4
Uber, Airbnb, Booking.com … ces nouveaux acteurs qui rebattent les cartes NATU ? Qui se cache derrière ce nouvel acronyme ? Il s’agit en réalité de quatre nouveaux disrupteurs de l’économie traditionnelle — Netflix, Airbnb, Tesla et Uber — qui semblent renvoyer leurs ainés à l’âge de pierre, à savoir les GAFA, appellation regroupant pour sa part des marques devenus depuis emblématiques, Google, Apple, Facebook et Amazon. Dans le monde réel, il n’en est rien car ces derniers ne se sont jamais aussi bien portés. Mais il est vrai que les NATU — en définissant de nouvelles règles du jeu — viennent les bousculer, déplaçant les frontières et ne se contentant pas de dévorer — tels des ogres affamés — le monde de l’économie dite classique. Ces entrepreneurs fougueux surgissent là où on ne les attend pas pour venir défier l’ordre établi et réinventer les fondements d’un capitalisme nouvelle mouture. Je me souviens de cette couverture du mois de Juin 2015 de L’Expansion qui titrait : « Uber, Le bon coin, Airbnb, Blablacar … et les autres – L’invasion des barbares. Comment ils sont en train de dynamiter tous les pans de l’économie ». Ils ont certainement de goût de la conquête, mais cela va bien au-delà. Cette nouvelle génération de « startupers »[1] fait preuve d’une inventivité inédite qui vient bouleverser tout ce que nous avons appris jusqu’à présent. Tant mieux car ils portent en eux la refonte de notre système économique, social et environnemental. Qui sont-ils ? Il n’est pas une entreprise, un secteur d’activité, un métier qui ne soit pas potentiellement en péril d’ubérisation[2]. Les « startupers » n’hésitent pas à s’en prendre aux monopoles les plus profitables, aux positions les plus incontestées. « Des pillards ! » ai-je entendu. Franchir des lignes jaunes ne les effraie pas. Ils repoussent sans cesse les limites du possible, bravent les interdits et défient l’entendement. Qui aurait pu imaginer qu’un particulier puisse mettre son appartement à la disposition d’inconnus contre rémunération ? Personne … si ce n’est eux

Uber, airbnb, booking.com…ces nouveaux acteurs qui rebattent leurs cartes

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Uber, airbnb, booking.com…ces nouveaux acteurs qui rebattent leurs cartes

Uber, Airbnb, Booking.com … ces nouveaux acteurs qui rebattent les cartes NATU ? Qui se cache derrière ce nouvel acronyme ? Il s’agit en réalité de quatre nouveaux disrupteurs de l’économie traditionnelle — Netflix, Airbnb, Tesla et Uber — qui semblent renvoyer leurs ainés à l’âge de pierre, à savoir les GAFA, appellation regroupant pour sa part des marques devenus depuis emblématiques, Google, Apple, Facebook et Amazon. Dans le monde réel, il n’en est rien car ces derniers ne se sont jamais aussi bien portés. Mais il est vrai que les NATU — en définissant de nouvelles règles du jeu — viennent les bousculer, déplaçant les frontières et ne se contentant pas de dévorer — tels des ogres affamés — le monde de l’économie dite classique.

Ces entrepreneurs fougueux surgissent là où on ne les attend pas pour venir défier l’ordre établi et réinventer les fondements d’un capitalisme nouvelle mouture. Je me souviens de cette couverture du mois de Juin 2015 de L’Expansion qui titrait : « Uber, Le bon coin, Airbnb, Blablacar … et les autres – L’invasion des barbares. Comment ils sont en train de dynamiter tous les pans de l’économie ». Ils ont certainement de goût de la conquête, mais cela va bien au-delà. Cette nouvelle génération de « startupers »[1] fait preuve d’une inventivité inédite qui vient bouleverser tout ce que nous avons appris jusqu’à présent. Tant mieux car ils portent en eux la refonte de notre système économique, social et environnemental.

Qui sont-ils ? Il n’est pas une entreprise, un secteur d’activité, un métier qui ne soit pas potentiellement en péril d’ubérisation[2]. Les « startupers » n’hésitent pas à s’en prendre aux monopoles les plus profitables, aux positions les plus incontestées. « Des pillards ! » ai-je entendu. Franchir des lignes jaunes ne les effraie pas. Ils repoussent sans cesse les limites du possible, bravent les interdits et défient l’entendement. Qui aurait pu imaginer qu’un particulier puisse mettre son appartement à la disposition d’inconnus contre rémunération ? Personne … si ce n’est eux

Page 2: Uber, airbnb, booking.com…ces nouveaux acteurs qui rebattent leurs cartes

justement ! Car ils ne se posent pas de question. Ils ne tergiversent pas, ils osent. Presque « digital natives », cette génération Y est quasiment née un clavier au bout des doigts. Ils codent, ils réfléchissent en numérique, ils vivent dans une réalité virtuelle. Ils créent des entreprises sur des idées simples qu’ils transcrivent en applications percutantes. Imaginons ce qu’il en sera demain avec la génération Z !

Un monde en disruption Ces nouveaux acteurs provoquent le chaos qui génère à son tour le renouveau. Nous sommes bien dans ce scénario. Un cercle qui se veut vertueux au final. Ces nouveaux entrepreneurs sont à la base de disruptions majeures. Ils modifient notre façon de vivre, de travailler ou de consommer. Et même parfois de penser. Nous sommes au cœur d’une révolution majeure. Elle n’est pas apparue du jour au lendemain. Elle a suivi le long cheminement de l’innovation technologique dont l’accélération ces dernières années a été fulgurante. Le numérique nous promet l’avènement d’une nouvelle ère pleine de promesses, comme l’avait été auparavant l’imprimerie ou l’électricité.

D’où viennent ces nouveaux startupers ? Ils sont le produit d’une histoire et ont suivi les évolutions du progrès technique. Cela s’est fait par étape. Au cours des trente glorieuses, les ingénieurs dominent un monde à reconstruire après le désastre de la seconde guerre mondiale. Ils sont prévisibles et rigoureux. « Faire arriver les trains à l’heure » est leur devise. Deux chocs pétroliers viennent ternir la décennie 70, projetant le monde dans le rouge. Ils auront eu raison d’une longue période de croissance. Il faut alors une nouvelle impulsion. Elle se produit grâce aux marchés financiers. Commence une nouvelle phase dominée par les grands argentiers du monde. Leur profil ne diffère pas de leurs prédécesseurs. Les années 90 marquent la naissance de l’internet pour le grand public. L’âge de l’information pointe son nez. Des startups se créent par dizaine. On les oppose aux entreprises traditionnelles, les « bricks and mortar »[3]. Au début de la décennie suivante, c’est l’éclatement de la bulle internet, signant la fin de cette première vague d’entrepreneurs du net. Quelques années plus tard — grâce au progrès technologique — tout s’accélère et l’économie change de nouveau d’échelle. Les réseaux sociaux, les objets connectés et les infrastructures en cloud changent la donne. L’innovation et la créativité deviennent les nouveaux moteurs de la croissance mondiale. Des startups se développent et des leaders avides de changer le monde à coup d’applications apparaissent ci et là. Dès qu’ils perçoivent une brèche, ils s’y engouffrent sans hésitation. C’est cette spontanéité, cette défiance au monde, qui les rend surprenants et souvent irrésistibles. Ils surgissent à l’impromptu et prennent des positions significatives en très peu de temps. Le temps pour les autres de prendre conscience qu’ils les ont perdues !

Page 3: Uber, airbnb, booking.com…ces nouveaux acteurs qui rebattent leurs cartes

Quelles terres convoitent-ils ? Ces nouveaux géants du web sont animés par l’esprit de conquête. Il en est ainsi depuis la nuit des temps. Dans le cas présent, ils veulent simplement … tout. Dès lors qu’ils se croient en mesure de dégager de la valeur, ils agissent sans tarder. Ils s’attaquent à tous les secteurs d’activités, tous les métiers. Ils interviennent aussi bien dans le domaine de l’entreprise que du particulier.

Qui sont les seigneurs des terres menacées ? Dans la vaste majorité, les leaders actuels sont des narcissiques productivistes, à l’esprit cortical[4] et au cursus très souvent cartésien. Sortis des meilleures institutions, le CV rutilant, de solides appuis, leur ascension n’est en rien liée au hasard. S’ils présentent indéniablement de nombreux atouts — ils sont souvent des leaders dans l’âme — leurs lacunes sont également bien connues. Ces dernières expliquent en grande partie les impasses dans lesquelles nous sommes plongés aujourd’hui. Ils éprouvent en particulier une certaine difficulté à naviguer dans ce monde hautement numérisé.

Pourquoi sont-ils en danger ? En premier lieu parce que leurs résultats ne sont pas toujours très probants. La crise de 2008 a été révélatrice de leurs déficiences. Ils étaient censés donner naissance à un monde meilleur, mais nous savons qu’il n’en est rien. Certes, le progrès technique est encourageant, mais pour autant les inégalités ne se sont pas atténuées, le système économique et financier semble moins solide qu’avant — la chute de Lehman Brothers a marqué tous les esprits —, les guerres sont toujours omniprésentes aux quatre coins de la planète, les attentats terroristes se multiplient un peu partout et la fracture écologique ne cesse d’inquiéter. En d’autres termes, la copie n’est pas au niveau attendu ! Et nous ne voyons pas comment en sortir sauf à tout changer.

En second lieu, parce qu’ils ont souvent démontré leurs limites. Généralement très doués, ils possèdent des qualités indéniables qui font d’eux des leaders naturels. Mais ils sont aussi coupables de multiples déviations. Leur égo est souvent démesuré — le propre de profils narcissiques — et lorsqu’ils ne sont plus sous contrôle, tout peut arriver. Nul n’est besoin de rappeler les épisodes récents de scandales sexuels ou de malversations financières qui ont égrené l’actualité au cours de ces dernières années.

Alors, menaces ou opportunités ?

Page 4: Uber, airbnb, booking.com…ces nouveaux acteurs qui rebattent leurs cartes

Ils sont une menace pour tous ceux qui refusent de bouger et de se remettre en cause. L’exemple de l’hôtellerie est édifiant à cet égard. Attaquées de toute part, les grandes chaines doivent réagir ou disparaitre. Au mieux, elles seront réduites à l’état de simples fournisseurs de prestations de services. Mais elles n’auront plus la maitrise des événements et de la chaîne de valeurs. La startup Airbnb ne se contente pas de leur prendre des parts de marché, elle définit le prix de la nuitée dans les villes du monde entier. Booking.com prend possession de la réservation, quand Trip Advisor devient une sorte de Michelin du online. Pour garder pied il faut être vigilent et ne pas rester figé sur des modèles passéistes. Je veux croire que ces nouveaux acteurs constituent davantage une opportunité. Ils sont même une grande chance pour nos entreprises et notre économie en général. Ils vont en effet pousser les sociétés traditionnelles à se réinventer. Et force est de constater qu'il n'y a pas un acteur aujourd'hui qui ne se pose pas la question des dangers qui le guettent en cas d'inaction. Grâce à eux, tous repensent leur modèle de bout en bout ! C'est un bénéfice inattendu et salutaire finalement.

Mais quels rôles joueront ces startups dans le futur ? Seront-elles les leaders de demain ? Ce sera l’objet de mon prochain billet … à paraître sous peu.

[1] Fondateurs de startup.

[2] Selon la formule du président du groupe Publicis, Maurice Levy.

[3] Entreprises faites de briques et de ciment.

[4] Se rapporte à la partie rationnelle du cerveau, le cortex.