Paradoxes

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Rapport de PFE, diplome d'architecture juillet 2010, reutilisation d'un heritage industriel et adjonction d'un element nouveau, rendre l'invisible évident

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LES MESSAGERIESPARADOXES

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Séguin Antoine - Juillet 2010

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LES MESSAGERIESPARADOXES

Séguin AntoineAtelier M

PREMIERE PARTIE

RECHERCHES: 9

APPROPRIATION ESPACE/TEMPS

1. Les espaces délaissés de la ville 11

1.1 Introduction 11

1.2. Des lieux des possibles 13

A. Evolutions 13

B. Appropriation éphémère 19

C. Appropriation pérenne 27

1.3. Interprétations des délaissés 33

A. Muséification 35

B. Réutilisation 36

2. Les temporalités de la ville 38

2.1. Introduction 38

2.2. Des temps des possibles 39

A. Constat 39

B. Le temps long 39

C. Le temps court 41

D. Mobilités 47

2.3. Interprétations des temps 50

3. Apports au projet 53

DEUXIEME PARTIE

CHOIX DU SITE: 75

LES MESSAGERIES SAINT LAZARE

1. Histoire d’un territoire d’exception 77

A. Les origines du quartier de l’Europe 77

B. Le chemin de fer et/ou le lotissement 81

C. Un nouvel élan urbanistique 83

D. Des architectures remarquables 85

E. Le berceau de l’impressionnisme 87

F. Le déclin de la magie industrielle 87

2. Exploration Urbaine 95

2.1. Un site, la tranchée des Batignolles 97

A. Situation 97

B. Implantation et accès 99

C. Le fleuve de métal 101

D. Des ponts et des quais sur et autour du fleuve 105

E. De la terre au ciel 111

2.2. Un édifice, la halle des Messageries 114

A. Introduction au projet 114

B. Historique 117

C. Relations réciproques entre la halle et le site 125

D. Structure et forme 139

TROISIEME PARTIE

PROJET: 161

PARADOXES

1. Intentions programmatiques 165

1.1. Passer, s’arrêter 165

A. Appropriation libre 165

B. Hospitalité 171

C. Un espace temps 173

1.2. Se cultiver 175

A. Pratiques artistiques 177

B. Pratiques sportives 179

2. Intentions substantielles 181

2.1. Des entités 181

A. La halle des Messageries 181

B. Le Renouveau 183

C. Le belvédère 183

2.2. Accès et circulations 187

A. Accès 187

B. Circulations horizontales 187

C. Circulations verticales 187

2.3. Eléments programmatiques 189

CONCLUSION 191

BIBLIOGRAPHIE 192

REMERCIEMENTS 197

8Photo: Séguin Antoine - Ancien moulins de Sainte Colombe, Seine et Marne, Janvier 2010

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Hors de mon cursus scolaire, je pratique la photographie ainsi que le graffiti, j’ai hérité de ces deux pratiques un regard et un intérêt portés sur le rapport à la ville de l’humain et plus précisément à ses territoires délaissés.

Lors du premier semestre de cette année scolaire (2009/2010), dans le cadre de la recherche sur les territoi-res d’exceptions, j’ai décidé de m’appuyer sur mes connaissan-ces personnelles qui vont orienter mes recherches. J’ai choisi d’étudier le processus d’appropriation des espaces délaissés : ces derniers incluent tous types de friches : elles peuvent être industrielles, ferroviaires, portuaires, tertiaires, religieuses, mi-litaires, marchandes…

De nos jours, les questions sont portées sur l’environne-ment, le recyclage, la récupération. Il me semble important de penser également à la requalification des espaces délaissés de nos villes. L’utilisation de ces « carcasses » pour accueillir diverses fonctions permet d’apporter une réponse à l’étale-ment urbain grandissant.

Les friches sont des équipements culturels construit à 80% 1, ce sont effectivement en majorité des lieux libres, souples, ouverts et marqués prédisposés à la mutation. L’appropriation des bâtiments délaissés est une recréation, une deuxième vie de ces lieux.

1 Jean Nouvel, référence inconnue

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PREMIERE PARTIE

RECHERCHES:

APPROPRIATION ESPACE/TEMPS

12

13

1. Les espaces délaissés de la ville

1.1 IntroductionLors de mes explorations urbaines, je constate souvent à

regret que bon nombre d’espaces et de bâtiments sont mis de côté dans l’usage de la ville. Ces délaissés urbains font partie de mes centres d’intérêts personnels. Effectivement, mes étu-des d’architecture et mes passions pour la photographie et le graffiti m’ont amené à me diriger vers ces lieux abandonnés, à forcer ma rencontre avec ces vides, ces rejetés de la ville.

Mon travail concernant ces friches que je fais miennes le temps de quelques heures est un travail à dominance docu-mentaire. Dans mes photos, je prends le temps de cadrer les choses, de les étudier précisément, d’en dégager ce qui m’in-téresse. Il m’arrive de revisiter ces lieux après un premier pas-sage, de nouveaux graffitis ont recouvert les anciens, un mate-las a été amené et à sans doute servi d’accueil le temps d’une nuit. Parfois, en repassant devant un lieu visité, je m’aperçois qu’il a été détruit, et qu’il ne reste rien à part un tas de pierre. Ce ne sont que des exemples. Ces lieux délaissés évoluent, ils sont créés, fermés, abandonnés, ils portent les marques de leurs vécus. Je me retrouve dans les propos de Marc Augé concernant le charme de ces lieux, où une forte corrélation existe entre l’espace et le temps.

Le charme des chantiers, des friches en attente, a séduit des cinéas-tes, des romanciers, des poètes. Il tient, me semble t’il, de son anachro-nisme. Contre l’évidence, il met en scène l’incertitude. Contre le présent, il souligne à la fois la présence encore palpable d’un passé perdu et l’im-minence incertain de ce qui peut advenir : la possibilité d’un instant rare, fragile, éphémère, qui échappe à l’arrogance du présent et à l’évidence du déjà-là. Les chantiers, éventuellement au prix d’une illusion, sont des espa-ces poétiques au sens étymologique : quelque chose peut s’y faire ; leur inachèvement tient d’une promesse.1

1 Marc Augé, Le temps en ruine, Galilée, Paris, 2003, p.89

Evolution d’un édifice délaissé, de la création à la réhabilitation

Ouverture/Activité

Fermeture

Désagrégation

Appropriation timide et peut re-marqué éphémère ou pérennes

Appropriation

Réutilisationmise en valeur/remise à neuf...

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1.2. Des lieux des possibles

Chacun de ces lieux délaissés de la ville possèdent une his-toire. Lorsque que je visite une friche, je suis conscient que l’espace et le temps sont comme figés au moment de mon in-cursion. Je vois qu’il y a eu un avant, et qu’après mon départ, il y aura un après. Le temps d’un instant, l’espace m’appartient, je me l’approprie.

L’étude de ces espaces se fait en étroite relation avec leurs histoires. En me basant sur mes expériences personnelles et mes recherches, j’ai défini le statut de différents lieux, en activi-tés, abandonnés, squattés, réhabilités. Ces recherches m’ont permis de mieux comprendre le processus d’appropriation.

De la création à la destruction d’un bâtiment industriel, di-verses «étapes» se distinguent. J’ai schématisé ces dernières dans les croquis ci-contre.

A. Evolutions

- Création: La création de ces espaces se fait dans l’optique d’une production, ils sont donc le plus souvent implantés sur des sites liés à une infrastructure de transport: que ce soit ferroviaire, maritime, ou routière pour faciliter l’importation et l’expédition de matières premières ou produites.

L’architecture industrielle possède un vocabulaire qui lui est propre, la fonction du bâtiment est distinguable depuis l’exté-rieur. Le couple de photographe Becher a focalisé son travail sur la typologie d’édifices industriels. Ils regroupent à eux deux l’un des plus grand recensement photographique de bâtiment issu du patrimoine industriel en photographie. Leurs images témoignent des typologies particulières des bâtiments indus-triels et de la forte corrélation existante entre forme et fonc-

Emile Maigrot (architecte) - Eugène Freyssinet (Ingénieur), Halle du Boulingrin, 1923, Reims

Bernd et Hilla Becher, exemple des séries de photographies concernant les bâtiments indus-triels, 1970-1989

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tion (voir images ci-contre).

Effectivement, les volumes intérieurs résultent d’une archi-tecture purement fonctionnelle. Ces édifices abritent des espa-ces ouverts, marqués, libres et souples permettant à l’entre-prise propriétaire d’y installer les infrastructures nécessaires à l’exploitation. Les édifices répondant à des usages précis lors de leurs conceptions.

- Fermeture : Un bâtiment industriel peut être fermé pour différents motifs. La délocalisation, la non-rentabilité de l’usine, et la désindustrialisation du monde occidental sont les causes les plus fréquentes de l’abandon de sites industriels. Suite à la fermeture, la vie d’un site bascule, il est livré à lui même dans la ville, on peut le protéger, le placer sous surveillance en atten-dant la reprise des locaux par une nouvelle entreprise. Mais ces dispositions coûtent chères et souvent, peu d’organismes ont les moyens d’investir dans ce dispositif. (cf la halle du Bou-lingrin ci-contre)

Laissés parfois dans l’état, comme si les usagers du lieu re-venaient le lendemain, les sites abandonnés conservent leurs machines, leurs outils qui resteront témoins d’une vie anté-rieure.

- Désagrégation : Sous le poids des années qui passent, un édifice non-entretenu est soumis aux intempéries. Il présente les marques d’usures du temps: sa désagrégation s’opère len-tement, des irrégularités apparaissent, la nature reprend le dessus, des coulures ternissent et marquent les façades, la rouille ronge le fer... etc.

Visite de l’Usine Degond, Longueville, Seine et Marne, Photos : Séguin Antoine

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Un bâtiment peut devenir insalubre sous l’action du temps et comme l’usine Degond à Longueville (cf photos ci-contre), consécutivement à l’introduction du chemin de fer dans le Pro-vinois. Elle produit des tubes sans soudure en cuivre. Étroite-ment assujettie aux impératifs de transport et de manuten-tion, elle s’installe à proximité de la gare. Elle est fermée et délocalisée. Son abandon dans l’état crée un vide occupé et inaccessible dans la ville. Aujourd’hui, sa rénovation s’avère être plus coûteuse que sa destruction.

Ce patrimoine construit présente de grandes qualités spa-tiales, la plasticité des bâtiments industriels en font des lieux propices à la mutation et au changement de fonction. L’appro-priation de ces lieux, une fois délaissés, par des individus ou des groupes d’individus est quasi-inévitable. Le vandalisme est l’action première nécessaire à la violation de l’espace avant son appropriation.

Cette photo illustre l’installation d’un sans domicile fixe. Photo : Stéphane Giner

Etienne Boulanger propose une approche critique des environnements urbains, après un travail de repé-rage et de recensement de lieux délaissés, il s’approprie des espaces abandonnés en y opérant quelques modifications dans le but d’y passer la nuit.

Les logos anarchie et squat«nique la loi, squatte le monde»

Lorsque vivre est un luxe, «occuper» est un droit, Graffiti en catalan.

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Un lieu abandonné ne le reste pas éternellement. En effet, un espace vide au coeur de la ville est un espace disponible pour une partie de la population citadine. Je distingue diffé-rents types d’appropriations de l’espace dans le temps.

B. Appropriation éphémère

- le squatt désigne le fait d’occuper un lieu sans l’accord de son propriétaire. Il est «pratiqué» par les marginaux en réac-tion au système actuel, donc par conviction ou par les sans-abris en nécessité de logement. Certains artistes squattent des friches pour symboliser leurs volontés de rupture avec le système de l’art en place (cf appropriation pérenne)

Le squatt se manifeste physiquement par l’installation de mobiliers venus de l’extérieur dans l’enceinte du site (meu-bles récupérés aux encombrants...). L’espace intérieur servira d’abris pour une période indéterminée, et différents usages y seront pratiqués, du simple couchage à l’organisation d’une vie interne.

« Squatter, c’est entre autres, pas de loyer à payer, pas d’interro-gatoire à subir pour savoir si on peut repeindre sa chambre en vert pomme. C’est être libre et responsable dans son lieu de vie. C’est aussi un moyen de survie quotidienne qui peut mener à se question-ner sur nos façons de vivre, sur le travail, la famille, la vie collective, le train-train quotidien, sur les possibilités de vivre nos idées dans une telle société… »1

1 Le squat de A à Z http://squat.net/

Le moulin de Sainte Colombes. Photo: Séguin Antoine

Appropriation de la petite ceinture à Paris. Photo: Séguin Antoine

Une ancienne discothèque, le Why Not, à Pontault Combault Photo: Séguin Antoine

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- l’Urbex1 est le terme utilisé pour qualifier les visites prati-quées par des explorateurs urbains dans des lieux délaissés Elle constitue une discipline à part entière.

Venus pour figer ces espaces en photographie ou simple-ment pour les visiter, ces «usagers», seuls ou plusieurs, n’agis-sent pas dans l’optique d’une modification de l’espace, ils ne font que le parcourir pour en découvrir tous les recoins. Cer-tains groupes s’y installent temporairement pour se restau-rer, boire ou fumer durant leurs pauses. Néanmoins, ces utili-sateurs sont respectueux des lieux : je pense aux groupes de cathaphiles2 qui pour la plupart ramassent systématiquement leurs ordures et vont jusqu’à organiser des catacleans3.

Les enfants pratiquent eux aussi l’urbex quand ils vont s’aventurer dans ces espaces délaissés. Ces lieux sont de véri-table terrains de jeux, le caractère d’abandon évoque souvent un lieu hanté aux enfants, et le danger rend la chose encore plus attractive. L’urbex fonctionne sur le même principe.

La Petite Ceinture de Paris est un lieu qui a la capacité de déconnecter l’explorateur de la ville. Ce lieu permet une prise de recul sur la ville. En effet, sur la Petite Ceinture, Paris n’est plus exactement Paris, la symbolique de cette bande négli-gée qui entoure la ville invite au sentiment d’exclusivité. J’ai eu l’occasion de parcourir les tronçons Sud et Est de la petite ceinture, elle révèle une diversité des espaces et ambiances incroyables. Ce lieu de promenade est approprié par les explo-rateurs ou riverains, comme ci-contre, où lors d’une ballade nous avons trouvé ce canapé sur le bord des voies, pour la photo, nous l’avions disposé au beau milieu des voies, offrant une ambiance tout a fait particulière immortalisée par cette image (ci-contre au centre).

1 Exploration Urbaine2 Explorateurs des catacombes parisiens.3 Le cataclean consiste à nettoyer les catacombes par équipes de cataphiles, puis de remonter les ordures à la surface.

un Flop de VAPER, des Tags, un Bloc des TKO

En septembre 2009, s’est déroulé l’inauguration du 1er Graff’Park de France à Mantes-la-Jolie. Il est composé de 8 murs destinées à l’expression graphique et d’une scène en béton pour organiser des évé-nements musicaux. photo : Photograff92, Hervé

le crew TPA à Paris sur la ligne 7 TPA, tu peux apprécier - www.flickr.com/photos/lerefs

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- le grafitti : cette pratique consiste à écrire sur une surface sa signature d’une façon stylisée seul ou à plusieurs. Le graff est issu du mouvement hip-hop et est né dans la rue1, les pre-mières apparitions de ce nouvel art en France se sont faites dans les espaces délaissés, cachés du grand public, puis peu à peu, le mouvement a conquit la ville. Toutes surfaces libres sont propices à la pratique du graffiti, ce dernier renferme plusieurs façades que je défini ci-après:

- le vandal2 consiste à poser son blaze3 ou de celui du crew4 dans le but d’une diffusion maximale auprès des connais-seurs (pratiquants et amateurs). Il se pratique dans des lieux visibles par tous les citadins, c’est à dire dans la rue. Le choix du support varie selon les graffeurs ou leurs envies, ils posent leurs graffs sur les rideaux de fer, les murs pignons, les bords de voies ferrées ou d’autoroutes...etc

Un des mouvements significatives du vandal consiste à graffer des éléments mobiles tel que les trains, métros ou ca-mions. Pour ce faire, les graffers pénètrent dans les dépots de trains la nuit pour y exécuter leurs graffs sur les trains. Ces derniers devenant ainsi le support d’exposition mouvant et gratuit de leurs productions.

Les graffitis issus de cette catégorie ont le plus souvent une forme simple, ils se caractérisent par des flops, des blocks, ou des tags qui permettent une meilleure lisibilité de la signature. Les vandals privilégient généralement la quantité à la qualité de leurs productions. J’ajoute à cette catégorie le pochoir, le

1 Né dans la rue - Graffiti Nom donné à l’exposition graffiti à la fondation Cartier qui a accueilli en 2009 la première grande exposition sur le thème du graffiti en France. Cette exposition a permis de faire découvrir cet art méconnu à la popula-tion Parisienne ainsi qu’aux touristes. Elle retrace l’histoire du graffiti et des nom-breuses oeuvres y sont exposés.2 abréviation de vandalisme, terme utilisé dans le milieu de graffiti. 3 Fait d’écrire son nom/pseudo/signature à la bombe sur un mur4 équipe en anglais, dans le graffiti, c’est l’ensemble des représentants d’un même groupe, souvent désigné par trois lettres signifiant un message ou des mots, ex: TKO: The King Only, CCH: Contre la Connerie Humaine.

SCANDAL - «CS 400» CS pour Concept Subversif et 400 pour les 400ml d’une bombe de peinture classi-que. Le graffer Scandal mets à disposition des graffers des «bombe de secours, réservé à l’usage exclusif du graffiti» qu’il place aux quatre coins de Paris.

Cellograff, graffiti sur cellophane, les oeuvres sont temporaires et permettent d’investir des lieux où le graff n’as pas sa place, ici, sur les quais de Seine.

Graffiti Research Lab, une de leur action principale est de créer des événements éphémères en ville, à l’aide de leur tricycle aménagé d’une sono et d’un rétroprojecteur, ils parcourent les villes à la recherche d’une façade libre. Une fois trouvée, la population peut participer à l’événement, les tags sont exécutés à l’aide d’un laser et sont projetés en temps réél sur les façades. C’est le graffiti de demain.

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collage et d’autres interventions artistiques illégales dans l’es-pace public. L’artiste JR1 qui pratique le collage affirme qu’il possède la plus grande galerie du monde : il veut bien entendu parler de la rue, des rues du monde, dans lesquelles il expose librement son art.

- les fresques et autres productions murales sont créées par une autre catégorie de graffers : ces derniers pri-vilégient la qualité plutôt que la quantité de leurs productions. Les fresques sont généralement l’oeuvre de crew où chacun des membres pose son blaze côte à côte. Généralement, le fond qui sert de support à la fresque est peint au rouleau et parfois travaillé jusque dans le détail, avec par exemple, l’ajout de personnages ou d’un fond stylisé. Les fresques sont plus gé-néralement réalisées dans des lieux délaissés ou sur des ter-rains où la pratique du graffiti est tolérée. Ces facteurs indui-sent une notion de danger et de stress moindre étant donné la quasi-inexistence de passage dans un cas et le caractère officieux dans l’autre.

Depuis peu, cet art marginal et illégal est devenu légitime, ce qui lui vaut d’être exposé dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais2 ou la fondation Cartier3. Le graffiti s’est fait une place dans la ville, il fait partie intégrante du paysage des grandes villes mondiales et s’impose au regard de la popula-tion en s’exposant sous ses yeux. Appréciable ou non, le graffiti est devenu un art.

1 http://jr-art.net/2 Exposition le tag au Grand Palais, 300 toiles de même format et sur le même thème ont été réalisées par 150 artistes pour former le plus important témoi-gnage de cet art éphémère sur plus de trois générations.3 Exposition Né dans la rue - Graffiti, voir note 3 page précédente

«Chez Robert, Electron Libre», au 59 rue Rivoli à Paris

Musée Igor Balut dans le squatt Rivoli

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C. Appropriation pérenne

La ville est aussi spectatrice d’une appropriation plus ré-glementée, plus tolérée : je la nomme appropriation pérenne. Elle est représentée par des lieux où résident des artistes, ces lieux sont le théâtre d’événements off1.Les espaces délaissés appropriés par des collectifs d’artistes peuvent être tolérés à force de résistance.

- Je pense particulièrement au squatt 59Rivoli. Ce squatt est un espace pluridisciplinaire où se côtoient différentes pra-tiques artistiques représentant une large palette de l’expres-sion contemporaine (peinture, sculpture, installations, vidéo, photo, collage, danse, chant, mime, performances..). Les «pro-priétaires» le définissent également comme étant un lieu cos-mopolite qui privilégie le mélange des cultures en permettant à des artistes du monde entier de confronter leurs pratiques artistiques au sein du collectif.

«Dix ans après être entrés par la fenêtre de derrière, on ré-entre par la porte de devant. Et, au fait, si ce n’est plus un squat (et en effet ça n’en est plus un), qu’est-ce que c’est ? Comment ça s’appelle ? Ça s’appelle un aftersquat . “L’aftersquat Rivoli” .Venez voir. Vous n’avez jamais vu ça...»2

1 Cette notion de off permet de théoriser l’idée d’un système in-off où le off ap-partient aux mondes de l’art tout en proposant une démarche artistique alternative au in. Ce système in-off s’inspire du fonctionnement des mondes de l’art où l’avant-garde est le moteur de l’innovation et fonctionne en lien avec le modèle dominant.Au delà d’une simple dualité entre le in et le off, ces deux sphères font système, interagissent et s’alimentent mutuellement : l’une renforce l’autre, même si l’un dit s’opposer à l’autre. Vivant Elsa, Sécurisation, pacification, animation : L’instrumentalisation des scènes culturelles off dans les politiques urbaines (enquête), 2007, CAIRN.INFO2 Extrait de la page d’accueil de l’aftersquat Rivoli www.59rivoli.org

Les Frigos, squatt d’artistes à Paris.

Le Tacheles, squatt d’artistes à Berlin

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- Les Frigos, squatt d’artistes situé dans le quartier Mas-sena sur la ZAC rive gauche de Paris est un lieu phare de la culture off parisienne. Les artistes se sont implantés dans un ancien entrepôt frigorifique de la SNCF, les squatters sont tou-jours présents malgré plusieurs menaces d’expulsion. Les fri-gos font figure de légende de la scène artistique de la ville de Paris, et plus encore dans la nouvelle ZAC qui l’entoure.

La SEMAPA1 met «en lumière les activités artistiques des Frigos et s’appuie sur eux pour développer une image positive et créative du quartier [...] (les frigos) participent à la construc-tion d’une image d’un quartier vivant et dynamique. [...] Ainsi alors qu’ils ont longtemps constitué une épine dans le pied de l’aménageur, les Frigos sont mis en avant aujourd’hui pour construire l’image du quartier en tant que nouveau quartier Latin et s’imposent comme élément légitime et qualifiant.»2

-Le Tacheles à Berlin est lui aussi un squatt où les artistes résistent à la pression de la ville, les artistes y ont créé un vé-ritable laboratoire artistique ouvert au public. Lors d’une visite à Berlin au mois de mai 2010, j’ai pu entrer librement dans cette non-institution et en visiter la plupart des ateliers. Le lieu est propre et agréable à vivre, à l’extérieur se trouvent des espaces consacrés à l’organisation d’événements en plein air. On y trouve des tables et des chaises ainsi qu’une buvette et un petit cirque. C’est LE lieu subversif de Berlin. Il connaît en ce moment d’énormes pressions en faveur de sa fermeture et destruction mais les artistes résistent et continuent de mener leur combat contre la fermeture.

1 Société d’Economie Mixte d’Aménagement de PAris2 Vivant Elsa, les évenements off : de la resistance à la mise en scène de la ville créative, Géocarrefour [en ligne], Vol. 83/2, 2007, mise en ligne le 01 octobre 2010, http://geocarrefour.revues.org/index2188.html

La halle Freyssinet à Paris, le nouveau lieu in de Paris

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-La halle Freyssinet dans le XIIIème arrondissement pari-sien est un lieu emblématique de l’activité industrielle. Autre-fois rythmé par le passage des trains sur les voies ferrées, aujourd’hui, ce quartier est en pleine mutation. Les travaux de recouvrement des voies par la SEMAPA ont déjà débuté. La halle, elle, après avoir été abandonnée et longuement proté-gée, est de nouveau en activité et propose d’accueillir des évé-nements tels que la fashion week ou autres foires aux antiqui-tés. Les nouveaux propriétaires revendiquent la halle comme étant le nouveau lieu in1 parisien, et proposent plusieurs confi-guration de l’espace permettant d’accueillir conventions, collo-ques - Lancements de produits - Réceptions - Soirées - Exposi-tions - Concerts - Salons - TV - Cinéma - ou encore Défilés de mode.

1 Tendance

Les halles paris, vues aériennes.

Christo à Berlin

Logo du Patrimoine du XXème siècle

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1.3. Interprétations des délaissés

De nos jours, je pense qu’il est naturel de se poser la ques-tion de conservation du patrimoine, et dans mon cas, plus pré-cisément le patrimoine construit du XXè siècle. Préférant la notion d’héritage1 à celle du patrimoine pour définir ce que le passé nous lègue, ce « déjà-là » à également déjà vécu, c’est à nous d’en tenir compte dans notre démarche de projet.

«La reconnaissance de ce patrimoine moderne ne s’est faite que lentement. En réalité, seulement mille édifices du XXè siècle sont aujourd’hui protégés au titre des monuments historiques, soit 2,5% du corpus total des édifices protégés. De plus, la plupart datent de la période 1900-1914. On a bien créé en 2000 un label «patrimoine du XXè siècle» pour distinguer une plus large sélection de construc-tions remarquables.»2

On a bien compris que l’héritage architectural du XXe siècle nous lègue des édifices extrêmement divers et recouvre une très grande variété typologique.

Le rôle de l’architecte dans la réutilisation de l’héritage ar-chitectural est déterminant pour l’avenir d’un édifice. En effet, l’architecte choisi son parti architectural : il a le choix entre plu-sieurs attitudes comme le respect ou le rejet de la construc-tion. C’est à lui de définir la nature de son geste et de justifier ses positions architecturales.

« Au delà de l’intérêt aujourd’hui bien compris de conserver la mémoire du passé, la prise en compte de l’existant dans les édi-fices contemporains induit une contrainte mais aussi une riches-se potentielle pour les projets. Le fait de composer avec le déjà là, de se confronter à un autre vocabulaire architectural, à d’autres conceptions de l’espace, de se frotter à d’autres sensibilités exige une réflexion, voire un investissement supplémentaire. Mais c’est un facteur positif qui pousse à imaginer des solutions qui n’auraient

1 Emprunté à l’anglais Industrial Heritage2 iBertrand Lemoine, « Réhabiliter les édifices métalliques emblématiques du XXe siècle », Editions L’Œil d’Or, p.13

Le délaissé

Muséification du délaissé Réutilisation du délaissé

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Le délaissé

peut-être pas vu le jour sans cela. Cela permet d’intégrer plus vite et plus facilement une construction nouvelle à un contexte donné, de tisser un lien entre l’histoire et le futur. C’est une main tendue aux générations passées mais aussi un signe de confiance dans la pos-sibilité d’un développement durable. » 1

Un même édifice à l’abandon peut alors être considéré différemment par les personnes qui doivent décider de son destin. Un véritable travail d’étude du bâtiment est nécessaire avant tout intervention. Bon nombre de questions sont soule-vées avant quelconque intervention sur un édifice : Quel est son passé, sa fonction initiale, les usages qui en étaient faits, son évolution, ses appropriations post-abandon?...etc

J’isole deux types d’interprétations d’un délaissé. Le premier que je nomme la muséification, et le second la réutilisation, je vais définir ces deux interprétations dans la partie suivante.

A. Muséification

C’est le cas où le bâtiment est considéré comme faisant partie intégrante du patrimoine urbain de la ville, il peut être classé, il devient donc intouchable. Il est considéré comme étant une antiquité, un souvenir du passé qui ne doit pas changer de fonction, le bâtiment devient l’ombre de lui même.

La muséification est le travail dans le respect de l’oeuvre héritée. Le travail de l’architecte est de créer le lien entre le passé et le futur du bâtiment, tout en redonnant sa beauté passée à l’édifice. Dans cet optique, les seules modifications acceptables sont la réhabilitation et la mise en valeur des lieux

1 Bertrand Lemoine, « Réhabiliter les édifices métalliques emblématiques du XXe siècle », Editions L’Œil d’Or, p.15

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en rénovant aussi bien l’intérieur que l’extérieur. Cette posture peut être envisagée sans nécessairement avoir recours à l’in-tervention d’un architecte.

Le risque dans ce cas est de ne plus avoir une réelle re-cherche architecturale ni un travail de création, on se conten-te d’exclusivement restaurer le bâtiment à l’identique,

Cela entraîne une équivalence esthétique entre la ville et son histoire en intensifiant les traces du temps qui passe de manière artificielle.

B. Réutilisation

Dans l’optique d’une réutilisation de l’exis-tant, le bâtiment fait également partie de l’héritage architectural urbain. C’est l’inter-prétation du bâtiment qui diffère et les ré-glementations plus «laxistes» qui ouvrent les voies du possible vers de nouveaux usages. Le bâtiment considéré par beaucoup comme étant obsolète et démodé peut toutefois renfermer des quali-tés plastiques et architecturales mal interprétées par les ar-chitectes du patrimoine.

Ces constructions aux volumes libres et souples sont pré-disposés à la mutation des espaces, les bâtiments peuvent accueillir de nouveaux usages et ainsi devenir les acteurs de leurs mutations.

Dans le cas d’une réutilisation d’un héritage architec-tural, les possibilités d’interprétations du bâtiment sont multiples.L’architecte a un rôle important dans la restructura-tion et peut avoir plusieurs démarches.

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Exemple, l’architecte peut choisir de s’insérer dans le bâti-ment en y apportant exclusivement des modifications internes, en conservant l’aspect extérieur de la construction. L’architec-te met en valeur la relation existante entre la ville et l’édifice, seul l’usage et l’organisation interne changent. Ces modifica-tions se symbolisent par le détournement des espaces et se font par le biais d’ajouts d’éléments architecturaux et d’éclai-rages par exemple.

La réutilisation de l’existant peut également se faire par stratification Ici, l’architecte intervient aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’édifice en ajoutant des «couches» qui se matérialisent par des add-ons1 architecturales : il modifie ainsi le rapport à la ville et l’usage du bâtiment.

Une autre posture de l’architecte peut consister à agir à proximité du bâtiment, proposant ainsi une double lecture. Il met ainsi en concurrence le neuf et l’ancien, et choisi par ce fait le rapport entre son architecture et l’existant. Ce dernier agit en complément ou en opposition à l’existant. C’est le cas de l’architecture parasite qui consiste à greffer un élément nouveau sur de l’ancien et ce de façon volontairement provo-catrice.

1 Supplément, complément

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2. Les temporalités de la ville

2.1. Introduction

« L’architecture est un art vivant, mouvant, évoluant au fil des saisons, des personnes et du vent. » 1

Un projet d’architecture se travaille en quatre dimensions, les trois premières, plus évidentes, désignent l’espace (x;y;z), la quatrième est le temps (t).

Dans cette partie je vais traiter le rapport qu’entretiennent les usagers de la ville avec le temps. Le temps, d’après le Cen-tre National de Ressources Textuelles et Lexicales est un mi-lieu indéfini et homogène dans lequel se situent les êtres et les choses et qui est caractérisé par sa double nature, à la fois continuité et succession.2

Les temporalités suivent les rythmes naturels, ceux des ré-volutions cosmiques. Pour faire court : une année correspond au temps que mets la terre à tourner autour du soleil, un mois, c’est la lune autour de la terre, une journée, la terre sur elle même...etc

1 Matthieu Poitevin, Cité de la Joie, lundi 17 septembre 2007,2 http://www.cnrtl.fr/definition/temps

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2.2. Des temps des possibles

A. Constat

«Jusqu’à tout récemment, la planification urbaine était considé-rée comme spatiale plutôt que temporelle […] elle ignorait pour une large part « le monde des hommes, des femmes et des sujets » […]. L’organisation des temps de la vie quotidienne des citoyens – les besoins et les désirs de temps- passaient pour être du ressort de l’individu : les citoyens étaient censés s’accommoder de la coordina-tion –satisfaisante ou non- des structures de temps dans les villes, de leurs services publics et privés »1

De nos jours, et ce depuis quelques décennies, les rythmes de la ville ont changé, le temps est devenu une dimension es-sentielle dans nos vies. Les rythmes de chaque citadin sont en décalage avec les rythmes de la ville. Pour mieux comprendre ces conflits, il est nécessaire d’approfondir l’étude des tem-poralités de la ville, afin de cerner les bornes et limites de ces temps multiples qui se chevauchent.

B. Le temps long

Le temps long est le temps continu, celui de l’histoire, celui d’où nous viennent les héritages passés. C’est le temps qui passe, celui qui dure, le pérenne, celui qui ne s’arrête jamais. Il est caractérisé par les millénaires, les siècles, les années, les saisons... C’est le temps qu’on ne voit pas avancer, diffici-lement appréciable par l’homme, on ne voit pas nos enfants grandir.

1 J Y Boulin et U. Mückenberger, La ville à mille temps, l’aube, 2002

Jour NuIT

Bornes légales

Temps des commerces, bureaux, usines, services, activités

Temps de loisirs, repos

Bornes financières

Bornes fonctionnelles

20h0016h00 4h000h0012h008h00 8h00

00:00

12:00

18:00 06:00

Illustration du rythme circadien et de ses périodes les plus actives.

Les bornes temporelles de la ville

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Il comprend les rythmes qui sont imposés à chacun des ci-tadins. Le rythme de la semaine, du lundi au vendredi, c’est le temps du travail, le samedi devient le temps de la fête et le di-manche celui du culte, de la culture et/ou du repos. Les temps de travail sont raccourcis depuis l’arrivée des 35 heures de travail par semaine.

On assiste alors à une explosion du temps libre, et donc de celui des loisirs et occupations autres que le travail. Ces temps libres sont des temps disponibles pour tous.

C’est un temps réservé pour beaucoup à la consommation, ce qui ouvre pour d’autres les portes d’un nouvel eldorado de consommation, où ces temps libres deviennent des temps où les citoyens deviennent consommateurs de temps.

« Parce que quand nous exerçons notre métier nous faisons comme dans la vraie vie, nous ne nous habillons pas pareil en été et en hiver, nous ne lisons pas toujours le même livre, nous ne nous comportons pas partout de la même manière »1

C. Le temps court

Le temps court, est un temps plus palpable, il est d’avan-tage à l’échelle de l’être humain, je veux parler ici du temps quotidien.

Le temps quotidien, lui, est naturellement rythmé par l’alter-nance jour/nuit. Il obéit au rythme circadien2 et plus précisé-ment au rythme nycthéméral3.

1 Christine Dalnoky, Science fiction, Gordes, 14 novembre 20072 Rythme biologique d’une durée d’environ 24 heures, c’est le rythme sur lequel se base les processus physiologique de tout les êtres vivants.3 Se différencie du rythme circadien qui n’est caractérisé que par sa durée, le rythme nycthéméral peut être influencé par la durée du jour et de la nuit, de l’inci-dence et/ou l’intensité de la lumière articficielle.

Schémas de Luc Gwiazdzinski dans La nuit, dernière frontière de la ville, La tour d’Aigues : L’Aube, 2005

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La ville et ses habitants vivent chacuns à leurs rythmes. Ces superpositions de rythmes créent des conflits au coeur de la ville. Effectivement, ces deux derniers ne sont pas synchroni-sés. Il est difficile pour le citadin de s’aligner au temps de la ville. Exemple, qui n’a jamais dû prendre une demi journée de congés pour pouvoir régler des impératifs administratifs?

Je choisi de séquencer le temps quotidien suivant les ryth-mes naturels du jour et de la nuit, puis par la suite, je dévelop-pe la notion d’instant, de l’événement qui constitue les temps de la ville.

-le jour, la majorité des citadins est en activité, leur horloge interne est plus ou moins réglée suivant les rythmes naturels d’une journée, ils suivent la course du soleil. Du petit matin à la fin de soirée, le citadins parcourent la ville en suivant un par-cours souvent répétitif et bien réglé. Chaque individu gère ses temps de travail et ses temps libres. Ces périodes d’activités sont rythmées par des pauses (où le temps continue sa cour-se) où l’individu en profite pour s’approvisionner, se dépenser (et dépenser) et se reposer.

-La nuit, malgré le fait qu’elle fasse partie intégrante du quo-tidien, reste une temporalité délaissée de la ville. La nuit fait appel aux sens, le jour, lui fait appel à la vue. La nuit excite le toucher et l’ouïe. Elle éveille les sens et invite à la quête de l’in-connu.

La conquête de ce front pionnier1 disponible a déjà com-mencée. En effet, la majorité des activités nocturnes tournent autour de la consommation et de la fête. Hormis les désormais classiques boîtes de nuits et leurs soirées thématiques diffé-rentes chaque soir. Je pense notamment aux happy hours2

1 Notion introduite par Luc Gwiazdzinski dans La nuit, dernière frontière de la ville, La tour d’Aigues : L’Aube, 2005 - 245 p.2 Ces happy hours se caractérisent par la baisse du prix des boissons (notam-

Illustration du Web 2.0

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dans les bars des grandes villes qui ont adapté leurs rythmes en proposant des after-works1 aux travailleurs, créant ainsi des besoins qui n’existaient pas auparavant.

Autres exemples, l’ouverture des magasins à Minuit pile avec le lancement des soldes ou encore la vente du livre Harry Potter, ou encore le lancement de la Playstation 3. Pour créer l’événement, ces grands espaces commerciaux n’hésitent pas à se servir de la nuit comme argument de vente, cette derniè-re devenant ainsi un support attractif extraordinaire.

Heureusement, parallèlement à ces banalisations de la nuit, d’autres événements moins consuméristes se créent. Les Nuits Blanches2 parisiennes ou la fête de la musique qui a lieu chaque année.

La nuit est également source de conflits entre les usagers de la ville. Comme le montre les schémas de Luc Gwiazdzinski ci-contre, différentes villes s’affrontent dans l’espace nocturne. Aucune d’entre elles n’est dans le même rythme, on observe des zones de conflits au frontière de ces villes. C’est souvent la ville qui dort qui aimerait que ces autres villes fassent de même et ne gêne pas ses envies de tranquillité et qui a du mal à tolérer la ville qui s’amuse. Mais pendant ce temps, de l’autre coté de la fenêtre de la chambre de la ville qui dort, la ville s’amuse, et rêve de liberté. Dans cet élan de liberté, elle ne porte que rarement attention à la ville qui dort. C’est ce genre de conflits que l’on constate.

ment alcoolisée) dans une tranche horaire annoncée par le bar1 Rendez vous dans un bar après le travail pour se détendre.2 Les principes des Nuits Blanches sont de rendre l’art accessible à tous, mettre en valeur de l’espace urbain par la création moderne, créer un moment de convi-vialité: tels sont les enjeux fixés pour cette nouvelle manifestation. La première Nuit Blanche naît dans la nuit du 5 au 6 octobre 2002

Les horloges de la gare Saint Lazare

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Parallèlement à ces appropriations de la nuit, d’autres ap-propriations plus marginales se fraient un chemin vers un autre possible, l’organisation de free party1 en marge de la ville est aussi un événement nocturne dans ou hors de la ville.

-L’instant

« J’ai entendu parler d’une chose qui ne se constitue qu’au tra-vers de scénarios hétérogènes, multiples et contradictoires, d’une chose qui refuse l’idée même qu’une prévision puisse être émise quand à sa forme de croissance, quand à la détermination de son futur.

Une chose informe qui se greffe sur un tissu existant, une chose qui ne cherche pas de point de fuite pour justifier de son existence mais accepte de palpiter, de s’immerger dans un état vibratoire, « ici et maintenant ».

Cette chose enchevêtrée, entrelacée, semble être une ville, non, plutôt un fragment de ville. » 2

L’instant, c’est le temps du moment, l’immédiat, le présent. Ce temps très court est pourtant la base de tous les temps. C’est ici et là que peuvent naître l’éphémère ou le pérenne. Tout les temps sont le résultat des instants qui les compo-sent. Tout événement entraîne une réaction et constitue nos journées.

D. Mobilités

Des inventions comme le train, et maintenant le TGV, ou encore l’avion et l’automobile ont favorisé les mobilités, ce qui entraîne la création de nouveaux rapports entre l’homme et

1 Soirée illégale organisée en marge de la ville dans des espaces délaissés ou en forêt. Les principes de ses soirées sont fondés sur la gratuité ou la donation et la clandestinité.2 François Roche, R&sie, I’ve heard about…

Cette photo a été prise durant plus de deux ans, du 4 avril 1997 au 4 juin 1999. On y constate l’évolu-tion du chantier de la Postdamer Platz à Berlin. Cet effet de flou fantomatique est dû à la superposition des moments qui ont composés le temps, l’immeuble et les grues sont apparus bien après le début de la photo, d’où leurs atténuations sur l’image. Les photos de Michael Wesely sont pour moi la meilleure représentation de l’espace temps qui soit.

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le territoire, entre le temps et l’espace, les distances sont ré-duites par les temps de voyage. Grâce à ces inventions, la mer est à moins d’une heure de Paris, l’Australie, à seulement une vingtaine d’heure de vol...

Autre symbole de la mobilité, nos téléphones mobiles. Cette invention est l’une de celles qui ont bouleversé la vie des hom-mes. Je compte également parmi elles internet qui, à l’aide d’une simple connexion sur un réseau, permet de passer du temps local1 au temps global2. En effet, ces outils ont révolu-tionné le rapport entre l’homme et l’espace temps. Ce der-nier se rétrécit d’avantage, il devient possible de communiquer avec tout individu sur la surface de la planète. Abolissant les frontières, le web 2.0 et ses réseaux sociaux comme Face-book ou le nouveau Chatroulette3 révolutionne les rythmes de vie de milliards d’utilisateurs.

Il faut garder en tête que «le temps intervient avec sa créa-ture, la vitesse»4. Effectivement, la notion de vitesse est elle aussi à prendre en compte lors de la réflexion du projet ur-bain.

Pendant que ces temps s’écoulent, d’autres vont plus vite, les fast food5 se sont multipliés et sont maintenant largement démocratisés. La vitesse est devenue l’une des composantes principales de la ville

1 Temps qui n’est valable qu’en un lieu donné, le temps de la ville, celui de l’hom-me enraciné.2 C’est le temps mondial, où les frontières n’existent plus.3 Le concept de Chatroulette : être connecté sur le site, et rencontrer virtuelle-ment via audio, vidéo et texte n’importe quelle personne elle aussi connectée sur le site. On peut en un clic, changer d’interlocuteur à tout moment.4 Bernard Aghina, La ville 24 heures sur 24: regards croisés sur la société en continu, L’Aube, DATAR, 2002, p.1815 Restauration rapide

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2.3. Interprétations des temps

L’idée de «bureaux du temps» est née en Italie il y a une dizaine d’années. Leur objectif découle d’un constat : chaque personne a à gérer dans sa propre vie des temps contradic-toires : le travail, la famille, la vie quotidienne, les loisirs. Dans la gestion de ces temps elle se confronte en permanence aux rythmes des autres, en particulier des services privés et pu-blics : gardes d’enfants, bibliothèques, commerces, transports en commun, services administratifs, lieux de loisirs, etc.. Ces rythmes se trouvent déterminés par les décisions d’un ensem-ble d’acteurs privés (les familles, les commerces, les salles de spectacle, etc-) et publics (transports en commun, services pu-blics, établissements scolaires, etc-) qui sont tous des acteurs autonomes dans leur décision. Les services privés et publics ont en outre à articuler de leur côté les nécessités du service et les besoins et revendications du personnel qui assure ces services. En règle générale malgré l extrême interdépendance de ces rythmes les uns par rapport aux autres, il n y a pas d’es-pace formel de coordination entre eux.

C’est en outre grâce aux Bureaux du temps que les plages horaires des métros Parisiens sont allongées d’une heure les vendredis et samedis soir et que certaines crèches proposent des plages horaires en soirée.

Désormais, toutes les villes de plus de 30 000 habitants possède un bureau du temps qui s’occupe de la coordination des temps qui font la ville.

La notion de temps est également très présente dans le pro-cessus d’appropriation d’un espace. Hakim Bey propose son essai en 1991 intitulé TAZ (zone d’autonomie temporaire) où il explique sa théorie basée sur les utopies pirates du XVIIIè-me siècle, ce texte à inspiré les milieux des raves party et du cyber-espaces.

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« La TAZ est comme une insurrection sans engagement direct contre l’Etat, une opération de guérilla qui libère une zone (de ter-rain, de temps, d’imagination) puis se dissout, avant que l’Etat ne l’écrase, pour se reformer ailleurs dans le temps ou l’espace.

[…] Initier une TAZ peut impliquer des stratégies de violence et de défense, mais sa plus grande force réside dans son invisibilité– l’Etat ne peut la reconnaître parce que l’Histoire n’en a pas de défi-nition. Dès que la TAZ est nommée (représentée, médiatisée), elle doit disparaître, elle va disparaître, laissant derrière elle une coquille vide, pour ressurgir à nouveau invisible puisque indéfinissable dans les termes du Spectacle. » 1

Bernard Aghina nous explique l’influence que le temps et la mobilités des usagers peut avoir sur la vie d’un édifice.

«L’immeuble ne bouge pas, sur cette architecture inscrite dans l’espace et qui ne bouge pas, sur ces édifices qui sont là en perma-nence, il y a le temps qui passe, comme sur toute chose sous le soleil.

Modifications des ombres portées, mouvements des nuages, mobilités des usages et des usagers au fil des heures. Un bâtiment n’est pas définitif, il n’est pas (ou rarement) une machine qu’on op-timise, mais un abri, un receptacle, un contenant qui doit supporter les changements.2»

1 Bey Hakim, TAZ, Zone Autonome Temporaire, 1991, première édition françai-se, Editions de l’Eclat, 1997, Paris.2 Bernard Aghina, La ville 24 heures sur 24: regards croisés sur la société en continu, L’Aube, DATAR, 2002, p.181

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3. Apports au projet

Dans le cadre de ces recherches, j’ai mis en avant le fait qu’un édifice délaissé peut être assujetti à diverses utilisations et appropriations de la part des usagers de la ville. J’ai éga-lement mis en évidence le rôle fondamental de la gestion du temps dans la ville et le projet urbain.

Ces appropriations se font dans l’espace et le temps, elles sont versatiles.

Quelles contraintes entraînent la réutilisation d’un édifice du XXè siècle ? Comment concilier l’évolution de l’usage et la pérennité du lieu ? Comment la réappropriation d’un espa-ce délaissé au cœur de la ville peut-elle ouvrir à de nouveaux échanges au sein de la population? Comment tirer parti des différentes temporalités de la ville?

Reste pour moi à définir le choix de mon implantation et le rapport physique à l’espace choisi (ancienne occupation, mode d’appropriation de l’espace, quartier), le type d’action (squat, laboratoire, expérimentation, innovation), le contenu (théâtre‚ musique, pluridisciplinaire), et le mode d’organisation (systè-me, collectif) prévus dans la friche.

Dans les pages suivantes je présente des exemples de réa-lisations architecturales ayant pour base un bâtiment existant. Ces exemples m’ont inspirés tout au long de mes études et continus durant mon PFE. Ces références permettront d’ap-précier les différentes interprétations que les architectes ont fait de l’édifice sur lequel ils ont travaillés. On appréciera éga-lement les diverses positions architecturales choisies face au déjà-là et les formes résultantes de ces interventions.

Le Lieu Unique, Patrick BouchainLieu Unique, ambiances multiples, cet espace est un endroit où l’on rentre par le bar, où le/la récep-

tionniste n’est autre que le barman, lieu de vie par excellence, la culture est ici en arrière plan, on y accede si on le souhaite, quand on veut. Les espaces dit culturels sont modulables est composés de deux grandes salles, et un grand atelier. Patrick Bouchain a crée une façade appelée le grenier du siècle, des milliers de personnes ont enfermés des objets significatifs pour eux dans des barils qui seront réouverts en 2099.

© JOURDA Architectes

Programme: Réhabilitation de la halle :construction d’une auberge de jeunesse,d’une bibliothèque et de locaux d’activitéet réalisation d’un jardin publicCoût des travaux: 32 000 000 € Surface bâtie: 9 633 m2 SHONCalendrier : concours: octobre 2007-Projet Lauréat Maître d’ouvrage: Ville de Paris

Réhabilitation de la halle Pajol (Paris, France)

Réhabilitation de la Halle Pajol à Paris

Cette réhabilitation propose la construction d’une auberge de jeunesse, d’une bibliothèque et de locaux d’activité et réalisation d’un jardin public.La halle est l’enveloppe du bâtiment et affirme sa renaissance. En contraste avec celle-ci, les bâtiments sont parallépipèdiques, en bois, avec une structure indépendante de la halle. Entre la halle et les chemins de fer se déroule un grand jardin ferroviaire qui dessine un parcours continu

Tate Modern, Herzog et de MeuronLa « Tate Modern » est une réhabilitation d’une ancienne centrale électrique. Aujourd’hui, c’est le musée qui regroupe les collections d’art contemporain de Tate depuis la fin des années 1990.

Marsyas, Anish Kapoor 2002

Toboggans, Carsten Höller 2006

Le Tate Modern est le téhâtre de multiples intervention artistiques, cela enjendre un nouvel usage du lieu et une chronologie d’appropriation.En effet, le Tate, après avoir été une usine, a connu des modifications architecturales, donc une première réappropriation par l’architecture, puis, dans cette même architecture, des artistes interviennent dans le nouvel espace crée, puis la population rentre en contact avec ces oeuvres dans l’oeuvre. On assiste alors à une stratification des interventions et des appropriations.

Ces espèces de trompes créent des sous espaces dans l’espaces, en forçant les visiteurs à les détourner ou en offrant des interstices «protecteurs»

Cette intervention révolution les circulations verticales dans le lieu.

Embankment, Rachel Whiteread 2004Ces cubes de résine viennent saturer ou non l’espace disponible, les amas aléatoires ou rationnels bou-chent ou ouvre les vues possibles. Les blocs créent ainsi des parcours au sein même du volume de l’usine/musée

Crack, Doris Salcedo Shibboleth 2007Cette intervention se manifeste sous la création d’un sol de béton suplémentaire qui a été trouée par une fissure au beau milieu de l’espace. Intriguant les visiteurs, cette intervention agit directement sur les par-cours et les relatiosne ntre espace et populations.

Loft à Porquera de los InfantesL’architecte Jesús Castillo Oli après les voeux de ses clients, s’est intégré dans une ancienne batisse dont il ne restait que les murs, il s’y implante en créant de nouveaux volumes à l’intérieur tout en respectant la construction d’origine, les seules modifications extérieures visisbles sont au niveau des baies qu’il ne rempli pas mais appose à l’extérieur.

Le LiFE est un nouvel espace dédié à l’activité artistique de création sous ses différents aspects (arts plastiques, musiques, architecture, arts de la scène, littérature, cinéma, vidéo, nouveaux médias…). Com-mandité par la Ville de Saint-Nazaire, porte océane située sur la Côte Atlantique, il est logé dans l’Alvéole 14 de la Base des sous-marins construite par l’armée allemande au cours de la Seconde Guerre mondiale. Initialement conçu comme abri destiné aux sous-marins de combat, cet espace vient d’être entièrement reconfiguré par l’agence LIN, sous la direction de l’architecte berlinois Finn Geipel. Ses vastes dimensions (près de 2000 m2 — soit 85m de longueur, 20 mètres de largeur et 11 mètres de hauteur) offrent un large éventail de possibilités spatiales, au gré des projets qui y sont accueillis. Le LiFE bénéficie du soutien de la Ville de Saint-Nazaire, du Conseil Général de Loire-Atlantique et du Conseil Régional des Pays de La Loire, son activité est principalement tournée vers les scènes actuelles de l’art au plan international.

Le LiFE de Saint Nazaire

Mass MoCA, musée d’art contemporain du MassachusettsLe Mass MoCA s’étend sur plusieurs bâtiments de l’époque industriels réutilisés dans l’optique d’y ex-

poser des oeuvres éphémères et pour la représentation de happenings artistiques.

«PLaying the Building» à la Battery Maritime de New YorkC’est une installation dans l’ancienne Batterie Maritime, à New York. L’artiste David Byrne investit l’espace. Il place un piano au milieu de l’espace et le relie à différents espaces. Il pousse ainsi le visiteur à produire des sons et à participer au côté sensoriel du bâtiment, autant du point de vue du toucher que de l’ouie.

Le chateau de LichtenbergLe château de Lichtenberg se situe dans la commune française de Lichtenberg et le département du Bas-Rhin. Au soir du 9 août 1870, un gigantesque incendie le réduit à l’état de ruine. Depuis 1993, un ambitieux projet de restauration et de mise en valeur culturelle est engagé avec salles de conférences et de spectacles, d’expositions temporaires, un théâtre de plein air, un service pédagogique.

Kunsthülle LPL / OSAC’est dans cette ancienne usine de Liverpool que l’agence d’architecture OSA (Office of Subversive Ar-chitecture) à installer une espace d’exposition et de conférence temporaire. Cette installation se traduit physiquement par deux couches successives de rideaux de PVC. Le rideau extérieur protège des intempé-ries tandis que le rideau intérieur espacé de 80cm assure l’isolation. Ces rideaux sont traversable par les usagers, ce qui créer un lien physique et un jeu entre les usagers et le bâtiment.

Locaux de l’agence Mother, Clive WilkinsonL’agence de publicité Mother avait comme spécificité d’un travail en groupe autour d’une table, sans

hiérarchie. L’architecte propose au dernier niveau de l’agence une table en béton large de 5m ou cha-cun trouvera son poste de travail. Cette table continu est accessible directement depis les escaliers de l’agence.

Locaux de Pallotta Teamworks, Clive WilkinsonIci, l’intervention de l’architecte se traduit par l’insertion de containers dans un volume libre, ces contai-

ners servent à l’ensemble du volume, des fonctions y sont introduites et participent à l’animation des lo-caux de l’entreprise.

Après cette phase de recherche concernant l’appropriation de l’espace et du temps, je me suis dirigé vers la recherche de ce territoire d’exception. Après plusieurs hésitations sur le choix d’un site parmi mes explorations antérieures au projet;

un souvenir flou ravivé par un ami remonte à la surface.

C’est celui d’une masse de métal surplombant les voies ferrées: c’est celui d’un territoire où la poétique industrielle résonne sous les battements des trains sur les rails, un territoire of-frant une échappée visuelle et mentale au coeur d’un quartier dense de Paris, un territoire différent, un territoire qui change, qui évoque le voyage. Ce territoire exceptionnel, c’est celui des

voies de Saint Lazare, c’est la halle des Messageries.

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DEUXIEME PARTIE

CHOIX DU SITE:

LES MESSAGERIES SAINT LAZARE

Le quartier Tivoli, futur quartier de l’Europe, dans les années 1800

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1. Histoire d’un territoire d’exception

Appuyé par son rôle politique et administratif, Paris - dans sa première moitié du XIXème siècle - connaît un besoin accru en matière d’habitat, d’approvisionnement et de desserte.La révolution industrielle a impulsé de nouveaux rythmes à la ville.

L’arrivé du chemin de fer - dispositif nouveau dans la ville – a bouleversé le fonctionnement de la ville ainsi que la vie des hommes, il provoque une mutation des modes de vies. Ces mutations sont synonymes de mouvements, de vitesses et de rythmes. Le transport d’hommes et de marchandises favori-se les échanges et créé de nouvelle territorialité, La ville n’est plus seulement la ville, mais s’étend à l’échelle du pays et du continent.

Qui dit chemin de fer inclus a fortiori la gare. La gare devient un nouveau lieu d’échange, un lieu du voyage, un espace temps qui devient le lien avec le territoire désormais balisé par les villes desservies par les chemins de fer. La gare Saint-Lazare devient une nouvelle porte de Paris.

A. Les origines du quartier de l’Europe

Le quartier de l’Europe naît de l’opération de Restauration du Paris intra-muros de 1800, cette action vient de deux pro-moteurs : Sylvain Mignon et Jonas Hagermann.

Aux prémices des années 1820, le futur quartier de l’Eu-rope n’est qu’un vaste ensemble de champs et de terrains en friche, bordés par quelques maisons et guinguettes, masures et autres folies aristocratiques ; parmi elles : la prestigieuse

1826 - Le tracé viaire du quartier de l’Europe en projet, aucune parcelle n’est encore construite à cette époque.

L’ancienne place de l’Europe (Musée Carnavalet, Cabinet des Estampes)Cette gravure est en fait une réprésentation de ce que sera le futur quartier de l’Europe, malheureuse-ment, celui-ci ne verra jamais le jour.

Place de l’Europe

Enceinte des fer-

miers généraux

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folie Boutin connue grâce à son parc d’attraction du nom de Tivoli.

En 1824, Mignon et Hargerman ayant acquis la quasi-totali-té des parcelles du quartier décident de s’associer et songent à lotir et à ouvrir des voies de dessertes. C’est alors que dès le 2 février 1826, le projet définitif des tracés du lotissement est approuvé par la ville de Paris qui apporte cependant quelques précisions :

-Les rues du quartier doivent suivre la logique des autres axes entourant le nouveau quartier.

-Les rues doivent être élargies de 12 à 15 mètres et sont hiérarchisées selon une logique interne au lotissement, les rues les plus larges doivent rayonner depuis la place princi-pale.

-La place de l’Europe doit avoir un diamètre de 130 mètres et un jardin doit être créé en son centre.

C’est à partir de ces directives que le quartier de l’Europe voit le jour.

Les percements des rues commencent aussitôt avec l’ouverture de la rue de Londres. Après la crise financière de 1826 et la paralysie des travaux, L’opération se révèle être en décalage complet avec les besoins réels des nouvelles popula-tions parisiennes.

Dès 1825, parallèlement à l’émergence du lotissement de l’Europe, plusieurs projets de liaisons ferroviaires sont dévoi-lés.

En mai 1836 les frères Isaac et Emile Pereire, avec les in-génieurs Clapeyron et Lamé et l’aide financière du banquier James de Rothschild achètent 3 îlots accolés à la place de l’Europe aux héritiers Hagerman et Mignon. Ce sont les ter-rains qui accueilleront les voies situées au nord du lotissement seront expropriés.

1842 - L’implantation du chemin de fer dans le quartier de l’Europe. De gauche à droite, le tunnel des Batignolles, la tranchée, le tunnel sous la place de l’Europe et la gare Saint Lazare.

Destruction

Construction

Le tunnel des Batignolles depuis l’embarcadère de Saint Germain à Paris (Bibliothèque Nationale, Ca-binet des Estampes)

L’embarcadère du chemin de fer - Paris-Saint Ger-main-en-laye en 1835 - Fichet

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Destruction

Construction

Le chemin de fer va progressivement faire son apparition à Paris, il permettra d’offrir un nouveau moyen de transport de voyageur et de marchandises. Il s’agit maintenant de choisir le rapport qu’entretiendra le chemin de fer avec la ville et l’em-placement de la Gare.

B. Le chemin de fer et/ou le lotissement

Le 26 août 1837, la ligne Paris/Saint Germain est inaugu-rée sur un embarcadère provisoire au nord de la place de l’Eu-rope (le tunnel sous la place de l’Europe n’étant pas terminé). Pour permettre le passage des voies, un tunnel est creusé sous la colline des Batignolles.

Une fois le tunnel sous la place de l’Europe terminé, la nou-velle gare est inauguré en 1842, elle occupe l’angle de la rue d’Amsterdam avec une façade sur la rue Saint Lazare. L’archi-tecte Alfred Armand et l’ingénieur Eugène Flachat élabore la construction de la gare Saint Lazare de 1842 à 1853.

L’implantation des voies génèrent des impasses, ce n’est qu’en 1848 que la continuité est/ouest de ces rues fut ré-tablie par la construction de ponts. C’est le cas de la rue de Stockholm.

Malgré le succès grandissant du chemin de fer, le dévelop-pement du lotissement ne connaît pas le succès escompté. En 1845, les héritiers Hagerman et Mignon s’accordent avec la ville pour créer le jardin au centre de la place de l’Europe.

A partir de 1845, alors que le quartier de l’Europe est en-taillé par ces multiples mutations et l’avenir de sa place prin-cipale est en péril, la tranchée des voies s’étale; l’arrivée de nouvelles destinations induisent de nouveaux travaux, un se-cond tunnel est donc creusé sous la place de l’Europe afin d’accueillir de nouvelles voies.

Le chemin de fer dirige éperdument l’urbanisme du quar-

1851 - Le deuxième tunnel est creusé sous la place de l’Europe, les voies de chemin de fer s’étendent et la gare s’agrandie.

1867 - un nouveau pont est construit à l’emplacement de la place de l’Europe. C’est également l’époque du percement de la nouvelle rue de Rome qui deviendra l’axe principale du quartier

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tier de l’Europe. Au fur et à mesure du développement du che-min de fer, celui du lotissement subit l’effet inverse, la tranchée des voies ayant bouleversée la logique du lotissement dès ses débuts, continue de le desservir.

C. Un nouvel élan urbanistique

Haussmann approuve un nouveau tracé de la rue de Rome en 1858 et sera percée entre 1861 et 1864. Elle ne passera pas par la place de l’Europe et se tiendra à l’ouest des voies. Ce nouvel axe devient un axe nord/sud majeur pour le quar-tier, large de 20 mètres, il relie le carrefour rue saint Lazare/rue du Rocher à l’enceinte des fermiers généraux qui sera supprimée en 1861.

La place de l’Europe perd son jardin central, puis est réduite à un simple pont de métal, réalisé de 1865 à 1867 par l’ingé-nieur Jullien.

La majorité des rues initialement projetées dans le quartier de l’Europe n’ont plus qu’un rôle de circulation secondaire, la place quant à elle n’en est plus réellement une mais devient un carrefour où aboutissent ces voies secondaires. La rue de Rome est presque tangente au pont de l’Europe.

Percement de la rue de Rome en 1865, ©Namur-Lalance/Sipa

1889, les voies de chemin de fer ont atteint leur emprise maximale, création de la gare St Lazare

La gare Saint Lazare vue à vol d’oiseau de la gare réaménagée, avec nouvelles halles ajoutées. (Musée Carnavalet, Cabinet des Estampes)

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ConstructionD. Des architectures remarquables

En 1886, une halle destinée à l’accueil des messageries et marchandises est construite au nord de la place de l’Europe pour palier le manque de place dans la gare Saint Lazare. Elle est accessible depuis la rue Saint Petersbourg, accolée à la place de l’Europe. Dès cette époque, la gare Saint Lazare est exclusivement dédiée au transport de personne, et les messa-geries au transport de marchandise.

En 1889, la Compagnie du chemin de fer de l’Ouest s’étend sur tout l’îlot au sud de la place de l’Europe entre les rues d’Amsterdam, de Rome et Saint Lazare, la gare est recons-truite sous la direction de Juste Lisch de 1885 à 1889 pour l’exposition universelle, la gare construite à l’époque est telle qu’on la connaît de nos jours.

De 1913 à 1919, une deuxième halle prolonge la premiè-re halle des messageries jusqu’au boulevard des Batignolles. Cette structure de métal flottant sur les rails est construite par l’entreprise Moisant-Laurent-Savey,

Le tunnel des Batignolles, long de 311 mètres, fut détruit en 1923 à la suite d’un accident de locomotive qui a lieu en 1921. Aujourd’hui il ne reste qu’une des galeries du tunnel en service et la tranchée est à ciel ouvert de la gare jusqu’a la sortie de Paris. Pour palier à la destruction du tunnel, un pont assurant la continuité du boulevard des Batignolles est construit en 1926.

Le flux des trains de marchandises allant en grandissant, les halles ne suffisent plus à accueillir et décharger tant de convois, le débarquement des marchandises est alors trans-féré en aval de la gare Saint Lazare et du quartier de l’Europe. C’est la naissance du dépôt des Batignolles, ici sont rassem-blées toutes les lignes de transport de marchandises, les deux halles des messageries et marchandises sont donc délais-sées.

2010

Le pont de l’Europe et la gare Saint Lazare en arrière plan

Le pont de l’Europe, vue sur la rue Saint Petersbourg vers la place de Clichy, 1910

La place de l’Europe, en 1955, et les rails de la gare Saint-Lazare. (Collection musée Carnavalet © PMVP / Degrâces) photo de Roger Henrard

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E. Le berceau de l’impressionnisme

La gare Saint Lazare ainsi que les constructions métalliques représentatives de l’aire industrielle telles que le pont de l’Eu-rope et la halle des Messageries inspirent bon nombre d’ar-tiste de l’époque. Aussi bien écrivains, poètes, que peintres, le quartier devient le berceau de l’école des Batignolles, ou en-core l’atelier de Bazille. Ces rassemblements qui se réunissait au Café Gerbois près de la place de Clichy qui réunira les plus grands noms des artistes de l’époque comme Zola, Cézanne, Nadar, Gleyre, Monet, Manet ou Renoir pour ne citer qu’eux.

De nombreux peintres y résident et y trouvent même leur inspiration, c’est là que né l’impressionnisme: Manet peint le Chemin de fer, Monet, la gare Saint-Lazare, Caillebotte, le pont de l’Europe.

F. Le déclin de la magie industrielle

En 1972, l’arrivée du RER désengorge la gare Saint Lazare avec la création d’une station souterraine à Auber (au sud est de Saint Lazare) qui abritera la ligne vers Saint Germain en Laye.

De nos jours, la gare Saint-Lazare dispose de 27 voies à quai et est en correspondance avec plusieurs lignes de trans-port urbain (métro, bus et RER), elle est un des pôles multimo-dale les plus actifs de Paris avec Châtelet.

Manet - Le Chemin de fer, 1873 Ce tableau a été peint à l’emplacement de la halle des messageries qui se situerait en ar-rière plan.

Gustave Caillebotte - Le pont de l’Europe, 1877

Jean Beraud - La place et le pont de l’Europe

Claude Monet - La Gare Saint-Lazare: ligne de Normandie, 1877, National Gallery, Lon-don

Claude Monet - Extérieur de la gare Saint-Lazare: vue sur les tunnels des Batignolles, effet de soleil, 1878,. Collection particulière.

Claude Monet - Le Pont de l’Europe, Gare Saint-Lazare, 1877

Gustave Caillebotte - La Place de l’Europe, temps de pluie, 1877

Le même point de vue en 2010...

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Photo: Séguin Antoine - Tranchée des Batignolles depuis une locomotive, Paris, Mars 2010

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2. Exploration Urbaine

Appuyé par le texte de Phillipe Vasset dans la revue Vacar-me, j’ai choisi de me lancer dans une démarche d’exploration du site particulière. Ayant déjà visité des lieux abandonnés dans le cadre de ma pratique de la photographie, mon proces-sus est bien rodé.

Dans un premier temps, mes visites sur le site furent pro-che d’un simple passage dans le quartier, comme un habitant. Depuis l’espace public dominant les rails, j’ai découvert le pas-sage des trains dans un creux où le métal est roi. J’ai égale-ment remarqué cette masse de fer qui les surplombe : la halle des Messageries. J’ai commencé à porter un intérêt à ce bâ-timent, qui s’avère être un parking, mes premières interroga-tions en temps qu’étudiant en architecture furent « Pourquoi et comment un tel édifice peut il prétendre à une fonction si peu valorisante ? Quelle est son histoire ? »

C’est à partir de ces interrogations que je me suis penché sur le sujet in situ. Il était temps pour moi d’aller au-delà de mes idées premières et de découvrir ce territoire et cette construction dans toutes leurs grandeurs.

C’est ainsi que commence mon exploration urbaine. J’ai donc parcouru le site de toutes les façons possibles, depuis différents points de vue internes et externes aux halles des Messageries. En cadrant des instants d’architecture1, je ras-semble des photographies documentaires qui me serviront de support pour appuyer mes idées et réflexions tout au long de ce rapport. Mon objectif consiste à traduire mes intentions par le biais d’une investigation sensorielle des lieux.

1 L’image de l’architecture à un instant précis, souvent une photographie, Notion que j’ai introduit dans mon mémoire de Master intitulé «Photographier l’architec-ture»,

VIIIème

XVIIèmeXVIIIème

IXème

Plan de situation et lieux importants.

Localisation du site dans Paris

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XVIIIème

2.1. Un site, la tranchée des Batignolles

A. Situation

Le quartier de l’Europe est situé à l’extrême nord est du 8ème arrondissement de Paris, il est bordé par le 9ème arron-dissement à l’est et le 17ème au nord. Le site est entouré par des lieux symbolique de l’histoire et de l’activité parisienne. Je propose une ballade visuelle ayant pour point de départ le pont des Batignolles.

Tout d’abord, un incontournable du site, hormis la halle, en regardant vers le centre de Paris, se hissent en face de nous les vérrières du toit de la Gare Saint Lazare.

Autour des voies ferrés se déroule tout un paysage, je parle bien entendu d’édifices remarquables comme le Sacré Coeur visible depuis le boulevard des Batignolles, ou encore de l’Opé-ra de Paris et de l’église de la Madeleine. A l’emplacement de l’ancienne enceinte des fermiers généraux se trouve le boule-vard des Batignolles d’où l’on peut rejoindre la place de Clichy. Dans cette direction on peut apercevoir la butte Montmartre, et si l’on décide de s’y rendre, on passera au dessus du cime-tière de Montmartre en empruntant son pont de métal.

De l’autre coté du boulevard, toujours en partant du pont du boulevard des Batignolles, on longera le parc Monceau avant de se diriger vers la place de l’Etoile et de découvrir les Champs-Elysées.

En longeant les voies ferrées, vers le nord, en passant par la rue de Rome on arrive au pont Cardinet qui s’ouvre et notre vue s’échappe de cet estuaire vers la banlieue. A droite, le cé-lèbre square des Batignolles se trouve le long des voies

Place de l’Europe

Boulevard des Batignolles

Plan de situation et lieux importants.

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B. Implantation et accès

On accède au site par le train qui passe devant ou sous la halle, avant d’arriver à la gare Saint Lazare : Lieu de transit par excellence, la gare possède 27 quais desservant de nombreu-ses destinations et regroupant les métros 3, 12, 13 et 14 La gare est également un des pôles principaux de la circulation des Noctiliens.

Autour de la halle des Messageries, deux arrêts de métro sont présents. La ligne 2 du métro passe dans le tablier du pont des Batignolles qui lui même est desservi par la station Rome qui débouche sur le pont, en face de la halle.

De l’autre coté de la halle, sur une des branches rayonnant de la place de l’Europe, se situe la station Europe, desservi par la ligne 3 du métro Parisien.

La halle est également desservie par le bus la journée et par le Noctilien la nuit et est entourée de borne Vélib’

En plus des multiples passages de trains, les flux de piétons, cyclistes, automobilistes ou encore motards, on voit que la vi-sion et l’appréciation que le passant ou l’habitant peut avoir du site sont empreints de multiples rythmes, à différentes échel-les.

Ces rythmes permettent d’apprécier le site sous différent saspects et différents points de vue. En effet, selon le point de vue d’où l’individu perçoit le site ainsi que son moyen de trans-port, le projet change de visage comme nous le décrit Phillipe Vasset dans son article «tranchée artère» dans Vacarme : « En train ou en RER, le voyage est assez anodin (les vitres isolent du bruit et empêchent d’appréhender l’empilement des niveaux), mais à pied, le site prend toute sa mesure : au cœur de la ville, on est brusquement dans une immense banlieue bruissante et désaffec-tée. »1

1 Philippe Vasset, « tranchée artère », VACARME

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C. Le fleuve de métal

L’échappée visuelle créée par la tranchée dans la ville nous dévoile un sous sol où l’activité ferroviaire domine le paysage. Cette ouverture ouvre la ville sur l’horizon et un paysage urbain unique à Paris. Emile Zola décrit parfaitement le site en quel-ques phrases dans son roman la Bête Humaine.

« C’était impasse d’Amsterdam, dans la dernière maison de droi-te, une haute maison où la Compagnie de l’Ouest logeait certains de ses employés. La fenêtre, au cinquième, à l’angle du toit mansardé qui faisait retour, donnait sur la gare, cette tranchée large trouant le quartier de l’Europe, tout un déroulement brusque de l’horizon, que semblait agrandir encore, cet après-midi-là, un ciel gris du milieu de février, d’un gris humide et tiède, traversé de soleil. »1

La tranchée des Batignolles est pour moi comparable à un fleuve de métal prenant sa source Gare Saint Lazare, cette coulée métallique en contrebas de la rue où circulent des vais-seaux de fer imprime un mouvement au quartier, le flux quasi continu des trains (un train toutes les 28 secondes aux heures de pointes) rythme la tranchée. Elle comporte 8 voies, pour la plupart des lignes de banlieue. De droite à gauche, en regar-dant vers Paris, les directions sont les suivantes: Auteuil (deux voies), Versailles (une voie), Bretagne (une voie), Saint Germain (deux voies) et Normandie (deux voies).

Le quartier de l’Europe est rythmé par le passage des trains, le pont de l’Europe se met à trembler à chaque passage, tout au long de la journée jusqu’au milieu de la nuit, le groupe Télé-phone y fait allusion dans sa chanson ‘ça c’est vraiment toi ‘:

« Au rythme tchouc tchouc / Du train des Batignolles / Au mur-mure de la ville / Au matin des nuits folles / Rien ne t’affole / Et j’aime encore mieux ça / Oh je préfère ça / Oui j’aime encore mieux ça / Car c’est vraiment toi » 2

1 Emile Zola, La bête Humaine, Chapitre 1.Gallimard, 504p.2 Téléphone, Ca c’est vraiment toi, 1982

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Ce quartier se révèle être un lieu à haute résonance poé-tique, le génie du lieu1 vient de cette tranchée, d’après Alain Roger dans Mouvance :

«L’esprit qui souffle ici et «inspire» ces sites n’est autre que celui de l’art, qui, par notre regard, artialise le pays en paysage.»2

Le passage des trains fait songer au voyage, le passant ob-serve les hommes s’évader par centaine. L’identité du quartier vient de là, de ces ambiances sonores et visuelles issues de la tranchée qui nous invitent à l’évasion. Cette massive construc-tion métallique qu’est la halle des Messageries contribue à la magie du souvenir de l’époque industrielle.

En train, au fond de la tranchée, ou lorsque l’on est assez téméraire pour s’aventurer sur les voies, on découvre le site depuis le « vrai » sol, celui des rails. Ici, où Paris se cache der-rière d’immenses murs de soutènement.

1 Emotion que nous éprouvons devant certains lieux, accompagnée de la convic-tion qu’ils sont habités, animés, d’une sorte de génie, esthétique et mystique, qui le appartiendrait en propre. Roger Alain, Mouvance : 50 mots pour décrire le pay-sage, Édition de la Villette, Paris, 1999, p66, 672 Ibid.

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D. Des ponts et des quais sur et autour du fleuve

La tranchée des Batignolles n’est pas une frontière dans la ville comme cela peut être le cas lorsque des voies ferrées marquent la limite entre deux villes de banlieue. Ici, la tranchée est rythmée par ses ponts (six au total), assez proches les uns des autres plus on s’approche de la gare Saint Lazare.

« Elle est coupée de six ponts, dont les sublimes Pont de l’Europe (se coller aux grilles et regarder vers la gare), des Batignolles (fer-mer les yeux et écouter) et Cardinet. » 1

Ces ponts permettent le passage d’une « rive » à l’autre comme ci la tranchée et les ponts étaient des rues et un îlot haussmannien. Ce sont ces ponts qui permettent d’apprécier l’environnement paysagé et sonore du lieu. Les points de vues que nous avons depuis ces derniers sont ceux d’un regard quotidien, en effet.

Emile Zola décrit la tranchée comme étant rythmée et en-trecoupée par ses ponts, qui dévoilent et cachent les voies à tour de rôle.

« Tandis que le pont de l’Europe, à droite, coupait de son étoile de fer la tranchée, que l’on voyait reparaître et filer au-delà, jusqu’au tunnel des Batignolles. Et, en bas de la fenêtre même, occupant tout le vaste champ, les trois doubles voies qui sortaient du pont, se rami-fiaient, s’écartaient en un éventail dont les branches de métal, multi-pliées, innombrables, allaient se perdre sous les marquises.

Sous la nuit commençante, les maisons lointaines se découpaient en noir, le vaste champ de la gare s’emplissait d’une brume violâtre. Du côté des Batignolles surtout, la tranchée profonde était comme noyée d’une cendre où commençaient à s’effacer les charpentes du pont de l’Europe. » 2

Suivant la distance qui sépare l’observateur du bord de la tranchée, on apprécie le vide différemment, c’est le point de l’entre deux, on découvre la tranchée, et on est encore dans

1 Philippe Vasset, « tranchée artère », VACARME2 Emile Zola, La bête Humaine, Chapitre 1.Gallimard, 504p.

Place de l’Europe

Boulevard des Batignolles

Paris, les deux sont en contact. Je distingue deux types de points de vue depuis ces ponts et quais, le premier que je qualifie de point de vue proche, le second d’éloigné :

- le point de vue proche est le point de vue que l’on a à pied, au bord de la tranchée, il met en relation le passant avec la tranchée, le passant apprécie le vide et son regard est largement attiré par celui ci, je pense en particulier aux enfants qui regardent passer les trains et qui peuvent y rester des heures (une heure d’enfant, c’est deux minutes)

- le point de vue éloigné est celui que l’on a lorsque l’on est plus loin de la tranchée, depuis la route. En effet, le passant en voiture, ou vélo, ne distingue pas forcément la tranchée qui se cache derrière l’effet de perspective, l’observateur la devine grâce à l’absence de bâti, mais elle est assimilable à une avenue d’un point de vue volumétrique.

Par la suite, les deux ponts qui nous intéressent sont les ponts de l’Europe et le pont des Batignolles (dans lequel le métro passe dans le tablier), Ces deux constructions englobent la halle des messageries et nous offrent des points de vues privilégiés sur cette dernière.

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E. De la terre au ciel

Les vues depuis les immeubles qui entourent la tranchée sont des vues privilégiées. En effet, des vues si ouvertes et sans vis a vis direct sont très rares dans Paris, surtout dans le 8ème qui est un quartier très dense.

Les habitants qui vivent dans ces immeubles perçoivent le site et la tranchée différemment : ils la surplombent et peuvent en apprécier les vides.

Lors de mes explorations, j’ai eu la chance de pouvoir ac-céder aux toits de Paris à deux reprises, chose rare et quel-que peu périlleuse. Ma première visite s’est faite sur le toit de la halle, on découvrira les images plus tard. Ma seconde visite n’était pas prévue, alors que j’étais en train de réaliser des relevés de l’existant dans le parking de l’Europe (l’ancienne halle des Messageries), Monsieur LAINÉ, habitant de la rue de Rome m’aborde. De fil en aiguille, il me propose d’accéder à son toit d’où l’on a une vue imprenable sur Paris paraît-il, il ne m’a pas menti. Depuis son toit, une vue à 360° nous dé-voile Paris et la halle des Messageries comme rarement. De là haut, je peux voir la butte Montmartre et le Sacré Coeur, la tour Eiffel, la tour Montparnasse... (cf photo)

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2.2. Un édifice, la halle des Messageries

A. Introduction au projet

A notre époque, je pense qu’il est naturel de se poser la question de conservation du patrimoine industriel. Préférant la notion d’héritage (emprunté à l’anglais Industrial Heritage) à celle du patrimoine pour définir ce que le passé nous lègue, ce « déjà-là » à également déjà vécu, c’est à nous d’en tenir compte dans notre démarche de projet.

« Au delà de l’intérêt aujourd’hui bien compris de conserver la mémoire du passé, la prise en compte de l’existant dans les édifices contemporains induit une contrainte mais aussi une richesse po-tentielle pour les projets. Le fait de composer avec le déjà là, de se confronter à un autre vocabulaire architectural, à d’autres concep-tions de l’espace, de se frotter à d’autres sensibilités exige une ré-flexion, voir un investissement supplémentaire. Mais c’est un facteur positif qui pousse à imaginer des solutions qui n’auraient peut-être pas vu le jour sans cela. Cela permet d’intégrer plus vite et plus fa-cilement une construction nouvelle à un contexte donné, de tisser un lien entre l’histoire et le futur. C’est une main tendue aux généra-tions passées mais aussi un signe de confiance dans la possibilité d’un développement durable. » 1

Sur mon site se trouvent deux halles comme dit précédem-ment. Aucune d’entre elles n’est classée au Monuments Histo-riques ou en tant que Patrimoine du XXème siècle.

A l’origine, ces deux halles assurent la continuité entre la place de l’Europe et le boulevard des Batignolles. De nos jours, ce lien n’existe plus, les deux halles sont séparées, chacune d’entre elle possède sa fonction et ses usages, les halles sont des impasses non communicante.

1 Bertrand Lemoine, « Réhabiliter les édifices métalliques emblématiques du XXe siècle », Editions L’Œil d’Or, p.15

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La première halle construite en 1886 est totalement ré-habilitée. Cette dernière a subit de multiples mutations et sa morphologie a été profondément bouleversée par les change-ments de fonctions. Dans le cadre de ma démarche de projet, j’ai poussé l’étude de cette halle, j’en tire le constat suivant:

L’accès à la halle de 1886 se fait par la rue de Saint Peter-sbourg, et ne s’ouvre pas sur la place de l’Europe, ce qui en ac-centue le caractère délaissé. Cet accès n’invite pas à l’entrée dans le bâtiment.

La structure de la halle ne présente que peu d’intérêt ar-chitectural, sa trame est de moins de 10 mètres par travée sur une portée d’environ de 30 m de large et une hauteur de 20m. Malgré son ancienneté, sa structure ordinaire en fait un volume typique et représentatif de l’architecture de la révolu-tion industrielle.

La halle ne correspond pas à mes intentions architectura-les et urbaines, je fais donc le choix de la démolir et d’en réuti-liser la structure acier dans mon projet.

Je prends donc le parti de conserver seulement la halle de 1912 construite par l’entreprise Moisant-Laurent-Savey. Cela me permet de recréer le lien entre le boulevard des Batignol-les et la place de l’Europe, et de revendiquer ma volonté de continuité et de passage. Je développerai ce point dans la troi-sième partie : le projet.

Tout d’abord, je vais faire un bref retour sur l’histoire des Messageries pour mieux cerner l’évolution de sa forme et de ses usages.

Gravure représentant le monte-wagons de la halle des Messageries (source: la nature; 1887)

Vue à vol d’oiseau de la gare Saint Lazare en cours d’execution en 1886 (avant l’adjonction des nouvelles halles, en bas à gauche) L’illustration, 17 juillet 1886 (Bibliothèque Nationale, Cabinet des Estampes)

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B. Historique

En 1886, une halle destinée à l’accueil des messageries et marchandises est construite au nord de la place de l’Europe pour palier le manque de place dans la gare Saint Lazare.

Elle est accessible depuis la rue Saint Petersbourg, accolée à la place de l’Europe. Dès cette époque, la gare est exclusive-ment dédiée au transport de personnes.

La Nature, une revue parue 1887 (soit un an après la construction de la première halle des Messagerie) nous ra-conte les innovations qu’elle présente:

«Au premier étage, s’aperçoit toute une circulation active de wa-gons, d’employés, de marchandises, qui ne s’interrompt ni jour ni nuit, grâce à un brillant éclairage. […] Lorsque, par suite du resser-rement de terrain, il faut étager les services[…] il suffit d’ajouter des ascenseurs hydrauliques puissants qui font monter et descendre les wagons d’un étage à l’autre. L’étage d’arrivée communique avec celui des voies par deux montes wagons. C’est un spectacle à la fois curieux et émouvant que de voir cette énorme masse de métal dan-sant en quelque sorte sur sa tige par petites secousses avec une merveilleuse sensibilité.

Ce sont de grands et puissants ascenseurs à trois pistons. Leur plateau, de 8 mètres de longueur sur 3,20 mètres de largeur porte une voie sur laquelle vient se placer le wagon pour parcourir la dif-férence de niveaux de 9m60 existant entre les étages du bâtiment des Messageries. La vitesse du plateau est de 1 mètres par se-conde, on peut donc effectuer 80 manœuvres par heure soit 40 montées et 40 descentes, en disposant de 55 secondes à chaque opération pour amener le wagon sur le plateau de l’appareil et l’en retirer.» 1

Ces ascenseurs hydrauliques pouvaient monter les wagons au niveau de la rue où il était alors possible de transférer ces marchandises dans des voitures de livraison.

1 Tissandier Gaston, La nature, revue des sciences et de leurs applications aux arts et à l’industrie, journal hebdomadaire illustré, 1887, 370p.

Le Palais des expositions Citroën, le magasin de l’Europe (source Citroên Communication)

Le Palais des expositions Citroën, le magasin de l’Europe (source Citroên Communication)

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De 1913 à 1919, une deuxième halle prolonge la première halle des messageries jusqu’au boulevard des Batignolles par l’entreprise Moisant-Laurent-Savey. Cette halle, une adjonction de plus de 150 mètres de long et de 6520 tonnes de métal permet à l’ensemble formé des deux halles d’être traversant et d’être accessible par deux accès, le premier se situe 1 rue Saint Petersbourg et le second au 43 bis boulevard des Bati-gnolles.

Une marquise d’accès à cette halle est construite en 1923 pour signaler et couvrir l’entrée dans la nouvelle halle.

Le flux des trains de marchandises allant en grandissant, les halles ne suffisent plus à accueillir et décharger tant de convois, le débarquement des marchandises est alors trans-féré en aval de la gare Saint Lazare. C’est donc au dépôt des Batignolles dans le XVIIème que sont rassemblées toutes les lignes de transport de marchandises, les deux halles des mes-sageries et marchandises sont donc délaissées par la SNCF.

Ces halles, après avoir été rythmées par leurs vies ouvriè-res continues et la cadence des arrivées et départs de trains connaissent un retour au calme.

C’est en 1931 que la halle est louée à la Société André Ci-troën qui s’approprie les deux halles et y implante son premier Palais des expositions (l’ancêtre de celui réalisé par Manuelle Gautrand sur les Champs Elysée). Le palais des expositions de Citroën redonne vie aux halles. Il invite à la découverte de l’es-pace et des voitures. Ce lieu devient un lieu de rencontre, de passage, de curiosité et la foule s’y presse pour découvrir les nouvelles inventions concernant l’automobile. Cette aventure cessera en 1938 et la halle ne connaîtra plus un tel succès et une telle effervescence.

M E N S U E L D ’ I N F O R M AT I O N S L O C A L E S

P12Les habitants du 8e

se mobilisent

P17Concert Quatuor Renoir à la mairie

QUEL AVENIR POUR LE PARKING

DE L’EUROPE ?

N°15-MARS 2010

Tract de l’association «un parking pour le quar-tier de l’Europe»

Une du journal mensuel Paris 8e - Mars 2010

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En 1949, après près de 10 ans d’inoccupation, l’ensemble des halles des messageries est reconverti pour de nouvelles fonctions et occupations.

Depuis cette date jusqu’à nos jours, la halle de 1886 est occupée par un centre de tri de la poste et par un restaurant d’entreprise SNCF. La halle de 1912, elle, est reconvertie en parking et pré-fourrière. Aujourd’hui, elle est exclusivement uti-lisée en tant que parking, connue sous le nom de Parking de l’Europe.

Récemment, Le parking a été menacé de fermeture par l’entreprise qui le gère, la SOVAFIM. En réaction, les utilisa-teurs de ce parking ont créé une association luttant contre sa fermeture, on peut lire dans un de leurs tracts ceci:

«Tant que le Permis de Construire n’est pas délivré, il est inutile de fermer ces locaux, voire risqué. « La Nature ayant horreur du vide » des locaux inoccupés deviennent vite un lieu refuge pour quelques SDF, voire un dépôt d’ordures.»1

L’information de la fermeture du parking a également fait la Une du journal mensuel de Paris 8e en Mars 2010.

Aujourd’hui, le parking est encore ouvert, on peut lire que la SOVAFIM ne fermera pas le parking et à prévu d’entreprendre les travaux par tranche. Evitant ainsi à 450 automobilistes de se retrouver à la rue...

Pour paraphraser la Une du mensuel Paris 8e, quel avenir pour le parking de l’Europe?

1 S.O.S. QUARTIER de l’EUROPE en DANGER, tract de l’association, un parking pour le quartier de l’Europe.

D’une «rive» à l’autre, réciprocité de la vue. Ci-dessus, vue de la rue vers la halle, et vice versa

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C. Relations réciproques entre la halle et le site

Introduite par les deux panoramas de la page précédente, mon exploration m’a amené à distinguer - en plus de la relation au site - le rapport particulier qu’entretient la halle des Mes-sageries avec son environnement. En effet, d’autres relations sont également à souligner et à prendre en compte dans la conception du projet.

Je me suis donc penché sur l’étude de ces relations réci-proques. Plusieurs points de vues sont dissociables, suivant le statut de l’observateur : le rapport existant entre la halle et son site est public donc accessible et quotidien; ou privé donc exclusif et particulier.

Je discerne alors deux types de relations, les relations pu-bliques qui sont accessibles à tous et des relations privées qui sont réservées aux riverains de la halle :

• la halle et le fleuve de métal

• la halle et l’espace public

• la halle et l’horizon

• la halle et les immeubles de la rue de Rome

• la halle et les immeubles de la rue de Berne

Arrivée en train sous la halle, prise depuis une locomotiveSéquence du passage en train

Passage d’un train sous la halle

Rythme _ Etouffement _ Mouvement

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• La halle et le fleuve de métal

Accessible depuis le quai 27 de la gare Saint Lazare, le des-sous de la halle est un lieu où la vie ferroviaire bat son plein. Les trains passent sous la halle sur deux voies réservées au trafic jusqu’à la gare Saint Lazare. Il y a également d’autres voies de garage destinées aux locomotives des cheminots qui s’occupent des changements de quai des rames arrivant en gare Saint Lazare.

Spatialement, la vue est bloquée par cette énorme masse de fer qui n’est autre que la halle. Le regard fuit vers la tran-chée mais est stoppé par les murs de soutènement de la rue de Rome.

«Le voyageur qui arrive sur les voies de la gare Saint Lazare, à Paris, au débouché du tunnel des Batignolles, est frappé par l’aspect d’une construction monumentale en briques et fer […] un peu avant le pont de l’Europe.»1

Cet espace intersticiel horizontal est habité par ses passa-ges quasi-continu des trains sous et à coté de la halle. Il est important de prendre en considération les vues que les passa-gers des trains peuvent avoir sur la halle. La perception que le passager à de la halle est modifiée sous l’effet de la vitesse.

Les notions de déplacement et de vitesse, ou au contraire de pause ou arrêt influent également sur la perception de l’es-pace dans le temps. Le mouvement sous la halle, le passage des trains impriment un mouvement dans l’espace, le ressenti est déstabilisant.

Depuis le train, on longe la halle à allure réduite dûe à l’arri-vée en gare, cela permet d’apprécier l’édifice d’un point de vue tout a fait particulier et exclusif. La trame verticale et la strati-fication horizontale de la halle sont accentuées par la vitesse du passage. Le regard a du mal à se fixer.

1 Tissandier Gaston, La nature, revue des sciences et de leurs applications aux arts et à l’industrie, journal hebdomadaire illustré, 1887, 370p.

Séquence d’approche de la halle

Echappée visuelle _ Découverte _ Attraction

Vue depuis le pont des Batignolles

Vue depuis le pont de l’Europe

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• La halle et l’espace public

Le rapport qu’entretient la halle avec l’espace public - la rue - est séquencé, comme énoncé précédemment, par les ponts et les échappées visuelles entre les immeubles d’habitations. Les points d’observation que le passant a sur la halle depuis l’espace public sont des vues que je qualifie de quotidiennes.

Depuis le pont des Batignolles, on est à hauteur du niveau haut de la halle des Messageries (cf image ci-contre). En haut de la rue de Rome, l’espace n’étant pas bati, une perspective s’ouvre sur la tranchée et la halle, ce qui permet d’avoir une vue frontale sur la façade. Les vues vers la halle et depuis la halle se répondent, les deux points de vue sont possibles.

Depuis la place de l’Europe, on découvre la halle d’un point de vue plus encaissé. Malgré la distance qui nous sépare d’elle, on perçoit ses dimensions imposante. La perspective se res-sert vers la halle.

Dans les deux cas, les échappées visuelles disponibles sur la halle et la tranchée sont impressionnante dans ce quartier dense de Paris.

Ouverture sur la ville _ Liberté _ Horizon

133

• La halle et l’horizon

Le toit de la halle est accessible depuis l’intérieur de cette dernière, j’ai eu l’occasion de m’y aventurer poussé par ma curiosité

En arrivant là haut, l’adrénaline mélangée à la surprise ont créée en moi un sentiment de liberté absolue. Je dominais Paris depuis le toi de ma halle. Cette vue magnifique et la sen-sation d’être sur un vaisseau d’acier m’ont conquis. J’étais là, seul et libre.

Le toit est un lieu déconnectant, un lieu ou l’on se sent ter-riblement seul et bien, la tranchée est quasiment invisible de-puis ce point de vue, à moins de ne se rapprocher du bord du toit.

D’ici je peux découvrir les vues possibles depuis la halle, sur le panorama ci-dessous on découvre de gauche à droite l’Opéra Garnier, les vérrières de Saint Lazare et le pont de l’Eu-rope en premier plan. En arrière plan, on distingue les tours de porte d’Ivry, puis en continuant de balayer notre regard vers la droite, on découvre la tour Montparnasse puis tout à droite de l’image : la tour Eiffel.

C’est ici que je me rend compte qu’on ne voit que rarement les toits de Paris.

Les changements d’horizon, le rapport existant entre les immeubles et la halle est stratifié.

Deux vues sur la halle depuis des immeubles de la rue de Rome

Rapport frontal _ Ouverture _ Mouvement

137

• La halle et les immeubles de la rue de Rome,

Les immeubles de la rue de Rome ont une relation privilé-giée avec la halle des Messageries ainsi qu’une vue directe sur la tranchée et le mouvement rythmé des trains.

La vue est panoramique pour les appartements situés au front de la tranchée. Selon que l’on se trouve en haut ou en bas de l’immeuble, la vue diffère, l’horizon butte dans la halle ou se dévoile. (cf les panoramas page précédente)

Les relations exclusives et réciproques existantes entre ces deux entités, la halle et les logements, indiquent que seuls les habitants du quartier peuvent jouir de ce lien qui unifie l’habi-tant et le projet.

Je tiens à remercier Monsieur Drouot qui m’a gentillement invité chez lui et avec qui j’ai eu une longue discussion concer-nant les rails et la halle.

La majorité des cours de ces immeubles sont plantés de verdure et d’arbre, ces plantations créent un contraste saisis-sant entre les rails et la nature, artificiel et naturel.

Mur _ Obstruction _ Interstice _ Barrière

Vue depuis un immeuble de la rue de Berne, en bas la cour, à gauche la halle. Sur l’image de gauche on peut voir l’interstice qui sépare les immeubles de la halle.

139

• La halle et les immeubles de la rue de Berne.

La relation que la halle et les immeubles de logements haussmanniens du coté de la rue de Berne est très brute. En effet, les façades de ces immeubles ainsi que leurs cours ont un vis-à-vis direct avec la halle des messageries, seul un vide de quelques mètres de large et un garde corps en pierre les séparent. L’interstice (entre le mur de soutènement et la halle) profond d’une dizaine de mètre en moyenne (terrain en pente) par rapport au niveau des cours. La façade de la halle des messageries donnant sur ces cours est actuellement murée de brique, et se matérialise par un mur de 8m de hauteur en moyenne (la rue de berne est en pente, cela se matérialise par des bâtis en escalier.)

Cette relation est traitée différemment suivant la nature de la fonction du bâtiment, comme le montre les photos ci-contre en bas : l’une est prise dans un hôtel et la seconde dans la cour d’un immeuble quelconque..

Chacun son utilisation et son appropriation de l’espace.

En montant dans les étages des immeubles de la rue de Berne, on peut voir le toit de la halle et découvrir de nouveau ce qu’il se passe de l’autre côté de la halle. On ne soupçonne cependant pas la présence de la tranchée des Batignolles.

Mur de soutenement

PlancherPoteau acier

Pillier maçonnerie

Croix de Saint-André

Fermes américaine

Poutre treillis Croix de Saint-André

Coupe longitudinale de la halle

Façade longitudinale de la halle

60m9m

Axonométrie de la structure principale de la halle

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D. Structure et forme

« Le voyageur qui arrive sur les voies de la gare Saint Lazare, à Paris, au débouché du tunnel des Batignolles, est frappé par l’aspect d’une construction monumentale en briques et fer […] un peu avant le pont de l’Europe. » 1

Sur le fleuve de métal, trône une construction métallique imposante, c’est la halle des Messageries introduite précé-demment. Les voies de chemin de fer passent sous la halle où le trafic est encore actif et s’enfui vers la gare Saint Lazare ou la banlieue suivant le sens de voyage des trains. La halle est donc «en lévitation» au dessus des voies; c’est un bâtiment pont et sa structure le traduit.

La halle est composée de trois travées de presque 60 mè-tres chacune, la structure acier repose sur des piliers en ma-çonnerie du coté de la rue de Rome (coté voie) et sur le mur de soutenement de la rue de Berne. La liaison entre la halle en acier et ces pilliers en maçonnerie est assurée par des appuis articulés.

Chaque travée de la halle est elle même composée de 6 travées. Une trame est large de 9 m d’axe à axe des poteaux, qui eux, sont larges d’1m20.

Chaque niveau soutient un plancher de 165 mètres de lon-gueur, ce plancher est de forme trapézoïdale est a pour base une larguer de 40 mètres côté Boulevard des Batignolles et de 33 mètres côté place de l’Europe. Cette surface forme un volume évasé qui se ressert comme un entonnoir en direction de la place de l’Europe. Les volumes de la halle sont également différents suivant que l’observateur se situe au niveau haut ou bas de la halle des Messageries.

1 Tissandier Gaston, La nature, revue des sciences et de leurs applications aux arts et à l’industrie, journal hebdomadaire illustré, 1887,

Coupe transversale de la halle

Pillier en maçonnerie, et liaison acier/maçonnerie

La liaison vue de sous la hallePanorama vertical

143

• Le niveau bas, à hauteur de la place de l’Europe, repose directement sur les piles de maçonneries et surplombe les voies. Comme évoqué précédemment, la liaison acier/pierre est assurée par une articulation (voir photo ci contre).

Ce niveau est une poutre habitée. En effet, il est composé de deux poutres à treillis en croix de saint André (juxtaposition des systèmes Pratt et Howe). Les poutres et poteaux qui en-tourent ces croix de Saint André sont composés de plusieurs sections en I.

Les poutres qui assurent la cohésion transversale de la poutre habitable sont elles aussi des poutres en croix de Saint André. Les poutres qui soutiennent le plancher du niveau bas font 3m75 de haut (1), et celles qui soutiennent le niveau haut sont hautes de 2m50 (2). Ces hauteurs de poutres offrent donc des interstices habitables entre deux poutres. Le plateau de la halle coupe les croix de Saint André environ au tiers de leurs hauteurs.

La façade du coté de la rue de Berne possédait des ouvertu-res en hauteurs qui ont été bouchées lors de la reconversion de la halle en parking.

Chaque travée de la halle a un prolongement sur l’extérieur accessible par les ouvertures des baies vitrées, la plupart n’ont plus de plancher et donne directement sur les rails. Ces balcons ne sont pas relier entre eux.

2,5 m

3,75 m

1

2

Vue depuis le niveau bas vers les boulevard des Batignolles

Vue depuis un balcon sur le boulevard des Batignolles

Vue depuis le niveau bas vers les rails, on peut voir les croix de Saint André qui compose ce niveau

Panorama horizontal

Coupe transversale de la halle

Charpente du coté de la place de l’Europe

Panorama du mur pignon existant entre les deux halles

Charpente du coté du boulevard des Batignolles

1

1

2 2

2 2

Panorama vertical

147

• Le niveau haut repose donc sur le niveau bas, la char-pente est légère et n’obstrue pas la vue, Cette charpente amé-ricaine est supportée par des poteaux, la forme trapézoïdale de la halle impose aux fermes d’être différentes à chaque tra-vées, mais seul le centre de la charpente (les deux pentes de part et d’autres du faîtage) change de dimensions.

Le toit est composé de la partie centrale (1), qui change de dimension d’un bout à l’autre de la halle. Chaque assemblage est différent.

La deuxième partie (2), est composée d’une partie opaque et d’une partie vitrée. Les dimensions de chaque parties res-tent les mêmes dans toutes la longueur de la halle.

La façade sur les rails est vitrée à partir de 1 m du sol, en effet, l’allège de la baie est pleine. La façade du coté de la rue de Berne avait des baies qui ont été bouchées par un remplis-sage en brique.

Le niveau haut possède un prolongement extérieur parcou-rant toute la longueur de la halle, il est aujourd’hui inaccessi-ble.

Le niveau haut de la halle est donc un lieu lumineux grâce à ses vérrières qui offrent un volume généreux et ouvert, sur l’extérieur.

Baies du coté des rails Vue depuis la charpente

Vues du volume intérieur et de sa charpente type ferme américaine

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• En plus de ces deux niveaux classiques, la halle recè-le d’espaces ajoutés au fil de ses occupations. Parmi elle, je compte la marquise d’entrée, la rampe d’accès au niveau bas du parking, l’adjonction d’une petite halle qui traverse la halle.

Ces adjonctions existent et il est important d’en tenir comp-tent dans le projet.

La halle entretient aussi un rapport impressionnant avec son environnement direct, dû a son implantation.

Je propose un tour d’horizon bref et rapide de ces espaces à l’aide de photo afin de mieux en comprendre l’implantation et leurs rôles futur dans le projet.

Baies du coté des rails

Ci contre, la halle d’entrée possède le rôle de marquise. Ce hall cou-vert par une charpente américaine sert à cou-vrir l’entrée à la halle. Cette zone d’entre deux, entre la rue et la halle offre un accueil plus cha-leureux qu’en extérieur et nous plonge directe-ment dans l’ambiance industrielle de l’ensem-ble du bâtiment.

De gauche à droite sur la double page, la séquence de descente par la rampe de parking.

Forêt de poteaux au niveau bas de la halle, dûe à l’aménagement de la rampe.

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Sous la rampe du parking, des poteaux ont été installés pour reprendre les charges

La rampe est un élément qui a été construit pour faciliter la circulation dans la halle. Elle relie le niveau haut au niveau bas par une pente douce.

La construction de cet élément a nécessité des modifica-tions de la structure d’origine. En effet, les poutres ont été cou-pée dans le sens de la longueur, ce qui vient interrompre leur rôle porteur et provoque un affaiblissement de la structure entière. Ces affaiblissement ont été contrés par l’installation d’une structure reprenant les charges de l’ensemble matéria-lisée par des poteaux aux niveau bas de la halle.

La petite halle à gauche, vue depuis le toit de la halle.

Dans la petite halle Depuis les immeubles de la rue de Berne. Vues sur l’adjonction depuis la halle

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La petite halle est une adjonc-tion à l’existant.

-Depuis l’intérieur, on ne la res-sent pas entièrement, seulement son socle est perceptible, mais la lumière entrant par les verrières ne laissent pas deviner l’adjonction de la petite halle. Elle repose sur des poteaux ce qui lui permet de laisser libre le niveau du sol. Des escaliers mènent au niveau haut où des bureaux sont desservis par une coursive extérieure. Au bout de cette dernière, de nouveaux esca-liers montent dans la halle en elle même d’où l’on peut sortir sur le toit de la halle. La halle est compo-sé d’une structure acier classique et de trois fermes en M

-De l’extérieur, elle sort du toit de la halle et est comparable à un pa-rasite venu se greffer sur l’exisant. Elle entretient un rapport fort avec la toiture de la halle et vient briser la longitudinalité de l’ensemble.

Vues sur l’adjonction depuis la halle

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Au niveau bas de la halle, on peut découvrir des résidus de l’activité de la halle avant sa reconversion de parking. En effet, ici sont visible les rails partant des montes wagons qui permettaient d’acheminer les marchandises par le biais des wagons au travers de la halle. Ces rails partent du coté du boulevard des Batignolles et vont jusqu’au mur pignon.

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Ci-contre, l’espace in-terstitiel entre la halle et les constructions, vue depuis le niveau haut de la halle. Cet interstice de 3 mètres de large a une hauteur de 32 mètres de haut, cet espace est par-ticulier et étouffant mais est aujourd’hui inacces-sible, c’est une issue de secours pour le parking, mais elle se trouve fer-mée.

Il faut donner du temps à la ville, et ce sont les promeneurs de demain qui pourront dire si Paris reste toujours Paris en se trans-formant.

Marc Augé, Le temps en ruine.

TROISIEME PARTIE

PROJET:

PARADOXES

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Dans la continuité de mes recherches concernant l’appro-priation des lieux délaissés de la ville et des temporalités de cette dernière, j’ai mis en exergue l’identité de la tranchée des Batignolles. Pour ce faire, j’ai procédé à une approche senso-rielle en pratiquant ce que je nomme une exploration urbaine. Ces études de la halle des Messageries et son environnement m’ont permis d’en dévoiler les qualités urbaines et architectu-rales du site.

Mon projet en est la synthèse concrète. Le principe fonda-mentale de mon intervention est de rendre l’invisible évident.

En dehors de cette approche sensorielle, j’ai étudier les at-titudes et propositions d’espace public existante à Paris. Effec-tivement, je désire rendre ce lieu délaissé à la ville et cherche une réponse aux besoins actuels des populations non seule-ment du quartier, mais également à l’échelle de Paris.

Comment la réappropriation d’un espace délaissé au cœur de la ville peut-elle ouvrir à de nouveaux échanges au sein de la population?

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Illustration des différentes mobilités des individusle passage direct, le passage intéressé, la flânerie, l’arrêt.

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Une rue où les enseignes commerciales et publicités sont volontairement cachées derrières un papier jaune. On se rend compte de l’omniprésence de la consommation dans l’espace public.

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Illustration des différentes mobilités des individusle passage direct, le passage intéressé, la flânerie, l’arrêt.

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Une rue où les enseignes commerciales et publicités sont volontairement cachées derrières un papier jaune. On se rend compte de l’omniprésence de la consommation dans l’espace public.

1. Intentions programmatiques

1.1. Passer, s’arrêter

Entre rue et parc, le projet offre une continuité du tissu ur-bain en proposant une ballade publique dans la ville. Le pas-sage invite l’usager à l’arrêt.

Les lieux publics peuvent être investis de sens variés, selon la traduction qui en est faite à un moment donné, sa définition restant ouverte, évolutive. Un espace public apparaît dès lors fragile car ce qui le fonde est en mouvement, sujet à inter-prétation. Il est ce qui nous est «commun», c’est-à-dire cette possibilité de tous les humains de percevoir le monde à un mo-ment donné, au delà des différences de regard de chacun.

A. Appropriation libre

Ici, l’usager peut y faire ce que bon lui semble: passer, s’ar-rêter, dormir, jouer, lire, écouter, regarder, flâner... Mon inten-tion est d’offrir un lieu public au quartier et à Paris, un espace libre, ouvert, accessible, où les individus peuvent former des groupes, où les jeunes peuvent se regrouper sans pour autant sembler être une menace, un lieu où l’on prend le temps d’être: d’être ici et maintenant.

Alessia de Biase et Monica Coralli évoquent trois façons d’être dans leur livre Espaces en commun. Je m’inspire de leurs écrits pour définir mon projet.

«Dans le projet urbain contemporain trois idées semblent pres-que désormais révolues : l’incertitude, la lenteur et la gratuité.

Ces trois arts d’être dans l’espace public ont complètement formé des générations d’écrivains qui ont pris la ville moderne

Deux images provenant du référencement des dispositifs anti clochard. Survival Group, Anti-Sites, Images de Arnaud Elfort, Guillaume Schaller et Lorentino, http://www.survivalgroup.org/anti-site.html

Les chaises des Tuileries

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comme scène privilégiée pour leurs récits. Ces trois manières d’être dans l’espace public, qui se fondent sur le principe d’habiter un es-pace, étaient aussi trois économies qui profitaient pleinement du fait d’être, dans le sens de « rester », dans un espace (rue comme place). Il s’agit, enfin, de trois postures engendrant des conceptions architecturales et urbaines qui produisaient (et qui peuvent encore produire !) une espace vivable et appropriable. [...] Sommes nous encore capable de poser notre corps dans un espace en dehors de chez nous ?

Qu’est-ce qu’un corps en pause dans un espace en pause ?»1

La question soulevée ici renvoie aux rues Parisiennes, où les espaces publics sont privatisés et les espaces privés publi-cisés. Je pense à la multiplication des centres commerciaux définis comme espaces publics, je pense aux halles et autres passages privés publicisés de Paris et aux multiples centres commerciaux de sa banlieue. Moi même, habitant à Créteil à proximité de Créteil Soleil (le centre commercial de la ville), j’assiste chaque jour au spectacle de publicisation des espa-ces privés.

On assiste à une véritable mutation des espaces urbains, Mon projet consiste à retrouver ces valeurs quasiment dispa-rues de nos espaces publics.

«De plus en plus, les plus belles places de nos villes sont occu-pées par de superbes terrasses de cafés qui, lors d’une belle jour-née de printemps, ont été élues comme les seules possibilités pour s’asseoir à l’extérieur. Nous payons pour être sur l’espace qui nous appartient.»2

Rendre la ville à la ville, ou plutôt, rendre la ville aux usagers de la ville, tel est l’objectif de mon projet. Le mobilier urbain possède un rôle important dans les espaces de pauses. Je prend l’exemple des Jardin du Luxembourg et celui des Tuile-ries qui possèdent un mobilier urbain exceptionnel : leurs chai-

1 Alessia de Biase et Monica Coralli, Espaces en commun, nouvelles formes de penser et d’habiter la ville, l’Harmattan, 2009, Paris, p.142 Ibid.

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ses favorisent les rencontres et maximisent les possibilités de configuration et d’appropriation de l’espace public. Ces jardins eux aussi sont des passages (plusieurs entrées/sorties) mal-heureusement, ces parcs sont fermés le soir et la nuit (sauf événement exceptionnels comme les Nuits Blanches). L’intro-duction de ces mêmes chaises connues de tous les Parisiens dans le projet permet une appropriation et une occupation de l’espace très variés.

«Oui, je pense qu’une ville si on doit se diriger vers plus d’huma-nité, devrait être faite/défaite par ceux qui l’habitent ou vont l’ha-biter. Pas par ceux qui n’auront pas à la défendre ou un besoin à la détruire un jour (comme dans le cas de Numance en Espagne, assiégée par les légions romaines). Donc éviter de concevoir la ville comme un service public ou comme une galerie marchande si on veut éviter de vivre comme des poulets en batterie (avec ce qu’il faut, exactement de protéines, de glucides, protides, calcaire de syn-thèse, acides aminés etc.) Mais penser que la ville est une «chose» publique (une «res» publica) cela implique qu’elle soit le résultat des ajustements relationnels, violents ou pas, et qu’elle soit à la fois le fruit commun d’un essai de vie ensemble et toujours en devenir (pas comme les galeries marchandes - actuel modème de l’action pu-blique en matière d’urbanisme - qui n’en ont aucun et n’en laissent deviner aucun autre en dehors de la conception agro- industrialo-ali-mentaire de l’humain qui les porte).1»

«Les anciennes villes étaient vivantes précisément parce qu’el-les n’étaient pas planifiées, que les maisons et les rues s’étaient construites et tracées peu à peu, selon les besoins, qu’on ajoutait une pièce ou une aile, qu’on perçait un passage ou une ruelle quand il fallait plus de place ou plus de dégagement»2

Pour faire vivre le lieu, il faut que ses usagers aient la possi-bilité d’y intervenir, d’y rester, le temps d’une nuit ou d’un ins-tant, d’en déplacer les composants ou d’en créer de nouveau. C’est dans cette direction que je tourne mon projet.

1 Jean Paul Curnier, réfèrence inconnue.2 Affeulpin Gustave, La soi-disant utopie du centre beaubourg, Antidotes, 1976, p.25

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«Défendre l’architecture de nos cités contre l’emprise du ban est l’affaire de tous. Nous devons reconquérir la liberté d’expérimenter sur la ville. L’espace est l’allié dont nous avons besoin pour inventer à nouveau, là où elles ont disparu, les conditions de la politique. Nous devons préserver des lieux inoccupés et accessibles sans distinc-tion, qui laissent du jeu au passage et à la rencontre, des clairières qui accordent sa place au hasard, des espaces gratuits ou le simple fait de la coexistence peut se réfléchir diversement. […] il faut opé-rer en marge des programmes et des règlements, et à une tout autre échelle, en intervenant là où des changements sont possibles, c’est-à-dire sur le terrain. […] la réappropriation collective de l’es-pace transforme les déchets en ressource. […]

La réappropriation n’est pas une requalification ou une réhabili-tation, elle fait place à la politique en donnant cours aux libertés dont leur commun usage est la condition. En y suspendant les rapports de pouvoir et les spéculations du marché, tout en préservant leur caractère indestiné et leur inutilité, elle tire de l’abandon une chance : elle rend les lieux à l’à venir.

En consacrant le loisir que leur accessibilité et leur disponibilité offrent aux mouvement, aux rencontres et aux conversations, en leur donnant la possibilité de croitre et d’affecter les sensibilités et les passions de ceux qui les croisent, elle laisse exister des espaces nouveaux, aussi divers que les espaces naturels sont différents les uns des autres.»1

1 Patrick Degeorges et Antoine Nochy, Extrait de L’impensé de la ville, sous la direction de Patrick Bouchain, atelier «La forêt des délaissés» Janvier 2002

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B. Hospitalité

«Certains services de bien être sont absents la nuit. Les toilettes publiques ferment souvent à 19 heures et ne sont pas toujours re-layées par les sanisettes. Les fontaines et points d’eau sont relative-ment rares et beaucoup de bancs ont été supprimés ou remplacés par des bancs anti-clochards, beaux symboles d’urbanité. Il est bien difficile de boire, s’asseoir ou uriner gratuitement dans la ville après 19 heures.»1

Cet extrait du livre de Luc Gwiazdzinski pointe du doigt l’in-hospitalité de nos villes. Dans mon projet, je tiens compte des besoins de tous et propose des espaces ouverts et accessi-bles au public permettant aux usagers de la ville de vivre en dehors de chez eux dans les meilleures conditions possibles et dans un esprit de gratuité et de liberté. J’installe dans mon projet les nécessaires de la vie quotidienne de l’usager.

1 Luc Gwiazdzinski, La nuit, dernière frontière de la ville, La tour d’Aigues : L’Aube, 2005 - 245 p.

vous êTes IcI

Halles paJol + 104

Halles FreYssINeT

gare de lYoN

cHamps elYsées

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moNTreuIl

gare moNTparNasse

les Halles

gare de l’esT

pIscINe molITor

Schéma prospectif des relations possibles entre les futurs oasis de temps continu Parisiens

Guide méthodologique d’élaboration d’une Charte local des usages de la rue. et une campagne publicitaire contre le bruit la nuit - Source: Ville de Paris.

GUIDEMÉTHODOLOGIQUED’ÉLABORATION

des usagesde la rue

CHARTESLOCALES

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C. Un espace temps

Ce lieu de la mobilité est ouvert 24 heures sur 24. Ce lieu diurne et nocturne est l’un des rares espaces piétons (à la manière d’un parc) qui reste ouvert la nuit à Paris, il devient un des pôles nocturnes actuel et futur de Paris grâce aux Nocti-liens.

Afin d’éviter les conflits d’usages, une charte sera mise en place suivant le modèle des «chartes des usages de la rue» communiqué par la mairie de Paris. Une communication im-portante doit être établie entre usagers du projet et riverains ainsi que commerçants. A l’avenir, la première équipe de Ko-ban1 Parisiens pourra prendre ses quartiers sur place, assu-rant ainsi la sécurité de façon discrète.

Ainsi le lieu public se présente comme un vide, c’est-à-di-re qu’il est ouvert à toute interprétation et possibilité d’usa-ge. D’après Henri Maldiney2, le vide n’est pas une négation du monde mais au contraire une «condition qui rend possible la perception sensible du monde». Du rien émerge la vitrualité d’ «être le monde». Ce vide consitutif des lieux permet l’expres-sion de ce qui nous est commun. C’est à partir du vide que les hommes peuvent réinventer les lieux en continu, que l’identité, l’atmosphère des lieux, d’un groupe, d’une ville, se créent.

1 En Japon, les Kobans sont des petites unités de police qui monte la garde et veille à la sécurité du lieu en vélo, ils ont en charge d’indiqué leurs chemins au pas-sant et d’aider les personnes ivres.2 Henri Maldiney, Art et existence, Klincksieck, collection Esthétique, 2003

Centre Commercial à Nogent le Rotrou, photo: Séguin Antoine

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1.2. Se cultiver

En m’appuyant sur mes connaissances enrichies par mes recherches, mon constat est le suivant :

Paris est une ville pourvue d’une culture urbaine, présente et importante. J’ai laissé une place particulière à l’art urbain dans mon projet. Je suggère la création d’un centre d’art ur-bain, donc d’après moi, non-institutionnel. L’espace est dédié à l’art de rue et les artistes ont la possibilité de se l’approprier.

J’ai également constaté que le 8ème arrondissement était dépourvu d’équipement sportif. En effet, en répertoriant tous les équipements sportifs de la capitale sur une carte, le 8e arrondissement se démarque, par leurs absences. Je met à disposition un lieu de pratique et d’appropriations sportives, rééquilibrant, dans la ville la distribution de ces équipements.

En outre, les équipements sportifs et culturels, représen-tent que ce soit à l’échelle d’une ville ou d’un quartier, un lieu de rencontre. En effet, ce sont des espaces essentiels pour les interactions entre acteurs et la création de liens sociaux, ce sont des lieux de coexistance et donc à fortiori de mixité. Ainsi, en créant un lieu appropriable, je favorise les échanges qu’ils soient culturels ou résultant du quotidiens.

Happening #1 proposé par A. D. Gallizia, un musée à ciel ouvert dans Paris, où les oeuvres sont visibles de leurs créations à leurs diffusions.

Schéma décrivant l’interaction créée entre l’espace public et l’espace de production d’une friche ouverte sur la ville.

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A. Pratiques artistiques

Depuis quelques années, nous assistons à un phénomène de légitimité et de reconnaissance de cet culture de la rue à travers par exemple, l’exposition Né dans la rue à la fondation Cartier cette année, ou encore celle au grand Palais nommée Tag. Cette dernière fut lancée à l’initiative de Alain Dominique Gallizia, architecte, qui avoue son objectif de « tendre une toile entre la rue et le musée, et offrir des oeuvres a une autre belle œuvres ».

Humble, cet architecte refuse de mettre son nom sur les immeubles pour l’éternité, et s’émeut de voir d’autres artis-tes des rues, des taggers, à qui on refuse au même endroit de laisser leur nom pour seulement quelques jours. En mars 2010, il propose un premier « happening » en pleine rue, des surfaces, des espaces sont à la disposition de taggers pour qu’ils puissent s’exprimer. Il donne des moyens d’expression à ces artistes et de diffusion à cet art.

Mon objectif est de mettre en valeur le processus de créa-tion et la communication au sein de la population. La mise en place d’un tel programme permet ainsi de favoriser l’échange et la pluridisciplinarité entre population et artistes, le projet est un véritable laboratoire artistique expérimental.

Le processus de création est séquencé dans l’espace, de la recherche à la diffusion des oeuvres en passant par l’appren-tissage.

- Des ateliers résidences et des ateliers d’artistes sont crées. La résidence possède un rôle phare dans la vie d’un lieu artistique, résider c’est être suspendu dans le temps de la création sans rendre de compte. L’artiste résident est amené à s’isoler au cœur de la ville, il travaille et questionne un enraci-nement culturel dans un temps de la création mouvant, fugace et pluriel. La résidence pour un artiste est une période de fric-

Schéma décrivant les interactions entre les résidents et la population d’une friche.

Carte synthétisant la présence d’équipement sportifs dans Paris.

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tions entre les territoires (d’où il vient, et où il résite) créés par le déplacement et la notion de passage que la résidence met en place. Résider c’est aussi la possibilité d’errer, de délaisser et d’abandonner quelque chose pour faire œuvre.

- Des espaces clos appropriables par diverses pratiques pourront être occupés suivant l’organisation interne du lieu. Je compte parmi ces pratiques :

photos, vidéos, musique, son, multimédia, sculpture, graffiti, pochoir, danse, théâtre, visionnage, projection...etc

B. Pratiques sportives

Suite au constat du manque d’équipement sportif dans le 8e ainsi qu’a ma volonté d’offrir un lieu utile à la population au quartier, à l’arrondissement ainsi qu’a la ville. Le 8e ne possède à l’heure actuelle qu’un gymnase et est en manque cruel d’espace sportif. C’est pourquoi je propose l’installations d’équipements sportifs dans mon projet.

Halle Belvédère Renouveau

Croquis synthétisant mes idées.

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2. Intentions substantielles

2.1. Des entités

Comme énoncé précédemment, je démolis la halle de 1886 et crée un projet à son emplacement. La halle de 1912 est ainsi en rapport avec cette nouvelle entité: l’ancien et le nou-veau ne font qu’un.

Je m’appui sur le mouvement du chemin de fer qui devient l’élément fédérateur de la dynamique du projet.

A. La halle des Messageries

La halle des Messageries devient l’élément emblématique de mon projet, ma position architecturale face à ce déjà-là est de ne pas le renier, mais de m’en servir en tant qu’atout dans mon projet.

L’utilisation actuelle de la halle est un parking sur ses deux niveaux de presque 6000 m² chacun. Les 450 voitures du parking occupent environ 15% du volume total de la halle (il n’est occupé qu’au tiers de son total la majorité du temps). Cette sous-utilisation ne fait que me conforter dans mon choix de réappropriation de la halle.

Ma démarche consiste alors à concevoir mon projet dans l’idée de transcender les qualités, les particularités et le carac-tère exceptionnel de la halle.

Pour ce faire, j’investi les espaces interstitiels présents dans la halle et à l’extérieur. En respectant sa trame constructive, je viens insérer des fonctions dans ces espaces autrefois inac-cessibles, ces intégrations dans l’existant donnent des identi-tés inattendues aux espaces créer. Les interventions gardent la logique constructive de la halle.

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B. Le Renouveau

A l’emplacement de la halle de 1886, je crée une adjonction à celle de 1912. Cette entité s’oppose et agit en comparai-son à l’existant. Le rôle du Renouveau est de mettre en valeur l’existant tout en étant elle même un élément fort de l’ensem-ble du projet.

Cette intervention se fait dans la continuité de l’existant, elle en reprend les principes en les dévoilant d’avantage.

Cette confrontation permet à l’usager de comprendre le rapport spatial et temporel entre l’existant et le nouveau. Le déjà-là n’est pas figé mais traverse les âges grâce au Renou-veau.

C. Le belvédère

Un belvédère crée le lien aérien entre les deux entités pré-cédentes. Il offre un point de vue dominant sur le site et Paris.

Son aspect permet d’avoir des vues cadrés sur les rails et les vues que l’on a depuis le toit.

Le nouveau se dresse face à l’ancien. C’est cette tension et ce rapport que je propose d’étudier. Il s’agit de poser ici une ville sans éradiquer ce qui fait l’identité de ce territoire. Juste mettre en contact le ciel et la terre, faire se toucher les vides.La vue a le champs libre et peut traverser le lieu quand bon lui semble.

Façade du Fun Palace de Cédric Price

Façade du Fun Palace de Cédric Price

Perspective du Fun Palace de Cédric Price

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2.2. Accès et circulations

A. Accès

L’accès au projet se fera depuis la place de l’Europe et le boulevard des Batignolles. Mon intervention se traduit par la création d’interfaces entre la ville et le projet. Une interaction se crée entre le projet et le site.

Un axe relie directement le centre de la place de l’Europe à la halle, je le nomme l’axe de l’Europe. Cette passerelles survo-le le fleuve de métal et ouvre des vues cadrées sur la tranchée des Batignolles et les éléments qui l’entourent des deux côtés. Ici, l’usager se retrouve face à la grandeur du site.

Du coté du boulevard des Batignolles, j’élargis le pont et prolonge l’espace public en créant ainsi une nouvelle place des Batignolles qui devient un point de vue privilégié sur la tran-chée et le projet.

B. Circulations horizontales

Mon projet consiste à rétablir la continuité entre la place de l’Europe et le boulevard des Batignolles. Cette continuité se matérialise par un passage à travers la halle et l’adjonction que je crée.

Ce passage se fait en parallèle à celui des trains en contre-bas. Ces deux mobilités se font en

C. Circulations verticales

Le passage entre le niveau haut (celui des Batignolles) et le niveau bas (celui de la place de l’Europe) se fait par la rampe existante dans le parking, et par des escaliers et escalators. Les deux niveaux de la halle et du projet étant en relation constante.

Chargement d’un container sur un wagon

+

=

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2.3. Eléments programmatiques

La ballade devient le support d’événement et de la vie du quartier et de Paris. La halle retrouve sa fonction initiale en réintégrant les montes wagons, ces derniers servent à éten-dre l’impact de la halle à l’ensemble du territoire. Grâce au réseau ferré, il est possible d’importer un container depuis le monde entier jusque dans la halle. Ces containers peuvent contenir tout et n’importe quoi, ce qui augmente l’attrait et la diversité des possibles.

Ces containers sont transformables à volonté par la popu-lation, les artistes où le propriétaire (ou locataire), véritables support d’animation. Ils se définissent fonctionnellement par la suite, les programmes possibles sont multiples: Kiosque/Bar/Pizzeria/Scène/Lieu de débat/Dazibao1/Expression ar-tistique libre/Rien... toutes sortes de fonctions peuvent y être implantées.

«Il s’agit ici de lui (le peuple) permettre de construire sa propre culture, à partir de son propre vécu et selon des cheminements autonomes.»2

Les containers sont donc montés sur les wagons puis par les montes-wagons, sont envoyés au travers du projet. Ainsi, le niveau bas du projet peut être saturé ou non de wagons et de containers suivant les événements s’organisant dans la halle ou encore les besoins (ou pire, envie!) de tel ou tel groupe d’in-dividu. Les containers sont donc en mouvement dans la halle et marques des arrêts dans des lieux indéfinis. Chaque wa-gons étant autonome

1 Un Dazibao est un mot venant de la chine impérial, c’est une affiche apposée sur un mur par un simple citoyen, celle ci évoque aussi bien des sujets politiques que moraux. C’est un moyen d’expression libre, un droit fondamental.2 Affeulpin Gustave, La soi-disant utopie du centre beaubourg, Antidotes, 1976, p.64

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CONCLUSION

Dans le cadre de mon travail personnel de fin d’étude, j’ai eu l’occasion d’approfondir mes connaissances sur un territoire qui me tient à coeur. En découvrir l’histoire, la structure, les formes et les usages m’a passionné, je suis tombé amoureux de ce lieu et chaque découverte a fait naître en moi des sen-sations intenses.

Je suis conscient que mon projet de réappropriation de cet espace au coeur de Paris s’inscrit dans un processus lent et incertain. Dans mon projet je propose humblement d’initier ce mouvement d’appropriation et de renouvellement des usages de la ville par mon intervention architecturale en y créant un passage favorisant les circulations douces.

En travaillant sur les temporalités qui s’imposent à la ville, et les usagers qui imposent leurs usages, l’enjeu du projet et de proposer un lieu qui s’inscrit dans la continuité de la ville, un lieu déclencheur qui ouvrira la halle et son adjonction à de nouveaux échanges au sein de la population.

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BIBLIOGRAPHIE

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REMERCIEMENTS

A mes tuteurs,

Michael Halter et Donato Severo

Je tiens à remercier également ma famille qui m’a tou-jours soutenu et encouragé dans mes entreprises, ainsi que

mon amie et mes amis, pour leurs aides.

LES MESSAGERIESPARADOXES

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Séguin Antoine - Juillet 2010

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