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Banques Islamiques et Cofinancements, AFD

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BANQUE D’INVESTISSEMENT ET BANQUE DE MARCHÉ

EN F I N A N C E I S L A M I QU E 1,un revenu est légitime s’il est lefruit d’un partage effectif desrisques dans l’opération sous-ja-cente. Un tel postulat se retrouveen partie dans les financementssans recours ou à recours limité,lesquels sont cependant structuréssur la base d’une nécessaire rému-nération des sommes prêtées cal-culée en fonction de la durée duprêt. Or, la Charia (encadré 1) n’au-torise pas les intérêts dans le cadrede prêts. Étant déterminés paravance, ils sont en effet considérés,y compris en financement de pro-jet, comme détachés des risquesd’échec ou de réussite de l’opéra-

tion financée, ne rémunérant quele temps écoulé. Des méthodes ori-ginales de financement ont doncété créées par les banques isla-miques, mais elles revêtent desformes si particulières qu’il estcomplexe, en pratique, de les fairecoexister avec les financementsmis en place par les banques com-merciales.

UNE ÉTHIQUE DE LA FINANCE

Consentir un prêt est toutefoispossible et même encouragé en fi-nance islamique s’il est à titre gra-tuit. De même, une partie de ladoctrine admet, sous certainesconditions de mise en œuvre, qu’ilest possible de prévoir une rému-nération participative, c’est-à-direexclusivement calculée en prenanten compte les profits générés par leprojet. Un certain nombre d’autresrevenus provenant d’outils juri-diques simples sont égalementconsidérés comme permettant un

Ingénierie financière

Banques islamiques: la problématique de la mise en place de cofinancements

Avec une croissance de plus de 25 % sur six ans , la finance

islamique, jusque-là considérée commeun épiphénomène laissé à quelquesinstitutions financières du Golfe, du

Pakistan ou de Malaisie, s’avère receler unénorme potentiel qui intéresse de plus en

plus de banques occidentales.

partage équitable des profits. Ainsi,les dividendes, produits d’investis-sements au capital étant, par natu-re, liés à la rentabilité de l’activité àhauteur des apports réciproques,sont reconnus. Toutefois, il est ànoter que pour pouvoir être défini-tivement validés, ces revenus doi-vent en principe provenir de socié-tés qui ne placent pas ou n’em-pruntent pas avec intérêts fixes ouvariable auprès de banques com-merciales 2, n’ont pas recours à desinstruments de couverture ou plusgénéralement à des dérivés (notionde gharar) ou bien encore de socié-tés qui n’exercent pas leurs activi-tés dans des secteurs ou sur desbiens interdits tels que les jeux dehasard ou l’alcool. Par ailleurs, enraison de l’existence de risques in-hérents à l’exercice du droit de pro-priété sur des actifs, les plus-valuesde cession et les revenus de loyerssont également largement admis.

Les financements islamiques

PA S C A LGR A N G E R E A U

Responsablejuridique en

charge de l’appuijuridique aux

opérations

Agence Françaisede Développement

ME H D IHA R O U N

Magistère-DJCE,M. Jur (Oxon)

Docteur en Droit,Avocat aux

Barreaux de Pariset d’Alger,

Cabinet Herbert Smith *

* Les vues et opinions exprimées dans le présentarticle n’engagent que leurs auteurs et ne peu-vent être interprétées comme reflétant dequelque manière que ce soit la position de l’Agen-ce Française du Développement et/ou du Cabi-net Herbert Smith. Les auteurs remercient Mon-sieur Pirouzan Parvine pour ses commentaires.

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(encadré 2) se structurent généra-lement selon des techniques deprises de participations (moshara-ka ou modaraba), de vente simple(salam), d’achat suivi de reventede biens existants ou à construire(morabaha, istisna’a) ou bien en-core de crédit-bail (Ijara). Unefois combinées entre elles, cestechniques offrent des possibili-tés de montage variées dans lecadre de financements de projet 3.Leur connaissance permet égale-ment d’apprécier si les outils juri-diques offerts par le droit local dupays où le projet est réalisé sontcompatibles et peuvent être inté-grés. Par exemple, une société,constituée en France, en vued’une opération de financementislamique, sous la forme d’une so-ciété en participation ou en com-mandite peut, le cas échéant, êtreassimilée, pour les besoins de laCharia, à une mousharaka ou unemoudaraba.

DES MONTAGES ISLAMIQUESDE PLUS EN PLUS VARIÉS

Ces techniques sont utilisées parles banques islamiques pour réaliserdes opérations de financement. Parexemple, comme substitut à un fi-nancement classique, la banque,plutôt que de prêter des fonds à unclient pour acquérir un bien, va elle-même acheter ce bien pour le comp-te de ce client puis le lui revendreavec une marge ou le lui louer. Leremboursement de l’achat ou lepaiement des loyers peuvent se faired’une façon échelonnée.

On peut légitimement craindreque ces techniques soient utiliséesau-delà de leurs limites et ne ser-vent qu’à contourner ce qui est in-terdit. Leur compatibilité est toute-fois étroitement surveillée et vali-dée par des comités de Chariaconstitués au sein des banques is-lamiques. Malgré des divergencesen raison de leur appartenance à

diverses écoles, les différents comi-tés, intervenants a priori, présen-tent une certaine base communequi donne, au cas par cas, la possi-bilité d’anticiper les conditions per-mettant de structurer valablementune opération islamique. Toute-fois, en raison des interprétationsparfois contradictoires des diffé-rentes écoles 4, de l’inexistence d’unorganisme suprême reconnu detous 5 et de l’absence d’autorité dela chose jugée, des décisions prisespar les Comités de Charia, la sécu-rité juridique découlant des opi-nions ainsi émises ne sera généra-lement pas comparable à celle ob-tenue dans le cadre definancements conventionnels.

LE MARCHÉ DES FINANCEMENTSDE PROJET

Des techniques islamiques ontdéjà été utilisées pour des opéra-tions en financement de projet,comme celle réalisée en 2003 par

• Sharia : droit canon is-lamique dont la sourceest principalement le Co-ran, mais également lesHadiths (interprétationsdonnées par le prophèteMohamed), l’Ijma’.

• Gharar : les contrats nedoivent pas contenird’éléments d’incertitudeou de spéculation. Parconséquent, les opéra-tions de couverture parswaps, futures ou autresopérations similaires sontassimilées à des jeux dehasard prohibés. La pos-sibilité de se couvrircontre certains risques aumoyen d’assurances tra-ditionnelles est égale-ment refusée en raisonde cet élément d’incerti-tude. Des montages al-ternatifs ont cependant

été développés pour ré-pondre à ces contraintestant dans le domaine duhedging que des assu-rances. Ainsi, un systèmed’assurance mutualiste(Takaful) fondé sur ledon, avec des conditionsde placements des fondsstrictement encadrées, aété créé par les banquesislamiques.

• Il existe deux tech-

niques de base pour les

prises de participation

en fonds propres : Mo-sharaka (sorte de sociétéen participation) et Mo-daraba (sorte de sociétéen commandite égale-ment connue comme unmode de financement en“fiducie” en raison despouvoirs étendus confé-rés au commandité). Afin

notamment de différen-cier ces prises de partici-pation de celle des pro-moteurs, il y a lieu detrouver des outils spéci-fiques assurant des reve-nus réguliers, tels quedes sorties progressives,des catégories d’actionset/ou des prêts d’action-naires sans intérêts.

• L’Ijara ou l’Ijara wa ikti-na correspondent aucrédit-bail et à la loca-tion-vente. Obtenir unerémunération sous for-me de loyer contre la mi-se à disposition continued’un bien, est conformeà l’Islam. La possibilitéde recourir au crédit-bail, combinée àd’autres outils reconnus,a ainsi servi de base à denombreux montages

complexes en particulierdans l’immobilier auxÉtats-Unis. Il est égale-ment apparu, malgré lesspécificités opération-nelles qu’il implique,comme le meilleurmoyen pour s’intégrerdans des montages en fi-nancement de projetsqui comprenaient des fi-nancements commer-ciaux avec des taux va-riables 7. En effet, bienqu’en principe leséchéances de loyersoient fixes, l’opérationne portant pas sur dessommes d’argent maissur des actifs immobi-liers, il semble possible, àl’instar d’un financementclassique, de prévoir va-lablement des ajuste-ments qui s’assimilent àde tels taux variables.

1. Glossaire

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le Crédit Agricole Indosuez qui acofinancé un projet de centrale enArabie Saoudite dans le cadre d’unmontage islamique. Les finance-ments de projet nécessitent de réa-liser des montages complexes, enraison des risques particuliersqu’ils induisent. Dans une telleopération, les banques prennenten compte la potentialité de reve-nus (sur lesquels elles se rembour-sent) et les risques attachés au pro-jet lui-même et s’interdisent enprincipe de prendre toutes autresgaranties extérieures au projet 6.

RISQUES INHABITUELS POURUNE BANQUE COMMERCIALE

Dans leur structure convention-nelle, ces financements impliquentune répartition des risques sur lesparties les plus à même de les sup-porter, compte tenu de leurs rôlesrespectifs dans le projet. En raisondu faible niveau ou de l’absence degaranties extérieures au projet, lesbanques commerciales ne suppor-teront généralement que lesrisques liés à la rentabilité du pro-

liers qui ont nécessairement unimpact sur les rapports entre l’en-semble des prêteurs.

Ainsi, la banque islamique sup-porte des risques inhabituels pourune banque commerciale en tantque cocontractante aux termes ducontrat, du contrat de vente ou, lecas échéant, du contrat deconstruction. Il serait, parexemple, utile de prévoir un re-cours en garantie direct de la socié-té-projet contre le fournisseur oule constructeur sans recours contrela banque islamique, lorsque celaest juridiquement possible. Cecine paraît pas être le cas en droitfrançais. Les contrats d’achat re-vente (baï salam, mourabaha, istis-na’a), de même que le contrat decrédit-bail (ijara) en sont la parfai-te illustration, puisqu’ils empor-tent transfert de propriété du bienfinancé, du fabricant au banquierpuis, immédiatement ou à terme, àl’emprunteur. L’ensemble desrisques attachés à ce transfert depropriété et à la position de reven-deur que prend ainsi le banquiern’entre évidemment pas dans desschémas traditionnels. Au plan ju-ridique, cela emporte un certainnombre de conséquences non-né-gligeables. Ainsi, le banquier sup-porte-t-il nécessairement la garan-tie des vices cachés (dont on sait,en vertu de la jurisprudence fran-çaise, qu’il ne peut s’exonérer entant que professionnel). Cette si-tuation se traduit par un risque quele banquier conventionnel ne peutni ne sait prendre.

DES RECOURS SPÉCIFIQUESMAIS D’UNE PORTÉE LIMITÉE

La banque islamique bénéficiepotentiellement aussi de recoursspécifiques contre la société-pro-jet, tels qu’une action en responsa-bilité sur la base du mandat donné(que ce soit dans le cadre d’unachat-revente ou d’un crédit-bail,la société-projet est toujours man-datée par la banque islamique pourréaliser, au nom et pour le comptede cette dernière toutes les étapesconduisant à l’achat des biens) ou

jet. Cette répartition traditionnelledes risques se trouve perturbée parla présence de banques islamiquesaux cotés de banques commer-ciales, du fait de leurs conditionsd’intervention particulières, de na-ture à imposer des obligations spé-cifiques, qui ne sont en principepas souhaitées par un prêteur com-mercial.

Il en est ainsi de l’interventiond’une banque islamique dans lecadre d’une tranche réservée duprojet, pour le compte de sonclient, lequel se trouve être parailleurs l’emprunteur des banquescommerciales, par le biais de tech-niques d’achat/revente des biens,en utilisant la technique soit d’is-tisna’a (biens à construire) ou demorabaha (biens existants). L’exis-tence à la fois d’une relation ven-deur/acheteur entre la banque is-lamique et son client et la nécessi-té de respecter, dans leursrelations contractuelles, desnormes islamiques fondées surune certaine idée de l’équité,conduit à des montages particu-

2. Impact fiscal et cadre réglementaire

Les financements islamiques impliquent en principe une négociationau cas par cas avec les autorités fiscales, afin notamment de réduire lesdroits de mutations inhérents aux montages utilisés. La Grande Bre-tagne envisage même d’aller plus loin puisqu’un projet de loi déposéen 2003 est actuellement en discussion. Il prévoit de mettre en placeun régime spécifique applicable à toutes les opérations islamiques réa-lisées dans le domaine immobilier. Si ce projet est adopté, l’ensembledes diverses mutations réalisées dans le cadre de financements isla-miques seraient assimilées, au plan fiscal, à des prêts immobiliers clas-siques, éliminant ainsi les multiples taxations. Plus généralement, l’op-timisation fiscale d’un montage islamique nécessitera une approchesouple des autorités locales du pays où le projet est réalisé, en particu-lier dans les pays non-islamisés, afin d’assimiler ce montage à une opé-ration de prêt (même si l’on pourrait alors s’interroger sur la compati-bilité d’une telle assimilation officielle à de l’intérêt avec la position duComité de Charia de la banque concernée). La plus-value dégagée lorsde la revente des biens pourra être ainsi fiscalement assimilée à des in-térêts versés à la société projet. Aussi échapperait-elle à la TVA, etconstituerait une charge immédiatement déductible pour la société deprojet et serait, le plus souvent, soumise à une retenue à la source à untaux généralement plus avantageux que celui de l’impôt sur le reve-nu/bénéfice normalement applicable à la banque islamique et pouvantouvrir droit à crédit d’impôt.

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de droits particuliers sur les actifsdu projet qu’il faudra encadrer. Ce-pendant, un certain nombre depoints à traiter dans le cadre du fi-nancement ne peuvent recevoir dela part des banques islamiques deréponses aussi tranchées que cellesretenues par les banques commer-ciales. Il s’agit, par exemple:• des modalités de prises des sûre-tés : la banque islamique se trouveà un moment donné propriétaired’une partie des actifs du projet, enamont de la réalisation de celui-ci,à l’inverse de la banque commer-ciale qui n’obtiendra la propriétésur les actifs du projet qu’a poste-riori, en cas de mise en œuvre dessûretés réelles ;• des définitions des cas d’exigibi-lité anticipée : pour des raisonsd’équité, seule une pénalisation del’emprunteur (même sous la formed’un cas d’exigibilité anticipée parexemple) qui soit directement laconséquence d’une faute de l’em-prunteur est en principe accep-table au titre de la Charia ;• ou de la possibilité de prévoirdes pénalités de retards contrel’emprunteur : les pénalités de re-tards sont en principe interditespour les raisons d’équité évoquéesci-dessus. Toutefois, en pratique, ilest prévu une remise en faveur del’emprunteur à chaque échéance sicelui-ci paye à bonne date, ce quiéquivaut à le sanctionner en cas deretard.

Face à ces contraintes, des mon-tages spécifiques sont mis en placepar les banques islamiques pourgarder un niveau de risque compa-rable à celui prévu dans la docu-mentation des banques commer-ciales, ce qui nécessite un contrôleétroit et un accord de ces dernières.

DES ALTERNATIVES COMPLEXES...Comme alternative aux difficul-

tés inhérentes à la prohibition desintérêts et aux montages fondés surla propriété, il est possible de faireparticiper la banque islamique parsouscription en numéraire du capi-tal de la société-projet. Toutefois,comme évoqué plus haut, la pré-

sence d’un endettement « classique»important de la société-projet au-près des banques commercialespeut empêcher la prise d’une telleparticipation car, à défaut, celaéquivaudrait, pour les banques is-lamiques, à cautionner une pra-tique interdite par l’Islam. Afin decontourner cette contrainte, lemontage islamique pourrait,lorsque le projet le permet, portersur un ensemble techniquement etopérationnellement autonome duprojet. Cela conduit nécessaire-ment à une plus grande complexitédu schéma contractuel encore ac-

centuée par la nécessité d’assurerune répartition équitable des reve-nus entre les différents prêteurs.

Une troisième voie consisteraità faire intervenir l’ensemble desbanques, y compris les banquescommerciales, sous une forme isla-mique. Par-delà l’originalité dumontage, la technique islamiquede l’achat/revente de biens exis-tants ou à construire, avec paie-ment à tempérament, peut ne pasêtre économiquement différented’une opération de prêt classiqueet serait donc susceptible d’êtrecomptabilisée comme telle par cesbanques commerciales. Toutefois,cela impliquerait de leur part uneévaluation précise des risques spé-cifiques ainsi engendrés. En outre,les montages islamiques, procé-dant d’une série d’opérations tota-lement inhabituelles pour lesbanques, dépassent souvent large-ment le cadre pour lequel elles sontgénéralement habilitées. Ainsi,faudra-t-il examiner la situationsous un angle réglementaire. Lesautorités concernées devraientdonc être approchées au préalableafin de s’assurer qu’elles considère-

ront bien l’opération, dans tous sesaspects, comme une opération debanque.

... ET DES MONTAGES CONTRAC-TUELS SOUVENT ORIGINAUX

Il est encore envisageable decréer une société intermédiairechargée de réaliser les opérationsparticulières liées aux montages is-lamiques. À cette fin, toutes lesbanques apportent le montant desfinancements non plus directe-ment sous forme de prêts ou de pri-se de participation dans la société-projet mais sous forme d’investis-

sement en capital dans une sociétéintermédiaire avec, le cas échéant,des avances d’actionnaires sans in-térêts. Les fonds apportés par lesbanques sont ensuite transférés dela société intermédiaire à la socié-té-projet par le biais de contrats va-lidés par la Charia, tel par exemplequ’un contrat de vente. Si le projetle permet, la société intermédiaireprocède ainsi au versement desfonds prêtés sous la forme d’unpaiement anticipé du prix d’achatdes biens que la société-projet seraamenée à produire. Le rembourse-ment de la société intermédiaire,interviendra dans le cadre de la re-vente subséquente de ces biens parla société intermédiaire à l’ache-teur de la société de projet, souventune entreprise publique ou privées’engageant avant la réalisation duprojet à acheter la production de lasociété de projet. Le prix de reven-te intègre un montant correspon-dant à une marge équivalente à untaux calculée sur toute la périodeconsidérée. Le paiement est différéavec un échéancier similaire à ce-lui que l’on trouve dans les finance-ments et le remboursement des

“Des montages spécifiques sont misen place par les banques islamiques pourgarder un niveau de risque comparable à celui prévu dans la documentation des banques commerciales.”

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banques peut donc se faire de ma-nière échelonnée, par exemple, parle remboursement des avancesd’actionnaires sans intérêtsconsentis à la société intermédiai-re, conjugué au paiement de divi-dendes correspondants à la marge.

Une convention entre tous lesprêteurs participants à la sociétéintermédiaire tiendra à la fois depacte d’actionnaires, d’accord in-ter-créanciers, et de convention departage des sûretés. Il conviendra,dans ce document, de préserver unparfait équilibre entre tous les prê-teurs, islamiques et commerciaux,

en s’assurant que dans l’exercicede ses droits, tel ou tel prêteur neremette pas en cause le caractèrepari passu des autres créanciers. Ilsera indispensable de structurertoutes les étapes en respectantstrictement les normes de chacu-ne des techniques islamiques utili-sées afin d’éviter le risque de remi-se en cause de l’ensemble de l’opé-ration de financement. Les

avantages d’un tel schéma à deuxniveaux sont importants. Outrequ’il réduit les problèmes poten-tiels de nature réglementaire pourles banques commerciales, il per-met également d’éviter de leur fai-re supporter directement certainsrisques spécifiques liés au monta-ge comme, par exemple, les risquesliés à la position du vendeur ou dubailleur.

Par ailleurs, ce type de montageserait, sur le plan des sûretés,avantageux à double titre. D’unepart, il permettrait de les centrali-ser au sein d’une même entité - la

société de projet intermédiaire -au lieu de les attribuer à plusieursprêteurs intervenant selon desmodalités différentes (isla-mique/commercial). D’autre part,il autoriserait la mise en place d’unmécanisme de propriété-garantie,ce qui éviterait les risques de laréalisation a posteriori des sûretésréelles classiques.

Le développement futur de la fi-

nance islamique dépend moins dela volonté des intervenants exis-tants que de la réalisation d’un ef-fort de compréhension et d’imagi-nation.

UN EFFORT DE COMPRÉHENSIONET D’IMAGINATION

Les autorités de ces pays occi-dentaux, les banques ou les cabi-nets de conseil chargés de struc-turer ces opérations, doivent ana-lyser et comprendre ce querecouvre la banque islamique afinde faire tomber les préjugés etd’éviter les amalgames. Ils doi-vent ensuite faire évoluer leursoutils pour pouvoir, à leur tour,devenir des intervenants sur cemarché. L’évolution prochainedu cadre juridique applicable aumarché domestique islamique enGrande Bretagne démontrequ’une telle évolution est possible(encadré 2). D’autres pays commela France, certains pays d’Afriqueayant une communauté musul-mane importante tels que le Sé-négal, le Mali ou la Mauritaniesont des marchés potentiellementimportants pour les financementsde projets, qui, paradoxe desmots, pourraient trouver quel-qu’intérêt dans de nouveaux ap-ports de liquidités provenant de lafinance islamique. ■

1 Évalués à un total de 80 milliards de dollars en1997 (cf. Mansoor H. Khan, Designing an IslamicModel for Project Finance, IFLR, juin 1997, pa-ge 13), les fonds investis ou disponibles en finan-cement islamique s’élèveraient aujourd’hui à plusde 100 milliards de dollars répartis entre plus de250 institutions de financement islamique à tra-vers le monde (Nicolas Buckworth, Adam Cooperand Annabel Guerney, Banking on Sharia Com-pliance, Finance 2003, Legalease Special Reportpage 53).2 Peut-on encore soutenir qu’un projet a été fi-nancé conformément aux principes de la Charia sila majorité du financement provient de prêtscommerciaux? Il ne paraît pas exister de ratio pré-cis et, en vérité, les institutions islamiques fontpreuve d’une certaine flexibilité. Le seuil d’endet-tement à prendre en compte est donc appréciéau cas par cas par le comité de Charia concerné.Les banques islamiques participent ainsi à des fi-nancements dans des proportions très variables.3 Mansoor H. Khan, Designing an Islamic Model forProject Finance, IFLR, June 1997.4 Les comités appartiennent à quatre grandesécoles de jurisprudence (hanafite, malekite, sha-

féite, hanbalite).5 Il est toutefois à noter la création en Malaisie enmars 2003 de l’Islamic Financial Service Board (IF-SB), première organisation dont l’objet est d’éta-blir les standards en matière de ratios prudentielset de pratiques à retenir par les banques isla-miques. Struture is a necessary target, in The Ban-ker, May 20036 Pascal Grangereau, Les projets privés d’infrastruc-tures dans les pays émergents - L’approche des prê-teurs, RDAI N° 2, 2001;A. Toledo, P. Lignières, Le financement de projet,Édition Joly 2002;G. Vinter, Project finance : a legal guide, ÉditionSweet and Maxwell, 1998;Pierre-Henri Ganem, Sécurisation contractuelle desinvestissements Internationaux : grands projets,mines, énergie, métallurgie, infrastructure, ÉditionBruylant, 1998;Ivan Benichou, David Corchia, Le financement deprojet, Édition ESKA, 1996;Guideline for infrastructure development throughBOT project, UNIDO Publication, 1996;Pascal Grangereau, 2001, Les projets privés d’infra-structures dans les pays émergents, l’approche des

prêteurs, RDAI, Numéro 2, pages 115-132;Bruno de Cazalet, John D. Crothers, Présentationdu Guide législatif de la CNUDCI sur les projets d’in-frastructures à financement privé, 2001, RDAI, Nu-méro 6, pages 699-710;Jean-Marc Loncle, Le transfert des risques desprojets PFI, 2000, RDAI, Numéro 2, pages 143-150 ;Laurent Vandomme, To time, to budget, to specifi-cation : L’allocation des risques pré-opérationnelsdans le cadre des financements de projets Build Ope-rate Transfer, RDAI, 1er janvier 1999, Numéro 8,pages 875-893;Pierre-Henri Ganem, Financement de grands pro-jets internationaux, Mise à jour, 1998, RDAI, Nu-méro 1, pages 123-127;Pierre-Henri Ganem, Financement de grands pro-jets internationaux, Financement de projets privati-sés, l’appui des fonds multilatéraux, 1998, RDAI,Numéro 2, pages 264-278;7 Projet pétrolier Equate au Koweit, G. Benja-min, C. Esty, The Equate Project : An Introductionto Islamic Project Finance, The Journal of Struc-tured and Project Finance, Winter 2000, vol. 5,N° 4, p. 7-20.

“Préserver un parfait équilibre entretous les prêteurs, islamiques et commer-ciaux, en s’assurant que tel ou tel prêteurne remette pas en cause le caractère paripassu des autres créanciers.”

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