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SYNTHESE : L’extraordinaire
SECTION 1 : de l’ordinaire à l’extraordinaire
A/ Qu’est-ce que l’extraordinaire
L’extraordinaire peut être défini comme un écart à travers lequel le surnaturel
émerge dans le quotidien.
Il convient néanmoins d’établir une distinction entre :
- le merveilleux
-l’extraordinaire.
À la différence du merveilleux, l’extraordinaire reste crédible. Comme il a été
très bien dit, « le merveilleux nous tire du côté de l’irrationnel, alors que
l’extraordinaire sous-entend un regard plus logique et rationnel, supposant un
ordre du monde dans lequel la merveille est extra-ordinaire, c’est-à-dire non
encore expliquée […] »¹.
1. Joël Thomas, « Mirabilia : tropismes de l’imaginaire antique » in : ‘Mirabilia’. Conceptions et représentations de l’imaginaire dans le monde antique, Actes du colloque international, Lausanne, 20-22 mars 2003, dir. Philippe Mudry, éd.
Peter Lang, page 3.
L’extraordinaire agit donc comme une force perturbatrice, une mise à distance
de l’ordre installé, de l’institution, de la pensée rationnelle qui nous fait passer
du quotidien le plus banal à l’invraisemblable par l’exagération
L’extraordinaire nous invite à interroger notre perception du réel, ainsi que
notre conception de la normalité : par rapport à quelle norme, une chose est-elle
appréhendée comme extraordinaire ? Sur quels critères jugeons-nous qu’un objet
est merveilleux ?
Pourquoi le premier PC ou le premier Minitel apparaissaient-ils comme des objets
extraordinaires tant l’enthousiasme et la surprise étaient grands lors de leur
lancement ? Et pourquoi, si nous retrouvions dans un vieux carton un Minitel,
l’objet devenu vintage, nous paraîtrait extraordinaire, par son décalage même
avec notre réalité ?
Est extraordinaire ce qui ne peut être expliqué ou prévu.
La connaissance du thème se heurte à de nombreuses difficultés du fait qu’il y a
dans l’extraordinaire un va-et-vient continuel entre le réel et l’imaginaire, le vrai
et la fiction, l’ordre et le désordre. L‘extraordinaire, l’insolite sont en effet liés
à l’ordinaire : en mettant en scène des passions et des fantasmes, ce sont eux qui
paradoxalement rendent le monde humain. Les contes et les légendes montrent
ainsi les multiples facettes de la nature humaine.
Sans extraordinaire on ne peut avancer, donc le futur ne peut exister. Cet
aspect stimulant de l’extraordinaire est essentiel
Le goût pour l’extraordinaire ne correspond-il pas à un besoin de renouer le
dialogue avec l’ordre primordial, avec le cosmos, avec l’innommé ? Face aux
désastres écologiques, au risque nucléaire, aux conflits destructeurs, la mode
grandissante pour les phénomènes paranormaux, les rencontres avec les
extraterrestres, les revenants, les enchanteurs et les sorcières, etc. montre
combien l’extraordinaire, s’il met en scène un risque, un danger, constitue
paradoxalement un voyage salutaire, un refuge qui tente de ressouder la société
détruite.
PROLONGEMENT (pour ceux qui ont le courage)
Autoexercice 1 : Allez sur le site anglophone Melt consacré au
dessinateur français Guy Billout. Sélectionnez quelques
dessins représentatifs du thème de l’extraordinaire et justifiez votre
sélection. (http://visualmelt.com/Guy-Billout)
Autoexercice 2 : Dans quelle mesure la publicité suivante vous semble-t-
elle bien illustrer cet aspect de l’extraordinaire : « qui se produit de
manière imprévisible » ? Comment les publicitaires cherchent-ils à
modifier le regard que l’on porte sur notre quotidien ?
« Unexpected Shopping »
Publicité au nouveau forum des Halles, Paris mai 2016 (cliché © BR)
B/ Le banal, l’ordinaire, l’ennui
L’extraordinaire est d’ordre événementiel et narratif : comme nous l’avons dit, il est ce qui se passe lorsque rien ne se passe.
Par opposition, le monde de l’ordinaire esquisse un univers routinisé, normalisé,
dominé par la banalité et l’ennui :
Véritable expression depuis les Romantiques de l’homme déchu et du mal du
siècle, l’ennui renvoie en effet à l’immobilisme, au désenchantement, et à la fuite
vaine dans la rétrospection.
Le spleen baudelairien est très représentatif de cela:
« Le monde, monotone et petit, aujourd’hui,
Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image
Une oasis d’horreur dans un désert d’ennui ! » Baudelaire
Gainsbourg « Je suis le poinçonneur des lilas », 2’41’’
Kiberlain « Le quotidien », 2’58’’
JJ Goldman « La vie par procuration »,4’15’’
Cl François « Comme d’habitude », 4’15’’
Temps Modernes de Charlie Chaplin
Bruce BEGOUT La Découverte du quotidien (2010) p18 classiques et Cie
C/ Le « parti pris des choses » ou la métamorphose mythique du quotidien
« The most extraordinary thing in the world is an ordinary man and an
ordinary woman. »
Gilbert Keith Chesterton (Londres, 1874 – Beaconsfield, 1936) Orthodoxy, chapitre 4 (The Ethics of Elfland), 1908
La banalité de la vie ordinaire va en effet cristalliser une part importante des
pratiques créatrices : l’obligation de réinventer le monde.
Un « art sans importance » ?
Un mouvement comme le Ready-made, au début du XXè siècle: le banal,
l’ordinaire, le trivial sont-ils à même d’exprimer la dimension symbolique et
spirituelle que l’artiste assignait jadis à l’art ?
La laitière de Vermeer
Marcel DUCHAMP, Fontaine
Pour autant, ce choix du banal possède un paradoxe fondamental : « obliger le
spectateur à considérer le banal comme digne d’intérêt. Ce faisant, réfléchir à la
qualité même de la banalité, au demeurant censée être dénuée de qualité » |Paul
Ardenne, op. cit. page 314|. Le travail sur le réel amène donc à une forme
artistique résolument nouvelle qui vise non seulement à faire sortir l’art de sa
tour d’ivoire pour l’ouvrir sur le monde, mais aussi à métamorphoser l’ordinaire
afin de retrouver l’extraordinaire des choses.
L’extraordinaire n’existe que dans la conscience que nous en avons…
Comme nous le voyons, il n’y a pas intrinsèquement et objectivement
d’extraordinaire : l’extraordinaire est subjectif : c’est le regard que nous
portons sur les choses, les lieux ou les êtres, c’est-à-dire l’appropriation et
l’intériorisation par chacune et chacun de nous d’une réalité existante, « sans
histoire ». Et tout à coup, voici que cette réalité prend sens : on la fait sortir du
banal par le regard que nous lui portons. Ce n’est pas l’objet qui est
extraordinaire, c’est le sens que nous lui donnons. Autrement dit,
l’extraordinaire n’existe que dans la conscience que nous en avons.
Francis Ponge et l’éloge de l’ordinaire
L’ordinaire et l’extraordinaire ne s’opposent pas forcément : bien au contraire !
Comme l’a montré le poète Francis Ponge (1899-1988), les choses renferment «
un million de qualités inédites »⁵. Dans Le Parti-pris des choses publié en 1941, il
s’est employé à restituer la présence du réel ; un peu comme si la « grande »
poésie s’effaçait pour s’inscrire dans le quotidien et l’éloge de l’ordinaire.
« Le Cageot »
À mi-chemin de la cage au cachot, la langue française a cageot, simple caissette à
claire-voie vouée au transport de ces fruits qui de la moindre suffocation font à
coup sûr une maladie.
Agencé de façon qu’au terme de son usage il puisse être brisé sans effort, il ne
sert pas deux fois. Ainsi dure-t-il moins encore que les denrées fondantes ou
nuageuses qu’il enferme.
À tous les coins de rues qui aboutissent aux halles, il luit encore de l’éclat sans
vanité du bois blanc. Tout neuf encore, et légèrement ahuri d’être dans une pose
maladroite à la voirie jeté sans retour, cet objet est en somme des plus
sympathiques, – sur le sort duquel il convient toutefois de ne s’appesantir
longuement.
Rendre extraordinaire l’ordinaire
Dès lors, l’extraordinaire n’est plus ce qui est hors de l’ordinaire, de l’ordre commun ou de la mesure commune : il est dans l’ordinaire même, dans ce
qu’on ne remarque plus, tant on y est habitué, c’est-à-dire l’infra-ordinaire,
pour reprendre le néologisme de Georges Pérec |Georges Pérec, l’Infra-ordinaire, Paris Seuil 1989|.
Le poète doit ainsi chercher à extraire l’extraordinaire de l’ordinaire, tant il est
vrai que l’extraordinaire fait partie de l’ordinaire.
_
Puiser dans l’ordinaire son contenu extraordinaire…
« Redécouvrir la rareté du banal, l’exceptionnel de l’ordinaire », telle est la
force de révélation de l’art. Andy Warhol (Pittsburgh, 1928 – New York, 1987) a
choisi dans ses sérigraphies de représenter des objets banals, ordinaires, en
apparence dépourvus d’originalité et sans intérêt : à
l’alimentaire du quotidien (ainsi les fameuses boîtes de soupe Campbell), répond
un art qui célèbre la vie ordinaire : l’objet banal s’introduit ainsi dans l’icône ! _
D) L’extraordinaire, l’invraisemblable et l’incongru
Mots clés : extraordinaire, bizarre, farfelu, biscornu, excentrique, baroque, absurde, étrange, invraisemblable, incroyable, extravagant,
fantasmagorique, choquant, déplacé, dissonant, impertinent, inadéquat,
inconvenant, incorrect, indécent, inopportun, insolent, irrévérencieux,
malséant, messéant, monstrueux, répugnant, saugrenu…
_
_
Abracadabra »… Cette mystérieuse formule magique qui nous faisait frissonner
de peur et de plaisir quand nous étions petits, a laissé un adjectif populaire qui
désigne précisément une chose extraordinaire, autant incohérente,
invraisemblable qu’incroyable : « abracadabrant »*. Le CNRTL définit ainsi le
terme : « Étrange et compliqué, jusqu’à l’incohérence ou au délire ; totalement
incompréhensible ». Par ses connotations de bizarrerie et de fantaisie, l’adjectif
« abracadabrant » introduit ainsi le pouvoir de la fiction dans la réalité.
C’est surtout à partir du XIXe siècle avec le romantisme, que la priorité du
surnaturel sur le réel, le merveilleux, la fantaisie et l’excentricité sont devenus
des éléments artistiques à part entière qui se sont affichés comme
des composantes esthétiques essentielles dans le champ culturel.
Par définition, la société c’est l’imitation. L’excentricité au contraire suppose une
singularisation, elle célèbre l’errance, la périphérie ; elle cherche l’allégorie
autant que la rareté, le baroque et le goût du merveilleux… Elle est ce qui est
inattendu, inhabituel, incongru, excentrique. Le non-conformisme pendant la
Renaissance a ainsi favorisé la subversion la plus vive, et un profond
décentrement des codes culturels, au point que l’on peut parler d’une véritable
contre-culture, dénoncée alors comme une imposture.
_
Si certains d’entre vous ont lu des extraits de Rabelais (Gargantua,
Pantagruel)
Comme nous le voyons, la réflexion sur la notion d’extraordinaire n’est pas
toujours, loin s’en faut, synonyme de merveilleux. Bien au contraire, en versant
dans l’extravagance ou pire, dans la folie, la démence, l’extraordinaire appelle la
vigilance, au risque de confondre l’imaginaire et le réel, de déréaliser la réalité.
Dans le monde quotidien, nous avons à répondre de nos actes : ils nous engagent.
Et à trop se complaire dans l’extraordinaire, on en vient à habiter le cybermonde
de l’illusion ou des paradis artificiels.
_Extraordinaire et morale
L’extraordinaire ne doit donc pas faire oublier un principe de réalité essentiel : il
n’y a pas d’acte gratuit et chacun de nous est responsable de lui-même.
L’extraordinaire n’a de sens que si l’on peut y trouver une vérité, un idéal
CONCLUSION
Ainsi que nous l’avons vu, la fiction d’un monde extraordinaire nous est
nécessaire. Le merveilleux fait souvent la saveur ou le sens de la vie… Mais il faut
voir dans l’extraordinaire un idéal régulateur qui peut, et doit aussi nous amener
à la connaissance de soi et à une conscience du sens. Tel est par exemple le rôle
de l’art.
Dès lors, l’extraordinaire ne se met en œuvre que par rapport à une morale de la
responsabilité dont l’homme ne saurait se soustraire. Pour être le moteur de
l’action, l’extraordinaire doit être lié à la vie elle-même, et être porteur d’un
mobile et d’une légitimité amenant à préférer à la contingence du monde le
monde du possible. Là réside sans doute tout l’enjeu de l’extraordinaire.
Être « déjanté » certes… Mais par rapport à une conscience morale, un idéalisme
: l’éloge du merveilleux suit de près la définition de la responsabilité. Certains
héros de films ou de romans, nimbés d’énigme et de mystère, n’en sont pas moins
de vulgaires criminels qui, sous couvert de vivre « par-delà le bien et le mal » et
de chercher en tout l’écart, la transgression, la marginalité, en appellent à notre
lucidité.
PROLONGEMENTS
Autoexercice 1
Découvrez le site de l’artiste américaine Nancy Fouts : montrez en quoi
ses créations illustrent bien ces propos du support de
cours : « l’extraordinaire, parce qu’il est en opposition à un certain
formalisme et aux habitudes reçues, est du domaine de l’original, de
l’extravagant. Il explore ainsi des univers oniriques, insolites voire
cauchemardesques ».
–
SECTION 2
l’extraordinaire et le merveilleux
A/ L’extraordinaire dans les contes : transgression, quête initiatique et
révélation
_« Il était une fois…»
Cette phrase par laquelle débutent tous les contes de fée, combien de fois
l’avons-nous entendue et prononcée ? Phrase-refuge qui nous plonge dans une
sorte de temps-autre : l’élément perturbateur, l’événement insolite surgissent et
tout à coup nous voici plongés dans ce que nous pourrions appeler le fait
exceptionnel : les animaux qui parlent, les fleurs qui pensent, le vent, la pluie et
les arbres qui semblent agir comme des êtres vivants…
De fait, la quête du merveilleux et de l’insolite a toujours été l’objet de
fascination : l’anormal, les représentations de monstres humains ou de
phénomènes extraordinaires font tellement partie de notre paysage humain que
nous les avons intégrés dans l’inconscient collectif. Les Méduses, Chimères,
Sphinx et sirènes d’hier continuent de hanter les images mythiques du post-
modernisme…
En ce sens l’extraordinaire, parce qu’il postule l’imaginaire, le fantastique ou le
merveilleux¹, et qu’il repose sur des peurs ancestrales, est inséparable du
magique, du superstitieux, du religieux ou du sacré.
Donner à voir…
Si l’extraordinaire a toujours été si essentiel, c’est qu’il a « un véritable pouvoir
de révélation », comme nous le rappellent les Instructions officielles : « il fait
surgir des réalités hors du commun aussi bien que des sensations nouvelles ».
Cette expression faire surgir est importante : de fait, il y a dans l’extraordinaire
ce que Michel Viegnes appelle à propos du fantastique, « une esthétique de la
monstration », « de l’inexplicable et de l’inacceptable. Il joue sur le caractère
spectaculaire, au sens propre, de l’être ou de l’objet qu’il donne à voir »².
« L’extraordinaire a un véritable pouvoir de révélation »
En puisant leurs sources dans un fond commun de légendes qui font intervenir
des êtres surnaturels et des forces occultes, les mythes ou les contes
permettent non seulement de nous évader du quotidien, mais plus
fondamentalement d’accéder à un autre univers dans lequel notre logique est
mise à mal : peur de l’animalité, peur des ténèbres, peur de l’inconnu… En faisant
éclater la logique, le merveilleux est donc est un moyen de chercher à dominer
les peurs inspirées par la réalité.
Le conte apparaît comme l’incarnation de ces désirs, leur manière de s’objectiver
par le merveilleux. La métamorphose de Cendrillon est à ce titre très
intéressante à étudier :
La croyance au merveilleux repose sur une conscience de l’interdit qui mène au
désir de l’enfreindre, au basculement des certitudes, au désir de sonder les
abîmes, c’est-à-dire le mal. La réflexion sur l’extraordinaire suppose un univers
de référence qui passe le réel.
L’extraordinaire et le héros :
*Evolution du héros (expo BNF)
*Lecture ECO « Le mythe de Superman »
*Gilles BARBIER Hospice
B/ Extraordinaire, monstruosité et métamorphose
Par opposition à l’ordre de la raison qui fonde la beauté de l’humain comme
del’univers selon un principe d’équilibre, le monstre est la déformation de cette
harmonie.
Un aspect important du monstrueux est en effet l’excès, le dépassement des
limites du possible. Face au normal, il représente l’étranger, le bizarre, la folie,
l’anormal, le pathologique. Il est à l’opposé de la norme puisqu’il est extra-ordinaire : en ce sens il est subversif.
Le véritable monstre, c’est l’homme…
En fait, comme nous le comprenons bien, le monstre n’est pas celui qu’on croit : la
laideur monstrueuse des uns révèle la laideur morale et « l’inhumaine comédie »
du monde.
Exemple Freaks : Le film raconte de la façon la plus crue comment Hans, lilliputien dans un cirque, tombe amoureux de la grande et belle trapéziste Cléopâtre : flattée et amusée au départ, celle-ci se joue du désarroi de Hans et méprise les « monstres » de la troupe : victime de ses moqueries, les « freaks », se vengent…
*Idem pour ceux qui ont vu Elephant Man : Dans Elephant Man (1980), David
Lynch décrit ainsi magistralement le calvaire de John Merrick, exposé comme un
phénomène de foire parce qu’il ne correspond pas « à la règle générale entendue
comme une norme »12 : le monstre, c’est bien l’humanité elle-même qui le génère
par son inhumanité, par sa démesure destructrice, cynique et immorale.
* Le très beau film de Steven Spielberg, Intelligence artificielle (2001) comporte une très célèbre séquence : la « foire à la chair », où sont
lynchés les robots bons pour la casse. Par sa violence, cette scène rappelle
l’exhibition des monstres au XIXe siècle, et révèle le côté orgiaque et
voyeuriste d’une foule hystérique où les véritables monstres se révèlent être
les humains.
Idem Pour ceux qui ont lu :
*Franz Kafka : La Métamorphose → La Métamorphose peut être interprétée comme une allégorie de la différence,
et du rejet qu’elle peut entraîner. Pour Kafka en effet, les véritables monstres
sont les gens apparemment normaux prêts à tuer et à rejeter les différences.
Montrez en quoi les deux guerres mondiales du vingtième siècle et leurs
atrocités donnent à cette nouvelle une dimension visionnaire.
*EX : Rhinocéros d’Eugène Ionesco
Le monstre c’est la menace de l’altérité.
Car l’altérité monstrueuse n’est point constituée seulement de silhouettes plus
effrayantes les unes que les autres, de crânes chauves, de visages blafards avec
des oreilles en pointe, de monstres bossus transgressant l’ordre social… La vraie
monstruosité n’est pas l’autre mais elle se nourrit toujours de la déshumanisation
de l’autre. Elle n’est pas la liberté, elle est la liberté de rabaisser l’autre, de le
mépriser et de le haïr : monstruosité mortifère dont le racisme constitue sans
nul doute le point culminant.
Prolongement
Autoexercice 1
→ Lisez les premières pages de la Métamorphose de Kafka (pages 5 à 8), depuis : « En se réveillant un matin après des rêves agités » (page 5)
jusqu’à : « il faut que je me lève, car mon train part à cinq heures. »
(page 8).
→ Dans quelle mesure l’absence d’étonnement de Gregor face à sa
métamorphose est-il inquiétant ?
2–C/ Voyages dans le quotidien : le « merveilleux d’altérité »
« L’extraordinaire se trouve sur le chemin des gens ordinaires. »
Paulo Coelho (1947, Rio de Janeiro− ), Le Pèlerin de Compostelle, 1996
« Mille manières de braconner »
« Le quotidien s’invente avec mille manières de braconner »… Ces propos célèbres
de Michel de Certeau (L’Invention du quotidien, 1980) montrent combien il
appartient à l’individu de faire preuve d’originalité et de créativité : les
différences nous unissent, et n’épuisent pas la curiosité et l’appétit de savoir. «
Braconner », c’est savoir s’émanciper de la tyrannie de l’ordinaire. Comme le dit
encore Michel de Certeau, « le quotidien est parsemé de merveilles, écume
aussi éblouissante […] que celles des écrivains ou des artistes. »
Voulzy « Une héroïne »,5’05’’
Cl François « Comme d’habitude », 4’15’’
Les Temps Modernes CHAPLIN
Document : Delerm Enregistrements pirates, « Ondes pacifiantes »
Document : Ionesco la Cantatrice chauve
Romain PUERTOLAS, L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea
« Re-penser l’ordinaire »
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