sur un héritage hanséatique matériel et immatériel patrimonialisé. Il serait
généré par un ensemble de représentations et par des pratiques spatiales. Les représentations de la
Hanse que diffusent les acteurs serviraient surtout une argumentation autour du projet de
régionalisation baltique et feraient consensus au sein des espaces riverains. En pratique, les liens
historiques hanséatiques seraient encore fonctionnels dans le fonctionnement d’un réseau de villes
autour de la Baltique.
Afin de traiter cette question et de valider ces hypothèses, nous nous appuierons sur les
exemples de Brème, Gdansk et Riga. Dans le choix des villes, il fallait d'emblée exclure Lübeck,
Visby et Hambourg car leur rôle dans la Hanse historique avait été trop fort et cela risquait de tronquer
l'analyse. Puisque la problématique choisie est celle d'une éventuelle intégration régionale, il était
préférable de prendre des villes issues des anciens blocs de l'Est (Gdansk et Riga) et de l'Ouest
(Brème). Il fallait aussi choisir une ville allemande (Brème) et des villes influencées par la culture
germanique (Gdansk et Riga). La répartition sur les pourtours de la Baltique devait être relativement
large (Brème, Gdansk et Riga sont équidistantes). Les trois villes sont de taille relativement proche :
Gdansk comptait, en 2003, 461 400 habitants contre 739 232 pour Riga et 550 000 pour Brème. De
plus, elles partagent une situation similaire: elles sont situées sur un fleuve, près de l'embouchure :
Riga sur la Daugava, Gdansk près de la Vistule et Brème sur la Weser. Elles possèdent des avant-
ports ou ports de référence : Klaïpeda ou Venspils, Gdynia, Bremerhaven. Il est donc intéressant de se
demander en quoi les villes de Brème, Gdansk et Riga, dans une étude, qui plus que de décompter "les
différents" et "les mêmes" cherche à s'approcher d'un modèle théorique peuvent être les révélateurs du
lien qui se crée ou non dans les pourtours de la baltique, et qui cherche à déboucher sur un processus
de régionalisation.
Nous avons suivi une méthodologie multipliant les sources (études bibliographiques,
5 DOLLINGER, P., 1998, Die Hanse, Stuttgart, Alfred Kröner Verlag, Titre du chapitre I, pp. 17 à pp.116
5
entretiens et interviews, observations de terrain, petites enquêtes, études statistiques et
cartographiques). Le travail bibliographique a pris en compte un large panel de courants
géographiques comme par exemple des auteurs issus de la géographie culturelle ou de la géographie
des représentations tel Jean Gottmann. Lors des trois stages de terrain effectués à Brème, Gdansk et
Riga6, nous avons cherché à interroger un panel le plus large possible d’acteurs
7 (universitaires, élus
pour ou contre l’utilisation de la Hanse8, architectes, services de restauration des monuments
historiques, agences marketing). Les entretiens ont eu lieu en allemand ou en anglais. Nous nous
sommes vite aperçus que l’entretien guidé par un questionnaire strict ne nous apportait pas de résultats
satisfaisants. En effet, il « enfermait » les interlocuteurs dans des catégories que nous avions définies
sans bien connaître la région. Or il s’agit dans l’optique de notre travail de tenter de comprendre un
ressenti face à une période mais aussi d’étudier un discours et une représentation politique au moins
autant que des faits. Il fallait donc laisser au politique la possibilité de déployer son discours et non le
démasquer. Pourtant, le thème même de notre travail a surpris de nombreux interlocuteurs : si le
concept de « Nouvelle Hanse » est très populaire en Allemagne et commence, modestement, à être
travaillé par des chercheurs français, il paraît anecdotique en Lettonie et Pologne pour beaucoup
d’acteurs dans tous les domaines (politique, économique, social).
Notre travail, se déroulera selon une analyse en trois étapes :
Peut-on parler d'une patrimonialisation de l'héritage hanséatique commune à Brème, Gdansk et
Riga? Quel héritage matériel et immatériel fait alors l’objet d’un processus de patrimonialisation ?
Quelle est la place de cet héritage dans les représentations des acteurs de la régionalisation à
Brème, Gdansk et Riga ? Quels aspects en sont valorisés ?
La référence à l'héritage hanséatique contribue-t-elle alors « pratiquement » à créer du réseau
au sein des villes de la mer Baltique et donc du territoire ?
I) Peut-on parler d'une patrimonialisation commune de l'héritage hanséatique à Brème,
Gdansk et Riga ?
1. Brème, Gdansk et Riga : quel cadre géographique?
Avant d’entamer une étude de la patrimonialisation de l’héritage hanséatique à Brème, Gdansk
et Riga encore faut-il replacer ces villes dans un contexte géographique multiscalaire.
Brème est un véritable port intérieur, à 70 kilomètres de la mer, sur la Weser, disposant d’un
avant port en mer du Nord nommé Bremerhaven. Brème et Bremerhaven constituent une ville-état, un
Land autonome, tout comme Hambourg, mais l’espace qui les sépare appartient au Land de Basse-
Saxe (Reitel, 1995). Entre les deux villes, sur la rive Ouest de la Weser, se succèdent plusieurs
6 Octobre 2007, Février et Mars 2008
7 Dans la limite du possible : nous n’avons pas eu d’entretiens avec des acteurs privés
8 Pour déterminer la position des élus, nous avons regardé avec attention les élus présents dans les réunions de la
« Nouvelle Hanse » et nous les avons considérés comme plutôt favorables à une référence à cette période
6
agglomérations portuaires qui forment une véritable rue industrielle, un complexe urbain et portuaire
d’importance. (Lebeau, 1989).
A l’échelle nationale, le Land de Brème est le plus petit des 16 Länder d’Allemagne. Un tiers
des emplois dépendent des activités des ports de Brème et Bremerhaven, ce dernier étant le 2e port
allemand après Hambourg et une véritable plaque tournante de l’Allemagne exportatrice. Le Land est
également un lieu d’implantation pour les industries dans de nombreux domaines (automobile,
électronique, navigation spatiale…)9.
A l’échelle régionale, la chute de la R.D.A a permis au port de Brème de retrouver un arrière
pays perdu. Ainsi, comme à Hambourg, les liens avec l’Allemagne de l’Est et l’Europe centrale ont pu
être renoués (Brunet, 1996).
A l’échelle européenne, Bremerhaven appartient à la « Northern Range » (Subra, 1999),
façade maritime allant du Havre à Hambourg en passant par Rotterdam, Anvers qui, avec 44% du
trafic européen, constitue une véritable porte de sortie maritime pour l’Isthme. Bremerhaven, 14e port
européen en 2000, constitue l’un des plus grands complexes de transbordement de conteneurs
d’Europe avec des équipements très modernes : il était en 2005 le 4e port pour le transport de
conteneurs. Les ports de Brème sont également des plaques tournantes mondiales pour l’import/export
d’automobiles. Comme beaucoup de ports de la « Northern Range », les ports de Brème jouent donc le
rôle de hubs ce qui les distingue des ports régionaux que sont Gdansk, Gdynia et Riga.
Gdansk, situé à proximité du débouché de la Vistule, dans le golfe de Gdansk et
administrativement dans la Voïvodie de Poméranie, fait partie d’une conurbation de 750 000 habitants
appelée la Triville10
. Gdynia constitue l’avant-port de Gdansk.
A l’échelle nationale, Gdansk, 4e ville du pays, a longtemps constitué la porte de sortie des
produits industriels en provenance du « cœur méridional » de la Pologne (Katowice, Haute-Silésie,
Cracovie). Elle se trouve sur les axes Varsovie/Gdansk et surtout Łódź/Gdansk. (Foucher, 1998) Mais
aujourd’hui, ces deux axes ne sont plus les axes majeurs de la vie de relations polonaise : depuis
l’entrée de la Pologne dans l’Union Européenne, l’axe Varsovie-Poznań-Berlin est plus stratégique.
Pourtant, Gdansk reste, d’après les chiffres de 2006, le 1er port polonais avec 22 millions de tonnes et
Gdynia occupe la seconde place avec 12,6 millions de tonnes. L’acheminement des marchandises est
permis par des voies ferrées orientées Nord/Sud reliant Gdansk et Gdynia à leur Hinterland11
A l’échelle régionale, le port de Gdansk et celui de Gdynia constituent, en 2005, le 4e
complexe portuaire de la rive Sud de la Baltique (après Saint-Pétersbourg, Tallinn, Ventspils) et le 2e
du point de vue de la capacité de transbordement. La Triville est l’une des plus grandes
agglomérations de la Baltique (Serrier, 2006).
9 Site de l’ambassade de France en Allemagne : http://www.botschaft-frankreich.de/article.php3?id_article=569
(Consulté le 12/02/2008) 10
LaTriville rassemble les agglomérations de Gdansk, de Sopot et de Gdynia 11
D’après «Yearbook of maritime economy», 2007
7
A l’avenir, Gdansk pourrait devenir un nouveau carrefour européen, en tant que nœud sur la
« via Hanseatica » reliant Saint-Pétersbourg à Lübeck. S’y ajoutent un projet paneuropéen d’autoroute
(Corridor n°6) et de voie ferrée connectant Gdansk, Brno, Bratislava et Vienne et un projet de voie
rapide nommée « Axe mer Baltique-mer Noire » ou « Corridor de transport Gdansk/Gdynia-
Odessa/Ilychevsk » rapprochant Gdansk d’Odessa via Varsovie (Corridor n°9). Ces projets inscrivent
bien Gdansk dans l’Europe médiane (Foucher, 1998) et pourraient permettre au port d’élargir son
Hinterland à l’Europe centrale (Slovaquie, République Tchèque, Hongrie, Roumanie). La construction
d’un port conteneur pourrait bien stimuler une ouverture internationale plus grande.
Carte n°1 : Corridors de transport paneuropéens
Source : Pan European Transport corridors, Wikipédia (consulté le 01/06/2008)
Riga se situe au cœur d’une agglomération de 1 150 000 habitants occupant le golfe du même
nom et au débouché de trois fleuves différents : la Daugava, le Lielupe, la Gauja (Orcier, 2005).
8
A l’échelle nationale, on peut vraiment parler de macrocéphalie à propos de Riga. La ville
concentre, en 2004, 1/3 des habitants avec ses 747 000 habitants, 80% des étudiants, ½ des entreprises
et 54% du PIB de Lettonie. C’est également une capitale culturelle et universitaire essentielle (Orcier,
2005).
A l’échelle régionale, la ville se trouve au centre de la région formée par les trois états baltes.
Riga est, en 2004, le deuxième port de Lettonie après Ventspils et le 5e port de la Baltique orientale.
La ville, plus qu’un centre, est un véritable carrefour. Elle est au cœur des axes Nord/Sud (que sont en
train de créer la « via Baltica » et la « via Hanseatica »), des axes Ouest/Est
(Riga/Jekabpils/Rezekne/Ludza/Moscou, Riga/Jekabpils/Daugavpils/Poltsk/Vitebsk, Riga/Pskov/St-
Pétersbourg) qui forment de véritables corridors de transit acheminant les marchandises de
l’Hinterland russe vers les ports lettons. La ville est également au cœur de l’hypothétique axe mer
Baltique/mer Noire (Riga/Minsk/Kiev/Odessa).
A l’échelle européenne, cependant, la Lettonie et Riga ne constituent-elles pas une marge ou
un angle mort ? En effet, le pays se situe à la limite de l’Union Européenne et depuis 2004 la frontière
avec la Russie est devenue, encore plus qu’auparavant, frontière barrière d’un point de vue politique.
2. Brème, Gdansk et Riga de l’histoire dans la Hanse à l’histoire de la Hanse
2.1 Quels furent le rôle et la place de Brème, Gdansk et Riga dans la ligue hanséatique ?
L’ouvrage de Raoul Zühlke, Bremen und Riga, zwei mittelalterliche Metropolen im Vergleich,
avait déjà amorcé un travail de comparaison historique à propos des villes de Brème et de Riga
montrant que, pour bien comprendre la place de la Hanse dans ces villes aujourd’hui, il fallait saisir la
place qu’elle occupait au Moyen âge.
Le rattachement des villes de Brème, Gdansk et Riga à la Hanse a été facilité par des contextes
économiques propices. Les relations entre les villes étudiées sont antérieures à la Hanse. L’évêque de
Brème, Albert de Buxhövden, envoie, en 1201, dans la future Riga, une mission constituée de
marchands et de missionnaires, y fonde un siège épiscopal, créé l’ordre des chevaliers Porte-Glaive et
construit un port fixe sur le Rigebach (Bracker, Henn, Postel, 1999). Pour attirer des citoyens dans sa
ville, il accorde dès 1211 des privilèges commerciaux. Les premiers colons affluent alors de la
communauté de l’île de Gotland et, en 1229, un contrat signé entre les princes de Smolensk (Russie) et
des marchands allemands engendre une vague d’immigration en provenance de nombreuses villes
allemandes dont Brème. Les « étrangers» dépassent rapidement en nombre les « locaux »12
, ont le
monopole des activités commerciales et dirigent les institutions politiques et financières de la ville
alors que ces derniers ne pratiquent que des activités peu lucratives et peu nobles (Misans, 1999).
L’histoire de Gdansk est, elle aussi, marquée par ce mouvement du Drang nach Osten. Au XIIe
12
Les étrangers ou Frequentates s’opposent aux originaires du lieu, les Manentes ou en allemand Ortansässig
(Misans, 1999)
9
siècle, des marchands allemands établissent un comptoir à proximité du débouché de la Vistule qui se
développe si vite que le souverain Herzog Swantopolk donne en 1225 son accord pour fonder à cet
endroit une ville de droit allemand. Cette fondation13
se fait non loin d’une base de colonie slave
antérieure14
. Un port est aussi construit sur la Motlawa. Politiquement, Gdansk se libère dès 1454 de
l’autorité Teutonique, reconnaissant le roi polonais comme seul souverain. La couronne polonaise
donne à Gdansk la plupart de ses privilèges commerciaux notamment le roi Casimir IV en 1454 et
1457 (Bracker, Henn, Postel, 1999). Cette situation modifiera l’image de la Hanse dans la ville : à
Gdansk prospère encore aujourd’hui, dans les milieux nationalistes, l’idée que le développement
économique de la ville aurait pu exister sans la Hanse : elle n’est qu’un élément de plus dans un
contexte d’expansion commerciale créé par les rois polonais. En revanche, l’apogée de Riga, sous
domination Teutonique jusqu’en 1581, ne peut être attribué à une autre entité que la Hanse.
Les privilèges attribués à Brème, enfin, sont très anciens et datent d’Otto Ier qui accorde en 888 le
droit de monnaie, de marché et de douane. Ils se poursuivent jusqu’au XIIIe siècle.
Si l’on considère à présent l’adhésion à la ligue hanséatique proprement dite, trois niveaux se
détachent nettement : Brème et l’insoumission, Gdansk et une adhésion partielle, Riga et une adhésion
totale15
.
« L’entrée de Brème en 1358 dans la Hanse fut problématique »16
. Certes, les bourgeois de Brème
dès le milieu du 14e siècle rendent possible le commerce des biens du piratage sur leur marché…
(Bracker, Henn, Postel, 1999). Mais l’orientation spatiale de la ville, dépendant d’un commerce
Nord/Sud, est contraire aux objectifs commerciaux hanséatiques se concentrant sur les échanges
Ouest/Est comme le confirme Philippe Dollinger : « Trois fois, elle est exclue de la communauté
(hanséatique) en 1285, 1427 et 1563 (…) La raison de cette exclusion est à trouver dans le fait que la
prospérité de Brème venait moins du commerce Ouest/Est que des relations qu’elle avait construites
dès le 11e siècle avec la Norvège, l’Angleterre et le Nord des Pays Bas tout comme avec l’Hinterland
de la Weser, la Saxe, une partie de la Westphalie. (…) Brème était avec les villes du Rhin prise dans
des routes commerciales situées en « Avant de la Hanse » [Vorhansisch] du Sud vers le Nord et a
toujours eu des difficultés à participer à l’extension allemande en mer Baltique17
». En 1358, à
Lübeck, la ville doit rejoindre, contrainte et forcée, pour la deuxième fois la ligue hanséatique après
13
Appelée Rechtstadt 14
Appelée Suburbium 15
Au moins au début de son histoire hanséatique 16
SCHWERDTFEGER, H. (2004), Die Hanse und Ihre Städte, Delmenhorst, Aschenbeck und Hostein Verlag,
pp. 71 : «Bremens Beitritt zur Städte-Hanse 1358 war problematisch». 17
DOLLINGER, P. (1998), Op.cit. pp.159 : «Dreimal wurde sie aus der Gemeinschaft ausgeschlossen, 1285,
1427 und 1563, das erste Mal anscheinend länger als 70 Jahre; ein einzigartiger Fall. Der Grund war, dass der
Wohlstand Bremens weniger auf dem Ost-Westhandel als auf den seit dem 11. Jahrhundert sehr lebhaften
Verbindungen mit Norwegen, England und den nördlichen Niederlanden, sowie mit dem Hinterland der Weser,
Sachsen und einem Teil Westfalens, beruhte. Kurzum : Bremen war zusammen mit den rheinischen Städten an
dem vorhansichen Handelsverkehr von Süden nach Norden beteiligt und hatte immer einige Mühe, sich auf die
neuen, durch die deutsche Ausdehnung in den Ostseeraum geschaffenen Bedingungen einzustellen».
10
qu’un commerçant de Brème ait refusé de reconnaître l’embargo qu’avait lancé la Hanse contre la
Flandre (Bracker, Henn, Postel, 1999). Brème quitte la communauté en 1563 mais n’en abandonne pas
entièrement le titre : Lübeck, Brème et Hambourg fondent en 1630 une ligue qui, après la fin
historique de la Hanse (Schwerdtweger, 2004) et jusqu’au siècle dernier, continuera d’exister et en
1646, la ville est élevée au rang de Ville libre d’Empire par Ferdinand II. Ces événements couronnent
une liberté politique de Brème qui sera confirmée lorsqu’elle se déclarera « Ville libre Hanséatique »
en 1806 et qu’elle sera intégrée dans l’Empire Allemand en tant que « Ville libre Hanséatique » en
1871. Les plaques d’immatriculation à Brème et Hambourg et le statut de Land se réfèrent plus
aujourd’hui à cette liberté politique qu’à un passé hanséatique médiéval18
.
L’appartenance de Gdansk (1350-1669) à la Hanse est moins problématique. La ville fait partie de
la Ligue depuis 1350 et dès 1351 elle participe à l’ « Assemblée de la Hanse »19
à Lübeck. En 1669,
des représentants de Gdansk participent à la dernière « Assemblée de la Hanse ». Ses forces
économiques et financières lui permettent de participer à des conflits comme la guerre hanséatico-
anglaise en 1469/1470 (Bracker, Henn, Postel, 1999). Cela n’empêche pas la ville de poursuivre ses
propres intérêts refusant en 1417 l’interdiction de faire transporter des marchandises par des
marchands non associés à la Ligue et accueillant les marchands et navires hollandais en très grand
nombre20
.
L’adhésion de Riga (1282-1570) n’est pas non plus conflictuelle du moins au début. Dès 1282,
Riga conclut une alliance avec Lübeck et Visby et se positionne comme la ville hanséatique la plus
influente de toute la Livonie. Ses tentatives, à la fin du XVe siècle, d’interdire ou de limiter l’influence
des marchands étrangers dans son commerce engendrent quelques conflits qui restent sans
conséquence. Ses relations avec la Hanse se dégradent dans la deuxième moitié du 16e siècle et elle
quitte la Ligue en 1570. Elle sera pourtant invitée en 1669 à la dernière « Assemblée de la Hanse »
mais déclinera l’invitation.
Pendant ces périodes, en tant que membres de la Ligue Hanséatique, quelle était la place de Riga,
Gdansk et Brème dans les réseaux économiques hanséatiques ?
18
Interview du 12 /02/08 avec Heinz Gerd Hofschen, directeur du Focke Museum de Breme 19 Appelée Hansetag ou Hanseatic Days 20
Informations tirées d’une visite attentive du musée maritime de Gdansk et de la lecture des panneaux
d’interprétation.
11
Carte n°2 : Les routes hanséatiques
Dans le cas de Brème, on distingue le commerce au long court Nord/Sud du commerce de
proximité21
. En effet, Brème, « centre majeur »22
, disposait d’un Hinterland immense et élargi entre le
XIVe et le XVIe siècle. Deux quais différents existent : les Schlachte pour les bateaux venus de la
mer du Nord23
, les Balge pour ceux venus de l’Hinterland. Avec la Frise de l’Est, la Westphalie, les
villes du Rhin24
, l’Elbe inférieur, les villes de Hanovre, Osnabrück, et d’autres de ses possessions
territoriales, la ville échange de la bière, du poisson, de l’huile de poisson, du vin, des étoffes et des
fourrures contre du grès, du bois, du calcaire et des céréales25
. Ce commerce se fait principalement par
la Weser, la Werra et la Fulda. A plus petite échelle, ses partenaires commerciaux sont le Danemark26
,
la Norvège27
avec laquelle le commerce du hareng et des poissons séchés est très important, l’Islande,
l’Angleterre et l’Ecosse28
, les Pays Bas, la Flandre29
et quelques villes de la mer Baltique. Les produits
21
En allemand et dans la littérature Fernhandel et Nahhandel 22 Oberzentrum d’après la typologie de Thomas Hill qui différencie trois types de centre en fonction de leur
importance stratégique : Oberzentrum, Mittelzentrum et Unterzentrum 23
Les Kogge ou en français «Cogge» 24
Brème fait partie de la ligue Rhénane depuis 1225 25 Issus du commerce de long cours 26
Notamment les villes de Ripen, Kolding, Haderslev, Actuelles Ryppen, Kolding et Haderslev 27
Notamment les villes de Bohuslen, Bergen 28
Notamment les villes de Londres, Yarmouth 29 Notamment les villes de Harderwijk, Zwolle, Deventer, la région de l’Ijssel et de la Zuiderzee, les villes de
Brugge et d’Anvers
12
importés sont des harengs, du poisson séché, des peaux de bête, du sel et quelques vêtements, les
produits exportés sont de la bière de Brème, des métaux, du lin, des céréales et de la farine (Hill, 2004)
Gdansk se situe en juste milieu associant les axes Nord/Sud et Ouest/Est. Dans le commerce de la
Vistule et de la Lituanie, Gdansk prend en 1400 une place dominante. Les routes les plus importantes
drainant l’Hinterland du port de Gdansk le relient à Kovno, mais aussi à Lernber, Breslau30
et
Cracovie, via la ville de Thorn. La Prusse, la Pologne et la Lituanie représentent donc pour l’ancienne
Danzig un Hinterland étendu31
(Bracker, Henn, Postel, 1999). Mais les intérêts commerciaux de
Gdansk se construisent, dès le 15e siècle, sur l’agrandissement et sur la protection du commerce
Ouest/Est : la ville veut se positionner en intermédiaire cherchant à instaurer un accès direct à des pays
de l’ « Ouest ». Auparavant, l’exportation des produits de Lituanie, de Prusse et de Pologne transitant
par Gdansk se faisait via le port de transbordement de Lübeck, véritable rupture de charge avant les
Pays Bas ou la France… Mais peu à peu, Gdansk livre directement à Brugge, Bergen ou Oslo tout
comme elle le faisait pour l’Est. C’est ainsi que la part des importations venues de Lübeck à Gdansk
tombe de 20% en 1460 à 3.6% en 1475 (Dollinger, 1998). Le commerce du grain et des céréales (blé,
seigle) est l’un des points essentiel pour la prospérité de la ville. La ville livre surtout vers l’Ouest des
céréales et du bois, de la cire, de la cendre de Pologne et de Prusse, du lin, du chanvre, du cuir, des
peaux de Lituanie. Gdansk exporte aussi plus loin du poisson local ou du cuivre et du plomb de
Slovaquie. Venus de l’Ouest, elle reçoit du sel, de la bière, du vin, des harengs, des étoffes et pièces de
tissus, des peaux et des fourrures et elle conduit ces produits jusqu’à son Hinterland (Bracker, Henn,
Postel (1999).
Riga, entièrement tournée vers le commerce Ouest/Est, est, quant à elle, le principal port de
transbordement pour le commerce avec la Russie32
(Bracker, Henn, Postel, dir., 1999) grâce aux
fleuves qui la traversent. Les routes hanséatiques passant à Riga mènent vers le Sud-ouest par Memel
vers Königsberg et Elbing, vers le Sud en direction de Kovno et Wilna, vers l’Est par Polock vers
Vitebsk et Smolensk et vers le Nord par Dorpat vers Reval, Narwa, Novgorod33
(Dollinger, 1998). De
Polock sont conduits surtout des fourrures, de la cire, des produits à base de bois comme du goudron
ou de la cendre, du suif et du cuir pendant que de l’Europe de l’Ouest viennent du sel, des harengs, du
vin, de la bière des épices et des métaux que l’on importe (Bracker, Henn, Postel, 1999). Des liens
historiques avec l’île de Gotland expliquent que les marchandises venues de Riga, Reval, Novgorod y
effectuent une halte avant de repartir vers l’Ouest (Dollinger, 1998). Visby et Gdansk jouaient donc
toutes les deux un rôle de centre, entre l’Ouest et l’Est, Visby pour l’angle Nord-est de la Baltique et
Gdansk pour l’angle Sud/Sud-est.
30
Kovno = Kaunas, Breslau = Wroclaw 31 Au sein duquel seules les villes de Elbing, de Thorn ou de Königsberg (actuelle Kaliningrad) sont actives 32
Titre de l’article sur Riga : «Riga, Hauptumschlagplatz für den Russlandhandel» 33
Wilna = Vilnius, Pernau = Pärnu, Reval = Tallinn, Dorpat = Tartu.
13
Ce commerce a profondément irrigué ces villes et a changé leur topographie. A Brème, « la Hanse
des villes » suit celle des marchands et les vagues de construction se font pendant les périodes de
prospérité économique. Entre 1350 et les années 1390-1395, Brème connaît de fortes crises et des
troubles intérieurs. Mais en 1400, une prospérité économique retrouvée voit naître les monuments que
l’on retient aujourd’hui : la statue de Roland (1404), un symbole pour la liberté des citoyens et les
droits de marché ou l’Hôtel de ville gothique (1405-1410). Le nouvel Hôtel de ville exhibe le dualisme
entre le quartier spirituel et épiscopal des aristocrates et le quartier des marchands. Cette période
correspond à l’apogée de la ville. Tout comme à Riga, le centre de Brème est remodifié in situ au fil
des années. L’évêque Albert avait édifié la vieille ville en forme de demi-cercle sur le modèle
allemand au bord du Rigebach et à cet endroit se trouvait la vieille cathédrale, la maison de l’évêque
mais dès 1211, la ville se densifie vers la Düna. Les marchands étrangers jouent un rôle essentiel dans
les constructions notamment des cours ou Stuben de Münster et de Soest. A Gdansk en revanche, les
influences diverses ont créé une situation multipolaire. En 1400, la ville possède 7 unités de
colonisation nommées Rechtstadt, Neustadt, Altstadt, Jungstadt, Vorstadt, Hakelwerk, Langgarten. Du
noyau formé du château et de la banlieue slave (plus tard appelée Altstadt car la banlieue fut colonisée
par les Allemands et le maître de l’ordre Winrich von Kniprode en 1377 donna à ce quartier un droit
de ville), la Rechtstadt est édifiée par les Allemands. L’Altstadt ne deviendra jamais une ville
hanséatique mais on trouve aujourd’hui au sein de la Rechtstadt et de l’Altstadt la plupart des
monuments qualifiés d’«hanséatiques».
2.2 L’histoire de la reconstruction de la Hanse aux XIXe et XXe siècle
Sur ce passé hanséatique, se construit à Brème, Gdansk et Riga un véritable mythe, mot
employé dans le titre de l’exposition réalisée à Hambourg en 1989 : « La Hanse, réalité et mythe »34
.
Un mythe est une « représentation qu’un ensemble d’individus, en fonction de ses croyances, de ses
valeurs se fait d’une période (historique), d’un fait, d’une idée, d’un personnage. Ceux-ci ont été
idéalisés par l’imagination populaire »35
Il faut donc revenir sur l’histoire de la construction d’une
représentation de la Hanse dans les trois villes.
A Brème, Gdansk et Riga, la reconstruction de la Hanse a lieu au XIXe siècle comme par
exemple dans la littérature allemande. Le 24 Mai 1870, l’historien Karl Koppmann fonde une revue
qui rassemble des textes de l’époque hanséatique36
. Suit en 1903 Die deutsche Hanse de Dietrich
Schäfer (Grassmann, 2001). Un consulat commun associant les villes de Lübeck, Hambourg et Brème
représente ces villes à l’étranger et constitue une première forme de coopération (Fiebig, 2005).
34
«Die Hanse, Lebenswirklichkeit und Mythos» 35
Dictionnaire de l’académie française 36
Hansische Geschichtverein
14
Mais cette reconstruction de la Hanse est aussi populaire : elle est instrumentalisée par l’état
afin de développer l’idée d’une nation allemande unie, de reconstruire l’histoire d’une Allemagne
conquérante et colonisatrice grâce notamment à une flotte exceptionnelle le tout dans un contexte de
guerre (1870) et d’unification. De plus, le XIXe siècle est une période de prospérité économique pour
l’Allemagne ce qui invite à la continuité historique37
.
A Brème, très vite, la Hanse prend un écho résolument positif (alors que Brème l’avait refusé)
et romantique et la confusion est très vite faite entre Hanse économique et liberté politique des siècles
suivants. Se forge l’adjectif Hansisch par opposition à Hanseatisch38
ainsi que le nom Hanseat39
(Wegner, 1999). Dire de quelqu’un qu’il est Hanseatisch, c’est lui attribuer toutes sortes de qualités :
l’ouverture aux autres, la fiabilité, l’ouverture au monde, la tolérance40
, la capacité à gagner de l’argent
sans montrer ouvertement sa richesse, la modestie calviniste, l’esprit froid, rationnel et distant, la haine
de la vulgarité « Nouveau riche », une expérience de la liberté politique et de l’autodétermination, de
la démocratie. Les Hanseaten sont également dotés de l’esprit de mécénat qui aurait aussi régné
pendant la Hanse. Brème connaît une forte tradition jusqu’à aujourd’hui de don : le musée d’art de la
ville a été en grande partie financé par des citoyens qui ont souvent souhaité rester anonymes. Le mot
Hansisch fait lui référence à la Hanse historique
A Riga, le XIXe siècle est également un siècle de redécouverte de la Hanse qui vient des
« Allemands baltes »41
. Ceux-ci ont un quartier propre nommé Meschaparks42
et possédant de
nombreuses rues à la toponymie hanséatique. La fin du XIXe siècle et début XXe siècle est une
période là encore de forte prospérité. Les « Allemands baltes » cherchent alors à réunir les habitants
allemands de tous les pays afin de maintenir leur position de force dans les provinces de la Baltique
(Aschmanis, 2007). Dès le XIXe siècle sous le régime russe, ces « Allemands baltes » jouent un grand
rôle et la région de Riga est une région administrative qui possède une certaine autonomie renforcée
par un fort sentiment d’autodétermination, ayant même une forme propre de représentation à Saint-
Pétersbourg43
En Pologne, on assiste à un phénomène équivalent et Peter Oliver Loew parle d’un mythe de
la « Germanité » (1848-1939)44
. Ce mythe se base sur l’idée que sous la domination de l’ordre
teutonique et de la Hanse, la ville de Danzig était puissante économiquement et culturellement. Les
éléments polonais de l’histoire sont niés dans une reconstruction totale : la ville aurait même tenté de
se défendre contre un trop grand contrôle polonais. Les Allemands de Danzig se sentent investis d’une
37
Interview du 12/02/08 avec Heinz Gerd Hofschen, directeur du Focke Museum de Brème 38
Hansisch et Hanseatisch peuvent en français tout deux être traduits par « Hanséatique » mais il existe bien une
différence de sens en allemand entre les deux termes 39
Hanseat signifie quelqu’un qui a un caractère hanséatique. 40
La Hanse serait une époque d’ouverture religieuse puisque, dans ces villes, protestants et catholiques ont
parfois réussi à vivre ensemble dans une certaine harmonie 41
Deutschbalten 42
Construit au début du XXe siècle 43
Entretien du 20/02/08 avec Zaiga Krisjane, maître de conférences à la faculté de Géographie de Lettonie 44
Ou Deutschtum
15
mission : être les dignes héritiers de leurs ancêtres porteurs des mœurs allemandes. La ville est décrite
comme « un avant poste de la culture allemande dans un environnement de barbares slaves »45
.
L’espoir, notamment à l’époque de la révolution de Mars, d’une inclusion de l’Ouest de la Prusse et de
Danzig dans la Nation allemande grandit. Peter Oliver Loew rappelle que cette histoire allemande est
un mythe dans une ville fondée à partir d’une colonie slave (Loew, 2003, a).
Le XXe siècle fonde une distinction entre les deux villes de l’Est et celle de l’Ouest. A Brème,
le souvenir de la Hanse reste constant et est utilisé à plusieurs reprises dans différents
contextes comme sous le IIIe Reich, par exemple, pour appuyer les notions hitlériennes d’espace vital,
de concept germanique, d’Europe médiane, l’idée d’une « Nouvelle Hanse » étant alors portée par
Heinrich Hunke proche de Goebbels : «La Hanse vit, elle rayonne, éclatante de réalité»46
. Après 1945,
le concept de « Nouvelle Hanse » devient synonyme de force créatrice, entrepreneuriale et marchande,
de solidarité dans une Allemagne prise dans la croissance économique. Cette continuité n’apparaît pas
à Riga et Gdansk où dominent les ruptures.
Graphique n°1 : Composition de la population de Riga en 1844 et 1935
Composition en 1844 Composition en 1935
Source : Aschmanis, 2007
Conception et réalisation : Escach, 2008
En réalité, l´histoire allemande des derniers siècles a été interrompue à Riga de nombreuses
fois et trois périodes ont été déterminantes : la première à la fin du 19e siècle est caractérisée par un
élan économique accompagné d’une vague d´immigration en masse, de salariés et chefs d’entreprises
venant des régions où la Hanse était peu connue. La deuxième période est celle de la Première Guerre
45
PRUTZ Hans (1866), «Die Katastrophe des Danziger Bürgermeisters Conrad Letzkau», APrM, n°3, pp. 615.
„Mitten in slawische Barbarei hinausgeworfene Vorposten deutscher Kultur » 46
HUNKE, H., (1942), Hanse, Rhein und Reich, Berlin, Haude und Spener, 2e tomme, pp.105 : «Die Hanse lebt,
sie wird leuchtende strahlende Wirklichkeit»
16
mondiale, des révolutions : ces événements ont provoqué l´émigration massive de beaucoup
d’Allemands et seuls quelques uns reviennent dans les années d´après guerre au pays. Ceux qui sont
partis sont remplacés par des habitants d´autres pays où la Hanse ne signifiait rien. La troisième
période essentielle est le rapatriement des Allemands au début de la Seconde Guerre mondiale, la fuite
et l´expulsion d´une bonne partie de la population de Riga pendant la guerre et tout de suite après, le
développement rapide de la ville sous le pouvoir soviétique qui est lié à une immigration forte de toute
l´Union soviétique, de l´Asie centrale et de Sibérie. Au cours de ces trois périodes, les traditions
collectives et familiales des Allemands de Riga47
se sont perdues. La minorité allemande passe de
40.80% en 1844 à 10% en 1935 (Mikelis Aschamanis, 2007) comme en témoigne le graphique ci-
dessus.
A Gdansk, les ruptures sont du même ordre comme en témoigne la nouvelle de Pawel Huelle
Le déménagement. L’émigration forcée allemande laisse place à l’arrivée de populations de
Biélorussie, de Lituanie, de Pologne et de Russie qui n’ont pas de rapport avec le passé hanséatique48
(Foucher, 1998).
Ces ruptures sociales s’accompagnent de ruptures politiques comme à Riga, avec l’arrivée au
pouvoir de Karlis Ulmanis, en 1934. (Loew, Pletzing, Serrier, 2006). Il cherche à montrer par la
destruction des formes non lettones de la culture que le peuple a pris seul son destin en main et le
remaniement du patrimoine hanséatique est l’un des moyens utilisé. L’architecte Nikolais Voits
prévoie ainsi un nouvel Hôtel de ville, doté d’une tour de 140 m de haut, qui aurait dominé la place de
la mairie et la Maison des Têtes Noires montrant la supériorité des bâtiments lettons face aux bâtisses
hanséatiques, considérées comme basses, situées dans des rues sales et sombres, tortueuses. Pour Riga,
la période communiste qui suit est plutôt une période de latence pendant laquelle le mythe national
trouve tout de même une place très importante. A l’époque soviétique, l’élargissement de la Kalku
Iela, avenue qui débouche sur la place et la construction dans son axe d’un monument soviétique pour
la libération de Riga imprègnent un univers letton à la place. Mais les débats naissant dès 1970-1980
sur la reconstruction de la Maison des Têtes Noires marquent une détente.
A Gdansk où selon Peter Oliver Loew, la « Polonité »49
remplace le mythe de la « Germanité»
(Loew, 2003, a) l’histoire de plusieurs siècles d’occupation, de domination, de colonisation allemande
en Pologne y compris pendant la Hanse est racontée et l’idée de prolétaires polonais attendant avec
patience et détermination la Libération et résistant avec courage est lancée. Une continuité est ainsi
reconstruite : l’exil de 1945 est un retour aux origines. Peter Oliver Loew, qualifie la « Polonité » de
mythe puisque les polonais n’étaient que minoritaires dans l’histoire de la ville (entre le 16e et le 18
e
siècle, ils représentaient entre 0.5 et 2%). Ces positions politiques se retrouvent dans les bâtiments : la
reconstruction du passé hanséatique est un débat essentiel dans les années 1950-1960. Si le
47
Ou Rigenser en allemand balte 48
Accords de Potsdam, 2 Août 1945 49
Polonität en allemand
17
nationalisme polonais voulait reconstruire Gdansk avec des mains polonaises, plus belle qu’elle n’a
jamais été, certains étaient contre, voyant les monuments sous le prisme de la familiarité (des
monuments polonais) et de l’étrangeté (des monuments allemands). Barbara Bossak cite les mots durs
du journaliste Edmund Osmanczyk en 1945 qui parle de la folle joie qu’il ressent à l’idée qu’on ne
puisse pas reconstruire le vieux centre de Gdansk, ses rues et greniers détruits appartenant au passé
noir de la domination teutonique. Il appelle à ne pas verser de larmes sur ses ruines (Loew, Pletzing,
Serrier, 2006)
La redécouverte de la Hanse s’effectue donc après 1990 à Gdansk et Riga50
. A Gdansk, une
nouvelle reconstruction de l’histoire locale naît alors et fonde le mythe de la « Multiculturalité »51
.
(Loew, 2003, a) La ville aurait été, à l’époque de la Hanse, un lieu multiculturel, de tolérance,
d’ouverture au monde et à l’Europe, de prospérité et de richesse, un genius loci52
. C’est autour du
Millenium de Gdansk réalisé en 1997, qu’un problème d’identité majeur se pose (Rexheuser, 2001) :
cette histoire reconstruite d’une ville européenne et ouverte, n’est qu’un compromis fade afin de ne
pas froisser les relectures polonaises et allemandes de l’histoire. Les Allemands ne sont pas
surreprésentés puisqu’ils font partie des multiples peuples qui ont traversé la ville et l’exil de ceux-ci
n’est pas cité. A l’occasion des festivités, des livres teintés de nationalisme polonais reprenant des
propos de l’époque soviétique aussi bien que des livres regardant avec nostalgie la Danzig allemande
ont été édités. L’auteur montre que ce ménagement intervient dans un contexte de deuil difficile côté
polonais : les immigrants de 1945 se sentent trahis. Pour faciliter leur installation dans une ville
nouvelle et rendre facile l’acclimatation, on leur avait présenté la ville comme historiquement
polonaise. Le choc identitaire ressenti par des Polonais qui avait appris une histoire simple et continue
et qui découvrent que les traces allemandes présentes dans la ville sont des témoins authentiques de
leur passé est grand. Ce qui semblait un retour des Polonais sur une de leurs terres s’avère être une
conquête, la victime devient bourreau.
Si la Hanse est donc associée à un creuset vague à Gdansk, elle est une réponse à la peur à Riga.
Après 1990, la ville connaît une période de dépression économique : les relations économiques avec la
Russie sont réduites et les produits de l’industrie de Riga, peu concurrentiels, sont délaissés par les
marchés de l’Ouest. L’idée d’une Hanse Nouvelle apparaît alors comme une solution pour répondre à
cette question : qui va participer avec son capital, ses relations et son énergie à un nouveau souffle de
l’économie ? (Aschmanis, 2007).
De son côté, Björn Engholm, en Allemagne, fait revivre le concept de « Nouvelle Hanse » dès la
fin des années 1980 (Grassmann, 2001)
50
La date de 1990 ne doit pas être prise comme une rupture absolue cependant. En effet, des les années 1980, à
Gdansk, selon les propos de Peter Oliver Loew, la rédaction d’une nouvelle histoire locale avait été préparée par
les élites libérales dans l’opposition. 51
Multikulturalität en allemand ou Wielokulturowosc en polonais 52
Un «lieu béni»
18
2.3 L’image de la Hanse à Brème, Gdansk et Riga
Quelle image de la Hanse demeure donc dans l’esprit des habitants des villes de Brème,
Gdansk et Riga ?
A Brème, la Hanse a un écho résolument positif car la ville est marquée par la continuité : elle
évoque l’ouverture, l’esprit d’entreprise, la tolérance. Cependant cette vision positive de la Hanse est
aussi et surtout liée à l’acquisition de droits et de libertés politiques que ses monuments symbolisent et
non à une quelconque prospérité économique comme à Gdansk ou Riga.
A Riga et à Gdansk, en revanche, l’image de la Hanse est multipolaire selon qu’elle est
imprégnée de mythes nationalistes, allemands ou multiculturels. Elle peut encore être synonyme de
« germanisation » ou de « colonisation » pour certains et cet argument est utilisé par des partis
populistes ou nationalistes. Pour d’autres, elle a pu perdre son caractère exclusivement allemand53
pour devenir une influence parmi d’autres dans un lieu multiculturel. La Hanse rappelle donc la
richesse culturelle de la ville. Chacun a en somme un rapport plus personnel aux héritages qui ne sont
plus réfléchis en termes d’«étrangeté» et de «familiarité» (Loew, Pletzing, Serrier, 2006).
Un sondage a été réalisé à Riga auprès d’étudiants et de professeurs d’université (Aschmanis,
2007). Parmi les Lettons interrogés, 43,9% ont répondu avoir une émotion positive face au mot Hanse
et aucun n’a répondu avoir une émotion négative. Pour 56.1% d’entre eux, ils n’étaient pas nés à Riga.
Pour 52.2% des interrogés, la Hanse représentait l’unité culturelle et historique de la Baltique alors
que pour 5.6%, elle était le symbole de l’expansion germanique. Cela signifie aussi que le mythe du
joug allemand a été réduit considérablement même s’il est encore présent. A Riga, cela est d’autant
plus vrai que des communautés allemandes même restreintes demeurent autour de la «Société des
Allemands baltes » et que la langue allemande reste la langue du commerce (Aschmanis, 2007).
3. La Hanse : un patrimoine ou une ressource territoriale ?
3.1 De la notion de patrimonialisation à celle de « ressource territoriale »
Les héritages matériels54
et immatériels55
de la Hanse ont-ils fait l’objet d’une
« patrimonialisation » ? En effet, ce processus semble être un préalable à l’utilisation d’un héritage
dans une optique de « régionalisation ». Le concept de patrimoine entretient un lien étroit avec le
concept de territoire. Or l’élément territorial fait partie des quatre éléments qui pour Paasi sont
constitutifs d’une région56
(Paasi, 2001).
La patrimonialisation peut se définir comme la reconnaissance sociale et / ou
politique de la fonction patrimoniale d’un bien, se traduisant généralement par sa protection. Di Méo
53
La Hanse devenant une époque de pluralisme culturel où les Allemands sont un peuple parmi d’autres 54
Monuments, vieilles villes issus de l’histoire hanséatique 55
Mythe reconstruit depuis le XIXe siècle 56
Paasi distingue un fond symbolique ou symbolic shape, un fond institutionnel ou institutionnal shape, une
conscience régionale ou regional consciousness et un fond territorial ou territorial shape
19
définit ainsi le processus : « Le passage générationnel implique tout de même un minimum de
sélection. La formulation de ses règles obéit à une procédure assez classique de construction sociale.
C’est leur définition et leurs modalités d’application, mais aussi celle des procédures de sauvegarde,
de conservation et de valorisation des patrimoines que nous appellerons, dans ces pages, processus de
patrimonialisation»57
.
L’auteur attribue six étapes principales à la patrimonialisation dont la première est la prise de
conscience patrimoniale (Di Méo, 2007). La deuxième est marquée par des jeux d’acteurs dans un
certain contexte. Il n’existe pas de processus de patrimonialisation sans acteurs collectifs ou
individuels. Mais ceux-ci ne peuvent rien sans un minimum d’idéologie ambiante, favorable à
l’intervention patrimoniale. La troisième étape est la sélection et la justification patrimoniale. La
justification patrimoniale consiste en un mode de discours sur les raisons présidant au choix de tel ou
tel objet patrimonial : la patrimonialisation raconte une histoire, mythique ou historique et vise à
valoriser une séquence passée de la vie sociale58
dans un but d’édification. Pour Di Méo : « Il est bien
évident qu’un tel genre narratif participe activement à la construction sociale (…) Il se prête
également à merveille à d’innombrables manipulations. C’est un vecteur important d’idéologies »59
.
Ce point est également étudié par Michel Rautenberg60
: le projet institutionnel sélectionne et
transforme la mémoire lors de l’opération de métamorphose en patrimoine. En décontextualisant
l'objet patrimonial, la patrimonialisation construit, entre un groupe social et son passé mis à distance
une relation souvent mythique mais néanmoins créatrice de lien social. Suivent ensuite, pour achever
un processus de patrimonialisation, les trois dernières étapes de la conservation, de l’exposition et de
la valorisation des patrimoines.
Ces quatre dernières étapes font le lien entre territoire et patrimoine (Di Méo, 1998). Le
territoire pour exister a besoin de la médiation des valeurs patrimoniales. Il contraint les hommes à
médiatiser leurs rapports aux lieux par la multiplication d’outils qui sont aussi bien des savoirs, des
formes de relation humaine que des objets. Françoise Choay, évoquant la ville dit qu’elle a toujours
« joué le rôle mémorial de monument, (…) objet qui possédait le double pouvoir d’enraciner ses
habitants dans l’espace et dans le temps ». 61
Ce passage du patrimoine au territoire est permis par une
proximité de sens : pour la patrimonialisation comme pour la territorialisation, le groupe qui se
l’approprie (le territoire ou le patrimoine) non seulement en comprend la signification mais s’identifie
avec lui (Di Méo, 1998). Mais la patrimonialisation n’est pas l’apanage des populations résidentes et
les étrangers sont souvent à l’origine des phénomènes de patrimonialisation (Gravari-Barbas, dir.,
57
DI MEO, G., (2007), « Processus de patrimonialisation et construction des territoires », Colloque 12-14
septembre 2007, Poitiers-Châtellerault, pp.2 58
Il s’agit de montrer la grandeur des populations passées, de choisir une séquence glorieuse de l’histoire 59
DI MEO, G., (2007), ibidem, pp.12 60
RAUTENBERG M (2003)., La rupture patrimoniale, Grenoble, Editions A la Croisée, 173 p. 61
CHOAY, F. (1992), L’allégorie du patrimoine, Paris, Editions Seuil, pp.140
20
2005). Ce sont les acteurs qui font la médiation entre patrimoine et territoire. La patrimonialisation est
donc la rencontre entre une appropriation sociale de l’espace (territorialisation) par la médiation du
patrimoine et une stratégie d’acteurs issus de différents milieux62
. Cette dernière serait pour certains
auteurs à la naissance même du territoire : l’espace serait la réalité matérielle préexistant à toute
connaissance et à toute pratique dont il serait l’objet dès qu’un acteur manifesterait une visée
intentionnelle à son égard. Une fois que l’espace serait l’objet d’un projet d’appropriation de la part
d’un acteur (individuel ou collectif), il deviendrait territoire. Mais le projet ne suffirait pas à rendre
l’espace territoire. Ce projet devrait adopter la forme d’une stratégie qui n’est autre chose qu’une
succession de tactiques en vue d’atteindre un objectif donné. (Raffestin, 1980).
Le terme qui décrit le mieux l’élaboration de cette stratégie des acteurs dans un projet et une
dynamique de territoire autour d’un objet patrimonial est le terme de « ressource ». Une « ressource »
est une richesse potentielle ou ce qui sert à produire des richesses. Elle n’a pas de valeur en elle-même
mais en acquiert si elle est perçue comme ayant une valeur d’usage par les acteurs et/ou par la société.
Une « ressource patrimoniale » est une ressource « patrimonialisée » ou un patrimoine érigé en
ressource. Maria Gravari-Barbas montre bien par des expressions comme « vague
patrimonialisatrice »63
, l’expansion du patrimoine et sa marchandisation : réinvesti de valeurs
symboliques, identitaires, sociales, le patrimoine n’en est pas moins devenu une véritable industrie
gérée par des acteurs hautement spécialisés (Gravari-Barbas, 2005)
Dans un contexte territorial, le mot ressource a un sens essentiel et amène à l’idée de
« ressource territoriale » (CERNOSEM, 2004). Une ressource territoriale présente des caractéristiques
spécifiques à un territoire et est liée à un espace particulier, à sa culture et à son histoire car elle est la
découverte et l’actualisation d’une valeur latente du territoire, matérielle ou immatérielle, par une
partie d’une société humaine qui la reconnaît et l’interprète comme telle à l’intérieur d’un projet de
développement local. Elle sert à l’identification du territoire par le choix d’un « Marqueur territorial ».
Le « Marqueur territorial » peut être perçu comme une ressource territoriale dans la mesure où
il permet à un groupe social de développer son territoire. Une fois que ce groupe révèle ce marqueur,
l’aménage, le met en valeur et/ou créé du discours sur lui, le marqueur permet en retour de conférer
une image au territoire le différenciant des autres. C’est par ses marqueurs que le territoire « dessine
un champ symbolique semé d’objets patrimoniaux, de hauts lieux emblématiques, investis par la
mémoire collective »64
. Le marqueur est un des outils de l’identité collective caractérisée par un
discours que les groupes tiennent sur eux-mêmes et sur les autres pour donner sens à leur existence.
62 Pour Maria Gravari-Barbas (2005), l’enchevêtrement des acteurs qui produisent du patrimoine s’est compliqué
depuis les années 1990 63
Denis Chevalier reprend ce constat en reprenant l’expression de Marc Guillaume, économiste, « Tout devient
patrimoine » 64
GARNIER E., (2004), «Une contribution à l’approche du territoire et de la ressource territoriale : le cas du
marqueur territorial, notamment pour les populations déterritorialisées », in : CERNOSEM, (2004), « La notion
de ressource territoriale », Grenoble, Montagnes Méditerranéennes, N°20, pp. 28.
21
L’enjeu identitaire est étroitement lié au patrimoine : ce dernier renvoie à l’identité et à la mémoire des
groupes sociaux (Gravari-Barbas, 1996). Le patrimoine permet aussi un transfert de valeur de la
ressource aux individus qui y sont associés.
Or dans ce processus, la ville joue un rôle majeur : « La plupart des identités affichent une
composante géographique (…) Elles s’expriment donc, souvent, par ces médiations du social et du
spatial que forment les lieux, les territoires, les paysages…Ceux de la ville s’avèrent particulièrement
aptes à jouer ce rôle, parce qu’ils s’imprègnent d’un sens social très puissant tenant à la forte densité
humaine et mémorielle de ces espaces. En retour, les identités contribuent activement à toutes les
constructions sociales d’espaces et de dispositifs urbains, réels ou sensibles65
». L’assise territoriale,
campée sur des éléments patrimoniaux visibles, renforce l’image identitaire de toute collectivité. Elle
lui dresse une scène et la pourvoit d’un contexte discursif de justification particulièrement efficace en
ville où des lieux très denses, soigneusement et anciennement dénommés, s’inscrivent dans une
totalité territoriale représentée, à la fois symbolique et fonctionnelle (Di Méo, 2007). Mais la ville est
aussi souvent le lieu d’un Turn Over important (volontaire ou imposé) et c’est pourquoi, il est possible
de distinguer le patrimoine fondé sur la loi du sang (ce qui nous vient de nos ancêtres) qui assure ainsi
le rôle de ciment identitaire du groupe par une démarche d’identification des héritiers et le patrimoine
transmis par le territoire lui-même à un groupe qui ne se reconnaît pas dans l’héritage du groupe
créateur (patrimoine sol). C’est alors la cohésion du groupe qui est menacée (Gravari-Barbas, 1996).
Ces notions de patrimonialisation, de ressource territoriale, de marqueurs territoriaux seraient
à première vue pertinentes pour une étude des processus latents dans les villes hanséatiques mais ils
posent le problème majeur de la traduction : le néologisme patrimonialisation est intraduisible en
letton, en allemand ou en polonais. Quelle est donc la vision lettone, allemande ou polonaise de tels
processus ?
3.2 La patrimonialisation, quelle application à Gdansk, Brème et Riga ?
En français, le terme « patrimonialisation » est fortement contesté. Certains chercheurs
préfèrent le mot de « Construction patrimoniale » ou de « Mise en patrimoine ». Voyons à présent quel
est l’écho de ce terme dans des contextes lettons, allemands ou polonais.
Au cours de nos entretiens, réalisés en allemand ou anglais, est ressorti de multiples fois la
notion d’«utilisation du patrimoine». En Pologne, le mot patrimonialisation qui unifie, nous l’avons
vu, six étapes de gestion du patrimoine semblait éclater en autant de termes : « adaptation à
l’idéologique nationale», «incorporation dans le développement local contemporain de l’idée
65
DI MEO, G., « Identités et territoires : des rapports accentués en milieu urbain ? », Métropoles, 1, Varia, [En
ligne], mis en ligne le 15 mai 2007. URL : http://metropoles.revues.org/document80.html. Consulté le 11 avril
2008.
22
hanséatique ». En Lettonie, il répondait à la question « Comment utiliser l’héritage culturel ? ». En
Allemagne, les mots « Utilisation », « Utilisation du passé », « Hommage aux ancêtres, prise de
conscience », « Application » ou « Appropriation » étaient souvent cités66
.
Mais ces mots tournant autour de l’idée d’utilité, ne constituent en réalité qu’une traduction du
mot patrimonialisation que nous devions expliciter en langue étrangère. Nous sommes donc allés voir
dans les textes proposés par les personnes rencontrées sur place les mots utilisés pour parler de
patrimonialisation. En Allemagne, le mot « Mise en Valeur »67
semble être prédominant. Il est à
prendre aussi bien au sens restrictif d’exposition (montrer quelque chose) qu’au sens large et il est
utilisé aussi pour l’activation d’un potentiel inhérent à quelque chose, en somme sa «valorisation »68
.
En Pologne et en Lettonie, deux mots ont été donnés. Le mot polonais Udziedziczenie formé sur la
racine Dziedzictwo qui signifie héritage, legs, hérédité a été cité à Gdansk tandis qu’à Riga le mot
Mantojums signifiant « héritage » et le mot Mantots qui signifie un bien ancestral paraissent important.
Le mot Mantots semble, étymologiquement, faire référence à des biens de grande valeur (car transmis
par les ancêtres). Le mot valeur a donc été répété plusieurs fois. Mais, en réalité, en Pologne et
Lettonie, dans le discours des acteurs, le mot patrimonialisation semble être souvent synonyme de
restauration, de réhabilitation dans une vision historique linéaire. Il faut garder l’héritage, le
transmettre et cela passe par deux attitudes : conserver et protéger le patrimoine et faire prendre
conscience en même temps aux générations futures grâce à une formation pédagogique du devoir de
conservation en état.
En Allemagne, en Lettonie et en Pologne, le mot patrimonialisation semble donc adopter une
forme restrictive qui ne recouvre pas les 6 étapes présentées par Di Méo. En Lettonie et en Pologne, la
mise en valeur et la notion de ressource n’est que peu présente dans les discours sur le patrimoine qui
insistent surtout sur la conservation. En Allemagne, la patrimonialisation comprend la mise en valeur
mais s’arrête à ce stade. Le mot « patrimonialisation » paraît donc peu approprié pour évoquer
l’utilisation de la Hanse dans un projet de région.
En revanche, les différentes étapes du processus que Di Méo nomme « patrimonialisation »
appliquées à un héritage matériel et immatériel ont permis aux acteurs de développer des
représentations autour de « Marqueurs » puisés dans le passé de la Hanse. Dans un processus de
« régionalisation », la création de territoires à l’échelle de la ville va servir de relais à ceux-ci. La
66
Adaptation and assimilation in a national ideology, incorporation in the contemporary local development of
hanseatic idea, Wie dieses Kulturerbe nutzen ?, Die Nützung der Vergangenheit, die Würdigung (l’hommage au
sens de prise de conscience d’un héritage, de continuité historique, d’hommage aux ancêtres), die
Anverwendlung , die Aneignung 67
Formé sur le mot Wert qui signifie valeur, Inwertsetzung pourrait être traduit en français par le mot « Mise en
valeur ». 68
Le mot a semble-t-il d’après nos lectures une connotation marxiste faisant référence à sa conception de la
valeur, dictionnaire Dulden.
23
régionalisation va pourtant de fait dépasser la simple dimension territoriale pour se fixer sur une
logique de projet. Pour François Durand-Dastès, l’espace n’est pas qu’un héritage, il assure la
fonctionnalité du présent et le passé qui lui est incorporé devient matrice active du devenir. Chaque
présent recompose sa mémoire, et son histoire en relation avec son projet (Rey Violette, Saint Julien
Thérèse, 2005). Le processus de régionalisation ou l’idée d’une « Nouvelle Hanse » n’apporte-t-il pas
ce projet ? Comme pour tout projet, l’acteur de la régionalisation doit d’abord justifier, présenter, ou
représenter avant de (peut-être) réaliser son dessein.
II) La Hanse dans les représentations des acteurs à Brème, Gdansk et Riga : les enjeux
de l’instrumentalisation d’un imaginaire
1. La « Nouvelle Hanse » : la (re)création politique d’une région ?
Les acteurs de la régionalisation doivent donc pour faire adhérer les populations à leur projet
justifier ce dernier par des représentations : la régionalisation comporte une grande part de
symbolique. Encore faut-il définir plus précisément ce qu’on entend par régionalisation (Dobrot,
2004).
Les années 1980 voient le retour du concept de région permis par la fin d’un monde bipolaire.
Hubel définit une région comme « une unité d’aspects géographiques, politiques, économiques ou
culturels et/ou une identité régionale qui sont caractérisés par un certain degré d’homogénéité et/ou
de fonctionnalité »69
. Marko Lehti va dans ce sens mais donne à la construction régionale la forme
d’une construction politique en la définissant comme « un processus politique où images et truismes
sont construits politiquement »70
En somme, des particularités culturelles, économiques,
géographiques et ou des événements historiques sont choisis consciencieusement pour imaginer sur
leur base une identité temporelle et spatiale autour de l’unité ou de la communauté (Neumann, 1994).
Hilde Dominique Engelen (Gotz, Hackmann, Hecker-Stampehl, 2006) reprend cette idée d’une
origine politique de la région71
en l’appliquant à l’exemple baltique. Les acteurs politiques doivent
fonder leurs projets sur deux éléments : l’élément idéel (les représentations) et l’élément réel (la
pratique). Une région doit être construite par des actes objectifs et visibles par les populations qui y
habitent mais elle est aussi un objet et un produit des discours et est définie par des actes de langages
(Neumann, 1992). Les acteurs se mettent d’accord sur des limites pour la région au sein desquelles la
69
HUBEL, H., GANZLE, S. (2001), The Council of the Baltic Sea States (CBSS) as a subregional Organisation
for « soft security risk management» in the north-east of Europe, Jena, Report to the Presidency of CBSS
18.May 2001, Friedrich-Schiller-Universität Jena, pp. 7 : «Eine Einheit geographischer, politischer,
ökonomischer und kultureller Aspekte und/oder einer regionalen Identität, die durch einen gewissen Grad von
Homogenität und/oder Funktionalität ausgezeichnet ist». 70
LEHTI, M. (1999), « Competing or Complementary Images : The North and the Baltic World from the
Historical Perspectives», in : HAUKKALA, H. (1999), Dynamic Aspects of the Northern Dimension, Turku,
Turku University Press, pp. 21 : «A political process whereby images and truisms are created politically». 71 Nous sommes conscients que la façon dont l’auteur présente la régionalisation n’est pas partagée par tous. La
région vient-elle d’en bas (de la population) ou d’en haut (des politiques) ? En réalité, Une région est un mélange
complexe de pratiques sociales et politiques.
24
rhétorique sur la région s’insère parfaitement. Ensuite les porteurs de cette rhétorique utilisent un tour
de magie social en s’accordant la capacité de parler de la région car ils ont le pouvoir de créer le
contexte qui rend possible son existence. La région va être alors, peu à peu, perçue par les populations
comme naturelle et le caractère artificiel de celle-ci ne sera plus visible. Autrefois vision, elle sera à
présent réalité et commencera à influencer le caractère des habitants : ceux-ci utiliseront les motifs
régionaux dans leurs activités (« Régionalisation »72
) et s’identifieront avec ceux-ci (« Identité
Régionale »)73
. L’identification est d’autant plus facile dans le cas de la mer Baltique que les mers sont
les sources primaires de l’Identité (Wulff, Kerner,1994). Le processus que décrit Hilde Dominique
Engelen peut donc être transposé à l’exemple de la Baltique où le concept de Hanse est le produit
d’une politique.
Quelles sont les bases historiques de la recréation stratégique du concept de « Nouvelle Hanse »
autour de la Baltique ? Le terme « Nouvelle Hanse » a deux sens : il désigne toutes formes de réseaux
faisant explicitement référence à la Hanse et une organisation faisant partie de ceux-ci nommée
« Nouvelle Hanse » ou « Hanse des Temps Nouveaux »74
. L’idée d’une « Nouvelle Hanse »75
n’est pas
nouvelle mais dans les années 1980, elle est réactivée (Grassmann, 2001). Le 31 Octobre 1978, la
ville de Zwolle lance un appel à 57 villes hanséatiques dont Bergen et Londres rappelant que les
valeurs de la Hanse sont importantes car elles promeuvent une coopération économique qui dépasse
toute frontière. Du 23 au 27 Août 1980, elle organise les premiers « Jours de la Hanse »76
auxquels
Brème participe, et la presse titre : « La Hanse vit à nouveau ». Lors d’une visite des villes de Basse
Saxe à Stade en 1981, l’archiviste de la ville s’exprime ainsi : « Nos villes rassemblées sont unies dans
la conscience de la valeur de leur tradition hanséatique pour la naissance, le développement et le
futur de leurs coopérations et sont d’accord pour garder et renforcer les éléments positifs de leur
histoire commune »77
. Mais le vrai créateur du concept de la « Nouvelle Hanse » est l’allemand Björn
Engholm en 1988. L’homme, président du Land Schleswig Holstein, parmi les plus pauvres
d’Allemagne, doit construire des intérêts en mer Baltique indépendamment de Bonn ou Berlin. (Wulff,
Kerner, 1994). La structure fédérale du pays est un atout pour cette construction. Il a peur que sa
région ne devienne une périphérie en Europe et souligne que 20% du commerce mondial passe par la
Baltique et que 70 millions de producteurs et de consommateurs vivent dans la région. Le travail de
coopération et d’échange de compétence pourrait permettre de concurrencer les états du sud de
72
Regionalisierung 73
Regionale Identität 74
Neue Hanse ou Hanse der Neuzeit 75
Au sens large 76
Hansetag en allemand ou Hanseatic Days en anglais, événement organisée par la « Hanse des Temps
Nouveaux » 77 Propos recueillis par BOHMBACH J., « Die Neue Hanse, Mythos und Realität » in : GRASSMANN, A.,
(2001), Ausklang und Nachklang der Hanse im 19. Und 20. Jahrhundert, Trier, Porta Alba Verlag Trier, pp. 92-
93 : « Die versammelten Städte sind sich einig in dem Bewusstsein des Wertes, den die gemeinsame hansische
Tradition für das Entstehen, die Entwicklung und die Gegenwart ihrer Gemeinwesen hat, und sie sind gewillt,
die positiven Elemente dieser gemeinsamen Geschichte (…) zu bewahren und zu verstärken.»
25
l’Europe qui sont en ascension en terme économique et touristique. Le concept d’Engholm assisté par
Wulff est travaillé par un « groupe de réflexion »78
et dans un contexte de chute du mur à l’Est en
1989/1990, il trouve un écho important : le maire79
de Lübeck se met à prendre des engagements en
faveur de la Hanse et Heide Simonis, le successeur de Engholm, poursuit ce travail. (Wulff, Kerner,
1994).
Pourtant aujourd’hui, le concept de « Nouvelle Hanse » n’est plus utilisé officiellement par les
élus du Schleswig Holstein depuis 1994 même si l’idée d’une coopération se basant sur un fond
historique est toujours latente et le mot n’est plus employé que par les journalistes. Partout, l’idée de la
« Nouvelle Hanse » est controversée. En Scandinavie, la Hanse est surtout synonyme de domination
allemande. De plus, le caractère iconique de l’histoire hanséatique conduit à une perte d’authenticité
historique. Thomas Hill (Grassmann, 2001) citant Björn Engholm montre comment sa vision de la
Hanse se fonde sur des éléments historiques totalement faux : Hanse est pour lui synonyme de
démocratie patriarcale, de liberté alors qu’elle n’était pas plus qu’une communauté d’intérêt entre
villes concurrentes. Au sein de celles-ci régnait ce que certains historiens appellent une « Aristocratie
du consentement ». Le concept de « Nouvelle Hanse » est utilisable s’il n’est qu’une image mettant en
avant les possibilités de coopération. Aujourd’hui, les élus veulent vider les discours sur la
régionalisation des mythes romantiques et nazis. Néanmoins, une vague avait été lancée autour de la
Baltique et l’idée de la Hanse devenait vivante. Il est donc intéressant de se poser la question d’une
survivance de ce concept de « Nouvelle Hanse » dans les représentations des acteurs des réseaux
baltiques à Brème, Gdansk et Riga qu’ils soient privés ou publics. Ils sont considérés à l’échelle de la
ville mais par l’utilisation de la Hanse dans leurs stratégies, ils participent à l’élaboration concertée ou
non, consciente ou inconsciente d’une image de la Hanse dans les espaces riverains de la mer Baltique.
Si certains coopèrent dans des réseaux, d’autres semblent isolés mais adoptent un discours dominant.
Voyons donc les représentations (les emblèmes, l’iconographie, les discours sont autant de
représentations80
) véhiculés par ces acteurs.
Ces derniers, en effet, qu’ils soient privés ou élus publics utilisent l’image aussi bien que le
mot pour rappeler l’époque hanséatique. Si nous insisterons surtout sur les discours et les emblèmes
portés par les acteurs sur la Hanse, il ne faut pas omettre l’iconographie qui est un élément essentiel.
L’image du Kogge est notamment reprise par de nombreuses organisations et acteurs privés tout
comme des images rappelant un aspect maritime (mer, vagues), la topographie de la ville (remparts ou
vues de la ville), des monuments emblématiques ou constituant de véritables métaphores (les racines
de la coopération représentées par un arbre sur un site internet avec en sous titre « la Hanse, racines de
78
Appelé Denkfabrik 79
Ou le Ministerpräsident du Land de Lübeck 80
Définition de Guérin et Gumuchian (1985) : « Création sociale et individuelle de schémas pertinents du réel ».
Guérin, J.P. & Gumuchian, H. (Eds) (1985). Les représentations en actes : Actes du Colloque de Lescheraines.
Grenoble, France : Institut de Géographie Alpine, Université Joseph Fourier
26
la coopération »). Ces images sont reprises sur des « Powerpoint » de présentation, outils de
communication, logos.
Photo n°1 : Exemples d’utilisation iconographique de la Hanse
par des organisations de coopération régionale
A gauche, le programme des « Journées de la Hanse » de Riga (2001) met en évidence la Maison des Têtes
Noires. Au centre, le carton d’invitation des « Journées de la Hanse de Gdansk » arbore un Kogge hanséatique.
Un même Kogge, emblème également du « Hanse Parliament », est intégré dans le logo d’un programme de
coopération nommé « Hansa Network ». (Images 1 et 2 remises par Jolanta Murawska lors de notre entretien,
Image 3 recueillie sur internet sur ce site : http://www.nnu.dk/hansa/sverige.htm (Consulté le 22 Mai 2008))
2. Les représentations des acteurs publics et la Hanse
2.1 Les élus des institutions de la « Nouvelle Hanse » ou la suprématie du mythe
Ces élus défendent le plus souvent les réseaux construits sur un passé hanséatique. Ils sont adjoints
au maire, chargés des relations internationales, membres des offices de tourisme ou élus travaillant
pour l’agence marketing de la ville, pour le département de la culture ou du développement. Parfois,
les maires eux même s’engagent dans la voie de ces réseaux. Ces élus peuvent en être eux-mêmes
membres ou participer une fois par an aux « Journées de la Hanse ».
Afin de déterminer la position des élus soutenant les mouvements de la « Nouvelle Hanse »81
dans
les villes de Brème, Gdansk et Riga, l’étude des discours des délégués de chaque ville au cours des
« Journées de la Hanse » organisées par la « Hanse des Temps Nouveaux82
en 1997 à Gdansk et en
81
A prendre ici au sens large 82
Cette organisation Die Hanse der Neuzeit consiste en une communauté formée de 100 villes hanséatiques.
27
2001 à Riga a été pour nous un outil précieux. Au cours de ces journées, les élus de ces villes mettent
en scène l’idée d’une Hanse nouvelle. Riga et Gdansk participaient à ces journées mais pas Brème qui
fait partie de peu de réseaux de coopération baltique.
Le discours de ces acteurs, utilisant la Hanse, cherche souvent à mettre en avant l’intérêt de la
coopération à l’échelle régionale, de l’échange de compétence entre les pays les plus avancés
(Scandinavie, Allemagne) et les nouveaux pays émergents (pays baltes, Pologne) afin de faire face à
des défis à des échelles plus petites : la construction européenne et la mondialisation.
L’entrée de pays comme la Pologne ou les pays baltes dans l’Union Européenne et dans la
mondialisation, ce qui suppose d’être capable d’attirer les flux et les investisseurs, n’est pas naturelle
et a besoin d’être justifiée. La Lettonie par exemple, après la transition de 1990, a subi une importante
crise financière (Wulff, Kerner, 1994). La devise nationale (Lats) connut une forte inflation qui
perdure jusqu’à aujourd’hui (16.8% en 2008)83
. Le pays a du faire face à une minorité russophone
qu’elle a privée de ses droits de citoyenneté. En conséquence de cette privation, pour faire valoir leurs
intérêts, certains russes ont été amenés à recourir à la corruption. Ces éléments, ajoutés à 45 ans de
communisme expliquent l’image instable que dégagent ces pays aujourd’hui encore. Mais ce besoin de
créer des contacts avec l’Ouest par la Hanse vient aussi de deux autres éléments : d’abord,
l’impression d’avoir été détournés d’une Europe à laquelle ils avaient toujours appartenu et, ensuite, la
peur de revoir après 1990 les autorités russes revenir (Jacob, 2004). Ainsi, les pays de l’ancien bloc de
l’Est voulurent tisser des liens très étroits avec l’Ouest pour que leur crainte ne se réalise pas. La
deuxième raison est la peur de rester une périphérie dans l’Europe qu’ils veulent rejoindre et le besoin
de montrer à l’Europe la particularité et la spécificité de la Baltique en créant une entité régionale qui
compte d’où l’initiative finlandaise de la « dimension septentrionale » (Blanc-Noël, 2002)
Le premier défi que doit affronter une partie non négligeable de la Baltique est donc la
construction européenne. Celle-ci suppose un respect des règles de cohérence et de cohésion de l’UE.
« La déclaration de Gdansk »84
, montre comment ce défi peut être assumé par la construction
régionale : « Les différences économiques mais aussi sociales entre les villes de l’Est, du centre et de
l’Ouest de l’Europe sont encore très grandes. Afin d’abattre ces différences, de la force et du temps
sont nécessaires. Pour réduire cet espace-temps, la Hanse doit, pas seulement en capital, investir dans
la Hanse et en premier lieu dans le savoir et l’expérience » (…) les villes historiquement hanséatiques
démontrent par là leur disposition à participer activement aux mesures prises par leurs
gouvernements pour créer les possibilités les plus rapides à une intégration dans l’Union
Chaque année, l’ensemble des villes se réunit pour les « Journées de la Hanse» (ce qui fait référence aux anciens
rassemblements des villes de la Hanse historique). Cette rencontre est l’occasion pour les délégués de chaque
ville de siéger en assemblée plénière. Mais c’est aussi une véritable fête populaire. 83
Article du Monde « Les pays baltes font le deuil de leur " miracle économique " », Le Monde, Mardi 22 Avril
2008. 84
Document produit pour les « Journées de la Hanse » de Gdansk et signé par toutes les villes en 1997
28
Européenne. »85
. La Hanse n’offre pas seulement des moyens de rejoindre l’Europe mais également
une légitimité à rentrer dans l’Europe. Il s’agit de rappeler l’esprit de la Hanse, sa vocation à la liberté,
au capitalisme ou à la démocratie puis d’effectuer un transfert passé-avenir : puisque ces villes ont un
passé riche en valeurs, elles peuvent mobiliser ces mêmes valeurs dans l’avenir. Ainsi les acteurs
insistent sur le caractère européen de la Hanse à l’époque comme en témoigne la brochure-programme
du Millenium de Gdansk : « Danzig, une ville tolérante et ouverte, développa une atmosphère
particulière issue de la civilisation Ouest-Européenne qui s’est formée sous l’influence de différents
éléments économiques, de mœurs et de tendances culturelles provenant de plusieurs nationalités et
religions. Ici, se rencontrèrent et habitèrent des Allemands, des Hollandais, des Anglais, des
Scandinaves et des Français ». L’idée que la Hanse serait un modèle pour l’Europe est même
développée dans la littérature : Hartmut Schwerdtfeger s’interroge sur la Hanse comme Europe du
Moyen-âge86
alors que Albert d’Haenens voit dans la Hanse un véritable moteur pour l’Europe : « Le
monde de la Hanse est un des premiers prolongements de l’Occident (…) Les mémoires hanséatiques
constituent une part indispensable à l’accomplissement des projets européens. Car, les projets
fondateurs pour aboutir ont besoin de visées mobilisatrices. (…) C’est cela l’objet de ce livre :
évoquer en quoi l’entreprise hanséatique est constitutive de l’originaire européen ; re-susciter, en
somme, de quoi enraciner le projet occidental »87
.
Dès lors, les acteurs mettent en avant le caractère central de leur ville à l’époque du Moyen âge.
Gdansk et Riga, accueillant diverses influences, au croisement des routes hanséatiques, étaient au cœur
de l’Europe. Par cette même transposition passé/futur, les villes hanséatiques deviennent centrales
dans les échanges actuels. Il est ainsi possible de rapprocher deux phrases du discours d’ouverture des
« Journées de la Hanse » de Riga mené par G.Bojars : « Au Moyen âge, avec l’aide de la ligue
hanséatique, Riga devint une métropole régionale pour le commerce (…) Au vu de son importance
politique, Riga est à n’en pas douter la ville leader des pays baltes »88
La tradition de tolérance de ces
villes rassure les investisseurs et leur titre de métropole, dotée d’une situation centrale, les attire : la
Hanse devient ressource dans une stratégie métropolitaine. Gdansk met aussi en avant cet objectif
85
Die Danziger Erklärung : « Die Wirtschafltichen und auch sozialen Unterschiede zwischen den Städten Ost-
Mittel und Westeuropas sind noch sehr gross. Zum Abbau dieser Unterschiede sind viel Kraft und auch Zeit
notwendig. Um diesen Zeitraum abzukürzen, sollte die Hanse nicht nur Kapital sondern auch und in erster Linie
Wissen und Erfahrung in die Hanse investieren». (…) «Die historischen Hansestädte erklären in diesem Sinne
ihre Bereitschaft zur aktieven Teilnahme an den Massnahmen der Regierung ihrer jeweiligen Länder zur
Schaffung beschleunigter Möglichkeiten für die Aufnahme in die Europäische Union». 86
SCHWERDTFEGER, H. (2004), Op.Cit., pp.123, « Hat Brüssel als politisches Zentrum der Europaïschen
Union etwas gemeinsam mit Lübeck, dem Machtzentrum der mittelarterlichen Städtegemeinschaft der Hanse?»,
« Est-ce que Bruxelles comme centre politique de l’Union Européenne a quelque chose en commun avec
Lübeck, le centre de la communauté des villes médiévales hanséatiques ?» 87
D’HAENENS, A. (1984), L'Europe de la Mer du Nord et de la Baltique. Le monde de la Hanse, Paris, Albin
Michel, pp 419-420. 88 SPARITIS. O., (dir), (2001), Conference of the XXI International Hanseatic Days, Riga, pp.9 : «Since the 13th
century, the city of Riga has been a signifiant centre for the integration of the Baltic countries in the economic,
political and cultural processes of Europe» (…) «For its political significance Riga undoubtedly is the leading
city of the Baltic States».
29
comme en témoigne le discours de Jolanta Murawska, membre du comité de pilotage ou Präsidium en
1997 : « Le business, aujourd’hui, n’est pas motivé par des considérations sentimentales ou
historiques. Le sentiment ne peut être qu’un argument supplémentaire quand se présente un choix
entre des offres équivalentes et des contractants équivalents. C’est vital donc, surtout dans des pays
postcommunistes de créer une sorte d’environnement propice au business qui pourra servir à
encourager les partenaires étrangers. Cela servirait l’intérêt des villes hanséatiques (…) qui ont
toujours des difficultés considérables à trouver des investisseurs. Des partenaires de l’Ouest y
trouveront des bénéfices en augmentant leurs projets d’expansion dans de nouveaux marchés, dans les
futurs pays de l’UE ».89
Le contexte de globalisation revient très souvent dans les textes des élus de la
« Nouvelle Hanse ». Lydia Coudroy de Lille montre avec l’exemple de Łódź comment la ville dans un
contexte métropolitain cherche à retrouver ou reconstruire une identité capable d’être mobilisée
ensuite comme ressource territoriale spécifique par les acteurs (Coudroy de Lille, 2005). Dans le
monde instable de la globalisation, en somme, seule la constitution d´une société politique solide peut
résister aux influences néfastes et transformer les flux de circulation en atouts économiques et
culturels. La capacité d’autodéfense des sociétés métropolitaines est essentielle. Or cette capacité
dépend de la force de leurs iconographies (Prévélakis, 1999). L’iconographie territoriale étant pour
Jean Gottmann l’ensemble des symboles, des représentations, qui unissent un peuple et conduisent à la
définition d’un territoire, étatique ou autre (Gottmann, 2007).
Deux questions viennent immédiatement à l’esprit au regard de ces définitions : comment les
villes de Riga et de Gdansk peuvent trouver cette « spécificité » dont parle Lydia Coudroy de Lille
dans une patrimonialisation de la Hanse commune à toutes les villes de la Baltique ? La ressource n’a-
t-elle pas besoin d’être complétée (l’Art nouveau à Riga, l’Universum à Brème, Solidarność à
Gdansk) ? Pour justifier l’entrée commune dans l’UE, certes, un projet commun régional est
compréhensible mais dans un univers mondialisé ?
Pourtant, le principe de la « Nouvelle Hanse » est bien de monter en commun une forme d’univers
culturel propre à attirer les investisseurs pour résister ensemble à la mondialisation. C’est autour de ce
thème que se centre par exemple toute la communication du « Hanse Parliament » qui sur ses outils
de communication montre comment l’échange de compétence et l’union font la force dans un contexte
mondialisé. Ce travail de mise en valeur d’un univers culturel à des fins économiques dans un univers
globalisé est bien celui des agences marketing des villes.
89
Discours de Jolanta Murawska realisé lors de l’ouverture des jours de la Hanse de Gdansk le 26 Juin 1997,
prêté par Jolanta Murawska elle-même et intitulé : « The opportunities for working together within the
Framework of the Hanseatic League » : « Business today is not motivated by sentimental or historical
considerations. Sentiment can only be seen as an additional argument when it comes to a choice between
equivalent offers and contractors. It is vital therefore, especially in postcommunist countries, to create the kind of
business environment which will be effective in encouraging foreign partners. This will serve the interests of
those Hanseatic towns» (…) «which still have considerable difficulty in finding investors. Western partners
would also benefit by increasing their prospects for expansion into new markets in the future EU countries»
30
2.2 Marketing urbain et emblèmes hanséatiques : la Hanse et ses images
Avant de présenter les différentes stratégies marketing auxquelles les acteurs de Brème,
Gdansk et Riga ont recours, encore faut-il définir ce que l’on appelle « marketing urbain ».
Pour Muriel Rosemberg-Lasorne, le marketing est « l’ensemble des moyens mis en œuvre pour
promouvoir l’image de la ville. Il apparaît comme une démarche stratégique et comme le résultat de
cette démarche, c’est-à-dire ce que produit le marketing : les images publicitaires, les textes
promotionnels, les événements médiatisés »90
. Elle l’associe au concept de projet de ville qui est
l’ensemble des actes volontaires de transformation de la ville, actes qui peuvent se présenter sous la
forme d’opérations urbaines d’importance qu’on appelle « projets urbains ».
L’enjeu de cette « démarche stratégique » est clair : dans l'espace mondialisé, espace de
concurrence, il consiste pour les villes à attirer les hommes et les capitaux pour conforter leur
croissance, à « attirer des capitaux externes et inciter au développement d’actions culturelles, socio
touristiques adressées à différents clients cibles (entreprises, visiteurs, nouveaux résidents,
touristes) »91
. Le marketing urbain rend donc la ville « consommable » et ce dans plusieurs secteurs
dont l’économie et le tourisme où le patrimoine culturel devient un produit standardisé disponible sur
le marché (Morvan, 2005).
Le marketing afin d’atteindre ces buts utilise un certain nombre de moyens. La sphère
symbolique est ainsi détournée et reprise par des acteurs qui ont des représentations de l’espace
concerné. (Rosemberg-Lasorne, 1997). Cette instrumentalisation de l’univers symbolique dans la
structure même des opérations de marketing urbain a été parfaitement montrée par André Vant qui
avait déjà choisi de parler d’images de marque et de ses supports. Pour lui, les villes d’Europe
occidentale ont découvert qu’elles pouvaient se vendre mal ou bien et qu’elles avaient une image
négative ou positive. De là sont nées des techniques de marketing urbain destinées à faire, de ces
images, des images de marque. L’image d’une ville est une construction qui, lorsqu’elle a été
appropriée par les politiques, reprise dans les guides touristiques et d’autres sources, exposée au cours
d’événements sportifs ou culturels (les événements jouent un rôle essentiel car c’est le moment où la
ville se glorifie et acquiert un éclat international) devient image de marque. Celle-ci doit être « forte
pour susciter le désir de vivre dans la ville évoquée ou de la découvrir, spécifique pour être
concurrentielle car elle peut influencer le choix des décisionnaires »92
Or cette image de marque exige
un support : « la mise au point d’une image de marque urbaine (…) implique le choix d’une cible
90
ROSEMBERG-LASORNE, M., « Marketing urbain et projet de ville : parole et représentations géographiques
des acteurs », Cybergeo, Aménagement, Urbanisme, article 32, mis en ligne le 23 octobre 1997, modifié le 15
mai 2007. URL : http://www.cybergeo.eu/index1977.html. Consulté le 31 janvier 2008. 91
INGALLINA, P., JUNGYOON, P. (2005), « Les nouveaux enjeux de l’attractivité humaine », Urbanisme,
N°344, pp.64 92
BALDINI, P., MELKA, F., « Le graphisme urbain », Métropolis, 1975, n°1, pp.52-59
31
privilégiée et la création de supports chargés de véhiculer les thèmes retenus pour atteindre l’objectif
fixé»93
.
Certains chercheurs soulignent une différence croissante entre cette image de marque et
l’image que se font les habitants de leur ville. En somme, l’écart serait croissant entre le marketing à
destination des décideurs urbains et celui centré sur les habitants, leurs besoins et leurs attentes
(Morvan, 2005).
En termes de marketing urbain, un léger décalage temporel entre les villes de l’Est et celles de
l’Ouest existe94
. Ainsi le processus de marketing urbain le plus abouti est visible à Brème alors que
Gdansk et Riga disposent d’outils marketing en voie de création ou de recomposition.
A Brème, l’agence marketing de la ville95
date de 1997. Son but a été d’unifier les images et
stratégies de l’ensemble des acteurs de la ville96
et qu’ils utilisent le même support. Les acteurs du
marketing urbain peuvent être des spécialistes des médias, des économistes, des spécialistes des
sciences sociales97
, des spécialistes de la communication.
L’image de marque de Brème se construit sur un mythe et sur un moyen de rappeler ce mythe
appelé support ou, par les employés de l’agence de Brème, médium. Le mythe, c’est le souvenir d’une
ville « ouverte » et « particulière »98
. « Ouverte », dans le passé, aux religions, aux bateaux de tous les
horizons, la ville l’est, à présent, à la recherche, à la science, à la politique du savoir, aux conteneurs
du monde entier. La ville serait prête à construire de nouveaux réseaux, ouverte internationalement et à
la pointe de la technologie. « Particulière », elle a toujours vécu comme une ville-Etat, une république
indépendante encore symbolisée par la statue de Roland ou la mairie. Afin de mettre en avant ces
deux aspects, deux « supports » existent : l’Universum99
(représentant la ville comme centre
scientifique et de recherche) et le Kogge hanséatique, véritable messager de Brème, ville maritime.
Le Kogge de Brème, baptisé Der Roland von Bremen , a été utilisé deux fois par le marketing
urbain de Brème de manière spectaculaire : en 2004, il a été transporté à Berlin, devant la cathédrale,
afin de promouvoir la candidature de Brème au titre de capitale européenne de la culture 2010 et en
93
VANT, A. (1981), Imagerie urbaine et urbanisation, recherches sur l’exemple stéphanois, St Etienne, PUSE,
pp.238 94
Même si les entreprises de marketing urbain dans l’Ouest de l’Europe ne datent que des années 1970-1980.
Elles sont apparues dans un contexte de mondialisation accrue et de crise économique : les villes cherchèrent
alors un positionnement stratégique et une image de marque chargée de battre les concurrents. 95
Bremen Marketing Gesellschaft . La société fait l’objet d’un partenariat et d’un financement public/privés. Il
existait un département marketing dans la ville avant la création de cette agence sous forme de département
auprès de la mairie. L’agence est aujourd’hui à 75% financée par la ville et à 25% par des fonds privés. 96
Office de tourisme, société portuaire, entreprises organisant les événements. Pour André Vant, cette
unification constitue le premier niveau dans la formation d’un marketing urbain 97
Socialwissenschaftler 98
Interview du 12/02/08 avec Jens Joost-Krüger, responsable du marketing de la ville de Brème 99
Une sorte de « Cité des Sciences », un musée ludique consacré aux nouvelles technologies à la forme très
design
32
mai 2007 à Cologne, ville des « 32e Journées évangéliques allemandes »
100 pour faire la promotion du
même événement à Brème en 2009. Cette présentation du Kogge a fait l’objet de nombreux articles
dans les journaux et s’est accompagnée de ces mots : « Brème est consciente de ses traditions et
innovatrice, hanséatique et cosmopolite, protestante et ouverte au monde ». L’utilisation du Kogge au
cours d’événements médiatisés va beaucoup plus loin que ce que l’on pourrait penser. Le Kogge
suscite l’attention, permet d’attirer public et média. Or lorsque l’attention du public (venu découvrir un
objet à la fois fascinant et rare, impressionnant et chargé en émotion) est là et que les media sont aussi
présents, la ville peut communiquer sur ce qu’elle souhaite, même sur des sujets assez lointains de
l’ouverture hanséatique, le Kogge ne devenant qu’un prétexte. Ainsi au cours des Journées
évangéliques de Cologne, la ville a communiqué sur son potentiel en termes de technologie,
d’aéronautique101
. Attirer investisseurs et clients et conquérir des marchés sont bien les finalités
dernières. Le Kogge est un support de communication, un emblème et une marque de fabrique tout
comme Hambourg et son port, Berlin et la tour de Brandebourg, Munich et l’Allianz Arena, Brème
expose son Kogge. Le Kogge rappelle le passé hanséatique de la ville en fait sa spécificité, et devient
ressource.
Mais il ne peut être le seul élément d’un marketing urbain à Brème car le Kogge n’a de sens
que dans les pays où la Hanse est connue, soit sur le pourtour de la Baltique. Même le sud de
l’Allemagne connaît mal la Hanse. Voilà pourquoi l’Universum tient une place importante dans le
marketing de la ville.
L’agence marketing de Brème n’a aucune relation avec les organismes et institutions de
restauration et ne s’est pas intéressé à l’histoire du Kogge, comme elle le dit elle-même. Ce qui
l’intéresse, c’est d’instrumentaliser et de détourner le support de son contexte (une rupture
patrimoniale ?). C’est pourquoi sur le schéma joint en annexe, nous avons isolé cet acteur de l’acteur
«Service de restauration des monuments historiques »102
. De plus, un outil peut agir sur l’héritage
hanséatique afin de remplir des objectifs mais en même temps aller à l’encontre d’autres objectifs.
Ainsi l’utilisation du Kogge nuit à la diffusion d’une éducation historique en entretenant une image
fausse historiquement même si cette forme de marketing comme d’ailleurs les événements autour de la
Hanse103
pourrait donner envie à une population de relire son histoire dans les livres. A Brème, la
population est prête à accueillir ce passé, car elle en est fière.
A Gdansk et Riga, l’expérience du marketing est plus récente. Gdansk connaît une agence
marketing en cours de composition mais nous n’avons pas pu obtenir d’entretiens ni plus
d’informations. L’agence marketing de Riga existe depuis 2004. Elle a pris les fonctions du
département de la mairie chargé du développement. Là encore, le but est de trouver une stratégie
commune à tous les acteurs pour rendre la ville plus attirante et plus cohérente. Riga, qui avait gardé
100
32e Deutsche Evangelische Kirschentag
101 L’entreprise EADS est fortement implantée à Brème
102 Landesamt für Denkmalpflege
103 Interview du 18/02/2008 avec Ilgvars Misans, professeur d’histoire à la faculté d’histoire de Lettonie, docteur.
33
comme symbole un ancien fanion de la ville, a lancé un processus de concertation pour renouveler son
emblème. Elle a réuni à cet effet les départements de la culture, du développement et du transport, des
experts historiens, des personnes du musée de l’histoire et de la navigation, et une commission sur
l’utilisation de la symbolique. Le cahier des charges104
prévoie que le nouveau symbole ait une assise
historique. A l’heure actuelle, la symbolique de la ville n’est pas encore unifiée105
La ville de Riga célèbre la Hanse surtout à l’occasion des « événements »106
comme les
« Journées de la Hanse». Elle y envoie alors trois employés de l’agence marketing et deux de l’office
de tourisme. Le marché médiéval est l’occasion de vendre les produits de la ville : du fromage, de la
bière. La ville envoie des groupes culturels. De plus, depuis 2006 et les « Journées de la Hanse »
d’Osnabrück, des séminaires et des conférences ont lieu ce qui permet un réel échange d’expérience
(en termes d’innovation, de transports publics, de services des téléphones mobiles). Elle a aussi
participé aux « Journées de l’économie » à Hambourg.
Dans tous ces événements, Riga se montre, me semble-t-il, « hanséatique », coordinatrice des
villes de Lettonie, ville de 800 ans, pont entre l’Est et l’Ouest, parfaitement située : un paradoxe pour
une ville qui a connu tant de ruptures et où la Hanse a si peu de place dans le cœur des habitants. Peu
importe, le mythe de la Hanse est dégermanisé ou banalisé107
, vidé de son contenu, et il n’est plus
qu’un contenant prêt à accueillir toutes sortes de formes. La Hanse est un mot derrière lequel on peut
tout cacher : stéréotypes, clichés. On peut même y placer des éléments qui n’ont rien à voir avec
l’histoire ou promouvoir les produits agricoles lettons. La Hanse devient une image montée
artificiellement pour l’extérieur, pour les investisseurs allemands, pour les touristes allemands ou
danois : peu importe si elle n’emporte pas l’adhésion à l’intérieur de la ville. Le principal est que le
cadre soit suffisamment vague pour être rempli par les représentations que l’on souhaite transmettre à
l’extérieur. Les habitants finiront bien par s’accoutumer à cette image construite pour les partenaires
extérieurs et capable d’accueillir leurs propres représentations. Cela explique que Riga parvienne à
attirer les investisseurs allemands malgré un mythe de la Hanse dégermanisé ou atteint par des mythes
nationalistes : les Allemands calquent leur propre vision de la Hanse sur celle qu’on leur propose, celle
d’une Hanse libérale, entrepreneuriale.
De toute façon, et nous le verrons, alors qu’à Riga et Gdansk, l’image de la Hanse est la plus
fragile (du fait de ruptures historiques), ces villes sont celles qui paradoxalement en ont le plus besoin.
Elles doivent en effet tout justifier (l’entrée dans l’UE…). Brème, en revanche, peut se passer de la
104
Interview du 21/02/2008 avec Evija Kotlere, cadre à l’agence marketing de la ville de Riga 105
Le département de la culture n’utilise pas le fanion mais les mots City of Inspiration et un panorama vu de la
rivière montrant les différents clochers de la ville 106
Dont nous avons souligné toute l’importance 107
L’Allemagne fait partie des multiples pays qui ont participé à la Hanse ce qui explique que le terme soit si
bien accepté par les populations de Gdansk et de Riga, en somme sous influence du mythe de la multiculturalité.
34
Hanse et comprend, parmi ses élus, de nombreux réticents (presque plus qu’à Gdansk et Riga) à l’idée
de « Nouvelle Hanse » alors même qu’elle est très vivante dans la ville108
.
Ces considérations expliquent qu’à Brème, ville mondiale avant d’être baltique les acteurs se
désintéressent de la Hanse et qu’à Riga et Gdansk, certains dénoncent un outil inadapté.
2.3 Les élus partisans du pragmatisme ou le principe de réalité
Un certain nombre d’élus des villes de Gdansk, Brème et Riga sont sceptiques quant à un
quelconque discours utilisant la mythologie hanséatique. Ils sont élus au conseil du Land, au Sénat, à
la mairie, ou au sein du Voïvodie. Deux arguments principaux sont convoqués par ces acteurs : le
manque de visibilité du mot « Hanse » et le caractère périphérique des villes hanséatiques dans un
contexte européen ou mondial.
Le premier argument de ces élus est le manque de visibilité du mot Hanse. Il faut prendre ici le
mot visibilité dans tous ses sens : la Hanse ne serait pas visible dans la ville et son sens n’apparaîtrait
pas comme évident.
Ainsi à Gdansk et à Riga, certains spécialistes et élus109
affirment que la Hanse ne serait pas un
héritage qui aurait une trace dans le développement contemporain de la ville. Le nom de « Hanse »
serait peu utilisé y compris pour le patrimoine et l’on préférerait parler d’âge d’or du développement
de la ville, de traditions historiques. La Hanse ne serait plus qu’un élément décelable dans le style de
l’architecture, dans le paysage urbain et dans le pouvoir économique représenté par ce paysage. Si la
Hanse serait si absente de ces villes, c’est qu’elle ne pourrait pas être à la base d’un nouveau
développement de celles-ci : l’efficacité même du concept de Hanse dans le domaine de l’action est
mise en question. La « Nouvelle Hanse » peut certes être une bonne idée mais elle mérite d’être
matérialisée : or, est ce que les entrepreneurs, investisseurs partagent l’opinion que l’histoire peut
jouer un rôle important, ont-ils le souvenir de ce qu’était la Hanse autrefois ? Cet avis est partagé par
Peter Oliver Loew. Pour lui, la Hanse si elle a un sens dans les pays de la Baltique laissant ainsi
apparaître un horizon et une sensibilité pour l’espace historique, ne doit pas être surestimée : elle est
un capital symbolique pour les villes et régions qui ont appartenu à la Hanse historique. Mais ce
capital doit être validé par des actes. Il prend l’exemple de Gdansk : la Hanse serait trop présente dans
la ville qui aurait souffert de sa mythologie. La ville des narrations n’est pas la ville où l’on vit. La
108
Cette réticence risque à terme de mettre en danger l’effervescence du mythe de la Hanse dans la ville car c’est
par l’emploi que se construit l’habitude (c’est sans doute l’emploi qui a aussi construit une forme d’habitude à
Gdansk et Riga) et donc la mythologie. En somme, le couple représentations/pratiques fonctionne dans les deux
sens. 109
Interview du 24/10/07 avec Iwona Sagan, maître de conférences et du 29/10/2008 avec Ewa Jagodzinska,
élue, responsable du service de la coopération internationale auprès de l’office du maréchal du Voïvodie de
Poméranie. Interview du 20/02/2008 avec Zaiga Krisjane, maître de conférences à la faculté de Géographie de
Lettonie
35
rhétorique politique n’engendrerait aucune dynamique, pire, elle comblerait un manque de
développement. Il serait facile pour les politiques de rappeler un passé glorieux qui éviterait une
remise en question, comblerait un manque et cacherait de vraies questions sur la nécessité d’un plan
urbain ou d’infrastructures de transport. Cette supériorité d’une sphère symbolique expliquerait que
l’ancienne Danzig possédant de nombreux atouts soit en stagnation économique face à des villes telles
Poznań, Wrocław ou Varsovie au « cœur de l’Europe » qui auraient su développer une conscience
citadine.
A Brème, les élus110
soulignent également l’inutilité des rencontres hanséatiques, qualifiées de
« rencontres folkloriques ». Ce serait en somme une réunion de maires aimant à se retrouver une fois
par an. Certains élus ont même été « irrités » que le débat tourne autour du passé hanséatique lors de
nos interviews. En effet, Brème voulant défendre l’image d’une ville à la pointe de la
technologie111
souhaite le faire en tournant le dos au passé hanséatique perçu comme désuet : la ville a
d’ailleurs rédigé un document récemment afin d’expliquer les raisons pour lesquelles elle refusait
depuis 8 années de participer aux « Journées Hanséatiques » : celles-ci n’aboutissent pas sur des
pratiques économiques même si des forums sur le thème de l’économie ou du commerce sont
organisés pendant les festivités et les entreprises les plus importantes pour la ville ne participent pas à
ces forums. Brème organiserait elle-même des forums économiques qui seraient plus utiles pour
construire des partenariats à l’international et non pas seulement à l’échelle régionale. Les échanges
entre les villes baltiques dès 1970-1980 ne se seraient d’ailleurs pas construits principalement sur le
thème de la Hanse mais sur d’autres thèmes essentiels. Les réseaux dans lesquels Brème est active ne
feraient pas en majorité référence à la Hanse et ne concerneraient pas forcément des régions
hanséatiques. En somme, les rencontres hanséatiques n’auraient de sens que d’un point de vue
touristique or les touristes ne viennent pas à Brème pour les monuments hanséatiques finalement assez
rares mais pour l’Universum, ou pour le Kunsthalle112
. La Hanse aurait un impact plus important dans
les petites villes, qui se raccrochent à cet héritage comme à une ressource, susceptible de favoriser leur
développement.
A Brème, Gdansk et Riga, l’aspect trop flou du concept de « Hanse » est également
souligné113
. A Gdansk, les acteurs dénoncent la liste des villes de l’organisation « Hanse des Temps
Nouveaux» qui s’allonge d’année en année et qui ne correspond plus précisément à une carte
médiévale. En réalité, la carte de l’organisation occupe peu à peu l’ensemble de l’aire de drainage de
la mer Baltique, prenant en compte toutes les villes situées sur la Weser, sur l’Elbe ou sur la Vistule.
Cela n’aurait rien à voir avec l’idée originale de la Hanse historique consistant à créer un réseau
économique autour d’un intérêt commun : la sécurité du transport des marchandises. Aujourd’hui, la
110
Interview du 08/02/2008, avec Andrea Frohmader, chargée des relations internationales auprès du
Senatkanzlei qui nous a parlé de son travail avec les élus du Senatkanzlei 111
Grâce notamment à son secteur aéronautique 112
Musée d’art de la ville 113
Par les mêmes acteurs
36
Hanse serait plus politique qu’économique et chaque membre d’un réseau de coopération aurait une
idée différente de sa possible application. Un article du « Berner Zeitung » en vient à poser la question
« Qu’est-ce donc qu’une ville hanséatique ? »114
.
Les élus s’opposent également à une utilisation intempestive de la Hanse car la région qu’elle
recoupe serait aujourd’hui périphérique.
A Gdansk, on parle de l’impossibilité d’être fier de s’affirmer comme périphérique115
. En
effet, pour l’Union Européenne dont le centre économique se situe dans la Dorsale, la Baltique est une
périphérie. Avec l’intégration de 2004, les centres économiques pour les villes étudiées ont changé et
d’autres aires économiques que la Baltique sont apparues. Le projet baltique doit être considéré à
présent à égalité avec d’autres projets internationaux, européens ou non, dans un contexte mondialisé.
Ainsi ces acteurs insistent sur la présence, à Gdansk, d’investisseurs indiens, américains, japonais,
français. Le nouveau port conteneurs de Gdansk, actuellement en construction a été financé par des
anglais et australiens à hauteur de 250 000 000 d’euros116
. De plus, dans un monde globalisé, Gdansk
doit être compétitive et elle est, pour cela, en concurrence avec Brème ou Riga. Si la coopération entre
les villes peut être administrative, économiquement, c’est la concurrence qui domine. Mais la
compétition se fait aussi à l’échelle des pays. Or dans cette course à la compétitivité, la Baltique n’est
pas forcément une solution viable pour les exportations polonaises hors de la Baltique : Une entreprise
située à Poznań ou à Cracovie préférera rejoindre Hambourg en 2 jours de transport car le réseau
polonais est encore assez lent (même si celui-ci s’améliore) sachant que le réseau allemand est très
rapide plutôt que de passer par Gdansk avec des détroits danois ralentissant encore un peu plus le
temps de trajet.
A Riga, le discours est le même et les élus arguent de relations avec la Chine et l’Afrique du
Sud. L’Europe n’apparaît d’ailleurs que comme un but parmi d’autres.
Même constat à Brème : le réseau européen est privilégié face au réseau baltique et la ville
cherche à conformer ses thèmes aux thèmes européens et non aux motifs hanséatiques. Or est-ce bien
vu au temps de la mondialisation de faire référence à des particularités régionales ? La ville a construit
des relations avec la Chine, avec l’Amérique ou avec Toulouse sur le thème de l’aéronautique et, dans
ces réseaux mondiaux, la Hanse apparaîtrait là encore comme périphérique surtout depuis la guerre de
1939-1945 qui aurait complètement modifié l’ensemble du système économique.
Trois conclusions possibles peuvent être tirées, me semble-t-il de ces discours.
Il est d’abord frappant de remarquer que les arguments développés par ceux qui se disent
contre le concept de la « Nouvelle Hanse » sont les mêmes que ceux qui revendiquent ce même
114
« Was bitte ist eine Hansestadt? » 115
Mêmes acteurs 116
C’est le plus grand investissement à Gdansk
37
concept. La seule différence est qu’ils sont retournés : la Hanse irait contre l’attraction des
investisseurs et contre les logiques européennes. Alors que les élus de la « Hanse des Temps
Nouveaux » pensent une Hanse permettant l’intégration européenne et l’attraction des investisseurs
par la coopération, les élus allant contre cette idée, opposent Europe et Hanse, limitant la Hanse à la
Baltique et montrant comment la référence historique peut empêcher un ancrage à l’Ouest.
Le deuxième élément qui peut être relevé de cette analyse est l’importance d’une réflexion
spatiale dans l’étude de la mythologie hanséatique. L’espace est au cœur des débats sur le concept de
Hanse chez les deux partis. Chaque acteur a une vision de la Hanse qu’il défend. L’espace sert à
montrer le manque de clarté du terme Hanse117
, il est utilisé par les acteurs pour mettre en évidence le
caractère périphérique ou central des réseaux hanséatiques renouvelés dans les réseaux européens.
Mais dans ces raisonnements, à aucun moment, une carte de l’ancienne Hanse n’est utilisée. Tout se
fait selon une appréciation mentale de la Hanse. Pour certains, elle se limite à l’espace maritime
baltique et l’espace qu’elle représente est donc périphérique. Pour d’autres, elle est prise selon une
acception large, englobant l’Angleterre, les Pays Bas, la France118
, la Belgique et ses principaux axes
apparaissent donc centraux dans une Europe élargie.
Enfin, au-delà de l’espace recouvré par la Hanse, le caractère même spatialisé ou non du mot
Hanse dans les trois villes est essentiel. A Brème, le mythe de la Hanse est très peu spatialisé119
. On
utilise le concept de Hanse comme l’affirmation d’une valeur individuelle liée à la dénomination
Hanseat : des entrepreneurs de Hambourg travaillant à Singapour120
pourront être qualifiés de
Hanseaten. Or l’aspect spatial du mythe de la Hanse, c’est bien la Baltique en tant que mer mais aussi
la région baltique, à prendre au sens large des espaces riverains de la mer Baltique. Il en est de même à
Gdansk, où le mythe de la Hanse est associé à la multi-culturalité, non à l’espace baltique. Là encore,
la Hanse est déspatialisée. En revanche, à Riga, le mythe garde sa teneur spatiale. La Hanse est
l’époque où Riga se trouvait au cœur des relations Est/Ouest et constituait la métropole de la Baltique
de l’Est. Or c’est cette place qu’elle brigue aujourd’hui. La ville s’ouvre donc à l’espace baltique. Ces
éléments montrent comment un mythe hanséatique peut être vivant dans une ville sans que celle-ci
place la Baltique au cœur de sa politique (Brème en est un exemple frappant).
Ces éléments sont aussi à rapprocher d’une situation : Brème est proche du cœur de l’espace
européen, des grands ports de la « Northern Range » et est situé en mer du Nord de l’autre côté des
détroits danois. Quant à Gdansk, elle est relativement proche de la frontière allemande. Ces deux villes
peuvent plus facilement « tourner le dos » à la Baltique et donc à la Hanse que Riga.
117
Par une extension spatiale trop grande des admis dans le réseau de la «Hanse des Temps Nouveaux» 118
La « Hanse des Temps Nouveaux » voulait inclure la Rochelle dans les villes hanséatiques 119
Sauf à l’époque nazie pour justifier l’idéologie hitlérienne de l’espace vital. 120
Donc assez loin des côtes hanséatiques
38
3. Les représentations des acteurs privés et la Hanse
3.1 Le mot Hanse dans le nom des entreprises et des commerces
Photo n°2 : Le mot « Hanse » à Riga.
A Riga, une boulangerie portant le nom Hanzas et une banque au nom de Hansabanka
(photos prises par Nicolas Escach, le 22 Février 2008).
Les acteurs publics n’ont pas le monopole de l’utilisation de la mythologie hanséatique et de
nombreux acteurs privés sont également les porteurs du concept de « Nouvelle Hanse »
En se promenant dans les rues de Brème, Gdansk ou Riga, on constate que la Hanse est partout.
Elle s’affiche sur les devantures des commerces et des magasins : une pharmacie nommée Hanseaten
Apotheke à Brème, une boulangerie Hanzas ou une banque Hansabank à Riga, un hôtel de luxe
nommé Hanza Hotel à Gdansk. Les entreprises adoptent également des noms rappelant le passé
hanséatique comme en témoigne l’entreprise de management maritime Hanseatic Lloyd à Brème.
Cette profusion de noms faisant référence à la Hanse est bien visible dans les pages jaunes de
l’annuaire de Brème : presque deux cents références y déclinent l’ensemble des dérivés du mot
Hanse121
: Hansa , Hanse, Hanseat, Hanseaten, Hanseatic, Hanseatische, Hansen. Les mots
Hanseatisch et Hansa sont les deux termes les plus employés. La référence à la Hanse est souvent
appliquée à des entreprises ou commerces ayant un lien de parenté avec l’époque hanséatique. Le mot
est aussi bien employé dans le secteur tertiaire que secondaire même si le tertiaire est majoritaire. Des
entreprises de transport, d’import/export, de management, liées à des activités utilisant l’eau (Hanse
Wasser Bremen GmbH) ou à des activités portuaires sont nombreuses à l’utiliser. A Brème, le terme
étant associé à une tradition d’entreprenariat et de libéralisme, les atouts du capitalisme sont eux aussi
121
Exemples : Hansa Hausgeräte-Service GmbH, Hanse-Merkur General Agentur, Hanseat Reisebüro GmbH,
Hanseaten Naturprodukte GmbH, Hanseatic Agrar und Baustoffhandel GmbH, Hanseatische Facility
Management GmbH
39
affublés du mot Hanse : les banques, les entreprises financières, les assurances. L’aspect architectural
de la Hanse n’est pas à négliger et les entreprises immobilières peuvent aussi tirer parti de la « Hanse
des villes ». De nombreuses entreprises liées au tourisme arborent également le nom (croisières,
agences de voyage). Malgré certains rapprochements possibles, de multiples boutiques et entreprises
semblent dans leurs activités bien loin de la réalité hanséatique. Certes, la Hanse était une période au
cours de laquelle fleurissaient de nombreux artisans, mais comment trouver un rapport entre le
commerce hanséatique et une boulangerie, une entreprise fabriquant des engins agricoles ou un
magasin bio ?
Cette profusion insensée du mot Hanse est également décrite dans la littérature comme par Mikelis
Aschmanis qui parle de Riga à l’époque hanséatique comme d’un lieu sûr et bien développé avec des
règles de marché stables, image qui est reprise par un grand nombre de sociétés dans la ville
(Aschmanis, 2007). Thomas Hill fait le même constat pour le cas de Brème montrant la continuité
entre l’après guerre, symbole du miracle économique allemand, et la période actuelle : « La Hanse
était et est encore synonyme de force créatrice entrepreneuriale et marchande, de solidité, de sérieux
comme de nombreuses firmes et entreprises qui utilisent le mot « Hanse » ou « Hansisch » le montrent
: l’entreprise d’assurance «Hanse Merkur »…»122
. Ces auteurs nous invitent à parler d’un « écho
positif » du mot Hanse.
3.2 Pourquoi peut-on parler d’un « écho positif » du mot Hanse ?
Pourquoi une entreprise ou un commerce à Brème, Gdansk et Riga choisit-il le mot Hanse ?
La première raison de ce choix, est que ces entreprises peuvent bien sûr être situées dans des rues
portant le nom Hanse123
ou être situées dans un ancien quartier hanséatique. Ces boutiques ou
entreprises peuvent être aussi la propriété d’Allemands ou de Suédois (c’est le cas de la Hansabank
dont l’actionnaire majoritaire est suédois).
La deuxième raison est que le mot Hanse, lorsqu’il est repris par une entreprise ou un commerce
devient un « label » qui peut être le signe d’une meilleure qualité ou d’un travail sérieux. Mais il a
surtout un impact chez le consommateur/client. Pour Peter Oliver Loew124
, la Hanse est un nom
intéressant pour les entreprises car il est connoté très positivement mais est en même temps
suffisamment vague pour que le consommateur, le client puisse mettre en liaison avec ce nom sa
propre analyse, sa propre représentation et son imagination individuelle. En somme, le nom sonne
creux, peut tout vouloir dire, peut donc être utilisé de multiples façons, et peut susciter chez le
consommateur toutes sortes de représentations. C’est aussi vrai pour les commerces. Dans des villes
122
HILL., T « Vom öffentlichen Gebrauch der Hansegeschichte », in : GRASSMANN, A., (2001), Op.Cit.,
pp.87: «Hanse war und ist geradezu ein Synonym für kaufmännische und unternehmerische Leistungskraft,
Solidität und Seriosität, wie die zahlreichen Firmen und Produktnamen zeigen, die das Wort «Hanse» oder
«hansisch» enthalten, z.B. das Versicherungsunternhemen «Hanse-Merkur»...» 123
Interview du 20/02/2008 avec Zaiga Krisjane, maître de conférences 124
Echanges de mail du 28/02/2008 avec Peter Oliver Loew
40
touristiques comme Gdansk et Riga, il se peut que, la clientèle allemande ou danoise soit visée. Peteris
Blums rappelle qu’un pain d’une boulangerie Hanzas sera préféré des Allemands face à un pain d’une
boulangerie portant un nom letton, inconnu. Ce propos peut être corroboré avec la situation des
magasins et des boutiques portant le nom Hanse. On en trouve dans les vieux centres, dans les gares
(la boulangerie Hanzas est située dans la gare de Riga), les aéroports et de nombreux hôtels utilisent le
mot Hanse également125
. Ces lieux sont les lieux d’arrivée et de départ des touristes.
Le mot Hanse a un troisième avantage126
. Lorsqu’on crée une entreprise, il faut à la fois attirer
l’attention des clients mais aussi adopter un nom qui soit une véritable « marque de fabrique ». Ce
nom doit tout de suite dire et montrer d’où vient l’entreprise, il doit ancrer l’entreprise dans son
environnement, ou dans l’espace. Or le mot Hanse est lié à l’espace baltique et même à Brème de
manière viscérale.
En même temps, cet espace est suffisamment large : c’est son quatrième avantage. Ainsi, dans les
pays de la Baltique et dans certains pays d’Europe du Nord, le mot Hanse est compréhensible127
et
peut trouver un écho chez des clients/consommateurs potentiels. Cette caractéristique internationale du
mot Hanse rend le concept facilement « exportable ». Une entreprise choisissant ce nom et visant des
marchés étrangers pourra le faire grâce à un terme compréhensible partout et pas seulement en
Lettonie, Pologne ou Allemagne, comme cela aurait été le cas avec un nom à connotation nationale.
Des partenariats peuvent être plus facilement construits avec d’autres pays baltiques. Cet aspect a
d’autant plus de poids pour des entreprises de l’Est cherchant un financement à l’Ouest : à Riga, on
cherche à renforcer les partenariats avec des ports comme Hambourg. A Gdansk et à Riga, de
nombreuses entreprises ont choisi le mot « Hanse » après 1990 alors qu’elles devaient trouver un
nouveau nom à la fin de la période communiste.
3.3 Les difficultés d’usage du mot Hanse dans la toponymie
Mais le choix du mot Hanse présente également un certains nombre de contraintes qui sont aussi le
revers de ses qualités.
Il n’est utilisable que dans les pays baltiques128
et le terme est peu connu en France et inconnu en
Espagne. En clair, une entreprise portant un nom lié à l’univers de la Hanse pourra avoir des ambitions
régionales mais pas internationales. Pour Ojars Sparitis, c’est l’une des raisons pour lesquelles cette
mode du label « Hanse » va s’estomper dans l’avenir. L’autre raison étant que ce symbole n’appartient
pas à la symbolique nationale.
C’est d’ailleurs un paradoxe qu’un symbole concentrant encore de nombreux stéréotypes puisse
malgré tout être intégré comme « label » dans la ville. L’idée est trop vague, arbitraire même et le
125
Cette affirmation découle d’une étude des adresses de l’annuaire et d’une observation de terrain 126
Interview du 12/02/08 avec Jens Joost-Krüger, responsable du marketing de la ville de Brème 127 Interview du 18/02/2008 avec Peteris Blums, architecte à Riga 128 Interview du 19/02/08 avec Ojars Sparitis, ancien directeur de la Maison des Têtes Noires, actuel directeur de
l’académie des Arts de Lettonie
41
signe ne ramène plus à la chose. Le nom Hanse, trop souvent utilisé, n’a plus aucune teneur
historique : les habitants se sont habitués à un terme qu’ils pensent maîtriser mais qu’ils ne maîtrisent
pas. C’est ce que montre Alexander Sologubov à propos de Kaliningrad/Königsberg dont il étudie la
« Logosphère » (Bart, 1994). Il analyse les symboles qu’il nomme Zeichnungen utilisés dans les noms
des magasins129
: « Le symbole « Kant » » est pour les habitants de Kaliningrad devenu une routine et
est utilisé de manière automatique. Les touristes réagissent souvent avec étonnement face à ce que les
habitants considèrent comme normal. Voici la réaction d’un visiteur : la personne la plus importante
est Kant ! C’est fou, combien de personnes ont lu Kant dans ce pays ? »130
La Hanse est donc présente chez les acteurs publics et privés de la régionalisation à l’échelle de la
ville et est partagée partiellement par les villes de Brème, Gdansk et Riga. Mais au-delà des
représentations, peut-on observer des pratiques permettant d’évoquer une utilisation concrète du
concept de « Hanse » ? Barbara Bossak considère que les monuments mobilisent les actions
collectives (Loew, Pletzing, Serrier, 2006). Pour relancer la question posée par Peter Oliver Loew, la
mythologie hanséatique peut elle être un support à l’action ou reste-t-elle enfermée dans la sphère des
représentations ? Quelles sont ces formes « d’actions collectives » que la Hanse peut mobiliser ?
III) Au-delà des représentations, parler de la Hanse aujourd’hui fait-il encore sens dans
les pratiques ?
1. A l’échelle locale, quelle place de l’héritage matériel hanséatique dans une stratégie
touristique ?
1.1 Quel patrimoine matériel à Brème, Gdansk et Riga ?
A l’échelle de la ville, l’une des pratiques liée au mot Hanse la plus présente dans les
préoccupations des acteurs est la valorisation touristique du patrimoine bâti hanséatique.
Mais le concept de « monument hanséatique » est très controversé. La Hanse a-t-elle un style
architectural qui, au-delà des plans de ville, lui est propre ? Iwona Sagan131
répond par la négative :
certes, des bâtiments ont été utilisés pendant l’époque de la Ligue Hanséatique ou pour des activités
hanséatiques mais cela en fait-il des « monuments hanséatiques » ? Pourtant, il y a bien une similitude
évidente et notamment l’usage du gothique en brique132
. Mais la spécificité de la Hanse peut venir
129
Comme par exemple l’ambre, la mer, le port, l’image de Kant 130 SOLOGUBOV, A., ««Kaliningrad, unsere Heimat». Ausgewählte Themen örtlicher Diskurse», in : LOEW,
P.O., PLETZING, C. SERRIER, T., (dir.) (2006), Wiedergewonnene Geschichte. Zur Aneignung von
Vergangenheit in den Zwischenräumen Mitteleuropas, Wiesbaden, Harrassowitz Verlag, coll.
Veröffentlichungen des Deutschen Polen-Instituts, pp.104. « Das Symbol ist für die Kaliningrader zur Routine
geworden und wird von ihnen schon ganz automatisch verwendet. Gäste reagieren allerdings oft mit
verwunderung auf etwas, was für die Einheimischen normal ist. Hier die Bremerkungen eines Besuchers über
dieses Symbol : «...aber die wichtigste Person der Stadt ist Kant! Das ist schon irrsinnig. Wieviele Menschen in
diesem Land haben Kant gelesen?»» 131 Entretien mené le 24/10/2007 à Gdynia avec Iwona Sagan (département de Géographie) 132
Entretien mené avec Peteris Blums le 18/02/2008 à Riga (Centre diocésain).
42
également d’une « vue d’ensemble » : l’architecte letton Peteris Blums défend l’idée de « Panorama »
qu’il voulait voir classé au Conseil Européen. En effet, la silhouette de la ville montre l’appartenance
de celle-ci à une identité régionale et à une identité propre. La culture urbaine est inscrite dans ses
formes : on peut apercevoir les dominantes religieuses (églises, temples), politiques (ville libre, ville
royale). Une condition de la lecture de ce panorama est que la ville soit située près d’un fleuve et que
l’espace entre le fleuve et la ville soit libre or, au temps de la Hanse, les villes étaient entourées de
grandes esplanades qui empêchaient les ennemis éventuels de se cacher. Mais au XIXe siècle, avec la
densification des villes, le panorama disparaît. Celui de Riga, visible dès 1515, l’est encore
aujourd’hui. Cet élément incontestablement est à prendre en compte comme « patrimoine matériel » de
la Hanse.
Ces panoramas sont constitués d’éléments du patrimoine bâti qui, faute d’être « hanséatiques »
rappellent l’histoire de la Hanse. A Brème, on peut évoquer l’hôtel de ville, la statue de Roland133
, le
Schütting134
situés sur la place du marché ou encore le Staatwaage135
. A Riga, il est possible de citer la
Maison des Têtes Noires136
, la Grande et la Petite Gilde137
, les « Trois Frères »138
. A Gdansk, l’hôtel de
ville, la cour d’Arthus139
, la maison des échevins, l’église Notre Dame, le Grand Moulin sont des
éléments intéressants. La particularité de Gdansk vient surtout de sa grue médiévale, la plus grande
d’Europe qui servait au transbordement et au dressage des mâts sur les navires.
133
Dates de construction : 1405-1410 pour le premier et 1404 pour la statue de Roland 134 Le Schütting (1537-1538) abritait la gilde des marchands de Brème Der Kaufmann zu Bremen, gilde qui était
située au départ près des Balge mais qui rejoint au XVIe siècle la place centrale. Le Schütting abrite encore
aujourd’hui la chambre de commerce (Elmhäuser, Hoffmann, Manske, 2002) 135
Edifiée en 1588, située à proximité des Schlachte, l’ancienne maison de pesage officielle des produits
exportés ou importés. Ces bâtiments se retrouvent dans toutes les villes hanséatiques : Staatwaage (Osnabrück,
Allemagne), hôtels de ville typiques (Stralsund, Allemagne)… 136
Edifiée en 1344, elle abritait les célibataires de la Grande Gilde de passage dans la ville. 137
La grande et la petite gilde, datent, elles, du XIVe siècle : la grande Gilde était la résidence des marchands
alors que la Petite Gilde abritait les artisans. 138
Les « Trois Frères » est un ensemble de bâtiments datés du XVe, XVIIe et XVIIIe siècle. Les étages
inférieurs de ces maisons étaient habités alors que les étages supérieurs étaient utilisés comme entrepôts. Des
leviers et des poulies permettaient de monter les charges 139
Siège des confréries marchandes de la ville de Danzig
43
Photo n°3 : Deux exemples du patrimoine bâti hanséatique à Riga et Brème
La Maison des Têtes Noires et la Maison Schwabe (à droite), l’hôtel de ville classé au patrimoine mondial
de l’UNESCO, photos prises par Nicolas Escach, le Lundi 18 Février 2008
.
1.2 La gestion de la « ressource » hanséatique, premier pas vers son exploitation touristique ?
Ces bâtiments constituent donc le patrimoine matériel de Brème, Gdansk et Riga. Sa gestion est
susceptible de générer une activité touristique. La gestion intégrée d’une ressource patrimoniale140
comprend quatre éléments qui doivent être en interaction : la protection et la connaissance de la
ressource, l’exploitation de la ressource, l’information sur la ressource.
A Brème, la guerre a fait d’énormes dégâts et le Schütting et le Stadtwaage ont du être en grande
partie reconstruits. L’hôtel de ville n’a, par contre, subi que peu de dommages. En revanche, dans les
villes de Gdansk et de Riga, endommagées par la guerre, les restaurations effectuées ont été très
controversées. Le terme même de « restauration 141
» doit être évité : il s’agit souvent d’une
reconstruction. Elle débute de manière surprenante dès l’époque communiste ce qui peut sembler
paradoxal pour un régime qui est loin de faire la promotion de la Hanse. Les reconstructions entamées
entre 1950-1960 et 1989 se sont poursuivies ensuite. Nous n’allons pas revenir sur la controverse de la
reconstruction de la vieille ville de Gdansk qui débute dès 1945-1946142
. La reconstruction de la
Maison des Têtes Noires prévue dès 1976, mise en place à partir de 1991 et inaugurée en 1999-2000 a
fait, elle aussi, scandale143
. Les travaux effectués sont alors vivement critiqués : la sauvegarde des
140
Nous avons vu que le mot « patrimonialisation » devait être proscrit car il n’était pas répandu dans les régions
de l’Est de l’Europe. L’emploi du mot ressource est donc préférable. 141
Sanierung 142 Dans les années qui suivent, les défenseurs de la théorie du XIXe siècle contre la reconstruction des
bâtiments, affrontent ceux qui croient en cette reconstruction, les défenseurs du patrimoine allemand affrontent
les plus fervents nationalistes, les défenseurs d’une reconstruction du Gdansk d’avant guerre, s’opposent à ceux
qui veulent la reconstruire comme dans les années 1920, comme au XIXe siècle, ou même comme à l’époque
médiévale. 143 Les deux dates sont d’ailleurs indiquées sur sa façade
44
bâtiments encore debout serait plus importante que celle des bâtiments détruits144
, cette reconstruction
nommée « rénovation » serait un mensonge, la qualité serait basse, le bâtiment appartiendrait à une
culture étrangère à la culture lettone, plutôt agricole qu’urbaine, utilisant plutôt le bois145
que la pierre,
elle privilégierait la façade, véritable décor de théâtre, à l’intérieur. Pourtant, un sondage réalisé à Riga
montre que la population a choisi la Maison des Têtes Noires comme ce qu’elle appréciait le plus dans
les reconstructions des dernières années, faisant d’elle une pierre de voûte de la conscience de la ville.
A Gdansk et à Riga, la reconstruction, y compris à l’époque communiste, s’est faite avec des
documents d’époque. Des photos, des images, des tableaux, ont été, par exemple, collectés par Marian
Pelczar à Gdansk.
Le classement à l’UNESCO de ce patrimoine restauré ou reconstruit le connecte avec la possibilité
d’un tourisme de grande ampleur : la vieille ville de Riga a été classée en 1997 et l’hôtel de ville et la
statue de Roland de Brème en 2004. Certes, la place de la Hanse dans ces classements est très
modeste. A Brème, les raisons du classement avancées montrent que la liberté politique acquise par la
ville a été privilégiée. La Hanse n’apparaît dans les rapports que lors de rappels historiques ou lors
d’une mise en situation de sa place dans un patrimoine plus large. A Riga, la référence à la Hanse est
plus explicite mais est noyée au milieu d’autres références146
. L’étude de l’ICOMOS rappelle le
principe de représentativité unique de l’UNESCO qui ne peut faire de Riga un centre hanséatique :
« En tant que cité hanséatique, il est impossible de comparer Riga en termes de globalité et
d’authenticité à Lübeck (Allemagne) ou Visby (Suède), (villes déjà inscrites sur la liste du patrimoine
mondial) ou bien Tallinn (Estonie) […], si l’on évalue cette ville par rapport à son importance dans
l’histoire architecturale européenne (en tant qu’ensemble d’édifices de l’Art nouveau/Jugendstil), il
est impossible de nommer une cité susceptible d’être comparée à Riga »147
. Le rapport parle d’une
valeur exceptionnelle de l’architecture « Art Nouveau » et de l’architecture en bois du 19e, ces deux
styles d’architecture ayant poussé au classement.
Mais le label est un catalyseur qui permet aux professionnels de changer leur regard sur leur
territoire, de prendre conscience d’un potentiel et de construire une nouvelle offre. C’est une forme de
reconnaissance internationale qui engendre une retombée médiatique. Encore faut-il le gérer et
communiquer sur son obtention pour qu’il accompagne les stratégies de promotion touristique. Cette
communication passe par une mise en valeur, une exploitation et de l’information sur le patrimoine.
144 Il n’y a pas assez d’argent, en effet, pour tout reconstruire 145
Le style letton s’inspirant des Gutshöfen allemandes 146 La variété des réalisations esthétiques émanant de tous les courants de l’histoire est soulignée comme les
nombreux édifices, véritables empreintes des trois groupes nationaux qui furent impliqués dans sa création : les
Lettons, les Allemands et les Russes mais aussi d’autres groupes comme les Suédois, Juifs, Ukrainiens. Riga est
un point de convergence entre les réalisations culturelles de l’Ouest et de l’Est. 147 UNESCO (1996), Evaluation des Organisation consultatives, procédure de classement UNESCO, pp.12,
document téléchargeable à l’adresse suivante : http://whc.unesco.org/archive/advisory_body_evaluation/852.pdf
(consulté le 01/05/2008).
45
A Brème, « les panneaux d’interprétation », organisés en circuits, sont nombreux et ont été
réalisés par le Service des monuments historiques en étroite collaboration avec le centre de Brème
pour la culture bâtie148
qui a proposé une base de données rassemblant divers monuments à protéger et
mettre en valeur. Les monuments sélectionnés l’ont été en fonction de leur valeur historique,
artistique et symbolique. Les premières plaques ont été posées en 1990 et la dernière en 2006. Sur
chaque panneau, l’histoire du bâtiment, sa fonction et ses formes artistiques sont décrites et le logo
officiel de la ville est présent. Le label de l’UNESCO figure en bonne place sur les plaques situées sur
la place de la Mairie. Des brochures disponibles à l’office de tourisme représentent, sur un plan de la
ville, le circuit à suivre et un système de fléchage dans la ville conduit les visiteurs vers les différents
monuments.
Photo n°4 : La mise en valeur des monuments hanséatiques à Brème et
la revendication du Label UNESCO.
Sur cette photo apparaissent la clé de la ville, en haut à droite, symbole de Brème, ainsi que le sigle UNESCO,
en bas du panneau d’interprétation, photo prise par Nicolas Escach, Dimanche 10 Février 2008.
A Gdansk et Riga, la mise en valeur touristique est partielle et en cours de réalisation. Les
panneaux d’interprétation manquent : les monuments ne sont pas décrits, expliqués, éclairés.
Certes à Riga, il existe une agence d’état chargée de la protection des monuments, un office de
tourisme et une agence lettone de développement chargée de la promotion mais ces deux derniers
points sont encore faibles.
A Gdansk, Ewa Jagodzinska,149
regrette que la Hanse ne fasse pas encore l’objet d’une
exploitation touristique : la ville aurait beaucoup à gagner à prendre conscience de cet héritage. Certes,
du temps est nécessaire mais il faut profiter de cet héritage qui est présent dans la mentalité des
touristes qui viennent visiter Gdansk car la Hanse est plus présente à l’étranger qu’en Lettonie. Il
148
Bremen Zentrum für Baukultur 149
Interview réalisée le 29/10/2007 à Gdansk avec Ewa Jagodzinska, responsable du service de la coopération
internationale auprès de l’office du maréchal du Voïvodie de Poméranie
46
faudrait que des livres, des cartes postales portent le nom « Hanse », qu’on crée des produits dérivés
pour répondre à une demande touristique.
Quelles sont donc les raisons de s’appuyer sur un classement UNESCO et de mettre en avant
la Hanse dans ces villes ?
1.3 Les raisons de chercher une « valorisation patrimoniale » de l’héritage hanséatique
Cette question porte sur la notion de « valorisation patrimoniale ». La valorisation patrimoniale est
la révélation et la présentation d’un élément du patrimoine au public en état de demande sociale : c’est
en quelque sorte la rencontre mise en scène d’un patrimoine avec son public. Or quel public peut
rechercher une « ambiance hanséatique » sinon un public régional, allemand notamment ?
L’étude des nuitées dans le land de Brème de 2003 à 2006150
par pays d’origine peut nous éclairer
sur ce point. A Brème, en 2006, 76.25% des personnes passant au moins une nuit dans le Land de
Brème étaient allemandes. Ce chiffre montre donc, même si toutes les personnes effectuant une nuitée
ne sont pas des touristes, la prédominance des touristes allemands dans la ville. Mais parmi les 23.75%
restant, les nationalités sont très diffuses : chaque pays ou groupe de pays avoisine les 1 ou 2% et les
touristes asiatiques sont les seuls à atteindre les 3%. La part de touristes des principaux pays européens
faisant une nuitée à Brème à l’exception des Allemands montre une prédominance de la France, du
Danemark, du Royaume Uni, des Pays Bas, de l’Italie et de la Suède. La composante régionale est
donc représentée par de grands pays (Danemark, Suède) assez proches géographiquement (c’est vrai
pour le Danemark) mais n’est pas exclusive. L’évolution des nuitées entre 2003 et 2006 par pays
d’origine est claire : la part des Allemands dans le nombre de personnes effectuant une nuitée à Brème
tend à diminuer. Ainsi en 2003 leur part était de 79.73% et en 2004 de 78.63%. Brème doit donc
diversifier son offre et ne pas miser entièrement sur la Hanse, inconnue pour des touristes asiatiques
ou français. C’est pourquoi l’Universum, ou la combinaison avec des îles proches comme Helgoland
ou Wangeroog peut être une solution. Malgré tout, la grande part de touristes allemands permet de
fonder une offre touristique sur ces références.
150
D’après le « Statistisches Jahrbuch 2007 », Brème
47
Graphique n°2 : Part des touristes à Gdansk en 2006 (%)
Source : Information on social and economic situation of Gdansk, 2007
Conception, réalisation : Nicolas Escach, 2008
A Gdansk, la demande touristique est beaucoup moins diffuse et quelques provenances ciblées
peuvent être soulevées. Elle est presque exclusivement, si l’on excepte les Américains, régionale. En
tout cas, c’est ce que les statistiques de la ville, incomplètes, semblent dire151
. En réalité le constat est
plus nuancé et pour les années de 2000 à 2006, on trouve une majorité de touristes faisant partie des
groupes suivants : Suédois, Allemands, Danois, Norvégiens, Américains, Anglais. On peut même pour
la plupart des années relever à Gdansk une majorité absolue des touristes « régionaux » : ils sont 57.18
% en 2000, 56.76% en 2001, 74.96 % en 2003 et 60.60% en 2006 à être Suédois, Danois, Norvégiens
ou Allemands. Cette clientèle peut donc être en demande de patrimoine hanséatique même si les pays
scandinaves gardent une image assez négative de la Hanse. Il faut donc se pencher sur le pourcentage
de touristes allemands. De 2001 à 2005, si les Suédois sont les plus nombreux à visiter Gdansk
représentant près de 25 % des touristes (si l’on excepte l’année 2003 où les Danois sont les plus
nombreux avec 35%), les Allemands sont toujours en deuxième position avec une moyenne de 15%.
Mais la tendance semble s’inverser et, selon les statistiques, de 2005 à 2006, la part des Allemands est
passée devant celle des Suédois. En 2006, ils représentent 35% des touristes et sont les plus nombreux
des étrangers à entrer dans la Voïvodie de Poméranie représentant 1/3 des étrangers entrants152
. Si
cette tendance n’est pas conjoncturelle, elle justifierait, à elle seule, une mise en avant de la Hanse qui
ne doit pas, là encore, être exclusive.
Nous possédons peu de statistiques pour Riga, mise à part une brochure du marketing de la ville153
donnant le nombre de touristes en 2005 et mettant en évidence la prégnance des touristes baltes (29%
151
D’après le « Information on Social and Economic Situation of Gdansk 2007 » 152
D’après le « Bulletin of SO de Gdansk 2007 » 153
D’après le «Wirtschaftliche Umfeld der Stadt Riga 2007»
48
de Lituaniens et d’Estoniens) et des Allemands (10%). En revanche, il est possible de prendre des
statistiques à l’échelle de toute la Lettonie étant donné que la majorité des touristes ne visitent que
Riga154
. Or les statistiques des non résidents voyageant en Lettonie par pays d’origine en 2006
montrent une provenance européenne de ces non résidents et notamment régionale. Se détachent les
pays baltes. Puis l’Allemagne, la Suède, la Finlande, la Pologne, la Russie suivent. Les Russes sont
nombreux mais, bien entendu, ce chiffre est faussé par le contexte particulier à Riga et la forte
minorité russe : tous les non résidents ne sont pas forcément là dans une optique touristique.
L’Allemagne, de 1996 à 2006, a envoyé, en nombre absolu, toujours plus de personnes en Lettonie
mais la part des Allemands dans les non résidents est restée à peu près stable, autour de 5%-6%.
A Gdansk et à Riga, le nombre de touristes ou de non résidents total a en effet augmenté entre
2000 et 2006 et a été multiplié par 2 voire 3. Ces villes connaissant donc une véritable croissance
touristique à dominante régionale. Cependant il est faux de dire que les Allemands sont les seuls
contributeurs de cette dynamique : les statistiques le montrent (les Suédois sont un bon exemple). La
Hanse peut donc être une ressource, mais il faut diversifier les offres155
d’autant plus que les
Allemands eux-mêmes ne viennent pas que pour la Hanse (tourisme nostalgique à Gdansk et à Riga,
visites familiales dans les anciennes villes allemandes, retour généalogique…).
D’un point de vue touristique, il est donc possible d’observer un certain phénomène de
régionalisation. Des circuits existent sur le thème de la Hanse rassemblant plusieurs villes autour de
réseaux communs. C’est le cas d’EUROB ou « Route Européenne du Gothique de Brique », projet
financé par l’Union Européenne et qui pourrait bientôt figurer parmi les itinéraires culturels
européens156
. Le projet comprend plusieurs villes hanséatiques classées par pays et fait collaborer
ensemble les offices de tourisme de ces villes qui échangent compétences et expériences dans un cadre
commun. Voici son but : « Dans le cadre du programme Interreg III B-projet EuRoB I, une route
touristique des monuments architecturaux en gothique et en brique a été créé entre 2002 et 2004 au
sein de l’espace baltique. A côté d’une documentation et d’offres touristiques sur les monuments en
question, c’est un véritable cadre stratégique marketing pour la route qui a été construit, des produits
marketing et des produits d’informations édités, des investissements pilotes dans le management
hôtelier effectués ».157
Riga et Gdansk en font partie, pas Brème, signe encore de son détachement face
au passé hanséatique. Des agences de voyages proposent également des circuits aux noms
154
D’après les chiffres de la « Latvijas Statistikas » 155
En utilisant l’Art Nouveau à Riga, Solidarność à Gdansk, l’Universum à Brème 156
C’est du moins ce que souhaite la ville de Gdansk 157
Site de référence du projet : http://www.eurob.org/index.php5/Homepage;1/1 (Consulté le 01/05/2008), «Im
Rahmen des Interreg III B-Projektes EuRoB I wurde zwischen 2002 und 2004 im Ostseeraum eine auf
Backsteingotik-Denkmäler ausgerichtete Tourismusroute entwickelt. Neben der Erfassung und Dokumentation
der jeweiligen Baudenkmäler und touristischer Angebote wurden ein strategischer Rahmen zur Vermarktung der
Route aufgebaut, Informations- und Marketingprodukte entwickelt, Pilotinvestitionen umgesetzt sowie
Schulungen zum Qualitätsmanagement des Hotel- und Touristikgewerbes durchgeführt»
49
hanséatiques : « Le Danemark et les villes hanséatiques » (voyages rive gauche), « Berlin et la Hanse
en 9 jours » (Air France, Clio voyages). La volonté de mettre en place une stratégie commune est
forte : les « Journées de la Hanse » peuvent aussi servir à élaborer une stratégie touristique. En 1997, à
Gdansk, des échanges entre membres du BTC-Büro158
, qui participent également activement à la
coopération touristique eurent lieu. Mais la coopération régionale est plus large que le seul domaine du
tourisme.
2. A l’échelle régionale, quelle place de l’héritage immatériel de la Hanse dans l’émergence
d’un nouveau réseau urbain ?
2.1 Les notions de réseau, de réseau de ville, de polycentrisme
Que recouvre exactement le mot réseau ? Les dictionnaires français retiennent la métaphore du
filet : « tissu à mailles très larges, filet »159
. Géographiquement, Roger Brunet définit un réseau comme
un « ensemble de lignes ou de relations aux connexions plus ou moins complexes »160
. L’encyclopédie
de la géographie complète cette définition : « un ensemble de lignes161
qui relient les divers points162
de l’espace qu’ils desservent »163
. Le réseau peut être matériel (infrastructures de communications,
réseaux aériens) ou immatériel (flux, échanges culturels ou scientifiques) (Pumain, 1996). Un réseau
peut être caractérisé par ses propriétés topologiques (Dupuy, 1986). La connectivité permet d’évaluer
les possibilités alternatives d’atteindre les divers sommets. Un réseau dans lequel il existe une liaison
directe entre tous les nœuds bénéficie d’une connectivité maximum. La connexité d’un réseau indique
s’il est possible à partir de n’importe quel nœud de rejoindre les autres nœuds. Un graphe est fortement
connexe si, à partir de n’importe quel sommet, il est possible d’atteindre tous les autres sommets, soit
par un arc direct, soit en passant par d’autres sommets. La nodalité est un concept qui permet de
caractériser voire de hiérarchiser les sommets d’un réseau du point de vue de leurs capacités
relationnelles. Un réseau peut enfin être défini par sa forme (Bailly, Ferras, Pumain, dir., 1992). Le
réseau peut être maillé ou réticulaire et renvoie alors à la forme d’un pavage. Le réseau maillé peut
être hiérarchisé ou non. Le réseau peut être également polaire et est constitué alors de rayons
organisés autour d’un centre. Un réseau en arbre, en revanche, correspond à une logique de
concentration ou de diffusion des flux vers ou à partir d’un lieu unique. Le réseau « hub and spoke»
prend une forme spéciale : sa structure est un réseau en forme d’étoile établissant des relations entre un
centre (hub) et des points périphériques par l’intermédiaire de rayons (spokes). Dans un réseau « hub
and spoke », toute relation doit passer par le hub164
(Dupuy, 2002).
158
Baltic Sea Tourism Commission 159
Le Grand Robert de la Langue Française 160
Article « Réseau », BRUNET, R (2005), Les mots de la géographie, Paris, La documentation française. 161
Appelées aussi liens, canaux, arcs ou segments, selon les disciplines 162
Appelés nœuds, pôles ou sommets, selon les disciplines 163
BAILLY, A., FERRAS R., PUMAIN D. (1995), Encyclopédie de Géographie, Paris, Economica, pp.518 164
Appelé aussi « pivot »
50
La notion de réseau est utilisée dans des champs de la géographie comme la géographie des
transports, la géographie urbaine et l’aménagement du territoire. Elle n’est pas seulement un objet de
recherche mais aussi un élément important de l’analyse spatiale telle qu’elle peut être pratiquée par des
spécialistes comme Peter Aguet.
Outre l’analyse des réseaux de transports ou treillages, l’étude des réseaux urbains nous intéresse
particulièrement pour mener une réflexion sur la Hanse. Un réseau urbain peut être défini comme :
« un ensemble de villes reliées entre elles d’une manière durable et structurante par des interactions
et des flux d’échanges matériels ou immatériels »165
. Les villes peuvent se mettre en réseau d’une
façon spontanée et passive ou bien de manière volontaire et active. Dans le premier cas, le réseau
urbain est le résultat des relations habituelles qui se nouent entre des acteurs localisés dans les villes
mêmes (flux d’acheteurs et de marchandises, coopérations et échanges entre organisations). Dans sa
version active le réseau urbain prend plutôt le nom de « réseau de villes » et se présente comme une
construction volontaire mise en place par des accords entre les villes qui réalisent ensemble des
programmes de coopération. (Lévy, Lussault, 2006). Dans ce sens on parle de politique de « réseaux
de villes ». Roger Brunet (Pumain, 1996) évoque la logique des réseaux qui a plusieurs fondements :
une relation de compétence166
entre des villes de même nature et de même fonction, un groupe
d’intérêts entre des villes dont les acteurs estiment avoir des intérêts communs, un réseau de projet
dont la finalité est la mise en place d’un projet défini.... Les systèmes de villes comme « ensemble
national ou régional de villes qui sont interdépendantes »167
pour Denise Pumain tendent à se répandre
car les villes ne dépendent plus exclusivement de leurs relations avec un hinterland rural qu’elles
polarisent. Or ces réseaux urbains sont « largement influencés dans leur configuration par les voies
naturelles de circulation et les formes prises par les échanges »168
.
La réflexion géographique toute entière se fait à présent à l’échelle des réseaux urbains169
,
notamment dans le domaine de l’aménagement du territoire comme en témoigne Jean-Louis Guigou :
« le capital se concentre, transformant radicalement l’espace. Celui-ci était constitué d’une surface,
de frontières et de distances. L’espace devient un graphe, c'est-à-dire un réseau de points, de nœuds,
de pôles entre lesquels la circulation est de plus en plus rapide et fréquente »170
. Le Schéma de
Développement de l’Espace Communautaire (SDEC) part d’un constat : la globalisation financière et
l’internationalisation de l’économie privilégient spontanément les régions les plus avancées171
(Allain,
Baudelle, Guy, 2003). L’Europe est menacée par le modèle centre/périphérie y compris dans le
domaine du transport : les nœuds majeurs des régions centrales puissamment interconnectées
165
Article « réseau urbain », LEVY, J., LUSSAULT, M. (2006), Op.Cit., pp.797 166
Les semblables qui sont aussi des rivaux, ont bien plus à échanger entre eux qu’avec des laboratoires qui
travaillent sur d’autres sujets. 167
BAILLY, A., FERRAS R., PUMAIN D. (1995), Op. Cit., pp.638 168
BAILLY, A., FERRAS R., PUMAIN D. (1995), Ibidem, pp.640 169
Cette idée que le réseau est partout date des années 1990 170
Propos de Jean-Louis Guigou cité par Jean Louis Carrière dans ALLAIN, R., BAUDELLE, G., GUY, C.
(2003), Le polycentrisme, un projet pour l’Europe, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, pp.145. 171
Le polygone Londres, Paris, Milan, Munich, Hambourg notamment
51
délaissent les espaces interstitiels marginalisés. En somme, la mono centralité autour du pentagone des
villes européennes de la « banane bleue » qui concentre une part jugée trop importante de la
population et des activités jusqu’à la congestion est dénoncée. Le mot « centre » devient alors
synonyme de monolithisme, de monocentrisme, de centralisation, de dissymétrie des flux, d’injustice à
l’égard des territoires périphériques ce qui est contraire aux objectif de l’UE de cohésion économique,
sociale, territoriale, de cohérence et de convergence (objectif 2007-2013). Le mot polycentrisme
apparaît172
alors comme un modèle de développement associé aux mots : équilibre spatial, partage des
pouvoirs de décision, émulation et coopération (Baudelle, Castagnède, 2002). Il s’agit de se concentrer
sur les régions considérées comme périphériques pour agir. Or l’application du concept de
polycentrisme passe par la mobilisation de deux outils : « le développement d’une armature urbaine
relativement décentralisée qui permet de valoriser le potentiel économique de toutes les régions de
l’UE »173
et « la promotion de schémas de transports et de communications intégrés qui favorisent le
développement polycentrique du territoire de l’UE et qui représentent un préalable important pour
une intégration active des villes et régions européennes dans l’UEM »174
. C’est ainsi que les réseaux
transeuropéens contribuent à raccorder les zones centrales et les zones périphériques. La coopération
interrégionale et les projets transnationaux et transrégionaux facilitent la mise en place de ces deux
outils175
. Avec l’initiative communautaire INTERREG II C, l’UE a lancé, dès 1996, une approche
novatrice pour une politique intégrée de développement spatial à l’échelle transnationale. La région de
la Baltique fait partie de ce programme comme d’autres régions176
.
Le réseau va de pair avec l’intégration spatiale et donc, une forme de régionalisation : « Nous
pouvons parler d’intégration spatiale à propos des processus de rapprochement fonctionnel des
territoires par abaissement des obstacles qu’ils soient physiques, ou comme c’est le cas à l’Est de
l’Europe, politiques ou idéologiques. L’intégration désigne donc la connexion des territoires, c'est-à-
dire le développement de réseaux et de flux»177
.
Quelles sont donc ces formes de coopérations institutionnelles et ces infrastructures, véritables
réseaux, qui favorisent à la fois à l’échelle de l’UE, un développement équilibré et durable et à
l’échelle de la Baltique, une intégration spatiale ?
172
Ce mot est d’abord apparu chez des aménageurs dans les années 1990 en Allemagne. 173
Commission européenne (1999), Schéma de Développement de l’Espace Communautaire, Luxembourg,
Office des Publications Officielles des Communautés européennes, pp.21 174
Commission européenne (1999), Loc.Cit. 175
« Pour contribuer à renforcer et à rééquilibrer la structure urbaine sur l’ensemble du territoire, il faudra
trouver de nouvelles méthodes et de nouvelles solutions qui permettent aux villes et aux régions de se compléter
et de coopérer », Commission européenne (1999), Ibidem, pp.22 176
Comme la mer du Nord, la façade Atlantique. 177
SERRY, A., (2006), La réorganisation portuaire de la Baltique orientale – L’émergence d’une nouvelle
région en Europe, thèse soutenue à l’université du Havre le 24 novembre 2006, pp.9
52
2.2 Les réseaux institutionnels, du Jumelage à la construction de réseaux économiques
Les réseaux immatériels constituent la première forme de réseau en Baltique. Depuis 1992,
une multitude d’organismes a vu le jour dans la région. On estime aujourd’hui à plus de 70 le nombre
de réseaux coopératifs existant dans et autour de la région et certains critiquent déjà ce qu’ils nomment
une saturation. Cette coopération est observable à toutes les échelles (locale, communale, régionale) et
concerne tous les acteurs (privés, semi privés, publics). Cet échange institutionnel est une forme
complète d’intégration : La régionalisation est en effet plus complexe qu’une seule régionalisation de
l’économie qui mettrait simplement en avant l’importance des productions et des flux d’échanges
(Serry, 2006)
Souvent, ces réseaux de coopérations font référence explicitement à la Hanse dans leur nom ou
leurs représentations. Mais ces réseaux s’éloignent des modes de coopérations hanséatiques
historiques. La coopération ne se fait plus seulement entre des villes. Elle se voudrait plus politique
qu’économique. Les acteurs coopérants définissent un thème ou des axes prioritaires sur lesquels
coopérer qui peuvent toucher des domaines variés (environnement, culture). Enfin, comme le confirme
Pawel Zaboklicki, elle prend des dimensions moindres : « La Ligue Hanséatique peut être un modèle
pour nous, mais elle était beaucoup plus importante à l'époque (…) Pour tous les grands projets
d'infrastructures qui contribueront à dynamiser la région, ce sont les gouvernements et éventuellement
des sociétés privées qui décident, pas les villes »178
. Pourtant, et là encore, parler de nouveaux réseaux
hanséatiques est contestable, rappelons que la Hanse n’était en rien politique. « Le contraste est
frappant entre l'ampleur de ses réalisations et l'inconsistance de sa structure, assemblée plus ou moins
formelle de villes qui ne sont jamais pleinement souveraines, et que nul ne peut recenser avec
exactitude »179
.
Ces réseaux de coopération institutionnelle sont présents à Gdansk, Brème et Riga sous trois
formes : les jumelages entre villes, les échanges de délégations et les réseaux de coopération se
construisant sur des thèmes définis.
178
BARON, A., « Passé Hanséatique et désir d’Europe », La Tribune, 26 Août 1998 179 RAUGLAUDRE, Pascal (de), « Le littoral méridional de la Baltique. De Copenhague à Saint-Pétersbourg :
renaissance d’un littoral oublié », in GIBELIN B., (dir), (1998), Géohistoire de l’Europe médiane, Paris, La
Découverte/Livres, Hérodote, pp.70-71
53
Photo n°5 : Les Stadtmusikanten et la statue de Roland….à Riga,
symbole des jumelages et des échanges entre les deux villes
Ici apparaît bien l’intensité du jumelage Brème/Riga, photo prise le Lundi 18 Février 2008 par Nicolas Escach.
La pratique des jumelages laisse apparaître un fort lien entre Brème, Gdansk et Riga. Brème
est en effet la ville jumelle de Gdansk depuis 1976 et de Riga depuis 1985 aux côtés de Dalian,
Rostock, Haifa, Bratislava (villes non baltiques). Brème est ainsi présente dans les deux villes à
travers l’existence de reproductions des Bremer Stadtmusikanten ou de la statue de Roland. Le
Jumelage entre Gdansk et Brème est symbolique et participe à la réconciliation entre Pologne et
Allemagne. En décembre 1970, la RFA et la république populaire de Pologne signent un des contrats
les plus importants entre les deux pays. Les bases d’un jumelage sont élaborées par Hans Koschnik,
maire de Brème, avec Andrzej Kaznowski, maire de Gdansk à Varsovie. Un nouvel élan vient, en
1975, de la conférence d’Helsinki sur la sécurité et le travail commun en Europe. La coopération entre
les habitants des différents états est perçue comme un élément important de la politique de détente.
Ainsi le 12 Avril 1976, le contrat de jumelage entre Brème et Gdansk est signé. Ce jumelage est le
premier de la république populaire de Pologne avec l’Allemagne. Il doit permettre la réconciliation et
le pardon180
. Le Jumelage avec la ville de Gdansk est encore aujourd’hui l’un des plus importants pour
Brème. Les travaux communs ont été depuis 1970 de diverses natures : symboliques (reconstruction
des cloches de l’église Ste Catherine et des orgues de l’église Ste Marie), économiques (séminaires
bilatéraux sur le management d’entreprise, échange de compétences, ouverture du Bremen Business
Bureau à Gdansk , organisation des « Journées économiques de Brème » à Gdansk pendant lesquelles
des représentants de 40 entreprises de Brème ont rencontré 90 entreprises polonaises),
180
Entretien du 11/02/2008 avec Jamshid.Saberi chargé des jumelages et des échanges culturels auprès du
département culture du Sénat de Brème. Etude de son article « Die Entstehung, Hintergründe und die Erfahrung
der Städtepartnerschaftlichen Beziehungen Bremens und die alternativen Vorschläge für die Erweiterung der
Beziehung »
54
environnementaux (dépollution de l’île de Sobieszewska), politique (soutien à Solidarność pendant la
lutte) (Riechel, 1996). Le contrat entre Brème et Riga est également essentiel. La signature du contrat
intervient le 15 Février 1985. La coopération là encore recherche les échanges économiques181
. Le
comptoir de la Hanse182
de Brème/Rostock est fondé à Riga. Il doit en plus d’une intensification des
relations et échanges culturels avec Riga faire une place pour les entreprises de Brème. Le travail des
deux chambres de commerce, un travail commun des deux ports, et les activités des entreprises de
Brème à Riga sont importants. Bien entendu, les échanges culturels et scolaires sont aussi essentiels.
Riga et Gdansk sont également jumelées avec des villes baltiques (Stockholm, Tallinn, Vilnius pour
Riga, Kalmar ou Turku pour Gdansk) mais ces villes sont cependant sous-représentées et ne
constituent pas la majorité des villes jumelées (7/16 à Gdansk, 7/31 à Riga). A Riga, les jumelages
avec les villes de l’ex- CEI sont importants (Minsk, Kiev). De même, les voyages de promotion de
Gdansk et Riga à l’étranger ne font pas une place majeure aux villes hanséatiques (en 2001, Gdansk
s’est rendu à Utrecht, Bruxelles, Berlin, Prague, Paris, Göteborg, Gosiar, Riga, Lipsk, Cologne,
Londres183
).
Carte n°3 : Villes Jumelles de Brème, Gdansk et Riga
Source : Sites internet des mairies de Gdansk, Brème et Riga
Conception et Réalisation : Escach, 2008
On peut se poser alors la question de la place de la Hanse dans la fondation de ces jumelages.
Les acteurs sur ce point sont partagés. Pour Andrea Frohmader184
, elle est minime. Il faut mettre en
181
A partir de l’Entretien avec J.Saberi 182
Hansekontor 183
Source : Fot Kosycarz, Niezwykle Zwykle Zdjecia, Kosycarz Foto Press, Gdansk 2006 184
Entretien du 08/02/2008 avec Andrea Frohmader, chargée des relations internationales auprès du
Senatkanzlei
55
avant la présence de liens familiaux dans les villes concernées, la volonté de réconciliation. Arnaud
Serry préfère mettre en avant un besoin longtemps réprimé de contacts. Jamshid Saberi185
lui, établit
une filiation directe entre les relations médiévales et les jumelages. A Brème, le mot « Jumelage » ou
Partnerschaft a été remplacé par le mot Rahmenvereinbarung 186
qui englobe plus que de simples
échanges entre délégations mais qui signifie une proximité des citoyens et la création de réels projets
communs. Or cette étroite liaison est historique et remonte à l’époque de la Hanse. Il avoue que dans
le jumelage entre Gdansk et Brème, le maintien des traditions allemandes à Gdansk a joué un rôle dans
la signature du contrat. L’étude des discours des acteurs politiques lors des 20 ans du jumelage
Brème/Gdansk est essentiel : le maire de Gdansk, Pawel Adamowicz, insiste sur une base hanséatique
: « Les vingt ans de travail commun entre Brème et Gdansk peuvent sembler peu au regard de 1000
ans d’histoire commune »187
. Pour Brème, la problématique est la même comme le suggère un article
du Journal of Baltic Studies : “Dans le cas de Brème, certes, c’est le régime soviétique qui suggéra
Riga comme ville jumelle. Brême trouva cette suggestion particulièrement intéressante en raison de
l’histoire commune des deux villes. L’histoire consistait en plusieurs siècles trouvant leur point
d’orgue pendant la période de la Ligue Hanséatique »188
. Les jumelages pourraient représenter
« l’opportunité d’exposer une identité régionale à l’étranger ». Pour autant, et contrairement à ce que
l’on a souvent dit, les jumelages ne constituent pas la forme la plus évidente d’un réseau régional fort.
Les autres coopérations institutionnelles sont plus essentielles. Il apparaît que Brème
participant à la fois à des réseaux de coopération liés à la mer du Nord, à la mer Baltique et à des
réseaux internationaux dépend moins des réseaux baltiques que Gdansk ou Riga. La ville est moins
présente voire absente dans ceux-ci ce qui peut s’expliquer par sa situation (en mer du Nord).
De nombreux réseaux baltiques pourraient être cités comme l’«Union des Cités de la
Baltique » ou UCB189
, l’ « Organisation des Ports de la Baltique » ou BPO190
, le « Parlement
Hanséatique » qui promeut les transferts de technologie et de savoir faire comme une réponse à la
mondialisation191
, la « Nouvelle Hanse »192
, l’«Ars Baltica » ou encore l’ « Association des Chambres
185
A partir de l’Entretien avec J.Saberi 186
Contrat « Cadre » 187
Discours tenu par Pawel Adamowicz lors des 20 ans du Jumelage entre Gdansk et Brème, receuillis à la
bibliothèque universitaire de Brème : „die zwanzig Jahre der Zusammenarbeit zwischen Bremen und Danzig
mögen angesichts der über tausendjährigen Geschichte der beiden Städt als kein allzu langer Zeitabschnitt
erscheinen » 188
PUSYLEWITSCH, T., BALTAIS, M., (1988), «The city partnerschips Tallinn-Kiel, Riga-Bremen and
Vilnius-Duisburg as vehicles for the representation of regional identity abroad», Kiel, Journal of Baltic Studies,
Vol.XIX, N°2, pp.157 et pp.162 : «In the case of Bremen, however, it was the Soviet side that suggested Riga as
a partner city. Bremen found this particularly pleasing suggestion in view of the common history of the two
cities. The history spans several centuries finding its high point during the period of hanseatic league» (…) «the
opportunity to represent a regional identity abroad» 189
Réseau auquel participent Riga et Gdansk 190
Réseau auquel participent Riga, Gdansk et Gdynia 191
Réseau auquel participent Riga et Gdansk 192
Réseau auquel participent Riga et Gdansk
56
de Commerce de la mer Baltique »193
. La plupart de ces organisations dépendent de près ou de loin du
« Conseil des Etats de la Baltique » (CEB) et sont financés par les programmes INTERREG, initiative
européenne d’aide à la coopération interrégionale dans l’espace européen. La région de la mer
Baltique est l’une des régions européennes du programme de coopération européen INTERREG III-B
pour la période 2000-2006.
La place d’une histoire commune dans ces organisations institutionnelles a été étudiée par
Hilde Dominique Engelen (Gotz, Hackmann, Hecker- Stampehl, 2006), qui a réalisé un tableau à
double entrée : les organisations dessinent les lignes alors que les colonnes sont occupées par les
raisons de leur création : une histoire commune, un espace économique actuel ou futur, des similitudes
culturelles et/ou politiques, des menaces sécuritaires ou des défis écologiques communs. Or pour les
cas de l’« Ars Baltica » et de l’UCB, l’histoire commune a joué un rôle important. Anders Engström,
le premier président de l’UCB évoque cette continuité historique : « Les villes de la Baltique ont
tellement en commun une longue histoire et un futur prospère que l’on peut les utiliser pour résoudre
quelques uns de nos problèmes contemporains”194
. Or ces organisations agissent dans la pratique,
toutes dans des domaines différents (culture, management portuaire…).
Le « Hanse Passage » est un exemple de coopération institutionnelle à l’échelle des régions
financée par Interreg III-C et à laquelle participent Brème, Gdansk et Riga. Ce projet est né de la
création en 1991 de la région transfrontalière Neue Hanse Interregio à Brème. La ville avait cité les
processus de coopération comme une priorité de sa politique, dans un contexte de mondialisation,
comme une réaction à la concurrence croissante entre les villes (ARBEITSKAMMER Bremen,
ANGESTELLTENKAMMER Bremen, 1995). La région transfrontalière comprenait alors le Land de
Brème, le Land de Basse-Saxe (Allemagne), la Province de Fryslan, la Province de Drenthe, de
Groningen et d’Overijssel (Pays Bas). Ces 6 régions coopérèrent et échangèrent. Face au succès de la
Neue Hanse Interregio , les acteurs cherchent alors à élargir la coopération et en 1999, ils évoquent la
possibilité de mise en place du programme « Hanse Passage », qui a lieu en 2002, ouvrant leur porte à
de nouvelles régions dont la Voïvodie de Poméranie, la région de Riga et la région Haute-Normandie
(le Havre). 23 projets sont définis et réalisés entre 2003 et 2007 suivant trois axes principaux (intitulés
« Cluster A, B, C ») : les nouvelles formes de gouvernance, la planification sociale et économique,
l’innovation et les ressources humaines195
. Le programme est à présent terminé et a connu un certain
succès : cela a permis aux acteurs de Brème de se confronter à une ouverture internationale et de se
193
Réseaux auxquels participent Riga et Gdansk 194
Cité par ENGELEN, H.D., in : GOTZ, N., HACKMANN, J., HECKER-STAMPEHL, J. (dir.), (2006), Op.
Cit., pp.79 : «The cities of the Baltic Sea will have so much in common the long history and a prosperous future,
if we can manage to solve some of our present problems », discours lors de la conference inaugurale de l’Union
des villes de la Baltique, Gdansk, 19-20 septembre 1991. 195
Site du « Hanse passage »
57
remettre en question196
. Si Brème cherchait surtout à échanger des points de vue sur des questions
générales (transport des malades et des médicaments, gestion des rues piétonnes), Riga souhaitait par
ce programme chercher les meilleurs moyens de construire une liaison entre la ville et son aéroport. Le
but dans les thèmes définis par le « Hanse Passage » est donc d’échanger idées, compétences et de
construire des réseaux d’experts. Un travail a par exemple été fait pour mieux connecter activités
portuaires et villes.
Le projet du Cluster A nommé A08 « La Hanse allemande, le reflet du miroir » qui cherche à
étudier l’histoire de la Hanse afin de construire de nouveaux réseaux régionaux est l’un des projets les
plus intéressants pour notre sujet. (Brand, 2007). Voici en quoi il consiste : “Ce projet contribuera à
un dialogue entre historiens, sociologues et politiciens. Des recherches sur les principes basiques de
la Hanse allemande (…) produiront des indicateurs sur les modalités d’une nouvelle forme de
gouvernement régional. Le projet pointera l’importance des connaissances historiques dans le
processus moderne d’intégration »197
. Cette question est essentielle et a fait l’objet d’une querelle
entre historiens que synthétisent les travaux de Hanno Brand. Elle étudie ces indicateurs «qui ne
consistent pas en une solution claire », mais qui « dérivent d’analogies entre les événements
contemporains et le passé hanséatique » et qui obligent les acteurs « à se poser de nouvelles questions
sur l’innovation, l’adaptation, l’intégration, la diversification, la communication… »198
. Mais la place
que doit prendre l’histoire dans l’action en termes de coopération a été relativisée. La reconduction du
« Hanse Passage » autour du thème de l’innovation est en discussion et sera décidée cet été.
2.3 Les réseaux matériels
Les réseaux d’infrastructures constituent, par opposition aux organismes de coopération, les
réseaux matériels. Ce sont les échanges matériels et immatériels qui, rappelons le, forment les réseaux
de villes. Ceux-ci, la plupart du temps, suivent les voies naturelles de circulation et la forme des
échanges. L’intégration économique accrue qui se profile dans la région baltique exige et suppose des
réseaux d’infrastructures et de transports qui soient placés sous le signe de la durabilité199
(Serry,
196
Entretien du 12/02/08 avec Horst Seele Liebetanz, co-responsable du projet „Hanse Passage“ 197
Voir sur le site du «Hanse Passage» : «This project will accept this challenge as it desires to contribute to a
dialogue between historians, sociologists and political planners. It will offer a long term comparative analysis of
a series of indicators laying at the basis of a long lasting interregional networks. Research into the basis
principles of the German Hanse will point to such long term developments and produce indicators for modalities
of new forms on rergional government». (...) «It will point to the importance of historical knowledge for modern
integration processes» 198
BRAND, H., (2007), The German Hanse in past and present Europe, Groningen, Hanse Passage Castel
international Publisher, des extraits de l’ouvrage sont disponibles sur internet : http://www.hanse-
passage.net/hansepassage/projectax.phtml?content=Cluster%20A%20Projects&id=23 (Consulté le 05 Juin
2008). 199 Bien entendu, nous avons conscience que cette affirmation pose la question des effets structurants : la
réalisation de nouvelles infrastructures est-elle à même de susciter ou d’accélérer le développement économique
dans les régions concernées ?
58
2006). Trois réseaux infrastructurels sont essentiels en Baltique : les réseaux aériens, les réseaux
routiers et ferroviaires et les réseaux maritimes de ferries.
Les réseaux aériens ont connu depuis une quinzaine d’années de profondes modifications.
Carte n°4 : Les liaisons aériennes au départ de Riga, Brème et Gdansk
Le réseau aérien au départ de Riga dessine une étoile parfaite en termes de liaisons. Mais les
liaisons les plus régulières se font vers l’Ouest de l’Europe (Allemagne, Angleterre) et le Nord de
l’Europe (Danemark, Suède, Finlande). C’est ce que constate Pascal Orcier : « La Lettonie a effectué
depuis le retour à l’indépendance un redéploiement de ses échanges aériens vers l’Ouest (…) Riga est
reliée aux capitales européennes grâce aux hubs aériens de Stockholm, Copenhague, Francfort,
59
Amsterdam, Londres, Munich, Prague ou Berlin »200
. L’Europe occidentale est donc très présente ce
qui fait dire à Frank Tétart que, dans son ensemble, « le réseau aérien letton apparaît plus équilibré
que celui de l’Estonie car moins centré sur l’espace baltique et davantage orienté vers les grandes
villes européennes »201
. Ce propos doit être nuancé et l’espace baltique (hors Allemagne) représente
tout de même une part importante des vols (48.4% des vols202
). L’Allemagne occupe une place non
négligeable (11% des vols) et ce pays est la destination pour laquelle il existe le plus de liaisons (une
soixantaine par semaine dans de multiples villes). Ceci s’explique bien entendu par des relations
économiques essentielles, l’Allemagne étant l’un des principaux investisseurs en Lettonie. Mais Riga
est également, dans une moindre mesure, connecté avec l’espace ex-soviétique (14.7% des vols)
notamment la Russie, la Biélorussie et l’Ukraine. L’aéroport joue en effet le rôle de hub balte pour la
compagnie SAS. Le maintien de vols fréquents avec l’espace ex-soviétique s’explique par la présence
dans le pays de 35% de russophones dont 30% de russes et par les intérêts économiques forts qui
continuent de lier Russie et Lettonie. L’ouverture internationale est assurée par la mise en place en
2004 de la ligne Tachkent-Riga-New York. Cette ligne ouvre aux états baltes les portes de l’Amérique
et de l’Asie du Sud-est puisque « Uzbekistan Airlines » dessert depuis Tachkent de nombreuses
métropoles asiatiques (Delhi, Kuala Lumpur).
Le réseau aérien au départ de Gdansk203
forme un demi-cercle. Les liaisons aériennes semblent
dans leur ensemble vouées à l’Europe de l’Ouest et surtout à l’Allemagne (32.7% des vols) et
l’Angleterre (22% avec l’Irlande des vols) si l’on excepte les liaisons intérieures (28.5% des vols).
L’espace baltique hors Allemagne ne collecte que 16% des vols. Les hubs de Stockholm et
Copenhague sont bien sûr desservis mais les pays baltiques représentent une partie minime des vols.
A Brème204
, le réseau prend comme à Riga la forme d’une étoile. Mais outre les liaisons vers
l’Angleterre et les liaisons intérieures, les liaisons vers le Sud de l’Europe et notamment vers les
destinations de vacance comme l’Italie et l’Espagne sont les plus régulières. Ainsi de nombreuses
destinations sont proposées vers les côtes espagnoles et les Baléares. L’aéroport accueille en effet des
Low Cost (Ryanair) et de nombreux charters. Hors vols intérieurs, la Baltique représente par semaine
16 vols sur 236 vols soit 6.7%.
200
ORCIER, P. (2005), La Lettonie en Europe, Paris, Belin, pp.91 201
TETART, F. (2005), «L’envol européen des Etats Baltes», in : « L’espace Baltique Isthme russo-européen »,
Le courrier de l’Est, Paris, La documentation française, n°1048, Mars-Avril 2005, pp.55 202
Pour le calcul de ce pourcentage, nous avons pris le nombre de vols à destination de villes baltiques (c’est à
dire d’un des pays riverains de la Baltique) et nous l’avons rapporté au nombre de vols total. Lorsqu’il y a deux
vols par semaine pour Stockholm, nous comptons deux vols. 203
D’après le site internet de l’aéroport de Gdansk et les documents marketing de la ville 204
D’après le site internet de l’aéroport de Brème et les documents marketing de la ville
60
A l’issue de cette analyse, on peut conclure que : la dépendance des pays de la Baltique envers
l’Allemagne (ici Brème) est plus forte que la dépendance de l’Allemagne envers la Baltique, que
Brème, Gdansk et Riga présentent une composante régionale dans leurs destinations loin d’être
exclusive et que les villes régionales desservies servent souvent de hubs (Stockholm, Copenhague).
Ainsi, on retrouve ici le schéma des « hubs and spoke » que l’on observera pour les échanges
maritimes.
Carte n°5 : Un réseau routier baltique : Outil de l’intégration spatiale ?
Un réel réseau régional est-il plus visible dans le tracé des infrastructures routières ? Dans ce
domaine, l’action de l’Union Européenne a été très forte notamment en termes de financement. La
planification spatiale en matière de transport en Baltique205
suit un programme voté en 1994 par les
ministres de l’environnement et de la planification territoriale des pays riverains intitulé « VASAB
2010 »206
. L’idée est de connecter entre elles les « perles de la Baltique » à savoir les villes maritimes
par des réseaux intermodaux d’infrastructures de transport. En 2001 à Wismar, des actions concrètes
sont proposées et collectées dans un document appelé « Vasab 2010 PLUS Spatial Development
Action Programme » classées en 6 thèmes clés (la coopération des régions urbaines, l’identification de
zones de développement stratégiques pour l’intégration transnationale, les transports transnationaux, la
205 D’après le site de Vasab 2010 : http://www.vasab.org/ (Consulté le 15/05/2008) 206
“Visions and Strategies Around the Baltic Sea until 2010”
61
diversification et le renforcement des aires rurales, la création de réseaux transnationaux concernant
les paysages naturels et les paysages culturels, un développement intégré des zones côtières et des
îles). « Vasab 2010 » permet donc la création d’un véritable réseau de villes en favorisant un modèle
polycentrique, faisant émerger plusieurs villes reliées par un système de transport. Le projet reprend
ainsi, en considérant les Réseaux Transeuropéens de Transport (RTE-T) comme l’une de ses priorités,
les documents programmatiques de l’UE, tels que le SDEC et la décision n° 1692/96/CE du Parlement
européen et du Conseil du 23 juillet 1996 sur les orientations communautaires pour le développement
du « Réseau Transeuropéen de Transport ». Cette loi avait été complétée en 2004 par une liste de 30
« projets transeuropéens prioritaires » qui reprenait les « Réseaux Transeuropéens de Transport » mais
qui est à mettre aussi en regard avec les « corridors de transports paneuropéens prioritaires » définis en
Crète et à Helsinki en 1999.
Parmi ces 30 projets207
, on trouve, outre une autoroute et une voie ferrée partant de Gdansk208
, les
autoroutes de la mer209
définissant des voies maritimes pour l’échange de fret notamment entre les
pays riverains de la mer Baltique, et un projet de « Rail Baltica »210
devant relier Helsinki à
Varsovie211
via Tallinn, Riga et Kaunas212
. Les « via Baltica » et « via Hanseatica » n’ont pas, en
revanche, été retenus parmi les 30 projets prioritaires et avaient été définis comme « corridors
paneuropéens prioritaires » à Helsinki. La « via Baltica »,213
dont la réalisation intégrale est prévue vers
2015-2020 et dont les travaux sont déjà bien avancés, doit relier Helsinki, Tallinn, Riga, Kaunas,
Varsovie et Berlin (Marin, 2004). La « via Hanseatica »214
permettra, quant à elle, de rejoindre
Lübeck depuis Saint-Pétersbourg via Narva, Tartu, Riga, Valga, Šiauliai, Kaliningrad, Gdansk,
Szczecin, Rostock.
Les projets de « via Baltica », « via Hanseatica » et « Rail Baltica » sont fortement orientés
Nord/Sud. En effet, l’UE et les acteurs de « Vasab 2010 », sont partis d’un constat : dans le système
soviétique, les trois pays baltes et Kaliningrad formaient une même région économique, bien que sans
réalité administrative et les réseaux terrestres servaient à acheminer les marchandises entre les ports et
les grands centres de population ou de production situés en Union Soviétique. Dans ces réseaux,
l’accent était donc mis sur les relations Est-Ouest alors que les relations Nord-Sud et leurs
infrastructures étaient souvent négligées (Hyzy, 1996). Le but des axes « via Baltica/Rail Baltica » et
207
Financés par les fonds TACIS, PHARE et INTERREG 208
Projets RTE prioritaires n°23 et n°25 (2004) reliant Gdansk à Varsovie, Brno, Bratislava et Vienne, voir site
internet : http://ec.europa.eu/ten/transport/projects/doc/2005_ten_t_fr.pdf (consulté le 05/06/2008) 209
Projet « RTE prioritaire » n°21 (2004) Ces autoroutes de la mer sont au nombre de quatre : l’une relie les
golfes de Botnie et de Finlande à la Suède puis à l’Atlantique, la deuxième assure la connexion avec le Portugal
et longe les côtes françaises, la troisième, orientée Est/Ouest, permet la traversée de la méditerranée et la
quatrième atteint la mer du Levant et la mer Noire 210
Projet « RTE prioritaire » n°27 (2004) 211
D’après l’article « De Varsovie à Helsinki : « Rail Baltica », un projet imaginatif, stratégique et durable »,
Inforegio, Panorama, N°18, pp.23 212 A Kaunas et à Riga, des liaisons en correspondance avec la ville de Vilnius et les villes lettones permettront
une parfaite connexité de l’ensemble des villes baltiques 213 Définie en 1999 comme corridor paneuropéen d’Helsinki I 214
Définie en 1999 comme corridor paneuropéen d’Helsinki IA
62
« via Hanseatica » est donc bien de mettre les villes de Riga et de Gdansk en liaison rapide avec le
cœur de l’Union Européenne, plus que de relier les trois états baltes entre eux, même si cet élément
compte également. La liste des « projets transeuropéens prioritaires » le précise bien : le « Rail
Baltica » pourra « favoriser l’intégration (…) dans la future Union élargie », favoriser « les échanges
avec l’ensemble des pays européens »215
.
La « via Baltica » et la « via Hanseatica », reprennent en partie les anciennes routes terrestres
hanséatiques (notamment entre Riga et Tallinn, entre Riga et Tartu, ou entre Gdansk et Kaliningrad)216
L’Union Européenne a également mis en place deux projets nommés « Sebtrans » et « Sebtrans
Link » (Serry, 2006). Ceux-ci cherchent à adopter une vision globale en connectant entre eux les
réseaux transeuropéens et paneuropéens baltiques, en utilisant la multi-modalité, et en cherchant à
transformer les axes de transport régionaux en zones de développement transnationales. Ils cherchent à
utiliser les atouts de chaque pays et les infrastructures de transport pour proposer un développement
économique intégré et cohérent ainsi que durable. Tel était également l’objectif du projet « Baltic
Palette » qui a donné lieu à deux rapports « Baltic Palette I et II » en 2001.
Riga et Gdansk font partie du réseau Sebtrans, réseau « en arbre » autour de la Suède. Il est certain
que ces projets créent un véritable réseau autour de la Baltique et entre les trois villes, d’autant plus
que Brème est relié à Berlin et Lübeck par un dense réseau d’autoroutes. Cependant, Brème, situé sur
la Mer du Nord, n’est pas pris en compte directement dans ces projets.
Mais, bien entendu, la mer Baltique crée une discontinuité donc un manque de connexité dans le
réseau routier. L’un des réseaux les plus abouti est donc apparemment le réseau de ferries qui a été
inclus dans le projet « Sebtrans Link ». Arnaud Serry le confirme « la mer Baltique est le support du
trafic de ferry le plus intensif du monde » (…) « Le trafic de passagers en mer Baltique est sans aucun
doute le meilleur exemple des échanges intra-baltiques. Il peut de fait être perçu comme le révélateur
d’une nouvelle organisation spatiale régionale »217
.
Une carte des liaisons ferries218
de la mer Baltique met en évidence une inégalité entre l’Ouest et
l’Est de la Baltique (gradient Ouest/Est). Le trafic de ferries est concentré sur quatre aires principales :
des liaisons entre le Danemark et la Suède, le Danemark et l’Allemagne, la Suède et la Finlande et la
Finlande et l’Estonie. Le réseau est donc plus dense à l’Ouest qu’à l’Est de la Baltique.
Les trois villes étudiées possèdent cependant des connexions en ferries219
. Ainsi si Brème et
Bremerhaven sont plutôt des ports de départ pour les îles de la mer du Nord (Helgoland, Wangerooge),
215
Fiche technique des projets disponible à cette adresse :
http://ec.europa.eu/ten/transport/revision/hlg/2003_report_kvm_annex_fr.pdf (Consulté le 05/05/2008) 216
Entretien du 20/02/08 avec Zaiga Krisjane, maître de conférences à la faculté de Géographie de Lettonie 217
SERRY, A., (2006), Op.Cit., pp.129-130-131 218
Voir le site de Virtu Ferries :
http://www.virtuferries.com/index.aspx (Consulté le 16/05/2008)
63
Gdansk est relié à Nynäshamn en Suède, Gdynia à Karlskrona en Suède, et Riga à Stockholm et
Nynäshamn.
La Suède est le pays centralisant le plus les lignes de ferries en provenance des villes de la
Baltique méridionale et orientale. L’Allemagne centralise les lignes en provenance de Norvège ou du
Danemark. Peut-on alors parler vraiment de réseau réticulaire ou est-on devant un réseau « bi-
polaire » ?
Sans aller jusque là, il existe en effet peu de liaisons entre Pologne, Lettonie et Lituanie. Certes,
ces axes sont pris en charge par le trafic routier. Mais il est intéressant de constater que les lignes
ferries suivent également des intérêts économiques. Et pour cause, « Le transport par ferries ne se
limite pas aux personnes, ainsi, en 1998, plus de 40 millions de tonnes de marchandises ont été
transportées sur ces navires220
ce qui signifie environ 1.8 millions de camions et 350 000 wagons221
».
Quels sont donc ces flux économiques, cette « infostructure », qui s’appuyant sur les
infrastructures de transport rend concrète l’intégration spatiale Baltique ? Une intégration régionale est
en effet synonyme de renforcement du maillage du réseau mais également d’intensification des flux :
« Le commerce extérieur est l’un des champs les plus remarquables de l’intégration régionale qui
forme une source non négligeable de revenu et de bien être économique (…) Alors que l’on insiste
souvent sur la réorientation des flux [baltiques] commerciaux vers l’Union Européenne renforcée par
les délocalisations, depuis 1994, les flux intra-régionaux se montrent très dynamiques et évoluent
même plus rapidement que les échanges avec l’UE. (…) A l’aube du XXIe siècle, les courants
commerciaux ont sensiblement augmenté et un réseau intensif se met en place dans la région »222
.
3. Un réseau inachevé : le constat d’une régionalisation impossible ?
3.1 Etat des flux économiques à Gdansk, Brème et Riga
Tableau n°1 : Trafic portuaire de Gdansk/Gdynia en 2006
Ports Gdansk Gdynia Gdansk/Gdynia
Partie du Monde Milliers de tonnes % Milliers de tonnes % Milliers de tonnes %
Europe 13 480 61,2 10 462 85,6 23 942 70,4
Afrique 1 535 7,0 327 2,7 1 862 5,5
Asie 3 658 16,6 150 1,2 3 808 11,2
Amérique 3 091 14,0 1 276 10,4 4 366 12,8
Océanie 28 0,1 0 0,0 28 0,1
Total 22 034 100 12 218 100 34 006 100 Source : Latvijas Statistikas
Conception, réalisation : Nicolas Escach, 2008
220
Ici il est question des ferries effectuant des liaisons entre les villes de la Baltique 221
SERRY, A., (2006), Op.Cit., pp.130-131 222
SERRY, A., (2006), Ibidem., pp.275
64
Les échanges économiques intra régionaux en Baltique sont le fait de deux phénomènes : les
flux maritimes de natures diverses et les investissements directs à l’étranger. Observons donc ces flux
économiques pour les exemples de Brème, Gdansk et Riga.
Un premier angle d’analyse peut être le relevé des pays de destination ou de provenance des
importations et exportations de toutes natures223
. A Gdansk 61.2% du trafic maritime se fait avec
l’Europe et à Gdynia, 85.6%. Le port de Gdansk apparaît donc d’emblée plus international que celui
de Gdynia, commerçant avec l’Asie (16.6%) ou l’Amérique (14%). L’échelle européenne semble donc
bien adaptée pour analyser le trafic des ports de Gdansk/Gdynia. Deux cartes des importations et
exportations à l’échelle de l’Europe permettent donc une mesure plus fine.
Carte n°6 : Principaux partenaires commerciaux du port de Gdansk en 2006
Source : Yearbook of maritime economy 2007
Conception et réalisation : Escach, 2008 (logiciel Wincarto)
Carte n°7 : Principaux partenaires commerciaux du port de Gdynia en 2006
Source : Yearbook of maritime economy 2007
Conception et réalisation : Escach, 2008 (logiciel Wincarto)
223
D’après le «Yearbook of Maritime Economy 2007»
65
A l’échelle de l’Europe, les importations/exportations du port de Gdansk montrent une
composante régionale très forte mais pas exclusive. Le partenaire commercial le plus important est par
exemple les Pays-Bas avec 2 386 200 tonnes échangées en 2006. Suivent le Danemark, le Royaume-
Uni, l’Allemagne et la Suède (dans l’ordre). L’Allemagne est donc loin d’être le seul partenaire
commercial. Les importations/exportations du port de Gdynia font apparaître une omniprésence
beaucoup plus évidente des partenaires commerciaux régionaux. L’Allemagne occupe une place
prépondérante captant 34.9% du trafic avec 3 420 000 tonnes échangées en 2006. Suivent la Suède
avec 1 620 000 tonnes et la Finlande avec 1 618 000 tonnes. Entre les volumes échangés avec les pays
scandinaves et les volumes échangés avec l’Allemagne, on est donc dans un rapport du simple au
double.
Si l’on entre maintenant dans le détail qualitatif des échanges, on voit que le trafic
conteneurisé représente 2.45% du trafic de Gdansk mais 30.6% du trafic de Gdynia. Gdynia est le port
majeur d’entrée des conteneurs en Pologne (rappelons que les ports de Gdansk et de Gdynia sont les
deux premiers ports polonais en termes de trafic en 2006). Si l’on représente cartographiquement les
pays partenaires de Gdynia dans le trafic de conteneurs, le résultat est clair : l’Allemagne occupe une
suprématie totale avec 3 257 200 tonnes sur les 3 738 700 tonnes échangées soit 87.7%. C’est sans
doute parce que le trafic de conteneurs représente une part importante de l’ensemble du trafic de
Gdynia et parce que ce trafic se fait plutôt vers l’Allemagne que le trafic total de Gdynia s’oriente plus
nettement vers la région baltique et particulièrement vers les ports allemands.
Graphique n° 3 Part des IDE cumulés (1990-2006) par origine des investissements
Source : Memorandum of the Pomeranian Metropolis, Gdansk Banking Academy, Gdansk 2006
Tiré de : Atlas of the Gdansk Metropolitan Area 2007
Conception et réalisation : Nicolas Escach, 2008
66
Si l’on considère les statistiques des investissements directs à l’étranger, dans le cas de la ville
de Gdansk224
, comme à l’échelle de l’ensemble de la Poméranie225
, l’Allemagne domine nettement par
son apport de capitaux constituant environ 21% des IDE. En revanche, les pays suivants investissant à
Gdansk et en Poméranie ne sont pas que des pays baltiques. La France ou les Pays-Bas occupent une
place au moins aussi importante que la Suède, le Danemark ou la Norvège. Certes la composante
régionale est présente (16.5% des IDE à Gdansk et 18.5% en Poméranie hors Allemagne) mais elle est
assez faible.
Pour l’exemple de Gdansk et de Gdynia, il est donc possible de conclure que : la
régionalisation se fait surtout par les flux maritimes et peu par les IDE, le port de Gdynia paraît plus
régional que le port de Gdansk et plus axé sur le trafic de conteneurs, les partenaires commerciaux
régionaux principaux sont l’Allemagne et les pays scandinaves.
Le port de Riga ne peut être traité aussi précisément que les ports de Gdansk et de Gdynia car
peu de statistiques à l’échelle du port ont pu être trouvées. Faute de mieux, nous avons retenu des
chiffres à l’échelle de la Lettonie dans son ensemble226
. Concentrons nous donc sur les importations et
exportations de Lettonie (maritimes et non maritimes). L’Europe représente pour la Lettonie 93.4% de
son trafic227
soit quasiment la totalité. Si l’on prend en compte les flux entrant et sortant de Lettonie en
2006, on constate que la composante régionale est très forte. Les partenaires commerciaux les plus
importants sont les autres pays baltes (Lituanie, 2e, Estonie, 3e) et l’Allemagne (1er partenaire
commercial). L’importance des pays baltes peut être attribuée ici à la présence de tronçons de la « via
Baltica » et de la « via Hanseatica » qui ont pu créer un effet structurant. En revanche, il est possible
de supposer que l’importance de l’Allemagne est pleinement due aux flux maritimes. La Suède, la
Finlande et la Pologne occupent une place essentielle mais ce qui est remarquable, ce sont les liens
avec les pays de l’ex-CEI (Russie, Biélorussie, Ukraine). Si l’on sépare à présent les flux entrants des
flux sortants, on remarque que les importations viennent principalement d’Allemagne, des pays baltes
et de Pologne, Suède, Finlande ainsi que des pays de l’ex CEI, très présents. Pour les flux sortants, les
pays baltes, l’Allemagne, la Suède, la Russie et le Royaume-Uni se détachent nettement. Le Royaume-
Uni est le premier marché d’exportation pour les produits lettons, notamment le bois (Orcier, 2005).
Si l’on affine cette lecture quantitative par une lecture qualitative, on s’aperçoit que la Lettonie
échange avec la Russie surtout des produits minéraux, avec l’Allemagne et la Suède surtout des
conteneurs. Le trafic de conteneurs qui était l’un des éléments les plus importants du port de Riga sous
l’Union Soviétique est aujourd’hui en chute libre dans ce port passant de 24% avant 1990 du trafic à
10% en 1995 (Serry, 2006). Les liens avec l’ex-CEI sont en revanche toujours très importants. Si
l’activité des ports polonais repose pour une grande partie sur les ressources de l’économie nationale,
224
D’après «Atlas of the Gdansk Metropolitan Area 2007» 225
D’après « Pomorskie Region Economy 2007 » 226
D’après « Statistikas Latvijas » 227
Moyenne exportations et importations
67
le cas des ports lettons dont les trafics portuaires relèvent en grande partie des flux d’échanges en
provenance ou en direction de la Communauté des Etats Indépendants diffère. Les ports lettons, libres
de glace, sont en effet des ports de transit au cœur du trafic Est/Ouest entre les pays de l’ex-CEI et
l’Union Européenne. Dans ces échanges de transit qui représentent 80% du volume de marchandises
traitées dans le port de Riga (Orcier, 2005), la Russie prend une part importante. Les ports baltes se
livrent une intense concurrence pour capter les trafics russes (de pétrole raffiné amené vers les ports
baltes par voie ferrée, et de pétrole brut amené par oléoduc). La situation est en effet favorable :
L’Union Européenne compte pour 35% dans le commerce extérieur russe. Mais la Russie n’est pas le
seul hinterland de ces ports de transit. Pour la Lettonie, le développement des relations avec les Etats
de l’ex-CEI permet de diversifier ses fournisseurs pour réduire sa dépendance à l’égard de la Russie.
Cela d’autant plus que, depuis quelques années, la Russie cherche à gagner en autonomie en
construisant ses propres ports dans le golfe de Finlande (ports de Vyborg et de Vysotsk, projet
portuaire de Batareïnaïa, port de Primorsk). Pour des états « enclavés » comme la Biélorussie ou le
Kazakhstan, les ports lettons peuvent constituer une porte de sortie (Orcier, 2005). L’importance de
l’axe Mer Baltique-Mer Noire est à cet égard à noter. Cet axe faisait partie des corridors paneuropéens
d’Helsinki (corridor IX) et reprend l’ancienne route de commerce médiévale dite « des Varègues aux
Grecs » (Serry, 2006)
Les investissements directs228
à l’étranger peuvent aussi être un important révélateur. Or près
de 60% des IDE en Lettonie proviennent de pays riverains de la Baltique. L’Allemagne, la Suède, le
Danemark et l’Estonie occupent une place importante. Les IDE contrairement à l’exemple de
Gdansk/Gdynia participent bien ici à un processus de régionalisation économique.
Pour l’exemple de Riga et de la Lettonie, il est donc possible de conclure que : la
régionalisation se fait par les flux maritimes et par les IDE, l’intégration régionale et au sein de l’UE
prend encore majoritairement la forme d’un transit entre l’Est et l’Ouest malgré l’importance que revêt
l’axe Nord/Sud autour de la « via Baltica » à travers l’apparition de plates-formes logistiques et
multimodales. Le transit se fait principalement entre la Russie et les pays de l’Europe de l’Ouest
(Allemagne, Danemark) et Scandinaves (Suède) alors que les produits lettons sont exportés plutôt vers
le Royaume Uni.
L’exemple de Brème est un cas à part229
. En effet, Brème n’est pas situé sur la Baltique. Seul
51.4% du trafic des ports de Brème/Bremerhaven se fait avec l’Europe. La vocation internationale de
Brème est donc nettement plus affirmée que celle de Gdansk ou de Riga. Les villes asiatiques et
américaines constituent des partenaires privilégiés. A l’échelle de l’Europe, en revanche, la
composante régionale baltique est très forte. Les principaux partenaires commerciaux outre les ports
allemands sont les pays scandinaves (Norvège, 1er partenaire commercial, Suède, 4
e, Finlande 3
e), La
228 D’après « Statistikas Latvijas » 229
D’après « Hafenspiegel Bremen/Bremerhaven 2006 »
68
Russie (2e partenaire), la Pologne (5
e) et les Pays Bas (6
e). Si l’on distingue à présent importations et
exportations, la situation est quelque peu différente. Les importations viennent principalement de
Norvège avec 4 570 473 tonnes débordées en 2006 dont seulement 740 053 tonnes de conteneurs, de
Finlande et des Pays Bas. Les exportations s’orientent principalement vers la Russie avec 2 055 903
tonnes dont 1 961 381 tonnes de conteneurs, la Finlande avec 1 072 978 tonnes dont 747 727 tonnes
de conteneurs et la Pologne avec 1 033 208 tonnes dont 1 022 354 tonnes de conteneurs. Russie,
Finlande, Suède et Pologne sont les pays européens les plus importants en termes de trafic de
conteneurs pour Brème/Bremerhaven. Le port de Saint-Pétersbourg concentre en effet une bonne
partie du trafic baltique de conteneurs. La répartition du trafic conteneurisé entre les ports de la région
a été considérablement remaniée au cours des dernières années. Alors que jusqu’en 1998, les
conteneurs empruntaient moins les ports russes que finlandais et baltes, les années 2000 voient ce
trafic se réorienter sur ceux-ci. La moitié des conteneurs est traitée dans les ports russes aujourd’hui,
celui de Saint-Pétersbourg essentiellement (Serry, 2006). Le port de Brème soumet alors les autres
pays à une certaine dépendance, exportant ses conteneurs vers la Russie. Prenons l’exemple de la
Lettonie : dans le classement des partenaires commerciaux de Brème, le pays est le 29e pays vers
lequel Brème/Bremerhaven exporte, le 15e pays duquel Brème/Bremerhaven importe et le 25
e pays en
termes de trafic de conteneurs.
Pour l’exemple de Brème, Bremerhaven, il est donc possible de conclure que : la dépendance
des villes baltiques à l’égard de Brème est plus grande que la réciproque. Les relations commerciales
de Brème sont pour une part modeste européenne mais ces relations européennes sont surtout
baltiques. Brème exporte surtout vers la Russie mais importe beaucoup des pays scandinaves.
3.2 Quelle forme de réseau économique autour de la Baltique ?
Si l’on cherche à faire la synthèse de ces éléments, au regard de la question de la
régionalisation, la réponse doit être nuancée et en réalité deux types d’échanges maritimes se
profilent : des lignes entre les ports de la Baltique et les ports de la rangée Nord européenne dont
surtout Rotterdam, Hambourg, Brème/Bremerhaven et Anvers. Ces lignes, dévouées au trafic de
conteneurs s’insèrent dans une logique de « hub and spoke ». Les conteneurs en provenance de
l’Amérique, du Sud-est asiatique sont transportés par des porte-conteneurs vers les grands ports de la
« Northern Range ». Dans ces ports, les biens sont chargés sur des navires plus petits et transportés
vers les ports de la Baltique comme Riga ou Gdynia ou vice-versa et plus loin par rail ou par route
vers les pays d’Europe centrale ou de l’est. Le pré et le post acheminement sont donc effectués par
« feedering » entre la Baltique et ces ports pivots situés en mer du Nord et prenant le titre de « hub »
(Serry, 2006). Soit ce « feedering » se fait par axes, soit il prend la forme d’une rotation, les feeders
passant alors dans plusieurs ports et dessinant une boucle. Dans ce premier type de liaison, les
marchandises ne font que « transiter » par la Baltique. Les autres liaisons les plus présentes sont, quant
à elles, des relations « intra-baltiques » et qui sont essentiellement de type ferry ou « ro-ro ». Ces
69
relations connectent véritablement les espaces riverains et les échanges se font entre des « Suds »
(Pologne, Pays Balte) et des « Nords » (Suède, Finlande, Allemagne, Danemark). Dans cette seconde
situation, le poids de l’Allemagne n’est plus aussi fort.
Ce point est essentiel pour déterminer si, en Baltique se dessine ou non un réel réseau de villes
et plus encore une véritable régionalisation. Tom Schumacher insiste sur l’importance de la politique
étrangère de l’Allemagne dans l’espace baltique mais précise que « d’un point de vue géographique,
l’espace baltique ne présente pas un intérêt primordial pour la politique étrangère allemande.
L’Allemagne diffère en cela de la plupart des autres pays riverains de la Baltique surtout de la
Suède »230
. Bien que pour beaucoup de voisins, l’Allemagne soit le plus important ou le deuxième plus
important partenaire commercial, il n’est pas contesté que les intérêts de l’Allemagne les plus
importants se trouvent hors de la Baltique. Seuls des petits pays comme les pays baltes sont fortement
dépendants du commerce régional. Or « la mer Baltique ne peut pas exister comme une entité
économique cohérente si son principal acteur n’est pas complètement intégré à la région231
». Cet
élément est essentiel pour comprendre la différence qui existe entre Brème et Gdansk, Riga. Au-delà
de cet élément, peut-on véritablement parler de réseaux des flux baltiques au regard des cartes
autrement qu’en utilisant la notion de réseau « polaire » ou éventuellement en « arbre » et en parlant
de faible connectivité ? En réalité, cela est partiellement vrai : le trafic de conteneurs suit cette logique
et fait de la Baltique le support d’axes et non d’un réel réseau mais il ne représente que 7% du volume
des échanges en Baltique. Il révèle cependant la restructuration actuelle des échanges dans les ports
baltiques. Mais il faut nuancer et le système des rotations permet déjà une forme de liaison intra-
baltique. Les trafics ferries ou de type ro-ro sont véritablement la forme la plus aboutie de
régionalisation. Or dans ce type de transport, il apparaît que Brème est relativement exclu.
230
SCHUMACHER, T., « La politique étrangère de l’Allemagne dans l’espace baltique », in : AUCHET, M.,
BOURGUIGNON A. (2001), Aspects d'une dynamique régionale: Les pays nordiques dans le contexte de la
Baltique, Nancy ,Presses Universitaires de Nancy, pp.281 231
GOTZ, N., HACKMANN, J., HECKER-STAMPEHL, J. (dir.), (2006), Op.Cit., pp.87 : «Die Ostseeregion
kann nicht als eine kohärente wirtschaftliche Einheit existieren, wenn ihr Hauptakteur nicht voll innerhalb des
Gebietes integriert ist»
70
Carte n°8 (Chorème) : Quelle forme de réseau économique autour de la Baltique ?
3.3 Réseaux baltiques, Réseaux européens, Réseaux hanséatiques
En mettant ces résultats, enfin, au regard des réseaux européens et des réseaux hanséatiques, il
existe des exemples où réseaux européens, réseaux baltiques et hanséatiques s’accordent parfaitement.
C’est le cas de Brème. Brème entretient des relations fortes avec la Norvège, la Scandinavie et les
Pays Bas qui étaient ses partenaires historiques. L’axe Nord/Sud n’a pas disparu. Au cœur de la
« Northern Range », il est également port européen et port allemand avant tout.
Gdansk peut également rappeler les axes hanséatiques. Les connexions avec l’Allemagne sont
fortes et si Hambourg ou Brême ont remplacé Lübeck, l’axe Baltique-Allemagne est toujours présent.
L’autoroute transeuropéenne qui devrait relier Gdansk à Brno conforte l’axe Nord/Sud qui autrefois
passait par Thorn et Elbing et qui menait jusqu’en Slovaquie. La « via Hanseatica » relie à nouveau
Gdansk à Kaliningrad, l’ancienne Königsberg reprenant ainsi un axe historique. Gdansk veut se doter
bientôt d’un nouveau terminal conteneurs et d’un nouveau centre logistique et a la prétention de
devenir un « hub » en Baltique comme Danzig l’était à l’époque de la Hanse : « Par son passé
hanséatique Gdansk a joué un rôle majeur dans les relations commerciales entre l'Europe du Nord et
de l'Ouest, ainsi que pour les pays d'Europe centrale et de l'Est. C'est par ailleurs le port de la Mer
Baltique hors glace le plus profond. Cet atout et sa localisation géographique sont autant d'arguments
71
sur lesquels les autorités du port s'appuient pour faire de Gdansk un centre de distribution pour la
Pologne, la région baltique et les pays d'Europe centrale et de l'Est. Il constituera également un
élément clé du corridor transeuropéen de transport n°6 qui connectera Gdansk avec l'Europe du Sud
(principalement les régions de l'Adriatique et de la Mer noire) »232
A Riga, en revanche, réseaux baltiques, réseaux européens et réseaux hanséatiques ne s’accordent
pas. Depuis 2004, et l’élargissement à l’Est, les frontières de l’Union Européenne ont évolué. Or
l’espace Schengen, s’il accorde une liberté à l’intérieur de l’Europe, crée une barrière entre l’Europe et
les pays périphériques. Cette nouvelle frontière, bien entendu, pénalise le transit Ouest/Est
économique entre la Lettonie et la Russie : l’apparition de frontières est synonyme de restriction de
liberté de circulation des personnes ou des biens et de taxes douanières peu propices aux échanges
(Serry, 2006). De, plus, l’UE semble privilégier l’axe Nord/Sud à travers une « via Baltica » et une
« via Hanseatica » qui ne prennent que partiellement en compte les voies historiques hanséatiques
plutôt tournées, elles aussi, vers le transit entre la Russie et l’Allemagne. Arnaud Serry reprend cette
idée : « Malgré ces obstacles, il est important de souligner que l’essentiel du transit reste Est-Ouest
alors que les flux méridiens aujourd’hui intra européens restent modestes (…) La perception qu’a
l’UE de l’espace balte serait elle erronée ? ». Pertti Joenniemi va dans ce sens et espère que les pays
nordiques et baltiques sauront défendre leurs valeurs et la vision de l’Europe à laquelle ils sont
attachés (Joenniemi, 1998). Le centre de gravité de l’UE s’est déplacé et l’UE doit en prendre
conscience. Bien entendu, la coopération avec la Russie et la place de la Russie pose question.
En somme, l’étude des anciennes voies hanséatiques pose une nouvelle fois la question d’un
modèle pour l’Europe (Schymik, Henze, Hille, 2006). Deux modèles d’Europe s’opposent : Jan
Zielonka oppose deux alternatives pour la gestion des frontières de l’Europe. Les frontières qu’il
nomme « néo-Westphaliennes » (ou Neo-Westphalian) se réfèrent à un espace clos alors que les
frontières « néo-médiévales » promeuvent l’ouverture et la variété des formes. Soit les frontières
extérieures de l’UE dans le futur continueront à évoluer vers un modèle néo-Westphalien, synonyme
de concentration, de souveraineté absolue, de politique commune et de hiérarchie régionale, soit elles
suivront un régime néo-médiéval caractérisé par des frontières flexibles, une souveraineté partagée,
des identités variées et multiples. Il est évident que les frontières entre états baltes et Russie sont
concernées tant elles restent « hautement problématiques »233
. Le mot régionalisation n’a pas le même
sens, prononcé par des acteurs européens et par des acteurs baltes. A Riga, la région baltique inclut la
Russie, A Bruxelles, la région baltique coopère avec la Russie. La Hanse aide alors à comprendre la
spécificité de ces régions, et peut être un support afin de définir des programmes de coopération avec
232
Voir le site de l’AIVP : http://www.aivp.org/index.html (Consulté le 23/05/2008) 233
MIOSO, S., « In what sense a region ? The limits of Baltic Sea Integration», SCHYMIK C., HENZE, V.,
HILLE, J., (dir.) (2006) Go North! Baltic Sea Region Studies: Past - Present – Future, Berlin, Berliner
Wissenschafts Verlag, pp 95
72
la Russie. Il faudrait, en somme, couper la séparation qui semble apparaître à Riga entre économie et
politique en renouant avec une Hanse spatiale234
.
Conclusion
Les hypothèses que nous avions établies au départ ne sont que partiellement validées. Les
discours et pratiques se fondant sur la période hanséatique ne s’appuient que sur une
patrimonialisation incomplète. Les discours des acteurs utilisant la ressource hanséatique ne servent
pas uniquement à soutenir un projet de régionalisation mais s’inscrivent dans des desseins plus larges
(rempart contre la mondialisation, rattachement à l’Europe) ce qui peut les rendre aux yeux de certains
peu réalistes. Cette référence à la Hanse n’est pas partagée par tous et peut même, contre toute attente,
donner lieu à des « conflits d’acteurs ». Chaque acteur a sa vision de la Hanse, ce qui n’est pas
nouveau puisque les historiens, eux-mêmes, ne se sont pas accordés sur l’espace que recouvrait
l’organisation. Celle-ci possédait un pouvoir central faible et n’a pas connu de législation ou de liste
officielle de ses membres qui entraient et sortaient de l’organisation relativement rapidement, parfois
plusieurs fois (comme Brème). De plus, les villes de la Hanse étaient connectées à l’ensemble de
l’Europe du Nord, et donc à l’Italie et à l’Europe dans son ensemble. Ainsi l’idée même que l’Europe
se fait de la Baltique (le SDEC livre des cartes des programmes de coopération), excluant une bonne
partie de la Russie et se limitant aux régions les plus littorales, n’est pas la même que celle que les
acteurs des réseaux de la « Nouvelle Hanse » se font de la Baltique hanséatique qu’ils étendent
jusqu’au Pays Bas, jusqu’à la France ou la Belgique. Ceux-ci prennent en compte la liste des villes
qui ont été à un moment de leur histoire un comptoir hanséatique. Les acteurs s’opposant à une
quelconque référence à la Hanse se font de cette organisation une toute autre idée (se limitant aux
ports de la Baltique). Les représentations spatiales de la Hanse sont donc des éléments essentiels
permettant de comprendre la position des acteurs dans l’utilisation du concept de Hanse. Ainsi les
pratiques spatiales mettent en avant un réseau qui manque de cohérence car pris entre des logiques
diverses et parfois contradictoires (les logiques de l’Union Européenne et les logiques historiques, plus
locales par exemple). Cet enchevêtrement de logiques fait du réseau baltique un réseau qui ne peut
aboutir mais ce n’est pas l’unique argument appuyant une régionalisation incomplète….
Une question centrale empêche de parler de régionalisation sur les pourtours de la Baltique : la
question de l’appropriation. Bien sûr le poète lituanien Tomas Venclova disait : « Pour l’Occident, le
passé chaque jour davantage se perd dans le passé. Personne ne considère que les intrigues menées
par les Plantagenêts ou par Louis XIV peuvent servir de leçons à la société. Personne ne croit
vraiment à l’utilité des modèles anciens quand il s’agit de trouver le bon chemin dans le labyrinthe de
la vie contemporaine. Il en est tout autrement en Europe centrale et à l’Est. Là-bas, le passé est
234
Entretien du 20/02/08 : Zaiga Krisjane, maître de conférences à la faculté de Géographie de Lettonie,
73
vivant, actuel, s’insinue quotidiennement dans les journaux (…) influe sur le comportement des gens
(…) »235
. Mais à propos de la Hanse, il manque une conscience régionale. Sami Mioso l’a bien vu :
« la lacune majeure dans la région de la mer Baltique est le manque de conscience régionale de ses
habitants et l’absence d’idée de région. Il n’apparaît pas un phénomène comme une identité
baltique »236
. Il est vrai que les historiens critiquent le concept même de « civilisation hanséatique »
(Blanc-Noël, 2002) : les pays ont gardé des cultures très diverses jusqu’à aujourd’hui. Si l’on reprend
le sondage qu’avait réalisé Mikelis Aschamanis à Riga (Aschmanis, 2007), on constate que parmi la
population peu de personnes savaient ce qu’était la Hanse et l’auteur a du réaliser un deuxième
sondage parmi les étudiants en sciences humaines afin d’obtenir des réponses plus précises. Certes,
43.9% d’entre eux avaient une vision positive de la Hanse mais 56.1% avaient une vision neutre ou
étaient indifférents. 32.9% des interrogés avaient déclaré que l’on ne pourrait plus construire quelque
chose de semblable à la Hanse aujourd’hui. A Gdansk, le phénomène est le même si l’on en croit les
chiffres de Peter Oliver Loew qui rapporte le résultat d’un sondage sur la mémoire de l’histoire locale
réalisé en 1996. Les habitants devaient classer les événements et personnages les plus importants pour
eux : 91% ont répondu le combat de Solidarité et la personnalité de Lech Walesa, 26% les
débordements de la Seconde Guerre mondiale, 19% l’annexion de Gdansk à la Pologne sous
Kazimierz Jagellon, 14% la ville libre d’entre deux guerres. Suivaient les grèves de décembre 1970, le
voyage de St Adalbert en 997 puis la Hanse qui récoltait moins de 10% (Loew, 2003). Il est certain
qu’à Brème, la Hanse est mieux connue même s’il n’existe pas de sondage véritablement. Mais pour
combien de temps encore ? Car c’est l’usage de la Hanse qui maintient la Hanse en vie. Or faut-il
souhaiter d’une référence historique qui brouille la compréhension du présent plus qu’elle ne la
facilite ? L’absence d’assise populaire, transforme pour l’instant la « Nouvelle Hanse » en une
régionalisation qui ne peut aboutir.
235
Cité par SERRY, A., (2006), Op.Cit, pp.62 236
SCHYMIK C., HENZE, V., HILLE, J., (dir.) (2006), Opt.Cit., pp.83-97 : «The major insufficiency in the
Baltic Sea region is the lack of regional consciousness of its inhabitants and the shapelessness of the idea of the
region. There does not appear a phenomenon such as a Baltic identity».
74
Bibliographie
Livres et Ouvrages de référence
ALLAIN, R., BAUDELLE, G., GUY, C. (2003), Le polycentrisme, un projet pour l’Europe, Rennes,
Presses Universitaires de Rennes, 306 p.
AUCHET, M., BOURGUIGNON A. (2001), Aspects d'une dynamique régionale: Les pays nordiques
dans le contexte de la Baltique, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 281 p.
BAKIS, H., (1993), Les réseaux et leurs enjeux sociaux, Paris, PUF, coll. Que sais-je ? n°2801, Paris,
103 p.
BAUDELLE, G., CASTAGNEDE, B. (dir.) (2002), Le polycentrisme en Europe, La tour d’Aigues,
Rennes, L’aube Datar, 267 p.
BAVOUX, J.J., (2005), Géographie des transports, Paris, Armand Colin, 231 p.
BLANC-NOEL, N., (2002), La Baltique, Une nouvelle région en Europe, Paris, L'Harmattan, 173 p.
BRACKER, J., HENN, V., POSTEL, R., (dir.), (1999), Die Hanse Lebenswirklichkeit und Mythos,
Hambourg, Schmidt-Römhild, 900 p.
BRUNET, R. (2003), Le territoire dans les turbulences, Paris, Reclus, pp.88-89
BRUNET, R. (dir.) (1996), Europe du Nord, Europe Médiane, Géographie Universelle, Paris, Reclus,
479 p.
CHEVALLIER D., (2000), Vives campagnes. Le patrimoine rural, projet de société, Paris, Autrement,
coll. Mutations, 223 p.
CHOAY, F. (1992), L’allégorie du patrimoine, Paris, Editions Seuil, 270 p.
DEUTSCHE STIFTUNG DENKMALSCHUTZD (2002), Gebrannte Größe. Maritime Macht. Schiffe,
Ostsee und Piraten, Bonn, Monumente Publikationen (Wege zur Backsteingothik; 4), 128 p.
D’HAENENS, A. (1984), L'Europe de la Mer du Nord et de la Baltique. Le monde de la Hanse,
Paris, Albin Michel, 428 p.
DI MEO, G., (2007) « Processus de patrimonialisation et construction des territoires », Poitiers,
Colloque 12-14 septembre 2007, Poitiers-Châtellerault, 19 p.
DI MEO, G. (1998), Géographie sociale et territoires, Paris, Nathan Université, 317 p.
DOLLINGER, P. (1998), Die Hanse, Stuttgart, Kröner, 622 p.
DUPUY, G. (1986), Systèmes, Réseaux et Territoires, Paris, PENPC, 167 p.
ELMHAUSER, K., HOFFMANN, H-C, MANSKE, H-J (2002), Das Rathaus und der Roland auf dem
Marktplatz in Bremen, Bremen, Edition Temmen, 164 p.
FIEBIG, E., (2005), Hanseatenkreuz und Halbmond. Die hanseatischen Konsulate in der Levante im
19. Jahrhundert, Marburg, Tectum, 330 p.
75
FOUCHER, M. (1993), Fragments d‘Europe, Paris, Fayard, 317 p.
GIBELIN B., (dir), (1998), Géohistoire de l’Europe médiane, Paris, La Découverte/Livres, Hérodote,
pp.70-71
GOTTMANN J. (2007), La politique des Etats et leur géographie, Paris, Editions du CTHS, 261 p.
GOTZ, N., HACKMANN, J., HECKER-STAMPEHL, J. (dir.), (2006), Die Ordnung des Raumes,
Mentale Landkarten in der Ostseeregion, Berlin, BWV Berliner Wissenschafts-Verlag, 422 p.
GRASSMANN, A., (2001), Ausklang und Nachklang der Hanse im 19. Und 20. Jahrhundert, Trier,
Porta Alba Verlag Trier, 142 p.
GRAVARI-BARBAS, M., (dir.), 2005, Habiter le patrimoine. Enjeux, approches, vécu, Rennes,
P.U.R., 618 p.
GRAVARI-BARBAS, M. (dir.), (2004), Regards croisés sur le patrimoine dans le monde à l’aube du
XXe siècle, Paris, Presses Universitaires de la Sorbonne, 962 p.
GUERIN, J.P, GUMUCHIAN. H (dir.) (1985). Les représentations en actes : Actes du Colloque de
Lescheraines. Grenoble, Institut de Géographie Alpine, Université Joseph Fourier, 155 p.
HAUKKALA, H. (1999), Dynamic Aspects of the Northern Dimension, Turku, Turku University
Press, 216 p.
HEMPEL, G., KLOFT, H., Der Roland und die Freiheit, Bremen, Edition Temmen, 208 p.
HETTNE, B., INOTAL, A., SUNKEL, O., (edit.), (1999), National Perspectives on the New
Regionalism in the North, Londres, Mac Millan, 316 p.
HILL, T., (2004) Die Stadt und ihr Markt, Bremens Umlands und Aussenbeziehungen im Mittelalter,
Francfort, Franz Scheiner Verlag, 323 p.
HUELLE P., (2000), Rue Polanki et autres nouvelles, Paris, Gallimard, 213 p.
HUNKE, H., (1942), Hanse, Rhein und Reich, Berlin, Haude und Spener, 2e tomme, 152 p.
JACOB, A. (2004), Les Pays baltes, Indépendance et Intégration, Paris, Edition Géopolitique, 336 p
JOENNIEMI, P. (1998), « the politic of EU in the context of the Baltic Sea Region » in : Searching
and Researching the Baltic Sea Region, Proceedings from an international research seminar on
Bornholm, Bornholm, Avril 1998, 167 p.
LEBEAU, R. (1989), L’Allemagne fédérale : géographie économique, Paris, Masson édition, 273 p.
LOEW, P.O. (2003, a), „Niemieckość – polskość – wielokulturowość? Gdańsk i jego mity”, in:
Tożsamość miejsca i ludzi. Gdańszczanie i ich miasto w perspektywie historyczno-socjologicznej, hg.
v. Małgorzata Dymnicka und Zbigniew Opacki, Varsovie, S. 107-118
LOEW, P.O., PLETZING, C. SERRIER, T., (dir.) (2006), Wiedergewonnene Geschichte. Zur
Aneignung von Vergangenheit in den Zwischenräumen Mitteleuropas, Wiesbaden, Harrassowitz
Verlag, coll. Veröffentlichungen des Deutschen Polen-Instituts, 408 p.
LOEW, P, O. (2003), Danzig und seine Vergangenheit 1793-1997. Die Geschichtskultur einer Stadt
zwischen Deutschland und Polen, Osnabrück, Fibre Verlag, 621 p.
76
MARCOS I. (dir.), (2007), La sémiotique de la ville, Paris, Harmattan, 257 p.
MELE, P., LARRUE C., ROSENBERG M., (dirs.), (2003), Conflits et territoires, collection
perspectives « villes et territoires », Tours, Presses universitaires François Rabelais, 224 p.
NEUMANN, I, B. (1992), Regions in international relation theory, The case a region-building
approach, Oslo, NUPI, 39 p.
NYE, J. S., (1968), International Regionalism Readings, Boston, Little Brown, pp. 5-13.
ORCIER, P. (2005), La Lettonie en Europe, Paris, Belin, 219 p.
PAASI, A. (2001), « Europe as a social Process and Discourse », European Urban and Regional
Studies, Londres, Vol.8, N°1, pp. 7-28.
PLASSERAUD, Y. (2004), Les Etats Baltiques : Les Sociétés Gigognes, Paris, Armeline, 235 p.
PUMAIN, D., (1996), Urban Networks in Europe, Paris, John Libbey Eurotext, 252 p.
RAFFESTIN, C. (1980), Pour une géographie du pouvoir, Paris, Litec, 250 p.
RAUTENBERG M (2003)., La rupture patrimoniale, Grenoble, Editions A la Croisée, 173 p.
REITEL, F., (1995), L’Allemagne, Espaces, Economie et Société, Paris, Nathan, 384 p.
REY V., SAINT-JULIEN T., (2005), Territoires d’Europe, la différence en partage, Lyon, ENS
Editions, 334 p.
RIECHEL, D. (1996), Begegnungen, Geschichte(n) einer Städtepartnerschaft, Bremen-Gdansk (1976-
1996), Breme, Donat Verlag, 167 p.
RIFKIN, J. (2000), L’âge de l’accès, Paris, la découverte, 396 p.
SCHWERDTFEGER, H. (2004), Die Hanse und Ihre Städte, Delmenhorst, Aschenbeck und Hostein
Verlag, 128 p.
SCHYMIK C., HENZE, V., HILLE, J., (dir.) (2006) Go North! Baltic Sea Region Studies: Past -
Present – Future, Berlin, Berliner Wissenschafts Verlag, pp 83-97.
SPARITIS. O., OZOLINA, V., (dir), (2001), Conference of the XXI International Hanseatic Days,
Riga, Latvijas Nacionala Biblioteka 86 p.
VANT, A. (1981), Imagerie urbaine et urbanisation, recherches sur l’exemple stéphanois, St Etienne,
PUSE, 661 p.
WEBER, M., Deutschlands Osten, Polen s Westen, Francfort, Lang Peter Frankfurt, 389 p.
WEGNER, M., (1999), Hanseaten, von stolzen Bürgern und schönen Legenden, Berlin, Siedler
Verlag, 459 p.
ZÜHLKE, R. (2002), Bremen und Riga, Zwei mittelalterliche Metropolen im Vergleich, Münster, LIT
Verlag, 325 p.
77
Revues
ASCHAMANIS, M. (2007), „Wie denkt man heute in Riga über die Hanse?“ , Informationen für den
Geschichts und Gemeinschaftskundelehrer, Schwalbach, Wochenschau Verlag, pp 28-33.
BALDINI, P., MELKA, F. (1975), « Le graphisme urbain », Métropolis, n°1, pp.52-59
CERNOSEM, (2004), « La notion de ressource territoriale », Montagnes Méditerranéennes, N°20, pp.
25-26.
CHAMPONNOIS, S. (2002), La Hanse dans la Baltique, Clio, visible sur le site :
http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/la_hanse_dans_la_baltique.asp (consulté le 02/05/2008).
COUDROY de LILLE L., WOLANIUK A. (2005), « Łódź, ou les ressources territoriales d’une
stratégie métropolitaine », Géocarrefour, vol. 80, n°1, pp.35-48.
CUISINIER-RAYNAL (2001), « La frontière au Pérou entre fronts et synapses », Espace
Géographique, Belin, Tomme 30, Disponible sur :
http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=EG_303_0213&REDIR=1 (Consulté le 02/04/2008).
DI MEO, G., « Identités et territoires : des rapports accentués en milieu urbain ? », Métropoles, n°1,
[En ligne], mis en ligne le 15 mai 2007. URL : http://metropoles.revues.org/document80.html.
(Consulté le 11 avril 2008)
DOBROT, V. (2004), „Wirtschaftliche Kooperation im Ostseeraum nach dem Ende des Ost-West-
Konflikts. Die Bedeutung für die EU und Russland“, Arbeitspapiere des Instituts für Internationale
Politik und Regionalstudien, N°30, Institut für Internationale Politik und Regionalstudien des
Fachbereichs Politische Wissenschaft der Freien Universität Berlin, 106 p.
GRAVARI-BARBAS, M, (1996), « Le « sang » et le « sol » : le patrimoine, facteur d’appartenance à
un territoire urbain », Géographie et Cultures, N°20, pp.55-68.
“LA VILLE MARKETING” (2005), Urbanisme, N°344, pp.45-74
« L’ESPACE BALTIQUE ISTHME RUSSO-EUROPEEN », Le courrier de l’Est, Paris, La
documentation française, n°1048, Mars-Avril 2005, 117 p.
MARIN, A. (2004), « Les vraies fausses capitales de la mer Baltique », Revue Regard sur l’Est,
Dossier n°36, disponible en ligne : http://www.regard-est.com/home/breve_contenu.php?id=362
(consulté le 20/05/2008).
MISANS, I., (1999) « Riga, die Hansestadt an der Düna“, Mitteilungen der Geographischen
Gesellschaft zu Lübeck, Lübeck, N°59, 24 p.
MISANS., I, (2007) „Widersprüchliches Erbe, Die Hansegeschichte in Lettland zwischen europäischer
Identität und nationalem Selbstbewusstsein“, Informationen für den Geschichts und
Gemeinschaftskundelehrer, Schwalbach, Wochenschau Verlag, pp 28-33.
NEUMANN, I, B. (1994), « A Region-Building Approach to Northern Europe », Review of
International Studies, N°20, 1994, pp.53-74.
PAASI, A. (2001), « Europe as a social Process and Discourse », European Urban and Regional
Studies, Londres, Vol.8, N°1, pp. 7-28.
78
PREVELAKIS, G., « Les grandes métropoles comme carrefours des diasporas », Cybergeo, Colloque
"les problèmes culturels des grandes villes", 8-11 décembre 1997, article 99, mis en ligne le 25 mai
1999, modifié le 13 décembre 2006. URL : http://www.cybergeo.eu/index1162.html, consulté le 12
avril 2008.
PUSYLEWITSCH, T., BALTAIS, M., (1988), “The city partnerschips Tallinn-Kiel, Riga-Bremen and
Vilnius-Duisburg as vehicles for the representation of regional identity abroad”, Kiel, Journal of
Baltic Studies, Vol.XIX, N°2, pp.157-163
ROSEMBERG-LASORNE, M., «Marketing urbain et projet de ville : parole et représentations
géographiques des acteurs », Cybergeo, Aménagement, Urbanisme, article 32, mis en ligne le 23
octobre 1997, modifié le 15 mai 2007. URL : http://www.cybergeo.eu/index1977.html. Consulté le 31
janvier 2008.
SUBRA, P. (1999), « Les ports du Range nord européen, entre concurrence, mondialisation et luttes
environnementales », Hérodote, n°93, pp.106-110.
TELICKA, P., (2005) « De Varsovie à Helsinki : « Rail Baltica », un projet imaginatif, stratégique et
durable », Inforegio, Panorama, Novembre 2005, N°18, pp.23
WULFF, R, KERNER, M., (1994), „Die Neue Hanse“, Arbeitspapiere des Instituts für Internationale
Politik und Regionalstudien, Berlin, N°1, Institut für Internationale Politik und Regionalstudien des
Fachbereichs Politische Wissenschaft der Freien Universität Berlin, 20 p.
Articles de Presse :
BARON, A. (1998), « Passé Hanséatique et désir d’Europe », La tribune, 26 Août 1998
TRUC, O., (2008) « Les Pays baltes font le deuil de leur " miracle économique " », Le Monde, Mardi
22 Avril 2008.
WILLE, H., (2004), « Die Hanseatische Tradition », Die Tageszeitung, 30 Avril 2004
„Der wirksame Bund der Handelstädte“, Berner Zeitung BZ, 13 Juillet 2007
Dictionnaires/Encyclopédies de Géographie
BAILLY, A., FERRAS R., PUMAIN D. (1995), Encyclopédie de Géographie, Paris, Economica,
1167 p.
BRUNET, R (2005), Les mots de la géographie, Paris, La documentation française, 518 p.
LEVY, J., LUSSAULT M., (2003), Dictionnaire de la Géographie et de l'espace des sociétés, Paris,
Éditions Belin, 1033 p.
Rapports publics, études
ARBEITSKAMMER BREMEN, ANGESTELLTENKAMMER BREMEN (1995), Stadtstaat mit
Zukunft?, zu den Perspektiven der Freien Hansestadt Bremen, Brème, Editions Temmen, 187 p.
BRAND, Hanno, (2007), The German Hanse in past and present Europe, Groningen, Hanse Passage
Castel international Publisher, 220 p.
79
HUBEL, H., GANZLE, S. (2001), The Council of the Baltic Sea States (CBSS) as a subregional
Organisation for « soft security risk management“ in the north-east of Europe, Jena, Report to the
Presidency of CBSS 18.May 2001, Friedrich-Schiller-Universität Jena, 121 p.
Lois, directives, décrets :
Commission européenne (1999), Schéma de Développement de l’Espace Communautaire,
Luxembourg , Office des Publications Officielles des Communautés européennes, 94p.
Thèses ou masters d’université
HYZY, V. (1996), Vers une nouvelle donne portuaire dans les Pays baltes ?, Mémoire de DESS
communication et logistique des échanges internationaux, Université de Paris IV Sorbonne, 177 p.
SERRY, A., (2006), La réorganisation portuaire de la Baltique orientale – L’émergence d’une
nouvelle région en Europe, Thèse soutenue à l’Université du Havre le 24 novembre 2006, 373 p.
Sitographie :
Aéroport de Brème, Bremen Airport, [en ligne]. Disponible sur : <http://www.airport-bremen.de/
(Consulté le 04/01/2008) >
Aéroport de Gdansk, Gdansk Airport, [en ligne]. Disponible sur
<http://www.airport.gdansk.pl/service/> (Consulté le 06/05/2008)
Aéroport de Riga, Riga Airport, [en ligne]. Disponible sur : <http://www.riga-airport.com/> (Consulté
le 20/04/2008)
Ambassade de France en Allemagne, Ambassade de France en Allemagne [en ligne]. Disponible sur :
<http://www.botschaft-frankreich.de/article.php3?id_article=569>, (Consulté le 12/02/2008).
Association internationale des villes et des ports, AIVP, [en ligne]. Disponible sur :
<http://www.aivp.org/index.html> (Consulté le 23/05/2008)
Association Allemande pour le développement urbain et spatial, German Association for Housing,
Urban and Spatial Development, European Route of Brick Gothic, [en ligne]. Disponible sur :
<http://www.eurob.org/index.php5/Homepage;1/1> (Consulté le 01/05/2008)
Commission du tourisme en mer Baltique, Baltic Sea Tourism Commission [en ligne]. Disponible sur :
http://www.balticsea.com/showpage.asp?pageID=2 , (Consulté le 01/05/2008)
Neue Hanse Interregio, NHI [en ligne]. Disponible sur : < http://www.nhi-online.de/> (Consulté le
05/05/2008)
Neue Hanse Interregio, Hanse Passage [en ligne]. Disponible sur : < http://www.hanse-passage.net/>
(Consulté le 05/03/2008)
„Nouvelle Hanse“, „Städtebunde Hanse, Die Hanse der Neuzeit“, Die Hanse [en ligne]. Disponible sur
: <http://www.hanse.org/de/die_hanse/> (Consulté le 05/04/2008)
Office statistique de Lettonie, Latvijas Statistikas, CSB [en ligne]. Disponible sur :<
http://www.csb.gov.lv/> (Consulté le 20/02/2008)
Office Statistique de Gdansk, Statistical Office Gdansk, [en ligne]. Disponible sur :
<http://www.stat.gov.pl/gdansk/index_ENG_HTML.htm> (Consulté le 23/03/2008)
80
Parlement Hanséatique, Hanse parliament [en ligne]. Disponible sur : < http://www.hanse-
parlament.eu/UNIQ121120516125993/SES39820148/lang1/doc14A.html> (Consulté le 01/02/2008)
Projet de Palette baltique, Baltic Palette, [en ligne]. Disponible sur : <http://www.balticpalette.com/>
(Consulté le 22/04/2008)
Sebtrans et Sebtrans Link, Sebtrans, [en ligne]. Disponible sur :< http://www.sebtrans.com/>
(Consulté le 20/05/2008)
Union des Cités de la Baltique, UBC [en ligne]. Disponible sur : <http://www.ubc.net/> (Consulté le
02/03/2008).
Union Européenne, Fiche Technique des projets transeuropéens, [en ligne, PDF]. Disponible sur :
<http://ec.europa.eu/ten/transport/revision/hlg/2003_report_kvm_annex_fr.pdf> (Consulté le
05/05/2008)
Union Européenne, Fiche rassemblant les 30 projets transeuropéens prioritaires [en ligne, PDF],
Disponible sur : <http://ec.europa.eu/ten/transport/projects/doc/2005_ten_t_fr.pdf> (Consulté le
05/06/2008)
VASAB, Vasab 2010, [en ligne]. Disponible sur : < http://www.vasab.org/> (Consulté le 15/05/2008)
VIRTUS Ferries, Virtus, [en ligne]. Disponible sur : <http://www.virtuferries.com/index.aspx>
(Consulté le 16/05/2008).
Films
BRAHMS S., HEROLD M. (2002), Moderne Hanseaten, die Erben der Hanse, Allemagne, Film
réalisé pour Arte, 59 minutes, diffusion le 2 Janvier 2003.
Documents remis par les acteurs :
Brochure-programme des 17e jours internationaux de la « Hanse der Neuzeit » (Gdansk, 1997) intitulé
„Gdansk 23-29.06.1997 : 17. Internationaler Hansetag“, non publié, prêté par Mme Jolanta Murawska
elle-même.
Déclaration de Gdansk ou Deklaracja Gdanska traduite également en allemand sous le titre Danziger
Erklärung, document réalisé en 1997, signé par tous les participants et délégués des jours de la Hanse
de Gdansk non publié prêté gracieusement par Mme Jolanta Murawska.
Discours du maire de Lübeck Michael Bouteiller, lors de la cérémonie d’ouverture de Gdansk, 26 Juin
1997, disponible sur internet à l’adresse suivante :
http://www.luebeck.de/incl/pressedienstarchiv/jun97/970344r.html consulté le 20 Janvier 2008.
Discours de Jolanta Murawska réalisé lors de l’ouverture des jours de la Hanse de Gdansk le 26 Juin
1997, prêté par Mme Jolanta Murawska elle-même intitulé : « The opportunities for working together
within the Framework of the Hanseatic League », non publié.
Discours de Jolanta Murawska pour la préparation du Millenium de Gdansk, réalisé en 1996, en
présence de Mr Bouteiller et Mr Mayer, non publié, aimablement prêté par Jolanta Murawska.
Journal des Journées de la Hanse de Riga 2001, brochure promotionnelle, “Hanseatic Revival”, Latvia
Baltic State“, 2001, Riga, municipalité de Riga, 121 p.
81
Rappel historique des querelles autour de la reconstruction à Gdansk, Urzad Miejski w Gdansku
(2006), Kamienica Gdanska XXI Wieku, Gdansk, Ville de Gdansk, 96 p.
UNESCO (2004), The town hall and Roland on the Marketplace of Bremen World Heritage, World
Heritage Nomination, 248 p., document téléchargeable à l’adresse suivante :
http://whc.unesco.org/en/list/1087/documents/ (consulté le 01/05/2008)
UNESCO (1996), Evaluation des Organisation consultatives, procédure de classement UNESCO,
p.12, document téléchargeable à l’adresse suivante :
http://whc.unesco.org/archive/advisory_body_evaluation/852.pdf (consulté le 01/05/2008).
Documents statistiques utilisés
Atlas of the Gdansk Metropolitan Area, Mairie de Gdansk, 2007, document collecté auprès de la
mairie de Gdansk, non disponible à ma connaissance sur internet.
Bulletin of SO Gdansk 2007, document collecté auprès de la mairie. Consultable et disponible sur
internet à l’adresse suivante : http://www.stat.gov.pl/gdansk/22_ENG_HTML.htm (Consulté le
03/03/2008)
Hafenspiegel Bremen/Bremerhaven 2006, Livre rassemblant l’ensemble des statistiques sur les ports
de Brème et de Bremerhaven, édité chaque année. Consultable et disponible sur internet à l’adresse
suivante : http://www.bremen.de/fastmedia/36/hafenspiegel_2006.pdf (Consulté le 03/03/2008).
Information on Social and Economic Situation of Gdansk, 2007, document collecté auprès de la mairie
de Gdansk, non disponible à ma connaissance sur internet.
Statistical Yearbook of Maritime Economy 2007, Livre rassemblant l’ensemble des statistiques sur les
ports polonais, édité chaque année. Consultable et disponible sur internet à l’adresse suivante :
http://www.stat.gov.pl/cps/rde/xbcr/gus/PUBL_yearbook_of_maritime_economy_2007.pdf (Consulté
le 02/05/2008).
Statistisches Jahrbuch Bremen 2007, détaillant les principaux indicateurs pour la ville de Brème.
Disponible sur internet à l’adresse suivante :
http://www.statistik.bremen.de/sixcms/detail.php?gsid=bremen65.c.2044.de (Consulté le 02/02/2008).
The Pomorskie Region Economy, 2007 Livre rassemblant les statistiques du Voïvodie de Poméranie,
document collecté auprès de Ewa Jagodzinska, non disponible à ma connaissance sur internet.
„Wirtschaftliche Umfeld der Stadt Riga 2007“, Livre rassemblant les chiffres économiques principaux
concernant Riga, document remis par l’agence marketing de la ville.
82
Liste des entretiens menés sur le terrain
Du Mercredi 24 Octobre au Lundi 5 Novembre 2007 : Gdansk
24/10/07 : Iwona Sagan, maître de conférence et les doctorants de l’Université (Maja Grabhowska) de
Gdansk-Gdynia (département de Géographie), rencontre à Gdynia au département de Géographie.
27/10/07 : Jolanta Murawska, Vice présidente de la Ligue Hanséatique (Hanse der Neuzeit), adjointe
au maire de Gdansk chargée des relations internationales, rencontre à Gdansk à l’hôtel Holiday Inn.
29/10/07 : Magdalena Zakrzewska-Duda, chargée des relations internationales auprès du Baltic Sea
Cultural Center, rencontre dans les bâtiments d’Ars Baltica à Gdansk, ul Korzenna 33/35, 80-851
Gdansk.
29/10/07 : Ewa Jagodzinska, responsable du service de la coopération internationale auprès de l’office
du maréchal du Voïvodie de Poméranie, rencontre au siège de l’office, Dlugi Targ 8/10, 80-828
Gdansk.
29/10/07 : Jolanta Murawska pour la seconde fois, rencontre à la mairie de Gdansk, Urzad Miejski w
Gdansku, ul. Nowe Ogrody 8/12, 80-803 Gdansk.
30/10/07 : Karol Polejowski, chargé de la communication et de l’information auprès du maire de
Gdansk, rencontre à la mairie de Gdansk, ul. Nowe Ogrody 8/12, 80-803 Gdansk.
30/10/07 : Robert Domzat, chercheur auprès du Musée maritime de Gdansk, historien, manager de
projets, rencontre au musée maritime sur l’île aux greniers, Polish Maritime Museum, ul Olowianka
9/13, 80-751 Gdansk.
Du Jeudi 7 Février au Jeudi 14 Février : Brème
08/02/08 : Andrea Frohmader, chargée des relations internationales auprès du Senatkanzlei , rencontre
à l’hôtel de ville de Brème, Rathaus, Am Markt 21, 28 195 Bremen.
11/02/08 : Georg Skalecki, conservateur pour le Landesamt für Denkmalpflege (l’administration du
Land chargée de la protection des monuments historiques), docteur, rencontre au Landesamt für
Denkmalpflege, Sandstrasse 3, 28 195 Bremen.
11/02/08 : Rolf Kirsch, conservateur pour le Landesamt für Denkmalpflege, docteur, rencontre au
Landesamt für Denkmalpflege, Sandstrasse 3, 28 195 Bremen.
11/02/08 : Jamshid Saberi, chargé des jumelages et des échanges culturels auprès du département
culture du Sénat de Brème, rencontre dans les bureaux du département de la culture du Sénat de
Brème, Senat der Freien Hansestadt Bremen, Der Senator für Kultur, Freiberger Strasse 52, Bremen.
12/02/08 : Konrad Elmshäuser, directeur des archives de Brème, historien et docteur, rencontre aux
archives de Brème, Staatsarchiv, Am Staatarchiv 1, 28 203 Bremen.
12/02/08 : Jens Joost-Krüger, responsable du marketing de la ville de Brème, à l’agence marketing de
Brème, Bremen Marketing GmbH, Tiefer 2, D-28195 Bremen.
12/02/08 : Heinz-Gerd Hofschen, directeur du Focke Museum de Brème, rencontre au Focke Museum,
Bremerlandesmuseum, Schwachhauser Heerstrasse. 240, D-28213 Bremen.
83
12/02/08 : Horst-Seele Liebetanz, co-responsable du projet „Hanse Passage“, rencontre au bureau du
„Hanse Passage“, Ansgaritorstrasse, 22, 28 195 Bremen.
Du Samedi 16 Février au Samedi 23 Février : Riga
18/02/08 : Peteris Blums, architecte, rencontre dans le diocèse de Riga, Mazapilsiela, 6, Riga Lv 1050.
18/02/08 : Ilgvars Misans, professeur d’histoire à la faculté d’histoire de Lettonie, docteur, rencontre
dans la faculté d’histoire, Latvijas Universitate, Brivibas bulvaris 32/30, Riga, Lv 1050.
19/02/08 : Ojars Sparitis, ancien directeur de la Maison des Têtes Noires, actuel directeur du centre
des Arts de Lettonie ou Latvian Academy of Arts, organisateur des Journées de la Hanse de Riga en
2001, rencontre au siège de la Latvian Academy of Arts, Melngalvjunams, Ratslaukums, 7, Riga, Lv
1050.
19/02/08 : Andris Sne, assistant auprès de la faculté d’histoire de Lettonie, historien, Latvijas
Universitate, Brivibas bulvaris, 32/30, Riga, LV-1050.
20/02/08 : Zaiga Krisjane, maître de conférence à la faculté de Géographie de Lettonie, docteur,
rencontre dans la faculté de Géographie, Latvijas Universitate, Alberta Iela, 10, room 407.
21/02/08 : Evija Kotlere, cadre à l’agence marketing de la ville de Riga, coordinatrice de projets,
délégué auprès des Journées de la Hanse, rencontre au siège de l’agence, Amatu Iela, 4, Lv-1050
Autres rencontres
19/09/07 : Pascal Orcier, doctorant, ancien attaché culturel auprès de l’ambassade de Lettonie, auteur
de l’Atlas de Lettonie, rencontre au laboratoire Géophile, ENS LSH.
21/01/08 : Benjamin Seck, vice président de l’Université du Havre, directeur du CIRTAI, à
l’Université de Haute-Savoie, Chambéry.
26/02/08 : Peter Oliver Loew, docteur, chercheur au Deutsches Polen Institut de Darmstadt, directeur
des recherches scientifiques, auteur notamment de Danzig und seine Vergangenheit, spécialiste de la
ville de Gdansk et de son identité, rencontre au Deutsches Polen Institut de Darmstadt,
Mathildenhöhweg, 2, D-64287 Darmstadt, Deutschland.
84
Annexes
85
86
87
88
Table des Illustrations
Table des Cartes
Carte n°1 : Les corridors de transport paneuropéens………………………………………………...p.7
Carte n°2 : Les routes hanséatiques……………………………………………………....................p.11
Carte n°3 : Les villes jumelles de Brème, Gdansk et Riga…………………………………………p.54
Carte n°4 : Les liaisons aériennes au départ de Brème, Gdansk et Riga……………………………p.58
Carte n°5 : Un réseau routier baltique : outil de l’intégration spatiale ? …………………………..p.60
Carte n°6 : Principaux partenaires commerciaux du port de Gdansk en 2006……………………p.64
Carte n°7 : Principaux partenaires commerciaux du port de Gdynia en 2006……………………...p.64
Carte n°8 (Chorème) : Quelle forme de réseau économique autour de la Baltique ?……………...p.70
Table des Graphiques
Graphique n°1 : Composition de la population de Riga en 1844 et 1935………………………….p.15
Graphique n°2 : Part des touristes à Gdansk en 2006………………………………………………p.47
Graphique n°3 : Part des IDE cumulés (1990-2006) par origine des investissements à Gdansk…..p.65
Table des Tableaux
Tableau n°1 : Trafic portuaire de Gdansk/Gdynia en 2006………………………………………...p.63
Table des photos
Photo n°1 : Exemple d’utilisation iconique de la Hanse par des organisations de coopération
régionale……………………………………………………………………………………………...p.26
Photo n°2 : Le mot Hanse à Riga……………………………………………………………………p.38
Photo n°3 : Deux exemples de patrimoine bâti hanséatique à Riga et Brème………………………p.43
Photo n°4 : La mise en valeur des monuments hanséatiques à Brème………………………….......p.45
Photo n°5 : Les « Stadtmusikanten » et Roland à…Riga, symbole du Jumelage entre les deux
villes………………………………………………………………………………………………….p.53
89
Table des Sigles
BPO : Organisation des Ports de la Baltique
BTC ou CTB : Commission du Tourisme de la mer Baltique
CEB ou CEMB ou CBSS : Conseil des Etats de la mer Baltique
EUROB : Route Européenne du Gothique de Brique
RTE-T : Réseaux Transeuropéens de Transport
SDEC : Schéma de Développement de l’Espace Communautaire
UBC ou UCB : Union des cités de la Baltique
UE : Union Européenne
90
Glossaire
Altstadt (Allemand) : vieille ville, à Gdansk désigne l’ancienne banlieue slave dès 1377
Balge (Allemand) : les quais qui, à Brème, accueillaient les bateaux reliant la ville à l’Hinterland
Deutschbalten (Allemand) : les « Allemands Baltes », Allemands habitant les trois états baltes
Frequentates (Latin) : les marchands étrangers dans les comptoirs de la Hanse au Moyen-âge
Germanität (Allemand) : « Germanité », terme utilisé par Peter Oliver Loew à propos de Gdansk
Hansisch (Allemand) : adjectif signifiant hanséatique mais pour parler d’une réalité historique
Hanseatisch (Allemand) : adjectif signifiant hanséatique mais pour parler du caractère d’une chose ou
d’une personne
Hanseat(en) (Allemand) : les individus ayant un caractère « hanséatique »
Hansetag (Allemand) : Journées de la Hanse, rencontres des villes hanséatiques au Moyen Age,
rencontres qui ont encore lieu aujourd’hui chaque année
Hanse der Neuzeit ou Neue Hanse (Allemand) : Réseau de coopération d’anciennes villes
hanséatiques se rencontrant chaque année au cours des Journées de la Hanse. Le mot Neue Hanse peut
également désigner tout réseau de coopération faisant référence à la Hanse ou reprenant ses anciens
traits.
Hanza (Polonais) : Hanse
Inwertsetzung (Allemand) : Mise en valeur au sens large du terme
Kogge (Allemand) ou Cogge (Français) : bateau à voile carrée et à fond plat et haut de bord, utilisé en
Europe du Nord au Moyen Age, il a les traits d’un navire de guerre et est idéal pour le transport
sécurisé des marchandises.
Manentes (Latin) ou Ortansässig (Allemand) : dans les comptoirs de la Hanse, les marchands
originaires du lieu
Mantots (Letton) : bien ancestral donc d’une grande valeur ; Mantojums : héritage
Multikulturalität (Allemand), Wielokulturowosc (Polonais ) : « Multiculturalité », mot utilisé par Peter
Oliver Loew à propos de Gdansk.
Polonität (Allemand) : « Polonité », mot utilisé par Peter Oliver Loew à propos de Gdansk.
Rahmenvereinbarung (Allemand) : Contrat « cadre », accord définissant un certains nombre
d’éléments sur lesquels il sera possible de coopérer
Schlachte (Allemand) : Quais qui à Brème accueillaient les Cogge venus de toute l’Europe.
Udziedziczenie (Polonais) : de dziedzictwo, héritage
Universum (Allemand) : « Cité de la Science » située à Brème, musée d’une grande fréquentation à
l’architecture très moderne tout comme le Kunsthalle, le musée des beaux arts de Brème.
91
Table des Matières
Introduction ........................................................................................................................................... 3
I) Peut-on parler d'une patrimonialisation commune de l'héritage hanséatique à Brème, Gdansk
et Riga ? .................................................................................................................................................. 5
1. Brème, Gdansk et Riga : quel cadre géographique? .................................................................... 5
2. Brème, Gdansk et Riga de l’histoire dans la Hanse à l’histoire de la Hanse ............................... 8
2.1 Quels furent le rôle et la place de Brème, Gdansk et Riga dans la ligue hanséatique ? ............ 8
2.2 L’histoire de la reconstruction de la Hanse aux XIXe et XXe siècle ...................................... 13
2.3 L’image de la Hanse à Brème, Gdansk et Riga ....................................................................... 18
3. La Hanse : un patrimoine ou une ressource territoriale ? .......................................................... 18
3.1 De la notion de patrimonialisation à celle de « ressource territoriale » ................................... 18
3.2 La patrimonialisation, quelle application à Gdansk, Brème et Riga ? ..................................... 21
II) La Hanse dans les représentations des acteurs à Brème, Gdansk et Riga : les enjeux de
l’instrumentalisation d’un imaginaire ............................................................................................... 23
1. La « Nouvelle Hanse » : la (re)création politique d’une région ? ............................................. 23
2. Les représentations des acteurs publics et la Hanse .................................................................. 26
2.1 Les élus des institutions de la « Nouvelle Hanse » ou la suprématie du mythe ...................... 26
2.2 Marketing urbain et emblèmes hanséatiques : la Hanse et ses images .................................... 30
2.3 Les élus partisans du pragmatisme ou le principe de réalité ................................................... 34
3. Les représentations des acteurs privés et la Hanse .................................................................... 38
3.1 Le mot Hanse dans le nom des entreprises et des commerces ................................................ 38
3.2 Pourquoi peut-on parler d’un « écho positif » du mot Hanse ? ............................................... 39
3.3 Les difficultés d’usage du mot Hanse dans la toponymie ....................................................... 40
III) Au-delà des représentations, parler de la Hanse aujourd’hui fait-il encore sens dans les
pratiques ? ............................................................................................................................................ 41
1. A l’échelle locale, quelle place de l’héritage matériel hanséatique dans une stratégie
touristique ? ....................................................................................................................................... 41
1.1 Quel patrimoine matériel à Brème, Gdansk et Riga ? ............................................................. 41
1.2 La gestion de la « ressource » hanséatique, premier pas vers son exploitation touristique ? .. 43
1.3 Les raisons de chercher une « valorisation patrimoniale » de l’héritage hanséatique ............. 46
2. A l’échelle régionale, quelle place de l’héritage immatériel de la Hanse dans l’émergence d’un
nouveau réseau urbain ? .................................................................................................................... 49
2.1 Les notions de réseau, de réseau de ville, de polycentrisme ................................................... 49
2.2 Les réseaux institutionnels, du Jumelage à la construction de réseaux économiques ............. 52
2.3 Les réseaux matériels .............................................................................................................. 57
3. Un réseau inachevé : le constat d’une régionalisation impossible ? .......................................... 63
3.1 Etat des flux économiques à Gdansk, Brème et Riga .............................................................. 63
92
3.2 Quelle forme de réseau économique autour de la Baltique ? .................................................. 68
3.3 Réseaux baltiques, Réseaux européens, Réseaux hanséatiques............................................... 70
Conclusion ............................................................................................................................................ 72
Bibliographie ........................................................................................................................................ 74
Liste des entretiens menés sur le terrain ........................................................................................... 82
Annexes ................................................................................................................................................ 84
Table des Illustrations ......................................................................................................................... 88
Table des Sigles .................................................................................................................................... 89
Glossaire ............................................................................................................................................... 90
Table des Matières ............................................................................................................................... 91
Résumés en langues étrangères .......................................................................................................... 93
93
Résumés en langues étrangères
Mots clés : Hanse, Baltique, Patrimoine Ressource, Représentations, Régionalisation, Réseaux,
Europe, Lettonie, Pologne, Allemagne.
Résumé :
Depuis les années 90 et la chute du rideau de fer, la région de la Baltique est en pleine
recomposition géopolitique. Le phénomène majeur de cette nouvelle donne est un processus de
régionalisation intense et rapide. Souvent, cette régionalisation est présentée comme la recréation de
liens historiques anciens, comme l’émergence d’une « Nouvelle Hanse ». Les villes de la Baltique
semblent redécouvrir l’héritage matériel et immatériel de la Hanse du Moyen Age et chercher à
l’ériger en ressource afin de fonder des réseaux économiques, politiques, institutionnels. Il s’agit ici de
recréer une unité si longtemps perdue. Mais quelle place occupe véritablement une patrimonialisation
de l’héritage hanséatique dans le processus de régionalisation qui semble se développer sur les
pourtours de la Baltique ? A l’inverse, quelle est la place de la régionalisation de l’espace baltique
dans l’enjeu d’une patrimonialisation de l’héritage hanséatique ? L’étude des villes de Brème, Gdansk
et Riga peut esquisser des ébauches de réponse. Brème, ville de l’ancien bloc de l’Ouest et Gdansk et
Riga, villes de l’ancien bloc de l’Est répondent dans ce domaine à des logiques différentes. Pourtant,
dans ces trois villes, les acteurs, publics ou privés, économiques ou politiques, paraissent justifier,
parfois, leur politique régionale par une référence au passé hanséatique. Cette référence est-elle
partagée par tous ? N’agrémente-t-elle que les discours, les représentations ou donne-t-elle lieu à une
véritable pratique spatiale ? La redécouverte de la Hanse n’est-elle seulement que le retour d’une
mythologie ou a-t-elle créé un véritable réseau entre l’ensemble des rives de la Baltique ? Peut-on
véritablement, d’un point de vue spatial, parler de « Nouvelle Hanse » ?
Schlüsselbegriffe: Hanse, Ostseeraum, Überbleibsel der Inwertsetzung des Kulturguts,
Repräsentationen, Netzwerke, Europa, Lettland, Polen, Deutschland
Zusammenfassung:
Seit den 90er Jahren und dem Zerfall des eisernen Vorhangs befindet sich die Ostseeregion in
einem geographischen Umstrukturierungsprozess. Dieses Phänomen lässt sich auf die immer rasanter
werdende Regionalisierung zurückführen. Des Öfteren wird in diesem Zusammenhang von einer
Wiederaufnahme der alten Handelsbeziehungen gesprochen und dafür wird nun der Begriff der
«neuen Hanse» verwendet. Es scheint, als ob die Ostseestädte das alte materielle und geistige Erbe der
mittelalterlichen Hanse wiederaufleben lassen wollten, um neue wirtschaftliche, politische und
institutionelle Netzwerke zu gründen. Eine bereits lange in Vergessenheit geratene
Handelsgemeinschaft bekommt neue Relevanz. Aber welchen Stellenwert nimmt die Inwertsetzung
des hanseatischen Kulturerbes, die im Ostseeraum vonstatten geht, in Zusammenhang mit der
Regionalisierung ein? Oder anders gefragt, welche Rolle spielt dabei die Entstehung der Region
Ostseeraum im Zusammenhang mit dem hanseatischen Kulturgut? Mögliche Antwortansätze auf diese
Fragestellung ergeben sich, wenn man die Städte Bremen, Danzig und Riga näher untersucht. Bremen,
Stadt des ehemaligen Westblocks, sowie Danzig und Riga, beides Städte des ehemaligen Ostblocks,
beantworten diese Frage auf unterschiedliche Art und Weise. Dennoch scheinen die Akteure aus dem
öffentlichen oder privaten Bereich, aus Wirtschaft und Politik in diesen drei Städten ihre
94
Regionalpolitik mit Bezug auf die hanseatische Vergangenheit zu begründen. Nehmen wirklich alle
Akteure Bezug auf die hanseatische Vergangenheit? Handelt es sich hierbei nicht nur um leere Worte
oder findet die Hanse tatsächlich eine praktische Umsetzung? Kann die Wiederbelebung des
hanseatischen Kulturerbes mit der Rückkehr eines Mythos gleichgesetzt werden oder lässt sie
wahrhaftig ein neues Netzwerk zwischen den Akteuren des Ostseeraums entstehen? Ist es möglich,
geographisch von einer «Neuen Hanse» zu sprechen?
Key words: Hanseatic League, the Baltic region, resource heritage, representations, regionalisation,
networks, Europe, Lettony, Poland, Germany.
Abstract:
Since the 1990s and the fall of the Iron Curtain, the Baltic region has been undergoing a full
geopolitical reorganisation. The major factor in the new deal is a process of intense and fast
regionalisation. This regionalisation is often presented as the revival of old time historical links - the
emergence of a new Hanseatic League. The cities of the region seem to be rediscovering both the
material and the non-material heritage of the mediaeval Hanseatic League and to be trying to establish
it as a resource, in order to create economic, political and institutional networks. The idea here is to
recreate a long-lost unity. However, we can wonder if and to what extent the patrimonisation of the
Hanseatic heritage plays a role in the process of regionalisation which seems to be developing around
the Baltic region. We can also wonder if and to what extent regionalisation plays a part in the
patrimonisation of the Hanseatic heritage. A study of the cities of Bremen, Gdansk and Riga can help
find tentative answers to these questions. Bremen, a city of the former western block, Gdansk and
Riga, cities of the former eastern block, follow contrasted logics. However, the economic and political
actors in these three cities, both in the private and the public sectors, seem to sometimes justify their
regional policies through references to their Hanseatic past. Does this only appear in speeches or
representations, or does it really lead to a real policy of space management? Is the newly rediscovered
Hanseatic Leage but a reborn myth, or has it created a real network between countries in the Baltic
region? Is there such a space as a "new Hanseatic League”?
-Pour la traduction des résumés, merci à Verena Hock et Anne Raynaud pour leur aide-
Nous nous excusons pour les erreurs qui se seraient malencontreusement glissées dans ce mémoire de
master, et nous invitons les personnes découvrant des erreurs éventuelles à nous contacter à l’adresse
suivante : nicoescach@free.fr ou à se reporter à la feuille d’Errata qui pourra être jointe à cette
édition.
95
Recommended