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Université Charles de Gaulle Semestre 6 Lille 3 Licence 3 Culture et Médias UFR Deccid TD NOUVELLES FORMES DE L'ECHANGE CULTUREL La reprise et l'interprétation dans le domaine musical dirigé par Pierre Grosdemouge Carole Péraste

La reprise et l'interprétation dans le domaine musical

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Réflexion sur la légitimité de la reprise et l'interprétation dans le domaine musical dans le cadre d'un cursus se penchant sur les nouvelles formes de l'échange culturel

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Page 1: La reprise et l'interprétation dans le domaine musical

Université Charles de Gaulle Semestre 6

Lille 3

Licence 3 Culture et Médias

UFR Deccid

TD

NOUVELLES FORMES DE L'ECHANGE CULTUREL

La reprise et l'interprétation dans le domaine musical

dirigé par Pierre Grosdemouge

Carole Péraste

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Table des matièresI.INTRODUCTION .............................................................................................................................. 3

II.Définir un statut d'artiste ................................................................................................................... 5

II.I.Entre chanteur populaire et artiste innovant .............................................................................. 6

II.II.Être authentique : Être un artiste « un vrai », pas un imitateur ................................................ 7

II.III.Relation à l'argent, un passionné non un mercenaire .............................................................. 8

II.IV.L'Habitus d'artiste ................................................................................................................... 8

III.Exister dans un espace collectif ....................................................................................................... 9

III.I.Une équipe de travail ................................................................................................................ 9

III.II.Un environnement culturel .................................................................................................... 11

III.III.Un public ............................................................................................................................. 12

IV.Le besoin de se démarquer : créativité ........................................................................................... 13

IV.I.Nécessité de se démarquer ...................................................................................................... 14

IV.II.Innover en s'appropriant ........................................................................................................ 15

V.Conclusion ....................................................................................................................................... 18

VI.Annexes ......................................................................................................................................... 20

VI.I.Grille d'entretien ..................................................................................................................... 20

VI.II.Transcription entretien .......................................................................................................... 23

VII.Bibliographie ................................................................................................................................ 63

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I. INTRODUCTION

Art ou non art ? Aujourd'hui, il est difficile de déterminer dans quelle catégorie se prédestine

une pratique, et pour pouvoir y parvenir, il faut d'abord se poser les bonnes questions et tenter d'y

trouver des réponses. Le contexte actuel nous amène à observer l'émergence de nouvelles pratiques

reconnues comme étant artistiques telles que le graff ou encore la photographie, cela nous permet de

nous questionner sur la raison pour laquelle elles sont définies comme telles, par qui et selon quels

critères. Passer d'un statut à un autre suppose des étapes, un processus pour le passage d'un statut

ordinaire à celui artistique, cette transition se définit par l'expression anglo-saxonne

artification1,c'est un terme encore peu utilisé dans le domaine artistique, il sera utilisé ici non selon

sa connotation péjorative mais simplement dans l'idée de la transformation du non art en art. Pour se

lancer sur ce terrain, il faut s'interroger sur les marges et les limites de la culture, sur ce qui rentre

dans le champ culturel. Ces interrogations seront à même de nous renseigner sur ce processus

d'artification mais aussi sur ce qu'il dévoile de la culture sociale. Difficile est de déterminer les

critères que doit remplir une production ou une pratique pour être considérée, acceptée, reconnue.

L'histoire des arts a permis de déterminer ce qui, à un moment donné de l'histoire, permettait de

reconnaître l'art quand il était présent. La créativité, la précision, l'investissement, le

désintéressement, l'authenticité, la question l'excellence... Aujourd'hui il est plus compliqué de se

référer à ces critères pointilleux, car la culture sociale a évolué, les pratiques se sont diversifiées,

multipliées avec le temps et les changements sociaux.

La musique a depuis longtemps investi le domaine artistique, du moins selon la définition classique

et commune de l'art. Bien que son statut artistique n'est globalement pas remis en cause, il s'agit tout

de même d'un univers très vaste qui comporte de nombreux styles et pratiques, de l'instrument à la

chanson en passant par le mixe et tout autre genre. Ainsi dans ce cadre toutes les pratiques n'y ont

pas naturellement leur place, il s'agit d'une négociation complexe sur de nombreux points. Ainsi,

tout n'est pas reconnu selon la même échelle de valeur, au cœur même de ce monde, une hiérarchie

dans la légitimité des pratiques est établie. Comment ces dernières acquièrent elles un statut plus

artistique et légitime que d'autres et pourquoi ? Dans cette étude, l'attention sera portée sur la

1 N, Heinich, R.Shapiro, De l'artification

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pratique de la reprise et l'interprétation dans le monde musical, et cela à partir d'un entretien mené

auprès d'un chanteur, interprète de l'artiste Claude François. Dans un premier temps, je partais sur

l'idée de réfléchir à la légitimité d'une pratique qui n'apporte rien de nouveau, qui ne fait pas preuve

d'originalité. Autour de cette réflexion je voulais réfléchir sur le lien entre art et originalité, est qu'un

artiste se doit d'être un créateur. Cette question permet de réfléchir aux qualités requises pour être

« artiste » à part entière.

Puis suite à l'entretien, à de nombreuses écoutes et une première réflexion sur le contenu, plus que

de m'interroger sur la question précise de l'originalité, je me suis interrogée sur qui fait que la

pratique de la reprise musicale est à même de rentrer dans le champs artiste. Plus simplement,

Quelle légitimité pour la reprise et l'interprétation musicale dans le monde artistique ?

Le chanteur interprète apporte une perspective et une position sur ce que serait l'art et quels seraient

les critères d'appartenance à la sphère artistique, ce qui permettrait de déterminer si oui ou non une

pratique peut être légitimée. Pour autant dans son discours, est à relever la difficulté qu'il a lui

même à se définir et définir sa pratique. Trois grands thèmes sont porteurs de son discours et de son

argumentaire, la question du statut du chanteur, la dimension collective d'une pratique artistique, et

enfin le thème de l'originalité et du caractère exceptionnel dans l'art. C'est donc dans cet ordre que

nous tenterons de réfléchir sur la pratique de la reprise musicale.

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Dans cette étude, il s'agit d'un chanteur interprète, Noël La Gioia, ayant un statut d'intermittent, il

côtoie fréquemment le milieu de la musique puisqu'il possède une équipe de travail, agent,

producteur, arrangeur, il se produit dans différents dispositifs scéniques. Parallèlement, il a une

activité professionnelle à plein temps dans un hôtel type village vacances, il y travaille de nuit ce

qui lui permet de s'investir de façon entière dans sa carrière artistique. Il se décrit comme étant à la

limite du basculement dans la sphère professionnelle du métier, il cherche à prouver son identité

d'artiste en argumentant ce qui fait de lui un artiste à part entière.

Faire de l'art ou être artiste n'est pas quelque chose de naturel mais résulte d'un processus constant

et qui dépend en même temps du contexte historique et social, l'artiste d'aujourd'hui ne l'aurait pas

forcément été il y a vingt ans par exemple. Il rejoint dans cette perspective, celle de Nathalie

Heinich2 qui entend par artification, « ensemble des processus cognitif, sémantique, institutionnel,

économique, affectif [...]aboutissant à faire franchir à un objet, à l’œuvre, à une personne, l'auteur,

la frontière entre non art et art. ». Pour Noël, prétendre se situer dans le champ artistique c'est

d'abord posséder le statut d'artiste, faire partie d'un collectif, d'une unité mais c'est aussi se

démarquer, montrer son côté unique et exceptionnel.

II. Définir un statut d'artiste

Définition ouverte de l'Unesco dans sa Recommandation relative à la condition de l'artiste (adoptée

à Belgrade, le 27 octobre 1980) :

« On entend par artiste toute personne qui crée ou participe par son interprétation à la création ou à la recréation d'œuvres d'art, qui considère sa création artistique comme un élément essentiel de sa vie, qui ainsi contribue au développement de l'art et de la culture, et qui est reconnue ou cherche à être reconnue en tant qu'artiste, qu'elle soit liée ou non par une relation de travail ou d'association quelconque. »

Pour définir une pratique qu'elle soit artisanale, artistique, professionnelle ou amatrice il est

nécessaire de déterminer le statut de celui qui la pratique. Au cours de l'histoire, la définition du

statut, passant de celui d'artisan pointilleux attaché à la précision et aux canons du moment,

travaillant souvent sous les instructions d'un commanditaire (peinture et portrait) à l'artiste fou,

dérangé dont les amateurs sont attirés par la bizarrerie, l'innovation, le désordre et commencent à

vouloir toucher le génie. Ces transformations de statut sont à penser en même temps que la relation

du praticien avec son activité, le fait qu'il soit par exemple, rémunéré ou qu'il travaille pour

2 Nathalie Heinich, Roberta Shapiro (dir.), De l’artification. Enquêtes sur le passage à l’art, Paris, EHESS, coll. « Cas

de figure », 2012, 336 p.

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quelqu'un en particulier, qu'il s'y emploie par plaisir ou par vocation. Ainsi lors du basculement dans

le champ de l'art, on observe un basculement des objets, de l'action, mais aussi des personnes. C'est

ainsi qu'il est nécessaire de requalifier les choses, d'autant plus qu'aujourd'hui nombreux sont ceux

qui postulent au statut d'artiste.

II.I. Entre chanteur populaire et artiste innovant

Dans le cas de Noël, il est difficile de déterminer son statut dans le monde musical, certes il se

définit en terme d'artiste mais parfois aussi en tant que « chanteur populaire », « showman »,

« chanteur professionnel » ou encore, « passionné ».

D'un côté, dans son discours il s'attache à la dimension populaire de sa pratique, le bien qu'il

éprouve à faire plaisir aux gens, à les rassembler, à leur proposer ce qu'ils aiment. C'est ce

qu'observait Perrenoud lors de son enquête sur les musicos, il explique que les musicos cherchaient

« à se faire plaisir autant qu'à faire plaisir au gens ». Cet aspect de la pratique est à penser comme

quelque chose qui apparaît nécessaire au bien être du musicien ou du chanteur. De cette manière,

Noël insiste sur le côté vocationnel de sa pratique, « il ne peut pas s'empêcher de... », « quelque

chose de viscéral ».

D'un autre côté, il parle de sa pratique comme un investissement, un travail. Un artiste qui cherche

qui travaille ses morceaux, qui tente de faire du nouveau, de se démarquer. Il s'est mis après quelque

temps à écrire ses chansons même si, à l'heure actuelle la majorité d'entre elles « restent au fond

d'un tiroir ». Il sait qu'il ne doit pas faire l'unanimité mais, il garde tout de même comme ambition

de rassembler le maximum de monde mais désormais avec ses propre productions.

Il se range dans des catégories, il s'attribue des statuts différents, qui changent en fonction du

dispositif socio-esthétique dans lequel il se situe. Perrenoud3 qui étudie le cas des musicos explique

que « plus que le genre musical, c'est le type de dispositif socio-esthétique dans lequel on est

engagé[...] qui constitue le vecteur le plus puissant. » (Perrenoud, 2008:105). Le lieu où se produit

l'artiste va permettre de lui attribuer une identité parfois plus prestigieuse à un endroit qu'un autre. Il

peut être auteur, créateur dans certains contextes et simple exerçant dans d'autres lieux.

Pour autant, pour affirmer sa légitimité et son statut dans le monde de l'art, il s'attache à sa

nomination officielle d'auteur, étant inscrit à la Sasem. « je suis quand même enregistré à la Sasem j'ai un numéro de congé spectacle ce qui est

3 Marc Perrenoud, Les musicos au miroir des artisans du bâtiment, Ethnologie française1/2008 (Vol. 38), p. 101-106.

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quand même obligatoire pour être heu avoir heu comment je veux dire le congé de droit sur les chansons qu'on écrit et qu'on produit comme moi et heu mais je travaille dans un statut professionnel avec un esprit professionnel avec un contexte professionnel ». Il reste attaché à sa nomination officielle et au côté sérieux de sa pratique, il

insiste sur le fait d'avoir laissé tomber le côté « chanteur de salle de bain ».

II.II. Être authentique : Être un artiste « un vrai », pas un imitateur

Le chanteur distingue, l'artiste qui a un « don », de celui qui travaille, affirmant que le premier

aurait une légitimité plus naturelle en tant qu'artiste. Savoir faire quelque chose comme ça, comme

quelque chose de présent en soi, et qu'on aurait qu'à exprimer sans effort. C'est ainsi qu'il insiste sur

la distance qu'il met avec les imitateurs notamment ceux, imitant le défunt chanteur Claude

François. Il met en avant le naturel de sa voix, et se défend de faire tout travail sur celle-ci, c'est

ainsi, qu'il dénigre quelque peu celui qui s'acharne à faire quelque chose qui n'est pas naturel et

spontané, authentique. Être artiste c'est rester fidèle à sa pratique, il ne ferait pas tout pour devenir

un chanteur célèbre.

« moi je trouve ça entre guillemets assez pathétique moi c'est mon point de vue donc voilà heu mais moi ma démarche, on m'a proposé, on m'a proposé il y a une quinzaine d'années, un producteur qui m'a proposé, je chantais je faisais une première partie au casino de Dunkerque, j'avais chanté en première partie de Herbert Léonard et je tombe sur un producteur qui me dit moi je veux bien te prendre parce que tu as la voix. Je t'ai vu chanter c'est pas mal ce que tu fais, mais je, je voudrais monter un show Claude François avec toi, il faudra que tu mettes une perruque blonde parce que tu n'as pas le physique de Claude François, bien, bien, bien, bien pour moi parce que si en plus...c'est un bonheur pour moi parce que je n'ai pas du tout le physique ça c'est, là on peut pas nier le contraire là je veux dire heu bon et il m'a dit heu à l'époque moi je peux te faire tourner dans le France voire même en Europe pour faire un grand show Claude François avec des danseuses et tout mais il va falloir que tu apprennes à danser, que tu mettes une perruque blonde, un costume paillettes et tout,

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je veux dire non, j'ai dit non alors je suis passé peut être à côté de bien des choses mais je serai pas là aujourd'hui j'en suis persuadé. Je serai pas là aujourd'hui. »Il insiste qu'il n'en viendrait pas à faire n'importe quoi. Prétendre avoir le statut d'artiste nécessite

selon Noël un minimum de transparence d'authenticité. Ainsi il marque la différence entre

l'imitation et la reprise ou l'interprétation. « Je trouve ça pathétique ça c'est mon point de vue mais ces gens là ont le droit de vivre, le droit de chanter le droit de monter sur une scène de faire entre guillemets le pitre c'est leur problème »

II.III.Relation à l'argent, un passionné non un mercenaire

Le rapport à l'argent lui aussi peut jouer un rôle dans le statut d'un artiste, celui qui joue avec un

certain désintérêt ou celui qui cherche le profit. Dans le cadre de la pratique de Noël, il ne s'agit pas

d'une question financière même si l'argent qu'il gagne est selon lui un dû au regard de

l'investissement qu'il met dans sa pratique. Pour autant, un artiste n'a selon lui pas à se préoccuper

de cette question et cela pour deux raisons, soit il est :

1. artiste amateur et il joue et se produit pour le plaisir, ou même parfois par « nécessité

viscérale »,

2. il a dépassé le cap de l'amateurisme et il doit laisser cette question à ceux qui sont

concernés c'est à dire le producteur. De cette manière il peut se donner entièrement à son

art.

De manière plus générale, sans parler d'amateurisme ou de professionnalisme, l'artiste pour Noël est

celui qui est passionné.

II.IV.L'Habitus d'artiste

Dans le cadre de cet entretien Noël a conscience de ce qui est attendu dans le domaine de l'art

reconnu, ainsi il joue dans les diverses catégories qu'il cite, se mettant dans la peau d'un chanteur

populaire par exemple. Pour pouvoir se positionner dans ces cases, il a dû se faire sa place. Pour

intégrer le cadre artistique il faut se créer un statut d'artiste. Perrenoud4 explique que « fluctuer dans

le métier (côtoyer des dispositifs, des pratiques, cours de chant, communication musicale), côtoyer

4 Marc Perrenoud, Les musicos au miroir des artisans du bâtiment, Ethnologie française1/2008 (Vol. 38), p. 101-106

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des espaces à fort capital culturel permet de construire des identités différentes. » Cela permet de se

constituer un habitus d'artiste.

III. Exister dans un espace collectif

Il y a nécessité de se situer du point de vue du statut pour savoir dans quel cadre évoluer, celui

de l'art ou celui de ce qui n'est pas de l'art. Mais pour acquérir le statut d'artiste ou de pratique

artistique, il faut évoluer au sein d'un environnement qui vous amène à le devenir. Nous parlions

précédemment de l'influence des dispositif socio-esthétique, mais il y a aussi l'environnement

humain et institutionnel qui a beaucoup d'influence. C'est ce dont parle Noël quand il évoque la

nécessité d'évoluer dans un collectif.

Noël insiste sur le fait que si il en est arrivé là aujourd'hui5 c'est bien grâce à l'équipe qui

l'entoure. « ça reste un métier où il faut prendre et laisser et surtout un métier où il faut surtout bien se structurer en tant qu'artiste, déjà avoir une base. ». Pour lui il faut à la fois réunir trois choses : le

talent, la chance, et la rencontre avec les bonnes personnes. Il est lucide sur le fait que des milliers

de personnes en France chantent bien, voire mieux que lui mais ces personnes, n'ont pas toujours

réuni ces trois facteurs, dans son cas il a réussi .

III.I. Une équipe de travail

Pour pouvoir s'investir sur la partie purement pratique de la chanson, il s'est équipé d'une équipe de

travail : un agent, un producteur, un arrangeur et des danseuses. « surtout ce qui faut c'est avoir un structure comme j'ai une maison de production, une petite structure de production mais qui est sérieuse qui met les moyens heu compétents ». il considère presque sa pratique comme une œuvre collective.

Plus que chanter, il produit un show sur scène il ne s'agit pas que de sa voix mais aussi

l'arrangement fait par son collègue ou les chorégraphies de ses danseuses qui viennent apporter

leurs touches. Ainsi chacun se doit de trouver sa place dans son équipe. Cette notion de nécessité de

l'apport de chacun est à rapprocher de la notion de de « solidarité mécanique » de Durkheim. Il

s'agit bien d'un travail collectif, il a besoin de l'avis de chacun avant d'entreprendre chaque projet.

5 Noël interprète de « Comme d'habitude » en duo avec Benoît Poolvoerde dans le film Podium

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Ce travail d'équipe lui est d'autant plus nécessaire maintenant qu'il souhaite se singulariser en se

lançant avec ses propres textes et ses propres fonds musicaux. En effet toute activité artistique à une

dimension intrinsèquement collective, il y a toujours une de « redevabilité » entre les acteurs dans la

mesure où l'un et l'autre donne des conditions de possibilité et d' « effectuation » du travail (A.Blanc

et A.Pessin,2004:144). Une personne étant très douée, si elle n'est pas entourée par les bonnes

personnes, risque de passer à côté de la réussite artistique et ne serait pas à même d'exploiter

totalement son potentiel. L'artiste selon Noël doit être capable d'exposer son savoir faire, ce dernier

en a conscience :

« pour grandir, jpeux pas grandir tout seul, jpeux pas grandir tout seul dans mon coin tout ça et je sentais qu'avec Emmanuel Vallois il y avait quelque chose, jme suis dit je sais que c'est quelqu'un de sérieux dans le métier et jme suis dit ça, ça peut être ma famille dans la musique »

Une attitude humble et professionnelle serait de rendre compte de l'entreprise collective mise en

place lors de la sortie d'un album ou à la fin d'un concert.

« on est jamais seul autour de ça on doit toujours quelque chose à quelqu'un quand on a une part personnelle de réussite ça c'est obligatoire ça faut jamais l'oublier. » c'est bien ce sur quoi il insiste en

expliquant qu'il a conscience de l'impact qu'à eu son idole Claude François. Avec lucidité, il ajoute

que sans lui il n'en serait peut être pas là aujourd'hui. Ne jamais oublier à ceux qui vous permettent

d'y arriver.

C'est ce qu'il regrette de la part de certains musiciens célèbres le manque de partage des retombées

médiatiques, il note justement cette faille à l'âme d'artiste, dénonçant parallèlement le besoin de tirer

la couette de son côté. Il prend justement exemple du binôme Fred Rister et Bob David Ghetta

« c'est lui (Fred Rister)qui depuis sept ans a fait le plus de tubes de David Ghetta, les Black Eyes Peas c'est Fred Rister parce qu'on parle toujours de David Ghetta, David Ghetta c'est celui qu'on voit sur la scène devant des milliers de gens en train de mixer et tout mais celui qui travaille sur les platines sur les ordinateurs en amont c'est Fred Rister c'est à dire bon Fred Rister a lui porte quatre vingt pour cent du travail », selon lui on ne

parle pas assez de lui et David Ghetta n'insisterait pas non plus pour reconnaître publiquement tout

le travail produit par son binôme.

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III.II.Un environnement culturel

Évoluer dans un environnement culturel permet de s'inscrire dans le champ culturel de sa pratique,

c'est ce qu'observe Boltanski lors de son enquête sur les Bande-dessinées.

« mon producteur le seul chanteur qu'il produit c'est moi parce que ben il a sa troupe c'est un homme de théâtre, c'est un homme de théâtre de comédie c'est un c'est un artiste réussi à par entière ».

évoluer dans un environnement artistique permet aux pratiquants d'acquérir plus de légitimité et de

se constituer un habitus d'artiste. Le producteur de Noël La Gioia n'appartient pas au domaine de la

musique mais à celui du théâtre, pour autant il est à même d'accompagner la carrière de Noël et

parallèlement lui apporter une dimension plus théâtrale qui lui est utile lors de ses représentations

scéniques. L'équipe de travail du chanteur s'est constituée notamment par ce système de réseau,

c'était une connaissance de son agent, ainsi les choses se sont faites naturellement.

Pour parler de lui et prouver la légitimité de sa place dans le monde de l'art, il n'hésite pas à évoquer

les rencontres qu'il a pu faire, lors de l'entretien il me parle de sa collaboration avec Fred Rister, de

ses représentations dans des salles fameuses, ou son enregistrement dans un studio réputé. C'est de

cette manière, en faisant des références à des lieux mythiques, qu'il est en mesure de rendre compte

de son « poids » culturel.

Son expérience aussi très médiatisée avec sa participation au film Podium réalisé en 2004 par Yann

Moix, lui permet d'affirmer sa place et son état de confort dans le milieu, il peut ainsi faire référence

à des personnes prisées.

De plus les connaissances qu'il a pu développer lui permette aujourd'hui de commencer un autre

style de carrière mais toujours dans le domaine musical. Il intègre une comédie musicale, dirigée

par son actuel producteur, il en est même le personnage principal. Il effectue comme l'énumération

de sa réserve culturelle, proche de l'idée d'un répertoire des objets et des dispositifs développée par

Thévenot et Boltanski. Un inventaire qui contribuerait à objectiver la grandeur d'une personne, dans

le cas ici, d'un artiste6.

Comme il aime le préciser, ce sont bien les rencontres qu'il a faites (rencontre avec son producteur

alors qu'il donnait des cours de chant dans le même établissement que lui) ou l'appel inopiné d'une

boite de production de film (pour l'enregistrement pour Podium), qui lui ont permis d'évoluer et de

6 Boltanski Luc, Thévenot Laurent. De la justification. Les économies de la grandeur. Gallimard, 1991

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remplir plus de salle, se faire connaître et apprécier. Son environnement artistique lui a permis de se

constituer un public qui régulier, intéressé, et qui, plus que de s'intéresser aux reprises de Claude

François, devient curieux de ce que peut faire « lui » Noël La Gioia.

III.III. Un public

Pour qu'on puisse parler d'une pratique artistique ou d'un artiste en tant que tels, il faut d'abord que

l'activité soit reconnue et destinée à quelqu'un.

« on a la chance de pouvoir exister heu artistiquement heu grâce aux gens, grâce au public parce que faut pas oublier que quand on est dans une salle sur une scène si personne n'était dans la salle, on y serait pas si les gens n'achetaient pas vos places, les places de spectacle voilà moi c'est humilité respect pour heu les gens surtout dans le contexte actuel »

Noël insiste sur la dimension sociale et humaine de sa pratique. Pour lui faire de l'art c'est d'abord

interpeller quelqu'un. Il y a un bien la notion de relation, de transmission.

Noël qui est en cours de construction de sa carrière, il parle du travail important pour constituer son

public. Un public qu'il essaie de fidéliser au cours de ses représentations dans la région. Mais il

essaie aussi de l'élargir, en s'appuyant sur une communication via les réseaux sociaux notamment.

Les commentaires de ses spectateurs sont selon lui sa récompense après chaque spectacle comme

s'il avait fait quelque chose de bien.

Pour faire évoluer sa carrière il a besoin de faire évoluer son public. Puisqu'il est à un moment de sa

carrière où il souhaiterait davantage exposer ses propres productions, il ne cherche plus à

rassembler des fans de Claude François, mais des gens qui s'intéressent réellement à ce qu'il

propose d'autre.

CP:selon vous vos spectateurs viennent à vos shows pour vous ou pour profiter d'un instant avec Claude François ?

NL:nan les gens heu je dirais que je dirais que je suis en train d'inverser la tendance des gens viennent de plus en plus pour me voir et moi heu comment je veux dire heu oui les gens viennent de plus en plus pour heu ben pour moi jvais dire on dira ça comme ça en toute humilité

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Il ajoute que c'est un travail de fond, de persuader les gens qu'ils ne vont pas voir Claude François

mais bien Noël La Gioia.

Intéresser, les faire adhérer à sa pratique, c'est rendre cette dernière véritable voire autonome, ce

sera une pratique qui intéresse les gens soit en les touchant soit en les interpellant. C'est ainsi que le

chanteur ne se satisfait plus uniquement des « Je fais un bond de vingt ans en arrière » mais

souhaite désormais des commentaires sur les arrangements qu'il a apporté à quelques titres ou

mieux des commentaires sur ses propres textes.

Comme l'explique Boltanski dans son étude sur les bande-dessinées, la pratique gagne en légitimité

quand elle arrive à se créer un appareil, des moyens d'être jugé, apprécié. L'évolution du public est

possible certes avec un travail mais aussi en fonction du contexte et de l'environnement social par

exemple. Noël note qu'aujourd'hui le public amateur de musique est en attente de nouveauté, de

créativité et cela en fait dans tous les domaines artistiques. Ainsi il a conscience que pour capter

l'attention du public il se doit de s'adapter, mais il doit aussi travailler à conserver son public actuel

et trouver un moyen de de le faire évoluer.

Pour qu'un public soit conquis il lui faut trouver ce qu'il y a d'unique dans la pratique ou dans les

œuvres, c'est ainsi qu'eux même ils seront amenés à s'intéresser plus précisément à la pratique ou à

l'artiste lui même (histoire, carrière...)

IV. Le besoin de se démarquer : créativité

Après une vingtaine d'années à ne faire qu'interpréter les chansons de son idole, Noël s'est rendu

compte de la nécessité, s'il veut passer au stade supérieur, de se faire connaître lui pour se qu'il fait.

C'est autonomisation, ce détachement s'est déroulé en plusieurs étapes.

« de dix neuf vingt ans et jusque trente cinq ans c'était quasiment oui lui rendre hommage et maintenant que je suis plus centré sur heu une démarche plus personnelle je veux dire j'en reviens toujours à ça il y a malgré tout dans mes chansons et quand j'interprète des chansons de Claude François sur scène que je réorchestre comme je le dis pour apporter ma touche personnelle il y a toujours cet hommage parce que c'est quelqu'un qui a touché ma vie qui m'a touché personnellement et donc je suis jamais resté insensible et je le suis toujours je veux dire heu c'est tout

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maintenant ma musique elle a évolué moi Claude François des chansons de Claude François heu ça fait heu vingt ans que j'en ai plus écouté »

D'abord la volonté dans un premier temps de rendre hommage à celui qui lui a permis d'entrer dans

le monde de la musique, ensuite il y eut la période où Noël commençait à personnaliser ses

morceaux en les arrangeant, remaniant pour être plus « dans le temps », il s'est séparé peu à peu du

modèle de départ.

IV.I. Nécessité de se démarquer

Pour être un « artiste », il ne suffit pas d'être un chanteur parmi d'autres, Noël ne se contente plus

d'être « l'interprète de... », il veut désormais être connu pour lui même. C'est uniquement de cette

manière qu'il pourra prétendre à un statut d'artiste. C'est un besoin d'être reconnu personnellement,

il ne s'agit pas selon lui d'arrogance mais, d'un besoin naturel. Il ne suffit pas de bien reproduire,

cette qualité c'est ce qu'on attendait avant d'un bon artisan, reproduire correctement. Mais

aujourd'hui le chanteur se pose la question de comment singulariser ma pratique pour qu'on puisse

me reconnaître, moi Noël Lagoia. En effet, cette réflexion peut être envisager comme la question de

la signature, dans l'art. Heinich affirme la nécessité dès lors où un artiste (elle traite surtout du

domaine de la peinture) se singularise, d'associer la signature à ses œuvres. Dans le cas de la reprise

musicale, Noël s'attache à l'idée qu'il ne s'agit pas du nom sur l'album mais d'une marque de

fabrique à attacher à ses productions, une touche personnelle qui permettront au public de

reconnaître ses interprétations.

Il y a un besoin en tant qu'artiste de se sentir autonome indépendant capable de s'émanciper de ce à

quoi on est attaché. Écrire ses propres chansons c'est faire preuve de capacités créatrices. « quand on est interprète heu bon on est que la copie en fait de gens connus tandis que quand on arrive avec ses œuvres on devient créateur ».

Interpréter les titres des autres ça ne dure qu'un temps, le temps de se lancer, qu'on puisse parler de

vous, mais cela ne serait que temporaire, le chanteur affirme qu'on ne peut pas baser une carrière

uniquement sur cette pratique, il reste lucide sur le sujet. Il parle de la reprise comme un outil un

tremplin qui peut aider à se faire connaître puis reconnaître. Il illustre ses propos en s'appuyant sur

les chanteurs français qui ont commencé en effectuant des reprises comme Amel Bent ou encore

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Nolwenn Leroy. Par ces exemples, il insiste sur la difficulté de percer, en proposant ses propres

morceaux, rares sont ceux qui sont capables de se lancer avec leur production, ça ne vient qu'après

et encore.

Noël explique que désormais il est un compositeur libre, en disant cela il crée un paradoxe avec les

propos qu'il a pu dire auparavant. Il est tiraillé entre être maître de ses productions, capable de

proposer ce que, lui veut, capable de créer à partir de ses propres envies et inspirations et tout

compte fait répondre parallèlement à l'attente de ce que les gens veulent, en faisant « l'unanimité »,

en jouant sur ce qui « marche » aujourd'hui (son électro). Il dit être à la fois libre de créer ce que

bon lui chante mais il reste tout de même attaché aux canons du moment. Ainsi peut on vraiment

dire qu'il s'agit d'un créateur ? C'est le phénomène qu'observe Heinich, qui note l’ambivalence entre

l’impératif de singularité, avec une volonté d'être exceptionnel et l’impératif de communauté

puisque l’artiste s'inspire de ses fréquentations, de ce qui l'entoure et de ce que font les autres7.

Dans le milieu de la reprise et de l'interprétation, beaucoup de chanteurs regrettent les réflexions du

type « même pas capable de nous proposer quelque chose de nouveau », « aucune originalité », « on

va l'entendre combien de fois ». Pour autant, il affirme que ce qui peut faire la différence entre un

simple interprète et un chanteur créateur c'est sa capacité à rendre une interprétation « sienne ».

C'est là où se trouve toute la différence.

IV.II. Innover en s'appropriant

Il ne s'agit pas de faire du nouveau pour faire du nouveau. L'innovation n'oblige pas à tout

reprendre, innover c'est aussi avoir un idée nouvelle, ingénieuse.

« faire en sorte de chiper un peu comme ça à gauche à droite des morceaux de les réunir de les mixer ensemble d'apporter des choses et plus ou moins des mélodies moi je trouve que c'est tout à fait de la création parce que même si c'est heu des morceaux heu voilà chiper à gauche à droite c'est quand même du boulot c'est un

7 Anthony Glioner, Ce que la littérature fait à la sociologie de l’art. Remarques à propos de L’Élite

artiste de Nathalie Heinich, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des sciences humaines », 2005, 384 p.

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travail de montage de mixage c'est du travail de, donc c'est quand même à la base de la création faut faut avoir eu l'idée de le faire donc déjà c'est créatif »

Réemployer, se servir de ce qui existe déjà, c'est parfois plus complexe que de parti de zéro. « Faire

du neuf avec du vieux » voilà la devise de ces chanteurs interprètes. Ils dévoilent leurs capacité à

réinventer. Ce genre de pratique, ne fait pas l'unanimité, certains félicitent cette ingéniosité et

d'autres font le procès de la « dénaturation » de l’œuvre originale. Pour Noël, il ne s'agit pas de

vouloir prendre la place de l'artiste original ou faire mieux mais faire sien.

« je reprends ces chansons là et c'est deux vieux succès de Claude François mais qui ont été totalement réorchestrés par mon arrangeur avec nos touches personnelles et voilà de manière à ce que les gens quand ils vont écouter ces deux reprises connaissent les chansons ceux qui connaissent pas vont découvrir comme si c'était une nouvelle œuvre et les fans de Claude François les gens de ma génération qui connaissent ce répertoire là vont dire ah oui ces deux chansons là on les connaît on les connaît bien pourtant c'est pas les plus connus du répertoire de Claude François parce que là aussi c'est l'intérêt de faire en sorte que ça soit une redécouverte avec des sons nouveaux des sons actuels et ma voix »

De Certeau qui réfléchit sur la question du « braconnage », observe l'emploi, l'appropriation

d'un l'objet, l'apport personnel que chacun en fait. Il envisage l'objet culturel comme un

« appartement un loué » où une personne passe et y pose ses bagages, un lieu où chacun serait à

même d'y apporter une transformation, sa transformation.

"Les lecteurs sont des voyageurs ; ils circulent sur les terres d’autrui, nomades braconnant à

travers les champs qu’ils n’ont pas écrits, ravissant les biens d’Égypte pour en jouir. L’écriture

accumule, stocke, résiste au temps par l’établissement d’un lieu et multiplie sa production par

l’expansionnisme de la reproduction". 8 (De Certeau, 1990:252)

Ce passage est adaptable à toute forme d'objet culturel. Les objets culturels ne sont pas

intouchables, s'y attaquer ne signifie pas forcément leur enlever de la valeur, cela peut parfois même

leur en attribuer.

8 Michel de Certeau, L'invention du quotidien, tome I, 1990 : 252

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Ainsi, malgré la vision parfois pessimiste de sa pratique, avec son côté temporaire, il y trouve

tout de même de l'avenir dans la mesure où dans le contexte actuel, il existe beaucoup d'outils pour

exploiter le réemploi, l'actualisation, la création à partir d'une matière première. Même si le mixe ou

le sample existent depuis longtemps, aujourd'hui il est possible d'aller plus loin dans la démarche,

c'est pourquoi Noël félicite ces initiatives. Pour autant, il n'est pas vraiment sûr que cela s'applique

au domaine du chant en tant que tel, il s'agirait plutôt du domaine du son, du beat.

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V. Conclusion

Réfléchir sur la place de la reprise musicale dans le champ artistique, ne doit pas se limiter à

s'interroger uniquement sur des questions figées comme le statut, l'aspect authentique ou

l'originalité d'une pratique ou de la personne l'exerçant. Ces points sont à penser à travers les

rapports entre des gens, il ne s'agit pas de penser ou de parler en terme de valeur ou de chercher à

évaluer la pratique avec des critères spécifiques mais l'envisager à travers les relations entre des

personnes, à travers la réception qu'en font les gens. C'est ainsi que Nathalie Heinich entreprend de

réfléchir, et d'établir ce qu'est de faire de la sociologie de l'art, en s'arrêtant sur ce que des œuvres

comme des pratiques « font aux gens ».

Une pratique comme la reprise musicale interroge en réalité davantage d'autres domaines, tous

ceux liés ou s'appuyant sur l'appropriation, l'interprétation, et l'usage d'un matériau existant. Le

poids de ces styles de pratiques, dans le champ artistique, n'est pas quelque chose d'acquis en soi,

malgré l'appartenance au domaine musical. Leur place est à négocier continuellement auprès des

acteurs, des institutions, du public... Cela est d'autant plus complexe dans la mesure où les

négociations se font aussi par rapport aux autres pratiques musicales, elles, totalement légitimées.

Une enquête comme celle conduite avec Noël Lagoia permet d'observer de nombreuses

contradictions dans le discours, des difficultés à soi même s'envisager ou se ranger selon qui et

selon quoi. Pour établir la position d'une pratique culturelle, il est intéressant d'observer plusieurs

discours, plusieurs façon de vivre, de pratiquer son activité. Se pencher sur l'histoire de l'art,

l'évolution des statuts, de l'investissement de la politique publique dans ce domaine mais aussi la

redéfinition permanente de la culture, de ses limites, des enjeux et processus qui se jouent à sa

frontière.

L'important dans ce genre d'étude étant toujours de réfléchir, d'observer les phénomènes en

cours et de non pas chercher à les expliquer et à déterminer quelque chose de stable. L'art s'envisage

comme une pratique sociale, dès lors où il y a rapport ou relation entre des personnes, il ne faut pas

s'attendre à quelque chose de binaire, « ceci est de l'art et ça, ça ne l'est pas », il s'agit d'un domaine

en constante évolution. La sociologie de l'art nous permet de nous interroger sur ce qui se déroule

entre les deux, et sur les acteurs en jeu.

Les éléments évoqués dans le cas de la reprise musicale peuvent être interrogés par rapport à

bien d'autres domaines, tellement que cela nous amène à nous demander si aujourd'hui tout ne serait

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pas à même d'être qualifié comme art ? Toute pratique qui aurait quelconque démarche et qui

permettrait de réfléchir sur les points développés dans cette étude, pourrait-elle alors appartenir

légitimement au champ artistique ? La possibilité du passage du non art à l'art annonce-t-il le début

d'un processus sans fin ?

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VI.Annexes

VI.I. Grille d'entretien

Hypothèse de travail :

L'art doit-il obligatoirement rimer avec création et originalité ?

Puis,

Quelle légitimité pour la reprise, les interprétations ?

Introduction

➢ Présentation de l'enquêteuse

➢ Présentation de l'enquêté (âge ; formation ; emploi actuel ; état civil; situation de couple)

➢ Décrivez-moi tout d'abord votre pratique musicale.

Trajectoire de vie de l'enquêté et de sa pratique

➢ Quand avez-vous commencé à chanter ?

➢ Quand vous êtes vous rendu compte du « don vocal » que vous avez ? Et depuis quand

l'exploitez-vous ?

➢ Avez-vous eu une formation musicale ? Si oui, quelle était-elle(cours de chant, solfège...) ?

➢ Quelle place tient votre pratique dans votre vie quotidienne (temps de répétition,

déplacement...) ?

➢ Comment s'est faite la transition entre une pratique à titre d'amateur et celle plus

professionnelle ?

➢ Quelle est la position de votre entourage vis-à-vis de votre pratique ?

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➢ Au départ vous expliquiez que vous travailliez de nuit dans l'hôtellerie, cela laisse penser que la

musique reste à l'état de hobbie, extra-professionnel. Qu'en pensez vous ? Est-ce techniquement

possible de construire une carrière à côté ?

➢ Vous évoquiez au départ que vous vous étiez mis à composer quelques morceaux, quand et

pourquoi avez-vous ressenti le besoin, de créer et de produire vos propres créations ?

➢ De quelle ordre est la motivation de votre pratique (financier, artistique?)

➢ Quand vous vous produisez, qui se charge de votre rémunération ?

Critères de définition de l'art

➢ Vous qualifiez-vous plutôt comme chanteur professionnel ou comme artiste ?

➢ Selon vous, quelle serait la différence entre ces deux notions ?

➢ « Le très grand est celui dont les imitations sont légitimes, dignes, supportables, et qui n'est pas

détruit ni déprécié par elles ni elles par lui. » Paul Valéry.Que pensez-vous de cette citation ?

➢ Est-il déjà arrivé durant votre parcours de rencontrer des gens qui n'approuvait pas ou une

reconnaissait pas votre pratique ? Connaissez vous leurs raisons, leurs points de vue ?

➢ Dans la presse qui vous concerne, vous refusez qu'on parle d'imitation, à propos de votre voix,

vous précisez qu'elle est naturelle, absolument pas forcée. Pouvez-vous m'expliquer en quoi cela

vous semble important à préciser ?

➢ Selon vous, le fait qu'elle soit naturelle le attribue plus de mérite que si elle était travaillée ?

➢ Dans le monde artistique que pensez-vous de l'interprétation, de la reproduction par rapport à la

création ?

➢ Selon vous, peut-on rapprocher les pratiques suivantes :

interprétation de chanson

mix de plusieurs musiques et sons existants

Selon vous, les deux se valent-elles ou l'une serait plus légitime que l'autre ?

➢ De manière générale que pensez-vous de la remix culture ( de nouvelles pratiques qui réutilisent

des produits existants pour innover, comme le sample par exemple ) ?

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➢ A votre avis, aujourd'hui la reconnaissance est-elle équivalente que l'on fasse du remix, de

l'appropriation d'objets traditionnels ou qu'on compose ses propres productions ?

➢ Dans votre cas, qualifiez-vous votre activité comme une pratique artistique ?

➢ Quelle définition donnez-vous de l'art aujourd'hui ? Que placeriez vous d'une part dans la

pratique artistique dite légitime et d'autre part dans celle non légitime ?

➢ Où vous situez-vous ?

➢ Que pensez-vous de la notion de « culture légitime » ?

Reconnaissance

➢ En chantant du Claude François, votre but est-il plus de lui rendre hommage comme on peut le

lire dans la presse ou est-il question d'une reconnaissance personnelle de votre « don vocal » ?

➢ Comment souhaitez-vous qu'on parle de vous dans la sphère artistique ?

➢ Pour s'élever dans la sphère musicale il faut que le travail soit reconnu. Pour vous, de qui

attendez-vous cette reconnaissance ( des professionnels, du public, des fans de Claude François) ?

➢ Selon vous, vos spectateurs viennent à vos shows pour vous ou pour profiter d'un instant avec

Claude François ?

➢ En ce qui concerne votre public, s'agit-il d'un public fidèle qui vous suit ou vos représentations

brassent un public varié ?

➢ Lors de vos représentations, à quel titre êtes vous sollicité (animateur de salle) ?

➢ Pour vous, la réussite musicale est liée au nombre d'album vendu, ou à la question de

reconnaissance par les grands ?

➢ Après quelques recherches sur vous sur le web, on peut constater que vous travaillez sur votre

communication : un compte Twitter, une page officielle sur Facebook, des vidéos sur diverses

plate-formes,. Cela est en vue de vous créer un public ou davantage pour chercher des contrats ?

➢ Quelle image de vous et de votre pratique pensez-vous renvoyer aux autres ?

➢ Selon vous, les internautes participent ils à votre notoriété et votre reconnaissance ?

➢ Quel poids et légitimité attribuez-vous à des « like », des « partages », des commentaires ?

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VI.II. Transcription entretien

avec Noël La Gioia le 6 mars après midi dans un café: 106minutes

CP:Alors, on va commencer par heu, par heu l'introduction on va dire, donc donc je vais vous demander de vous présenter, rapidement, donc votre âge, état civil formation, allez y...NL : Alors moi,déjà je m'appelle Noël Lagoia, mon nom d'artiste est « Noël Lagoia », L.A.G.O.I.A ça c'est mon nom d'artiste parce que mon nom heu mon vrai nom si on veut dire c'est L.A plus loin G.I.O.I.A. Donc à l'époque quand j'ai sorti mon premier album hommage heu que j'ai sorti après le, je parle pas trop vite ça va ?CP : Non non allez y ça va allerNL :après le après le film Podium heu, je suis tombé sur heu une équipe heu une équipe de producteurs, qui me ont heu réalisé mon album et qui m'ont dit que « La Gioia » ça va être difficile à prononcer dans l'immédiat heu dans l'écriture heu bon on va donc on va heu ils ont voulu raccourcir mon nom et heu coller parce que L.A plus loin G.I.O.I.A et la c'est LAGOIA L.A.G.O.I.A qui est plus facile à prononcer donc du coup maintenant c'est devenu comme ça c'est resté comme ça et en pseudo comme un pseudo CP : Ah ok très bienNL : voilà, je suis déclaré comme ça , dans le système etc etc CP : ok très bien, maintenantNL : Donc j'ai 54 ansCP : 54 ansNL : Je vais les avoirCP : ok NL : on va dire que je les ai et puis heu ben je suis marié, j'ai cinq enfants, j'ai deux petits enfants alors voilà et puis ben voilà ça c'est le côté privé on va direCP : Alors heu maintenant je voulais une heu description gro globale de votre pratique musicale

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NL : Alors moi je suis à la base, je suis auteur compositeur interprèteCP: hmm hmmNL : voilà donc heu qu'est ce qu'il faut que je raconte, un peu mon parcours ? Ou heu ?CP : oui si possibleNL : Alors mon parcours, ça fait plus de trente ans que je chante heu que je pratique la scène et puis heu dans heu ben je chante en orchestre j'ai fait heu de l'orchestre à mes débuts, j'ai fait heu trois orchestres en tout et pour tout et puis ensuite ben pour partir travailler seul, heu je veux dire en solo, ben on va dire il y a une vingtaine d'années que je suis en solo, j'ai commencé à faire mes propres heu compositions mes propres chansons, ça fait une petite vingtaine d'années et puis après ben avoir fait le film, ma participation dans le film Podium CP : c'était quand ça ?NL : ça c'était en 2005, la sortie du film était le 11 mars 2005CP : hmm hmmNL : et moi si vous voulez j'ai enregistré le le duo « Comme d'habitude » pour l film avec Benoît Poolvoerde c'était en octobre en décembre 2002CP : ah ouiNL : oui oui on avait enregistré quasiment deux ans avant donc en studio sur Paris et donc j'ai travaillé deux jours avec Benoît Poolveorde pour ce duo, ce duo qui fait heu je veux dire qui fait partie d'une voire de la scène mythique du film parce que je ne sais pas si vous vous souvenez dans la scène du film heu quand on voit, je sais pas vous avez vu Podium non ?CP : non je ne l'ai pas vuNL : celles et ceux qui auront vu, il y a une scène, c'est la scène culte, on peut dire ça comme ça, heu ya un duo entre Claude François et Bernard Frédéric qui est interprété par Benoît Poolveorde qui est un comment je vais dire un fan de Claude François dans le film et il y a un jeu virtuel qui est entamé

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entre Claude François et Benoît Poolveorde et dans ce duo si vous voulez ya Moix,le réalisateur du film qui cherchait une voix heu pour chanter justement ce duo avec Benoit Poolveorde qu'il a du reconstituer toute la scène, c'est une scène culte du film qu'il a reconstitué parti d'un enregistrement heu d'un show avec Petula Clark . Ce show avec Petula clark a été enregistré en, dans les années soixante heu attendez dans les années soixante dix c'est sûr et donc il a du reconstituer cette scène et heu comme la bande musicale il n'avait pas les droits pour l'utiliser, il a du reconstituer la bande musicale pour faire une castration avec Jean Claude Petit qui est un des grands grands compositeurs français et qui est un très grand musicien très connu d'ailleurs sur la planète et donc c'est lui qui était chargé de reconstituer toute la partie orchestre de « Comme d'habitude » et Yann Moix recherchait une voix de Claude François alors il avait fait passer des casting sur Paris donc voilà et moi en envoyant mes cd dans des à l'époque j'avais enregistré des maquettes que j'envoyais régulièrement dans des maisons de disque heu et c'est Yann Moix qui ai tombé sur cette maquette par l'intermédiaire d'un ami apparemment ça s'est passé comme ça.CP:ah oui ce n'est pas vous directement qui..NL:non non non non j'ai pas j'ai même pas passé de casting dans ah oui oui oui c'est une histoire folle comme je dis c'est une histoire bénie des dieux et ça m'est tombé dessus comme ça et un soir d'octobre en octobre deux mille deux heu j'étais j'étais chez moi il était vingt heure et j'ai eu je reçois un coup de téléphone et c'était la directrice des films Fidélité à l'époque qui m'appelait heu pour me dire que ben voilà il recherchait une voix pour faire heu un enregistrement de « Comme d'habitude » et qu'ils avaient écouté mon cd et que Yann Moix et le co-producteur du film à l'époque voulait m'entendre voire me rencontrer , écouter quelqu'un sur un cd et l'entendre chanter en live en direct , je veux dire bon on on peut bidouiller si on peut dire, donc voilà c'est parti comme ça, je suis parti sur Paris en décembre deux

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mille deux et je suis rentré en studio deux jours dans un studio mythique à Suresnes d'ailleurs, c'est à Suresnes , même pas à Paris c'est dans le 94 et qui s'appelle le studio Guillaume Tell où bon Dieu toutes les stars internationales ont enregistré, c'est un énorme studio à Suresnes CP : Guillaume ?NL : Guillaume Tell, T E deux L, ça c'est à Suresnes, voilà je suis rentré deux jours en décembre deux mille deux pour enregistrer.CP : Ok alors déjà vous avez répondu à certaines de mes questions, donc je vous demandais quand vous aviez commencé à chanter, vous me disiez que ça faisait à peu près trente ansNL : oui une trentaine d'années pour dire sérieusement avant je chantonnais CP mais par contre je voulais savoir NL : j'étais plus chanteur de salle de bain à l'époqueCP : donc par rapport à votre formation musicale , vous me parliez d'orchestre mais est ce que vous aviez pris des NL:j'ai eu une formation musicale , j'ai fait quatre ans de musique en école de musique donc voilà tout ce qui est solfège ça c'est, j'ai pas vraiment la pratique d'un instrument parce que j'ai arrêté trop tôt mais on va dire je pianote on va dire ça comme ça mais de là à aller plus loin ça serait vraiment extrapoler et dire que bon, mais par contre oui j'ai une base musicale, je sais lire une partition donc de ce côté là CP : ok et maintenant je voudrais savoir depuis quand en fait heu votre rapport directement avec Claude François parce que bonNL : (rire) c'est une histoire , comment je vais dire j'ai j'étais tout petit quand j'étais petit je regardais, c'était le boom des années soixante soixante dix et donc ben mes parents regardaient c'étaient la grande époque ben des shows des Carpentier, vous n'avez pas connu mais c'était des grandes grandes émissions où tous les artistes se réunissaient heu toutes les stars à l'époque Claude François, Mike Brant, Michel Sardou, Sylvie Vartan fin

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voilà, c'était vraiment des émissions magnifiques et puis donc moi j'étais baigné déjà par tous tous ces artistes et bon déjà une attirance plus particulière pour la musique et et Claude François a toujours attiré mon attention parce que ce ce showman qu'on voyait fin déjà avec des claudettes et tout il était avant-gardiste, ça attirait toujours plus mon attention et puis heu je devais avoir une douzaine d'années et je pour être bien précis j'ai été je jouais au football à Grande-Synthe donc j'étais à l'époque je devais être pupille ce qu'on appelait pupille à l'époque , je devais avoir une douzaine d'années, allez onze ans et mon club de foot chaque année heu avait un genre faisait un genre de banquet un truc comme ça et invitait un artiste et cette année là, fin je me souviens plus l'année mais je devais avoir onze ans ou douze ans heu comme ça de tête je ne sais plus en quelle année mais enfin ça devait être dans les années soixante quatorze soixante quinze un truc comme ça, oui que je ne dise pas de bêtise , ça doit être ça oui un truc comme ça donc ils invitent Claude François au Palais du Littoral à Grande-synthe, scène où d'ailleurs j'ai chanté en septembre dernier donc j'ai foulé les planches que mon idole a foulé il y a bien des années et donc Claude François est invité et tout ce qui est je veux dire et tout nous qui faisions parti du club de football on avait donc des places dans la salle et heu à l'époque les places n'étaient pas numérotées donc c'était les premiers qui rentraient qui s'installaient et comme nous on était là pour donner un coup de main même si on était des gamins on donnait un coup de main à la mise en place on faisait des petits trucs et donc on était placé au premier rang et donc heu j'étais heu pour raconter une petite anecdote que je raconte souvent heu tout le premier rang était pris parce que je sais plus, je suis parti quelque part je sais plus ce que je faisais et puis je reviens au premier rang et toutes les places étaient prises par mes petits copains et en fin de compte j'étais vache j'étais dégueulasse maintenant je le dis parce que je vais voir un de mes petits copains et je lui dis :

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« il y a ta maman là-bas qui t'appelle » alors il me fait, je m'en rappelle comme quoi il y a des trucs qui arrivent comme ça, c'est possible car les parents étaient derrière et nous on avait réussi à être placé devant donc je lui dis « si si ta mère est là-bas elle t'appelle » il me dit non je lui dit « si si vas y sinon elle va t'engueuler » un truc comme ça donc je monte un truc et puis je lui ai piqué sa place et quand il est revenu il me dit « t'as pris ma place » mais non non non on se battait pour être au premier rang, j'ai usurpé sa place j'avoue que maintenant que c'était pas très sympa de ma part donc c'était la petite anecdote et quand j'ai vu Claude François sur scène à l'époque la scène était à à deux mètres quoi, j'ai vu et contrairement à, c'était de l'hystérie dans la salle, c'était de la folie, je veux dire ce gars-là ses concerts ce qui donnait c'est ce qu'on voit dans les images c'était de l'hystérie totale et contrairement à tous ceux, j'étais dans ma dans ma bulle et j'ai été scotché pendant plus d'une heure trente j'étais devant et je crois que je devais avoir les yeux comme ça (écarquillés), yavait plus un mot qui sortait de ma bouche j'ai été illuminé et quand j'ai vu je l'ai vu sur scène j'ai dit « c'est ça que je veux faire je veux faire comme lui plus tard » et le déclic est venu là j'en suis persuadé , j'en suis persuadé et c'est là que je me suis mis à chantonner à écouter à commencer à je vais pas dire commencer à travailler ma voix parce que j'ai jamais travaillé ma voix si mais quand même je veux dire j'ai jamais cherché déjà des gens me posent la question « est ce que vous êtes un imitateur ? » oui donc voilà on va dire que grosso modo le déclic artistique dans ma tête il est venu de là c'est là, j'avais onze ans douze ans de mémoire c'était ça onze ans douze ans ah ouais ouais ouais c'est énorme quoi je veux dire CP : je voudrais faire la distinction peut être heu vous disiez je regardais et je me suis dis c'est ça que je veux faire, c'est ça que je VEUX faire ou c'est vraiment par rapport à ce qu'il fait ou à sa personne ?

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NL : non moi quand j'ai vu sur scène Claude François j'ai vu ce que c'était que de donner et de faire ce de chanter de monter sur scène devant des gens et de chanter heu je calculais pas à savoir jme dis pas je veux faire ça jveux faire tout comme lui je me suis mis dans la tête je veux être u chanteur jveux jveux jveux être sur scène jveux chanter voilà c'est ça c'est ça et sans sans jpense pas jpense pas que dans mon esprit à cette époque là je me suis dit je veux faire comme lui jveux lui ressembler et je veux être Claude François non non non je veux être un artiste voilà voilà. Je veux être un artisteCP:Enfin là, par exemple je ne connais pas particulièrement Claude François heu mais heu là c'est même plus que chanter j'ai l'impression parce que c'est une performance enfin d'après ce qu j'ai entendu de vous c'est pas chanter c'est vraiment une dimension de show en général.NL : ah oui oui oui CP : c'est ce qu'on entend par artiste en fait. Ok et donc vous parlez d'une voix que vous ne travaillez pas qui était naturelle donc depuis quand vous êtes vous rendu compte de ce don vocal on va dire ?NL:c'est venu très très tôt parce que finalement heu quand quand j'ai commencé bon je veux dire je devais avoir quoi je devais avoir peut être avoir dix neuf vingt ans quand je me suis mis vraiment à chanter devant des gens avant ben c'était chanter dans la salle de bain et fin je veux dire chanter devant sa glace voilà, c'est ça finalement et j'ai commencé vraiment à chanter devant les gens, dans des cafés, dans des terrasses dans des repas de famille et tout ben je devais avoir dix neuf vingt ans donc on me disait c'est incroyable t'as un timbre de voix qui fait penser, et c'est venu de là mais il y a une, je dis souvent dans mes interviews, jamais je j'ai travaillé ma voix pour dire que, d'ailleurs ce que je précise bien toujours dans dans mes heu, j'ai pas la voix de Claude François attention, moi, c'est ça l'important parce que heu comment je vais dire moi, c'est ça le

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paradoxe c'est que je ne suis pas un imitateur je ne fais pas parti des gens qui imitent Claude François, je ne fais pas parti des gens qui parodient Claude François qui le caricaturent moi tout ce qui est sosie qui mettent des costumes paillettes qui prennent des danseuses et qui font un show Claude François, bon personnellement ça ne m'intéresse pas, c'est pas ma démarche dans la musique car comme je dis bien au départ dans mes interviews, à la base je suis auteur compositeur et interprète et ma démarche dans le métier c'est de faire aussi ma propre musique mes propres œuvres mes chansons par lesquelles je vais essayer entre guillemets d'être connu. Donc heu là est l'importance et comme je dis toujours, je n'ai pas la voix de Claude François et on me dit depuis longtemps elle s'en rapproche, moi j'apporte le distinguo elle s'en rapproche, je n'ai pas la voix de Claude François et ceux qui disent j'ai la voix de, j'ai la voix de, ce n'est pas vrai. Je veux dire moi, j'ai rencontré des, j'ai pas rencontré des gens mais on m'a dit heu ya des sosies qui se qui se disaient dépassant le maître entre guillemets, c'est à dire ils étaient même mieux que Claude François, ils chantaient même mieux que Claude François, je me dis bon, ça n'engage que eux, ça n'engage que leur parole mais je veux dire pour moi je trouve ça entre guillemets assez pathétique moi c'est mon point de vue donc voilà heu mais moi ma démarche, on m'a proposé, on m'a proposé il y a une quinzaine d'années, un producteur qui m'a proposé, je chantais je faisais une première partie au casino de Dunkerque, j'avais chanté en première partie de Herbert Léonard et je tombe sur un producteur qui me dit moi je veux bien te prendre parce que tu as la voix je t'ai vu chanter c'est pas mal ce que tu fais mais je je voudrais monter un show Claude François avec toi mais il faudra que tu mettes une perruque blonde parce que je n'ai pas le physique de Claude François, bien, bien, bien, bien pour moi parce que si en plus. C'est un bonheur pour moi parce que je n'ai pas du tout le physique ça c'est, là on peut pas nier le contraire là je veux dire heu bon et il m'a dit heu à l'époque moi je peux te

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faire tourner dans le France voire même en Europe pour faire un grand show Claude François avec des danseuses et tout mais il va falloir que tu apprennes à danser, que tu mettes une perruque blonde, un costume paillettes et tout, je veux dire non, j'ai dit non alors je suis passé peut être à côté de bien des choses mais je serai pas là aujourd'hui j'en suis persuadé.Je serai pas là aujourd'hui.CP : ok très bien, heu maintenant je voudrais savoir quelle place votre pratique prend dans votre vie quotidienne par rapport aux répétitions aux déplacements etc ?NL:heu j'ai un bonheur, j'ai un bonheur c'est parce que Muriel pourra en parler, c'est que j'ai déjà une responsable, parce que pour le moment j'en vis pas professionnellement, ça devient de plus en plus serré entre mon job parce que moi je considère que mon emploi de réceptionniste de veilleur de nuit à l'hôtel c'est un job hein c'est pas un métier, c'est quelque chose que n'importe qui peut faire hein je veux dire il y a pas eu de formation spécifique, c'est un job qui est là pour pour justement ben je dirais parfaire, ben vivre, payer les factures hmm voilà heu artistiquement je suis je suis entre, le cul entre deux chaises on va dire ça comme ça, je suis entre pratiquement sur le point de pouvoir basculer et heu donc là pour le moment c'est, il y a quelque chose qui est en train de se mettre en place, parce que là j'ai un producteur depuis heu maintenant heu deux ans, c'est important dans la vie d'un artiste et quand on dit producteur, un vrai producteurCP : c'est à dire ?NL : ben vous savez il il y a des producteurs qui se baladent avec heu, pour dire de schématiser grosso modo, il y a le producteur qui heu c'est l'image classique avec le gros cigare et la mallette, et je veux dire et qui est pas plus producteur que vous et moi et je crois qu'il y a un producteur pour moi un vrai producteur qui se balade pas avec sa petite sacoche, avec des billets dans la poche,je veux dire mais un producteur c'est

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quelqu'un qui s'engage, qui ne promet rien mais que quand il a une idée derrière la tête pour son artiste heu quand il l'appelle c'est pour lui dire voilà telle date tel jour telle heure tu es sur cette scène là, tel projet, c'est ça c'est ça c'est ça c'est du concret, c'est pas du style on va faire ci on va faire ça parce que les paroles parfois ne vont pas spécifiquement avec les actes et c'est pour ça que je dis il y a producteur et producteur.CP : [et par contre je ne sais]comment on distingue le producteur de l'agent ?NL: [et la dans ce métier c'est malheureusement].Ben le producteur c'est celui qui va miser de l'argent sur un artiste admettons comme là mon producteur me produit, mon spectacle mon album c'est lui qui va qui va prendre en charge financièrement tout ce qui est affiche flyers, communication, heu heu bon ben là en l'occurrence mon single qui va sortir ben heu la pochette heu les enregistrements avec mon arrangeur, les frais de studio ça ça c'est le producteur.le producteur s'engage mise sur l'artiste bien sûr et il récupère et c'est normal,c'est lui qui a la prise de risque donc c'est normal qu'après tout ce qui est le fruit, le lui revient directement dans la poche. Après après il y a des contrats au niveau de de la vente des disques, bon autant de pourcentages de cachet sur les heu les concerts, la recherche c'est aussi mon producteur donc voilà et après lui l'agent le rôle de l'agent lui lui ben là l'agent artistique lui est là pour promouvoir l'artiste donc voilà lui trouver, des radios, des interviews, le placer sur tel plateau tv, le placer dans telles radios, interviews, ça c'est le rôle de l'agent, lui l'agent est là pour s'occuper de tout ce qui est promotionnel.CP : Comment se sont faits les premiers contacts avec eux ?NL:là le fait que j'ai rencontré mon producteur que je connaissais mais bon heu lui, son réseau d'agent est devenu mon agent heu donc voilà après c'est une question de voilà de connaissance de voilà, donc c'est un réseau

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CP : comment s'est fait le passage d'une pratique plutôt d'amateur à celle plus professionnelle ?NL:écoutez quand on est j'dirais, des tas de gens chantent en France, il y a de très très très belles voix je veux dire, il faut se faire voir et puis il y a le contexte de la chance je veux dire ça c'est parce que comme je dis énormément de gens chantent bien mais le facteur chance n'est pas toujours. C'est un comment je vais c'est une réunion de trois choses c'est à dire,il faut avoir le talent,il faut avoir la chance et rencontrer les bonnes personnes au bon moment et faut que ces trois ingrédients là soient se réunissent en même temps parce qu'on peut très bien rencontrer avoir la chance et pas avoir le talent, avoir le talent mais pas avoir de chance et avoir de la chance mais ne pas rencontrer les bonnes personnes au bon moment il faut que tout ça soit vraiment une osmose, il faut vraiment que ces trois ingrédients là prennent comme une mayonnaise je veux dire, une mayonnaise sans l'huile on la fait pas sans l’œuf on la fait pas , sans la moutarde non plus, si on met ces trois là on fait la mayonnaise.CP : Ceux sont plutôt les gens qui vous ont dit tu as la voix pour faire ça tu le peux ou c'est vous ?NL:c'est une motivation personnelle parce que dans ce métier là, il faut pas se leurrer il y a des gens qui sont sincères qui vont vous dire heu c'est bien ce que tu fais, continues, on croit en toi vas y et ça c'est important ça fait partie d'une petite minorité de gens après ya beaucoup de gens qui vont vous dire c'est très bien ce que tu fais et qui ne vont pas le penser une seconde heu les trois quarts des choses qu'ils pensent de ce qu'ils me disent en tout cas, et donc voilà après ça reste un métier où il faut prendre et laisser et surtout un métier où il faut surtout bien bien se structurer en tant qu'artiste déjà avoir une base moi ma base c'est depuis longtemps c'est ma famille c'est mon épouse qui m'a connu heu quand on avait seize dix sept ans heu qui m'a connu dans la musique qui a toujours partagé ma

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passion,qui m'a toujours soutenu quand j'ai eu des moments de difficultés heu de doutes parce que dans une carrière on sent que ça prend pas parfois l'impression que ce qu'on fait ça n'intéresse personne que ça ne sert à rien et ben dans ces cas là je veux dire heu là c'est mon épouse en l'occurrence qui m'a toujours dit ça ira un jour continue, bosse travaille et pis voilà je veux dire et après un petit réseau de gens, d'amis mais surtout ce qui faut c'est avoir une structure comme j'ai une maison de production, une petite structure de production mais qui est sérieuse qui met les moyens heu compétents et heu il faut des fois pas grand chose pour que comme je disais que la mayonnaise prenne, il faut pas simplement faire partie de comme Universal Music, je veux dire heu, il y a des petites productions comme la mienne comme celle dont je fais partie dont je suis le seul chanteur parce que bon mon producteur le seul chanteur qu'il produit c'est moi parce que ben il a sa troupe c'est un homme de théâtre, c'est un homme de théâtre de comédie c'est un c'est un artiste réussi à par entière et heu moi quand je suis allé le voir il y a deux ans je me suis dis voilà Emmanuel Vallois, voilà du théâtre des Insolites voilà je lui ai dit qui, qu'il me connaissait parce que je chantais heu tous les six mois chez lui et donnais un cours de chant et je suis allé le voir ya deux ans, jme suis dit que ma carrière artistique il me disait que c'est bien ce que tu fais continues continues et jme suis dit mais pour grandir jpeux pas grandir tout seul jpeux pas grandir tout seul dans mon coin tout ça et je sentais qu'avec Emmanuel Vallois il y avait quelque chose jme suis dit je sais que c'est quelqu'un de sérieux dans le métier et jme suis dit ça ça peut être ma famille dans la musique et je suis allé le voir j'ai pris un rendez vous avec lui je lui ai dit voilà Emmanuel tu me connais tu sais ce que je fais sur scène tu as la réalité de ce que je peux faire je voudrais évoluer grandir mais j'ai besoin d'une structure d'un producteur, je lui ai dit est ce que tu peux me produire il m'a dit oui Noël moi je vais te produire tu es le seul chanteur tu es le seul artiste que je vais m'occuper je vais

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prendre, et voilà c'est comme ça et depuis deux ans les choses sont faites voilà mis bout à bout parce qu'il connaît mon parcours CP: quelle est la position de votre entourage, vous me parliez de votre femme, mais votre entourage plus large par rapport à votre pratique?NL: leur investissement? S'ils m'accompagnent c'est ça?CP: oui, voilà.NL: oui mais carrément, bon j'ai cinq enfants comme je vous le disais au début et mes petits enfants c'est trop tôt pour s'apercevoir que leur papi chante mais ça viendra mais heu mes enfants ont toujours baigné par mes répétitions parce que je travaille continuellement ma voix, parce que bon c'est un muscle qu'il faut toujours gardé en activité on va dire ça comme ça comme un sportif de haut niveau on va dire ça comme ça haut niveau sans prétention mais heu donc ils ont toujours été baigné heu par la musique hein heu ça a toujours été très musical à la maison mais bon ils n'ont pas pour autant vraiment la fibre, une de mes filles aime la musique mais n'a pas ce côté heu viscéral c'est ça viscéral par ce que pour monter sur scène faut avoir ça dans ses entrailles ah oui oui il faut avoir ça dans les tripes je veux dire si si on n'a pas cette heu cette heu comment je veux dire cette heu si on n'a pas ça c'est viscéral ça c'est il faut l'avoir ça CP:quand vous étiez plus jeune comment réagissait votre famille notamment vos parents?NL: moi j'ai jamais eu comment je vais dire des parents qui ont été très je vais pas dire convaincu je vais pas dire ça parce que j'étais jeune déjà et que bon quand on est jeune comment dire ses parents mais si si je veux être chanteur ils m'ont ouais bon bon ben commence continue à travailler à l'époque on en reparlera ça n'a jamais vraiment été pris comme un truc heu je vais dire heu sérieux à la base donc heu bon c'est rien heu on a ses rêves, il faut croire en ses rêves pas tous les réaliser parce qu'autrement sinon à un moment on en n'a plus (rire)il faut croire en ses rêves

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les plus tenaces et puis se dire heu je veux y arriver jveux faire ça et je vais arriver à comment je veux dire, heu comment je veux dire c'est des buts des buts qu'on se fixe et on se dit faut que j'y arrive voilà ou autrement bon ça plus quoi j'ai pas eu des parents qui ont été enthousiasmés ou convaincus de ce que je voulais faire et pis bon à l'époque moi même je pouvais pas savoir que mon destin ma vie aurait bifurqué comme ça.CP: le fait qu'ils aient pas été forcément derrière vous ne vous a pas tellement..NL:pas du tout, parce que j'ai toujours été très déterminé et heu passionné voilà et pis déjà pour monter sur une scène il faut être un passionné faut être un passionné déjà il faut aimer les gens surtout parce que comme je le disais tout à l'heure c'est un métier de contact c'est un métier de communication et si on n'aime pas les gens si on n'a rien à dire aux gens on ne monte pas sur une scène on n'a rien à y foutre d'ailleurs on va laver des voitures heu je sais pas mais on n'a rien à foutre sur une scène donc si on n'a rien à faire à passer aux gens voilà.CP: vous m'avez parlé de votre rencontre avec Claude François, vous vous êtes mis à chanter sérieusement vers 20ans, vous précisiez aussi que vous étiez auteur compositeur avant tout. Est ce qu'avant même de chanter, d'interpréter vous composiez déjà? À partir de quand et pourquoi cela vous est venu de commencer à composer pour vous?NL:j'ai heu comment je veux dire j'ai j'étais pas parti à la base pour heu bon à la base j'étais simplement parti pour être heu un interprète finalement et puis heu quand j'ai commencé à quitter l'orchestre heu l'orchestre que j'ai quitté c'était en que je dise pas de bêtise heu je me souviens plus d'ailleurs heu non c'est pas le dernier orchestre que j'ai fait parce que heu j'ai refais de l'orchestre après mais j'avais déjà commencé à écrire et à composer une dizaine d'années, il y a je veux dire il y a il y a quasiment une vingtaine d'années que j'ai que je me suis mis à écrire et à composer des chansons qui sont restées plus au moins

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dans les tiroirs et puis mais elles étaient là et puis heu et puis ben heu on va dire une dizaine d'années j'ai sorti, j'ai sorti, j'ai sorti le premier disque que j'avais sorti que j'avais écrit et composé et qui s'appelait « L'enfant des étoiles » et qui rendait hommage à une petite fille qui est décédée d'un accident de voiture d'un ami qui était l'ancien directeur ben de Sportica donc qui était Hervé Beddelem qui a perdu sa petite fille dans un accident de voiture et heu ça m'avait ça m'avait ému comme tout le monde a été ému ici, et heu et pis heu ça a duré un mois deux mois dans mon esprits et pis heu jme suis dit je suis ému par ce fait comme beaucoup de gens alors je vais écrire une chanson pour lui rendre hommage et pis cette chanson est restée des mois dans un tiroir et pis c'est mon épouse à l'époque qui connaissait l'épouse d'Hervé Beddelem et qui lui a dit ben Noël il a écrit une chanson, ce serait bien que tu l'écoutes et puis cette chanson là est née comme ça et puis mais ça a mis quasiment un an parce que c'était frais aussi dans leur tête donc heu et pis sans sans sans que ce soit par la force des choses et comme je dis souvent dans la vie quand on essaie de forcer des choses généralement on n'y arrive pas ou les choses ne se passent pas correctement mais quand les choses sans que vous vous y attendiez c'est là, comme Podium on me téléphone à vingt heure un soir d'octobre deux mille deux, au courant de rien je ne savais même pas qu'il y avait un film qui était en construction, je reçois un coup de fil de la production jme suis dit, quand mon épouse est rentrée, elle travaillait à l'époque, elle rentrait tout de même assez tard, quand elle est rentrée je lui ai dit écoute mais pince moi sur le coup honnêtement je croyais que c'était une connerie, une bêtise, je me suis dit il y a quelqu'un qui me fait marcher, j'ai du mettre une paire d'heure pour m'en remettre je me suis dit c'est pas possible qu'est ce qu'il m'arrive mais ça ça n'arrive qu'une fois dans la vie enfin bon après si ça arrive deux fois on se pose des questions mais tant mieux (rire)donc voilà.

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CP: je vais encore insister sur ma question mais pourquoi cette envie d'écrire de produire finalement?NL:parce que déjà de part mes, ma formation heu musicale, donc heu rapidement jme suis dit fin il y avait ce besoin d'écrire, j'avais besoin d'écrire,jme suis dit je vais me mettre à écrire mes propres chansons, parce que c'est bien de toujours chanter celles des autres, j'étais un interprète je ne chantais pas que Claude François mais quasiment que ça mais je chantais d'autres interprètes Sardou, Johnny, voilà mais après jme suis dit moi j'ai envie d'écrire mes propres chansons composer mes chansons et faire aussi découvrir aux gens que moi aussi j'ai des choses à dire et que pis voilà j'ai envie de de d'être un artiste aussi à part entière c'est à dire donc c'est une manière aussi de dire au public ben moi aussi j'ai mon style et c'est aussi m'apporter un style parce que bon quand on est interprète heu bon on est que la copie en fait de gens connus tandis que quand on arrive avec ses oeuvres on devient créateur et moi je pense que de toute façon c'est ce que les gens aiment découvrir des nouvelles choses je veux dire bon maintenant combien de monde musical actuellement on en est plus à la reprise toutes les grandes vedettes de maintenant que ce soit je veux dire heu c'est beaucoup de reprises on entend des choses nouvelles mais les trois quarts des gens quand on dit les émissions de télé-réalité Star Academy ça n'existe plus mais enfin maintenant c'est beaucoup, ce ne sont que des reprises bon après ceux qui arrivent à tirer leur épingle du jeu du style Nolwenn Leroy Amel Bent tout ça et puis après avoir leur propre identité et créé leurs propres chansons et bon je veux dire yen a pas beaucoup, donc on n'est plus dans un système de reprise, donc jme suis dit maintenant ce qui faut, moi j'aime bien écouter des chansons, des nouvelles et il y a aussi des très belles reprises moi même j'en fais donc bon c'est tout on s'accommode de ça mais je pense que pour interpeller le public et les gens c'est ça c'est la création qui est importante

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CP: j'avais compris mais je vais tout de même poser la question, quelle est la motivation de votre pratique?NL:Artistique bien sûr je fais pas ça pour l'argentCP:Qui se charge de votre rémunération lors de vos prestations?NL: ça ben ça c'est mon producteur, il gère, il me dit Noël je t'envoie chanter je vais dire à Marseille heu tu chantes le vingt juillet je dis n'importe quoi le vingt mars, tu chantes à Marseille telle salle tel endroit, à vingt heure tu as une heure une heure trente de prestation heu, le contrat c'est le producteur qui le gère avec l'organisateur là bas là rémunération c'est mon producteur. Mon producteur se fait payer par l'organisateur et moi après.CP: on va maintenant changer de thème on va envisager ce qui est définition de l'art. Parfois on parle de chanteur professionnel parfois on parle d'artiste, dans votre cas de quoi parlez vous?NL: ben je suis je deviens de plus en plus chanteur professionnel parce que même si j'ai un statut d'amateur parce qu'automatiquement je ne suis pas un professionnel parce que ce n'est pas ma rémunération principale je veux dire bon on peut considérer que je suis un amateur mais j'ai un je suis quand même enregistré à la sasem j'ai un numéro de congé spectacle ce qui est quand même obligatoire pour être heu avoir heu comment je veux dire le congé de droit sur les chansons qu'on écrit et qu'on produit comme moi et heu mais je travaille dans un statut professionnel avec un esprit professionnel avec un contexte professionnel donc heu voilà CP: sinon quelle distinction faites vous entre justement artiste et chanteur professionnel?NL:je dirais on peut être artiste amateur et artiste professionnel, pour moi je dirais que ça n'a pas de comment je veux dire je fais pas de distinction quand on est un artiste un artiste peut être professionnel ou amateur pour moi comment je vais pouvoir définir ma pensée, c'est pas parce qu'on est professionnel qu'on est plus performant plus reconnu moi très

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personnellement moi il y a des gens donc qui sont chanteurs ou chanteuses professionnel(les) heu je veux dire heu qui ben je vois pas ce qu'ils font sur une scène quoi je veux dire honnêtement moi au moins je suis pas j'ai pas la plus belle voix du monde des gens chantent mille fois mieux que moi je veux dire mais bon heu mais pour moi il y a des fois des gens que je vois qui sont amateurs mais on se demande ce qu'ils foutent heu en tant qu'amateurs pour moi artiste pour moi artiste ça n'a pas de dénomination amateur ou professionnel pour moi t'es un artiste c'est tout. Je fais pas la distinction pour moi si on me dit telle personne ben tu vois elle chante oui mais elle est pas professionnelle je dirais ben en tout cas je m'en fous je m'en fous de savoir qu'entre deux elle est je sais pas ben réceptionniste dans un hôtel ou médecin ou je sais pas ou qu'importe travaille en usine, et pis que sa passion c'est de monter sur scène le week-end pour moi c'est une artiste. Professionnel amateur pour moi ça n'a rien à voir. Un artiste c'est quelqu'un qui monte sur une scène amateur ou professionnel pour moi c'est un artiste, je ne fais pas de distinction.CP: je vais maintenant vous citer un passage de Paul Valéry, puis vous me donnerez votre avis sur le sujet: « Le très grand est celui dont les imitations sont légitimes, dignes, supportables,et

qui n'est pas détruit ni déprécié par elle ni elle par lui. » . qu'en pensez vous?NL:Je suis tout à fait d'accord dès lors qu'on touche à une reprise admettons heu si elle est laissée dans l'esprit je vais pas dire amélioré pas pas détruite pas saccagée dès lors qu'on touche à une œuvre et qu'on la respecte qu'on la reproduit à sa sauce finalement. On peut pas mélanger l'artiste et ce que font les autres de ses productions, on ne peut pas déprécier ce qu'il est et ce qu'il a fait par ça, c'est pour ça même qu'il arrive d'avoir mal pour ce très grand qui voit tout ce qu'il a fait entre guillemets appauvriCP:avez vous rencontré durant votre carrière des gens qui ne reconnaissait pas, ou n'approuvait pas votre pratique?

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NL:moi je pense que, comme je le disais tout à l'heure il y a des gens qui savent flatter, donc des gens qui flattent qui sont sincères, des gens qui flattent qui ne le sont pas du tout parce que c'est un système de jalousie, l'être humain est fait comme ça. Mais clairement je n'ai jamais eu de gens qui m'ont dit ce que tu fais c'est nul arrêtes toi ou tu nous casses les oreilles ou quelque chose comme ça maintenant oui la chose qui faut bien savoir c'est que quand on est un artiste comme moi qui monte sur scène, il peut pas plaire à tout le monde hein et que les goûts et les couleurs, il y a certainement des gens qui n'aiment pas ma voix, qui n'aiment pas mes prestations sur scène ça c'est une évidence même mais heu bon c'est tout quand on, quand moi je sais que je ressors d'une salle de spectacle d'un concert ou d'un gala j'ai fait une prestation moi l'essentiel c'est que le maximum de gens qui sortent de là se sont dit j'ai passé un bon moment on n'a même pas vu le temps passer on a passé deux heures dans une salle mais bon sang il est déjà cette heure là et qu'on a passé un bon moment maintenant ça ne peut pas être l'unanimité c'est pas possible, on ne peut pas faire l'unanimité dans ce cas il n'y aurait plus d'enjeux d'ailleurs si on arrive à convaincre tout le monde il n'y a plus rien d'intéressant on va dire donc heu oui inéluctablement des gens n'aiment pas ce que je fais, n'apprécient pas ce que je fais c'est tout mais me l'avoir dit en face non je peux pas dire, mais je sais pertinemment que c'est le cas c'est évident heureusement d'ailleurs que je plais pas à tout le monde.CP: selon vous est ce que ce qui plaît et fait l'unanimité prouve de la qualité d'une production ou inversement, prenons l'exemple de la musique classique et de Beethoven par exemple, il est reconnu, il fait l'unanimité ce qu'il a fait ceux sont des chefs d'œuvre pourtant ça ne plaît pas à tout le monde, a contrario une musique ordinaire que tout le monde écoute est ce un gage de qualité?

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NL:ben le truc c'est que c'est quand même quelqu'un qui qui a chamboulé le monde musicale de son époque qui a laissé des traces et des œuvres indélébiles cP: dès lors où on laisse des traces ça voudrait [dire que...]NL: [c'est c'est des œuvres]c'est quand même des œuvres qui à l'époque étaient déjà modernes je veux dire pour son époque quoi qu'on en dise Mozart Beethoven tout ça étaient des gens avant-gardistes aussi parce que si on arrive encore à les jouer dans des opéras encore maintenant que les orchestres symphoniques ou heu continuent à jouer des œuvres heu de ces légendaires compositeurs c'est que quelque part ils ont plu à un maximum de gens maintenant bien évidemment, ils ont plu à un maximum de gens, ils font presque l'unanimité mais ne font pas l'unanimité même Schubert même Mozart même Beethoven la musique classique moi j'aime bien j'aime tous les styles musicaux mais il y a des gens qui sont très électro très techno Beethoven Mozart pour eux c'est heu c'est une autre planète. Moi j'écoute de tout, j'aime tout ce qu'il se fait dans la musique, tous les styles, j'écoute tout. J'aime tout mais j'aime pas tout dans tout on va prendre le cas du rap il y a des morceaux de rap qui sont sublimes qui sont très biens et d'autres morceaux qui m'agacent pas par rapport au texte bon pareil pareil pour la variété pareil pour le rock,j'aime bien la musique électro j'aime bien la techno, il y a des choses que j'aime bien qu'on peut mettre dans une chanson, mais j'aime pas tout dans l'électro et la techno mais ça ne remet pas en cause comment je veux dire heu ce style musical bon il y a des artistes qui sont comment je pourrais dire ça ça remet pas en cause oui heu. Ne pas aimer ne remet pas en cause le talent de l'artiste non plus après pour répondre à la question des lors où quelque chose remporte l'attention et l'adhésion d'un certain nombre on peut considérer qu'il y a de la qualité déjà simplement au fait de faire consensus auprès de gens qui aiment la musique.

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CP: dans la presse, vous refusez qu'on parle d'imitation quand on parle de votre voix,vous précisez qu'elle est naturelle absolument pas forcée NL: jpeux pas refuser jpeux pas interdire quelqu'un de dire heu vous êtes un imitateur ou est ce que vous imitez c'est normal c'est je dirais depuis que je chante c'est entre guillemets un point d'interrogation bon pour certaines personnes qui sont un peu heu interpellées par heu la voix et pas parce qu'il y a beaucoup de gens qui connaissent ma voix et c'est pour ça c'est que je lis parfois mais ils ne connaissent pas mon visage et c'est pour ça qu'on est en train de développer toute une image artistique, ça se travaille ça une image mais je n'ai jamais interdit à personne de me poser la question après à moi de développer et de convaincre CP: mais en quoi est ce important de le préciser, est ce que ça signifie que le fait qu'elle soit naturelle lui attribue plus de valeur de légitimité que si elle était travaillée?NL:si j'avais eu heu si j'avais travaillé ma voix ben de toute façon on a un timbre, le timbre de la voix c'est comme l'empreinte l'empreinte c'est comme heu, je veux dire ça n'appartient qu'à une personne c'est pour ça que comme je disais tout à l'heure je n'ai pas la voix de Claude François et ceux qui disent j'ai la voix de, j'ai la voix de, j'ai la voix de, c'est pas vrai le timbre de voix c'est comme une empreinte ça appartient qu'à un seul comme l'Adn, on a un adn qui ne correspond pas, chacun a son adn, chacun a son empreinte, le timbre de la voix c'est pareil c'est pour ça que je dis on ne peux pas ceux qui disent on m'a raconté, moi je connais pas, moi le monde des imitateurs tout ça je ne connais pas, je ne fréquente pas ces gens là parce que justement c'est la paradoxe entre eux et moi moi je dis rien je critique pas hein il y a des gens qui montent sur scène qui font Claude François,moi c'est très bien pour eux, ils gagnent leur vie avec ça moi je ne vois pas d'inconvénients moi c'est leur truc, moi personnellement je trouve ça pathétique ça c'est mon point de vue mais ces gens là on le droit de vivre, le droit de chanter le droit de monter sur une

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scène de faire entre guillemets le pitre c'est leur problème moi je je remet certainement pas en cause ce truc là. Des fois on m'a même raconté que certains se disaient plus doués que leur idole, quand on en arrive là moi je pense que faut peut être aller consulter quand même déjà et heu après comment pourrais je dire moi moi j'ai la voix, c'est tout c'est une nature comme ça qui fait que j'aurai très bien pu avoir avoir une voix qui ressemble...CP:Vous pouvez comprendre que c'est assez marrant car déjà vous avez une voix proche de celle de Claude François, vous chantez du Claude François donc forcément les gens...NL: il peut il peut avoir confusion dans le genre, mais heu que comment je pourrais expliquer ça, c'est un destin c'est une vie, c'est comme ça si j'en suis là c'est aussi grâce à lui puisque finalement, j'existe parce qu'il a existé, c'est une certitude parce que comme ma voix, comme sur scène quand je l'ai vu comme je disais j'avais onze ans douze ans à Grande-Synthe qui m'a vraiment donné ce déclic mais après on me dira mais oui mais vous vous êtes imprégné de lui vous avez travaillé votre voix, vous avez fait pour lui ressembler mais non non le truc est là et donc ça ça peut semer une ambiguïté un doute mais bon pas du tout c'est tout moi même je ne cherche même pas à savoir, j'en suis arrivé là aujourd'hui là avec vous à donner un entretien pour votre projet j'en suis arrivé là sans calculer sans chercher voilà comme je dis voilà c'est comme ça c'est comme ça.CP: mais on doit tout de même admettre le travail et l'investissement de ces personnes qui elles perfectionnent travaillent réellement leur voixNL: comme les imitateurs?Cp: oui par exemple,NL: un imitateur doit passer des heures et des heures entières à essayer de trouver la voix qui ressemblent le plus possible à la personne qu'il veut imiter bon et en plus là quand on devient imitateur il y a aussi le côté visuel aussi donc heu le côté

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gestuel heu des gens que qui cherchent à imiter parce qu'il y a le vocal il y a le visuel tandis que moi j'ai jamais cherché à être heu mais moi comme je l'ai dit ma démarche sur la scène c'est moi mon style les gens qui viennent me voir sur scène ils ont un chanteur avec une identité et qui n'a rien à voir avec Claude François les gens quand les gens viennent me voir sur scène quand ils ressortent maintenant ils me disent mais quelle belle voix vous avez qu'est ce que vous chantez bien, on aime bien cette chanson mais jamais ils vont me dire ah ça ressemble à Claude François ça ça m'a fait penser à Claude François jamais j'arrive avec du travail parce que ça a été du travail de dire à convaincre les gens que à cinquante quatre ans quasiment de dire que ben non vous allez voir Noël Lagoia et vous allez pas voir Claude François, vous allez écouter du Claude François CP:dans le monde artistique que pensez vous de l'interprétation, de la reproduction par rapport à la création?NL:ben moi je dis toujours réinterpréter c'est dans un sens rendre hommage à l'interprète à des créateurs à des auteurs à des compositeurs si je parle du milieu musical heu comme quelqu'un qui reproduirait un tableau ou heu c'est rendre hommage à son créateur je dirais bon c'est heu et après c'est vrai que moi personnellement je pense que quand on a un don quelconque c'est de susciter la création c'est de susciter chez les gens le fait de voir des choses nouvelles je veux dire moi mon tour de chant qui fait vingt quatre chansons fait quasiment heu la moitié de reprises et la moitié quasiment de création fin je veux dire donc heu voilà je veux dire heu CP : que pensez vous de l'un par rapport à l'autre, ont ils autant de légitimité selon vous ?NL:oui oui ils ont la même légitimité dans un tour de chant j'ai comment je vais dire j'ai autant de plaisir à chanter mes reprises et mes interprétations parce que mes reprises sont bien choisies je n'interprète pas n'importe quel titre, n'importe quelle chanson, je choisis et heu bon voilà déjà c'est donner du plaisir

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de les chanter, de les rechanter, et pis après ya toujours le fait d'avoir créé ses propres chansons et comment je vais dire c'est toujours plus c'est plus pétillant de faire écouter ce qu'on fait soi-même aux gens après on fait des reprises et tout, les gens apprécient apprécient moins mais les deux ont leur légitimité. Moi quand je fais des reprises je réorchestre ça veut dire que je réorchestre les reprises pour apporter du son nouveau une interprétation nouvelle en respectant la structure de la chanson l'identité de la chanson c'est une manière de respecter ceux qui ont créé heu ces œuvres hein c'est ça donc c'est déjà un certain respect par rapport à ça et puis apporter sa touche personnelle parce que si c'est simplement rechanter heu les chansons tout bêtement une version karaoké ça n'a pas vraiment d'intérêt.CP : c'est donc la différence entre imitation et interprétation NL : ah oui carrément c'est toujours apporter sa touche personnelle j'en reviens toujours à ça c'est à dire que dans une reprise les gens connaissent la chanson mais si on arrive avec un son nouveau avec un rythme nouveau moi j'ai repris très dernièrement, dans mon nouveau single qui va arriver j'ai dit single mais c'est pas un single c'est un CD quoi puisqu'il y a trois titres dessus il y a une chanson que j'ai écrite et composée et il y a deux reprises de vieux standards de Claude François parce que la voix qui fait en sorte que je reprends ces chansons là et c'est deux vieux succès de Claude François mais qui ont été totalement réorchestrés par mon arrangeur avec nos touches personnelles et voilà de manière à ce que les gens quand ils vont écouter ces deux reprises connaissent les chansons ceux qui connaissent pas vont découvrir comme si c'était une nouvelle œuvre et les fans de Claude François les gens de ma génération qui connaissent ce répertoire là vont dire ah oui ces deux chansons là on les connaît on les connaît bien pourtant c'est pas les plus connus du répertoire de Claude François parce que là aussi c'est l'intérêt de faire en sorte que ça soit une redécouverte avec des sons nouveaux des sons actuels et ma voix et ma voix.

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CP : ok toujours dans le thème du remaniement, de l'interprétation, selon vous peut on rapprocher l'interprétation dans le cadre musical, et les pratiques comme le mix ?NL:moi je pars dans le principe c'est que comment je veux dire c'est c'est de donner du bonheur aux gens c'est à dire quand quelqu'un écoute une chanson à la radio ou achète un CD heu voilà se dit c'est tout des airs connus je connais ça ben ce morceau là je le connais ce sample là je le connais après ça c'est du travail de DJ ça et tout ce qu'on entend maintenant il y a quand même des choses qui sont bien faites les moyens techniques qu'on a maintenant de faire en sorte de chiper un peu comme ça à gauche à droite des morceaux de les réunir de les mixer ensemble d'apporter des choses et plus ou moins des mélodies moi je trouve que c'est tout à fait de la création parce que même si c'est heu des morceaux heu voilà chiper à gauche à droite c'est quand même du boulot c'est un travail de montage de mixage c'est du travail de, donc c'est quand même à la base de la création faut faut avoir eu l'idée de le faire donc déjà c'est créatif CP : à votre aujourd'hui est ce que la reconnaissance est équivalente que l'on fasse voilà du remix de la réinterprétation d'objet etc ou qu'on compose ses propres productions ?NL : ben ya beaucoup de gens qui se sont fait connaître par des reprises avant d'accéder directement par leur répertoire personnelle bon si on reprend le cas de ceux que je disais tout à l'heure tout ces chanteuses et ces chanteurs de ces émissions de télé-réalité hein heu Star Academy heu tous ces chanteuses et ces chanteurs comme Amel Bent Nolwenn Leroy et comment il s'appelle aussi le, ils sont tous passés par l'émission en faisant des reprises ils vont jamais dans des émissions pour être sélectionnés avec des avec leurs propres chansons alors que je suis persuadés qu'ils avaient déjà leur propre répertoire mais on leur interdisait de justement chanter leur propre répertoire donc heu comment je vais dire moi je pense que les deux sont reconnus à la même valeur mais je pense pas qu'on puisse quand même néanmoins

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baser une carrière dans la longévité sur un système de heu reprise il arrive un moment il faut qu'un artiste je dirais heu s'affirme personnellement mais déjà apporter quelque chose aux gens et trouver l'identité artistique il arrive un moment il faut quand même prouver entre guillemets si je puis dire dire aux gens heu je suis venu chanter les chansons d'un tel d'un tel cela mais aujourd'hui voilà, je pense pas qu'on puisse baser une carrière sur le fait de pendant trente ans chanter que des reprises ou elle ne dure pas c'est pas possible d'asseoir une carrière là dessus. Tout ça le mix les reprises ça correspond à l'époque d'aujourd'hui je pense pas qu'à l'époque même dans les années soixante quand les enregistrements se faisaient sur un sur des bandes magnéto heu à l'époque heu je veux dire heu c'était que les grands groupes les Beatles, bon les moyens techniques étaient heu n'étaient pas n'apportaient pas cette facilité de pouvoir le faire maintenant avec tous les moyens technologiques qu'on a aujourd'hui on voit en studio moi je j'ai passé là six mois en studio, dans les six derniers mois j'ai passé pas mal d'heures en studio en train de remanier mes trois dernières chansons faut voir ce qu'on peut faire maintenant avec un ordinateur avec des logiciels et tout c'est de la folie donc heu à l'heure d'aujourd'hui et depuis on va dire heu deux décennies on arrive à pouvoir travailler des sons des samples et tout que dans les années soixante c'était impossible heu sur des bandes heu c'était pas possible. Les moyens technologiques apportent aussi à la création les choses beaucoup plus diverses heu je veux dire.CP : aujourd'hui on peut voir qu'il existe des festivals, et des concours où justement où les gens viennent proposer leurs samples.NL : ouais ça permet à beaucoup de gens avec les moyens techniques d'aujourd'hui de se faire découvrir beaucoup plus vite parce que et pis apporter des choses sont à l'oreille à l'écoute qui auraient été impossible de faire il y a vingt ans CP : pouvez vous me donner là d'un point de vue général une définition votre définition de ce qu'est l'art.

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NL : on peut parler d'art quand on se met à quand on se met dans l'histoire d'un écrivain d'un auteur quand on regarde heu je sais pas une affiche dans la rue ou sur les bus sur heu, une affiche de promotion voilà voilà pour moi c'est de l'art et pis ben ce qu'on écoute à la radio ce qu'on voit à la télévision je veux dire tout ça ça fait partie du... (silence)CP : est ce que selon vous il y aurait une sorte d'échelle, de hiérarchie de l'art ?NL:pour moi je veux dire tout est art dès lors que dès lors que ça nous interpelle voilà on est interpellé par une chanson, on est interpellé par une pièce de théâtre par un livre par une peinture tout est art voilà moi je vais écouter à la radio un morceau de de dance je peux très bien écouté un morceau de rap je peux rentrer chez moi écouter un disque classique pour moi ya pas ya pas d'échelle de l'art pas de densité dans l'art je veux dire ya pas de chronologie dans l'art, pour moi l'art c'est simplement le fait d'apporter aux gens du bien être voilà c'est apporter aux gens du bien être. Je lis un livre, je le relis parce que j'aime, et quand on monte sur scène ça veut dire qu'on a quelque chose à dire aux gens sinon heu on chante dans sa salle de bain et on y est très bien et pis voilà il faut il faut avoir une démarche personnelle il faut avoir une démarche personnelle ça c'est sûr et certain CP:vous me dites que pour vous il n'y a pas d'échelle dans l'art ça veut donc dire que vous ne reconnaissez rien qui pourrait faire partie d'une culture légitime ?NL : non non, moi j'écoute des gens à la radio ou j'entends des gens sur des scènes on va arriver dans des moments dans une saison où on va commencer à revoir les plateaux sortir les podiums et tout et moi j'aime bien, j'aime bien être surpris c'est tout alors ce qu'on dit parfois être classique incontournable légitime quoi et ben ça me fait rien ou alors pas grand après voilà c'est peut être aussi question de goût c'est tout. J'aime bien être surpris moi ya des gens que j'écoute chanter et que et que j'ai jamais vu

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de ma vie la voix je connais pas le personnage je connais pas peu importe l'âge jveux dire et peu importe le style aussi d'ailleurs.CP:on parle de certaines pratiques comme le tag, le tatouage des pratiques voilà pas reconnues artistiquement ou alors pas au point que [ces artistes le voudrait]NL : [c'est de l'art, c'est de l'art]franchement moi je sais que personnellement je connais des gens qui sont heu tatoués moi je suis pas personnellement pour me tatouer par ce que c'est pas mais je veux dire, j'ai déjà discuté avec des gens qui se font tatouer ou des gens que je connais et c'est pas n'importe quoi c'est pas n'importe quoi, ce qu'ils ont sur la peau c'est parce qu'ils ont comme moi je vais chanter sur scène des chansons pour donner aux gens ma couleur personnelle ma vision de ce que j'aime dans la chanson ces gens là quand ils se tatouent quelque chose c'est pour exprimer quelque chose qu'ils ont au fond d'eux et ceux qui, les tatoueurs ceux sont des artistes parce qu'il y a des choses, moi j'ai vu sur le dos de quelqu'un c'est pas fini parce que c'est long c'est coûteux donc heu c'est fait en plusieurs fois et pis heu comment je vais dire heu physiquement c'est pas possible de le faire en une fois c'est une c'est une fresque magnifique et son épouse elle me dit quand il mourra je lui découperai la peau parce que là, donc c'est de l'art, les tags c'est pareil moi j'adore les tags sur les murs je trouve ça magnifique je me dis comment on peut arriver avec des bombes à faire des trucs c'est des fresques, c'est magnifique moi je suis épaté par ça. Pour moi ya pas d'art majeur un art, quelqu'un qui fait une pratique et qui sait la développer et la faire voir aux autres et apporter son image sa vue heu son rêve, et le faire partager sans qu'on rentre toujours dans le même contexte ça ne peut pas plaire à tout le monde et le fait de taguer de tatouer ouais c'est de l'art complet, ceux sont des artistes, ceux sont des artistes.

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CP:nous allons maintenant aborder le dernier thème, celui de la reconnaissance, donc en chantant du Claude François [au départ c'était plutôt de lui rendre hommage]...NL : [oui tout à fait c'est ça] CP : ...comme on peut le lire parfois dans la presse ou plutôt afin qu'on reconnaisse votre don vocal ?NL : ça c'est plus maintenant, au départ quand je n'avais pas le fait de rentrer dans le fait de d'écrire de composer on va dire que jusque l'âge de trente cinq ans, de dix neuf vingt ans et jusque trente cinq ans c'était quasiment oui lui rendre hommage et maintenant que je suis plus centré sur heu une démarche plus personnelle je veux dire j'en reviens toujours à ça il y a malgré tout dans mes chansons et quand j'interprète des chansons de Claude François sur scène que je réorchestre comme je le dis pour apporter ma touche personnelle il y a toujours cet hommage parce que c'est quelqu'un qui a touché ma vie qui m'a touché personnellement et donc je suis jamais resté insensible et je le suis toujours je veux dire heu c'est tout maintenant ma musique elle a évolué moi Claude François des chansons de Claude François heu ça fait heu vingt ans que j'en ai plus écoutée ça fait longtemps que j'ai plus écouté j'écoute pas Claude François quand les journalistes rentrent chez moi ils me disent alors il est où l'univers Claude François mais j'en ai pas, ya pas une chambre heu, vous rentrez heu ya pas des posters de Claude François mais non non non, mais après l'hommage que je lui rend il est là (il montre son cœur), on porte les gens dans son cœur je veux dire après ça sert à rien de, mais oui ça fait vingt ans que j'ai pas écouté Claude François moi moi franchement comment je vais dire la personne que j'ai rencontré, j'ai rencontré pas mal de gens dans ma vie, des artistes, des gens qui sont dans le milieu, des agents tout le tralala mais la personne que j'aimerais bien rencontrer car comme je dis, c'est David Ghetta, j'adorerais rencontrer David Ghetta parce que c'est quelqu'un je dis pas que c'est lui qui

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m'inspire dans la musique et tout mais par contre voilà c'est une personnalité que j'aimerais bien rencontrer CP : donc là vous me parliez de la sphère artistique, je voudrais savoir comment vous voudriez qu'on parle de vous justement dans cette sphère ?NL : je suis quelqu'un qui heu comment je vais dire ça je suis un chanteur je suis un chanteur de variété et dans le sens le plus noble du terme on dit chanteur de variété moi je suis un chanteur populaire et j'aime bien ce terme parce que dans populaire ya peuple ya population ya heu comment je vais dire ya synonyme de gens et moi j'aime bien les gens j'ai connu beaucoup de gens, je continue à en faire j'ai fais beaucoup de cabaret beaucoup de spectacle je veux dire des petites salles cent cent cinquante personnes très intime où on peut aller vers les gens on peut les toucher moi j'aime je suis tactile attention je suis pas un tripoteur (rire) mais j'aime bien l'échange entre les tables, inviter quelqu'un à danser pendant que je chante et tout voilà ça c'est voilà je veux dire voilà ce qu'on peut attendre de moi je suis un chanteur populaire qui adore chanter pour les gens qui adore donner du plaisir aux gens, et puis j'aime chanter créer, et rencontrer des gens.CP : vous trouvez important de mettre aussi bien en avant la notion de chanteur que celle de compositeurNL : disons que moi je m'accroche de plus en plus à ça depuis pas mal d'années et c'est pour ça que et c'est pour ça aussi que la démarche en tant que auteur compositeur et interprète c'est de le fait de dire justement faut appuyer encore plus le fait que je ne suis pas un imitateur je ne suis pas un un un pâle entre guillemets pâle ça va pas faire plaisir à ceux qui font les métiers d'imitateur qui imitent Claude François ou Johnny tout ça mais je veux dire mais voilà quoi c'est apporter son identité !CP : souvent quand on parle de vous on doit parler de celui qui a la voix de Claude François même c'est la voix dans Podium, est ce que ça vous...

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NL:pas du tout absolument pas parce que je dirais que moi moi le film Podium m'a apporté énormément dans ma carrière je dirais que heu si j'avais pas participé au film Podium qui m'est tombé dessus moi je dis toujours que c'est quelque chose de béni des dieux, c'est truc béni des dieux ça hein un truc comme ça heu si ça arrive deux fois dans la vie comme je disais tout à l'heure faut commencer à se poser des questions je veux dire, je sais pas c'est même pas un coup de bol je sais même pas comment expliquer que le fait que je sois arrivé à aujourd'hui je sais pas l'expliquer je sais pas comment expliquer le fait que je sois là aujourd'hui avec vous à donner une interview parce qu'on peut considérer que c'est une interview comme je vais donner là dans les semaines qui viennent. Moi je je cherche pas à savoir comment j'y suis arrivé quand je fais la rétrospective comme là maintenant jme dis oui j'ai eu de la chance parce qu'avec la voix que j'avais c'était pas forcément gagné dès le départ, le truc est là je dirais donc heu voilà c'est le cheminement de de ma vie pour dire j'en suis là aujourd'hui mais Podium a été déterminant depuis dix ans qui m'a permis des années plus tard de rencontrer mon producteur et d'en arriver dans la structure dans laquelle je suis maintenant.CP :mais c'est pas embêtant qu'on se contente aujourd'hui de dire...NL : le chanteur du film Podium ? Pas du tout au contraire je vais pas dire que c'est ma carte de visite mais c'est ma carte de visite je dirais une erreur de dire le contraire à l'heure actuelle mais oui donc heu je dirais que je vais dire qu'il y a une nouvelle carrière qui s'est mise en place après Podium mais quasiment quasiment parce que ça m'a permis de rencontrer des gens dans le métier qui ont pu savoir cette voix qui était ce chanteur CP : il y a eu un avant Podium et un après PodiumNL : voilà exactement, exactement c'est le terme il y a leu l'avant et l'après Podium ça c'est sûr ça c'est inéluctable ça CP:on dit que pour s'élever dans la sphère musicale il faut être reconnu pour vous de qui attendez vous cette reconnaissance ?

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NL:moi déjà déjà comme je dis toujours on a la chance de pouvoir exister heu artistiquement heu grâce aux gens, grâce au public parce que faut pas oublier que quand on est dans une salle sur une scène si personne n'était dans la salle on y serait pas si les gens n'achètent pas vos places, les places de spectacle voilà moi c'est humilité respect pour heu les gens surtout dans le contexte actuel dans lequel on vit financièrement c'est pas facile d'aller au spectacle c'est difficile et quand on voit que les salles sont de plus en plus pleines parce que c'est le paradoxe quand on voit maintenant quand on parle de notre époque de notre temps où on vit en pleine crise et les salles de théâtre et des salles de concert n'ont jamais été aussi pleines CP : c'est vrai que c'est un moyen aussi de s'évader NL : de s'évader voilà parce que les gens à toute époque je pense que d'autant plus maintenant avec les moyens qu'on a quand on voit tout ce qui vrille autour de nous avec les informations le marasme de la vie et les gens ont de plus en plus besoin de s'évader et nous les artistes on est là pour faire notre notre tâche moi quand je monte sur une scène c'est heu comme, c'est pas pour me faire mousser moi je monte sur une scène parce que j'en ai besoin déjà j'en ai besoin c'est comme heu voilà, ya deux cent personnes qui sont dans une salle ils ont payé une place pour venir te voir t'as pas le droit de les décevoir t'as pas le droit d'être à côté t'as pas le droit d'être malade t'as pas le droit d'être mal foutu t'as le droit de pas avoir le morale pourtant ça arrive jpeux monter sur scène jsuis grippé jpeux très bien avoir pas le moral mais quand on est sur une scène on oublie toutCp : il y a donc la reconnaissance mais il y a aussi la reconnaissance des professionnels ?NL : bien sûr je dirais que je dirais à la limite comment je pourrais dire on peut on peut comment je veux dire pour pouvoir exister ya le public ya le public c'est évident mais ya aussi des professionnels qui eux aident justement à travailler l'image d'un artiste comme mon producteur un agent peaufinent l'image d'un

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artiste ça se travaille faut dire c'est du travail et puis ben heu la reconnaissance des professionnels qui vont vous aider à développer vos projets à enregistrer des nouvelles chansons parce que ces gens là c'est eux qui ont les tenants les aboutissants et financiers et toutes les filières dans le monde artistique qui vous font rencontrer des gens de télé de presse qui font vous aider à vous développer donc bien sûr c'est un métier de communication donc il faut la reconnaissance des professionnels faut la reconnaissance du public parce que si la reconnaissance des professionnels est là mais si le public n'est pas au rendez vous jveux dire même les professionnels se plantent je veux dire donc heu c'est un équilibre mais les deux sont importants il faut être soutenu par les deux CP : mais c'est pas plus gratifiant d'avoir un compliment d'un professionnel de la musique plutôt que d'un fan ?NL:an nan franchement quelqu'un qui vient à la fin d'un spectacle à la fin d'un concert d'un gala qui me dit monsieur vous nous avez fiat du bien on aime bien votre voix et tout moi j'ai beaucoup d'attache à ça après quelqu'un un confrère on va dire ça comme ça en général on se fait pas trop de petits compliments comme ça moi je comment je veux dire ou alors un professionnel qui va me dire ben oui mais en général non c'est pas trop trop dans ce milieu qu'un producteur un un autre producteur va jamais venir vous dire ah ben toi t'as une belle voix ou toi t'interprètes bien c'est très très heu mais si c'était le cas jprèfère quand même qu'un fan que quelqu'un qui a vu mon spectacle sur scène vienne me voir à la fin d'un gala pour signer un autographe ou signer un fly ou un truc comme ça qui me dit monsieur qu'est ce que vous nous avez fait du bien ben moi c'est ça que j'aime c'est ça c'est surtout ça que j'ai besoin après les professionnels c'est plus du business et je préfère le show, show-business!(rire)CP:selon vous vos spectateurs viennent à vos shows pour vous ou pour profiter d'un instant avec Claude François ?

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NL:nan les gens heu je dirais que je dirais que je suis en train d'inverser la tendance des gens viennent de plus en plus pour me voir et moi heu comment je veux dire heu oui les gens viennent de plus en plus pour heu ben pour moi jvais dire on dire ça comme ça en toute humilité CP : c'est parce qu'au fil de votre carrière vous vous êtes plus personnalisé...NL:oui oui oui oui oui bon je pense que quand heu quand on prend comment je vais dire de la maturité on voit les choses beaucoup heu sereinement et heu et puis on s'affirme plus on s'affirme de plus en plus et moi c'est ce que j'ai toujours cherché à faire depuis heu on va dire comme je disais tout à l'heure une quinzaine d'années CP en ce qui concerne votre public est ce un public fidèle qui vous suit NL : ça commence aussi CP : ou un public variéNL : ben même au niveau de la tranche d'âge heu comme j'aime je dirais qu'à la limite pour en revenir au terme tout à l'heure chanteur populaire que j'aime et que je revendique ça la dedans ya toutes les tranches d'âge moi j'ai encore chanté il y a il y a un an et j'ai le témoignage d'un garçon qui avait dix neuf ans il est venu me voir à la fin de mon concert dix neuf ans il est venu me voir i me dit vous m'avez j'adore vos chansons j'adore vos chanson bon un garçon à l'aspect tout à fait je veux dire heu très techno très branché et que bon mpes chansons c'est un peu dans ce style là moi j'aime bien tout ce qui est heu c'est ps festif mais heu voilà j'ai travaillé avec heu quand j'ai heu quand j'ai je suis sorti du film Podium la belle rencontre que j'ai faite également grâce à Podium dans l'année qui a suivi le film Podium donc on va passer à deux mille cinq j'ai rencontré le binôme de David Ghetta, c'est lui heu depuis heu que je dise pas de bêtise c'est lui qui depuis sept ans a fait le plus de tubes de David Ghetta, les Black Eyes Peas c'est Fred Rister parce qu'on parle toujours de David

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Ghetta, David Ghetta c'est celui qu'on voit sur la scène devant des milliers de gens en train de mixer et tout mais celui qui travaille sur les platines sur les ordinateurs en amont c'est Fred Rister c'est à dire bon Fred Rister a lui porte quatre vingt pour cent du travail après après David Ghetta heu lui apporte se touche personnelle en musique en live je veux dire et tout ce qui est les grands titres de David Ghetta depuis sept ans, Love is gone heu When love takes over avec Kelly Rowland c'est Fred Rister I've got a feeling c'est heu c'est Fred Rister d'ailleurs il a eu il a reçu un Grammy awards heu en deux mille dix à Los Angeles pour I've got heu pour I've got a feeling des Black Eyes Peas ça c'est Fred Rister il a reçu un grammy awards donc moi j'ai rencontré Fred Rister à l'époque où il commençait juste à travailler avec David Ghetta il avait juste fini mon album et donc c'est une très très belle rencontre dans ma vie artistique que je vois plus depuis parce que nos univers se sont séparés et puis lui il est en jet privé heu douze mois sur douze quasiment avec David Ghetta à travers le monde pour aller mixer ils sont un coup en Chine le lendemain en Russie j'ai vu un documentaire sur France deux d'ailleurs où il est dedans on le voit travailler avec David Ghetta ouais ouais. Ça c'était une belle rencontre et ça grâce à Podium ça on peut encore le reconnaître comme ça CP : mais sinon vous alliez me dire qu'il y a quand même des gens qui vous suivent sur vos tournées ?NL : oui oui oui oui là maintenant j'arrive à fidéliser heu bon j'ai pas j'ai pas un par-terre de fan entre guillemets bon par-terre c'est pas très joli il faut pas, c'est pas très heu pas très respectueux mais je veux dire nan nan j'ai heu je commence à avoir ce qu'on appelle un fan club bon des gens qui me suivent heu des gens qui viennent me voir quasiment à chaque représentation que je donne ou bon quand c'est dans un périmètre qui est de cinquante kilomètre qui heu est déjà pas mal pis bon c'est quand même toujours des frais hein mine de rien donc heu je commence ça commence heu à avoir un public fidèle ouais qui se fidélise en

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tout cas j'ai un fan club qui vient de se créer deux fan clubs d'ailleurs qui viennent de se créer sur internet des gens ya ya pas très longtemps ya quatre jours j'ai reçu un message privé sur Facebook de quelqu'un qui me dit bonjour Noël je m'appelle autant nanana heu il est dans mes amis sur Facebook j'en ai trois mille sept cent bon j'en connais que douze dessus mais c'est quand même pas mal et pis il me dit est ce que je peux créer une fan page une fan page ce qu'il appelle comme ça sur Facebook je lui dis ben écoute moi je en message privé je lui dis moi ça ne me dérange absolument pas justement ça fait parti de la communication et heu je suis touché de de cette démarche parce que c'est quand même gratifiant c'est quelqu'un qui s'intéresse à à à votre travaille donc qui essaie de le mettre en valeur qui reconnaît aussi un peu entre guillemets heu le talent et c'est en toute humilité que je dis ça et pis voilà je veux dire CP : justement en parlant de Web, j'ai mené mes petites recherches et effectivement on peut rapidement constaté le travail de communication qui est mené. Ce travail est plutôt pour justement créer un public ou plutôt voilà pour essayer par ce biais de trouver des contrats ?NL : heu très franchement bon maintenant tout ce qui se passe en matière de communication sur Facebook heu je veux dire bon c'est parce que moi j'ai mon producteur donc mon producteur j'ai un contrat on va dire un contrat d'exclusivité avec lui donc jpeux pas travailler avec trente dix personnes donc c'est impossible je vais dire bon parce qu'on appartient à une famille ou on n'y appartient pas hein jveux dire donc heu mais après c'est en c'est en matière de communication pour susciter l'envie heu de certains organisateurs de dire voilà ben moi j'ai vu telle vidéo sur Facebook ou tel truc ben j'aimerais bien qu'il vienne chanter dans ma ville dans ma région comment jpeux faire pour contacter Noël Lagoia donc je vais contacter son producteur vous mettez un contrat en place et pis voilà c'est comme ça que ça se binse entre guillemets donc c'est vrai que Facebook entre guillemets est très,

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ben c'est le moyen incontournable maintenant bon Tweeter tout ça c'est plus pour passer des petits messages comme ça sympas avec l'un ou l'autre je veux dire c'est pas encore là dessus, mais bon Facebook c'est quand même quelque chose de très heu c'est une plate-forme quand même incontournable à l'heure actuelle, je dis pas que c'est ça qui fait que mais bon quand même.CP:vous avez un peu évoquer le sujet mais selon vous est ce que les internautes participent à votre notoriété à votre reconnaissance ?NL:heu comment je veux dire heu oui si si inéluctablement ils participent bon bon comme je vous disais j'ai trois mille sept cent ou trois mille huit amis heu bon heu pis bon heu que j'ai bon heu certains que j'ai invité d'autres bon les trois quarts c'est quand même des invitations que moi j'ai eu donc quelque part heu moi jpense que que comment je vais dire ça heu participent à ma notoriété heu jpense pas qu'ils me l'aient apportée ils participent disons que heu j'ai mon compte Facebook depuis deux ans heu et heu comment jveux dire heu heu ils alimentent on va dire qu'ils alimentent ma notoriété on va dire ça comme ça ma notoriété heu telle qu'elle est aujourd'hui CP : et sinon quel poids vous attribuez à des like ou des j'aime, des partages NL : hmm comment je vais dire ça heu jsuis pas très heu convaincu heu jsuis pas très convaincu bon ya des gens ya des gens bon je vais revenir un peu sur ce que je disais tout à l'heure en face de vous ils vont dire je vous aime j'aime ce que vous faites c'est à dire qu'il y en a qui sont très sincères et il y en a qui ne le sont pas du tout moi je moi je préfère que quelqu'un qui met aime et qui soit sincère si on en revient au like et tout ça sur Facebook et heu je préfère avoir heu je sais pas dix j'aime dix like sur ma publication plutôt que d'en avoir heu cinq cent et pis heu bon fin bon moi j'avoue j'attache pas vraiment d'importance à ça moi ce que j'attache le plus d'importance c'est heu le contenu de ce qu'on me balance entre guillemets sur heu sur le mur si on

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appelle ça comme ça et heu et heu de manière à ce que ce soit soit vu ben pour avoir un maximum de de gens et voilà c'est et c'est formidable de pouvoir voir ça et après j'attache pas d'importance si j'ai pas de like ou si j'en ai mille cinq cent sur une publication, hmm je sais pas non j'ai pas trop cette notion heu moi même je suis pas très jsuis pas vraiment quelqu'un qui va cliquer j'aime sur une publication ou alors un ptit commentaire un truc comme ça je préfère encore ça après on met j'aime ou pas voilà par contre moi ce que j'aimerais bien sur Facebook et ce que j'ai jamais compris c'est pourquoi il y a des j'aime et pourquoi ya pas de j'aime pas et ça me dérangerait pas non plus qu'on me dise que voilà j'aime pas c'est comme ça c'est la vie (rire)on ne peut pas plaire à tout le monde CP : sur certains sites comme DailyMotion par exemple il y a le système de note ou d'étoiles, qu'en pensez vous ?NL:oui oui ben voilà c'est un peu le système des j'aime des like sur Facebook, moi j'attache pas d'importance à ça moi j'ai mes publications, j'ai une publication qui a été lu quasiment plus que quatre mille fois quasiment cinq mille fois et ya pas une étoile. Je suis persuadé que si on prend les publications sur Youtube qui sont vus des fois huit neuf millions en quinze jours de temps jsuis certain qu'il y a pas une étoile. Je pense aussi que les vus c'est aussi voilà de la curiosité CP : et dans le cas de votre public, en discutant avec heu arrivez vous à savoir par quel moyen ils sont avertis de vos manifestations la plupart du temps ?NL:en matière de communication parce que moi mon producteur a un réseau donc heu automatiquement ya tout un système de flyers qui part dans des enveloppes et tout la communication c'est facebook bon donc là pour en revenir un peu le cinq mai le théâtre Marie Bell parce que là ma nouvelle tournée va démarrer dès que le single sera sorti là tout est près mes danseuses sont en train de chorégraphier mes nouvelles chansons donc la nouvelle tournée va démarrer heu en fonction de la sortie du single donc j'ai ma

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première grande scène parisienne le cinq mai prochain mais c'est une étape dans mon tour de chant j'y attache de l'importance parce que c'est Paris c'est heu c'est la capitale bon heu on a un petit ce côté valorisant d'aller chanter à Paris.CP : dans cette salle vous vous attendez à quel type de public ?NL : il y a une communication qui va démarrer justement avec mon agent qui est sur Paris qui va développer une communication je vais dire heu intramuros sur Paris donc heu je sais pas on pense heu qu'on sera peut être aux alentours de dix pour cent des entrées qui sera public parisien direct et après comme ya un départ qui est organisé ici en car donc voilà donc heu essentiellement jpense que quatre vingt quatre vongt dix pour cent ça sera un public local régional fin jveux dire heu qui me connaissent de par heu mes tours de chant dans la région Nord pas de calais Picardie et ceux aussi qui me connaissent de ma comédie musical parce que je suis chanteur mais je suis aujourd'hui comédien dans une comédie musicale « Compromis » produite par mon producteur je vous ai dis au début qui est homme de théâtre.Ouais encore mon producteur c'est Emmanuel Vallois qui m'a permis de faire ce que je suis aujourd'hui grâce à lui grâce à mon public, grâce à mon arrangeur en studio, on est jamais seul autour de ça on doit toujours quelque chose à quelqu'un quand on a une part personnelle de réussite ça c'est obligatoire ça faut jamais l'oublier.CP : ce que vous appelez réussite c'est quoi exactement ?NL :c'est surtout par rapport aux gens qui viennent remplir les salles, la scène c'est très important pour moi, plus en tout cas que les disques vendus les disques bon c'est un moyen de mettre sur CD heu pour heu jdirais l'éternité ce qu'on a fait que les gens vont écouté dans leur salle de bain dans leur voiture en vacances je sais pas trop où en faisant du step heu jsais pas. Moi j'attache plus d'importance au nombre d'entrées dans les salles ouais franchement mais pas seulement pour l'aspect financier heu moi je dis toujours je fais ce métier, je fais pas ce métier pour

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devenir millionnaire ou milliardaire moi c'est pas ma démarche si jdeviens riche grâce à la chanson heu je vais pas jvais pas dire non non je prends pas les sous que je j'aurais légitimement gagné moi mi je fais pas ce métier là pour rouler au volant de Mercedes me payer des palaces je fais pas ce métier là non pas du tout moi ma démarche c'est heu monter sur une scène et faire plaisir aux gens après heu le reste, c'est la cerise sur le gâteau comme on dit souvent ya pas longtemps on m'a dit ah t'es en train de devenir une star tu sais moi le mot star c'est quatre petites lettres qui veulent absolument rien dire c'est rien, moi je suis star dans ma salle de bain, ça pas de soucis (rire)CP : (rire) très bien. Je vous remercie beaucoup.NL : de rien, ça a été ?CP : bien sûr merci.

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VII. Bibliographie

Alain Blanc, Alain .Pessin, L’art du terrain, Mélanges offerts à Howard Becker, Textes réunis par A.

Blanc et A .Pessin, L’Harmattan, 2004

Luc Boltanski , Laurent Thévenot, De la justification. Les économies de la grandeur, Gallimard,

1991

Michel De Certeau, L'invention du quotidien, tome I, 1990, 252p.

Anthony Glioner, Ce que la littérature fait à la sociologie de l’art. Remarques à propos de L’Élite

artiste de Nathalie Heinich, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des sciences humaines », 2005, 384 p.

Nathalie Heinich, Roberta Shapiro (dir.), De l’artification. Enquêtes sur le passage à l’art, Paris,

EHESS, coll. « Cas de figure », 2012, 336 p.

Marc Perrenoud, Les musicos au miroir des artisans du bâtiment, Ethnologie française1/2008 (Vol.

38), p. 101-106.

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