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Qui a tué le docteur Renoirdans la bibliothèque avec
une clef anglaise ?
Lana Marquant
19.36 497403
----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique
[Roman (134x204)] NB Pages : 248 pages
- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 19.36 ----------------------------------------------------------------------------
Qui a tué le docteur Renoir dans la bibliothèque avec une clef anglaise?
Lana Marquant
Lana
Mar
quan
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A Gaultier, Jean-Baptiste,
Eléonore et Gabriel
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Extraits du carnet de Recule ROICOT
Edgar Allan RENOIR
– propriétaire depuis des générations du château de
Lourminsard
– 75 ans
– mari de Jacinthe de Saint Saëns, père de Baccara
– docteur en médecine, chercheur, professeur à la
faculté de Pompadour (détient une chaire)
– actuellement en retraite
– surnommé Homme des Grandes Recherches
– impuissant
– photos du grenier : barbe profuse / regard sévère
– jalouse son demi-frère Guy Mauve
– adore sa fille
– aime sa femme ?
– premier fils de Eléonore Mauve Renoir
– grand ami des parents de Jerk et des parents de
Pinette (?)
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Jacinthe de SAINT SAENS
– 65 ans
– femme d’Edgar Allan, mère de Baccara
– plusieurs liftings, botox
– 55 kilos, gym quotidienne
– maquillée avec classe, coquette, habillée de bon
goût
– blond vénitien ondulé
– fille unique (parents manufacture / riches)
– un enfant lors de son mariage avec Edgar Allan /
le gosse est placé à l’étranger par ses parents
– a eu Baccara à 40 ans
– valium
– berline
– en veut à sa fille (?) en veut à son mari car ne
rapporte pas d’argent au foyer (Lourminsard croule)
– grosse dot lors de son mariage
– grande amie des parents de Jerk et Pinette
Baccara de SAINT SAENS
– 25 ans
– bonnets C
– yeux violets, blonde bouclée (Marilyn)
– droguée, alcoolique
– vamp
– refuse la main d’Amora (?)
– très dépensière
– déteste sa mère (?)
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– adore son père et son oncle Guy
– mercedes décapotable noire
Colonel Pierre-Edouard AMORA (dit Pinette)
– 40 ans
– grand 1m90
– poker, fume beaucoup, boit beaucoup
– carré de mâchoire
– blond tirant sur le roux (tendance British)
– yeux gris acier
– plait aux femmes
– un peu crétin (diplômes obtenus par habileté)
– parti à l’étranger pour ses études (Etats Unis)
– vit de ses rentes
– fils de Lorna Castafiolle (illustre cantatrice) et
d’un père militaire psychorigide
– enfance en Italie
– en veut à Baccara qui refuse de se marier avec
lui
– 4x4
Docteur HILE
– médecin généraliste
– 42 ans 1m72
– épaules robustes / cou de taureau
– calvitie moumoute
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– yeux ronds noirs comme des olives
– très nerveux / tics
– un peu gras / électrogym 2 à 3 fois par semaine
– a eu pour professeur Edgar Allan
– marié 7 enfants de 2 à 10 ans
– sa femme Marie-Françoise enceinte 30 ans /
plutôt coincée (bénévolat, musique classique, piano,
danse classique)
– voulait être écrivain / forcé de faire médecine par
son père médecin rival d’Edgar Allan
– s’est marié par dépit (Baccara a préféré Amora)
– ses parents en rivalité avec les Renoir
– en veut aux Renoir
– en veut à Amora
Madame NEIGE
– 60 ans
– 120 kilos obèse
– habite 5 rue de la Pomme en face du commissariat
– engrossée par un malotru qui s’est fait la malle à
la naissance du gamin
– cuisinière / prépare des banquets
– ami : Viktor coiffeur voisin du dessous / veuf et
seul / origine pied-noir ukrainienne / accent pays de
l’est possède un potager en ville
– au service de la famille Renoir depuis longtemps
– pas de permis de conduire
– en veut aux Renoir
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Professeur MAUVE
– 65 ans
– reste de perruque blonde et bouclée
– figure ronde, face joviale
– bigle
– porteur d’une pile cardiaque
– sourd non appareillé
– jambe en plastique (accident alligator Nouvelle-
Orléans)
– demi-frère d’Edgar Allan
– célibataire
– enfance : tuberculose
– préféré de sa mère Eléonore Mauve Renoir
– parrain de Baccara/ a choisi son prénom
– séances de spiritisme avec des amis
– vit dans la maison de gardiens
– cultive ses plantes, fleurs, potager
– mésentente avec son demi-frère
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PREMIERE PARTIE
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1
Recule Roicot en avait ras le bol.
Sa vie ne l’enchantait pas ou plus exactement ne
l’enchantait plus.
Sa femme avait foutu le camp après quarante ans
de vie commune – son chat aussi.
Il ne lui restait plus que le chien Chow-Chow pour
lui tenir compagnie, quand celui-ci ne noyait pas sa
torpeur dans un sommeil tourmenté par des
cauchemars redondants et frustrants où il ne se
trouvait jamais à la hauteur face à des êtres plus
malins et habiles que lui (par exemple le teckel du
voisin).
Recule, assis dans son fauteuil face à son bureau se
laissa glisser en arrière sur ses roulettes et soupira. Il
avait grossi ; sa ceinture le ceinturait trop ; sa couenne
remontait jusqu’au diaphragme et l’empêchait de
respirer. Rien à se mettre sous la dent.
Commissaire bientôt à la retraite, il se voyait
pourtant auparavant chargé de grandes missions
(cf les évadés d’Alcatraz) mais là,le vide complet
l’angoissait.
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La fin juin : beaucoup de peuple en ville dont de
nombreux touristes chinetoques équipés d’appareils
photo super sophistiqués. Son ordinateur lui renvoya
en écran de veille une multitude de poissons
biscornus accompagnés par la cinquième de Beethov.
Même son portable restait muet. On l’avait oublié, il
finirait desséché et racorni, lyophilisé dans ce
commissariat où il s’ennuyait à mourir. Peut-être que
le fête de la musique annuelle ce soir lui apporterait
une distraction quelconque… Il était moche, petit,
avec une moustache petite, chauve, presbyte,
astigmate et myope. Doubles foyers et stérident, voilà
ce qui résumerait ses vieux jours. Pourtant il rêvait de
voyages en Grèce, de châteaux en Espagne, de cinq a
sept au Ritz. Mais personne ne voulait partir, bâtir,
coucher avec lui. Il se sentait foutu.
Le ventilateur brassait à grand peine l’air moite de
l’été. Vu les restrictions budgétaires, pas de clim
encore cette année. Il se dit qu’avec un peu de chance
ce soir la fraîcheur reviendrait, il pourrait se promener
le long des quais ou visiter les boutiques de la Grande
Ville.
C’était son plaisir quotidien : après le boulot il
sortait avec Chow-Chow et évitait le métropolitain
pour rentrer chez lui par un petit parcours pédestre
bien établi au fil des années : d’abord le fleuve, puis
les trottoirs citadins, la librairie, le marchand de
journaux et enfin il échouait à la buvette du parc du
coin et dégustait son café. Sa maison au portail vert
l’attendait, sagement plantée entre deux immeubles
bourgeois.
Il se relevait pour prendre ses affaires quand
soudain une bourrasque fit claquer la fenêtre. Sur le
2 15
coup, Recule ne fut pas surpris. Peut-être un orage en
préparation, après tout avec cette chaleur la météo
pouvait se montrer capricieuse. Il se dirigea vers la
fenêtre pour la refermer, quand quelque chose vint se
coller à son front. Recule grogna, ne parvenant pas à
ôter le machin de sa face.
– Fichtre ! Qu’est-ce donc ?
Chow-Chow aboya, dérangé dans son somme, déjà
que ses siestes s’écourtaient au fil du temps et qu’il en
devenait dépressif. Recule arracha l’objet de ses
troubles et l’observa : un morceau de papier plié en
quatre, envoyé par les dieux avec un vieux chewing-
gum dont les restes ornaient encore le front de notre
commissaire.
– Mais c’est dégoûtant ! Ça vient de la rue !
Hypocondriaque de nature, il avait peur d’attraper
une maladie quelconque. Il se précipita dans la pièce
voisine faisant office de salle de bains pour se
désinfecter la peau avec de l’eau de Javel.
– Je suis sûr que je vais au moins me choper la
polio avec ce truc…
Polio ou pas, la chose l’intriguait grandement et il
décida de l’autopsier. C’était du papier à lettre de
bonne qualité, plutôt beige que blanc ; il le déplia et,
chaussant ses lunettes lut cette phrase :
Le docteur Renoir sera tué
dans la bibliothèque au château de Lourminsard
le 23 juin à minuit
L’écriture était fine, élégante, appliquée, digne
d’un auteur romantique du dix-neuvième siècle.
Recule hôcha la tête en réfléchissant.
– Lourminsard, Lourminsard… ça me parle…
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Il fronçait les sourcils, en détaillant le morceau de
papier et le retournait sans cesse entre ses doigts.
Entra son adjoint Benoît, vingt-cinq ans, tout juste
frais sorti de l’école de police du cinquième
arrondissement. Encore plein de rêves et d’illusions
sur la vie en général, ce dernier arborait un éternel
sourire et une humeur égale. Cette béatitude avait le
don d’agacer Recule Roicot. Mais en même temps, il
enviait cette jeunesse si radieuse et cette naïveté à
toute épreuve.
– Benoît, ça ne vous dit rien Lourminsard ?
Robin Benoît s’installa au bureau qu’on lui avait
dédié dans un coin de la pièce. Il n’était même pas
surpris par l’attitude acerbe de Recule, habitué à son
humeur maussade.
– Propriété du début du siècle d’Edgar Allan
Renoir, docteur en médecine, professeur à la faculté
actuellement en retraite surnommé « Homme des
Grandes Recherches ». Son ancêtre fit construire ce
splendide édifice Napoléon III par un ami architecte,
y vécut avec sa famille jusqu’à la deuxième guerre
mondiale, date à laquelle les Allemands l’occupèrent
en y installant un quartier général. Reprise à la
libération, la demeure aurait été vendue pour devenir
un orphelinat, puis finalement récupérée par le
propriétaire actuel.
Recule leva un œil admiratif sur Robin Benoît. Ce
dernier venait de se connecter à internet à la
recherche d’informations supplémentaires. Il portait
un polo couleur caca d’oie qui ne seyait pas du tout à
son teint mais ne lui enlevait rien de son charme de
beau gosse.
– Voilà, chef, votre château, à quoi il ressemble…
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Recule s’approcha de son coéquipier et de derrière
son épaule découvrit une bâtisse spectaculaire
envahissant la totalité de l’écran. Au cœur d’un parc
de quatre hectares avec vastes pelouses entourées
d’allées aux arbres centenaires, elle disposait selon le
descriptif de superbes salles notamment d’un hall
central flanqué de huit colonnes avec neuf mètres de
hauteur sous plafond, d’un salon (dit Marie-
Antoinette), d’un petit salon (nommé Victoria), d’une
salle à manger (qualifié d’Eugénie). Le descriptif
signalait qu’on pouvait louer certaines pièces pour
des banquets et des réceptions, que Charles de Gaulle
avait séjourné en ces lieux ainsi que d’autres
personnalités, qu’on pouvait même s’y offrir des
baptêmes en montgolfière ou en hélicoptère (selon le
bulletin météorologique et son porte-monnaie
évidemment).
– C’est plutôt engageant, il doit faire bon y vivre,
remarqua Recule en lissant sa moustache. Benoît, j’ai
reçu un message tout à l’heure, voilà pourquoi je
m’interroge sur ce lieu.
Il lui tendit le morceau de papier amené par le
vent.
– Je compte aussi me renseigner sur les
propriétaires. Je veux tout savoir sur Edgard-Allan
Renoir, sa femme, sa progéniture. Je ne sais pas s’il
s’agit d’une plaisanterie, en tout cas je vais me rendre
là-bas dès demain et voir d’un peu plus près ce qu’il
s’y passe…
– Il s’agit sûrement d’une fausse alerte, chef, vous
n’allez pas prendre en considération toutes les
rumeurs…
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– De toute façon, je vais vous dire, franchement je
m’emmerde. Il ne se passe rien, je n’ai rien à faire,
autant occuper mon temps. Et si le vingt-trois juin
Edgar Allan Renoir est retrouvé trucidé sans que je ne
m’y sois intéressé, je le regretterai toute ma vie !
vociféra Recule.
Le rouge lui était monté au front. Il regarda sa
montre.
– Je rentre chez moi, déclara-t-il.
Robin n’osa pas opiner. Il hocha la tête, penché sur
son ordinateur.
– Je vais voir ce que je peux trouver sur la tribu
Renoir, finit-il par murmurer.
– Vous pouvez rentrer chez vous aussi ; votre
femme doit vous attendre.
Le ton de Recule était sec.
– Chef, vous savez très bien que je n’ai pas de
femme.
Recule savait pourtant que son acolyte était un
jeune vieux garçon et habitait encore chez maman.
Mais ce dernier semblait se complaire dans cette
situation. Après tout, ça ne le regardait pas. Et la vie
privée des autres ne l’intéressait franchement pas.
– Allez donc au cinéma voir Pirates des Carpates,
ou au café, ou danser le calypso en Italie… je ne sais
pas moi, profitez de la vie… Ce soir c’est la fête de la
musique…
Mais pour Robin profiter de la vie avait un autre
sens.
– C’est-à-dire que je n’aime pas trop sortir…
Recule acquiesça en grimaçant et attrapa la laisse
de Chow-Chow. Le chien se leva sur ses quatre pattes
tout content à la perspective de se promener.
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– Demain, dès l’aube je m’en irai…
– Je vous accompagnerai au château, coupa Robin.
– Tâchez d’être à l’heure, mon garçon. Neuf
heures précises. Départ du commissariat.
Robin hocha la tête en signe d’approbation. Recule
ouvrit la porte et sortit dans le hall, croisa plusieurs
fonctionnaires désignés pour la garde de nuit. Il les
salua d’un geste de la main, et emprunta la rue de la
Pomme, pris d’un abattement subit.
– Et maintenant, que faire de tout ce temps… que
faire de ma vie…
Ce leitmotiv revenait souvent à l’esprit du policier.
Depuis la fuite de sa moitié, il consacrait son temps à
le tuer et non à l’occuper intelligemment. Ses pensées
furent troublées par l’apparition d’une bonne femme
sur le trottoir opposé, marchant devant lui. Elle portait
une espèce de tailleur jupe démodé de couleur
indéfinie, gris bleu ou gris crème, ou marron glacé
pistache, les cheveux en l’air et mouillés comme si
elle s’était évadée de la douche, un sac à main éculé
et surtout, surtout, mon Dieu, elle devait peser cent
cinquante kilos. Ses mollets ressemblaient à des
jambons de Bayonne, ses mains à des ballons de
baudruche moitié dégonflés. Elle semblait pressée,
avait du mal à se déplacer, les genoux tordus à cause
de son poids, chaussée de sandales de confort
inélégantes en liège à lanières de sûreté d’où
dépassait le boudinement de ses doigts de pieds.
Recule fuit d’un pas rapide devant cette vision
cauchemardesque et se réfugia dans le jardin public
du quartier où la majorité des gosses jouait sur leurs
consoles. Rares les ballons, bicyclettes, balançoires
de son enfance ; il fallait l’admettre, il était d’une
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autre génération. Dorénavant, les mères rapporteuses
de payes et chefs de famille, absentes devant les bacs
à sable, étaient remplacées séance tenante par les
pères, avides de couches et biberons, désormais sous-
chefs de famille.
– Mon pauvre Chow-Chow, je ne suis
décidemment pas de ce monde.
Le chien dressa les oreilles et regarda avec
attendrissement son maître. Sa langue violette
dépassait légèrement de ses babines et sa crinière
fauve resplendissait dans l’éclat du soir, signe d’une
santé éclatante.
– On va s’offrir une glace, promit Recule.
Ils s’avancèrent tous deux vers la buvette, Chow-
Chow trottinant de son allure léonine et majestueuse.
Il adorait les glaces, surtout parfum caramel.
– Bonjour, monsieur Roicot, fit la tenancière
derrière l’étal de sa cabane. Un café ?
Elle était moche, mais sympathique. Recule la
jaugea du regard ; âge mur, visage ingrat, peau plutôt
ratatinée par les expositions solaires répétées des
années 80. Un tantinet grassouillette des bras, il ne
pouvait pas inventorier le reste, vu qu’il ne l’avait
jamais rencontrée autre part que derrière sa baraque à
café.
– Deux glaces au caramel, s’il vous plaît.
– En boules ou en cornets ? Chantilly ou crème
anglaise ? Eclats de pistache ? Eclats de chocolat ?
Coulis de framboise ? De fraise ?
Il était bien complexe de nos jours de choisir une
glace. Comme la lessive ou le dentifrice, il y en avait
des rayons entiers dans les supermarchés. A qui
revenait la palme de nettoyer plus blanc que neige,
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