PRISE EN CHARGE DES CONDYLOMES - AP-HM

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PRISE EN CHARGE DES CONDYLOMES

Dr Christophe Compagnon

Hôpital Saint-Joseph

Cegidd Saint-Adrien

Dermato-vénéréologue libéral

DÉFINITION

• Les condylomes sont des lésions cutanéomuqueuses visibles lors d’un examen

clinique et secondaires à une infection par les HPV (human papillomavirus) des

cellules de la couche basale des épithéliums malpighiens

• Plus de 200 génotypes:

• Virus à ADN double brin circulaire

• HPV responsables de condylomes, à faible risque oncogène: 6, 11, plus rarement 30,34,

40, 42, 43, 44, 57

• HPV à haut risque oncogène: 16, 18, 45, 56 mais aussi 31, 33, 35, 51, 52, 59, 68, 73, 82:

risque de carcinome épidermoïde de l’anus et du col utérin

CONDYLOMES ET DYSPLASIES

• Les condylomes n’évoluent pas vers des lésions dégénératives

• Par contre des condylomes peuvent être associés à des lésions dysplasiques: en

effet lors d’une contamination plusieurs génotypes sont transmis

DES CHIFFRES

• 70 à 80 % de la population sexuellement active en contact avec le virus au cours de sa vie

• 1 à 2 % de la population des USA présente un infection anogénitale et 10 à 15 % une infection latente

• Risque de contamination après un seul contact: 60 à 70 %

• Prévalence maximale entre 20 et 25 ans puis diminution nette après 30 ans

• Récidive fréquente: 30 à 60% selon critères de guérison retenus (90% dans la 1e année suivant la rémission initiale)

• En France, l’incidence des condylomes génitaux chez les hommes de 20 à 30 ans est de 500 pour 100 000 habitants

• 3 femmes sur 4 exposées à une infection du col par le HPV dans les premières années de leur vie sexuelle

DES CHIFFRES (2)

• Étude multicentrique Amérique Sud et Nord: lors d’un dépistage systématique de la prévalence du HPV au niveau anal:

• Hétérosexuels: 12 % dont 6% HPV 16

• Homosexuels: 47 % dont 2 % HPV 16

• Prévalence des condylomes en France chez les PVVIH:

• Au niveau anal: 23 %:

• 47 % en intracanalaire exclusivement (qui n’auraient pas été dépisté sans une anuscopie systématique), 18 % sur la marge, 35 % en intracanalaire et extracanalaire

• 36 % pour les HSH, 15 % pour les hétérosexuels masculins, 11 % chez les femmes

• Au niveau pénien: HSH: 9 %, hétérosexuels: 7 %

• A noter: une dysplasie chez 56 % de ces patients sans différence entre HSH et femmes

HISTOIRE NATURELLE DU HPV

• La plupart du temps cette infection ne provoque aucune lésion: clairance spontanée des infections HPV en moyenne au bout de 8 mois après la contamination

• Quelquefois le virus « s’accroche » avec des lésions visibles dans 10 % des cas

• Facteurs favorisants la persistance à l’état quiescent: pilule contraceptive, nombre de grossesse, infections intercurrentes, tabagisme

• Immunodépression peut réactiver le virus

• Délai d’incubation: 3 semaines à 6 mois mais peut atteindre plusieurs années en particulier pour les lésions précancéreuses donc difficile de déterminer la date de contamination et le partenaire contaminant

• La plupart des patients guérissent complètement et ne sont plus contagieux (hors circonstances exceptionnelles de baisse de l’immunité)

MODE DE CONTAMINATION

• Lors des premiers rapports sexuels avec ou sans pénétration, caresses, avec ou

sans préservatif (bien qu’efficace partiellement)

• Accouchement

• Transmission manuporté ne serait pas négligeable: présence HPV sur les doigts

de 38% des femmes et 64% des hommes ayant des condylomes

ASPECTS CLINIQUES

• CONDYLOMES ACUMINÉS OU VÉGÉTATIONS VÉNÉRIENNES OU CRÊTES DE COQ:

• Exophytiques, papillomateuses, roses, blanchâtres, multiples

• Rarement le siège de lésion dysplasique

• CONDYLOMES PAPULEUX:

• Papules isolées ou en nappe, rosées, pigmentées ou couleur peau normales

• Souvent associées aux précédentes

• CONDYLOMES PLANS:

• rouges, rosées ou leucoplasiques, rendues plus visibles par l’acide acétique

• Nécessitant des biopsies ou des cytologies car souvent associées à des HPV oncogènes

TUMEUR DE BUSCHKE LOWENSTEIN

• Condylome exophytique, bourgeonnant, de grande taille

• Résultant de condylomes acuminés non traités

• Lié au HPV 6 et 11 donc non oncogène

• Mais associé dans 30 à 50 % des cas à un carcinome épidermoïde invasif

LOCALISATIONS DES LÉSIONS

• Chez l’homme, prépuce et gland

• Chez la femme, vulve et col, plus rarement vagin

• Atteinte méatique distale (dernier cm)

• Atteinte de la marge anale et du canal anal (jusqu’à l’année zone pectinéale,

mais pas dans la muqueuse glandulaire rectale) même en l’absence de

pénétration (psoriasis)

• Scrotum, plis inguinaux,

• Plus rarement: orales, langue, lèvres, pharynx

MOYENS DIAGNOSTIQUES

• Cellules atypiques ou dysplasiques identifiées sur cytologies du col ou de l’anus

• Virus détectés et typés par PCR

• Colposcopie

• Anuscopie haute résolution avec loupe binoculaire

• Biopsie

• En pratique, la prise en charge des localisations anales étant moins bien codifié

que celles du col, repose sur l’identification (et la destruction) des lésions

visibles lors d’une anuscopie standard

BILAN DEVANT UN CONDYLOME

• Dépistage des autres IST

• Recherche d’une immunodépression

• Dépistage du risque néoplasique sur les sites à risque:

• Les condylomes acuminés sont associés dans 20 à 30 % des cas à une infection du col

ou de l’anus par des virus à haut risque

• Donc faire frottis du col et anuscopie

• Dépistage des partenaires

INDICATIONS DE L’ANUSCOPIE

• Dans les 2 sexes, idéalement en cas de condylomes génitaux ou de la marge

anale mais mal acceptée (info patients)

• PVVIH: systématique (47 % des patients ont des lésions exclusivement

intracanalaires)

• Place de la cytologie anale à déterminer

INDICATIONS DE L’URÉTROSCOPIE

• Atteinte méatique ou urétrale dans 20 % des cas de condylomes anogénitaux

• Pas nécessaire si condylomes visibles par éversion des berges du méat ( 1 cm

distal)

QUAND BIOPSIER ?

• Inutile en cas de lésions évocatrices de condylomes acuminés

• Mais plusieurs études ont montré la coexistence de lésions dysplasiques

• Devant un aspect maculopapuleux ou leucoplasique (intérêt de la cytologie à

préciser)

• Devant des lésions résistantes au traitement

INDICATIONS DES TYPAGES VIRAUX DEVANT DES CONDYLOMES ACUMINÉS

• Demande fréquente

• Pas d’indication dans la pratique clinique à réaliser un typage en cas de

condylomes anogénitaux car les modalités thérapeutiques ne dépendent pas

des types viraux (pas de remboursement)

INFORMATION DES PATIENTS

• Délai d’incubation de 3 semaines à plusieurs années

• Distinguer dans les propos cancer, infection par HPV, condylomes

• Contagiosité élevée des condylomes, plus faible des lésions dysplasiques

• Possibilités de régression spontanée des lésions

• Fréquence des formes asymptomatiques expliquant des découvertes tardives

ou la négativité du bilan chez le partenaire

• Expliquer que le traitement vise à faire disparaitre les lésions visibles, pas

l’éradication virale

INFORMATION DES PATIENTS (2)

• Et surtout informer le patient du taux élevé de récidive

• Quel que soit le traitement utilisé: bistouri électrique, laser, cryothérapie, destruction chimique, aucun traitement ne présente d’avantage marquant sur les autres

• Et de la nécessité d’un suivi prolongé:

• L’éradication nécessite des séances itératives de destruction des lésions: 2 à 4 semaines

• Et une surveillance prolongée après la disparition des lésions du fait de la fréquence des récidives: 1 mois pendant 3 à 12 mois

• Mais la persévérance dans les traitements permet presque toujours de guérir

TRAITEMENTS PHYSIQUES ET CHIRURGICAUX

• Cryothérapie:

• Fréquence d’application en fonction du délai de cicatrisation: 1 à 2 semaines

• Efficacité opérateur dépendant: 60 à 90 %

• Effets secondaires: douleur, ulcérations

• Laser CO2:

• Anesthésie locale ou générale

• Efficacité opérateur dépendant: 80 à 90 %

• Douleurs, cicatrices rétractiles, pigmentations

TRAITEMENTS PHYSIQUES ET CHIRURGICAUX (2)

• Bistouri électrique:

• Technique de choix en proctologie

• Efficacité: 80 à 93 %

• Douleurs, cicatrices, dépigmentation

• Chirurgie:

• Circoncision

• Condylomatose extensive

TRAITEMENT IMMUNOMODULATEUR

• IMIQUIMOD: stimule une réponse cytotoxique avec inflammation cutanée

• Application 3 fois par semaine jusqu’à 16 semaines

• Réservé aux lésions externes planes

• Rougeur, érosion, ulcération, voire syndrome pseudogrippal

• Efficacité: 45 à 70 %

• Récidive serait moins fréquente du fait de la réduction de la charge virale

• Peu efficace en cas d’immunodépression (CD4<200)

TRAITEMENTS CHIMIQUES

• Podophyllotoxine:

• Extraits de plante, application 3 jours par semaine pendant 5 semaines

• Efficacité: 60 à 80 %

• Douleur, inflammation, érosion

• 5-fluoro-uracile:

• Pas d’amm en France: risque ulcération, nécrose

• Acide trichloracétique à 85%:

• Par praticien 1 fois par semaine

TRAITEMENT PRÉVENTIF

• PRÉSERVATIF:

• Protection partielle

• Intérêt au sein d’un couple en cours de traitement et 1 à 3 mois après la guérison

VACCINS

• Vaccins recombinants non infectieux (protéine de la capside, pas d’adn)

• Cervarix: 16, 18, responsable de 70% des cancers du col et de l’anus

• Gardasil 9: 16, 18, 6, 11: actif aussi sur les condylomes acuminés, réponse

immunitaire: 97%

• Chez les filles, de 11 à 14 ans avant toute activité sexuelle, ou cours de la 1e

année de vie sexuelle avant 20 ans

• Chez les garçons, idem filles et jusqu’à 26 ans pour les hsh

VACCINS THÉRAPEUTIQUES

• Ciblés sur les antigènes viraux E6 et E7 responsables des propriétés oncogène

de ces virus

• Utilisation de Gardasil pour prévenir les récidives: Condyvac

DES RÉCIDIVES FRÉQUENTES

• Le traitement permet la destruction macroscopique des lésions, le virus peut

persister et être à l’origine de récidives

• La persistance du HPV diminue dans le temps, davantage avec les virus à haut

risque oncogène

• Pas de sous-type de HPV lié à la récidive

• Suivi clinique strict afin de les identifier et de les traiter précocement

• Par le médecin et par le patient

QUE FAIRE DEVANT DES RÉCIDIVES

• Nécessitent un suivi rigoureux

• Toutes les 2 à 4 semaines pour détruire les nouvelles lésions

• Puis, en l’absence de nouvelles lésions tous les 1 à 2 mois pendant 6 à 12 mois

• En fonction des facteurs de risque:

• Immunodépression

• Pratiques à risques, partenaires multiples, tabagisme

• Antécédent de dysplasie de haut grade

• Traiter les pathologies cutanées associées: psoriasis ++++

HPV ET VIH

• Plus fréquentes, multifocales, extensives, récidivantes

• Dépistage systématique d’une cohorte de PVVIH: 23% présentent des

condylomes et la moitié d’entre eux une dysplasie associée

• Donc dépistage proctologique annuel

• Pas de mortalité augmentée

CONCLUSION

• Le contrôle des récidives repose sur une collaboration étroite entre le patient

et le médecin:

• Information et écoute des patients pour les inciter à s’engager dans un suivi rigoureux

• Optimisation des pratiques des médecins

INFORMATION DES PATIENTS

• Dédramatiser:

• risque oncogène: le suivi et les cytologies sont particulièrement efficaces

• Oublier la recherche d’un 3e partenaire (un condylome est l’expression visible d’un virus présent depuis des mois ou des années reflet d’une variabilité immunitaire pas toujours évidente)

• Ne pas séparer le monde entre les partenaires « sains » et ceux contaminés: les hpv font pratiquement partie de l’écosystème humain depuis des millénaires

• Parler régulièrement avec les patients de leur sexualité en leur signifiant que les maladies « honteuses » ne le deviennent qu’en les ignorant, apprendre à mettre à l’aise les patients (tout ce qui est ressenti comme un reproche rendra le patient muet)

• La virginité ne protège pas des hpv

OPTIMISATION DES PRATIQUES

• Examiner les patients nus (surveillance cutanée, autre IST, bilan annuel)

• Éviter une prise en charge chirurgicale avec ag si possible

• Tout en informant de la nécessité d’un suivi fréquent et d’une surveillance prolongée

• Penser à proposer le vaccin en particulier aux patients les plus jeunes (et bien sûr aux garçons car le risque oncogène n’est pas égal selon le sexe)

• Dépister les autres IST: comme le hpv, nombre d’entre elles peuvent passer inaperçues

• Rechercher une dysplasie associée

• Traiter les pathologies cutanées associées et particulièrement le psoriasis

MERCI POUR VOTRE ATTENTION

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