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LES DOSSIERS DE L’INSTITUT Qualité de vie au travail 30 juillet 2013

Dossier Institut du Leadership - Qualite de Vie au Travail

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La « Qualité de vie au travail », encore une nouvelle alchimie de mots pour faire aimer l’entreprise ? obtenir toujours plus des employés ? masquer la quête d’un profit financier pour des dirigeants/actionnaires en faisant croire à la mise en place d’un cadre idyllique où chaque salarié pourrait s’épanouir sereinement ? prévenir les risques psychosociaux ? Il s’agit avant tout d’un engagement dans une démarche de créativité combinant innovations sociales et organisationnelles afin d’obtenir un équilibre entre performances sociales et économiques, entre donner du sens à des actions à déployer et l’efficience du travail réalisé....

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Institut du Leadership - BPI group - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - 1

LES DOSSIERS DE L’INSTITUT

Qualité de vie au travail30 juillet 2013

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Ce numéro des Dossiers de l’Institut résulte des travaux d’un groupe de consultants de BPI group de toutes les directions qui s’est réuni entre avril et juillet 2013.

Contributeurs experts :Isabelle AUROYSoline AVRILLASAudrey BARBEGérard BARDIERGaëtan de BRYENathalie LASNIEROlivier REYDELLETBénédicte ROY

Et, pour ses illustrations :Jean-Michel MILON Ces illustrations sont issues du blog de JM Milon (http://lamineducoach.fr/), elles ont été choisies et utilisées avec l’accord de l’auteur. Leur reproduction est interdite.

Directeur de la publication :Philippe BIGARD

Coordination, rédaction :Fanny BARBIER

Les sources externes utilisées à l’appui de ce document sont référencées et mentionnées explicitement (bibliographie, webographie). Tout ce qui n’est pas référencé comme tel renvoie à des réflexions développées par les consultants de BPI group et rédigées en interne. De ce fait, nous vous remercions de ne pas utiliser et citer ce dossier sans la permission des auteurs.

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Institut du Leadership - BPI group - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - 3

Avant-propos

La « Qualité de vie au travail », encore une nouvelle alchimie de mots pour faire aimer l’entreprise ? obtenir toujours plus des employés ? masquer la quête d’un profit financier pour des dirigeants/action-naires en faisant croire à la mise en place d’un cadre idyllique où chaque salarié pourrait s’épanouir sereinement ? prévenir les risques psychosociaux ?

Il s’agit avant tout d’un engagement dans une démarche de créativité combinant innovations sociales et organisationnelles afin d’obtenir un équilibre entre performances sociales et économiques, entre donner du sens à des actions à déployer et l’efficience du travail réalisé.

Que l’on soit dirigeant ou salarié, que l’on appartienne à la génération des baby boomers, X ou Y, il s’agit de mettre en place des pratiques s’inscrivant dans la durée, visant à la promotion du travail collaboratif, d’une entreprise solidaire et apprenante et de lieux de dialogue nouveaux afin de passer de la logique du capital humain au capital sociétal. Les dimensions éthiques et comportementales viennent ici s’appuyer sur la solidarité des personnes et le développement de l’individu. « Faire vivre ensemble » voilà bien la finalité ! Au sein de l’entreprise comme au sein de son territoire.

Pourquoi y croire aujourd’hui alors que le concept est évoqué depuis plusieurs années ? L’innovation digitale offre l’opportunité de réinventer la façon de travailler et de manager, et de réinterroger les modes de fonctionnement des entreprises sur les volets RH, sociaux, managériaux et organisation-nels. L’ambition est ainsi en marche vers sa concrétisation.

Jean-Marie THUILLIER Directeur associé BPI group Directeur des Practices, des Métiers et de l’Innovation

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4 - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - Institut du Leadership - BPI group

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Avant-propos 3

Édito 5

Chapitre La négociation interprofessionnelle de 2013 9Une histoire des relations sociales qui encourage la négociation 9

Les thèmes de la négociation 2013 10

L’Accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 « vers une politique de qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle » 11

Tribune : La qualité de vie au travail, au-delà des bonnes intentions. Refonder le pacte social dans l’entreprise 14

Chapitre Des risques psychosociaux à la qualité de vie au travail, état des lieux 17Pourquoi et comment le sujet a-t-il émergé avec autant de force ? 17

Des RPS à la qualité de vie au travail, données, définitions, obligations 21

Tribune : Quels acteurs pour la qualité de vie au travail ? 34

Chapitre Le « mal travailler » a un coût 37L’évolution des représentations, la nécessité de réintroduire de la coopération 38

L’exception française : surinvestissement dans le travail, défiance, manque de mobilité 39

Tribune : Ni « coûteux » ni « rigide », le travail est d’abord un facteur de compétitivité 42

Chapitre Comment les pouvoirs publics, les entreprises, les administrations et les syndicats se sont-ils emparés du sujet ? 45Les accords d’entreprises 45

Les 7 propositions de l’ANDRH pour améliorer la qualité de vie au travail 45

L’Etat employeur exemplaire 46

Des pistes pour l’action. Sélection et décryptage 48

Tribune : Organisations du travail responsabilisantes et qualité de vie au travail 55

Annexes 59Annexe 1 : Qualité de vie au travail / Egalité professionnelle - Socle commun de négociation 60

Annexe 2 : Accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 61

Annexe 3 : Le travail à cœur, pour en finir avec les risques psychosociaux 74

Annexe 4 : La santé dans le droit du travail, quelques repères historiques 77

Annexe 5 : Acteurs et sites 79

Bibliographie 81

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Institut du Leadership - BPI group - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - 5

Édito

L’Accord national interprofessionnel (ANI) sur la « Qualité de Vie au Travail » vient d’être signé avec une certaine confidentialité, il s’inscrit cependant dans une actualité déjà dense.

Des rapports (dont le dernier du Conseil Economique Social et Environnemental paru en avril 2013), des accords (dans les entreprises mais aussi au sein de la fonction publique), une jurisprudence en hausse, ainsi que le discours du premier ministre en clôture de la Conférence Sociale de juin 2013, le sujet n’a jamais été si prégnant, encadré, considéré.

Comment les acteurs concernés s’empareront-ils de cette nouvelle réalité ?Le constat général, fortement médiatisé, est celui d’un malaise, d’un « symptôme » pour reprendre le vocabulaire médical et la référence à la « santé mentale » décrite par le Code du Travail. Symptôme d’une société en pleine mutation économique, du fameux moral en berne des Français, ou d’individus au travail de plus en plus sujets au non néanmoins fameux « burn-out » ? Une hypothèse apparaît, nos organisations du travail seraient « malades ». Au mieux, elles peineraient à donner du sens à leurs salariés et agents, au pire, elles seraient sources de mal-être voire de souffrance.

Nous, praticiens des ressources humaines, ne pouvons ignorer la question de la qualité de vie au travail et ses impacts sur notre quotidien, nos approches et nos moyens d’actions. A la regarder de près, elle met en lumière deux dimensions fondamentales de l’être humain au travail.

Une dimension de ressources, au sens de « richesse » plus que de « moyen »À trop considérer l’homme comme un rouage, essentiel certes, mais au sens mécaniste du terme, dans la création de valeur économique, on en aurait oublié que la « mécanique » est complexe, voire fragile. La qualité de vie au travail interroge nos modes d’organisation et de management. Un défi pour le monde du travail serait de les repenser en intégrant mieux cette complexité que nous représentons tous, les 28 millions d’individus au travail en France.

Prendre en compte la dimension de « ressources » implique que chacun ait la possibilité de s’exprimer sur le contenu, l’organisation et la qualité de son travail, à la fois individuel et collectif. Cela signifie pour chaque salarié, même dans les environnements taylorisés, un droit à la « controverse », à la possibilité de prendre part à des décisions opérationnelles, à être traité en individu responsable et responsabilisé.

Avant-propos 3

Édito 5

Chapitre La négociation interprofessionnelle de 2013 9Une histoire des relations sociales qui encourage la négociation 9

Les thèmes de la négociation 2013 10

L’Accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 « vers une politique de qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle » 11

Tribune : La qualité de vie au travail, au-delà des bonnes intentions. Refonder le pacte social dans l’entreprise 14

Chapitre Des risques psychosociaux à la qualité de vie au travail, état des lieux 17Pourquoi et comment le sujet a-t-il émergé avec autant de force ? 17

Des RPS à la qualité de vie au travail, données, définitions, obligations 21

Tribune : Quels acteurs pour la qualité de vie au travail ? 34

Chapitre Le « mal travailler » a un coût 37L’évolution des représentations, la nécessité de réintroduire de la coopération 38

L’exception française : surinvestissement dans le travail, défiance, manque de mobilité 39

Tribune : Ni « coûteux » ni « rigide », le travail est d’abord un facteur de compétitivité 42

Chapitre Comment les pouvoirs publics, les entreprises, les administrations et les syndicats se sont-ils emparés du sujet ? 45Les accords d’entreprises 45

Les 7 propositions de l’ANDRH pour améliorer la qualité de vie au travail 45

L’Etat employeur exemplaire 46

Des pistes pour l’action. Sélection et décryptage 48

Tribune : Organisations du travail responsabilisantes et qualité de vie au travail 55

Annexes 59Annexe 1 : Qualité de vie au travail / Egalité professionnelle - Socle commun de négociation 60

Annexe 2 : Accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 61

Annexe 3 : Le travail à cœur, pour en finir avec les risques psychosociaux 74

Annexe 4 : La santé dans le droit du travail, quelques repères historiques 77

Annexe 5 : Acteurs et sites 79

Bibliographie 81

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La qualité de vie au travail questionne la souplesse de nos systèmes organisationnels et introduit une recherche d’efficacité équilibrée entre les processus, le contrôle et les marges de manœuvre. La démarche comporte un certain nombre de pré-requis : un parti pris structurel pour la confiance, une dose de « lâcher prise » du côté des dirigeants, une volonté d’oser sortir de modes d’organisation et de management parfois tellement infantilisants qu’ils deviennent contre-performants, sources de stress mais aussi de non-engagement. Autant de dommages qui « coûtent ». L’enjeu n’est pas seulement social, il est avant tout économique.

Une dimension d’individu « unifié » ou la fin du salarié « schizophrène »Un autre signe de la période actuelle est celui d’une plus grande perméabilité entre le dedans et le dehors de nos organisations. Les frontières entre le « professionnel » et le « hors profes-sionnel » ne sont plus si étanches. La conciliation des temps de vie est un autre volet-clé du dernier ANI. Le risque est de la voir gadgétisée, de la ramener à des actions pratiques mais périphériques (du type conciergerie d’entreprise).

Elle porte en elle une idée de fond, celle d’un individu « unifié » qui ne se réduit pas à ses tâches ou à ses missions pour l’organisation qu’il sert. Il s’agit d’un(e) salarié(e) qui possède son système de valeurs, qui ne fait pas qu’épouser celui de l’organisation ; d’un individu citoyen qui ne fonctionne pas sans la prise en compte de sa vie personnelle.

Evolution démographique, arrivée de jeunes générations dans l’entreprise, apparition de nouveaux modes de travail grâce aux nouvelles technologies, féminisation de la société du travail, les raisons de ces évolutions sont multiples. Aujourd’hui, de jeunes hommes peuvent même avouer aller chercher leurs enfants à l’école ! Et les salariés plus âgés sont nombreux à être en charge ou au chevet d’un parent, parfois gravement malade.

La conciliation des temps implique, on le voit, de prendre en considération que la vie profes-sionnelle n’est pas linéaire. L’écosystème propre à chaque salarié ne fait pas partie du monde du travail mais interagit fortement avec lui (en termes d’horaires, d’organisation, de manage-ment) ; sa prise en compte relève du champ de la responsabilité élargie de l’employeur. Le concept peut déranger : en effet, à repousser toujours plus les frontières de la responsabilité de l’employeur, on peut se demander jusqu’où cette histoire s’arrêtera. Ce serait oublier que dès que l’on parle de responsabilité élargie, ou sociétale, nous entrons dans le domaine de la co-responsabilité. Nous sommes donc tous en responsabilité de la qualité de vie au travail, parties prenantes institutionnelles ou individus au quotidien. Nous somme tous moteurs, tous relais, voire parfois victimes ou bourreaux…

Il s’agit de traiter d’une réalité, sans déni ni tabou, celle du désengagement, parfois du mal-être, ou même de la souffrance au travail, mais aussi d’en cerner les leviers sous-jacents de créativité, de qualité, d’innovation. Un terrain qui rapproche chefs d’entreprise et salariés ou agents. Car derrière ces notions, c’est de l’ingéniosité humaine dont on parle, et ainsi des leviers d’une performance qui s’inscrit dans la durée. La sensibilisation des décisionnaires à la qualité de vie au travail est déterminante. En effet, elle pousse les directions à intégrer systématiquement les paramètres humains dans leurs critères décisionnels, non seulement dans une approche risques mais aussi dans une logique d’opportunité.

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Institut du Leadership - BPI group - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - 7

Quel sont les ingrédients d’un collectif qui fonctionne, d’une organisation qui réussit ? Ils produi-sent une alchimie difficile à décrire, certainement une certaine « qualité (de vie) au travail »…

Dans cette perspective, nous vous proposons ici de revenir sur le nouvel ANI et ses enjeux, de comprendre ce coût additionnel de la non-qualité de vie au travail et de répertorier les actions mises en œuvre dans les sphères publique et privée pour enrayer ce phénomène.

Notre objectif est de vous donner des repères pour la réflexion et l’action sur un sujet qui nous concerne tous.

Audrey BARBE Responsable de la practice RPS BPI group

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8 - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - Institut du Leadership - BPI group

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Institut du Leadership - BPI group - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - 9

La négociation interprofessionnelle de 2013

Chapitre

1La négociation sur « l’amélioration de la qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle » a abouti le 19 juin à un Accord national interprofessionnel qui a été validé début juillet parce que signé par trois des cinq organisations syndicales de salariés – CFDT, CFE-CGC et CFTC – qui totalisent plus de 50 % des suffrages exprimés lors des élections professionnelles, seuil nécessaire à la validité d’un accord. De même que pour l’ANI du 11 janvier 2013 sur la sécurisation de l’emploi et contrairement à ce qui était prévu, la CGT (pas plus que FO) n’a signé l’accord.

Cette négociation, lancée lors de la grande conférence sociale de juillet 2012, qui devait être conclue le 8 mars 2013 (pour la journée de la femme), aura fina-lement abouti dans les semaines qui ont suivi la seconde conférence sociale des 20 et 21 juin 2013.

Une histoire des relations sociales qui encourage la négociationLa négociation sur l’amélioration de la qualité de vie au travail et l’égalité professionnelle s’inscrit dans un contexte social très actif. En effet, depuis 2007, la méthode de négociation est à l’honneur. La loi LARCHER du 31 janvier 2007, dite de modernisation du dialogue social, prévoit que tout projet gouvernemental impliquant des réformes dans les domaines des relations du travail, de l’emploi ou de la formation professionnelle, doit d’abord comporter une phase de concertation avec les partenaires sociaux ; la réforme de la représentativité en 2008, puis la volonté affichée par le gouvernement Ayrault de mettre à l’honneur la méthode de la négociation sociale, fidèle à l’idéal de la deuxième gauche, vont dans le même sens.

Il faut noter également que la négociation sur « l’amélioration de la qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle » a été précédée par la publication du Rapport GALLOIS, Pacte pour la compétitivité de l’industrie française1, remis le 5 novembre 2012 au premier ministre, dont un chapitre entier est consacré au « pacte social » et appelle à un accroissement du rôle du dialogue social dans l’entreprise. Elle se situe aussi dans le sillage de la négociation sur la sécurisation de l’emploi, menée entre octobre 2012 et janvier 2013, qui a donné lieu à un Accord national interprofessionnel signé le 11 janvier 2013 par les organisations patronales et trois organisations syndicales sur cinq (CFDT, CFE-CGC, CFTC) et transcrit dans la loi n°013-504 du 14 juin 2013.

Hervé GARNIER, chef de file de la délégation CFDT, déclarait en février 2013 que la « (…) négociation qualité de vie au travail-égalité professionnelle est (…) le prolongement de la négociation sur la sécurisation de l’emploi. Ce sont les deux faces d’une même pièce : d’un côté, il s’agissait de traiter de l’emploi ; de l’autre, il s’agit de traiter du travail. Les deux sont complémentaires, et d’une égale importance sur le fond, car il ne peut y avoir d’emploi sans qualité de vie au travail.2»

1) http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/fichiers_joints/rapport_de_louis_gallois_sur_la_

competitivite_0.pdf

2) http://www.cfdt.fr/jcms/prod_133079/il-ne-peut-y-avoir-demploi-sans-qualite-de-vie-au-

travail

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A noter enfin que le sujet a bénéficié d’un retentissement médiatique supplémentaire, avec la parution, le 10 avril 2013, du « Projet d’avis sur la Prévention des risques psychoso-ciaux » présenté au Conseil économique, social et environnemental par Mme Sylvie BRUNET et l’introduction dans les débats, lors de la seconde conférence sociale, du thème de la santé mentale.

Les thèmes de la négociation 2013La négociation portait sur un champ particulièrement vaste – la qualité de vie au travail – dans lequel le Gouvernement avait inclus l’égalité professionnelle.

Pour les syndicats de salariés, l’enjeu global était d’impulser une dynamique de dialogue dans les entreprises sur les conditions du travail. Ils voulaient notamment voir « revalorisé le droit d’expression des salariés3» et être associés plus en amont aux réflexions sur l’organi-sation du travail. Les discussions portaient sur l’éventuelle création de nouveaux lieux de dialogue, l’information des institutions représentatives du personnel (CE, DP) et surtout le renforcement du rôle des CHSCT.

D’autres sujets étaient également sur la table selon un premier document de travail proposé par les représentants patronaux, comme l’encadrement du recours aux nouvelles tech-nologies (mails, téléphones et ordinateurs portables) pour éviter l’intrusion permanente du travail dans la vie personnelle, la formation des managers intermédiaires et la mise en place d’indicateurs sur la qualité de vie au travail.

Les lois AUROUXDans le rapport qui avait précédé ses lois, Jean AUROUX avait eu cette jolie formule : « L’entreprise ne peut plus être le lieu du bruit des machines et du silence des hommes ».

Pour mémoire, c’est la première de ces lois relatives aux libertés des travailleurs dans l’entreprise en date du 4 août 1982 qui organise, notamment, le droit à l’expression directe des salariés sur le contenu et l’organisation de leur travail. (L. no 82-689, 4 août, JO 6 août).

A la faveur de cette recherche d’amélioration de la qualité de vie au travail, l’expression directe des salariés revient au premier plan. Les transformations du travail – devenu plus complexe, plus fragmenté, plus tourné vers un résultat et dans le même temps moins défini, moins stable – nécessitent d’ouvrir de nouveaux espaces pour le dialogue, la parole mais aussi pour la « controverse sur le travail » chère à Yves CLOT (voir ci-après).

Il faut souligner la complexité de cette négociation. D’abord, en raison de sa thématique qui englobait des sujets faisant l’objet d’accords déjà signés (comme le stress, le harcèlement, l’égalité salariale, la santé au travail, la pénibilité, la durée du travail...) ; ensuite parce que quelques thèmes étaient abordés directement par certains ministères comme les congés parentaux et l’égalité professionnelle ; enfin parce que d’autres thèmes étaient intégrés à d’autres négociations, c’était le cas, par exemple, du temps partiel qui a été traité par la loi du 14 juin sur la sécurisation de l’emploi.

A noter enfin que cette négociation s’est située dans un contexte particulier. Sur les huit parties prenantes, quatre renouvelaient leur dirigeant. Laurent BERGER a remplacé François CHEREQUE, au secrétariat général de la CFDT, le 29 novembre 2012. Thierry LEPAON a succédé à Bernard THIBAULT au secrétariat général de la CGT, le 22 mars 2013. Carole COUVERT a été élue présidente de la CFE-CGC, le 17 avril. Et enfin, le 3 juillet, Pierre GATTAZ a succédé à Laurence PARISOT à la présidence du MEDEF.3) Première des 4 « Lois Auroux » de 1982,

voir encadré.

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Institut du Leadership - BPI group - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - 11

Si l’on ajoute à ce contexte, le fait que l’accord n’était pas simple à écrire en raison de la multiplicité des thèmes soulevés, sans compter celui de l’égalité professionnelle introduit par le ministère des droits des femmes, on comprendra que la négociation ait mis du temps à avancer et à aboutir.

Position des acteurs – Cadre de référenceLes organisations syndicales de salariés ont effectué un important travail en amont de la négociation, dans l’objectif de montrer leur rapprochement après la division qui est apparue au moment du vote de l’ANI du 11 janvier 2013 entre un bloc de syndicats dits « majoritaires » et réformistes (CFDT, CGC-CFE et CFTC) et des syndicats plus contestataires (CGT et FO). Ce travail aura porté ses fruits en partie, scellant le rapprochement lors de la négociation entre la CFDT et la CGT, toutes deux signataires avec la CFE-CGC et la CFTC du socle commun publié le 22 février4; FO qui n’a pas signé le socle commun semblait alors néanmoins vouloir se rapprocher des autres syndicats de salariés.

La volonté partagée était de traiter de la question de la qualité du travail et pas seulement de la qualité de vie au travail. Puisque la qualité du travail soulève un problème récurrent souligné par le patronat, celui du désengagement des salariés, le moment était peut-être propice pour avancer dans cette voie.

Pour résumer les enjeux, aux yeux des syndicats, étaient les suivants :

• Obtenir de nouveaux droits liés à l’expression directe des salariés ;

• Traiter de l’organisation du travail ;

• Aborder le sujet de la conciliation des temps ;

• S’assurer que, derrière les mots, le quotidien des salariés change ;

• Obtenir des droits pour tous, y compris dans l’entreprise « étendue » à ses sous-traitants, partenaires ou fournisseurs ;

• Accepter pour les organisations syndicales de se remettre en question elles-mêmes.

Du côté patronal, Benoît ROGER-VASSELIN pour le MEDEF reconnaissait en février 2013 qu’il existe « une réticence des entreprises à travailler sur la qualité de vie au travail dans la période actuelle », la thématique étant plus un sujet pour une période de croissance (…) « notre sentiment est qu’il y a une attente de contraintes nouvelles pour les entreprises, or nous voudrions arriver à améliorer les choses (...) sans que cela se traduise par de nouvelles contraintes ».5

L’Accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 « vers une politique de qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle »

Après plus de 9 mois de négociation, les partenaires sociaux ont finalement abouti à un accord6, non sans avoir procédé jusqu’au bout à des ajustements et des concessions. L’accord est conclu pour une durée déterminée de 3 ans et, se félicite la CFDT, « reposera avant tout sur la capacité (des organisations syndicales) à faire vivre la dynamique dans les entreprises, les branches et les territoires pour vraiment changer le quotidien des salariés7 ».

En effet, il n’est pas certain que l’ANI soit transposé dans une loi, ses mesures se présentent plus comme des bonnes pratiques et des appels à expérimentation. Certains considèrent ce procédé en phase avec le sujet « la QVT ne se décrète pas, elle se co-construit8 », et porteur de vraies évolutions dans les relations sociales de l’entreprise.

4) Voir annexe 1

5) http://lentreprise.lexpress.fr/gestion-entreprise/la-negociation-sur-la-qualite-de-vie-au-travail-

patine-toujours-selon-les-syndicats_39776.html

6) Voir annexe 2

7) http://www.cfdt.fr

8) Pour reprendre les propos de O. HOEFFEL sur le site de miroir social http://www.miroirsocial.

com/actualite/8950/un-grand-pas-pour-la-qualite-de-vie-au-travail

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La qualité de vie au travail s’intègre dans la négociation d’entreprise

L’accord prévoit la possibilité pour les entreprises de mettre en place une négociation sur la qualité de vie au travail regroupant les autres obligations de négocier déjà existantes participant de la démarche qualité de vie au travail (stress, harcèlement,...). Dans ce cas, l’accord serait conclu pour 3 ans et devrait être majoritaire.

Des espaces de discussion sont ouverts dans les entreprises

Les partenaires sociaux incitent les entreprises à mettre en place des groupes de travail entre salariés d’un service en présence ou non d’un référent métier ou d’un facilitateur, éventuelle-ment à l’initiative d’un manager de proximité. Les restitutions seraient ensuite transmises à la hiérarchie et aux représentants du personnel, libre à l’employeur d’en tirer les conséquences en terme d’organisation du travail.

Un diagnostic préalable permet de spécifier les thèmes de négociation retenus

La réalisation d’un diagnostic préalable partagé doit faire l’objet d’une information des salariés. Sa mise en œuvre suit une méthodologie qui favorise leur participation et la confiance. Ce diagnostic doit permettre de déterminer les enjeux propres à l’entreprise en matière de qualité du travail, de qualité de vie au travail et de conciliation des temps. Qualitatif et quantitatif, il doit être établi selon des modalités réalisables quelle que soit la taille de l’entreprise. Pour la réalisation de ce diagnostic, les partenaires sociaux peuvent faire appel à des organismes externes.

Des indicateurs dédiés sont mis en place

Ce diagnostic pourra être établi sur la base des outils déjà existants dans l’entreprise, des informations dont sont destinataires les instances représentatives du personnel tels par exemple que des indicateurs de santé, suivi de l’absentéisme, impression des salariés, etc.

Qu’elles aient signé ou pas l’accord, toutes les organisations syndicales se félicitent que la qualité de vie au travail s’inscrive dans le dialogue social.

Pour la CFE-CGC, « cet accord est une chance de réhumaniser le travail ! ».

La CFTC salue la mise en place d’un indicateur de promotion sexué (art 6), ou encore la possibilité d’aborder dans un entretien la question de la conciliation entre la vie personnelle et la vie professionnelle (art. 8).

La CGT s’est engagée dans la négociation avec beaucoup d’ambition et veillera à ce que « soient entendues les paroles des salariés sur le travail, sa qualité et son organisation ». Mais, déçue par le résultat « une déclaration de bonnes intentions », la centrale a finalement décidé de ne pas signer l’accord alors qu’elle avait signé le socle commun du 22 février.

FO qui n’a pas signé non plus, reproche à l’accord son absence de contenu normatif ainsi que la possibilité de voir diluer les revendications syndicales et alléger les contraintes des entreprises.

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Institut du Leadership - BPI group - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - 13

Une réelle prise en compte du travailLes « éléments descriptifs destinés à faciliter l’élaboration d’une démarche de qualité de vie au travail dans le cadre du dialogue social » qui sont rappelés en annexe de l’Accord sont à ce titre fort prometteurs. Les deux chapitres consacrés à la qualité du contenu du travail et à la qualité de l’organisation du travail notamment ouvrent sur une réelle prise en compte du travail dans les discussions à venir.

Extraits de l’annexe à l’article 13 de l’ANI du 19 juin :

La qualité du contenu du travail• Autonomie• Variété des taches• Degré de responsabilité• Enrichissement des compétences• Capacité d’expression des salariés• Sens donné au travail

La qualité de l’organisation du travail• Qualité du pilotage• Capacité d’appui de l’organisation dans la résolution des problèmes• Rôle et appui du management de proximité • Démarche de progrès• Anticipation de la charge de travail pour sa gestion optimale• Organisations apprenantes• Conséquences de l’impact de la généralisation des nouvelles technologies de l’information et de communication (distinction

des temps de travail liés aux moyens électroniques tels que e-mails à distance, portable…)• Anticipation des conséquences des mutations et restructurations des entreprises sur la qualité de vie au travail et l’emploi

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TRIBUNE La qualité de vie au travail, au-delà des bonnes intentions. Refonder le pacte social dans l’entreprise

Le Monde du 23 juillet 2013

Philippe BIGARD Directeur de l’Institut du Leadership – BPI group

La conférence sociale des 20 et 21 juillet a remis à l’honneur le sujet de « la qualité de vie au travail ». La signature d’un nouvel accord national interprofessionnel (ANI) sur le sujet semble acquise après l’approbation des syndicats CFDT, CFE-CGC et CFTC.

Mais d’un ANI (sur la sécurisation de l’emploi) à l’autre (sur la qualité de vie au travail), le parallélisme des formes pourrait être trompeur. Car si l’ANI du 11 janvier avait une portée normative – il a d’ailleurs été transposé dans la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin –, l’ANI à venir se propose plutôt de valoriser des bonnes pratiques de façon incitative et pour une durée déterminée.

Ce regain d’intérêt pour le travail même, sa qualité, les conditions de sa réalisation, ne peut que réjouir tous ceux qui appellent de leurs vœux un retour au travail réel, un réinvestissement massif sur le cœur même de ce qui le constitue : la qualité, l’envie de bien faire ou, mieux, l’amour de la belle ouvrage comme on disait autrefois.

Mais il comporte également un risque majeur : celui de se complaire à une vision lénifiante de l’entreprise et de tourner au concours de beauté, passant du « green » au « social washing », et contribuant ainsi à accroître encore les malentendus entre salariés et directions.

Le thème de la qualité de vie au travail s’est imposé à la suite de la crise des risques psycho-sociaux (RPS), qui a atteint son apogée avec le dénombrement macabre des suicides chez France Télécom. Le stress professionnel et ses possibles dérives, de la souffrance au travail jusqu’au « burn-out », mal du siècle selon certains, font depuis un peu moins de dix ans l’objet d’une attention particulière.

Il faut dire que les enquêtes témoignent avec une constance remarquable du fait qu’un quart environ de la population salariée européenne dit souffrir de stress professionnel. Les dernières statistiques en France, qui se classe parmi les derniers de la classe européenne, culminent à 27,5%. Le coût pour notre économie s’évalue à 3 milliards d’euros au minimum. Le prix de la souffrance, lui, ne se mesure pas. Le problème n’est, on le voit, pas mince !

La qualité de vie au travail n’est-elle qu’une façon plus positive d’approcher le même type de problèmes, plutôt que par leur face obscure ? Ne s’agit-il que de s’intéresser au bien-être plutôt qu’au mal-être, au bonheur plutôt qu’aux souffrances auxquels le travail peut conduire ? De « positiver », en somme, comme le recommandent publicitaires et gourous du développement personnel ?

Certaines entreprises affirment s’emparer de ce thème en mettant à la disposition des salariés des services tels que garde d’enfants, pressing, cordonnerie ou conciergerie d’entreprise. Tout est fait pour faciliter la vie de jeunes athlètes du travail, incités par ailleurs à se montrer ultra performants en toutes circonstances. On notera ici que ce qu’on présente comme nouveau ne fait au fond que reprendre les vieilles ficelles du paternalisme d’autrefois, celui des Michelin, Moulinex ou Schneider au XIXe ou au XXe, avant les chocs pétroliers.

Mais c’est aussi prendre le risque de ne pas traiter les vrais problèmes liés aux transformations du travail lui-même, à ses nouvelles formes, à son organisation, à son environnement, aux

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conditions dans lesquelles il s’exerce, et plus encore au système relationnel de plus en plus complexe dans lequel il s’inscrit. En passant des RPS à la QVT, ne risque-t-on d’alimenter une forme de déni ou d’hypocrisie bien-pensante ?

La prise en compte d’une dimension morale des risques professionnels n’est en réalité pas nouvelle. Dès 1840, le docteur Villermé, pionnier de la médecine du travail, dresse dans son Tableau de l’état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de laine, de coton et de soie9 un portrait saisissant de la dureté physique ainsi que de la misère morale de la condition ouvrière à l’époque de L’Assommoir.

Cela nous semble évidemment bien loin. Mais en sommes-nous au fond si éloignés aujourd’hui avec la prise en compte des problèmes d’addiction dans l’entreprise, souvent partie intégrante des plans d’action QVT dans les grands groupes ?

Si ces questions se posent (ou se reposent) aujourd’hui avec cette acuité, c’est parce que c’est tout un modèle qu’il s’agit de repenser et de reconstruire. Le compromis fordiste est, on le sait, caduc. L’insécurité, subie ou redoutée, mine le moral des travailleurs et pollue inexorablement les relations de travail. La défiance s’installe. Et le divorce entre des méthodes de gouvernance technocratique, la gestion individualisée à outrance de la performance et le « vrai travail », est amplement consommé.

Au vrai, si ce thème de la refondation du pacte social s’est imposé depuis peu, c’est bien parce qu’on en est revenu à une forme « d’état de nature » dans les relations de travail, soumises au règne du plus fort et marquées par des formes de violence plus ou moins larvée. Communauté artificielle (par différence avec les communautés naturelles, comme la famille, ou électives comme les amis), l’entreprise est une communauté où se confrontent des logiques d’intérêt souvent divergentes au service de finalités communes. Cela appelle à l’invention de nouveaux paradigmes en matière de management, de gestion des ressources humaines et de démocratie sociale.

Le risque, c’est de passer trop vite d’un diagnostic largement partagé à des actions pleines de bonnes intentions, mais dont la mise en œuvre ne saurait aboutir sans une remise en question en profondeur du fonctionnement actuel des relations de travail.

La perspective est ambitieuse sans doute, prométhéenne peut-être. En attendant, chacun de nous peut et doit cultiver sans relâche un nouveau type de compétences : après les savoirs, les savoir-faire et les savoir-être, c’est un nouveau savoir-vivre ensemble au travail dont il devient chaque jour plus urgent de faire l’apprentissage.

9) Réédité en 1986, sous le titre Tableau de l’état physique et moral des salariés en France.

Ed La Découverte

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Des risques psychosociaux à la qualité de vie au travail, état des lieux

Chapitre

2La qualité de vie au travail est une préoccupa-tion devenue incontournable dans la gestion des ressources humaines. Il est intéressant de se rappeler comment le sujet a fait une entrée aussi remarquable dans les préoccupations des entreprises ainsi que d’analyser les termes employés pour le décrire et leurs évolutions.

Pourquoi et comment le sujet a-t-il émergé avec autant de force ?Trois ouvrages qui font dateEn 1996, la parution de l’essai de Viviane FORRESTER L’Horreur économique10 qui critique férocement l’ultralibéralisme annonçant l’extinction du travail et l’exclusion des travailleurs, puis en 1998, la parution des ouvrages de Christophe DEJOURS, Souffrance en France - la banalisation de l’injustice sociale11, et de Marie-France HIRIGOYEN, Le Harcèlement moral : la violence perverse au quotidien12, favorisent la prise de conscience par le grand public d’un phénomène bien réel en entreprise : le travail peut être source de mal-être voire de souffrance. Ces trois ouvrages deviennent vite des best sellers touchant un lectorat inhabituel pour ce genre de livres. Les notions de souffrance, de harcèlement, de stress au travail sont depuis régulièrement relayées dans les cercles professionnels et dans les médias grand public.

Les suicides au travail C’est dans ce contexte qu’intervient le phénomène des suicides liés au travail chez France Telecom13 et Renault notamment en 2009 et, plus récemment à La Poste, créant un très fort et très normal retentissement médiatique. Le problème se pose avec une acuité particulière : même s’il n’existe pas de statistiques précises sur les suicides liés au travail, personne ne peut nier que des questions professionnelles peuvent entraîner des suicides. Selon DURKHEIM, le suicide est un « construit social » indéniable14. Alors que « le nombre de suicides qualifiés d’accidents du travail par la CNAMTS (Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés) évoluerait entre 15 et 20 par an15» , l’ANACT (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) estime que sur les 11 000 cas annuels en France, 300 à 400 seraient imputables au travail16.

Depuis 2007, un objet de politiques publiquesA partir de 2007, l’Etat érige le stress au travail au rang de ses priorités17 Des réflexions et travaux parlementaires sont menés rassemblant autour de ces sujets élus et personna-lités qualifiées. Ainsi la Mission de réflexion de l’Assemblée nationale sur « La Souffrance au travail18 » qui rend ses conclusions en décembre 2009, ou la Commission des affaires sociales du Sénat qui publie un rapport sur « Le Mal-être au travail19 » riche en propositions pour améliorer la prise en charge des RPS, ou encore la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale qui dresse un état des lieux des « Risques psychosociaux au travail20 ».

10) Fayard, 1996

11) Le Seuil, 1998

12) La Découverte & Syros, 1998

13) En septembre 2009, 32 cas de suicides sur les 24 derniers mois étaient signalés

chez France Telecom

14) DURKHEIM défend l’idée selon laquelle le suicide, dont on pourrait penser de prime abord

qu’il est déterminé par des raisons relevant de l’intime, du psychologique, est également éclairé

par des causes sociales, des déterminants sociaux. Le Suicide, 1897

15) Cf. Projet d’avis sur La Prévention des risques psychosociaux, CESE, 2013

16) Statistiquement parlant, le nombre de suicides survenus récemment dans certaines très grandes

entreprises reste dans la « norme »

17) Un site internet est ouvert : http://www.travailler-mieux.gouv.fr

18) Assemblée nationale, décembre 2009

19) Sénat, juillet 2010

20) Assemblée nationale, mai 2011

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Un 1er plan d’urgence pour la prévention du stress au travail a été lancé en octobre 2009 par Xavier DARCOS, ministre du travail qui, en parallèle, demande aux entreprises de plus de 1 000 salariés de signer des accords sur la prévention du stress au travail. Les entreprises mandatent des cabinets spécialisés dans les risques psychosociaux. En novembre 2010, la profession s’organise : la Fédération des Intervenants en Risques Psychosociaux (FIRPS) est créée, chargée de garantir son éthique et sa déontologie.

A noter enfin que les grandes Conférences sociales de juillet 2012 puis de juin 2013 ont toutes les deux inscrit à leur agenda les sujets de l’égalité professionnelle et de l’amélioration de la qualité de vie au travail.

La deuxième grande Conférence socialeLa deuxième grande conférence sociale pour l’emploi s’est tenue les 20 et 21 juin 2013 au Palais d’Iéna. Ouverte par le Président de la République, clôturée par le Premier ministre, elle a réuni plus de 300 participants, représentants des organisations syndicales, d’employeurs et des collectivités territoriales. Une feuille de route a été établie pour 2013 à partir des travaux menés durant ces deux jours21.

La table ronde n°2, animée par Najat Vallaud-Belkacem et Alain Vidalies, était ainsi définie : « Améliorer les conditions de travail, prévenir les risques et améliorer la santé des salariés » ; les participants à cette table ronde ont souligné le besoin d’une vision partagée de l’articulation entre les dispositifs de veille, de prévention et de réparation des risques et maladies professionnelles.Dès la rentrée, le Comité d’orientation des conditions de travail (COCT) définira la démarche permettant de réaliser un bilan provisoire du Plan Santé au travail 2 et de préparer le Plan Santé au Travail 3 (2015-2019).

Deux Accords nationaux interprofessionnels

Les partenaires sociaux eux aussi s’emparent du sujet. Des accords cadres européens sont suivis par des négociations interprofessionnelles en France. Ainsi, il convient de signaler deux Accords nationaux interprofessionnels signés à l’unanimité des syndicats d’employeurs et de salariés.

L’ANI sur le stress au travail signé en juillet 200822. Cet ANI transpose et élargit l’accord cadre européen sur le stress signé en octobre 200423. Il propose des pistes d’actions et ouvre des perspectives pour la négociation et la prévention en entreprises. Ainsi, l’accord rappelle que, dès qu’un problème de stress au travail est identifié, une action doit être entreprise pour le prévenir, l’éliminer ou à défaut le réduire. La responsabilité en incombe à l’employeur.

L’ANI sur le harcèlement et la violence au travail, signé en mars 201024. Cet accord, qui transpose l’accord européen signé le 15 décembre 200625, a « pour objectifs :

� d’améliorer la sensibilisation, la compréhension et la prise de conscience des employeurs, des salariés et de leurs représentants à l’égard du harcèlement et de la violence au travail afin de mieux prévenir ces phénomènes, les réduire et si possible les éliminer ;

� d’apporter aux employeurs, aux salariés et à leurs représentants, à tous les niveaux, un cadre concret pour l’identification, la prévention et la gestion des problèmes de harcèle-ment et de violence au travail.

Cet accord stipule qu’aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

De même, aucun salarié ne doit subir des agressions ou des violences dans des circonstances liées au travail, qu’il s‘agisse de violence interne ou externe.

21) http://www.emploi.gouv.fr/files/files/Feuille_de_route_sociale_2013_VF.pdf

22) http://www.anact.fr/web/publications/NOTINMENU_affichage_document?p_

thingIdToShow=2040548

23) Bref social n° 14156 du 14 juin 2004

24) http://www.travailler-mieux.gouv.fr/IMG/pdf/accord-harcelement-violence-2010.pdf

25) Bref social n° 14857 du 23 avril 2007

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En conséquence, l’employeur prend toutes les mesures nécessaires en vue de prévenir de tels agissements :

� Les entreprises doivent clairement affirmer que le harcèlement et la violence au travail ne sont pas admis. Cette position qui peut être déclinée sous la forme d’une « charte de référence » précise les procédures à suivre si un cas survient. Les procédures peuvent inclure une phase informelle, durant laquelle une personne ayant la confiance de la direc-tion et des salariés est disponible pour fournir conseils et assistance.

� La diffusion de l’information est un moyen essentiel pour lutter contre l’émergence et le développement du harcèlement et de la violence au travail. A cet effet, la position ci-dessus, lorsqu’elle fait l’objet d’un document écrit ou de la « charte de référence », est annexée au règlement intérieur dans les entreprises qui y sont assujetties. »

Les rapports des experts

Des études sont commandées à des experts et bénéficient elles aussi d’une large audience. Citons notamment le Rapport sur la détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux au travail, commandé par Xavier BERTRAND, ministre du travail, à Philippe NASSE et Patrick LEGERON (2008).

Ce texte « fondateur » recommande la constitution d’un Collège d’expertise sur le suivi statistique des risques psychosociaux au travail. Mis en place par l’INSEE et présidé par Michel GOLLAC26, le Collège d’expertise a été formé en 2008 à la demande de Xavier BERTRAND. Il réunit des experts des principales disciplines des sciences humaines. Il comprend des économistes, des ergonomes, des épidémiologistes, un chercheur en gestion, des chercheurs en médecine du travail, des psychologues et psychiatres, des sociologues et des statisticiens. Il remettra en 2011 la version finale de son rapport, intitulé Mesurer les facteurs psychosociaux de risque au travail pour les maîtriser. Celui-ci propose un dispo-sitif de suivi des risques pour la santé mentale provoqués par certaines conditions d’emploi, d’organisation, et de relations au travail. Il préconise notamment de mettre en place des indicateurs nationaux pour suivre six types de facteurs de risques psychosociaux au travail (voir ci-après).

En février 2010, paraît le rapport commandé à Henri LACHMANN, Christian LAROSE, Muriel PENICAUD, « Rapport sur le bien-être et l’efficacité au travail – 10 propositions pour améliorer la santé psychologique au travail». La pertinence de ce rapport tient sans doute à la diversité de ses auteurs, issus du monde de l’entreprise pour H. LACHMANN (Président du conseil de surveillance de Schneider Electric) ou M. PENICAUD (Directrice générale des ressources humaines de Danone) et du syndicalisme pour C. LAROSE (Vice-président du Conseil économique, social et environnemental, ex secrétaire général de la Fédération CGT du textile).

Enfin, en juin 2013, paraît l’avis du CESE sur la prévention des risques psychosociaux, déjà cité et sur lequel nous reviendrons.

26) Directeur du Laboratoire de Sociologie quantitative du Centre de recherche en économie

et statistique (CREST)

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Les 10 propositions pour améliorer la santé psychologique au travail du Rapport LACHMANN, LAROSE, PENICAUD

1 L’implication de la direction générale et de son conseil d’administration est indispensable. L’évaluation de la performance doit intégrer le facteur humain, et donc la santé des salariés.

2 La santé des salariés est d’abord l’affaire des managers, elle ne s’externalise pas. Les managers de proximité sont les premiers acteurs de santé.

3 Donner aux salariés les moyens de se réaliser dans le travail. Restaurer des espaces de discussion et d’autonomie dans le travail.

4 Impliquer les partenaires sociaux dans la construction des conditions de santé. Le dialogue social, dans l’entreprise et en dehors, est une priorité.

5 La mesure induit les comportements. Mesurer les conditions de santé et sécu-rité au travail est une condition du développement du bien-être en entreprise.

6 Préparer et former les managers au rôle de manager. Affirmer et concrétiser la responsabilité du manager vis-à-vis des équipes et des hommes.

7 Ne pas réduire le collectif de travail à une addition d’individus. Valoriser la performance collective pour rendre les organisations de travail plus motivantes et plus efficientes.

8 Anticiper et prendre en compte l’impact humain des changements. Tout projet de réorganisation ou de restructuration doit mesurer l’impact et la faisabilité humaine du changement.

9 La santé au travail ne se limite pas aux frontières de l’entreprise. L’entreprise a un impact humain sur son environnement, en particulier sur ses fournisseurs.

10 Ne pas laisser le salarié seul face à ses problèmes. Accompagner les salariés en difficulté.

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Des RPS à la qualité de vie au travail, données, définitions, obligationsLes risques psychosociaux pourraient constituer demain les risques majeurs dans les entre-prises comme dans les administrations, venant ainsi se substituer aux risques physiques, biologiques et chimiques aujourd’hui assez bien circonscrits. Les facteurs de risques psycho-sociaux sont le stress, mais aussi le harcèlement moral ou sexuel, la violence interne ou externe, les traumatismes après agression.

De quelles données dispose-t-on ?

Parmi les enquêtes fournissant des données intéressantes sur l’exposition aux RPS en France, citons :

� L’Enquête Conditions de Travail (ECT)27, lancée en 1978 par la DARES (la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques qui dépend du ministère du travail, de l’emploi et de la santé et du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie), puis reconduite en 1984, 1991, 1998, 2005 et 2012. Cette enquête mesure les conditions de travail telles qu’elles sont perçues par les salariés (et depuis peu par les non-salariés). Cette enquête, qui n’a lieu que tous les 7 ans, s’inspire des deux modèles de stress les plus répandus, les modèles de KARAZEK et de SIEGRIST (voir ci-dessus) ;

� L’enquête Santé et itinéraire professionnel (SIP)28, lancée fin 2006 et renouvelée en 2010, témoigne d’une prise en compte grandissante des RPS dans les enquêtes sur les conditions de travail. Il s’agit d’un questionnement rétrospectif qui vise à repérer les prin-cipaux changements de l’état de santé au regard des situations de travail décrites dans leurs durées et leurs discontinuités. Pour chacun des emplois occupés par la personne enquêtée au cours de sa vie professionnelle, on retrouve de nombreuses modalités correspondant à des dimensions propres aux RPS ;

� L’enquête Surveillance médicale des risques (SUMER)29 est le seul outil statistique disponible en France qui fournit une mesure de l’exposition au stress professionnel basée sur un modèle de référence, le modèle KARAZEK qui permet de produire une mesure du « job strain ». C’est une enquête transversale qui fournit une évaluation des expositions professionnelles des salariés. Les données sont recueillies par le médecin du travail. L’enquête Sumer 2009-2010 a été élargie à titre expérimental à certains secteurs de la Fonction publique. Elle présente une mesure plus complète des facteurs de RPS en intégrant la reconnaissance au travail (partie du questionnaire de SIEGRIST). Les premiers résultats ont été publiés fin 2011 ;

� L’enquête Changements Organisationnels et Informatisation (COI)30. Coordonnée par le Centre d’études de l’emploi, il s’agit d’une enquête couplée employeurs/salariés qui fournit une image des changements organisationnels liés à l’informatisation. Elle a été menée en 2003 et 2006.

� A noter aussi l’Enquête sur la qualité de vie réalisée par l’INSEE31 sur la base notam-ment des indicateurs de qualité de vie retenus par le rapport STIGLITZ : conditions de vie matérielles, santé, éducation, gouvernance et droits des individus, loisirs et contacts sociaux, environnement et cadre de vie, sécurité économique et physique et c’est une première, en 2011, les risques psychosociaux au travail. Sur ce sujet, l’enquête montre que les RPS vont de pair avec un moindre sentiment de bien-être.

27) http://travail-emploi.gouv.fr/etudes-recherches-statistiques-de,76/statistiques,78/

conditions-de-travail-et-sante,80/les-enquetes-conditions-de-travail,2000/

28) http://travail-emploi.gouv.fr/etudes-recherches-statistiques-de,76/

etudes-et-recherches,77/manifestations-et-colloques-de-la,99/manifestations-et-

colloques-passes,688/2012-sante-et-itineraire,14420.html

29) http://travail-emploi.gouv.fr/etudes-recherches-statistiques-de,76/statistiques,78/

conditions-de-travail-et-sante,80/les-enquetes-surveillance-medicale,1999/l-enquete-

sumer-2010,15981.html

30) http://www.enquetecoi.net/

31) « L’enquête aborde pour la première fois en France la question des risques psychosociaux au travail. Pour les personnes en emploi, il s’agit de

prendre en compte une dimension supplémentaire ayant trait à leur qualité de vie au travail. À cet

égard, les risques psychosociaux au travail vont de pair avec un moindre sentiment de bien-

être, et il apparaît que le mal-être au travail ne se substitue pas au mal-être émotionnel de la vie courante, mais peut au contraire venir s’y

ajouter. » http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1428#inter3

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22 - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - Institut du Leadership - BPI group

En complément à ces enquêtes, de nombreuses études et recherches sont consacrées à ces sujets de stress, de RPS ou de qualité de vie au travail. Elles sont le fait notamment de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT), créée en 1973, sous la tutelle du ministère du travail, dont « la vocation est d’améliorer à la fois la situation des salariés et l’efficacité des entreprises, et de favoriser l’appropriation des méthodes corres-pondantes par tous les acteurs concernés. Le réseau de l’ANACT et des ARACT (Agences régionales pour l’amélioration des conditions de travail) encourage les entreprises à placer le travail au même niveau que les autres déterminants économiques (produits, marchés, technologies…) et privilégie la participation de tous les acteurs de l’entreprise (direction, encadrement, salariés) aux projets de développement.32»

Les salariés français dénoncent une dégradation de la qualité de vie au travail Le constat établi par les salariés français en matière de qualité de vie au travail est aujourd’hui assez sombre : en effet, dans l’enquête réalisée par TNS Sofres pour l’ANACT, les 1 000 salariés actifs et occupés interrogés donnent à leur qualité de vie au travail la note moyenne de 6.1 sur 10, plus d’un sur cinq optant pour une note inférieure à la moyenne. Outre cette note passable, 68 % estiment que la qualité de vie au travail des Français s’est dégradée au cours des cinq dernières années, près d’un sur deux (48 %) considérant également que sa propre qualité de vie au travail s’est détériorée depuis le début de son exercice professionnel.

Ce sentiment est particulièrement répandu parmi les salariés du secteur public et les professions intermédiaires, ainsi que parmi les personnes travaillant au sein d’une grande entreprise et les salariés âgés de 35 à 49 ans.

Une large frange de la population active, et particulièrement au sein des « classes moyennes » et des tranches d’âge intermédiaire, indique ainsi être touchée par une détérioration notable des conditions de travail.

Celle-ci est principalement imputée au contexte de crise économique entraînant une plus grande pression sur les salariés dans un contexte d’insécurité accrue et de rigueur salariale.

Étude 2013 pour l’ANACT 33

Une réalité appréhendée d’abord au plan européen

Dès 1975, l’Europe s’est dotée d’institutions visant à mesurer et prévenir les RPS. La Fondation de Dublin, ou Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail34, est créée en vue de contribuer à la planification et à la mise en place de meil-leures conditions de vie et de travail en Europe. En 1996, l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA)35, plus spécialisée sur les sujets de la santé et de la sécurité au travail, est créée à Bilbao, en Espagne. L’EU-OSHA réunit des représentants de la Commission européenne, des gouvernements des États membres, des organisations d’employeurs et de travailleurs, ainsi que des experts. Sa mission est de contribuer à faire de l’Europe un lieu de travail plus sûr, plus sain et plus productif. L’Agence mène des activités de recherche et de développement, diffuse des informations fiables, vérifiées et impartiales en matière de sécurité et de santé, et organise des campagnes de sensibilisation.

32) http://www.anact.fr/

33) Etude réalisée online du 7 au 17 mai 2013 auprès d’un échantillon de 1 001 salariés actifs

et occupés de 18 ans et plus, issu du panel TNS Sofres. Y accéder : http://www.anact.fr/web/

actualite/essentiel?p_thingIdToShow=33555605

34) http://www.eurofound.europa.eu/about/index_fr.htm

35) https://osha.europa.eu/fr/about

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Institut du Leadership - BPI group - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - 23

Résultats du sondage d’opinion paneuropéen sur la santé et la sécurité dans le cadre professionnel mené par l’EU-OSHAEnviron la moitié des travailleurs européens (51 %) estiment que le stress lié au travail est courant sur leur lieu de travail, voire très courant, pour 16 % d’entre eux.

Les femmes semblent plus enclines que les hommes à considérer ce phénomène comme étant commun (54 % contre 49 %), tout comme le sont les travailleurs de 18 à 54 ans (53 %) par rapport à ceux de 55 ans et plus (44 %).

La perception du stress lié au travail varie en fonction du secteur, les professionnels de la santé et des soins étant les plus nombreux à considérer que ce problème est courant (61 %, dont 21 % le jugeant comme « très courant»).

La cause la plus courante de stress lié au travail en Europe semble être l’insécurité de l’emploi et les restructurations (72 %), suivie par les horaires ou la charge de travail (66 %).

Six travailleurs sur dix (59 %) perçoivent les comportements inacceptables, tels que le harcèlement ou l’agressivité, comme une cause courante de stress lié au travail. Plus rares sont les travailleurs qui perçoivent le manque de soutien des collègues ou supérieurs hiérarchiques (57 %), le manque de clarté des rôles et responsabilités (52 %) ou le manque de possibilité de gérer les rythmes de travail (46 %) comme causes courantes de stress lié au travail.

Le stress lié au travail est l’un des principaux défis en matière de santé et de sécurité que doit relever l’Europe et représente un coût immense en termes de souffrance humaine et de performances économiques. Le sondage montre que la grande majorité des Européens (86 %) estiment que le respect de bonnes pratiques en matière de santé et de sécurité au travail est nécessaire pour garantir la compétitivité économique d’un pays. Mais seuls 41 % des travailleurs européens estiment que ce problème n’est pas correctement pris en charge sur leur lieu de travail, voire pas pris en charge du tout, selon 15 % d’entre eux.

Source EU-OSHA 36

Une approche physiologique du stress au travail

Selon Hans SELYE37, « Le stress est la réaction de l’organisme face aux modifications, exigences, contraintes ou menaces de son environnement en vue de s’y adapter ». Face à une situation stressante, le « syndrome général d’adaptation » fait que l’organisme traverse trois phases successives : un état d’alarme, puis de résistance et enfin d’épuisement.

Réaction d’alarme. Dès la confrontation à une situation évaluée comme stressante, des hormones sont libérées par l’organisme. Ces hormones ont pour effet d’augmenter la fréquence cardiaque, la tension artérielle, les niveaux de vigilance, la température corporelle et de provoquer une vasodilatation des vaisseaux des muscles. Toutes ces modifications ont pour but de préparer l’organisme à réagir.

Résistance. Après l’alarme, un second axe neuro-hormonal est activé, préparant l’organisme aux dépenses énergétiques que nécessitera la réponse au stress. De nouvelles hormones, les glucocorticoïdes, sont sécrétées : elles augmentent le taux de sucre dans le sang pour apporter l’énergie nécessaire aux muscles, au cœur et au cerveau.

Épuisement (ou burn-out). Si la situation stressante se prolonge encore ou s’intensifie, les capacités de l’organisme peuvent être débordées : c’est l’état de stress chronique. Pour faire face à la situation, l’organisme produit toujours plus d’hormones. Le système de régulation devient inefficient. L’organisme, submergé d’hormones, est en permanence activé. Il s’épuise.

36) Sondage d’opinion sur la sécurité et la santé au travail menée auprès de travailleurs à temps

plein, à temps partiel ou indépendants par Ipsos MORI qui a réalisé des sondages dans 31 pays européens (les 27 États membres actuels ainsi que l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse) et mené un total de 16 622 interviews

entre le 23 novembre 2012 et le 5 février 2013.

37) Hans SELYE (1907-1982), pionnier des études sur le stress, est le fondateur et le directeur de

l’Institut de médecine et chirurgie expérimentale de l’Université de Montréal.

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24 - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - Institut du Leadership - BPI group

Deux modèles d’analyse

Deux modèles théoriques sont couramment utilisés dans l’analyse des facteurs de risques psychosociaux : les modèles mis au point par deux chercheurs Robert KARAZEK38 et Johannes SIEGRIST39. Les apports de ces deux chercheurs sont notamment repris sous forme de questionnaire dans le cadre des diagnostics sur les RPS pour mesurer l’effet des facteurs psychosociaux de l’environnement de travail sur la santé des travailleurs : il s’agit des modèles KARAZEK et SIEGRIST.

Le modèle de KARAZEK (appelé Job strain model en anglais) est le plus utilisé pour mesurer les contraintes psychosociales au travail. Il a deux principales composantes : la demande psychologique qui porte sur la charge de travail, les exigences intellectuelles et les contraintes de temps ; la latitude décisionnelle qui combine le développement des compétences et l’autorité décisionnelle. Le modèle part du postulat qu’une demande psychologique élevée, une faible latitude décisionnelle ou, à plus forte raison, la combinaison des deux, constituent des facteurs de risque pour la santé des travailleurs. Le soutien social est une troisième composante qui s’évalue en mesurant l’aide apportée par les collègues de travail et/ou supé-rieurs hiérarchiques ainsi que la coopération au travail. Cette composante peut atténuer – ou renforcer – le déséquilibre.

Le modèle de SIEGRIST repose sur le principe de réciprocité des efforts et de la recon-naissance, ce qui signifie que les efforts fournis devraient être récompensés selon des modalités socialement définies (argent, estime, promotion, sécurité de l’emploi). Le modèle part du postulat qu’il y a un risque pour la santé du travailleur lorsque les efforts fournis sont plus élevés que la reconnaissance reçue. Ce modèle a l’avantage d’inclure une dimension individuelle dans l’évaluation des contraintes psychosociales au travail. Cependant, parce qu’il évalue la réciprocité des échanges uniquement dans un contexte formel (tel que le contrat de travail), le modèle ne permet pas de mesurer les effets de certaines contraintes psychosociales telles que le climat des relations managériales ou interpersonnelles au travail.

38) Robert KARAZEK, sociologue, est professeur à l’Université du Massachusetts Lowell

(Department of Work Environment) et à celle de Copenhague (Department of Psychology).

39) Johannes SIEGRIST est professeur de sociologie médicale à la Faculté de Médecine de l’Université de Düsseldorf et Directeur de l’Ecole

de Santé Publique de l’Université.

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Institut du Leadership - BPI group - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - 25

Les six familles de facteurs de RPS au travail

1L’intensité du travail et le temps de travail

La mesure de l’intensité du travail et du temps de travail englobe les notions de « demande psychologique » et « d’effort». L’intensité et la complexité du travail dépendent des contraintes de rythme, de l’existence d’objectifs irréalistes ou flous, des exigences de polyvalence, des responsabilités, d’éventuelles instructions contradictoires, des interruptions d’activités non préparées et de l’exigence de compétences élevées. Le temps de travail influe sur la santé et le bien- être par sa durée et son organisation.

2Les exigences émotionnelles

Elles sont liées à la nécessité de maîtriser et façonner ses propres émotions, afin notamment de maîtriser et façonner celles ressenties par les personnes avec qui on interagit lors du travail. Devoir cacher ses émotions est également exigeant.

3Le manque d’autonomie

L’autonomie au travail désigne la possibilité pour le travailleur d’être acteur dans son travail, dans sa participation à la production de richesses et dans la conduite de sa vie professionnelle. Comme la « latitude décisionnelle » du questionnaire de Karasek, elle inclut non seulement les marges de manœuvre, mais aussi la participation aux décisions ainsi que l’utilisation et le développement des compétences. La notion d’autonomie comprend l’idée de se développer au travail et d’y prendre du plaisir.

4La mauvaise qualité des rapports sociaux au travail

Les rapports sociaux au travail sont les rapports entre travailleurs ainsi que ceux entre le travailleur et l’organisation qui l’emploie. Les rapports sociaux à prendre en compte comprennent les relations avec les collègues, les relations avec la hiérarchie, la rémunération, les perspectives de carrière, l’adéquation de la tâche à la personne, les procédures d’évaluation du travail, l’attention portée au bien-être des travailleurs. Les pathologies des rapports sociaux comme le harcèlement moral, doivent être prises en compte.

5La souffrance éthique

Une souffrance éthique est ressentie par une personne à qui l’on demande d’agir en opposition avec ses valeurs professionnelles, sociales ou personnelles. Le conflit de valeurs peut venir de ce que le but du travail ou ses effets secondaires heurtent les convictions du travailleur, ou bien du fait qu’il doit travailler d’une façon non conforme à sa conscience professionnelle.

6L’insécurité de la situation de travail

L’insécurité de la situation de travail comprend l’insécurité socio-économique et le risque de changement non maîtrisé de la tâche et des conditions de travail. L’insécurité socio-économique peut provenir du risque de perdre son emploi, du risque de voir baisser le revenu qu’on en tire ou du risque de ne pas bénéficier d’un déroulement « normal » de sa carrière. Des conditions de travail non soutenables sont aussi génératrices d’insécurité. Des incertitudes susceptibles de créer une insécurité peuvent aussi porter sur l’avenir du métier ou l’évolution des conditions de travail. De telles craintes peuvent être motivées par l’expérience de changements incessants ou incompréhensibles.

Source INRS40

40) Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et

des maladies professionnelles http://www.travailler-mieux.gouv.fr/Mesurer-les-

facteurs-psychosociaux.html

Page 26: Dossier Institut du Leadership - Qualite de Vie au Travail

26 - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - Institut du Leadership - BPI group

Stress fonctionnel et stress pathologique

Selon l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA), le stress « survient lorsqu’il y a un déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes imposées par son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face ».

Le stress à court terme, engendré par exemple par l’obligation de respecter un délai, ne consti-tue pas un problème en soi, il peut en effet stimuler chacun à donner le meilleur de lui-même. En revanche, le stress devient un risque pour la santé et la sécurité lorsqu’il est éprouvé dans la durée. Il peut se traduire alors pour l’organisation par de l’absentéisme, un taux élevé de rotation du personnel, un médiocre respect des horaires, des problèmes de discipline, de harcèlement, de diminution de la productivité, d’accidents, d’erreurs et d’augmentation des coûts d’indemnisation et des soins de santé. En ce qui concerne l’individu, le stress peut donner lieu à des réactions émotionnelles (irritabilité, anxiété, insomnies, dépression, hypochondrie, aliénation, syndrome d’épuisement professionnel, problèmes familiaux) ; des réactions cognitives (difficultés de concentration, problèmes de mémoire, d’apprentissage et de prise de décision) ; des réactions comportementales (abus de drogue, d’alcool, de tabac; comportement destructeur) ou encore des réactions physiologiques (problèmes de dos, immunité affaiblie, ulcères gastroduodénaux, problèmes cardiaques, hypertension).

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Institut du Leadership - BPI group - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - 27

Harcèlement moral

Le harcèlement moral se manifeste par « des agissements répétés, qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.41 ».

Le harcèlement selon l’Agence européenne pour la santé et la sécurité au travail« Le harcèlement (aussi connu sous le nom d’intimidation, de mobbing ou de violence psychologique) fait référence à un comportement abusif, répété, dirigé à l’encontre d’un salarié ou d’un groupe de salariés et consistant à traiter injustement, à humilier, à fragiliser ou à menacer la personne harcelée. Le harcèlement, qui émane généralement de l’intérieur de l’organisation, peut se manifester sous la forme d’attaques aussi bien verbales que physiques ou par des actes plus subtils tels que des manœuvres visant à isoler la personne dans la structure sociale. Le statut d’une personne, ses compétences professionnelles, sa vie privée, ses caractéristiques physiques, son origine ethnique, son genre ou ses préférences sexuelles peuvent donner lieu à du harcèlement.

Il s’agit d’un problème important sur le marché du travail européen, qui s’assortit de coûts considérables pour les travailleurs et les organisations. Tout membre d’une organisation est susceptible de subir un harcèlement. Il ressort des sondages que 5 % des travailleurs en Europe ont indiqué être victimes de harcèlement / d’intimidation (en 2005). Dans certains pays de l’Union européenne, pas moins de 10 à 17 % des travailleurs ont fait état de ce problème.

Le harcèlement au travail engendre un stress considérable pour les victimes et leurs collègues, familles et amis. Dans certains cas, les individus sont incapables de se comporter normalement dans le cadre professionnel et dans la vie de tous les jours. Le harcèlement peut avoir pour conséquence des stress post-traumatiques, une perte d’estime de soi, de l’anxiété, la dépression, l’apathie, l’irritabilité, des troubles de la mémoire, du sommeil ou de l’appareil digestif, voire conduire au suicide. Les symptômes peuvent persister plusieurs années après le harcèlement.

Sur le plan organisationnel, le harcèlement peut entraîner un absentéisme accru et un taux élevé de rotation du personnel et réduire l’efficacité et la productivité. Les préjudices juridiques causés par le harcèlement peuvent également être considérables. Il est important de prendre des mesures à un stade précoce pour prévenir le harcèlement. Il convient d’effectuer en premier lieu une évaluation du risque, afin de définir les mesures appropriées. Ces mesures peuvent être la formulation d’une politique de lutte contre le harcèlement, la mise en place d’un arbitrage du conflit et d’une formation à l’exercice du pouvoir, le réaménagement de l’environnement professionnel et le soutien des victimes en cas de harcèlement (par exemple sous la forme d’une assistance psychosociale et de réparations).

Les facteurs garantissant la réussite de la lutte contre le harcèlement sont les suivants :

• l’engagement des employeurs et des salariés à promouvoir un environnement professionnel exempt de toute violence ;

• la définition précise des actes qui ne peuvent être tolérés ;

• l’information sur les conséquences du harcèlement et sur les sanctions auxquelles il donne lieu ;

• l’information sur les services/personnes pouvant fournir une assistance et sur leurs modalités d’intervention ;

• la garantie pour les victimes d’être entendues sans représailles ;

• l’information sur la procédure à suivre pour déposer une plainte ;

• l’information sur les possibilités d’entrer en contact avec les services d’assistance psychosociale et de soutien ;

• la garantie de la confidentialité. »Source : EU-OSHA42

41) Circulaire DGT 2012-14 du 12 novembre 2012 relative au harcèlement

42) https://osha.europa.eu/fr/topics/stress/index_html/harassment

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28 - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - Institut du Leadership - BPI group

L’expression de « risques psychosociaux » renvoie à des contextes de travail et de risques plus variés tels que la surcharge de travail, des contraintes excessives de temps mais aussi la perte de repères, la difficulté à trouver du sens au travail, le conflit de valeurs. Elle rappelle surtout que la santé psychique n’est pas seulement une dynamique individuelle, mais qu’elle se construit dans la relation aux autres : par la reconnaissance, la possibilité d’échanges et de coopération dans le travail, avec le soutien des collègues et de la hiérarchie.

Selon le ministère du travail, les risques psychosociaux (RPS) « recouvrent des risques profes-sionnels d’origine et de nature variées qui mettent en jeu l’intégrité physique et la santé mentale des salariés et ont, par conséquent, un impact sur le bon fonctionnement des entreprises. »

Les RPS sont couramment définis par leurs composantes : stress, harcèlement sexuel et moral (définis dans le Code du travail et le Code pénal), souffrance et mal-être au travail, burn-out et épuisement professionnel (concepts sans définition légale), violences internes et externes.

Selon le Collège d’expertise sur le suivi des RPS au travail, créé en 2008 et dirigé par Michel GOLLAC, « les RPS au travail figurent plutôt initialement dans le vocabulaire patronal (…) L’expression met en cause un environnement à risques plutôt qu’une personne ou une fonction déterminée, ce qui fait qu’elle se prête moins à l’imputation de responsabilité. » Au contraire, le vocable de souffrance au travail appartient plutôt au registre syndical. Selon M. GOLLAC, le terme de souffrance au travail « est du ressort de la psychodynamique du travail, qui fait remonter la cause de la souffrance psychique à l’organisation du travail, et notamment au décalage travail prescrit-travail réel, non pris en compte par les directions d’entreprise. (...)43».

Ce qui est en jeu dans ces distinctions va au-delà d’un glissement terminologique. Soit, on se place sur le plan de la psychologie et on traite de la souffrance d’un individu, soit on se place sur le plan organisationnel et l’on s’attache à agir sur l’organisation dans laquelle l’individu se trouve.

Les 3 types de préventionPrévention primaire Prévention secondaire Prévention tertiaire

Réduire les sources de stress Aider les personnes à faire face au stress Prendre en charge les personnes affectées par le stress

Principe : agir directement sur les causes ou les sources de stress présentes pour les réduire ou les éliminer.

Principe : aider les individus à développer des connaissances et des habiletés pour mieux reconnaître et gérer leur réaction face au stress.

Principe : traiter les individus souffrant. Réhabiliter, permettre le retour pour les individus ayant souffert d’un problème de santé au travail.

43) http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/114000201/0000.pdf

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Institut du Leadership - BPI group - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - 29

Qualité de vie au travail

La notion de qualité de vie au travail est relativement récente. Elle a été lancée en 2003 par l’ANACT qui instaure alors la semaine de la Qualité de vie au travail, dont la 10e édition vient d’être organisée44. Avant 2003, il était d’usage de parler de souffrance au travail, de stress, de harcèlement, de risques psychosociaux. Il s’agissait de définir et surtout de prévenir un mal et ses conséquences dramatiques comme les suicides au travail. Au fil des années, les débats et les prises de position ont amené les acteurs à poser un regard nouveau sur le sujet. Les entreprises prennent conscience de l’importance des impacts des RPS sur leur compétitivité – le mal travailler a un coût – mais également sur leur organisation et leur management – comment motiver les salariés et répondre à leurs besoins d’accomplissement professionnel, comment attirer et retenir les talents et notamment les jeunes générations en attente de sens, comment favoriser leur engagement professionnel ? Il a semblé alors réduc-teur de ne s’emparer que des sujets de RPS et qu’est apparu le concept de qualité de vie au travail auquel sont associés le bien-être des salariés mais aussi l’efficacité des entreprises.

C’est en 2010 en effet que paraît le rapport commandé par François FILLON, premier ministre, à Henri LACHMANN, Christian LAROSE, Muriel PENICAUD, « Rapport sur le bien-être et l’efficacité au travail – 10 propositions pour améliorer la santé psychologique au travail ». Ce rapport fait encore référence. C’est le premier qui aborde le sujet sous un angle positif : « bien-être, efficacité » et qui le relie à la performance des entreprises.

A ne traiter que la qualité de vie au travail, certaines entreprises ont pu se focaliser sur l’amélioration des conditions de travail – de la vie au travail – au détriment des raisons qui font que ces conditions se dégradent. Ainsi de nouveaux services censés augmenter la qualité de vie au travail sont apparus récemment. Présentés comme très modernes, ils rappellent ironiquement le modèle des entreprises paternalistes de la fin du XIXe ou début du XXe siècle. On propose ou on réinvente des conciergeries, des crèches d’entreprise, des salles de sport, des séances de massage ou la possibilité de faire une sieste sur le lieu de travail. Les salariés ne sont pas dupes, à en croire l’enquête menée par l’ANACT à l’occasion de la 10e semaine de la qualité de vie au travail, pour eux, la qualité de vie au travail est tout sauf un gadget.

La qualité de vie au travail est tout sauf un gadget !Interrogés sur les mots qui caractérisent le mieux la qualité de vie au travail, les salariés choisissent des termes très positifs. Ce n’est ni « une illusion » (2 % de citations seulement), ni « un gadget » (1 %), pas plus qu’« une formule de communication, de publicitaire ». Au contraire, la qualité de vie au travail recouvre un grand nombre de dimensions, ayant toutes trait à des enjeux de fond, notamment ceux qui sont de l’ordre des fondamentaux de la satisfaction professionnelle (l’intérêt du travail, la reconnaissance des salariés, l’environnement physique de travail, l’ambiance entre collègues, l’organisation du travail et le management). Illustration en chiffres :

• 87 % des salariés estiment que l’intérêt du travail est lié à la qualité de vie au travail,

• 84 % des salariés lient la qualité de vie au travail à la reconnaissance - symbolique mais aussi financière.

Et enfin, la qualité de vie au travail est de l’ordre du « gagnant-gagnant » : 87 % des salariés estiment qu’une bonne qualité de vie au travail profite à la fois aux salariés et aux entreprises.

Étude 2013 pour l’ANACT45

44) http://www.qualitedevieautravail.org

45) Etude réalisée online du 7 au 17 mai 2013 auprès d’un échantillon de 1 001 salariés actifs

et occupés de 18 ans et plus, issu du panel TNS Sofres. http://www.anact.fr/web/actualite/

essentiel?p_thingIdToShow=33555605

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30 - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - Institut du Leadership - BPI group

Qualité de vie au travail : quelques méthodes et référentiels reconnusVoici une sélection46 de référentiels qui, partout dans le monde dirigent, guident ou récompensent les bonnes pratiques.

Nom / date Auteur Domaine Description

ILO-OSH-2001 OIT (Organisation Internationale du Travail)

Cadre normatif pour la Santé et Sécurité au travail

Principes directeurs concernant les systèmes de gestion de la sécurité et de la santé au travail, compatibles avec les autres normes existantes. Référentiel de l’OIT validé par l’Etat et les partenaires sociaux au niveau international.

IIP (Investor In People) - 1990

Investor in People - UK

RH Management Référentiel international d’origine britannique, conçu dans les années 90 pour la certification du management des ressources humaines. Outil de progrès qui fournit un cadre de travail destiné à améliorer la performance par le biais de l’amélioration des compétences. Près de 30.000 entreprises sont certifiées.

Great Place to Work - 2002

En France depuis 2009

Great Place to Work Institute

RH Management Récompense les entreprises candidates qui ont mis en place des pratiques managériales vertueuses. Great Place to Work mesure avec précision les comportements et l’environnement des entreprises dans 45 pays au moyen de 58 paramètres spécifiques.

DIN SPEC 91020 - 2012

DIN (Deutsche Industrie Norm)

Spécification pour les systèmes de management au travail

Certificat qui s’applique pour l’instant seulement en Allemagne et qui respecte la structure de l’ISO 9001 : 2008. Intègre la dimension management de la Santé au Travail.

Friendly Work Space - 2009

Promotion Santé Suisse, entreprises et autres parties prenantes de la santé au travail en Suisse

Démarche et label pour la Gestion de la Santé en Entreprise (Santé, Sécurité et Qualité de Vie au Travail)

Le label Friendly Work Space permet d’attester les progrès en matière de gestion de la santé et la qualité de vie au travail en mesurant 26 critères. Il utilise des fondements issus du mouvement Européen ENWHP (European Network for Work Health Promotion) et une démarche qui s’apparente à l’EFQM (European Foundation for Quality Management).

Entreprise en Santé - 2008

BNQ (Bureau de Normalisation du Québec)

Démarche normative pour promouvoir la Santé et la Qualité de Vie au Travail

Propose des méthodes et outils qui ont fait leurs preuves au Canada pour promouvoir la santé et la qualité de vie au travail. La démarche ouvre les habitudes de vie, l’équilibre vie professionnelle - vie personnelle, l’environnement de travail et les pratiques de management. La certification peut être obtenue en respectant une quarantaine de critères.

IBET

Indice de

bien-être

au travail

Mozart Consulting RH Management Référentiel statistique socioéconomique de la qualité organisationnelle du travail, source de santé économique, individuelle et collective, l’IBET est un indice socio-économique variant de 0 à 1 pour sa valeur maximum, traduisant la meilleure performance socio-organisationnelle. Pour ses concepteurs, le bien-être au travail socio-organisationnel, signe de l’engagement des salariés, se situe a un IBET ≥ 0,85.

46) D’après Opteama Consulting, juin 2013

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Institut du Leadership - BPI group - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - 31

Qualité du travail

Dans l’objectif de traiter le sujet en profondeur et en identifiant ses causes primaires, certains mettent sur la table plutôt que la qualité de vie au travail la notion de qualité du travail. C’est la thèse développée par Yves CLOT, titulaire de la chaire de psychologie du travail au CNAM, dans son ouvrage, Le travail à cœur, pour en finir avec les risques psychosociaux47rédigé après les suicides chez France Telecom. Selon CLOT, c’est le travail lui-même qui est malade et qu’il convient de soigner. Plutôt que de chercher à soigner directement les acteurs – et les risques qu’ils encourent, il faut soigner les organisations et le travail. Plutôt que de se lancer dans une démarche « hygiéniste » de prévention et de prise en charge des RPS, il faut mettre en débat – CLOT parle de controverse – la qualité du travail, ce qu’est le travail bien fait et comment l’obtenir. Selon le chercheur, ne pas vouloir s’engager dans ce débat sur la qualité du travail empêche les organisations de coordonner les acteurs et entraîne une dégradation de leur santé. Car c’est l’écart perçu par les travailleurs entre ce qu’ils devraient faire et ce qu’on leur demande d’accomplir qui produit des déséquilibres. Selon CLOT, il s’agit de « transfor-mer la souffrance au travail en énergie vitale pour agir, et de laisser le pouvoir d’agir sur leur santé et leur travail aux salariés via la prise d’initiative et la coopération. » Il faut inventer une idée neuve du collectif, retrouver la logique du métier qui a été supplantée par la logique des compétences. Le métier se réfère au professionnalisme, au travail bien fait. C’est ce travail bien fait qui est respectable et grâce auquel le salarié se sentira respecté.

47) La Découverte 2010. Voir fiche de lectude en annexe 3

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32 - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - Institut du Leadership - BPI group

Les obligations de l’employeur : garantir la sécurité et la santé physique et mentale des salariés

La loi définit une obligation générale de sécurité qui incombe au chef d’établissement quel qu’il soit, appartenant au secteur privé ou public (article L. 4121-1 du Code du travail). Il lui revient d’évaluer les risques, y compris psychosociaux, et de prendre les mesures nécessaires pour assurer et protéger la santé physique et mentale ainsi que la sécurité de ses salariés. Cette obligation générale repose sur une approche globale de la prévention des risques professionnels. Il s’agit non seulement de rechercher la conformité à des obliga-tions précises mais encore d’obtenir le résultat attendu : garantir la sécurité aussi bien que la santé physique et, depuis le 17 janvier 2002, mentale des salariés.

L’employeur ne doit pas sous-estimer sa responsabilité en la matière. Didier LOMBARD, ancien président directeur général de France Telecom, a ainsi été mis en examen, en juillet 2012, pour harcèlement moral, après le suicide d’une trentaine de salariés de l’entreprise au cours des années 2008 et 2009. De même, Renault a été condamné pour « faute inexcusable» par la cour d’appel de Versailles, le 19 mai 2011, à la suite du suicide d’un de ses salariés, ingénieur en informatique au Technocentre de Guyancourt (Yvelines).

La réglementation impose à l’employeur d’évaluer les risques d’atteinte à la santé physique et mentale de ses salariés et de mettre en place des mesures de prévention adaptées.

Cette évaluation des risques est retranscrite dans un document unique qui liste également les solutions à mettre en œuvre. Plus qu’un simple inventaire, ce document obligatoire est un outil essentiel pour lancer une démarche de prévention dans l’entreprise et la pérenniser. Ce document doit être mis à jour au minimum chaque année. Le document unique est une obligation pour toutes les entreprises depuis 2001.

Une fois rédigé, le document unique est mis à disposition des acteurs suivants :

� les représentants du personnel à travers le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT),

� le médecin du travail,

� l’inspecteur du travail,

� les ingénieurs conseils ou contrôleurs de sécurité des Caisses d’Assurance Retraite et de la Santé au Travail sur simple demande.

Depuis fin 2008, l’employeur doit rendre ce document accessible aux travailleurs et placer une affiche sur le lieu de travail pour indiquer où il est possible de le consulter.

Pour organiser la prévention du stress en entreprise, le chef d’entreprise peut s’appuyer sur les principes généraux de prévention. Parmi ces principes (article L. 4121-2 du Code du travail), figure notamment la nécessité de :

� Combattre les risques à la source et d’adapter le travail à l’homme, ce qui implique ici d’intervenir le plus en amont possible pour prévenir les risques psychosociaux - conception des postes de travail adaptés, choix des méthodes de travail et de production, en vue par exemple de limiter le travail monotone et le travail cadencé, le manque de soutien, les surcharges de travail…

� Planifier la prévention en y intégrant dans un ensemble cohérent la technique, l’organi-sation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants.

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Institut du Leadership - BPI group - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - 33

Le développement de la qualité de vie au travail ne peut être abordé sous le seul angle norma-tif. Il s’agit de ré-impulser une dynamique dans l’entreprise en faveur de la qualité de vie au travail qui dépend elle-même de la qualité de l’organisation du travail et du management.

Le rôle du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT)

La mission du CHSCT est de (article L4612-1 du code du travail) :

1. contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs de l’établissement et de ceux mis à sa disposition par une entreprise exté-rieure ;

2. contribuer à l’amélioration des conditions de travail, notamment en vue de faciliter l’ac-cès des femmes à tous les emplois et de répondre aux problèmes liés à la maternité ;

3. veiller à l’observation des dispositions légales prises en ces matières.

Chaque année l’employeur présente au CHSCT (article L4612-16 du code du travail) :

1. un rapport annuel écrit faisant le bilan de la situation générale de la santé, de la sécurité et des conditions de travail dans son établissement et des actions menées au cours de l’année écoulée. Le travail de nuit doit être traité spécifiquement ;

2. un programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail fixant la liste détaillée des mesures devant être prises au cours de l’année à venir. Pour chacune de ces mesures, les conditions d’exécution et l’estimation du coût sont indiquées.

Ces rapport et programme annuels sont soumis au CHSCT pour avis. Celui-ci peut proposer un ordre de priorité et l’adoption de mesures supplémentaires.

Page 34: Dossier Institut du Leadership - Qualite de Vie au Travail

TRIBUNE Quels acteurs pour la qualité de vie au travail ?

Gérard BARDIER Consultant BPI group

Juin 2013L’objectif des quatre organisations syndicales (hors FO), parties prenantes de la négociation interprofessionnelle sur la qualité de vie au travail, qui avaient fait front commun autour d’un « socle commun de négociation48 », était que « qualité, contenu et sens du travail soient pris en compte dans les décisions des directoires des entreprises et au niveau d’un dialogue social impliquant les IRP ».

Ce thème de la qualité de vie au travail au sens strict (c’est-à-dire sans celui de l’égalité professionnelle qui faisait aussi partie de la discussion interprofessionnelle), semble en effet une nouvelle manière d’aborder la même question que les risques psychosociaux.

Partir de la notion de risque, c’est se trouver par construction dans une évaluation négative, la seule perspective étant de s’approcher du risque nul. La notion de qualité de vie au travail est plus positive et ne pose pas par construction de limite aux progrès réalisés. Elle est donc probablement plus acceptable pour les employeurs que l’approche par les RPS. Mais ceux-ci ont également un intérêt objectif à améliorer la qualité de vie au travail de leurs salariés, s’ils veulent les mobiliser et les fidéliser.

Pour que les solutions mises en place dans le but de faire progresser la qualité de vie au travail soient pérennes, il semble indispensable que celle-ci ne soit pas traitée comme un sujet à part, mais prise en compte dans les réflexions organisationnelles, au même titre que les enjeux de qualité pour le client ou de performance pour l’actionnaire. C’est grâce à ce type d’intégration que des progrès durables dans le domaine des conditions physiques de travail ont été obtenus dans les années 80 par les promoteurs des démarches socio techniques et socio organisationnelles.

Cependant ce décloisonnement des questions de qualité de vie au travail et des autres enjeux de l’entreprise ne sera atteint que si le sujet n’est pas porté par les seuls représentants du personnel, mais qu’il devient un enjeu porté aussi par les directions : tout laisse croire que ce résultat sera plus facilement atteint par l’entrée « qualité de vie au travail » que par l’entrée « risques psycho sociaux ».

On n’en est pas encore là, et il est probable que, seule une partie des employeurs, les plus sensibles aux enjeux de ressources humaines et de mobilisation des salariés, décidera de s’emparer de la question de la qualité de vie au travail. Ces employeurs peuvent, s’ils sont suffisamment nombreux, ouvrir des voies qui pourraient demain se révéler incontournables, comme l’est aujourd’hui par exemple la « démarche 5 S »49 dans l’industrie.

Le thème de la qualité de vie au travail serait alors, au moins chez ces employeurs les plus progressistes, une occasion de dialogue social.

Les partenaires sociaux devront aussi trouver le moyen de favoriser le dialogue des salariés eux-mêmes avec leur encadrement de proximité autour du travail, de son contenu et de son organisation : c’est-à-dire qu’ils devront accepter de ne pas s’accaparer ce dialogue tout en

34 - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - Institut du Leadership - BPI group

48) Socle commun de négociation signé par la CGT, CFDT, CFE-CGC, CFTC, le 22 février 2013.

Voir annexe 1

49) Technique de management visant à l’amélioration continue des tâches effectuées

dans les entreprises, élaborée dans le cadre du système de production de Toyota.

Page 35: Dossier Institut du Leadership - Qualite de Vie au Travail

étant attentifs à ce qu’il existe réellement sur le terrain et que la qualité de vie au travail n’y soit pas le parent pauvre.

Sur ce point, les organisations syndicales qui ont défini un « socle commun » ont clairement affiché leurs intentions en soulignant que « Les salariés doivent pouvoir participer au débat sur l’organisation du travail. Ils doivent pouvoir disposer d’espaces d’expression sur leur travail » et en réclamant de fournir « un appui aux managers et de redéfinir le management de proximité permettant aux salariés plus d’autonomie, de prises de responsabilités, d’initiatives, de créativité, un enrichissement de leurs compétences ».

Dans une logique de subsidiarité et de traitement des problèmes au plus près de l’action, le dialogue entre les salariés et leur encadrement traitera des questions de micro organisation, le dialogue social entre les partenaires sociaux portant sur les questions d’organisation plus globales.

Institut du Leadership - BPI group - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - 35

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36 - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - Institut du Leadership - BPI group

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Institut du Leadership - BPI group - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - 37

Le « mal travailler » a un coût Chapitre

3

Nombre de personnes concernées

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Démotivation

Mal être au travail, absentéisme

Burn Out, Suicides

Désengagement, tentation du retrait

Le stress est à l’origine d’un nombre important de maladies cardiovasculaires, de dépressions et de troubles musculo-squelettiques (TMS). Une étude de l’INRS estime que le coût du stress professionnel a représenté au minimum 2 à 3 milliards d’euros en France en 2007 (dépenses de soins, absentéisme, cessa-tions d’activité, décès prématurés). Cette estimation est bien un minimum car l’étude n’a pas pris en compte la dimension du coût du stress pour l’individu à savoir la souffrance et la perte de bien-être qui, elles, ne se mesurent pas.

En Europe, le coût annuel du stress au travail dépasserait les 20 milliards d’euros. Le stress au travail est à lui seul la cause de 30 % des arrêts maladie (Agence Européenne pour la Sécurité et la Santé au Travail, 2002).

Le BIT (Bureau International du Travail) estime que les pertes de qualité, l’absentéisme et le turnover résultant du stress représentent entre 3 et 4 % du PIB des pays industrialisés soit pour la France quelque 60 milliards d’euros. Selon le BIT, « ce stress auquel sont soumis les travailleurs est l’un des grands défis que devront relever les gouvernements, les employeurs et les syndicats au cours des années à venir ».

Ces coûts mesurés ne sont pour certains que la partie émergée de l’iceberg, car la non qualité de la vie au travail génère aussi des coûts masqués en termes de démotivation ou de désengagement.

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38 - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - Institut du Leadership - BPI group

L’évolution des représentations, la nécessité de réintroduire de la coopérationL’une des principales raisons au développement du phénomène des risques psychosociaux est liée à l’évolution des représentations que nous avons du travail et de la société. Les citoyens et les salariés que nous sommes sont davantage en demande et en besoin de sécu-rité. Le niveau attendu de tranquillité dans la société a augmenté50. Jamais, l’aversion aux risques et aux conflits n’a été aussi importante. Ce qui explique pourquoi les phénomènes de violence au travail sont d’autant plus difficiles à comprendre. Les conditions de travail évoluent de façon ambivalente : alors que les expositions aux contraintes physiques reculent ou stagnent, les risques psychosociaux n’ont jamais été aussi prégnants.

Dans certaines entreprises qui se sont enfermées dans des processus de reportings, voire d’hypercontrôle, les directions générales peuvent perdre la notion de la réalité. C’est ce que montre François DUPUY dans son ouvrage Lost in Management. La vie quotidienne des entreprises au XXIe siècle51. La tentation existe de ne remonter à sa hiérarchie que les infor-mations qu’elle a envie de connaître. Pour éviter les conflits, un jeu de dupes s’instaure qui apaise un temps mais est potentiellement générateur de stress parce que chacun va intégrer intérieurement la dégradation de la qualité du travail.

En 2011, l’Observatoire du travail52 réalisé par BVA pour BPI group et L’Express montrait que, pour 39 % des salariés interrogés, dire ce que l’on pense sur son lieu de travail ne permet pas de trouver de solution et 52 % d’entre eux estiment qu’on risque d’être mal vu quand on dit ce qu’on pense sur le lieu de travail.

Réintroduire des temps d’échanges et d’expression est d’autant plus nécessaire que l’on a assisté à une sorte de déshumanisation des relations de travail. On pourrait dire que l’ordre existait dans l’entreprise taylorienne, à la différence d’aujourd’hui, où l’entreprise semble être redevenue à un état de nature (« la jungle »), avec ce que cela implique dans les relations de travail. Si l’on parle autant de contrat social ou de pacte social, c’est parce que le lien social est abimé dans l’entreprise. Celle-ci n’est pas à l’abri des tensions sociales qui existent par ailleurs. Les segmentations sociales, culturelles, économiques, religieuses s’invitent dans l’entreprise.

Paradoxalement, si les conflits ne s’expriment pas, la violence monte. Nous retrouvons ici la notion de coopération conflictuelle, la controverse, décrite par Yves CLOT. Il faut recréer des temps d’échange, d’expression sur le travail, sur la qualité du travail pour diminuer le stress des personnes mais aussi pour augmenter l’efficacité de leur travail. C’est aussi la thèse développée par Norbert ALTER53 : « la coopération est nécessaire au bon fonctionnement des entreprises, mais ne repose que sur la « bonne volonté » des opérateurs. La coopération ne s’explique en effet ni par l’intérêt économique, ni par la contrainte des procédures, ni par les normes de métier. Elle repose largement, au bout du compte, sur la seule volonté de donner : on donne aux autres parce que donner permet d’échanger et donc d’exister en entreprise. »

50) La norme veut que les individus canalisent leurs émotions notamment leurs émotions

violentes. Selon Norbert Elias, le processus de civilisation impose une pacification des mœurs,

c’est-à-dire un contrôle de soi très important qui débouche sur une prise de distance intellectuelle sur les événements extérieurs et sur l’importance nouvelle donnée à la parole, à la réflexion sur soi.

51) Le Seuil, 2011

52) Enquête réalisée du 9 au 16 février 2011 auprès d’un panel de 1 000 collaborateurs

représentatifs de la population active occupée. http://www.bpi-group.com/fr/Publications/

salaries-employeurs-vers-un-nouveau-pacte-social-observatoire-du-travail.html

53) Donner et prendre. La coopération en entreprise. La Découverte, 2010

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Institut du Leadership - BPI group - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - 39

L’exception française : surinvestissement dans le travail, défiance, manque de mobilitéSur la question du travail, la France tient, en Europe, une place paradoxale comme l’ont mis en lumière les travaux de Dominique MEDA54 et notamment l’étude menée par le Centre d’Etudes de l’Emploi publiée en 200855 qu’elle signe avec Lucie DAVOINE. Les Français sont à la fois ceux qui accordent le plus d’importance à leur travail et ceux qui montrent la plus grande défiance à l’égard des grandes organisations – qu’elles soient privées et publiques – et de leurs dirigeants.

Cette défiance se retrouve dans la médiocre qualité des relations entre les salariés et leurs managers. En 2008, BPI group réalisait une enquête internationale – Les salariés évaluent leur manager56 – montrant que les salariés français sont les plus exigeants et les plus critiques à l’égard de leurs manager et dirigeants. Ils entretiennent avec leur hiérarchie des relations plus « dures », à la fois plus strictement professionnelles et en même temps, moins respectueuses de l’autorité. Ils expriment d’une part une exigence très élevée à l’égard de leurs managers et d’autre part un besoin de reconnaissance particulièrement important. Les organisations actuelles demandent aux salariés toujours plus d’implication, d’autonomie, de réactivité. En retour, l’enquête le montre, les salariés attendent de leurs dirigeants qu’ils leur fassent confiance, les écoutent mais également les soutiennent.

Il faut noter ici que des différences significatives apparaissent selon les contextes nationaux. Ainsi la comparaison entre la France et les Etats-Unis est intéressante :

� le manager américain développe une relation à la fois de rigueur et de convivialité, de transparence, où on fait confiance et où le leadership est fondamental. On y est moins obsédé par la compétence comme valeur en soi ;

� à l’opposé, la France se singularise comme étant le pays de l’exigence, de la distance et d’une certaine dureté des relations. On y a le culte du professionnel mais dans une insatisfaction permanente. D’où un besoin de reconnaissance individuelle fort.

Philippe d’IRIBARNE, dans son livre La Logique de l’honneur57, faisait déjà référence à ces singularités culturelles, opposant la logique de l’honneur qui prévaut en France, à la logique du contrat qui caractérise les relations professionnelles aux Etats-Unis. Pour le résumer de façon schématique, l’auteur montre qu’en France, il existe une relation très affective au travail, empreinte de fierté et d’amour propre, où les seuls comptes à rendre le sont avec sa conscience, son « sens de l’honneur ». Aux Etats-Unis, la culture est celle de l’échange libre et équitable entre égaux : on vend un travail pour un salaire, sans se sentir humilié, sans avoir le sentiment de se vendre.

Dans l’étude qu’il a publiée en 2012, pour l’Institut Montaigne, L’Insatisfaction au travail, une exception française, Etienne WASMER58 montre lui aussi la spécificité – l’auteur évoque même son anomalie – du modèle français, avec des salariés qui s’estiment plus stressés qu’ailleurs et qui regrettent un manque de dialogue avec l’ensemble de leurs interlocuteurs.

Pour l’auteur, l’explication, en lien avec les thèses libérales qui critiquent les rigidités du marché du travail, tiendrait à la difficulté des salariés à effectuer des mobilités et à changer d’emploi. « Le fait que des salariés restent longtemps dans le même environnement de travail n’est certainement pas un facteur négatif en soi. Au contraire, cela contribue à la création de capital social et à la qualité des relations, du moins en théorie. En revanche, lorsque cette faible mobilité est subie, plutôt que choisie, le fait de ne pas pouvoir changer d’environnement professionnel lorsque les relations se dégradent conduit mécaniquement à du stress et des tensions. »

54) Professeure de sociologie à l’université Paris- Dauphine et chercheuse associée au Centre

d’Etudes de l’Emploi (CEE). Elle est l’auteur de Le Travail, une valeur en voie de disparition ?

(Aubier, 1995)

55) DAVOINE L., MEDA D. (2008). Place et sens du travail en Europe : une singularité française ?

Paris, CEE

56) Enquête internationale réalisée par BVA pour BPI group dans 10 pays entre le 18 et le 25

octobre 2007. http://institut-leadership-bpi.com/travaux-et-recherche/lobservatoire-du-travail/64-

les-salaries-evaluent-leur-manager

57) Le Seuil, 1989

58) http://www.institutmontaigne.org/fr/publications/insatisfaction-au-travail-sortir-de-lexception-francaise Etienne WASMER est professeur à Sciences Po en sciences économiques, co-directeur du Laboratoire

interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (LIEPP).

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40 - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - Institut du Leadership - BPI group

Plaisir au travail et motivationLes grands plaisirs : cinq facteurs principaux sont avérés porteurs de satisfaction et de plaisir au travail.

1. La fierté de l’appartenance et du travail bien fait Être fier de travailler pour une entreprise, pour ses valeurs, sa renommée, ses succès, ses pratiques managériales, être fier

de faire partie de ce service à la pointe de l’innovation, de cette équipe si soudée et performante… Sentir que l’on maîtrise ce que l’on doit faire, qu’on a les compétences de le faire et les moyens de le faire bien et d’être assuré, rassuré sur ces 4 points.

2. Le sens du travail Il donne le sentiment de servir, d’être utile, d’apporter quelque chose, d’œuvrer et pas pour rien. On a sa place, un rôle à

jouer. Si l’on est un maillon, il a sa force et son importance dans la continuité de la chaîne.3. La reconnaissance C’est probablement le besoin majeur pour sentir que l’on est un « capital» et pas une « variable d’ajustement», un pion

interchangeable. Elle donne le sentiment d’être bien traité, considéré, respecté. Loin de l’indifférence, du mépris, de la condescendance.

4. La confiance En sa hiérarchie et de sa hiérarchie, pour maintenir le cap ; la base d’un respect mutuel qui suppose présence, soutien,

accompagnement et un minimum d’autonomie.5. Le lien social Les relations interpersonnelles sont une raison concrète et quotidienne pour se rendre au travail avec plaisir. C’est ce qui fait

dire « nous ». Il est question de partage, d’échanges, de complémentarité, de solidarité, de convivialité, d’aventure humaine.Source StressExperts

La théorie du flowLe flow, littéralement le flux en anglais, est l’état mental atteint par une personne lorsqu’elle est complètement immergée dans ce qu’elle fait, dans un état maximal de concentration. Cette personne éprouve alors un sentiment d’engagement total et de réussite. Ce concept, élaboré par le psychologue Mihaly CSIKSZENTMIHALYI (Psychologue hongrois, porteur d’une conception humaniste de la créativité. Professeur à l’Université de Claremont en Californie. Il a travaillé sur le bonheur, la créativité et le bien-être subjectif), a été repris dans des domaines variés et nombreux, du sport à la spiritualité en passant par l’éducation et la séduction1. Dans les versions françaises des textes de CSIKSZENTMIHALYI, on trouve indifféremment les termes de « flux », d’« expérience-flux », d’« expérience optimale ».

Composants du flowCSIKSZENTMIHALYI a identifié les caractéristiques accompagnant et décrivant l’expérience du flow :• Objectifs clairs : les attentes et les règles régissant l’activité sont perçues correctement et les objectifs fixés sont atteignables

avec les compétences de l’acteur ;• Équilibre entre la difficulté de l’activité et les compétences de l’acteur (l’activité n’est ni trop facile ni trop difficile, elle constitue

un défi motivant) ;• L’activité est en soi source de satisfaction (elle n’est donc pas perçue comme une corvée) ;• Haut degré de concentration sur un champ limité de conscience (hyperfocus) ;• Une perte du sentiment de conscience de soi, disparition de la distance entre le sujet et l’objet ;• Distorsion de la perception du temps ;• Rétroaction directe et immédiate. Les réussites et difficultés au cours du processus sont immédiatement repérés et le

comportement ajusté en fonction ;• Sensation de contrôle de soi et de l’environnement.

La réunion de tous ces phénomènes n’est pas nécessaire pour conduire au flow. Les 3 premiers décrivent des caractéristiques de l’activité propices au flow, les 5 derniers décrivent plutôt l’état de conscience modifié qu’implique le flow.Cette théorie donne un nouvel éclairage à la thèse de G. BACHELARD qui disait joliment que « le travail repose ».

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Institut du Leadership - BPI group - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - 41

Certaines formes d’organisations sont intrinsèquement plus stressantes que d’autres

« Le niveau des facteurs psycho-sociaux de risque au travail est extrêmement différent selon les formes d’organisation d’après les travaux de deux économistes, Edward LORENZ et Antoine VALEYRE . Ceux-ci ont étudié les formes d’organisation en Europe et ont établi une typologie qui distingue l’organisation simple, l’organisation taylorienne et ses diverses variantes, l’organisation allégée (ou Lean Management), directement dérivée de l’organisation taylorienne et caractérisée notamment par une forte densification du travail, et l’organisation apprenante, fondée sur la coopération, l’apprentissage et la mise en valeur des ressources humaines. Les facteurs psycho-sociaux de risque au travail, particulièrement importants dans les formes d’organisation taylorienne et d’organisation allégée, sont en comparaison particulièrement faibles dans les formes d’organisation apprenante.

Sans ramener la question de la qualité du travail à des indicateurs statistiques, deux d’entre eux peuvent susciter la réflexion. Ils apparaissent dans les enquêtes européennes sur les conditions de travail menées par la fondation de Dublin, enquêtes sur lesquelles s’appuient les travaux de LORENZ et VALEYRE. S’agissant du sentiment du travail bien fait, il est éprouvé le plus intensément dans les organisations apprenantes, mais existe aussi dans les organisations Lean, dans la mesure où ces organisations sont encore, d’un certain point de vue, bien pensées. S’agissant du sentiment de pouvoir faire, dans son travail, ce que l’on fait de mieux, il apparaît clairement dans les seules organisations apprenantes.

La question n’est donc pas simple et l’on ne peut, sur ces seuls fondements, identifier une forme d’organisation supérieure aux autres. Néanmoins, on constate que, dans certains cas, le travailleur a le sentiment tout à la fois de faire du bon travail et de faire un travail qui lui correspond. Il semble en outre que l’on peut s’orienter vers de telles formes d’organisation sans engendrer une catastrophe économique. Les organisations apprenantes, qui sont visiblement les meilleures du point de vue des facteurs psychosociaux de risque au travail et vis-à-vis d’une démarche dont le but serait de soigner le travail, sont particulièrement développées dans des pays comme la Suède, le Danemark, la Finlande et les Pays-Bas, pays dont les économies enregistrent de très bonnes performances.

Le fait d’identifier les facteurs, notamment institutionnels, qui expliquent les résultats de ces pays et de s’interroger sur leur possible transposition constituerait une piste intéressante, mais sans doute pas le seul chemin vers des organisations plus respectueuses de la qualité du travail. Quoi qu’il en soit, il existe bien des façons de faire, qui ne sont absolument pas irréalistes. »

Michel GOLLAC59

59) Reprise de l’intervention de Michel GOLLAC lors de la rencontre organisée au Sénat, le 2 décembre 2011, Soigner le travail : un enjeu

politique, scientifique et artistique.

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TRIBUNE Ni « coûteux » ni « rigide », le travail est d’abord un facteur de compétitivité

Le Monde du 22 janvier 2013

Isabelle AUROY, présidente de l’association APRAT, avec James BLASQUEZ, Alain COFFINEAU, Dominique FAUCONNIER,

Jean-Marie PILLIARD, Jean-Paul RAILLARD, cosignataires de l’APRAT60- Association pour l’échange et l’amélioration des pratiques de conseil

Les débats autour du récent accord sur la sécurisation de l’emploi et du rapport Gallois sur la compétitivité des entreprises confirment l’incapacité des politiques et des commentateurs à parler de compétitivité en d’autres termes que de « flexibilité » et de « coût du travail », et à faire le lien entre travail, compétitivité et emploi. Tout se passe comme si le travail et ce qui le caractérise – son organisation, les conditions de sa réalisation, la façon dont il est managé, sa qualité – n’avaient aucune incidence sur la performance de l’entreprise !

Les praticiens du conseil en organisation que nous sommes, observateurs privilégiés des évolutions du travail, voulons alerter et témoigner de constats tirés de nos expériences d’in-terventions dans des entreprises diverses, des secteurs marchand et public. Nous avons en commun d’intervenir en nous mettant à l’écoute de tous les acteurs : direction, management de proximité, salariés, agents publics, représentants du personnel et professionnels de la santé au travail. Parmi les constats que nous partageons régulièrement avec nos interlocuteurs, trois d’entre eux nous semblent particulièrement illustrer les difficultés récurrentes rencontrées.

Le premier concerne l’incompréhension croissante des salariés face aux évolutions du travail et de son environnement. Un sentiment de perte de sens se développe, et un hiatus se creuse entre des choix stratégiques peu explicites, plus souvent financiers qu’industriels, les conditions de leur mise en œuvre et leurs impacts sur la performance, à laquelle les salariés sont eux aussi attachés.

Cette opacité, ressentie y compris par l’encadrement, conduit à mettre en œuvre des orga-nisations qui laissent de moins en moins de place à l’initiative des salariés. Or, on sait que les marges de manœuvre dans le travail constituent une condition de la performance.

Le deuxième constat vise les nombreux dysfonctionnements qui affectent la qualité des inte-ractions entre les différents maillons de la chaîne de production de valeur, par exemple, dans l’industrie, entre la production, la maintenance et les fonctions supports.

Nos interlocuteurs dans les entreprises et les services publics soulignent un durcissement des relations entre fonctions internes, notant en particulier un niveau d’exigence considéré comme plus élevé encore qu’avec l’extérieur, clients et partenaires.

De même, sous la pression cumulée des délais et des objectifs, la qualité des coordinations internes au sein des collectifs de travail a tendance à se dégrader. C’est, par exemple, ce qui est constaté dans les établissements hospitaliers, pour les coordinations entre équipes soignantes et pluridisciplinaires.

Ces temps de retour d’expérience, d’analyse d’incidents, considérés comme non productifs, ont tendance à être compressés, voire supprimés, alors même qu’ils peuvent constituer un réel avantage compétitif, car contribuant de façon décisive à la construction de la qualité.

Le troisième constat porte sur la question stratégique des processus de transmission, d’ap-prentissage et de renouvellement des métiers. Nous observons, dans bien des cas, l’absence

60) Fondée en 1989, l’Association pour l’échange et l’amélioration des pratiques de conseil regroupe les cabinets de conseil : Algoe, BPI group, Secafi, Syndex, Adeo, Aegist, A.L. Consulting, Alter Orga,

Arco, l’Atelier des Métiers, Callentis, Caminando Consultants, DM Conseils, Dictys, DS et O, GPB

Conseil, Omileo Formation, Opus 3, Pragma Conseil et Sycfi.

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d’action significative pour analyser de façon détaillée les compétences rares et critiques de ceux que l’on désigne comme « expert » ou « référent métier ».

Plus grave encore, les organisations du travail ne favorisent pas suffisamment la transmission vers les plus jeunes, par compagnonnage, tutorat et échanges de pratiques. Il en résulte souvent une perte de compétences pour l’entreprise, sans compter les méfaits produits sur les intéressés eux-mêmes : sentiment d’inutilité et de non reconnaissance pour les plus expérimentés, stress et anxiété pour les plus jeunes.

Dévaloriser le patrimoine des compétences individuelles et collectives acquises au fil des expériences cumulées, c’est se priver une nouvelle fois d’un atout distinctif pour les entreprises face aux défis de la compétition internationale.

Au-delà de ces constats, nos diagnostics et études confirment que les évolutions contem-poraines du travail, quand elles produisent des effets nocifs sur la santé (stress, troubles psychosociaux…), non seulement nuisent à la performance des salariés mais contribuent à augmenter le coût du travail (absentéisme, turnover, accidents du travail).

C’est pourquoi, d’une part, nous insistons fortement sur l’intérêt de porter une réelle atten-tion aux conditions du travail qui permettent de construire la performance de l’organisation et, d’autre part, nous affirmons notre conviction qu’il existe un gisement de compétitivité considérable dans le travail lui-même, son organisation et les conditions de sa réalisation, sous réserve de se donner la peine de l’analyser dans sa dimension plurielle et avec tous les acteurs de l’entreprise.

Mettre le travail au cœur du débat sur la compétitivité et l’emploi et donner la parole à tous les acteurs concernés devient une urgence autant économique que d’utilité publique !

La reprise attendue de la négociation sur « la qualité de vie au travail » entre les partenaires sociaux se doit d’être aussi au rendez-vous de cette exigence.

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Comment les pouvoirs publics, les entreprises, les administrations et les syndicats se sont-ils emparés du sujet ?

Chapitre

4Les accords d’entreprises A l’issue des différentes réflexions et négociations menées entre 2007 et 2009, le cadre de lutte et de prévention contre le stress et les RPS est en place. Toutefois l’analyse des premiers accords signés61 dans le cadre du plan national d’urgence de 2009 montre qu’ils ressemblent souvent plus à des accords dits de méthode, qui visent à définir la méthode et le processus du diagnostic, qu’à identifier des réponses et des pistes d’action.

600 accords ont été recensés dans les entreprises de plus de 1 000 salariés, d’après un bilan de la Direction générale du travail (DGT), réalisé en 2011. Mais ils font souvent l’impasse sur l’organisation collective du travail et ne tiennent guère compte de l’avis des salariés. Selon l’avis rendu par le Conseil économique, social et environnemental, en mai 201362, la plupart des accords demeurent des vœux pieux. « Concrètement, ils ne mettent pas assez le doigt sur la prévention primaire, telle que l’organisation du travail ou ne recensent pas de manière suffisamment exhaustive les situations de risque auxquelles peuvent être confrontés les salariés sur leur lieu de travail ».

Indépendamment des accords de prévention des RPS, certaines entreprises s’engagent dans des accords de qualité de vie au travail. C’est le cas notamment des membres du Club QVT (voir ci-dessous).

Les 7 propositions de l’ANDRH pour améliorer la qualité de vie au travailLors de ses Assises nationales 2013, l’Association nationale des DRH (ANDRH) a choisi deux thèmes à mettre sur le devant de la scène : le dialogue social et l’emploi, d’une part, la qualité de vie au travail, d’autre part. Pour l’Association, faire émerger plus d’intelligence collective dans l’entreprise contribue à réduire la souffrance au travail, mais aussi à renforcer l’implication et l’engagement des salariés dans le travail.

1. Fonder une part de la rémunération variable et l’intéressement des dirigeants, managers et collaborateurs sur des critères de performance sociale.

2. Simplifier les indicateurs du bilan social et y inclure des indicateurs de performance sociale.

3. Développer l’expression des collectifs de travail en aménageant des moments d’échange entre collaborateurs.

4. Promouvoir le rôle essentiel du RH de proximité.

5. Encourager, soutenir, former et valoriser les managers de proximité.

6. Intégrer une étude d’impact et de faisabilité humaine dans chaque projet important de réorganisation et de transformation de l’entreprise.

7. Intégrer systématiquement un échange sur me bien-être au travail à l’occasion de l’entretien annuel d’évaluation.

61) Synthèse de l’analyse des accords prévention des RPS. Direction générale du travail. 2011

62) http://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2013/2013_12_prevention_risques_psycho.pdf

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KERING (ex PPR) s’engage au niveau européen sur la qualité de vie au travailLa direction du groupe KERING – anciennement Pinault-Printemps-Redoute – et le comité d’entreprise européen (CEE) du groupe ont adopté, le 27 juillet 2010, une « charte d’engagement sur la qualité de vie professionnelle et la prévention du stress au travail ».

Cette charte a été ratifiée par la direction de KERING et le comité restreint du CEE, composé d’une salariée française, membre de la CFE-CGC, et de représentants des salariés allemands, belges, espagnols et finlandais. Elle est l’aboutissement de discussions engagées depuis huit mois avec les représentants du personnel européens. La direction souligne que KERING est ainsi l’un des premiers groupes français à disposer, au niveau européen, d’un cadre commun d’actions et d’outils pour prévenir les risques psychosociaux. La charte sera mise en œuvre à partir de novembre 2010. Elle fera l’objet d’un suivi régulier au sein du CEE.

Qualité de la vie professionnelle La charte fait référence à l’accord européen sur le stress au travail, conclu en 2004 (v. Bref social n° 14156 du 14 juin 2004) et à celui de 2007 sur la violence et le harcèlement au travail (v. Bref social n° 14857 du 23 avril 2007). Elle reprend la définition désormais classique du stress, proposée par l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail, selon laquelle, l’état de stress résulte du « déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui imposent son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face ».Les signataires rappellent aussi que le coût du stress est évalué par le BIT à 3 ou 4 % du PIB des pays industrialisés, perdus en baisse de qualité ou à cause de l’absentéisme.La charte doit fixer un « cadre d’engagements » sur la qualité de la vie professionnelle et la prévention du stress au travail.

Trois principes pour le groupe • Evaluer les facteurs de stress. Conformément à l’accord européen de 2004, les indicateurs retenus recouvrent l’organisation

du travail (notamment la charge et le rythme de travail, l’autonomie et la culture organisationnelle), l’environnement de travail (notamment les relations sociales), la communication interne à l’entreprise et des facteurs subjectifs liés à des pressions émotionnelles et sociales ;

• Disposer de mesures préventives pour améliorer la qualité de vie professionnelle. KERING s’engage sur la mise en place d’outils et de procédures d’alerte, sur des actions de sensibilisation (information des salariés et formation des managers), sur des mesures de conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle, et enfin sur la reconnaissance des salariés dans leur évolution professionnelle.

• Informer et écouter les salariés. Le groupe se donnera les moyens de recueillir la perception des salariés sur leur environnement et leurs conditions de travail, à partir d’outils « permettant une écoute de qualité ». L’accord se réfère d’ailleurs à l’existant, citant l’étude d’opinion interne (anonyme) baptisée « Quel temps fait-il chez vous ? »

L’Etat employeur exemplaireLa fonction publique s’est elle aussi intéressée au sujet de la qualité de vie au travail. L’accord du 20 novembre 2009 sur la santé et la sécurité au travail a pour ambition de développer une véritable culture de prévention des risques professionnels dans les trois fonctions publiques. Il a été signé par 7 des 8 organisations représentatives et concerne 5,2 millions d’agents titulaires et contractuels. Un projet d’accord cadre est en cours de négociation. Il porte sur la prévention des RPS, identifiés comme l’un des risques professionnels auxquels sont exposés les agents. « Notre cap, c’est une administration employeur exemplaire, qui associe les agents et les organisations syndicales à l’avenir du bien public et développe une gestion des ressources humaines qui valorise les agents publics. » rappelait Marylise LEBRANCHU, ministre de la Fonction publique, devant la nouvelle promotion de l’ÉNA en janvier 2013.Sur l’Etat employeur exemplaire, une circulaire est attendue prochainement. « Le dialogue social, l’exemplarité des employeurs publics, les conditions de vie au travail, les parcours professionnels, la mobilité et les carrières et les rémunérations sont les axes prioritaires de cette nouvelle gestion des ressources humaines de la fonction publique. »63

63) http://www.fonction-publique.gouv.fr/fonction-publique/modernisation-fonction-publique

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L’avis du CESE sur la prévention des risques psychosociauxLe Conseil économique, social et environnemental place la prévention des risques psychosociaux comme une priorité. Pour ce faire, l’avis voté le 14 mai, propose une série de recommandations organisées autour de 5 grands axes.

1. Améliorer la connaissance des risques psychosociaux et leur évaluationLa prévention des risques psychosociaux exige une meilleure connaissance des risques, tant au niveau national qu’au niveau de l’entreprise. Dans cette perspective, « un renforcement du document unique d’évaluation des risques (DUER) s’impose : il doit intégrer, comme pour les risques physiques, une évaluation systématique des acteurs de risques psychosociaux. La consultation du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et des services de santé au travail devrait également être rendue obligatoire au moment de l’élaboration de ce document pour en renforcer l’efficacité » explique Sylvie BRUNET (Rapporteur de l’avis du CESE, vice-Présidente de l’ANDRH, professeur associée au sein d’Euromed Management-Kedge Business School). « Le CESE propose aussi de réactiver le droit d’expression des salariés. Chaque salarié disposerait d’un quota d’heures pour débattre de son travail avec ses collègues et/ou l’encadrement, ou encore pour participer à l’élaboration du DUER.»

2. Stabiliser et clarifier le cadre juridique de la santé au travailLe dispositif juridique dont la France dispose en matière de prévention et de protection des salariés est assez dense mais n’est pas stabilisé du fait d’une jurisprudence très évolutive. Celle-ci devrait être mieux prise en compte dans le Code du Travail. Au-delà de ce cadre général, « l’avis recommande de renforcer la prévention des risques psychosociaux en amont des restructurations ou réorganisations, en rendant obligatoire la réalisation d’une étude d’impact sur le plan organisationnel et humain ». Concernant le recours à la médiation, le CESE préconise de faciliter l’accès aux procédures existantes qui restent aujourd’hui largement inopérantes. Pour les demandeurs d’emploi, les moyens d’action du médiateur de Pôle Emploi mériteraient d’être développés. Quant aux démarches volontaires de certification sur la santé et la qualité de vie au travail, elles doivent être mieux encadrées en s’appuyant, par exemple, sur des référentiels de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES).

3. Mobiliser davantage les différents acteurs de la préventionAu-delà de la pluralité des acteurs de prévention, en particulier les IRP, se pose la question de la bonne coordination des différentes interventions et, surtout, de la qualité du dialogue social. « Les préoccupations croissantes dans le domaine de la santé des salariés nécessitent que le rôle des CHSCT soit réaffirmé et la formation de ses membres, plus particulièrement sur les risques psychosociaux, sensiblement accrue » indique Sylvie BRUNET. Par ailleurs, le CESE préconise de renforcer la veille sanitaire et le travail en réseau des différents professionnels de santé, qu’il s’agisse de la médecine du travail, de la médecine de ville et des services hospitaliers. Une attention particulière doit également être portée aux PME/TPE qui devraient disposer d’un accès prioritaire aux services de conseil du réseau des « préventeurs publics ».

4. Prolonger les actions engagées dans la Fonction PubliqueContrairement aux idées reçues, les fonctionnaires ne sont pas épargnés par les risques psychosociaux. Les employeurs publics sont tenus d’élaborer des plans d’évaluation et de prévention de ses risques. Afin de garantir l’effectivité de cette obligation, il faut impérativement veiller à ce que les représentants syndicaux soient associés à la démarche et les CHSCT réellement consultés. Compte tenu du caractère très prégnant des facteurs de risques psychosociaux dans certains établissements publics de l’Etat, notamment les collèges et les lycées, le CESE demande que les pouvoirs publics tendent à aligner la fonction publique de l’Etat, sur les règles de création et d’implantation des CHSCT aujourd’hui applicables au secteur privé et aux fonctions publiques hospitalière et territoriale.

5. Améliorer la détection et la prise en charge des victimesLe CESE juge indispensable de se préoccuper de la détection et de l’accompagnement des salariés en souffrance. La création de dispositifs d’écoute dans les entreprises, mais aussi dans les administrations, peut être un instrument utile pour faire bénéficier les salariés d’un premier soutien psychologique. Le CESE propose également que les demandeurs d’emploi puissent continuer à bénéficier d’un suivi médical qui serait assuré par les services de santé au travail dans une période à déterminer par les partenaires sociaux, suivant la rupture du contrat de travail. Enfin, le CESE souhaite un assouplissement des critères de reconnaissance des risques psychosociaux comme facteur de maladie professionnelle ou d’accident du travail.

Pour conclure, Sylvie BRUNET rappelle les grands enjeux du débat : « L’impact des troubles psychosociaux sur notre compétitivité économique est encore largement sous-estimé. L’absentéisme, le turn-over, les formes les plus diverses de désengagement ont pourtant un coût élevé pour les entreprises. Nous formulons donc le vœu que cet avis permette aux acteurs économiques et sociaux de mieux appréhender et prévenir les risques psychosociaux, en s’inscrivant dans une démarche de progrès et en questionnant le sens même du travail dans notre société.»

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Des pistes pour l’action. Sélection et décryptage Qu’on l’appelle qualité de vie au travail, qualité du travail, bien-être au travail, chacun recon-naît que ces notions sont corrélées au bien-être des salariés et à l’efficacité de l’entreprise. Performance sociale et performance économique sont intimement liées. C’est pourquoi les entreprises sont de plus en plus nombreuses à vouloir s’emparer du sujet. Ce mouvement a émergé dès les années 1970, quand Antoine RIBOUD engageait DANONE dans la voie du « double projet » (économique et social), quand était décidée la création de l’Agence nationale pour l’amélioration des Conditions de travail (ANACT), quand se développaient les thèses dites de conduite sociotechnique des projets. Preuve que cet intérêt perdure, le bien-être au travail était le thème phare du Forum économique mondial de Davos en janvier 2013. Le secrétaire général de l’ONU BAN Ki-Moon, le président de la Banque Mondiale Jim YONG KIM, plusieurs ministres de la santé et de nombreux dirigeants d’entreprises ont écouté les professionnels de la santé dont les travaux se concentraient sur « l’avenir de systèmes nationaux de santé durables » et sur le « bien-être au travail ».

Si tout le monde admet que la qualité de vie au travail est un enjeu majeur de la performance des entreprises et de l’amélioration des conditions de travail, comment passe-t-on de l’idée à une mise en œuvre efficace et pérenne sur le terrain ?

Le prix « HR Manager de l’année 2012 » en Belgique est décerné à une « directrice du bonheur »

Laurence VANHEE, directrice de la Sécurité sociale belge, s’est autoproclamée « Chief Happiness Officer ». Pour elle, ce changement de titre est représentatif du fait de s’occuper d’êtres humains, et non de « ressources ». Son rôle « consiste (…) à créer les conditions du bonheur au travail », par exemple via le développement du télétravail (jusqu’à 3 jours/semaine). Elle prône également le partage de bureaux sans bureau dédié, pas même pour le président. Depuis la mise en place de cette politique au Service public fédéral de Sécurité sociale, le taux de satisfaction atteindrait 89 %, et le nombre de candidatures spontanées aurait augmenté de 500 %. Le changement d’intitulé concerne aussi les entretiens d’évaluation, rebaptisés « Happy Jobs », ou la gestion de carrière, désormais « Talent + ». http://www.references.be

Les initiatives et prises de position sont nombreuses sur ces sujets dont le traitement suppose une approche pluridisciplinaire : dirigeants d’entreprises, directeurs des ressources humaines, partenaires sociaux, managers, salariés, médecins du travail, inspecteurs du travail, ergo-nomes, psychologues, psycho-sociologues, etc. chacun doit apporter sa contribution. En effet, la qualité de vie au travail se joue dans l’organisation du travail, la micro organisation, le management de proximité, le dialogue entre le salarié et son responsable hiérarchique. C’est une avance pas à pas qui suppose de revoir les fondamentaux de l’entreprise. Il s’agit d’une part de libérer la parole dans l’entreprise. De reconnaître les salariés en tant qu’acteurs qui peuvent agir et s’exprimer sur leur travail et les conditions dans lesquelles ils travaillent. D’autre part, de leur donner l’information nécessaire pour qu’ils comprennent la stratégie de l’entreprise et donnent un sens à leur travail.

Pour clore ce dossier, voici une sélection de propositions, prises de position, démarches qui semblent autant de pistes intéressantes à suivre sur ce sujet de l’efficacité, du bien-être et de la qualité de vie au travail.

� Orientations pour passer de la prise en charge du « mal-être au travail » au dévelop-pement d‘organisations permettant d’ « être bien au travail », synthèse des travaux organisés par l’ANACT, l’OSI (Observatoire social international) et RDS (Réalités du Dialogue social). De ces travaux, il ressort notamment trois orientation qui conditionnent

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le changement de paradigme et permettent d’envisager le travail non seulement comme source de non-souffrance mais comme source de santé et de performance : l’expression des salariés, le rôle de régulation de l’encadrement, le dialogue social.

� La « TPE Attitude » – transparence, proximité, enthousiasme – pour accroître la performance sociale. Un des enseignements prônés par L’Observatoire de la vie au travail qui séduit par sa simplicité et son universalité. Il n’est pas question ici de concepts abstraits, ni de process lourds et compliqués à mettre en place ; il s’agit de s’inspirer de ce qui se passe bien dans les très petites entreprises et est reconnu comme tel par les salariés eux-mêmes.

� L’expression directe des salariés pour réduire les tensions, la souffrance ou le stress. Les membres du club d’échanges et de réflexion d’ASTREES (Association Travail, Emploi, Europe, Société) appellent de leurs vœux un renouvellement du dialogue social dans l’entreprise et notamment de l’expression des salariés, 30 ans après les lois AUROUX.

� Les recommandations du Club QVT. Fondé en 2009 par EDF, le club QVT a joué un rôle remarquable en s’attelant au sujet de la qualité de vie au travail avant la loi. Les entre-prises membres du Club QVT font figure de pionnières. Leurs dernières recommandations montrent comment des directions générales peuvent mettre leurs entreprises en ordre de marche au nom de la QVT. Il y est question de performance globale, durable, locale. Il y est question d’équilibre entre les choix organisationnels et le point de vue des salariés ; il y est question d’expérimentation et d’évaluation.

� Un nouveau pacte social pour permettre aux salariés de retrouver le plaisir au travail. Dès 2010, BPI group propose une démarche visant à refonder le lien salariés-employeurs pour relever les deux défis majeurs que sont la montée du stress en entreprise et le désengagement des salariés.

Orientations pour passer de la prise en charge du « mal-être au travail » au développement d‘organisations permettant d’ « être bien au travail ». ANACT, OSI, RDS

Passer de la prévention des RPS au développement d’organisations où le travail est vécu comme étant source de santé et de performance impose de renouveler en profondeur le point de vue sur le travail, sur sa place dans les organisations, sur ses conditions d’exercice, sur les stratégies d’actions des entreprises dans un contexte où la société et le rapport au travail sont en pleine évolution. Cela implique de revisiter le triptyque travail, performance, gouvernance des entreprises en portant une attention particulière au rôle des acteurs (direc-tion, managers, partenaires sociaux, experts …et salariés), à la confiance qui doit s’établir entre eux, à la qualité du dialogue social.

Développer la participation des salariés et leur expression sur le travail

Faire du travail l’enjeu prioritaire nécessite de revoir les conditions d’expression des salariés sur le travail et son contenu, leur capacité d’intervention sur son organisation. Il convient de réinventer une participation concrète et durable des salariés sur leur travail. Le droit d’expres-sion reste à définir après l’échec – reconnu comme tel par l’ancien ministre du travail – de la première des lois AUROUX et après le détournement qui a été fait des « cercles de qualité ». Les entreprises qui voudront s’emparer du sujet devront résoudre ce genre de questions : à quelles conditions et selon quelles modalités organiser cette participation des salariés, ces temps et ces lieux d’échange ? Comment les installer durablement dans la gestion des entreprises ? Quelle articulation concevoir avec les instances représentatives du personnel ?

Institut du Leadership - BPI group - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - 49

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Comment faire évoluer les missions de celles-ci en conséquence ? Quelles conséquences pour les pratiques syndicales ? Quelles mutations pour le dialogue social ?

Repenser le rôle de l’encadrement : lui redonner un rôle central de régulation

Parallèlement à une participation accrue des salariés sur l’organisation du travail, le rôle du management doit évoluer comme cela a pu être constaté au Danemark où des relations moins hiérarchiques, plus égalitaires dans la façon de prendre en considération la parole des travailleurs et de leurs représentants, ont pu apparaître comme un des points d’appui du dynamisme économique et du capital social. Il apparaît qu’une plus grande autonomie doit être donnée aux managers, dont les missions sont de gérer la production au plus près des salariés, de faire remonter les difficultés et les initiatives de leurs équipes et d’éviter que les contradictions se concentrent au premier niveau hiérarchique.

Favoriser un dialogue social de qualité

Les capacités de dialogue entre partenaires sociaux paraissent une des clés d’un modèle performant sur le plan économique et sur celui des conditions de travail. Il apparaît, à travers maintes expériences, qu’un dialogue social de qualité est une base incontournable pour favoriser de bonnes conditions de travail. Le sujet RPS, les conditions d’expression des salariés à développer amènent à repositionner les modalités du dialogue social. La confiance entre acteurs doit progresser ; de même une rénovation des instances de représentation du personnel et de leurs missions s’avère nécessaire pour associer efficacement expression des salariés et mandats représentatifs.

La « TPE Attitude » – transparence, proximité, enthousiasme – pour accroître la performance sociale. L’Observatoire de la vie au travail

L’Observatoire de la vie au travail, dresse depuis 2008 un état des lieux annuel de la perfor-mance sociale au travail des Français. L’analyse de ces données a été publiée dans un livre blanc en janvier 201364.Un des enseignements qui ressortent de cette analyse nous semble particulièrement intéressant : développer la « TPE Attitude » – plus de T (comme transpa-rence), plus de P (comme proximité), plus d’E (comme enthousiasme) – pour accroître la performance sociale.

« Les résultats de l’OVAT montrent de façon chronique que la cause de l’insatisfaction au travail des Français peut se résumer de la sorte : manque de transparence, manque de proximité, manque d’enthousiasme. Or les salariés qui subissent le moins ces manques et vivent le mieux leur travail sont les salariés des TPE (Très Petites Entreprises) parce que cette catégorie d’employeurs développe plus de transparence, de proximité et d’enthousiasme. D’où la « TPE Attitude » qui consiste à s’inspirer du profil de performance sociale des TPE pour l’appliquer dans tous types d’organisation.

Pour lutter contre le manque de transparence, il faut améliorer…

� la transparence de l’organisation : donner à voir, donner envie, inspirer confiance

� la transparence des rôles : (se) dire les choses, dire ce qu’on va faire, faire ce qu’on a dit.

Pour lutter contre le manque de proximité, il faut favoriser…

� la proximité des collaborateurs avec leur travail : les faire naître à leur travail, connaître le résultat de ce qu’ils ont fait, se reconnaître dans leur travail

� la proximité du management avec les collaborateurs : communiquer, déléguer, réguler l’équipe ET les tâches.

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64) La Performance sociale au travail. Stéphanie BAGGIO, Pierre-Eric SUTTER, mars-lab,

janvier 2013

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Pour lutter contre le manque d’enthousiasme, il faut stimuler… � la coopération collective : prendre en compte les valeurs en présence des collaborateurs, donner des signes de reconnaissance, susciter confiance, convivialité, compassion

� l’ajustement mutuel en laissant aux managers de proximité le pouvoir de mettre du jeu dans les rouages de l’organisation, en donnant de l’autonomie et de la latitude d’action aux collaborateurs afin qu’ils aient la possibilité d’agir DANS et SUR le cadre du travail prescrit quand c’est nécessaire, en laissant chacun trouver sa « vocation » au travail et non en la lui imposant. »

L’expression directe des salariés pour réduire les tensions, la souffrance ou le stress. ASTREES

Selon les travaux menés par ASTREES LAB’65 et présentés au public le 26 avril 2013, l’expression directe des salariés constitue un moyen de retrouver ou installer de la qualité au travail. Parmi les cas d’entreprises présentés, beaucoup visaient ou ont abouti à réduire les tensions, la souffrance au travail ou le stress dû à une réorganisation. L’exemple de La Poste est emblématique.

La Poste et son « Grand dialogue »66

La Poste a connu au cours des dix dernières années des transformations très importantes. Fortement ébranlée par deux suicides intervenus début 2012, le groupe a décidé de mettre en œuvre un dispositif inédit de dialogue direct et pluriel avec toutes les parties prenantes de l’entreprise, conçu non pas pour se substituer au dialogue social, mais pour l’enrichir. Le « Grand dialogue » devait permettre d’identifier les éléments qui contribuent au mal-être des postiers, de proposer des solutions concrètes, de répondre aux interrogations des salariés sur le rythme et la nature des transformations conduites récemment. L’objectif est à la fois de libérer la parole et de se doter de clés de lecture sur la situation actuelle, pour mieux définir les améliorations nécessaires.Le Grand Dialogue comportait plusieurs volets qui, sans exclure les syndicats, se distinguaient du dialogue social « traditionnel ». Première composante de ce dispositif, une médiatrice de la vie au travail, membre du « Comex », dotée d’un pouvoir de décision, fut nommée pour apporter des réponses directes à des situations individuelles difficiles non résolues. Deuxième composante, le « dialogue local » fut organisé afin de donner la parole aux postiers sous forme de tables rondes au sein des établissements et des services centraux. S’adressant aux 250 000 collaborateurs du groupe, il comprenait six thèmes : contenu du travail, conditions de travail, santé au travail, évolution professionnelle, gestion du changement, relations au sein des établissements. L’encadrement accompagnait les différentes étapes, sans endosser forcément le rôle de l’animateur. La remontée des éléments discutés débouchait sur des plans d’action locaux en lien avec les projets d’établissement ou de l’échelon territorial pertinent, des plans d’action nationaux par métiers et, enfin sur des propositions à destination de la direction générale. Suscitant une mobilisation sans précédent - 125 000 postiers ont pris part aux quelques 12.000 tables rondes organisées – le dialogue local a généré de très fortes attentes et débouché sur des groupes de travail transverses chargés d’apporter des réponses concrètes aux postiers.Dernier volet, la Commission sur la vie au travail, associait aux dirigeants et aux syndicats de l’entreprise des personnalités extérieures afin de participer à une réflexion collégiale sur la transformation de l’entreprise. Présidée par l’ancien secrétaire général de la CFDT, Jean KASPAR, la Commission a procédé à une série d’auditions et de déplacements sur le terrain en vue de rédiger un rapport articulant éléments d’analyse et recommandations. La participation de personnalités dont le questionnement ou les prises de position tranchaient avec le contenu habituel des échanges a permis aux syndicats et à la direction d’aller au-delà de leurs rôles traditionnels et d’entrer pleinement dans les débats de fond en abordant des dimensions souvent absentes du dialogue social « classique ». Au terme d’une douzaine de réunions tenues entre mars et septembre 2012, le rapport remis par J. KASPAR propose huit grands chantiers qui portent chacun sur une dimension essentielle de la qualité du travail : dialogue social et régulation, management, organisations du travail et conduite du changement, santé et sécurité, refonte du modèle social, reclassement, fonction RH, gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Sur cette base, un programme de travail a été mis en œuvre et une négociation entre direction et syndicats a été conclue en janvier 2013 par la signature d’un accord, avec quatre organisations syndicales sur six, traitant des conditions de travail, de la pénibilité, de l’organisation du travail, de la politique d’encadrement, de la conciliation de la vie professionnelle et familiale.

ASTREES

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65) ASTREES LAB’ est un lieu d’échange et d’expérimentation conçu par et pour les adhérents d’ASTREES (Association Travail, Emploi, Europe, Société).

66) http://www.astrees.org/fic_bdd/article_pdf_fichier/1367317140_note9.pdf

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Les recommandations du Club QVT

Le Club QVT, fondé par EDF en 2009, réunit une douzaine de grandes entreprises enga-gées dans des expérimentations dédiées à la qualité de vie au travail. L’Anact contribue aux réflexions du Club et plus particulièrement aux expérimentations de quelques entreprises (EDF, FNCA, SNCF, Air France, BPCE).

Depuis quelques années, alors que le cadre juridique et conventionnel ne prévoyait encore rien sur la qualité de vie au travail, les entreprises adhérentes du Club QVT se sont penchées sur ce sujet en émergence. L’intérêt pour cette thématique manifeste la volonté de ces entre-prises d’apporter des réponses nouvelles aux questions de souffrance au travail et des risques psycho-sociaux. Fruit de ces réflexions, 7 grandes recommandations pour une démarche QVT ont été rendues publiques au printemps 2012.

Les 7 recommandations pour une démarche QVT67

1. Considérer la qualité de vie au travail comme un développement et non une concession socialeUne politique de performance durable ne peut pas s’appuyer sur le modèle traditionnel d’accords sociaux « revendication / concession ». Il s’agit de construire la politique qualité de vie au travail comme déterminant de la performance de l’entreprise, en considérant les salariés comme créateurs de valeur ajoutée par leur travail.

2. Impliquer les dirigeants par le développement de la performance globale de l’entreprise Développer une politique de qualité de vie au travail dans l’entreprise est une orientation qui marque son implication pour une performance durable, performance à trois dimensions : business, social et service c’est-à-dire satisfaction simultanée du client, du financier et des salariés. Ce n’est donc pas une démarche seulement portée par les RH ou par les responsables santé / sécurité / environnement. La qualité de vie au travail doit être partie intégrante de l’évaluation de la performance des équipes dirigeantes, notamment via les indicateurs développés au niveau de l’entreprise. La déclinaison de l’évaluation de la qualité de vie au travail le long de la ligne hiérarchique peut représenter un levier en faveur d’une meilleure cohérence.

3. Inventer un nouveau mode de relations sociales avec la mise en place d’une politique de qualité de vie au travail Il s’agit de créer les conditions de la performance durable. Si l’on admet que la qualité de vie au travail n’est pas une « concession sociale » en réponse à une « revendica-tion », son accompagnement implique la création d’espaces de pilotage et de dialogue adaptés, permettant aux acteurs de progresser ensemble sur une vision partagée du développement de la performance de l’entreprise, dans la prise en charge des tensions entre l’intérêt individuel et l’intérêt collectif, dans la recherche de conventions partagées sur la qualité du travail.

4. Prendre en compte dans les choix organisationnels le point de vue des salariés sur leur travail Avant tout la qualité de vie au travail s’intéresse au travail, c’est-à-dire qu’elle doit améliorer le quotidien de travail des salariés (l’organisation et les processus de travail, les routines).

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67) http://www.anact.fr/web/dossiers/performance-durable/qvt?p_

thingIdToShow=30907604

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Prendre en compte le point de vue des salariés, qui sont les experts de leur travail, permet de proposer des améliorations immédiates, mais aussi de concevoir les réorganisations ou les transformations de l’entreprise en prenant en compte son fonctionnement réel.

5. Créer des indicateurs qualité de vie au travail dans l’entreprise Ces indicateurs mixent à la fois des indicateurs de santé, des indicateurs RH et des indi-cateurs de performance et d’organisation. Ils permettent de mesurer à la fois la montée en charge de la politique de qualité de vie au travail mais aussi son impact. Prendre en compte les dimensions d’âge, de sexe et de qualification dans les indicateurs permet également de vérifier que les politiques de qualité de vie au travail favorisent l’égalité entre les hommes et les femmes, quels que soient leur âge et leur qualification, ainsi que l’articulation des différentes sphères de la vie dans lesquelles hommes et femmes s’engagent. Mais attention, pas d’indicateurs sans démarche ! Les indicateurs sont là pour permettre aux acteurs de débattre du sens des évolutions mesurées et construire une vision partagée des actions à conduire.

6. Améliorer la qualité de vie au travail implique de doter les structures locales de marges de manœuvreLes initiatives pour améliorer la qualité de vie au travail peuvent être globales (impulsion, accords cadres) mais doivent être aussi locales, c’est-à-dire là où l’activité se réalise effectivement. Le recours à l’expérimentation (démarches, outils) est à rechercher en lien avec une attention plus soutenue à son évaluation avant implémentation élargie.

7. La qualité de vie au travail concerne aussi l’articulation entre la vie profession-nelle et la vie personnelleLe seul développement de services périphériques ou d’accords relatifs à la parentalité (conciergeries ou crèches par exemple) est pertinent mais pas suffisant. Il est possible de développer des modalités d’organisation du travail soucieuses d’un équilibre entre les sphères privée et professionnelle, notamment via le développement du télétravail et les nouveaux usages des TIC (plateformes de travail virtuelles par exemple).

Refonder le pacte salariés - employeurs pour retrouver du plaisir au travail

Les enquêtes d’opinion menées en France et dans le monde témoignent d’une montée en puissance concomitante du stress en entreprise et du désengagement des salariés. La 18ème édition de l’Observatoire du travail déjà citée montre une crise de confiance durable-ment installée entre employeurs et salariés qui se traduit par un dysfonctionnement dans la communication entre des salariés qui n’osent plus dire ce qu’ils pensent de peur d’être mal vus et des employeurs dont les messages sont de moins en moins audibles.

Dans notre économie de la connaissance, les facteurs psychologiques d’adhésion et de motivation des salariés s’imposent pourtant comme une condition de performance des entreprises et des administrations publiques. Renforcer l’engagement des salariés figure dans les priorités des directions des ressources humaines. Pour les aider, BPI group propose une démarche d’écoute et de refondation du pacte social :

1. Mesure et identification des causes profondes du malaise qui s’est installé…Comment réaliser un diagnostic de l’engagement des salariés ? Comment identifier les causes premières des maux exprimés et faire le lien avec le management et l’organisa-tion ? Comment objectiver les sentiments ou émotions exprimées dans les démarches d’écoute ?

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2. ... Mise en œuvre des solutions innovantes et opérantes Comment satisfaire le besoin naturel de sécurité dans un environnement en perpétuelle évolution ? Comment faire évoluer les organisations et les systèmes de gestion de façon à mieux répondre à l’attente de retrouver du plaisir au travail ? Comment faire évoluer les pratiques managériales dans le sens d’une meilleure prise en compte de la performance sociale ?

La relation employeur-salarié est envisagée sous 11 dimensions différentes qui se réfèrent aux plans individuel mais aussi collectif et dans une perspective dynamique (le présent / l’avenir).

Le présent L’avenir

L’in

div

idu

Le g

roup

e

6. Culture et valeurs

2. Rémunération globale

4. Partage de la valeur

7. Vision stratégique

8. Préparation du futur

9. 10. 11. Management, communication interne et dialogue social

5. Organisation

1. Métier et missions

3. Valorisation des compétences

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TRIBUNE Organisations du travail responsabilisantes et qualité de vie au travail

Marie Anne ABIVEN-TERREAUX, Gérard BARDIER, Gildas NIGET Consultants BPI group

Juin 2011Les services administratifs ont développé des organisations taylorisées, pendants des organisations à la chaîne de l’industrie, automobile notamment. L’informatisation massive des trois dernières décennies a fortement réduit les taches répétitives même si les processus ne sont pas encore entièrement numérisés et les tâches de saisie d’information papier encore nombreuses. Dans le même temps, les embauches se sont faites à des niveaux de qualification plus élevés que jadis. Pourtant, les organisations sont restées pour la plupart gérées de manière extrêmement taylorienne.

Quatre défis à releverCes organisations sont confrontées à quatre défis auxquels elles ne répondent pas forcément très bien.

Le premier défi se pose en termes de qualité de service et de flexibilité. Ainsi, la qualité de service repose sur le respect des normes contractuelles et sur la maîtrise du délai – les clients souhaitent un délai de plus en plus court, mais avant tout respecté. La qualité de service passe fréquemment par des normes spécifiques à un client. Le besoin de flexibilité, lui, concerne aussi bien les volumes variables que la répartition des services effectués.

Le second défi est celui du changement permanent ou de l’amélioration continue. Il est loin le temps où l’on définissait une procédure qui pouvait rester valable dix ans : les produits, les procédures, les process (en particulier informatiques) et les méthodes évoluent quasiment en permanence.

Le troisième défi n’est pas nouveau, c’est celui des coûts et de la productivité. Il explique d’ailleurs en partie l’évolution fréquente des process. La pression de la concurrence sur les prix est permanente.

Le dernier défi est celui de la motivation des salariés, avec, il est facile de l’imaginer, les impacts que cela peut avoir sur les enjeux précédents.

Les limites du taylorismeLa taylorisation et l’informatisation des tâches ont permis des gains de productivité formidables qui ne peuvent être remis en question. Mais le système rencontre des limites :

� Le cloisonnement, au sein des équipes, entre les intervenants sur un même processus ou entre ceux-ci et les services informatiques. Ce cloisonnement se traduit par de l’inefficacité, des erreurs non rectifiées (donc aux dépens de la qualité de service) et des délais trop longs au regard de la promesse client, ou des attentes clients de plus en plus exigeantes.

� La déresponsabilisation des salariés, conséquence d’une logique taylorienne qui demande aux intervenants de ne faire que ce qui leur a été attribué et défini sans y déroger, qui leur demande de ne pas penser par eux-mêmes. Cette déresponsabilisation se traduit par la démotivation (donc une productivité faible) et par des défauts en termes de qualité.

� La rigidité du système, que ce soit à court terme pour s’adapter aux besoins du client ou à moyen terme pour faire face aux besoins de changement permanent.

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La réponse par une organisation du travail responsabilisanteConfrontés à ces difficultés, quelques pionniers ont sauté le pas, en s’inspirant de ce qu’a développé l’industrie depuis 25 ans, et ont inventé ce que nous appellerons ci-dessous des Organisations du Travail Responsabilisantes (OTR), à l’image des Unités Elémentaires de Travail chez Renault. Ce nouveau modèle qui s’est révélé fructueux, comporte quatre caracté-ristiques essentielles, au-delà des particularités liées aux contextes d’entreprise : pilotage par le client, organisation apprenante, décision au plus près du terrain, management en soutien.

L’organisation est apprenante. Dans sa dimension collective, d’une part, l’analyse régulière des besoins clients et des résultats obtenus permet de tirer les leçons du passé pour améliorer le système, dans une logique de progrès continu. D’autre sur un plan individuel, elle permet à chacun de ses membres non seulement d’apprendre, mais aussi de prendre en charge de nouvelles tâches ou activités, au fur et à mesure de son apprentissage.

Le management vient en soutien. On passe d’un management positionné sur le contrôle et la prise en main des dossiers difficiles (logique de défiance et d’expertise) à un management tourné sur le soutien, le transfert de compétences, le cadrage, la validation…

La mise en place des OTRPasser d’une organisation entièrement taylorisée à une organisation du travail responsa-bilisante, où les salariés savent qu’ils peuvent s’appuyer sur des processus bien décrits et stabilisés pour concentrer leur attention sur les cas spécifiques, les adaptations, les nouveautés encore en phase d’amélioration, est un changement important des habitudes de fonctionnement. Chacun des intervenants, d’un bout à l’autre de la hiérarchie, est concerné par ces changements.

Il est donc nécessaire d’adopter une démarche particulière pour mettre en place ces nouvelles organisations. Les caractéristiques de cette démarche ont évidemment à voir avec les carac-téristiques de ce que l’on veut mettre en place.

La démarche de changement est avant tout participative, et même très participative, puisque ce sont tous les membres de l’équipe qu’il s’agit d’emmener vers de nouveaux modes de fonctionnement.

De plus, il ne s’agit pas de plaquer un modèle (même si on en connaît les grandes orientations) mais de construire sur le terrain la manière dont ces grandes orientations vont se traduire dans un contexte propre à l’entité concernée. Il s’agit plus exactement d’une co-construction, dans laquelle les membres des équipes vont être amenés à proposer et la hiérarchie à valider (ou non) ces propositions.

Très vite, des tableaux de bord sont installés, pour partager aussi bien les indicateurs de résultats que les indicateurs de moyens.

Ce sont les pratiques opérationnelles qui vont être au cœur des échanges, c’est sur elles qu’il va falloir travailler, ce sont elles qui vont être optimisées progressivement par les équipes de manière à améliorer leur efficacité dans une logique gagnant-gagnant : gagnant pour les salariés, gagnant pour l’entreprise (et bien sûr gagnant pour les clients)

Enfin cette démarche est rythmée par des étapes qui sont autant de challenges proposés aux équipes, dont le résultat est mis en valeur avant de passer à l’étape suivante : la dynamique du changement s’appuie sur ce rythme, sur l’implication provoquée par les challenges, sur la reconnaissance exprimée par la hiérarchie quand vient le temps de mesurer les résultats.L’accompagnement de l’encadrement est un point clé, puisque celui-ci va devoir changer son mode d’action pour passer d’un mode de management centré sur le contrôle et l’expertise à un management centré sur le soutien, le transfert de compétences, le cadrage, la validation…

Page 57: Dossier Institut du Leadership - Qualite de Vie au Travail

Une équipe dédiée à la conduite de ce changement, qu’elle soit interne, externe ou mixte, est indispensable pour orienter, conduire et rythmer le projet, ainsi que pour fournir de support à l’encadrement opérationnel, qui va lui permettre à la fois de réussir le changement au sein des équipes et de changer ses propres pratiques, les deux étant intimement liés.

La pérennisation du systèmeIl ne suffit pas de mettre en place une nouvelle organisation et une autre logique de fonc-tionnement, il faut les maintenir et les faire vivre. Il existe plusieurs facteurs de pérennisation :

L’attachement que les différents acteurs (équipe, encadrement de proximité, dirigeants) portent au système, en raison son efficacité visible : chacun est d’abord attaché au système parce qu’il fonctionne mieux que le précédent, que les problèmes sont traités de manière plus satisfaisante, etc.

La ritualisation des pratiques. Exemple de cette entreprise où le mardi matin devient systé-matiquement le moment de partage des résultats autour du tableau de bord et le premier lundi du mois celui du partage des pratiques etc.

Il est à noter que son propre maintien dans le temps fait partie des responsabilités de l’OTR : une fois par trimestre, elle doit évaluer la situation de l’organisation et définir si besoin son propre plan d’action de régulation.

Le fait de garder une partie de l’équipe qui a mis en place cette nouvelle organisation. Il est vrai que les gains en efficacité permettent largement de financer cette équipe.

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Institut du Leadership - BPI group - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - 59

Annexes

Annexe 1 : Qualité de vie au travail / Egalité professionnelle - Socle commun de négociation 60

Annexe 2 : Accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 61

Annexe 3 : Le travail à cœur, pour en finir avec les risques psychosociaux, Yves CLOT, Paris, La Découverte, 2010 74

Annexe 4 : La santé dans le droit du travail, quelques repères historiques 77

Annexe 5 : Acteurs et sites institutionnels 79

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60 - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - Institut du Leadership - BPI group

Annexe 1 : Qualité de vie au travail / Egalité professionnelle - Socle commun de négociation

CGT, CFDT, CFE-CGC, CFTC - 22 février 2013

Les organisations syndicales proposent un socle commun de négociation qui s’organise autour des points incontournables suivants :

1. La qualité de l’organisation du travail est un déterminant central de la qualité de vie au travail, elle représente un atout majeur de l’efficience des entreprises.

2. Les salariés doivent pouvoir participer au débat sur l’organisation du travail. Ils doivent pouvoir disposer d’espaces d’expression sur leur travail.

3. Qualité, contenu et sens du travail doivent être pris en compte,

� Dans les décisions des directoires des entreprises et au niveau d’un dialogue social impliquant les IRP,

� En fournissant un appui aux managers et en redéfinissant le management de proximité permettant aux salariés plus d’autonomie, de prises de responsabilités, d’initiatives, de créativité, un enrichissement de leurs compétences,

� En prévenant les impacts directs et indirects de la généralisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication,

� En améliorant l’environnement physique et psychique du travail.

4. L’organisation du travail doit permettre la conciliation des temps entre vie personnelle et vie professionnelle en portant attention aux rythmes et horaires de travail, aux temps sociaux et en rendant plus accessibles les congés parentaux et familiaux (aidants), les congés de réalisation personnelle et de formation tout au long de la carrière.

5. L’égalité entre les femmes et les hommes doit devenir effective notamment par des congés parentaux rénovés, un rééquilibrage des rémunérations et des parcours professionnels y compris dans les postes d’encadrement :

� En facilitant la comparaison des déroulés de carrière quel que soit le métier pour assurer l’égalité de traitement ;

� En mettant en place un indicateur sexué de promotion, afin de suivre son évolution tout au long de la carrière ;

� En initiant et en accélérant des actions visant à lutter contre les stéréotypes sexués liés tant à la parentalité qu’à la mixité des métiers, dans le prolongement de l’ANI de 2004.

6. Le temps partiel doit être mieux encadré pour estomper ses conséquences négatives sur la qualité de vie au travail, l’égalité professionnelle et les parcours professionnels. Le temps partiel doit être compatible avec des postes d’encadrement.

7. Le dialogue social territorial en lien avec les acteurs publics doit traiter de la conciliation des temps, des transports, de la prise en charge des enfants, du logement, ...

8. L’atteinte de ces objectifs repose sur une obligation de négocier dans les branches et les entreprises et l’institution de droits nouveaux pour les salariés et donnant une place nouvelle aux IRP, et notamment pour les CHSCT qui doivent évoluer (CHSCT de site, par exemple).

Dans les branches les accords prévoiront la mise en œuvre d’une aide particulière pour les TPE/PME.

Dans les entreprises ils s’articuleront autour de l’établissement d’un diagnostic, d’indicateurs, d’un plan d’action et de modalités de suivi. Ils pourront comporter des expérimentations.

Celles-ci feront l’objet d’une évaluation par un comité de suivi de l’accord national.

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Institut du Leadership - BPI group - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - 61

Annexe 2 : Accord national interprofessionnel du 19 juin 2013

VERS UNE POLITIQUE D’AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL ET DE L’ÉGALITE PROFESSIONNELLE

La qualité de vie au travail vise d’abord le travail, les conditions de travail et la possibilité qu’elles ouvrent ou non de « faire du bon travail » dans une bonne ambiance, dans le cadre de son organisation. Elle est également associée aux attentes fortes d’être pleinement reconnu dans l’entreprise et de mieux équilibrer vie professionnelle et vie personnelle. Même si ces deux attentes sont celles de tous les salariés, elles entretiennent dans les faits un lien particulier avec l’exigence de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes en matière de salaires et de déroulement de carrière.

Il apparait que « la performance d’une entreprise repose à la fois sur des relations collectives constructives et sur une réelle attention portée aux salariés en tant que personnes ».

La compétitivité des entreprises passe notamment par leur capacité à investir et à placer leur confiance dans l’intelligence individuelle et collective pour une efficacité et une qualité du travail. Elle dépend aussi de leur aptitude à conjuguer performances individuelles et collectives dans le cadre du dialogue social. La qualité de vie au travail contribue à cette compétitivité.

Dans le prolongement de l’accord cadre national interprofessionnel du 17 mars 1975 sur l’amélioration des conditions de travail et notamment son titre I relatif à l’organisation du travail, la démarche d’amélioration de la qualité de vie au travail regroupe toutes les actions permettant d’améliorer les conditions d’exercice du travail résultant notamment des modalités de mise en œuvre de l’organisation du travail, favorisant ainsi le sens donné à celui-ci, et donc d’accroître la performance collective de l’entreprise et sa compétitivité, par l’engagement de chacun de ses acteurs. Autrement dit, la qualité de vie au travail désigne et regroupe sous un même intitulé les actions qui permettent de concilier à la fois l’amélioration des conditions de travail pour les salariés et la performance globale des entreprises, d’autant plus quand leurs organisations se transforment.

De ce fait, la question du travail fait partie intégrante des objectifs stratégiques de l’entreprise et doit être prise en compte dans son fonctionnement quotidien afin, notamment, d’anticiper les conséquences des mutations économiques.

Le présent accord s’inscrit dans la démarche initiée par les partenaires sociaux, de développement à tous les niveaux d’un dialogue social actif, constructif, tant pour les salariés que pour les employeurs et basé sur le respect et la confiance réciproque des acteurs. Il intervient après les Accords nationaux interprofessionnels portant sur l’égalité professionnellea, sur le stress au travail, sur la prévention du harcèlement et de la violence au travail.

Il constitue une étape supplémentaire dans ce processus. Cette étape comportant des dispositions expérimentales, elle fait l’objet d’un accord à durée déterminée de 3 ans.

TITRE I - OBJET DE L’ACCORD

L’objet du présent accord est : � de favoriser l’égalité d’accès à la qualité de vie au travail et à l’égalité professionnelle pour tous les salariés ; � d’augmenter la prise de conscience et la compréhension des enjeux de la qualité de vie au travail en terme d’amélioration

de la qualité de l’emploi, du bien-être au travail et de compétitivité de l’entreprise, par les employeurs, les travailleurs et leurs représentants ;

� de faire de la qualité de vie au travail l’objet d’un dialogue social organisé et structurant ; � de fournir aux employeurs et aux salariés et à leurs représentants un cadre qui permette d’identifier les aspects du travail sur

lesquels agir pour améliorer la qualité de vie au travail des salariés au quotidien et l’égalité professionnelle ; � de permettre, par une approche systémique, d’améliorer la qualité de vie au travail et les conditions dans lesquelles les salariés

exercent leur travail et donc la performance économique de l’entreprise.

Cette approche n’a pas pour objet de se substituer au respect des droits fondamentaux existants pour les salariés dans chacun des domaines concernés. Elle s’inscrit dans le prolongement des dispositions des accords nationaux interprofessionnels sur la mixité et l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes du 1er mars 2004, sur le stress au travail du 2 juillet 2008 et sur la prévention du harcèlement et de la violence au travail du 26 mars 2010.

a) http://www.egaliteprofessionnelle.org/maj/_files/upload/documents/type-7/accord_interprofessionnel_010304.pdf

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62 - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - Institut du Leadership - BPI group

TITRE II - DÉLIMITATION DE LA QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL

Article 1 - Définition de la qualité de vie au travail

La notion de qualité de vie au travail renvoie à des éléments multiples, relatifs en partie à chacun des salariés mais également étroitement liés à des éléments objectifs qui structurent l’entreprise.

Elle peut se concevoir comme un sentiment de bien-être au travail perçu collectivement et individuellement qui englobe l’ambiance, la culture de l’entreprise, l’intérêt du travail, les conditions de travail, le sentiment d’implication, le degré d’autonomie et de responsabilisation, l’égalité, un droit à l’erreur accordé à chacun, une reconnaissance et une valorisation du travail effectué.

Ainsi conçue, la qualité de vie au travail désigne et regroupe les dispositions récurrentes abordant notamment les modalités de mises en œuvre de l’organisation du travail permettant de concilier les modalités de l’amélioration des conditions de travail et de vie pour les salariés et la performance collective de l’entreprise. Elle est un des éléments constitutifs d’une responsabilité sociale d’entreprise assumée.

Sa définition, sa conduite et son évaluation sont des enjeux qui doivent être placés au cœur du développement du dialogue social.

Les conditions dans lesquelles les salariés exercent leur travail et leur capacité à s’exprimer et à agir sur le contenu de celui-ci déterminent la perception de la qualité de vie au travail qui en résulte.

Les conditions de mise en œuvre de la qualité de vie au travail peuvent varier selon les caractéristiques de l’entreprise (sa taille, sa culture, la prégnance de ses contraintes, l’environnement dans lequel elle s’inscrit). Elles évoluent en permanence au cours d’une carrière professionnelle.

Lorsqu’elle est envisagée au plan individuel tout au long d’une vie professionnelle, la qualité de vie au travail traduit les évolutions intervenues au cours de la carrière du salarié.

L’intégration de l’égalité professionnelle dans la démarche de qualité de vie au travail permet d’aborder des thèmes étroitement imbriqués mais traités jusqu’alors de façon séparés, afin de les articuler de façon dynamique.

Outre le fait que cette approche cloisonnée n’a pas produit tous les effets escomptés, ouvrir la possibilité d’une approche globale doit conduire à davantage d’effectivité pour résoudre les problèmes vécus par les salariés.

Aussi, la qualité de vie au travail nécessite qu’aucune forme de discrimination n’existe et ne soit tolérée dans l’entreprise autant dans les conditions de l’accès à l’emploi et à la promotion, que dans la politique salariale et les autres déterminants des conditions de travail.

Construite dans cet objectif, la démarche de qualité de vie au travail peut contribuer à une meilleure mixité des emplois.

La promotion de la qualité de vie au travail suppose :

� un dialogue social de qualité qui aboutisse à de bonnes relations sociales et de travail ;

� de veiller à écarter tout impact pathogène des modes d’aménagement du travail ;

� de promouvoir un choix collectif qui implique les salariés et les dirigeants des entreprises, les partenaires sociaux, l’Etat et les collectivités territoriales à tous les niveaux ;

� d’encourager toutes les initiatives qui contribuent au bien-être au travail et au développement des compétences et à l’évolution professionnelle ;

� que le travail participe de l’épanouissement physique, psychique et intellectuel des individus ;

� que chacun trouve sa place au travail et que le travail garde sa place parmi les autres activités humaines.

Article 2 - Eléments descriptifs de la qualité de vie au travail

La qualité de vie au travail résulte de la conjonction de différents éléments - qui participent du dialogue social - et de la perception qu’en ont les salariés, tels que :

� la qualité de l’engagement de tous à tous les niveaux de l’entreprise ;

� la qualité de l’information partagée au sein de l’entreprise ;

� la qualité des relations de travail ;

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Institut du Leadership - BPI group - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - 63

� la qualité des relations sociales, construites sur un dialogue social actif ;

� la qualité des modalités de mise en œuvre de l’organisation du travail ;

� la qualité du contenu du travail ;

� la qualité de l’environnement physique ;

� la possibilité de réalisation et de développement personnel ;

� la possibilité de concilier vie professionnelle et vie personnelle ;

� le respect de l’égalité professionnelle.

Article 3 - Approche systémique de la qualité de vie au travail

Les organisations signataires du présent accord conviennent qu’aborder la qualité de vie au travail est un sujet central dans un moment où certaines modalités de mise en œuvre de l’organisation du travail sont fortement interpellés par les salariés et peuvent influencer leur motivation, leur bien-être, voire, dans certains cas, leur santé.

Traiter de la qualité de vie au travail et de la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle, éléments incontournables pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, est un enjeu majeur de progrès social et de performance économique pour les entreprises.

L’égalité professionnelle doit de ce fait être prise en compte de manière transversale, à tous les niveaux et dans tous les domaines.

Un certain nombre de mesures spécifiques dans ce domaine doivent cependant être mises en œuvre, qui constituent une démarche préalable pour améliorer la qualité au travail

TITRE III - ATTEINDRE L’ÉGALITE PROFESSIONNELLE ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES

Les efforts combinés du législateur et des partenaires sociaux, pour favoriser l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et supprimer les discriminations fondées sur le sexe ont permis d’aboutir à des résultats tangibles mais encore susceptibles d’améliorations.

L’accord national interprofessionnel du 1er mars 2004 est venu pour sa part, préciser encore les principes de mixité et d’égalité de traitement entre les femmes et les hommes. Il restera à en évaluer le bilan au vu des actions engagées à tous les niveaux.

Les organisations signataires considèrent toutefois, nécessaire de se mobiliser pour que les femmes comme les hommes puissent exercer leurs compétences, aux fins d’une vie professionnelle épanouissante et compatible avec l’exercice de la parentalité, et d’aboutir à des solutions permettant la meilleure conciliation possible entre la vie personnelle et la vie professionnelle.

Article 4 - Rendre plus simple et plus efficace la négociation annuelle portant sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Les signataires du présent accord souhaitent que les obligations en matière d’égalité professionnelle et d’égalité salariale soient réarticulées entre les articles L.2242-5 (obligation annuelle de négocier sur les objectifs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes), et L.2242-7 (mesures visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes) du Code du travail, afin d’améliorer l’efficacité globale du dispositif, et sa cohérence, sans en réduire la portée ni remettre en cause le contenu desdites obligations et des textes réglementaires en vigueur.

En cas d’accord conclu dans le cadre de l’article L.2242-5 du Code du travail, sa durée de 3 ans ne ferait pas échec à la négociation annuelle obligatoire sur les salaires prévue à l’article L.2242-7 du Code du travail.

Article 5 - Favoriser une utilisation dynamique du rapport de situation comparée

Dans les entreprises qui y sont assujetties, le rapport de situation comparée est actuellement le document de base des négociations en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Cependant, force est de constater que l’utilisation qui en est faite peut rester relativement formelle.

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64 - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - Institut du Leadership - BPI group

Les organisations signataires du présent accord mettront donc en place un groupe de travail national paritaire chargé de réfléchir à l’utilisation des éléments de la base de données (ou du document unique), prévue à l’article L. 2323-7-2 du Code du travail, sur lesquels doit aussi s’appuyer l’analyse de la situation comparée entre les femmes et les hommes, afin que celle-ci trouve sa pleine efficacité, en particulier pour les PME et ce, en vue d’atteindre l’égalité professionnelle.

Article 6 - Mettre en place un indicateur de promotion sexué

Dans le cadre de l’article 5 ci-dessus et dans la même perspective, un indicateur de promotion sexué sera élaboré afin de suivre l’évolution des taux de promotion Femmes /Hommes par métiers dans une même entreprise.

Article 7 - Lutte contre les stéréotypes

Les partenaires sociaux développeront dans les branches et les entreprises, des actions visant à lutter, dans le prolongement de l’accord national interprofessionnel du 1er mars 2004 relatif à la mixité et à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, contre les stéréotypes sexués qui font encore trop souvent obstacles à la mixité des métiers et au déroulement de carrière des femmes. Dans ce cadre, ils examineront également dans quelle mesure ils peuvent contribuer à la réduction des stéréotypes sexués notamment liés à la parentalité.

De telles actions facilitent la compréhension, l’acceptation et la réussite des actions engagées en faveur de l’égalité professionnelle et de la mixité.

Pour être pleinement efficaces, elles doivent s’adresser à tous, aux femmes et aux hommes, aux salariés ainsi qu’au management et doit être portée par les dirigeants.

La poursuite d’actions de sensibilisation visant à lutter contre ces stéréotypes reste nécessaire pour que l’expression des salariés, la régulation par le management et les innovations dans l’organisation du travail profitent tant aux femmes qu’aux hommes.

Ces actions doivent avoir pour objectif d’éviter la stigmatisation des femmes, en particulier au moment d’un départ ou d’un retour de congé maternité, et d’une façon plus générale dans le déroulement de la carrière professionnelle. Elles doivent également permettre aux hommes de bénéficier des dispositifs de conciliation des temps lorsqu’ils sont mis en place dans l’entreprise ou la branche professionnelle.

Ces actions préparent ainsi les employeurs et le management de proximité à la conduite des entretiens liés à la conciliation des temps, et aux entretiens de retour de congés maternité.

Article 8 - Gestion de la carrière professionnelle des salariés bénéficiant d’un congé parental d’éducation

Dans le prolongement de leur déclaration commune du 6 mars 2013 dans laquelle ils ont souligné leur volonté de rendre « l’égalité entre les femmes et les hommes effective, notamment par un congé parental rénové incitant au partage et à un rééquilibrage des rémunérations et des parcours professionnels, y compris dans les postes d’encadrement (ce qui passe aussi par l’amélioration de l’offre d’accueil des jeunes enfants) », les partenaires sociaux sont convenus :

� de veiller à prendre toute mesure facilitant le retour à l’emploi des salariés en congé parental d’éducation, dans le prolongement de l’article 10.7 de l’accord national interprofessionnel du 1er mars 2004 précité ;

� de permettre aux salariés, qui en font la demande, de bénéficier d’un entretien, afin de maintenir le lien entre le/ la salarié(e) en congé parental d’éducation et son entreprise, et d’anticiper sa reprise d’emploi. Cet entretien permettra à l’employeur et au salarié d’organiser le retour à l’emploi et d’anticiper les éventuels besoins de formation. A cette occasion, l’employeur et le salarié examineront les conséquences éventuelles de la période de congé sur sa rémunération et son évolution de carrière ;

� d’étudier, au niveau des branches professionnelles, les possibilités d’adapter les formations et de faciliter les démarches de VAE des salariés ayant bénéficié d’un congé parental d’éducation. Ils tiendront compte autant que possible des contraintes liées à la parentalité dans l’organisation des formations.

Article 9 - Contribuer à l’égalité professionnelle en favorisant l’exercice de la parentalité par les hommes

Ni les femmes ni les hommes ne doivent subir les conséquences des stéréotypes sexués lorsqu’ils demandent à bénéficier de leurs droits à congés liés à la parentalité ou des dispositifs de conciliations des temps mis en place par les entreprises.

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Institut du Leadership - BPI group - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - 65

Les partenaires sociaux considèrent qu’une égalité d’accès aux mesures visées à l’alinéa précédent contribuera à l’égalité professionnelle en permettant une meilleure répartition des charges personnelles et familiales.

Lors de la mise en place des dispositifs d’articulation des temps facilitant l’exercice de la parentalité, dans le respect des choix des individus, les partenaires sociaux en garantiront l’égal accès entre les femmes et les hommes.

TITRE IV - FAVORISER UNE MEILLEURE CONCILIATION ENTRE VIE PERSONNELLE ET VIE PROFESSIONNELLE

Article 10 - Contribuer à réduire les écarts de situation résultant d’un emploi à temps partiel

Le travail à temps partiel peut être un moyen à la disposition des salariés qui le souhaitent de concilier des contraintes liées à leur vie personnelle et à leur activité professionnelle.

Dans le prolongement de l’accord national interprofessionnel du 1er mars 2004 relatif à la mixité et à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes les organisations signataires du présent accord rappellent que les salariés à temps partiel doivent bénéficier des mêmes possibilités d’évolution de carrière que l’ensemble des salariés de l’entreprise.

Dans cet objectif, lors de l’entretien professionnel, tel que prévu par l’accord national interprofessionnel du 5 octobre 2009 sur le développement de la formation tout au long de la vie professionnelle, la situation de l’évolution professionnelle des salariés à temps partiel sera examinée.

Dans ce cadre, en fonction des caractéristiques et de la taille de l’entreprise, les entreprises veilleront à ce que l’ensemble des postes de travail et des postes à responsabilité soient accessibles aux salariés à temps partiel.

Des indicateurs de suivi neutres et non discriminants seront élaborés à cet effet.

Enfin, les partenaires sociaux identifieront sur les territoires, les activités pour lesquelles les groupements d’employeurs, ou des dispositifs de même nature, pourraient contribuer à la sécurisation du parcours professionnel des salariés concernés.

Article 11 - Favoriser une meilleure conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle par une articulation adaptée des temps

A l’occasion notamment de l’entretien professionnel prévu par l’accord national interprofessionnel du 5 octobre 2009 sur le développement de la formation tout au long de la vie professionnelle, le salarié pourra demander que soient examinées les possibilités d’aménagements horaires, compatibles avec ses missions qui lui permettraient une meilleure articulation entre sa vie personnelle et sa vie professionnelle pour une période limitée. .

Les signataires du présent accord conviennent d’entamer, au plus tard au cours du 1er trimestre 2014, une réflexion portant d’une part sur une harmonisation des droits aux différents types de congés existants actuellement (parentaux et personnels) en termes de conditions d’ouverture et d’indemnisation et d’autre part sur la portabilité de ces droits et le cadre de sa mise en œuvre.

TITRE V - AMELIORER LA QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL ET L’ÉGALITE PROFESSIONNELLE DANS LE CADRE DU DIALOGUE SOCIAL POUR CONTRIBUER A RENDRE L’ENTREPRISE PLUS COMPÉTITIVE

Article 12 - Encourager et favoriser l’expression des salariés sur leur travail

Sans préjudice des dispositions du titre I relatif à l’organisation du travail de l’accord cadre national interprofessionnel du 17 mars 1975 sur l’amélioration des conditions de travail, si l’organisation du travail est de la seule responsabilité de l’employeur, la possibilité donnée aux salariés de s’exprimer sur leur travail, sur la qualité des biens et services qu’ils produisent, sur les conditions d’exercice du travail et sur l’efficacité du travail, est l’un des éléments favorisant leur perception de la qualité de vie au travail et du sens donné au travail.

A cette fin, les entreprises développeront des initiatives dans le cadre de la démarche visée à l’article 13 ci-dessous, favorisant l’expression directe des salariés sur leur travail, dans le prolongement du cadre fixé par le titre VIII du livre II de la deuxième partie du Code du travail. Un bilan de ces expérimentations sera établi dans les 3 ans suivant la signature de l’accord.

Ces espaces de discussion s’organiseront sous la forme de groupes de travail entre salariés d’une entité homogène de production ou de réalisation d’un service. Ils peuvent s’organiser en présence d’un référent métier ou d’un facilitateur chargé d’animer le groupe et d’en restituer l’expression et comportent un temps en présence de leur hiérarchie.

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66 - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - Institut du Leadership - BPI group

Ces espaces de discussion peuvent également être mis en place pour des managers.

Les restitutions validées par le groupe sont portées à la connaissance de la hiérarchie et des institutions représentatives du personnel.

Les restitutions issues des espaces d’expression peuvent fournir à l’employeur, des éléments de réflexion sur, d’une part, d’éventuelles évolutions de l’organisation du travail tournée vers davantage d’autonomie et d’autre part, sur le rôle et les moyens du management.

Ces échanges doivent contribuer à créer des relations empreintes de plus de bienveillance et à développer un climat de confiance réciproque.

Ces modes d’expression mis en place ne doivent pas faire obstacle aux attributions des institutions représentatives du personnel ni au pouvoir hiérarchique du management.

De la même façon, le management et les élus des institutions représentatives du personnel doivent veiller à respecter les possibilités d’expression des salariés, organisées dans un tel cadre.

Les organisations signataires rappellent que l’expression des salariés doit s’inscrire dans le respect de l’entreprise et des modalités prévues par le présent accord. Elle ne doit en aucun cas se traduire par la diffusion sur les réseaux sociaux d’éléments visant à discréditer l’entreprise.

Article 13 - Elaborer la démarche de la qualité de vie au travail dans le cadre du dialogue social

L’empilement des textes, le cloisonnement des thèmes, les obligations de négocier selon des modalités et échéances qui ne coïncident pas avec la dynamique (temps et contenu) du dialogue social dans les branches et les entreprises n’ont pas forcément permis aux négociateurs de s’approprier pleinement ces questions.

L’approche systémique de la Qualité de Vie au Travail et de l’Égalité Professionnelle a pour ambition de résoudre cette difficulté, en s’affranchissant des approches segmentées qui n’ont pas donné jusqu’à ce jour les résultats escomptés, pour à la fois améliorer la qualité de vie au travail et faire progresser l’égalité professionnelle et la conciliation des temps. A cet égard, les organisations signataires du présent accord souhaitent que les entreprises prennent en compte les acquis des accords nationaux interprofessionnels précités sur le stress ainsi que sur la prévention du harcèlement et de la violence au travail.

Afin de permettre aux entreprises de conduire une telle démarche dans le cadre du dialogue social, les organisations signataires du présent accord conviennent des dispositions suivantes :

� Les partenaires sociaux examineront, au niveau de l’entreprise ou de la branche professionnelle, la possibilité de mettre en place, à titre expérimental, une négociation sur la qualité de vie au travail qui pourra regrouper dans une négociation unique celles qui, prises parmi les différentes négociations obligatoires, participent de la démarche de qualité de vie au travailb, sans remettre en cause le contenu desdites obligations.

� Cette possibilité sera examinée lors de l’une des réunions organisées dans le cadre des négociations annuelles obligatoires.

S’ils conviennent de mettre en place une telle négociation sur la qualité de vie au travail et que celle-ci aboutit à un accord, cet accord sera conclu pour 3 ans et pourra porter sur les points suivants :

� un diagnostic, tel que précisé à l’article 14 du présent accord, permettant de spécifier les thèmes de négociation retenus ;

� la définition, l’élaboration et la mise en œuvre d’actions collectives et individuelles portant, en fonction du diagnostic prévu à l’alinéa ci-dessus et de la situation de l’entreprise, sur les thèmes participant de la qualité de vie au travailc ;

� elle s’appuiera sur les différents outils existants dans l’entreprise ;

� les modalités des dispositions visant à favoriser l’expression directe des salariés sur leur travail, l’amélioration des processus de leur travail, les marges d’autonomie dont ils pourraient disposer. Ces modalités pourront faire l’objet d’expérimentations. Ces expérimentations tiendront compte des spécificités de certains publics et des entreprises ;

� des actions prévues au présent titre ;

� les indicateurs de suivi prévus à l’article 15 du présent accord.

b) Voir en annexe une liste d’éléments descriptifs destinés à faciliter l’élaboration d’une démarche de qualité de vie au travail dans le cadre du dialogue social

c) Les thèmes soumis, par le Code du travail à une négociation obligatoire, qui ne seront pas repris dans l’accord resteront assujettis à ladite obligation de négocier.

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Institut du Leadership - BPI group - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - 67

Pour la négociation d’un tel accord, le ou les délégués syndicaux de chaque organisation syndicale représentative dans le champ de l’accord pourront, pour compléter leur délégation en l’application de l’article L 2232-17 du code du travail, faire appel, en cours de négociation, à des salariés différents en fonction des thèmes de négociation retenus au moment où ceux–ci seront abordés, sans que cette possibilité conduise à dépasser le nombre maximum de membres par délégation prévu à l’article L.2232-17 précité.

Pour être valide, l’accord visé ci-dessus portant sur le regroupement de plusieurs négociations obligatoires, doit être signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des représentants du personnel. Un tel accord ne peut faire échec aux dispositions en vigueur sur la négociation annuelle obligatoire sur les salaires.

En l’absence d’un tel accord, les entreprises resteront liées par les différentes obligations de négocier en vigueur et devront aborder les questions de qualité de vie au travail lors de la négociation annuelle prévue à l’article L.2281-5 du Code du travail relative à l’expression des salariés.

Article 14 - Diagnostic préalable

La réalisation du diagnostic préalable partagé, prévu à l’article 13 ci-dessus, doit faire l’objet d’une information des salariés et implique la mise en œuvre d’une méthodologie qui favorise leur participation et la confiance.

Le diagnostic préalable doit permettre de déterminer les enjeux propres à l’entreprise en matière de qualité du travail, de qualité de vie au travail et de conciliation des temps. Qualitatif et quantitatif, il doit être établi selon des modalités réalisables quelle que soit la taille de l’entreprise, en croisant notamment les éléments déjà existants dans l’entreprise.

Ce diagnostic préalable sera élaboré après examen :

� des règles applicables dans les domaines des conditions de travail, de l’égalité professionnelle et de la conciliation des temps ;

� des outils et des dispositifs déjà existants dans la branche et dans l’entreprise (stress, diversité, seniors, GPEC…) ;

� des informations transmises aux institutions représentatives du personnel dans le document unique ou la base de données définis à l’articleL.2323-7-2 du Code du travail et lors des négociations collectives en veillant à les enrichir en tant que possible, d’une approche par sexe, à partir du Rapport de Situation Comparée entre les femmes et les hommes, en attachant une attention particulière à l’amélioration de la carrière des femmes et les conditions d’emploi (intégrant la mixité des métiers, les modalités d’ordonnancement du travail, les conditions de travail et l’articulation vie professionnelle et personnelle) ;

� des avis du CHSCT et du Comité d’entreprise, dans le cadre de leurs compétences respectives ;

� des indicateurs de qualité de vie au travail définis à l’article 15 du présent accord.

Pour la réalisation de ce diagnostic, les partenaires sociaux peuvent faire appel à des organismes externes.

Par ailleurs, les partenaires sociaux utiliseront également les restitutions résultant des espaces d’expression des salariés prévus à l’article 12 pour enrichir leur réflexion.

Article 15 - Définir des indicateurs de la qualité de vie au travail, spécifiques à l’entreprise

Les indicateurs prévus à l’article 13 du présent accord permettront d’en évaluer les résultats. Ils seront définis et partagés entre les partenaires sociaux au plus près des réalités de l’entreprise et de la situation des salariés.

Si la définition d’indicateurs est très utile pour identifier les phénomènes et mesurer des évolutions dans le temps, il est important d’en garder une approche pragmatique et mesurée.

Trois grands types d’indicateurs peuvent être retenus :

� des indicateurs de perception des salariés (susceptibles d’être appréciés notamment au regard des conclusions des rapports Gollac / Bodier, Lachmann / Larose / Pénicaud et Nasse / Légeron) ;

� des indicateurs de fonctionnement ;

� des indicateurs de santé au travail.

Permettant d’évaluer la mise en œuvre d’actions concrètes dans l’entreprise et donc relevant des thèmes qui seront retenus par les négociateurs de l’entreprise, ils pourront notamment relever des domaines suivants :

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68 - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - Institut du Leadership - BPI group

� les relations sociales et de travail ; � le contenu et la qualité du travail ; � l’environnement physique de travail ; � la réalisation et le développement professionnel ; � l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes ; � la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle ; � la mixité des emplois ; � les modalités de mise en œuvre de l’organisation du travail.

Article 16 - Accompagner les équipes de direction et le management

Le rôle du management, comme celui de la Direction, est primordial dans toute démarche visant à améliorer la qualité de vie au travail. Au quotidien, il organise l’activité, fait face aux difficultés rencontrées par les salariés et est un relai essentiel de la politique de l’entreprise.

A cet effet, il est nécessaire que l’employeur précise le rôle du management et les moyens nécessaires mis en œuvre pour qu’il puisse exercer ce rôle.

Une meilleure sensibilisation et une formation adéquate des managers en matière de gestion d’équipe et de comportements managériaux sont de nature à favoriser la qualité de vie au travail.

L’objectif est d’aider ces managers à mieux appréhender les difficultés en prenant en compte les conditions réelles d’exercice du travail, à favoriser les échanges sur le travail, à savoir mieux identifier les conditions d’une bonne coopération dans leurs équipes.

Des outils adaptés seront mis à leur disposition pour les accompagner lorsqu’ils sont en difficulté ou face à des salariés en difficulté.

Des outils destinés à l’atteinte de cet objectif seront élaborés par les branches professionnelles, en fonction des spécificités des entreprises de leur secteur.

Article 17 - Promouvoir une gestion intelligente des technologies de l’information et de la communication au service de la compétitivité des entreprises, respectueuse de la vie privée des salariés

Les Technologies de l’Information et de la Communication (utilisation de la messagerie électronique, ordinateurs portables, téléphonie mobile et Smartphones) font aujourd’hui de plus en plus partie intégrante de l’environnement de travail et sont indispensables au fonctionnement de l’entreprise. Elles doivent se concevoir comme un outil facilitant le travail des salariés. Les TIC peuvent cependant estomper la frontière entre le lieu du travail et le domicile d’une part, entre le temps de travail et le temps consacré à la vie personnelle d’autre part.

Selon les situations et les individus, ces évolutions sont perçues comme des marges de manœuvre libérant de certaines contraintes ou comme une intrusion du travail dans la vie privée.

Leur utilisation ne doit pas conduire à l’isolement des salariés sur leur lieu de travail.

Elle doit garantir le maintien d’une relation de qualité et de respect du salarié tant sur le fond que sur la forme de la communication et le respect du temps de vie privé du salarié.

Les signataires proposent aux entreprises de prendre en compte cette question, en identifiant les avantages et les inconvénients de ces évolutions.

Les entreprises s’attacheront à mettre en place des formations à la conduite du changement et à l’utilisation des TIC pour les salariés ayant des difficultés particulières pour les maîtriser.

Elles rechercheront, après avoir recueilli le point de vue des salariés sur l’usage des TIC dans l’entreprise, les moyens de concilier vie personnelle et vie professionnelle en tenant compte des exigences propres aux caractéristiques de l’entreprise et des fonctions exercées, par l’institution, par exemple, de temps de déconnexion, comme cela se pratique déjà dans certaines entreprises.

Elles pourront mettre en place des actions de sensibilisation sur le bon usage des TIC auprès des salariés et du management.

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Institut du Leadership - BPI group - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - 69

Article 18 - Le rôle des institutions représentatives du personnel

En cas d’accord d’entreprise conclu dans le cadre de l’une ou l’autre des modalités prévues à l’article 13 du présent accord, celui-ci doit favoriser une lecture globale et prospective de la démarche de qualité de vie au travail et d’égalité professionnelle et conduire à une meilleure compréhension et une appropriation de cette démarche par les salariés de l’entreprise et leurs représentants.

Il doit conduire à préciser les moyens et la méthode à suivre pour la mise en œuvre des étapes précisées à l’article 13 précité, en tenant compte de la taille et des caractéristiques de l’entreprise concernée :

� Les IRP, dans le cadre de leurs missions respectives, contribuent au diagnostic, prévu à l’article 14 du présent accord, sur la base des informations dont elles disposent et pourront formuler toutes préconisations sur les informations utiles complémentaires.

� L’accord d’entreprise complètera, le cas échéant, la nature des informations qui seront communiquées aux institutions représentatives du personnel, notamment au CHSCT pour ce qui concerne ses missions, dans le cadre des domaines couverts par l’accord.

� Les IRP, dans le cadre de leurs missions respectives, sont associés, dans un cadre coordonné, à la mise en œuvre des actions prévues à l’accord.

� A cet égard, les institutions représentatives du personnel participeront au suivi des espaces d’expression, quant à leur fonctionnement et aux suites données aux préconisations qu’ils énoncent.

Les signataires du présent accord proposent que les représentants du personnel puissent, dans le cadre de leurs formations spécifiques être sensibilisés, outre au cadre juridique, aux notions de travail et de prévention.

Les partenaires sociaux souhaitent rappeler à cette occasion l’importance qu’ils attachent au rôle du CHSCT.

Dans cette perspective, des expérimentations pourront être conduites pour tenir compte de certaines situations : site avec multiplicité d’entreprises, multiplicité des établissements d’une même entreprise, entreprises à « guichet » etc., nécessitant de réfléchir à des formules adaptées.

Les signataires du présent accord demandent en conséquence aux pouvoirs publics d’autoriser des expérimentations, dérogatoires au droit commun, permettant d’améliorer le cadre de fonctionnement des CHSCT.

TITRE VI - LA DÉMARCHE DE MISE EN ŒUVRE DE LA QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL ET DE L’ÉGALITE PROFESSIONNELLE DANS L’ENVIRONNEMENT DE L’ENTREPRISE

Article 19 - Le rôle des branches

Les branches professionnelles remplissent un rôle majeur de négociation, d’information, d’incitation et d’appui.

Elles mettront à disposition des entreprises des outils de sensibilisation aux stéréotypes de genre permettant d’en limiter les effets dans les entreprises.

Elles mettront à disposition des entreprises, des salariés et de leurs représentants, des informations sur la méthodologie de la négociation sur la qualité de vie au travail.

Elles définiront des modalités adaptées qui permettront aux TPE PME de mettre en œuvre les dispositions du présent accord et examineront la nécessité de développer une information sexuée permettant d’engager les actions favorables à l’égalité professionnelle et à la mixité.

Elles sont invitées à s’approprier l’approche qualité de vie au travail-égalité professionnelle en s’appuyant sur la CPNE lorsqu’elle existe et les données produites par l’observatoire prospectif des métiers et des qualifications de la branche.

Au titre des informations visées au 2ème alinéa ci-dessus, elles pourront établir une liste d’indicateurs qualité de vie au travail-égalité professionnelle - dont les entreprises s’inspireront et mener des expérimentations visant à permettre l’expression directe des salariés sur leur travail, dont les résultats seront diffusés auprès des entreprises.

Afin d’aider les branches professionnelles à réaliser un bilan de la mise en œuvre de l’article 13.2 de l’accord national interprofessionnel du 1er mars 2004, les signataires du présent accord proposent d’élaborer, dans le cadre d’un groupe de travail paritaire qui sera

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70 - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - Institut du Leadership - BPI group

constitué à cet effet, une méthodologie permettant d’analyser les critères d’évaluation retenus dans la définition des postes de travail, et ce afin de repérer ceux qui seraient susceptibles d’induire des discriminations entre les femmes et les hommes.

Article 20 - Le rôle des différents acteurs sur le territoire

La conciliation des temps comprend les questions d’horaires de l’entreprise, les horaires et éloignement des lieux d’accueil des enfants, les rythmes scolaires, les moyens de transport, les capacités de logement, de restaurations et les commerces.

Ces questions dépendent d’acteurs différents : collectivités locales, entreprises dans lesquelles travaillent les salariés, éducation nationale, entreprises qui organisent le transport, bailleurs sociaux, etc.

La réponse n’appartient donc pas aux seuls partenaires sociaux, et les acteurs n’apportent souvent une réponse que partiellement satisfaisante aux enjeux qu’ils doivent aborder.

Par ailleurs, une telle démarche répond au besoin d’offrir, sur un même territoire, les mêmes facilités aux salariés, quelle que soit la taille de l’entreprise ou de ses caractéristiques.

Pour répondre aux enjeux de l’articulation des temps, les organisations interprofessionnelles territoriales d’employeurs et les Unions territoriales des syndicats de salariés procèderont à l’identification des besoins en proposant aux différents acteurs concernés des concertations territoriales intégrant dans leur objet les différents déterminants de la qualité de vie au travail, ainsi que les éléments résultant de la Gestion territoriale des emplois et des compétences.

Ces concertations pourront porter sur les projets de construction de zones d’activité ou de transferts d’entreprises.

Article 21 - Le rôle de la formation destinée aux futurs managers et dirigeants

Indépendamment des actions envisagées à l’article 16 du présent accord à l’intention des managers, il demeure que la formation au management proposée dans les différentes écoles ou universités ne prend pas suffisamment en compte le management des équipes, les dimensions permettant la qualité de vie au travail, l’égalité professionnelle et l’égalité d’accès des personnes handicapées à l’emploi ainsi que les risques professionnels et leur prévention.

Aussi, les signataires du présent accord demandent que les programmes de formation des futurs managers, des dirigeants et des managers en poste intègrent davantage cette dimension.

TITRE VII - SUIVI DE L’ACCORD

Article 22 - Suivi de l’accord national interprofessionnel

Le comité de suivi de l’accord, mis en place par les signataires du présent accord, prendra connaissance des expérimentations portant sur l’amélioration de la qualité de vie au travail, menées par les branches et les entreprisesd, en application du présent accord. Il s’appuiera sur celles-ci pour procéder à une évaluation de la mise en œuvre de l’accord et pour proposer, le cas échéant, des évolutions ultérieures du contenu du présent accord.

Il veillera à identifier l’impact de l’accord d’une part sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et, d’autre part, sur les actions concourant à la qualité de vie au travail.

A cet effet, une base de donnée des expérimentations sera mise en place fin 2013 par les organisations signataires du présent accord.

Article 23 - Entrée en vigueur du présent accord

L’application du présent accord étant subordonnée à l’adoption de l’ensemble des mesures légales nécessaires à son application, dans le respect de l’équilibre convenu par les signataires, son entrée en vigueur interviendra au lendemain de la publication au journal officiel de son arrêté d’extension dépourvu de toute exclusion sur son contenu. Compte-tenu de son caractère expérimental, le présent accord est conclu pour une durée déterminée de 3 ans, à compter de son entrée en vigueur. Il cessera de plein droit de produire ses effets au terme de ce délai.

d) Qui pourront, à cet effet, faire appel à l’appui d’organismes spécialisés tels que l’ANACT et le réseau des ARACT par exemple.

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Institut du Leadership - BPI group - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - 71

A la suite de l’évaluation prévue à l’article 22 ci-dessus, les organisations de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national interprofessionnel, se réuniront pour examiner les suites à donner au présent accord.

Un premier bilan d’étape sera réalisé par le comité de suivi à l’issue des 18 premiers mois suivant l’entrée en application du présent accord.

Fait à Paris le 19 juin 2013

Pour la CGPME Pour la CFDT

Pour le MEDEF Pour la CFE-CGC

Pour l’UPA Pour la CFTC

Pour la CGT

Pour la CGT-FO

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72 - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - Institut du Leadership - BPI group

ANNEXE A L’ARTICLE 13

ÉLEMENTS DESCRIPTIFS DESTINÉS A FACILITER L’ÉLABORATION D’UNE DÉMARCHE DE QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL DANS LE CADRE DU DIALOGUE SOCIAL

• La qualité de l’engagement à tous les niveaux de l’entreprise

� Prise en compte des enjeux de la vie personnelle des salariés par les dirigeants des entreprises à tous les niveaux, par les partenaires sociaux et pour ce qui concerne l’environnement de l’entreprise, par l’État et les collectivités territoriales

� Modes d’implication des salariés, y compris de l’encadrement, favorisant l’expression des femmes et des hommes dans la vie au travail.

• La qualité de l’information partagée au sein de l’entreprise sur :

� L’environnement économique

� Les objectifs et orientations stratégiques (cf les discussions interprofessionnelles sur la modernisation du dialogue social)

� Les valeurs auxquelles se réfère l’entreprise (exprimées par exemple dans les chartes d’entreprise) y compris dans ses relations avec son environnement

� Les « caractéristiques » des salariés.

• La qualité des relations sociales et de travail :

� Reconnaissance du travail

� Egalité salariale entre les femmes et les hommes

� Respect, écoute des salariés

� Mise en place d’espaces de dialogue et d’expression des salariés

� Information adaptée aux enjeux des relations sociales et de travail (cf les discussions interprofessionnelles sur la modernisation du dialogue social)

� Dialogue social aux différents niveaux (établissement, entreprise, groupe)

� Rôle des Institutions représentatives du personnel

� Modalités de participation aux décisions (cf les discussions interprofessionnelles sur la modernisation du dialogue social).

• La qualité du contenu du travail

� Autonomie

� Variété des taches

� Degré de responsabilité

� Enrichissement des compétences

� Capacité d’expression des salariés

� Sens donné au travail

• La qualité de l’environnement physique

� Sécurité

� Ambiances physiques

• La qualité de l’organisation du travail

� Qualité du pilotage

� Capacité d’appui de l’organisation dans la résolution des problèmes

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Institut du Leadership - BPI group - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - 73

� Rôle et appui du management de proximité

� Démarche de progrès

� Anticipation de la charge de travail pour sa gestion optimale

� Organisations apprenantes

� Conséquences de l’impact de la généralisation des nouvelles technologies de l’information et de communication (distinction des temps de travail liés aux moyens électroniques tels que email à distance, portable…)

� Anticipation des conséquences des mutations et restructurations des entreprises sur la qualité de vie au travail et l’emploi.

• Les possibilités de réalisation et de développement personnel

� Formation

� Acquis de l’expérience

� Développement des compétences

� Déroulement de carrière et égalité de ces déroulements de carrière entre les femmes et les hommes

� Egal accès entre les femmes et les hommes aux fonctions de direction

� Lutte contre les stéréotypes attachés à la maternité et à la parentalité

� Prise en compte des diversités.

• La possibilité de concilier vie professionnelle et vie personnelle

� Prise en compte de la parentalité (au cours de la vie professionnelle)

� Attention portée à la conciliation vie professionnelle/ vie personnelle

� Rythmes et horaires de travail

� Attention portée aux temps sociaux (transports, accès aux services).

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Annexe 3 : Le travail à cœur, pour en finir avec les risques psychosociaux, Yves CLOT, Paris, La Découverte, 2010

L’auteur, l’ouvrage et son contexte

Yves CLOT est professeur titulaire de la chaire de psychologie du travail au CNAM. Ce livre est un essai rédigé suite aux suicides chez France Telecom et à l’augmentation des TMSa, très médiatisés en 2009. Pour l’auteur, c’est une « tentative d’agir, sans naïveté sociale, sur la conjoncture, à court-terme. » (p.9) Il tente d’analyser le « malaise » du/au travail, avec l’idée que c’est le travail lui-même qui est malade. Plutôt que de chercher à soigner directement les acteurs (et les RPS), il faudrait soigner les organisations, et le travail (p.113).

La thèse

Il existe un conflit, inhérent à la relation employeur/salarié, sur la qualité du travail, sur la définition du travail « bien fait ». Ce décalage influe négativement sur la santé. Et parce que le débat sur la qualité, nécessaire pour « guérir » le travail et les organisations est contourné, rien ne change. L’argumentation d’Y. CLOT se fait en six chapitres. Il explicite des exemples d’organisations « malades», étudie les thèses diverses sur le sujet et critique ce qu’il appelle le « marché des RPS » et les politiques mises en œuvre.

Avis, perspectives

Le livre est facile d’accès, il émet un point de vue original sur les RPS. Des parallèles sont possibles avec Norbert ALTER, et la théorie des organisations en général.

Les points clés par chapitre

1. Un paradoxe français

L’auteur questionne la « valeur travail » en France. Il essaye de comprendre pourquoi les Français sont si attachés au travail et dans le même temps, ne s’y réalisent pas. Il fait un tour d’horizon des thèses sur le sujet et cite, entre autres, Dominique MEDA.

Le travail de Thomas PHILIPPONb est surtout retenu et sert de base au livre : selon lui, il n’y a pas de crise de la « valeur travail » puisque les actifs veulent toujours travailler et les entrepreneurs entreprendre. Seulement, ils n’arrivent pas à le faire ensemble. Cela s’explique par l’existence du conflit intrinsèque à la relation sociale sur ce qu’est la qualité du travail ; il y a un trop grand écart entre la logique du marché et le « métier ».

En parallèle, les dirigeants d’entreprises refusent de reconnaître et perçoivent négativement l’attachement des salariés à leur travail ; ils l’assimilent à un « surinvestissement affectif »c. Les négociations sociales ne portent jamais sur le conflit du travail ou la question de la définition de la qualité, et l’intervention de l’État déresponsabilise les acteurs, défavorisant ainsi le vrai dialogue.

En découlent des mesures ministérielles hâtives pour prendre en charge les RPS. Ex : CLOT qualifie le rapport de la Commission à l’initiative de Jean-François COPE, en 2009 de « conformiste » (p.17), favorisant « l’hygiénisme d’antan » (p.22) et refusant d’affronter le problème. Aussi, France Telecom, en 2009, a mis en place une politique de « détection des fragiles » (p.24) qui répondait à la tyrannie du court-terme et à une logique de crise sanitaire.

Pour CLOT, la tendance est à la gestion managériale du stress, stress et RPS sont confondus, et les syndicats sont dépassés par trop d’expertise ; ils perdent ainsi leur légitimité.

a) Troubles musculo-squelettiques

b) Economiste français. A écrit Le capitalisme d’héritiers : la crise française du travail.c) Parallèle possible avec Donner et Prendre, N. ALTER.

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Institut du Leadership - BPI group - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - 75

2. La qualité empêchée

A travers plusieurs exemples, CLOT démontre le lien entre « travail bien fait », attachement à l’entreprise et santé.

Quatre exemples

L’importance de la « saveur du travail » via le témoignage de Monique LABORDE, infirmière du travail chez Lu au moment du rachat par BSN : la logique de rentabilité l’emporte sur celle de qualité, les produits utilisés pour la fabrication des biscuits ne sont plus les mêmes, les odeurs, les recettes changent et avec elles la conscience commune. La qualité est empêchée, les sentiments « amputés » (p.40).

Refus de la marchandisation par les guichetiers de la Poste, en formation commerciale pour augmenter les ventes, sans forcément prendre en compte les besoins du client. Cela rentre en conflit avec leur conception personnelle de la qualité.

D’après le travail de Philippe ZARIFIAN chez France Telecom, les multiples réorganisations, les mutations forcées de salariés dans les call centers : comment ces salariés arrivent-ils à s’adapter, à surmonter la déconsidération professionnelle ressentie, la pénibilité nerveuse du travail ? Grâce à des actes de « contre-effectuation ». Ils contournent les objectifs de ventes, les scripts définis à l’avance et essayent de proposer un vrai service de qualité.

Les professeurs du secondaire : il y a oscillation entre renoncement et endurance pour la formation des jeunes, alors que le sens, le contenu s’est perdu. Il ne s’agit plus de transmettre un savoir, mais de « faire rentrer les élèves en classe » (p.58), de mettre en place un contexte d’apprentissage. Et l’Éducation nationale prend le « virage managérial », prescrit les « bonnes pratiques » (p.60), sans essayer de définir, avec les profs, les critères de la qualité. Les profs sont peut-être les plus atteints dans leur santé.

3. Le collectif en miettes

La qualité empêchée finit par abîmer le collectif : il existe bien un rapport entre « organisation du travail et explosion des pathologies » (p.96), lorsque l’organisation ne permet pas la coopération, l’initiative individuelle et la préservation d’une mémoire collective.

Trois exemples

Les hôpitaux et les coûts de l’obsession budgétaire : la tarification à l’activité (T2A) est un nouveau mode de financement qui oblige le chirurgien à passer trop de temps à « coder » ses interventions. Cette bureaucratisation crée des incohérences par rapport aux cas réels et déstabilise la logique d’ensemble des acteurs, au détriment des patients. En gériatrie, Clot pense que le problème de la maltraitance est dû à l’organisation officielle qui ne permet pas le fonctionnement collectif du travail et entraîne une dégradation de la qualité des soins. Les acteurs maltraitent les patients parce qu’on « maltraite leur métier » (p.79).

La réorganisation de la SNCF empêche la coopération des acteurs pour la sécurité des circulations. En cas de problème, le conducteur est le fautif désigné parce que ses collègues se déresponsabilisent et que la logique d’ensemble n’existe plus ; les conducteurs sont atteints dans leur santé et la qualité de la sécurité des circulations n’est pas garantie. Aussi, les ASCT (contrôleurs), doivent « prendre sur eux » pour assurer une qualité de service car en cas de problème (agression, refus de coopérer d’un passager), ils sont démunis : les agents de sécurité de la SNCF ou la police ne se déplacent quasiment jamais.

Travaux de Sandrine FLAGEUL-CAROLY : deux bureaux de poste comparés, l’un en province, l’autre en banlieue. En banlieue, le règlement est sacralisé, respecté à la lettre par les individus mais chacun est exposé à l’isolement et l’ensemble fonctionne mal ; en cas de problème, les acteurs transgressent la règle individuellement et créent des incohérences coûteuses pour l’ensemble et pour leur santé personnelle. En province, il y a une « appropriation collective de la règle et du réel » en fonction des situations ; les acteurs cultivent leurs « Ressources Psychologiques et Sociales (RPS) » (p.102) et l’ensemble fonctionne bien.

4. Au-delà des risques, les ressources de l’activité

Les RPS, un consensus social ? Deux approches :

� L’approche la plus répandue. Les salariés seraient exposés à un risque indéfini, (= modèle « toxicologique du psychosocial » p.105) ; cela suppose la passivité des différents opérateurs.

� Approche de CLOT ou Antoine LAVILLEd. Le déni du conflit sur la qualité du travail et les troubles de l’adaptation des organisations aux exigences du travail lui-même, entraînent une dégradation de la santé. Car c’est « l’écart perçu par les travailleurs entre ce

d) Médecin français

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76 - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - Institut du Leadership - BPI group

qu’ils devraient faire et ce qu’on leur demande d’accomplir qui produit des déséquilibres » (définition du stress pour CLOT). Il faudrait donc privilégier une « analyse clinique de l’activité » et « soigner le travail lui-même » (p.113).

Parce qu’il n’y a pas de consensus, l’Etat, (cf. rapport NASSE-LEGERON, et Collège d’expertise sur les RPS, 2009 ENTG), recommande de commencer par l’observation et la mesure. 40 indicateurs retenus, mais CLOT critique la méthode d’établissement de ceux-ci.

5. La tentation hygiéniste

CLOT critique les mesures de prévention et de prises en charge des RPS, sur le modèle de la veille sanitaire. Cet « hygiénisme » sert simplement à cautériser les conflits et le marché des RPS se met en place : c’est un secteur économique en croissance. On détecte les cas difficiles, on vend un service à la personne et on introduit des « bonnes pratiques » universelles, indépendamment des situations particulières de chaque organisation.

Il y a lieu de s’interroger : est-ce que cette gestion individuelle des « RPS » sert à mieux contrôler les acteurs ? Lien avec le concept de « bio-cratie » (Edouard TOULOUSE, psychiatre du XIXe), et « bio-pouvoir (Michel FOUCAULT).

6. Le travail aux soins de ceux qui le font

L’hygiénisme a au moins le mérite de mettre au centre du problème la gravité de la souffrance au travail. Mais il faut éviter la « victimologie » et transformer cette souffrance en énergie vitale pour agir. L’action est bien au rendez-vous mais ne vient pas des premiers concernés (les salariés).

Le pouvoir d’agir des salariés et leur santé : ce sont les « gens ordinaires », et seulement eux, qui peuvent agir sur leur santé et leur travail ; via la prise d’initiative et la coopération. « Au travail, on ne vit pas dans un contexte, on cherche à créer un contexte pour vivre » (p. 167) Il ne s’agit pas de prescrire des « bonnes pratiques » et des comportements modèles mais de donner aux acteurs le pouvoir d’agir, via une analyse clinique de l’activité.

« La santé consonne […] avec le ‘soutien social’ que peuvent apporter ceux qui travaillent à une organisation fragilisée par le déni du conflit, déni qu’ils peuvent contribuer à lever en mobilisant les « ressources psychologiques et sociales » (RPS), de leur activité conjointe. » (p.170)

L’auteur fait état d’une nostalgie artisanale, d’une idéalisation de la corporation de métier et des solidarités d’antan. Il faut réinventer une idée neuve du collectif. Et cela commence nécessairement pas un « déplaisir » : le dialogue, le conflit, la confrontation sur ce qu’est la qualité de l’ouvrage, du service. C’est la « dispute de métier », qui permet d’améliorer les techniques, les façons de faire. Et les produits de ces débats en commun sont des instruments de travail individuels, qui permettent l’évolution et l’amélioration du geste. Le collectif devient alors « l’histoire trans-personnelle du métier » (p. 181) ; il transite partout, dans toutes les fonctions, et opérationnelles et RH, etc. Le travail est un « non-lieu » qu’on ne peut s’approprier, mais que chacun contribue à améliorer et qu’il faut prendre à cœur.

Donc parce que le conflit de critères sur la qualité du travail est sans cesse contourné, les organisations s’enlisent dans l’incapacité de coordonner les acteurs, et atteignent leur santé.

Fiche de lecture réalisée par Soline Avrillas

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Institut du Leadership - BPI group - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - 77

Annexe 4 : La santé dans le droit du travail, quelques repères historiques

La prévention des risques professionnels est l’aboutissement de plus d’un siècle d’évolutions du droit du travail et du mécanisme de réparation des dommages et de ses institutions.

Les principales étapes du droit du travail en santé et sécurité

Soustraire du risque : naissance de la réglementation en prévention. L’histoire de la santé au travail commence schématiquement en 1840. Une étude, présentée à l’Académie des Sciences, dresse un tableau alarmant de l’état physique et moral de la population ouvrière. Cet état des lieux légitime une intervention de l’État pour préserver la population salariée, alors en augmentation constante du fait de l’essor industriel, et pour assurer l’avenir de la société.

L’État intervient par plusieurs lois, ayant pour objectif de soustraire du risque les populations les plus faibles pour les protéger :

� La loi du 22 mars 1841 interdit le travail de nuit et les travaux dangereux aux enfants, et fixe l’âge d’admission au travail à 8 ans.

� La loi du 19 mai 1874 limite le travail des femmes et des enfants, et fixe à 12 ans l’âge d’admission.

� La loi du 2 novembre 1892 relève l’âge d’admission à 13 ans et instaure un repos dominical obligatoire pour les femmes et les jeunes de moins de 18 ans.

Maîtriser le risque : première loi générale sur l’hygiène et la sécurité au travail. En 1893 est promulguée la première loi qui concerne l’ensemble des travailleurs (et plus seulement les plus faibles). Elle prescrit des règles qui doivent permettre de maîtriser le risque. Ainsi, par exemple :

� Un décret du 28 décembre 1909 limite le port de charges lourdes pour les femmes et les jeunes travailleurs.

� 11 décrets du 11 juillet 1913 prescrivent des règles applicables à certaines activités (blanchisserie, industrie textile...) ou à certains risques spécifiques (plomb, électricité, air comprimé…).

Intégrer la sécurité le plus amont possible. À la veille de la seconde guerre mondiale, la démarche réglementaire s’enrichit d’une nouvelle approche en prévention. Pour faciliter la maîtrise des risques chez les travailleurs utilisant des équipements ou des produits, une série de textes imposent des obligations en amont, aux fabricants ou aux fournisseurs :

� La loi du 24 juin 1939 interdit la vente ou la location de machines dangereuses, non dotées de dispositifs de protection, dès lors que de tels dispositifs existent.

� La loi du 10 juillet 1948 impose l’étiquetage de certains produits nocifs pour leur mise sur le marché.

� Le principe d’intégration de la sécurité en amont sera généralisé et étendu avec la loi du 6 décembre 1976.

L’influence communautaire : une nouvelle approche. Les approches en prévention jusqu’alors mises en œuvre trouvent leurs limites. Les prescriptions réglementaires peinent à suivre l’évolution constante et rapide des techniques, qui font naître de nouveaux risques ou rendent obsolètes des techniques de prévention appliquées à des procédés dépassés.

En 1989, la Communauté européenne abandonne les prescriptions de moyens et fixe un objectif à atteindre : garantir la santé et la sécurité des travailleurs. C’est la directive-cadre 89/391 (transposée en droit français par la loi du 31 décembre 1991).

Les approches qui guidaient l’édiction des règles particulières fondent des principes généraux de prévention et constituent un guide pour l’employeur dans sa détermination des moyens à mettre en œuvre. Il appartient ainsi à l’employeur de tenir compte de l’évolution des techniques pour adapter continuellement les mesures qu’il adopte.

1840

1893

1939

1991

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Les principales dates de l’assurance des AT/MP

Naissance d’un droit à réparation pour les victimes d’accident du travail. Parallèlement à l’action de l’État qui intervient au travers de la réglementation du travail, un débat s’engage dès 1880 sur la question de la réparation des dommages pour les victimes d’accidents du travail. Ce débat aboutit à la loi du 9 avril 1898, qui met en place un mécanisme de réparation automatique et forfaitaire, à la charge de l’employeur, pour toute victime d’un accident « survenu par le fait ou à l’occasion du travail ».

Ce texte permet d’éviter, en principe, toute recherche de faute (de l’employeur ou du salarié), le droit à réparation étant fondé sur l’existence d’un accident de travail. Il prend en compte les fautes « inexcusables » qui ont un impact sur le montant de l’indemnisation forfaitaire (majorée si la faute est le fait de l’employeur, minorée si elle est le fait du salarié).

Généralisation de l’assurance. La loi d’avril 1898 n’a pas souhaité rendre obligatoire l’assurance des employeurs pour le risque « accidents du travail ». Les entreprises se tournent vers les assureurs pour faire face à leur obligation de réparation. L’assurance se généralise au point qu’en 1905, une loi autorise les salariés à demander réparation de leur accident directement à l’assureur de leur employeur (et non plus à l’employeur lui-même).

Extension du droit à réparation aux maladies professionnelles. D’abord réservée aux accidents du travail, la loi d’avril 1898 est étendue à la réparation des maladies professionnelles par la loi du 25 octobre 1919. Cette loi établit l’actuel système de tableaux, pour la reconnaissance des maladies professionnelles.

Rattachement de la réparation des AT/MP à la sécurité sociale. La loi du 30 octobre 1946 abroge la loi du 9 avril 1898 et rattache la réparation des AT/MP à la Sécurité sociale naissante. Ce rattachement instaure une assurance obligatoire en même temps qu’il établit un lien entre réparation et prévention, au sein d’un système de solidarité nationale. La prévention constitue une priorité affichée, dotée de moyens prélevés sur les cotisations perçues pour la réparation des dommages causés aux victimes.

La Sécurité sociale se substitue ainsi aux assureurs privés qui, jusqu’alors, prenaient en charge ces risques. C’est à son initiative qu’est fondé en 1947 l’INS (qui deviendra en 1968 l’INRS).

Source : INRS

1898

1905

1919

1946

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Institut du Leadership - BPI group - QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL - 79

Annexe 5 : Acteurs et sites

En France

La prévention des risques professionnels est placée sous la responsabilité des pouvoirs publics et de la Sécurité sociale.

Les pouvoirs publics, en charge de la politique de prévention

C’est le ministère chargé du Travail, et plus précisément la DGT, qui définit la stratégie réglementaire de prévention des risques sur les lieux de travail.

Son action est relayée sur le terrain par les DIRECCTE, par l’Inspection médicale du travail et l’Inspection du travail.

L’assurance sociale, acteur de la prévention et de la réparation

L’assurance sociale est chargée de définir des mesures et moyens de prévention et de garantir la réparation aux victimes d’AT/MP. Elle participe, en liaison avec le ministère chargé du Travail, à l’élaboration de la politique de prévention. Elle s’appuie au niveau national sur la CNAMTS.

L’action de la CNAMTS est relayée par le réseau régional de l’Assurance maladie risques professionnels (15 CARSAT, CRAMIF et 4 CGSS).

Les partenaires sociaux, partie intégrante du système de prévention

Des représentants des organisations des employeurs et des salariés assistent les pouvoirs publics, via le Conseil d’orientation sur les conditions de travail (COCT). Ils sont fortement impliqués dans la gestion de branche AT/MP de la Sécurité sociale via notamment la CATMP (Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles, dépendant de la CNAMTS).

Ils constituent le conseil d’administration de l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS).

L’INRS, acteur de la prévention

L’INRS travaille en relation avec l’État et l’ensemble des organismes de prévention pour mettre en œuvre la politique nationale de prévention des risques professionnels.

Il exerce ses activités au profit des salariés et des entreprises, notamment celles relevant du régime général de la sécurité sociale.

Autres organismes techniques ou scientifiques intervenant dans le système français de prévention :

� Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail - ANSES : www.anses.fr

� Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail - ANACT - et son réseau régional : www.anact.fr

� Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire - IRSN : www.irsn.fr

� Institut de veille sanitaire - InVS : www.invs.sante.fr

En Europe

Eurofound, la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail est l’une des premières agences européennes. Son rôle est de transmettre des informations, des conseils et un savoir-faire sur les conditions de vie et de travail, les relations industrielles et la gestion du changement en Europe aux principaux acteurs de la politique sociale européenne, en se fondant sur les résultats de informations, recherches et analyses comparatives. L’agence travaille sur 4 thèmes: emploi et conditions de travail ; équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée ; relations industrielles et partenariat ; cohésion sociale.

http://www.eurofound.europa.eu/

EU-OSHA - Agence européenne pour la santé et la sécurité au travail - The European Agency for Safety and Health at Work (EU-OSHA) s’engage à faire de l’Europe un lieu plus sûr, plus sain et plus productif où travailler. L’Agence promeut une culture de

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la prévention des risques afin d’améliorer les conditions de travail en Europe. Actions en terme de campagnes, prévention, action, recherche. https://osha.europa.eu/fr/about

Et aussi

BIT – Bureau international du Travail ou Organisation internationale du Travail. Institution spécialisée des Nations-Unies, l’OIT a pour principaux objectifs de promouvoir les droits au travail, d’encourager la création d’emplois décents, de développer la protection sociale et de renforcer le dialogue social dans le domaine du travail. http://www.ilo.org/global/lang--fr/index.htm

Autres acteurs, autres sites

Allo boulot bobo. Le Site Allo Boulot Bobo est une plateforme social-média et pédagogique éditée par le Cabinet Mozart Consulting spécialisé dans le Capital Humain, la Qualité de vie au Travail et la performance sociale. Il s’agit d’un site entièrement dédié au Bien-être au Travail dans une recherche de « Travailler Mieux pour vivre Mieux », vision stratégique du Cabinet. http://www.alloboulotbobo.fr/index.php

ANDRH – Association nationale des DRH. Créée en 1947, l’ANDRH est une association loi 1901 au service des professionnels des ressources humaines, représentant les entreprises et organisations de tous secteurs d’activité et de toutes tailles, publiques et privées, nationales et internationales. Elle compte plus de 5 000 membres, organisée en 80 groupes locaux, dont 18 en Ile-de- France. http://www.andrh.fr/

ASTREES - Association Travail Emploi Europe Société. Structure indépendante, l’association dispose de deux atouts essentiels : elle réunit toutes les parties prenantes des transformations sociales, présentes ou envisagées (entreprises, cabinets conseils, associations, universitaires, medias, experts et personnes qualifiées) et dispose d’un réseau national et international qui lui permet de croiser approches de terrain et comparaisons européennes. http://www.astrees.org/index.php

Clés du social, site documentaire mis en ligne par d’anciens intervenants sur le champ du social. http://clesdusocial.com/index.htm

Club QVT - fondé par EDF en 2009. Il réunit une douzaine de grandes entreprises engagées dans des expérimentations dédiées à la qualité de vie au travail. L’ANACT contribue aux réflexions du Club et plus particulièrement aux expérimentations de quelques entreprises. http://laqvt.fr/

FIRPS - Fédértion des intervenants en risques psychosociaux. http://www.firps.fr/

Institut supérieur du travail, expert des relations sociales et syndicales, délivre des formations et réalise des études. http://istravail.com/

ORSE - Observatoire de la Responsabilité sociétale des Entreprises. L’ORSE est une association loi 1901, créée en juin 2000, qui regroupe plus d’une centaine de membres venant des grandes entreprises du monde de l’industrie, des services et de la finance ; des sociétés de gestion de portefeuille et des investisseurs ; des organismes professionnels et sociaux ; des ONG issues aussi bien de l’environnement que du respect des droits de l’Homme. C’est une structure de veille permanente sur les questions qui touchent à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, au développement durable et aux placements éthiques. http://www.orse.org/

OSI – L’Observatoire social international, créé en 2000 à l’initiative de la DRH de GDF Suez et de Jean KASPAR, est un laboratoire d’idées sur les grands enjeux économiques et sociaux posés aux entreprises et à la société. Il regroupe des entreprises, des organisations syndicales, des universités, des consultants et divers partenaires. http://www.observatoire-social-international.com/

OVAT - Observatoire de la vie au travail, créé en 2008 par mars-lab (société de conseil en management de la performance sociale et en prévention des risques psychosociaux), dresse un état des lieux annuel de la performance sociale au travail des Français. www.mars-lab.com

RDS - Réalités du Dialogue social est une association indépendante qui regroupe des entreprises, des structures publiques et l’ensemble des organisations syndicales et patronales représentatives au plan national et des Fédérations patronales et syndicales. http://www.rds.asso.fr/

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LES DOSSIERS DE L’INSTITUT

Les Dossiers de l’Institut croisent les retours d’expérience tirés de la pratique

des consultants de BPI group, toutes activités, régions et pays confondus,

avec un travail de recherche et d’étude mené en propre par l’équipe de

l’Institut du Leadership, notre centre d’analyse et de prospective dédié.

Traitant des grands enjeux contemporains dans les champs du management,

de la GRH et du social, ils visent à apporter divers éclairages, historiques,

théoriques et pratiques afin de les remettre en perspective sur le moyen /

long terme, d’éviter le prêt à penser et les effets de mode, permettant ainsi à

chacun de se faire sa propre opinion, aussi éclairée que possible.

Exercices d’étude et de recherche appliquée, empirique, ils ont aussi natu-

rellement une finalité pratique. Les RH et le social posent à notre temps des

questions inédites auxquelles il est crucial d’apporter des réponses opérantes

pour sortir des multiples difficultés et dysfonctionnements que l’on rencontre

aujourd’hui.

Après un premier dossier consacré à la Sécurisation des parcours profession-

nels, publié en février 2013 quelques semaines après la signature de l’Accord

national interprofessionnel sur la sécurisation de l’emploi, celui-ci s’intéresse

à la Qualité de vie au travail qui, avec l’Egalité professionnelle, fait également

l’objet d’un récent Accord national interprofessionnel.

C’est ainsi un nouvel angle d’analyse et de réflexion qui est proposé sur les

questions liées aux transformations contemporaines du travail et des relations

de travail et les défis considérables qu’elles représentent pour l’ensemble

des parties prenantes : dirigeants d’entreprise, directeurs des ressources

humaines ou directeurs des relations sociales, représentants du personnel et

acteurs syndicaux, managers, salariés, étudiants ou chercheurs, consultants.

A tous, nous souhaitons une lecture plaisante et instructive. Comme toujours,

ce dossier est également publié sur le site de l’Institut, dans un espace où

chacun est invité à exprimer ses réactions, points de vue critiques ou complé-

mentaires, pour faire vivre et progresser le débat au service de l’innovation

et du progrès social.

Philippe BIGARD

Directeur de l’Institut du Leadership – BPI group

Directeur de la publication : Philippe Bigard Coordination : Fanny BarbierLes Dossiers de l’Institut37 rue du Rocher - 75008 Paris

[email protected] http://www.institut-leadership-bpi.com/