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Une nouvelle façon de travailler dans les entreprises : l'intrapreneuriat

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Page 2 - 04/2014 - Expertise RH - L’Intrapreneuriat : une nouvelle façon de travailler dans les entreprises.

Sommaire • Préambule à la lecture du livre blanc ....................................................................................................... 5 • L’intrapreneuriat en quelques mots - Executive Summary ..................................................................... 5

I. Retour aux sources de l’intrapreneuriat .................................................... 6 • L’innovation participative en deux études de cas ................................................................................... 6 • Etude de cas n°1 : SAFRAN, ou un objectif de 100 000 idées en 2016 ! ................................................. 6 • Etude de cas n°2 : l’armée de terre et l’innovation participative, ou comment déployer une mission innovation en totale indépendance ............................................................................................................. 7 Focus : le régime juridique des inventions des salariés ............................................................................ 8 •Fertilisation croisée, ou comment les entreprises s’inspirent des start-ups ........................................ 10

II. Pour tout savoir sur l’intrapreneuriat ...................................................... 11 • Définition ................................................................................................................................................. 11 • Qui est l’intrapreneur ? ........................................................................................................................... 12 • Quel est son projet ? ............................................................................................................................... 14

Parole d’intrapreneur : oser l’intrapreneuriat ............................................................................................ 14 • Quel environnement pour l’intrapreneuriat ? ......................................................................................... 16

Parole d’intrapreneur : mettre en place un processus d’intrapreneuriat structuré ...................................... 17 • Les spécificités de l’intrapreneuriat social ............................................................................................ 18

Parole d’intrapreneur : l’intrapreneuriat social chez BNP Paribas ............................................................. 19

III. Intrapreneuriat : quels apports pour l’entreprise et les collaborateurs ? ................................................................................... 20 • Image employeur ..................................................................................................................................... 20 • Rétention et Attraction des Talents ........................................................................................................ 20 • Flexibilité et Agilité .................................................................................................................................. 21 Focus : le risque de départ de l’entreprise ............................................................................................... 21 • Engagement............................................................................................................................................. 21 • Diversité ................................................................................................................................................... 21 • Performance ............................................................................................................................................ 21 Focus : le rôle du manager ........................................................................................................................ 22

IV. Exemples d’initiatives innovantes et inspirantes ................................. 23 • L’intrapreneuriat au cœur du Business Model....................................................................................... 23 • Instaurer l’expérimentation permanente pour insuffler l’agilité au sein du Groupe Poult .................. 24

V. De la parole à l’action : la démarche de Crédit Agricole SA ................ 27 • La démarche de Crédit Agricole SA ....................................................................................................... 27 • Entreprendre et intraprendre .................................................................................................................. 27 • Encourager l’innovation .......................................................................................................................... 28 • L’innovation RH pour détecter les nouveaux modes de travail ............................................................ 30

Sources et sitographie .................................................................................. 31

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Edito

Pour le quatrième opus de la collection Expertise RH du Crédit Agricole, nous avons

souhaité travailler sur un sujet encore méconnu dans la majorité des entreprises. Il s’agit

de l’intrapreneuriat. Pour l’explorer, nous avons choisi de collaborer avec The Boson

Project, start-up jeune et innovante, qui connait particulièrement bien les mutations

observables au cœur des organisations ainsi que les attentes de la génération Y.

Pourquoi parle-t-on aujourd’hui d’intrapreneuriat ? Le terme désigne une capacité

collective et organisationnelle d’encouragement et d’accompagnement à la prise

d’initiatives et la mise en œuvre de projets à tous niveaux de l’entreprise. Certaines

entreprises sont connues pour avoir placé l’intrapreneuriat au cœur de leur modèle

managérial. Ainsi, chez Google et 3M, chaque employé peut prendre 20% de son temps

de travail pour développer ses propres projets. De nombreux produits à succès sont sortis

de cette forme d’intrapreneuriat et sont devenus de grandes sources de revenus pour les

entreprises comme Google Maps, Gmail ou encore AdSense. Pour 3M, l’exemple le plus

connu des produits issus de ce système est le fameux post-it.

En l’espace de quelques dizaines d’années, l’environnement de travail s’est profondément

modifié, imposant aux entreprises une exigence de flexibilité et d’adaptabilité pour

continuer à peser dans un marché changeant. Sur le plan anthropologique, nous vivons

une véritable révolution du numérique, ce que des penseurs comme Rifkin et Michel

Serres appellent la « 3e grande révolution de l’humanité ». Dans cette course au

changement, les entreprises doivent donc compter sur de formidables agents de mutation

: leurs collaborateurs. En un demi-siècle, et sans nécessairement s’en apercevoir, nous

sommes passés de salariés exécutants à des salariés concepteurs pour une valorisation

grandissante de la créativité des salariés.

Le collaborateur intéressé par un voyage au centre de l’intrapreneuriat se reconnaîtra

dans ce leitmotiv : « Nous voulons nous épanouir dans notre travail et nous cherchons à

lui donner un sens ». Et, selon The Boson Project, ce n’est pas la génération Y qui

inversera ce mouvement…

Claire Bussac Emmanuelle Duez Responsable Marketing & Innovation RH Cofounder & Explorer Crédit Agricole S.A. The Boson Project

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The Boson Project est un laboratoire de développement du capital humain. Nous expérimentons, dans une démarche de co-création et de collaboration, des solutions ultra-innovantes visant à créer de la valeur et des valeurs en misant sur les individus.

Composé d’entrepreneurs et d’intrapreneurs, The Boson Project croit aux vertus de l’innovation au service du collectif et de la performance.

Dans une optique externe de développement de nouveaux produits et services à proposer à un marché en perpétuelle mutation, mais aussi dans une optique interne d’attraction et de rétention des talents créatifs, de communication corporate et d’émulation collective, nous avons choisi de nous spécialiser dans l’intrapreneuriat, outil RH futuriste au potentiel extraordinaire !

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Préambule à la lecture du livre blanc

Ce livre blanc se veut didactique et pragmatique : nous apporterons donc dans un premier temps des éléments de contexte pour situer l’intrapreneuriat par rapport à l’innovation participative, afin d’expliquer ses racines et fournir les premières clés de compréhension.

Ensuite, nous nous attacherons à définir l’intrapreneuriat et développerons ses trois composantes: la personne, son projet et la culture d’entreprise. Nous verrons ensuite les apports de l’intrapreneuriat pour les entreprises et les collaborateurs. Ces apports théoriques seront enrichis d’exemples de plusieurs intrapreneurs ou initiateurs de démarches intrapreneuriales. Ils viennent de différents secteurs, travaillent à différents postes, à des niveaux hiérarchiques variés, pour illustrer la transversalité, la richesse et les possibilités infinies de cette démarche.

Enfin, nous vous présenterons la démarche entamée par Crédit Agricole SA sur l’intrapreneuriat. Vous trouverez dans cette partie des interviews de collaborateurs, les projets en cours et le résultat – à venir – d’une enquête menée en interne.

L’intrapreneuriat en quelques mots - Executive Summary

Le mot intrapreneuriat apparait pour la première fois dans les années 70 sous la plume de Gifford et Elizabeth Pinchot1. Ce mot désigne une catégorie de travailleurs-entrepreneurs qui possèdent des idées et qui à terme, à défaut de pouvoir les exprimer au sein de leur organisation, pourraient quitter l’entreprise pour les exploiter à leur compte2, en tant qu’entrepreneurs.

L’intrapreneuriat, dans la même lignée que l’innovation participative, démarche co-constructive où les collaborateurs sont invités à proposer des solutions innovantes et contribuer à leur mise en place, permet d’insuffler aux organisations « classiques » à tendance complexes, statiques, voire rigides un vent de créativité, de souplesse et d’agilité.

Dans toute démarche intrapreneuriale, trois éléments sont déterminants : un collaborateur qui porte un projet dans un environnement donné, l’entreprise. Ce collaborateur partage certaines qualités avec les entrepreneurs en termes de confiance en soi, de créativité, d’agilité et de goût du risque. Il possède également un réseau important sur lequel il n’hésitera pas à s’appuyer. Cependant, il devra être armé de courage et de patience pour trouver sa place dans une organisation qui n’est pas spécialement prévue à cet effet. Le projet porté par l’intrapreneur peut être - ou non - en lien avec le cœur de métier de l’entreprise. Il s’agit cependant souvent de sujets qui tiennent à cœur à l’intrapreneur, comme le montrent les nombreux exemples cités (Fabienne Raynaud, Dorothée Van der Cruyssen, Emmanuel de Lutzel, etc.). Enfin, la culture d’entreprise dans laquelle s’inscrit le projet est prédominante. Cadres, RH, managers ou collaborateurs, tous œuvrent à la construction de cette culture plus ou moins favorable à la prise de risque, à l’innovation, à l’expérimentation. Chacun aura un rôle à jouer dans le développement d’une culture plus entrepreneuriale, en s’inspirant notamment des intrapreneurs et des start-ups de leur écosystème.

In fine, l’intrapreneuriat permet de renforcer l’engagement et la motivation des collaborateurs, mais également, pour l’entreprise, de renouer avec l’innovation, l’agilité et la fluidité, ce qui contribue à l’amélioration de la performance globale. Les bénéfices secondaires, mais non moins importants, concernent l’image employeur, l’attraction et la rétention des talents ainsi que la diversité au sein de l’organisation.

De nombreux exemples et témoignages viennent illustrer ces propos. Une réflexion est lancée au sein de Crédit Agricole SA, par les équipes RH, pour évaluer l’intérêt et la faisabilité d’un accompagnement de l’intrapreneuriat en interne. Le résultat de cette étude sera partagé courant 2014.

1 « Intra-Corporate Entrepreneurship », 1978 2 « IntrapreneurIat - une stratégie syndicale pour l’innovation dans les entreprises européennes », StartPro, Eurocadres, 2010

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I. Retour aux sources de l’intrapreneuriat

L’innovation participative en deux études de cas

Le concept d’innovation participative s’est développé dans les années 1970 dans les grands groupes industriels afin d’améliorer le développement de démarches qualité, chez Michelin et Renault par exemple.

En parallèle de ces innovations participatives, l’intrapreneuriat s’est progressivement développé en renforçant la possibilité donnée aux collaborateurs de mettre en œuvre eux-mêmes leurs idées.

La tendance générale est de considérer l’innovation participative comme un « ancêtre » de l’intrapreneuriat alors que les deux concepts se sont développés dans les mêmes périodes. L’innovation participative était initialement confinée aux démarches qualité, mais son efficacité et sa simplicité en ont fait un outil idéal pour répondre aux enjeux d’innovation dans les autres départements. Le processus d’innovation participative consiste aujourd’hui à co-créer des solutions innovantes avec des salariés non-experts en innovation pour favoriser le développement de l’entreprise3.

L’intrapreneuriat s’est développé de manière plus restreinte jusqu’à ces dernières années car il nécessite plus de process, de structure, d’investissement et de courage que son présumé « ancêtre ». Cette dernière décennie l’a cependant replacé sur le devant de la scène grâce à l’essor des NTIC d’une part, à l’évolution des mentalités d’autre part, dans un contexte d’émergence de nouveaux modèles d’entreprise – Google en est le meilleur exemple – et de renouvellement des attentes des jeunes entrant sur la marché du travail (Gen Y).

Avant de se concentrer sur l’intrapreneuriat – qui est le cœur d’étude de ce livre blanc – regardons de plus près l’innovation participative. Et pour cela, mieux qu’un long discours, deux études de cas bien réelles explicitent l’innovation participative en entreprise.

Etude de cas n°1 : SAFRAN, ou un objectif de 100 000 idées en 2016 !

Pour cette première étude de cas, nous avons rencontré Elisabeth Boileau, animatrice du réseau Safran + Innovation Participative, une femme qui entend faire de l’innovation participative un axe de développement stratégique pour le groupe.

Safran est un groupe de 62 500 collaborateurs, issu de la fusion des groupes Sagem et Snecma en 2005, et qui a mis en place une démarche d’innovation participative aujourd’hui reconnue. Le site de Sagem Fougères a ainsi reçu le Trophée de l’Innovation Participative 2012 « Amélioration continue, catégorie senior », remis en novembre dernier lors du Carrefour de l’Innovation organisé par l’association Innov’Acteurs.

Ce site de production près de Rennes attire tout particulièrement l’attention. Les salariés semblent y être de véritables innovateurs. En 2011, 563 salariés du site ont émis 7390 idées dont 6716 ont été réalisées, soit presque 12 idées par personne et par an.

Pour comprendre comment s’explique cette créativité, il faut savoir que Safran a mis en place un certain nombre de dispositifs pour donner de l’importance à l’innovation participative spontanée. Ainsi, plusieurs points de collecte des « bonnes idées » sont organisés dans le groupe, dans une démarche décentralisée, à l’initiative et à l’échelle des différents sites. Les idées innovantes récoltées dans cette démarche servent très régulièrement à des améliorations de terrain, sur le lieu même où l’idée est émise.

3 Définition inspirée de l’intervention de Bonnafous-Boucher, Redien-Collot et Teglborg lors des 3èmes Journées Georges Doriot

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A Fougères, on favorise également l’innovation participative induite au travers de l’organisation de challenges pour susciter des améliorations sur un thème donné, ou par la mise en place de groupes de travail dont la mission est de résoudre une problématique spécifique.

En suivant l’exemple du site de Fougères, qui montre clairement que tous les collaborateurs peuvent avoir une âme d’innovateur, Safran a souhaité encourager l’innovation participative au niveau groupe, cette fois dans une démarche d’innovation participative induite. Ainsi, Safran organise chaque année les Safran Innovation Awards, qui sont également un réservoir de bonnes pratiques.

La cérémonie met en lumière les équipes, au travers d’un évènement « glamour » qui participe fortement du processus de reconnaissance. En effet, beaucoup de collaborateurs de Safran peuvent suivre la cérémonie, sur place, mais aussi par retransmission en direct : l’année dernière, c’est ainsi toute une usine mexicaine qui a applaudi les différents vainqueurs !

Par ailleurs, au cours de cette cérémonie, les lauréats sont individuellement fortement mis en valeur. Ainsi, ils bénéficient, en amont de la remise du trophée, d’une formation à la prise de parole en public qui leur permet de mettre en lumière leur projet dans les meilleures conditions le jour J.

Aucune distinction n’est faite entre les innovations (et les innovateurs !). Les lauréats ayant présenté des innovations incrémentales sont récompensés au même niveau que les lauréats ayant présenté des innovations structurelles, porteuses de pistes business très prometteuses. Ainsi, en 2013, des ouvriers ayant inventé un mécanisme de diminution de la pénibilité des opérations de montage sur leur atelier ont été récompensés au même titre que des ingénieurs ayant inventé une nacelle à même de réduire la consommation de carburant des avions.

Aujourd’hui, Safran a fait de l’innovation participative un objectif très important au niveau groupe, soutenu par son PDG, Jean-Paul Herteman. Ainsi, l’objectif est d’atteindre une idée réalisée par collaborateur et par an, ce qui est (très) ambitieux, et paraît en même temps couler de source. En 2012, ce sont tout de même 40 000 idées qui ont ainsi été implémentées. De quoi être optimiste pour l’objectif de 100 000 idées réalisées par an à horizon 2016…

Etude de cas n°2 : l’armée de terre et l’innovation participative, ou comment déployer une mission innovation en totale indépendance

Pour la seconde étude de cas, direction Balard, au Ministère de la Défense, entre deux immeubles en construction et le mess des officiers, pour un échange avec un innovateur exceptionnel, un homme qui a fait de l’Armée Française un laboratoire d’innovation participative qui fonctionne : Jean-Louis Masset.

A la tête de la mission innovation participative au Ministère de la Défense, il est l’homme grâce auquel des soldats de tous grades et de toutes formations offrent chaque année 50 idées nouvelles au Ministère de la Défense. Entre drones téléguidables depuis l’iPhone pour examiner des zones sensibles sans risquer la vie des soldats et barrières anti-émeutes immédiatement déployables, certaines de ces innovations ont changé le quotidien de nos soldats.

Il nous explique comment il a réussi à laisser une grande place à l’innovation participative dans une organisation aussi hiérarchisée que l’armée.

Tout d’abord, le Ministère de la Défense a souhaité donner une structure particulière à cette démarche, en la dotant d’une « mission » ad hoc, mais aussi d’un budget indépendant. C’est donc en totale indépendance que la « mission innovation » est libre d’animer le processus d’innovation participative.

Le Ministère de la Défense a également mis en place une équipe dédiée qui permet aux innovateurs et aux intrapreneurs de présenter directement leurs idées à des experts de l’innovation. Les idées communiquées concernent aussi bien une innovation incrémentale – amélioration de matériels innovants – qu’une innovation de rupture – création de nouveautés.

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Afin de faciliter l’identification et l’implémentation d’idées, un processus en cinq étapes clés a été mis en place :

1. L’innovateur prend contact avec la mission innovation.

2. Il est ensuite reçu au Ministère de la Défense, à Balard, par les quatre membres de la mission innovation, qui reçoivent son projet dans une logique positive et constructive.

3. La mission se réunit ensuite pour décider du sort du projet.

4. Si le projet est implémentable, la mission contacte alors directement le Chef d’Etat-major de l’innovateur : c’est lui qui donne son accord formel. Avec cet accord, l’innovateur devient véritablement un intrapreneur, il est désormais en charge de la mise en place de son propre projet.

5. L’intrapreneur se voit alors allouer un budget pour mener son projet à bien. Le temps écoulé entre la présentation du projet et l’aval du chef d’Etat-major est de moins de deux mois, ce qui est particulièrement rapide.

En revanche, aucun accompagnement à l’intrapreneuriat n’est mis en place pour le moment, ce qui est une piste d’amélioration identifiée par Monsieur Masset.

Cependant, afin d’accorder une véritable reconnaissance aux innovateurs, le Ministère organise régulièrement une exposition des meilleures innovations, où les innovateurs remarqués se voient remettre un chèque de 2500 €, mis en jeu tous les deux ans ainsi qu’un témoignage de satisfaction par le Ministre de la Défense en personne.

Focus : le régime juridique des inventions des salariés

En France, près de 85% des créations sont réalisées par des salariés. Le régime juridique des inventions des salariés est donc déterminant puisque les intérêts du salarié et de l’employeur sont en jeu4.

Attention, si vous souhaitez breveter une idée, assurez-vous que celle-ci soit5 :

• Nouvelle

• Permettant une application industrielle

• Et respectant le code de Propriété Intellectuelle

Cependant, vous ne pourrez pas breveter :

• Les découvertes, ainsi que les théories scientifiques et les méthodes mathématiques

• Les créations esthétiques

• Les présentations d’informations

4 Maddyness « le magazine des Startups françaises » 5 Articles L. 611-10 et L. 611-17 du Code de la Propriété Intellectuelle

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Le propriétaire de l’invention – employeur ou salarié – sera déterminé par l’une des trois classifications d’inventions :

1. Les « inventions de mission » : elles ont lieu lors de la réalisation du contrat de travail comprenant une « mission inventive qui correspond à des fonctions effectives, ou bien lors d’études et de recherches confiées au salarié de manière explicite ». Les inventions issues de ce type de missions appartiennent à l’employeur.

2. Les « inventions hors mission attribuables » répondent à l’un des critères suivant : • Soit dans le cours de l’exécution des fonctions du salarié • Soit dans le domaine des activités de l’entreprise

• Soit par la connaissance ou l’utilisation de techniques ou de moyens spécifiques de l’entreprise ou procurés par elle

Les « inventions hors mission attribuables » sont la propriété du salarié. Mais l’employeur a le droit de se faire attribuer la propriété ou la jouissance de tout ou partie des droits attachés au brevet protégeant votre invention de salarié.

3. Les « inventions hors mission non attribuables » correspondent à toutes les inventions qui ne dépendent pas des deux cas ci-dessus. Ces inventions appartiennent au salarié qui est considéré comme « inventeur indépendant ». Au titre du devoir de loyauté, le salarié devra toutefois en informer son employeur.

Les règles concernant la classification des inventions des salariés sont d’ordre public. S’il y a un désaccord entre salarié et employeur sur le type de classification de l’invention, c’est la Commission Nationale des Inventions de Salariés (CNIS) qui devra être saisie pour régler le différend.

Pour résumer, voici un tableau réalisé par l’INPI6 : LES INVENTIONS

DE MISSION LES INVENTIONS HORS MISSION

ATTRIBUABLES NON ATTRIBUABLES

DÉFINITION

Inventions réalisées par le salarié dans l'exécution : - d'un contrat de travail

comportant une mission inventive permanente qui correspond aux fonctions effectives du salarié

- d'études ou de recherches qui lui sont confiées explicitement, soit une mission inventive occasionnelle.

Ex : un ingénieur de recherche.

Inventions autres que les inventions de mission présentant un lien avec l'entreprise : - car elles entrent dans son

domaine d'activité - car elles ont été faites par

le salarié dans l'exécution de ses fonctions ou grâce aux moyens, techniques et connaissances mis à sa disposition par l'entreprise.

Ex : un technicien chargé ponctuellement de travailler sur une amélioration.

Inventions réalisées en dehors de toute mission confiée par l'employeur ne présentant aucun lien avec l'entreprise.

PROPRIÉTÉ DE L'INVENTION

L'employeur, et lui seul, dès la conception de l'invention. L'inventeur salarié a le droit d'être cité comme tel, sauf s'il s'y oppose.

Le salarié, mais l'employeur peut se faire attribuer la propriété de l'invention (droit d'attribution) ou uniquement sa jouissance (licence d'exploitation).

Le salarié.

6 Institut National de la Propriété Industrielle

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Fertilisation croisée, ou comment les entreprises s’inspirent des start-ups

Comme on l’a vu à travers ces deux études de cas, les entreprises peuvent mettre en place un cadre, une structure permettant l’émergence d’idées, pour stimuler et capitaliser sur la créativité des équipes. Cette démarche, que l’on pourrait qualifier d’endogène, n’est pas la seule voie possible. En effet, une approche exogène consiste à se laisser inspirer par la créativité et les idées qui gravitent autour de l’entreprise. Pour cela, les start-ups sont de bons stimulateurs : connectés au monde, évoluant par et pour lui, ces jeunes entreprises s’inspirent de l’ère du temps et captent toutes les tendances. Souvent petites et en quête de pérennité, les start-ups sont de bons exemples d’agilité, de flexibilité, de créativité et d’entrepreneuriat. Les entreprises peuvent donc, en levant les barrières internes, se rapprocher du monde des start-ups pour s’en inspirer.

Pour illustrer cela, prenons l’exemple d’API Labs7, un espace de co-innovation pour la finance à Londres8. L’objectif de API Labs est de réunir différents acteurs autour d’un même thème – en l’occurrence la techno-finance – pour favoriser le partage de bonnes pratiques, de contacts, d’idées, pour stimuler les échanges et la sérendipité.

En France, de plus en plus d’espaces dédiés aux start-ups se développent (pépinières, incubateurs ou autres accélérateurs), mais peu ont vocation à rassembler grandes entreprises et start-ups.

On peut citer cependant NUMA, un espace de co-working qui accueille start-upers en quête de locaux et d’accompagnement d’une part, et salariés d’entreprises partenaires à la recherche d’espaces de travail créatifs, de salles de réunions décalées et de rencontres inspirantes d’autres part.

« Nous regroupons la plus grande diversité de publics en France : entrepreneurs, académiques, administrations, petites et grande entreprises, associations, communautés... Ces acteurs sont complémentaires, avides de synergies et de projets : ils sont les leviers incontestables de notre compétitivité9 ».

Et dans quelques mois, un nouveau lieu vient renforcer cet écosystème : le CA Village, une initiative du Crédit Agricole.

« La Pépinière la Boétie est au centre d’un écosystème dédié à l’open innovation, Le Village by CA, qui sera composé d’espaces d’exposition, de formation et d’une salle de conférence. Il sera ainsi un véritable espace de coopération entre les entreprises privées, les organismes publics et les jeunes entreprises 10».

7 Source : http://www.anthemis.com/anthemis-pivotal-innovations-launch-api-labs-at-level39-2/ 8 Voir le blog animé par Patrice Bernard, « C’est pas mon idée » sur le site http://cestpasmonidee.blogspot.fr 9 Source : https://www.numaparis.com/ 10 Source : http://www.pepinierelaboetie.com/cest-qui.html

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II. Pour tout savoir sur l’intrapreneuriat

Définition

L’innovation participative est un concept qui permet à une entreprise de co-construire des solutions innovantes grâce à l’expertise de ses collaborateurs. Elle a ainsi permis de sensibiliser les entreprises et les salariés aux démarches d’innovation, de montrer l’intérêt d’investir sur ce sujet et les avantages certains et nombreux qui peuvent en découler.

L’intrapreneuriat va un cran plus loin en accompagnant les salariés dans la création de leurs propres structures en interne, comme nous allons le voir maintenant, pour répondre à d’autres enjeux particulièrement liés à notre époque : agilité, fluidité, transparence, sens au travail, engagement et rétention des talents.

Il existe de nombreuses définitions sur l’intrapreneuriat. Nous en avons choisi deux, séparées de neuf ans.

La première présente l’intrapreneuriat comme « le processus par lequel un individu ou un groupe d’individus, en association avec une organisation existante, crée une nouvelle organisation ou incite au renouvellement ou à l’innovation à l’intérieur de cette organisation11 ».

La seconde et plus récente recentre l’intrapreneuriat sur l’individu : « l’intrapreneur est le membre d’une grande entreprise qui, en accord avec elle et tout en restant salarié de son entreprise, possède un projet viable, intéressant, en lien avec l’entreprise et qu’il peut réaliser en son sein. Il est celui qui transforme une idée en activité rentable au sein d’une organisation12 ».

11 Sharma & Chrisman, 1999 12 Advencia, avril 2008

De manière pratique, l’intrapreneuriat se décline autour de trois composantes indissociables que nous allons décrire de manière spécifique en identifiant les leviers et les freins inhérents à chacune.

A - Individu Porteur d'un projet

C - Culture d'entreprise

Terrain favorable

B - Projet Mise en oeuvre

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Qui est l’intrapreneur ?

« Créatif, un tantinet trublion, l’intrapreneur se situe entre l’entrepreneur, le manager, le chef de projet. Il n’a pas son pareil pour sentir l’air du temps, capter les opportunités et les transformer en activités lucratives. Sa force : il ne s’arrête pas devant une porte qu’on lui a claquée au nez, il prend chaque échec comme une source d’apprentissage et non de mortification13 ».

L’intrapreneur, rebelle improbable14, est dépeint comme motivé, ingénieux, tenace et capable de réaliser avec des moyens limités ce que l’organisation formelle n’arrive pas à accomplir en dépit de ses compétences, de ses ressources et de son autorité : lancer un produit véritablement innovant, négocier une transition technologique, réussir à pénétrer un marché lointain.

L’intrapreneur se faufile dans les failles de la technostructure, accédant aux ressources disponibles (slack resources) par l’intermédiaire de ses réseaux personnels : un peu d’argent là, un conseil et une expertise ailleurs, l’aide de ses collègues, etc. Il est réactif, souple, motivé mais peu respectueux des procédures. Dans l’entreprise bureaucratique, l’intrapreneur de succès est apprécié, honoré et ce d’autant plus qu’il fait figure d’exception. Les intrapreneurs sont par essence peu nombreux dans ce type d’organisation.

Véronique Bouchard, professeur de management stratégique d’intrapreneuriat à EM Lyon Business School, explique l’origine du mythe : « Il existe de nombreux récits mettant en scène la force intrapreneuriale au sein de l’organisation bureaucratique. Postes, télécoms, grandes entreprises industrielles des années 1980 semblent constituer un contexte idéal pour le déroulement de l’épopée intrapreneuriale. Le héros de l’histoire, seul contre tous, vient à bout d’obstacles insurmontables ».

Voici quelques caractéristiques propres aux intrapreneurs :

Légitimité

Le profil de l’intrapreneur se rapproche de celui plus « classique » de l’entrepreneur, avec toutefois une adaptation de certaines qualités et compétences. Véronique Brochard explique ainsi que l’entrepreneur a une légitimité certaine, qu’il doit « périodiquement établir » lors d’occasions spécifiques alors que l’intrapreneur doit en permanence se justifier et établir la sienne. L’intrapreneur doit ainsi constamment « gagner appuis et reconnaissance au sein de l’organisation », sa légitimité n’étant pas incontestable, contrairement à celle de l’entrepreneur.

Prise de risques

L’appétence pour la prise de risques est également une des grandes distinctions entre intra et entrepreneurs. Les études de Antoncic Bostjan dans Journal of Enterprising Culture montrent que l’aversion au risque des intrapreneurs à titre individuel est transférée à l’entreprise capable d’absorber ces prises de risques individuelles. Cependant, il ne faut pas pour autant minimiser les risques pris par les intrapreneurs qui peuvent perdre leur salaire, leur réputation, voire leur emploi.

Confiance en soi

Une des qualités propre aux intrapreneurs est sans conteste la confiance en soi. Il faut en effet avoir suffisamment d’assurance pour faire face aux grandes multinationales régies par des procédures et soumises à des enjeux stratégiques, politiques et financiers. On verra donc émerger une population d’intrapreneurs osant aller à contre-courant et sachant défendre une idée ou un projet pour le bien de l’entreprise.

13 Isabelle Hennebelle, L’Express, 15 décembre 2012 14 Selon Gary Hamel, 2001

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Réseau

Cette confiance en soi va de pair avec un réseau de proches et de mentors qui vont aider et inspirer l’intrapreneur. Le réseau servira à mettre en relation, guider, coacher, trouver des financements, des locaux, des supporters… A l’heure des réseaux sociaux internes, cette composante prend davantage de valeur car il devient aisé d’identifier un expert, de contacter un manager haut placé, de vendre son profil et son projet en interne.

Créativité

La littérature sur la créativité étant très florissante, nous avons sélectionné deux citations qui expliquent le concept et le lien avec l’intrapreneuriat.

« Un grand mythe entoure le concept de créativité. On a d’emblée tendance à penser que, pour créer, il faut forcément partir de rien. Or rien n’est plus faux. La création consiste plutôt à combiner des éléments déjà existants, à les réorganiser ou à les utiliser à des fins autres que celles pour lesquelles ils avaient originellement été conçus15 ».

Pour Pryor et Shays, « c’est l’intrapreneuriat qui permet de combiner les ressources que seules les grandes entreprises peuvent mobiliser avec la créativité et la motivation que seuls les individus peuvent fournir. La créativité serait ainsi la composante de l’intrapreneuriat que les individus apportent sous forme d’idées et de projets. L’autre composante serait alors l’autorisation et la mise en œuvre des ressources de l’entreprise pour la concrétisation de ces idées16 ».

Agilité

Le succès d’un projet repose également sur la capacité d’un collaborateur à se frayer un chemin à travers les mânes des grands groupes, de savoir à quelle porte frapper, quand avancer, quand s’adapter, comment modifier son projet et ainsi de suite. L’agilité est une qualité primordiale pour un entrepreneur, car celui-ci doit en permanence s’adapter à son environnement pour survivre. C’est également un point essentiel des intrapreneurs qui sont dépendants de leur organisation pour le développement et le succès de leur projet.

15 Carrier, 1997. « De la créativité à l’intrapreneuriat ». Collection PME et Entrepreneuriat. Presses de l’Université du Québec. 16 Allali (2003)

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Quel est son projet ?

L’intrapreneur est aussi inséparable de son projet : c’est souvent la volonté de le développer qui le pousse à sortir de son rôle traditionnel de collaborateur pour prendre le contrôle de son propre challenge.

Certains projets sont en lien avec le cœur de métier de l’entreprise ou peuvent à terme le devenir. On pense ainsi au salarié qui a développé Gmail pour Google. Le projet initial n’était pas en lien avec le cœur de métier, mais il a permis de développer une nouvelle business unit qui deviendra ensuite partie intégrante de Google.

D’autres projets sont périphériques et servent à créer de la valeur pour l’entreprise, les collaborateurs ou d’autres parties prenantes. On pense ainsi à Fabienne Raynaud, collaboratrice de Crédit Agricole SA que nous avons interviewée et dont le premier projet envisagé fut d’ouvrir un petit commerce équitable/bio à l’entrée du nouveau siège de Crédit Agricole. Un projet finalement non concrétisé, mais qui avait un intérêt en termes d’image et de bien-être/qualité de vie des collaborateurs du siège.

Enfin, certains projets ont un sens en lien avec les valeurs de l’entreprise ou celles des collaborateurs. On parle ainsi d’entrepreneuriat ou intrapreneuriat social, comme l’illustre le focus ci-dessous. C’est dans ce cadre que Danone a développé des projets d’éducation alimentaire et que BNP Paribas soutient les micro-entrepreneurs dans les pays en développement.

Parole d’intrapreneur : oser l’intrapreneuriat

Dorothée van der Cruyssen Intrapreneur au sein du Groupe Bolloré et Fondatrice d’Earthtalent

Dorothée van der Cruyssen nous reçoit dans les locaux de Bolloré, à Puteaux. Pourtant, dès qu’on franchit la porte de son bureau, on pénètre dans l’univers d’Earthtalent, l’intraprise sociale qu’elle a créée de toutes pièces au sein du groupe. Créé en 2008, Earthtalent est aujourd’hui un réseau social international qui relie les hommes et les femmes du Groupe Bolloré, leur permet de partager leurs idées, leurs projets et leurs compétences pour construire un monde plus solidaire.

Le projet met la créativité, l’innovation et l’entrepreneuriat au cœur de la création d’initiatives, en lien avec l’autonomisation des populations qui en ont le plus besoin : les femmes, à l’échelle mondiale, mais aussi plus récemment les jeunes, à l’échelle française.

Aujourd’hui, plus de 4 000 personnes sont impactées, dans 20 pays d’Asie et d’Afrique, grâce aux contributions de collaborateurs du Groupe Bolloré venus des 40 pays connectés au réseau.

Qu’est-ce qu’un intrapreneur ?

Dorothée van der Cruyssen nous répond : « un intrapreneur c’est quelqu’un qui a une âme créatrice, qui rencontre un environnement externe favorable (en l’occurrence un contexte économique mondial changeant, évolutif, qui donne envie de s’investir), et qui peut se développer dans un environnement interne inspirant ». Ici, le groupe Bolloré, « lieu de créativité et entreprise inspirante », marquée par la personnalité créative de Vincent Bolloré et nourrie des multiples cultures et métiers exercés au sein du groupe.

C’est la combinaison de ces trois facteurs qui a transformé Dorothée van der Cruyssen, alors Directrice de la Communication du groupe, en « individu qui ose ».

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Comment passe t on de l’idée à l’action ?

Pour intraprendre, il ne suffit pas d’avoir une idée. Dorothée van der Cruyssen nous explique les grandes étapes de la création :

• Etape n°1 : Sortir de l’entreprise pour mieux y re-rentrer – faire mûrir son projet en externe. Dorothée van der Cruyssen a d’abord conçu son projet « dans son coin, avec sa bande de copains ». De l’idée à la mise en musique via la conception d’une maquette visuelle, elle s’est entourée de bonnes volontés externes et bénévoles qui ont permis au projet de passer de l’idée au pitch.

• Etape n°2 : Obtenir le go de l’entreprise – un point fondateur. Le projet devenu concret au travers d’une maquette, Dorothée van der Cruyssen l’a présentée au décisionnaire de l’entreprise : Vincent Bolloré en personne. Deux minutes, c’est le temps qu’elle a eu pour donner à la fois envie et confiance au dirigeant. Faisant comme si sa plateforme existait déjà, elle en a présenté les principes de fonctionnement, les avantages business pour le Groupe Bolloré et le coût associé. Pas plus, mais pas moins. Suffisant pour que Vincent Bolloré lui donne carte blanche pour lancer son projet, et la propulse à la tête du développement de ce dernier.

• Etape n°3 : Fédérer en interne autour du projet. Si le « go » initial du patron est un sésame essentiel, il ne suffit pas. L’intrapreneur rentre ensuite dans une phase cruciale, souvent sous-estimée: remporter la conviction et l’adhésion des autres collaborateurs qui pourront participer au projet. Dorothée van der Cruyssen insiste sur un point important : « Plus que convaincre, il faut savoir écouter: comprendre les raisons qui les poussent à soutenir le projet, raisons qui leur appartiennent mais qui nourrissent tout autant le projet ».

Il est alors temps de lancer et surtout, de faire vivre le projet.

Faire vivre le projet, un travail… entrepreneurial

Le bureau d’Earthtalent dans les locaux de Bolloré n’est pas très grand mais il abrite quatre cerveaux en ébullition. Pour Dorothée van der Cruyssen et ses équipes, un seul mot d’ordre : proactivité. Une démarche en mode « start-up », où le manager peut aussi devenir un équipier comme les autres, et où les équipiers sont des artisans du projet à part entière. Une émulation qui a notamment abouti à la diversification des projets portés par Earthtalent et à la création d’Earthtalent Campus, un prolongement du projet autour des porteurs de projets étudiants.

Ajoutons à cela une ambiance de travail détendue, favorisant la créativité : « Si on ne s’amuse pas, on ne crée pas et on ne fédère pas les équipes ».

De l’intraprise à l’entrepreneuriat ?

Si elle n’a pas pour envie de développer un autre projet intrapreneurial chez Bolloré pour le moment, Dorothée van der Cruyssen ne s’interdit pas de réfléchir à des pistes de développement d’entreprise en externe. Entre innovation sociétale et nouveaux concepts de communication, elle ne manque pas d’idées et conclut dans un sourire « Oui, je suis devenue entrepreneur ».

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Quel environnement pour l’intrapreneuriat ?

Est-ce la structure qui permet de faire émerger des intrapreneurs ou les collaborateurs « entrepreneurs » qui en poussant leur projet, font émerger un besoin et sensibilisent leur entreprise à ces sujets ? Très certainement les deux !

En tant que RH, manager ou membre de ComEx, votre rôle sera de favoriser une culture d’innovation, c’est-à-dire mettre en place un terreau où les employés « intrapreneurs » pourront se révéler et développer leurs projets, où l’erreur est tolérée. Ce droit à l’erreur allant de pair avec l’innovation et la capacité à prendre des risques.

Aux Etats-Unis et depuis quelques années en France, des « Fail Conference » ont vu le jour. Des orateurs sont invités à y expliquer leurs échecs passés et les moyens mis en œuvre pour les surmonter. Ces « Fail Conference » sont un des exemples les plus probants de « l’apprentissage par l’erreur », où comment accepter les échecs et construire dessus. Un outil d’innovation à part entière qui mériterait d’être davantage envisagé que banni.

Les employés « entrepreneurs » auront quant à eux le défi de porter leur projet en interne, de convaincre leur ligne hiérarchique et de montrer l’intérêt de leur démarche.

On perçoit là que certaines cultures d’entreprises semblent plus favorables que d’autres à l’acceptation d’échecs et a fortiori, à l’émergence d’idées nouvelles et de projets innovants. Sans culture propice, pas d’intrapreneuriat donc ! C’est l’émergence d’une culture ouverte, laissant une large place à l’initiative individuelle et collective qui permet de passer d’initiatives isolées à un véritable écosystème interne d’innovation.

La culture d’entreprise peut ainsi stimuler ou freiner l’émergence d’intrapreneurs, et l’émergence d’intrapreneurs peut permettre l’évolution de la culture d’entreprise vers plus d’ouverture, de flexibilité et de prise de risques.

La structuration du processus d’intrapreneuriat est ce qui fait la différence entre une bonne idée, élaborée et menée à bien par un collaborateur isolé, et l’intrapreneuriat comme moteur d’innovation et de croissance pour l’entreprise. La mise en place par l’entreprise d’un processus structuré d’intrapreneuriat témoigne de son niveau d’investissement sur le sujet, en tant que facteur d’épanouissement interne des salariés et levier de croissance.

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Parole d’intrapreneur : mettre en place un processus d’intrapreneuriat structuré

Grégory Olocco Directeur du I-Lab au sein d’Air Liquide

Dans le monde émergeant des intrapreneurs, il y a quelques noms qui circulent, qu’on se transmet sous le manteau comme des secrets, et celui Grégory Olocco est de ceux-là. Nous avons rencontré la personne qui a pour mission de réinventer Air Liquide, qui compte pas moins de 110 ans et 50 000 collaborateurs. Un entretien clair et structuré comme le mathématicien de formation qu’il est, avec le grain de folie et d’inspiration que porte l’innovateur qu’il est devenu. Revue de détail d’une initiative ambitieuse et visionnaire.

Une nouvelle vision de l’innovation

A l’origine du projet, il y a une nouvelle vision de l’innovation. L’idée que le cycle de la croissance par extension géographique ou par acquisition touche à sa fin. Le sentiment que la recherche d’efficacité dans l’optimisation des processus ne recèle plus de marges substantielles d’amélioration, le projet de faire de l’innovation de rupture la nouvelle source de croissance du groupe. Tout le défi reposant dans l’invention de nouvelles structures à même de faire émerger l’innovation de rupture.

Une conviction du PDG

Sur une suggestion d’Olivier Delabroy, en charge de la R&D au sein du groupe, qui pressent que les clés de l’innovation se trouvent dans des structures agiles et flexibles, un voyage est organisé à l’été 2012 aux Etats-Unis, réunissant notamment Benoît Potier, PDG d’Air Liquide, et François Darchis, membre du Comex en charge de l’Innovation, des Nouveaux Marchés et de l’Ingénierie. Au programme, une immersion dans l’écosystème innovant américain, entre côte Est et côte Ouest, start-ups et universités. Et à la clé, une prise de conscience : il est possible d’innover autrement. A leur retour, les trois hommes décident de créer au sein d’Air Liquide une structure d’innovation agile et se mettent à la recherche d’un porteur de projet. Ce sera Grégory Olocco.

Un innovateur

Alors Directeur des Opérations en Tunisie, Grégory Olocco présente plusieurs atouts. Il connaît très bien la culture interne d’Air Liquide, au sein duquel il fêtera ses dix ans cette année. Il présente un profil équilibré, à la fois scientifique et commercial (Doctorat de Mathématiques, MBA). Ajoutons à cela un passé d’innovateur au sein du groupe et nous obtenons le cocktail idéal qui amènera les dirigeants à lui proposer trois fois le poste qu’il s’obstine à refuser.

Un résultat innovant et efficace

Afin d’inventer et d’imaginer les territoires dans lesquels Air Liquide évoluera dans 15 ou 20 ans, ce que Grégory Olocco appelle « les territoires transformants », Air Liquide a mis en place une machine à innover inédite, permettant d’inventer à 360°.

Deux piliers : un thinktank et un corporate garage

L’objectif ultime du Think Tank est de cartographier les « nouveaux territoires » à la recherche desquels Air Liquide s’est lancé. En invitant des personnalités externes à l’entreprise, le Think Tank permet d’appréhender les évolutions du monde, les tendances lourdes (changement climatique, déséquilibres démographiques, urbanisation...) et leur impact sur les usages (la façon dont les gens se déplacent, se nourrissent, se soignent, etc.). Avec pour ambition de mieux comprendre comment les chaînes de valeur se redéfinissent face aux nouveaux besoins qui émergent et quels sont les défis qui émergent et qui peuvent avoir un intérêt pour Air Liquide.

Parallèlement, Air Liquide a également mis en place un Corporate Garage tourné vers l’action, « une structure qui permet de passer de l’idéation à la mise sur le marché », comme nous l’explique Grégory Olocco.

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Les spécificités de l’intrapreneuriat social

Si l’intrapreneuriat peut prendre différentes formes, l’intrapreneuriat social en est l’une des catégories les plus développées à l’heure actuelle. Elle est aussi l’une des plus visibles car elle fait écho au désir croissant de sens exprimé par les collaborateurs dans leur travail.

L’intrapreneuriat social se caractérise par « une recherche d’impact social maximal et de changements sociaux à grande échelle et se caractérise par un modèle économique équilibré », qui inclut notamment le réinvestissement de tous les profits générés dans le projet17.

L’intrapreneuriat social se distingue particulièrement de l’intrapreneuriat par la diversité des projets portés et par les profils des intrapreneurs, souvent plus « sociaux » que « business ». Plus encore que pour les intrapreneurs classiques solidement ancrés dans le business, les intrapreneurs sociaux sont des convaincus qui n’hésitent pas à risquer leur carrière pour défendre une vision de l’entreprise qui leur est chère, et ainsi entraîner un mouvement de Responsabilité Sociale en interne, autour de projets pilotes.

17 Odyssem et Volonteer, 2012 : « Intrapreneuriat Social - La nouvelle frontière de l’innovation sociale pour l’entreprise »

L’IDÉE

Le Think Tank

Rôle : cartographier les nouveaux territoires

Equipe désirabilité et transformation en business

• Equipe pluridisciplinaire, dirigée par un historien, composée de personnes d'Air Liquide et de personnalités externes (designer, urbaniste, médecin, etc.)

• Intervention d'experts d'opinion pour identifier des macrotrends démographe, climatologue, spécialiste de la fragilité, etc.

• Identification des possibilités business des macrotrends

Equipe faisabilité • Une équipe technologique en

charge d'évaluer la faisabilité des propositions et d'imaginer l'impact sur le monde des technologies de rupture

L’ACTION Le Corporate Garage

Rôle : passer de l'idéation à la mise sur le marché

les Fablabs • Mini-usines qui permettent de

passer de l'idée au concept (prototypage léger), dans le but de convaincre des clients internes

Catalyse & lncubate

Catalyse • Entité ayant pour

mission de construire un écosystème d’innovateurs (PME, start-ups, industriels)

lncubate • Incubateur de

projets, pour un temps donné (1 à 3 ans)

Data workshop • Atelier de développement des

compétences en lien avec la donnée digitale

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Parole d’intrapreneur : l’intrapreneuriat social chez BNP Paribas

Emmanuel de Lutzel Vice-Président Social Business chez BNP Paribas

Comment vous êtes-vous lancé en temps qu’intrapreneur ?

« J’ai toujours eu ce désir d’entreprendre ainsi qu’un fort tropisme pour les causes sociales. En me lançant en temps qu’intrapreneur, j’ai donc transformé mon hobby en job.

Tout a commencé en 2004 lorsque je me suis inscris comme bénévole de l’Adie (Association pour le droit à l’initiative économique) en motivant quelques collègues avec moi. Surpris que l’Adie bénéficie d’un gros soutien en France mais très peu à l’international, j’eu par la suite une idée : BNP Paribas, entreprise aux nombreuses filiales réparties à travers le monde, pourrait lancer un projet de microfinance à portée internationale, sous forme de financement à des institutions de microcrédit.

J’ai commencé à parler de mon idée à des collègues, et ai en quatre mois rencontré plus de quarante personnes toutes intéressées par le projet et qui m’envoyaient en parler à d’autres collaborateurs. Finalement je me suis rendu compte que pour que le projet voit jour, il fallait viser plus haut, et j’ai donc requis un rendez-vous avec le n°3 de la BNP Paribas. Il me reçut et fut convaincu, et quelques semaines plus tard je présentais mon projet devant le comité exécutif, qui me donna la validation finale.

C’est ainsi que je devins Responsable microfinance chez BNP Paribas. Aujourd’hui, je suis fier de dire que nous avons un impact sur 1,5 millions d’emprunteurs, avons mobilisé 200 millions de capitaux, et œuvrons à travers une quinzaine de pays et une quarantaine d’institutions de finance, dans des pays émergents mais aussi en Europe ».

Quelles sont, d’après votre expérience, les qualités requises pour être un intrapreneur ?

« Je dis souvent que pour être un intrapreneur il faut savoir lire, écrire, compter et conter. Lire pour acquérir des informations, puis écrire pour être capable de les synthétiser. Personnellement, après avoir accumulé un gros dossier de documentation, j’ai rédigé pour moi-même une synthèse d’une cinquantaine de pages, dont j’ai tiré une page que j’ai présentée aux différentes personnes que je rencontrais.

La phase suivante est de mettre en place un business model monétisable pour ce projet, compter donc. Enfin, puisque la réalisation de tout projet d’intrapreneuriat passe par la validation et le soutien de la direction, il faut savoir conter, c’est-à-dire convaincre de l’intérêt du projet et entraîner le soutien de toute personne concernée par la mise en place du projet ».

Quels sont les avantages de l’intrapreneuriat pour les entreprises ?

« L’innovation est un enjeu majeur pour les grandes entreprises. Elles ont donc besoin en permanence de nombreuses idées innovantes. Les middle managers ont un grand rôle à jouer dedans, ils peuvent être source de beaucoup de projets innovants, mais souvent ils s’autocensurent car ils ne conçoivent pas la possibilité de les mettre en place. Il faut oser se lancer, les grands patrons rêvent de voir des gens prendre des initiatives ».

L’intrapreneuriat permet aussi d’innover dans son cœur de métier, puisque l’on innove au sein de l’entreprise, sur des sujets qui touchent à l’activité et aux compétences de l’entreprise. Ceci est en particulier vrai dans le cadre de la responsabilité sociale ; celle-ci fonctionne le mieux lorsque l’entreprise est capable d’intégrer la responsabilité sociale au cœur même de l’entreprise en utilisant les compétences de l’entreprise, l’excellence financière dans le cas de la BNP Paribas, au service d’une cause sociale. L’intrapreneuriat est donc particulièrement pertinent dans ce cas. »

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III. Intrapreneuriat : quels apports pour l’entreprise et les collaborateurs ?

A présent que les définitions ont été explicitées et que le concept n’est plus mystérieux, interrogeons-nous sur les tenants d’une telle démarche. Pourquoi une entreprise devrait-elle permettre à ses collaborateurs d’intraprendre ? Et que peuvent en tirer les salariés ? Plutôt que de présenter les apports pour chacun des acteurs, nous présenterons l’intérêt des démarches intrapreneuriales par thématiques, mettant alors en évidence les bénéfices réciproques.

Image employeur

Universum Global publie chaque année un classement des 50 employeurs les plus attractifs au monde chez les étudiants. Depuis 5 ans, Google est indétrônable. Lorsque l’on regarde de plus près les spécificités de Google, et ce que relèvent les étudiants, ce sont les fameux 20% de temps libre dédiés au développement de projets qui surgissent spontanément. Un cas d’école inspirant pour des étudiants en quête d’innovation, de développement mais aussi de fiabilité, toujours selon cette enquête. Ainsi, les étudiants souhaitent intégrer une entreprise qui les fera évoluer.

Bien que l’intrapreneuriat ne doive pas se résumer à un outil de communication, il est sans conteste un atout clé pour illustrer une culture d’entreprise résolument moderne, innovante, qui place les salariés au cœur de leur stratégie et s’adapte à son temps.

Rétention et Attraction des Talents

La mise en place de structures intrapreneuriales permet, comme l’illustre le dispositif des 20% de Google, d’attirer des Talents et de retenir également en interne les salariés qui ont l’envie et le potentiel de créer leur propre entreprise.

Chez les étudiants, ce dispositif de temps libre destiné à la création de projets permet d’attirer les jeunes qui, au sortir de leurs études, hésitent entre grands groupes et entrepreneuriat. La perspective d’un emploi proposant de la flexibilité et de l’autonomie, des responsabilités et une part de créativité tout en restant encadré, ainsi qu’une opportunité de se faire repérer et de contribuer significativement au succès de l’entreprise, est un atout considérable, qui plus est en période de guerre des Talents.

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Flexibilité et Agilité

Les grandes structures, on l’a vu ces dernières années, souffrent d’un manque d’agilité et de flexibilité, probablement du fait de l’accroissement des contraintes réglementaires, fiscales, internationales. En soutenant les intrapreneurs, ces entreprises insufflent un vent d’innovation et de renouveau dans leur organisation. Les intrapreneurs, comme expliqué précédemment, sont des salariés persévérants, motivés, possédant un réseau important, déterminés à mettre en place leur « start-up interne » et à réussir. Les procédures des grands groupes ne s’appliquant pas nécessairement à ces salariés, leurs projets avancent plus rapidement qu’un projet interne traditionnel.

Ils vont donc apporter la flexibilité et l’agilité dont leurs managers pourront s’inspirer et qui peu à peu fera évoluer la culture de l’entreprise.

Focus : le risque de départ de l’entreprise Le rapport annuel du Global Entrepreneurship Monitor souligne que 21% des intrapreneurs ont l'intention de partir sous trois ans de leur entreprise pour monter la leur. Cependant, ce constat est modéré par certains experts comme Valérie Blanchot Courtois, spécialiste de l'intrapreneuriat et créatrice de Human Ventures : « Il y a une différence entre ce qu'on espère et ce qui se concrétise et peu nombreux sont les intrapreneurs qui quittent effectivement le navire pour se lancer seuls ». Les chiffrent indiquent cependant qu’on compte tout de même 11% de départs de l’entreprise chez les intrapreneurs. Mais cela constitue un « écrémage stratégique ». Les intrapreneurs qui quittent leur entreprise lui restent redevables et cherchent à faire perdurer une relation. « On constate même parfois sur le long terme, un rachat stratégique » précise Valérie Blanchot Courtois.

Engagement

« 3% de la population mondiale se dit actuellement engagé ou avoir été engagé lors des trois dernières années dans des activités intrapreneuriales », affirme le Global Entrepreneurship Monitor.

Certaines entreprises, comme 3M, voient dans l’intrapreneuriat un moyen d'engager leurs salariés et d'innover. En effet, savoir que son entreprise soutient les collaborateurs ayant des idées, aimant la prise de risques et ayant la personnalité et les compétences pour se lancer est un facteur de fierté, d’appartenance et de motivation intrinsèque très puissant. Ne sommes-nous pas au sommet de la fameuse pyramide de Maslow, lorsque l’entreprise permet à ses salariés l’accomplissement et la réalisation de soi ?

Diversité

Que la diversité soit facteur de performance et de motivation ne fait plus de doute. Cependant, associer diversité et intrapreneuriat est encore assez récent. Or il apparaît clairement que permettre à des personnalités entrepreneuriales de développer des projets en lien avec le cœur de métier de l’entreprise ou non, en étant encadrées mais autonomes, permet cette diversité de profils et de projets qui peut inspirer, motiver, enrichir salariés et managers de tout rang hiérarchique.

Performance

« L'intrapreneuriat […] un moyen de bénéficier de plus d'autonomie et de responsabilités », Virginie Fauvel, Head of E-Business chez BNP Paribas.

Il va de soi que si les salariés sont motivés, engagés, fiers de leur entreprise, si la culture d’entreprise est plus flexible, plus agile, plus innovante, et si les idées arrivent à se transformer en projets puis en réalités, les performances individuelles et collectives seront impactées positivement. « C’est le terreau le plus favorable pour être plus en lead sur son marché, pour avoir une force de proposition plus forte », Claire Bussac, Responsable Innovation RH au Crédit Agricole SA.

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Focus : le rôle du manager Selon une enquête conduite en 2007/2008 par Towers Watsons (90 000 salariés de 18 pays interrogés), 21% des répondants disaient être réellement impliqués dans le travail contre 38% essentiellement ou totalement non impliqués. Gary Hamel, dans son ouvrage « Ce qui compte vraiment18 », tire une conclusion sans appel : il faut repenser le management traditionnel, qui n’est plus de mise dans notre société du 21e siècle, dans « un monde de changement perpétuel, de compétition féroce, d’innovation débordante et d’exigences sociales19 ». Il faut, toujours selon lui, s’indigner car pour la majorité des milliers de dirigeants et managers qu’il côtoie tous les ans, l’implication des salariés n’est pas la priorité numéro un.

Or de l’implication des salariés dépend leur capacité de produire des idées nouvelles, de se différencier sur un marché en perpétuelle évolution, où le rythme des innovations est sans précédent.

« Dans un environnement en mutation, les managers doivent faire face à de nouvelles responsabilités. Alors qu’ils naviguent dans des eaux troubles, ils doivent trouver des solutions innovantes pour résoudre les problèmes tout en faisant le maximum pour atteindre les objectifs fixés20 ». Dans quel sens le management doit-il évoluer ?

La nouvelle tendance du manager-coach pourrait apparaitre comme une approche possible pour replacer le salarié au centre de l’entreprise. Vincent Lenhardt, coach, consultant et formateur d’expliquer : « par coaching on entend l’accompagnement d’une personne ou d’une équipe. […] L’attitude que suppose le coaching est l’attitude commune du manager ou du consultant qui considère la personne ou l’équipe accompagnée à la fois dans son fonctionnement actuel, mais plus encore dans son potentiel en voie de réalisation. Cette approche comporte à la fois une philosophie, une attitude, des comportements, des compétences et des procédures »21. A travers cette approche de manager-coach, on perçoit les possibilités pour l’intrapreneuriat. Le nouveau manager semble plus orienté vers l’accompagnement des équipes, il est un réel soutien à leur développement.

En devenant un ambassadeur de l’intrapreneuriat, le manager reconnait et valorise les idées de ses collaborateurs, il permet ainsi de retenir les meilleurs talents au sein de l’organisation et d’y instiller créativité, fluidité, exemplarité et fierté d’appartenance.

Gary Hamel a redessiné la pyramide de Maslow en une hiérarchie des capacités humaines au travail. Dans les trois niveaux de base, il place l’obéissance, la diligence et l’expertise ; dans les trois niveaux supérieurs, il place l’initiative, la créativité et la passion. « Dans l’économie créative d’aujourd’hui, ce sont les capacités du sommet de la pyramide qui créent le plus de valeur. L’audace, l’imagination et le zèle sont les véritables ressorts de la différenciation concurrentielle » explique-t-il.

Ne sommes-nous pas là en plein cœur de l’intrapreneuriat ?

18 Ce qui compte vraiment, Gary Hamel, 2012 19 Les cinq conseils de Gary Hamel pour manager autrement, par Muriel Jasor, Les Echos Business, 2012 20 Le manager-coach, chronique de Anais Pierre, Le Journal du Net, 2013 21 Les responsables porteurs de sens, Vincent Lenhardt, Insep Editions, 1992

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IV. Exemples d’initiatives innovantes et inspirantes

L’intrapreneuriat au cœur du Business Model

Michel Hervé Président-Fondateur du Groupe Hervé

Le Groupe Hervé, référence en matière de management collaboratif, est également un modèle d’intrapreneuriat22. Lors de sa création en 1972, le groupe comptait 174 employés. Quatre décénnies plus tard, ils sont 2800 et réalisent en 2013 près de 475 millions d'euros de chiffre d’affaires23. Nous avons interviewé le président-fondateur du groupe pour comprendre son organisation.

Que veut dire l’intrapreneuriat dans le groupe Hervé ?

« Cela signifie que chaque salarié qui travaille au présent est aussi l'entrepreneur de son avenir en lien avec son environnement client, mais aussi avec ses collègues afin de constituer avec eux un objectif commun, une unité de business qui fait force.

Pour orchestrer cette mise en harmonie, l'équipe se dote d'un manager qui assume la responsabilité du tout et représente ce petit groupe, en moyenne quinze personnes, au niveau supérieur.

Celui-ci, en tant que « intra-manager », participe à la recherche d'un objectif synthétisant ceux des intra-entrepreneurs constituant son équipe, à l'intérieur du périmètre qui est le sien, géographique ou technologique.

Cet « intra-manager » participe à l'élaboration de la stratégie du territoire des territoires sous la houlette d'un... manager de managers de managers. »

Quels sont les facteurs clés de succès d’une démarche intrapreneuriale ?

« J'en citerais cinq :

1. Que le dirigeant ait les idées claires et une volonté ferme d'aboutir.

2. Aimer ses salariés et être capable de se dire : à leur place, dans les mêmes conditions, que ferais-je ?

3. Accorder plus d'importance aux processus organisationnels qu'aux résultats. Si les processus sont réglés avec justesse, les résultats suivent.

4. Constituer des équipes comprises entre 10 et 20 salariés. Au-delà ou en-deçà, les dynamiques de groupe ne sont pas optimales.

5. Avoir un système d'information web 2.0 permettant aux salariés d'échanger fréquemment entre eux, de co-construire des connaissances et de stocker les informations clés. »

22 Voir le site du Groupe Hervé, rubrique Organisation Participative 23 Source : Wikipedia

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Quelles sont, selon vous, les erreurs à éviter absolument ?

« Trois dangers menacent le manager :

1. Croire que l'épanouissement des salariés passe par leur confort alors qu'il passe par une haute exigence à leur égard : ce n'est pas rendre service à un homme que de le conforter dans sa demande de déresponsabilisation.

2. Refuser de lâcher prise, de remettre en cause son propre pouvoir.

3. Donner d'une main ce que l'on reprend de l'autre : vous ne pouvez pas faire semblant de donner de l'autonomie à vos salariés, sans quoi le désengagement est massif. Pour les rendre véritablement autonomes, c'est-à-dire les constituer en intrapreneurs, vous devez leur donner des moyens effectifs, pratiquer la confiance a priori et le contrôle a posteriori. »

Qu’est-ce que cela apporte à l’entreprise ?

« De diminuer son risque systémique, en multipliant le nombre de business units, et surtout des rapports d'égaux à égaux, entre intrapreneurs qui stimulent la réflexion collective. Mais l'intrapreneuriat est un chantier, et il faut bien reconnaître que, même pionniers en la matière, nous avons toujours le sentiment d'être des débutants. »

Instaurer l’expérimentation permanente pour insuffler l’agilité au sein du Groupe Poult

Jérôme Introvigne Directeur de l’Innovation des Biscuiteries Poult

L’entreprise Poult, forte de 800 salariés répartis en France, est aujourd’hui reconnue comme l’une des entreprises françaises les plus inspirantes sur ses modes de management, un véritable laboratoire de l’entreprise mutante.

Récompensé avec ses équipes en 2013 par les Espoirs du Management, Jérôme Introvigne nous a confié la fabuleuse histoire de son entreprise, dirigée par Carlos Verkaeren depuis 2000.

Au commencement de l’histoire de Poult, il y a des convictions

• L'Homme est bon et digne de confiance, il peut mettre sa créativité au service de l'entreprise.

• Les systèmes néo-tayloristes (hyper compétition, contrôle de l'information, etc.) ne sont plus adaptés à notre monde, pas plus que l'hyper capitalisme libéral.

• Aujourd'hui, le vrai avantage concurrentiel repose dans la capacité d'innovation et l'agilité d'une entreprise.

• L’innovation est une conséquence de l'organisation.

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De l’innovation participative à l’intrapreneuriat : le changement en actions

En 2006, l’entreprise Poult est une biscuiterie dont les produits sont commercialisés sous des marques de distributeurs. L’entreprise fonctionne bien. Pourtant, cette année-là, Poult part d’un postulat simple : si l’entreprise souhaite pouvoir continuer à se développer dans son marché B to B, elle doit impérativement être plus innovante dans ses produits. Pour ce faire, le groupe décide de lancer une démarche participative afin d’associer l’ensemble de ses salariés à la recherche de produits innovants.

Tout commence par la volonté du PDG, Carlos Verkaeren, qui part du principe que chacun dans l’entreprise est un potentiel innovateur. La démarche est donc lancée par un discours du PDG auprès des salariés. Ce discours consiste en un message clair et simple : « l’objectif est de désinfantiliser les salariés ». Pendant les trois années suivantes, des brainstormings sont organisés avec les salariés et des processus de créativité sont mis en place. D’une manière innovante, Poult choisit de ne pas mettre en place une « boîte à idées » classique, mais d’envoyer des équipes centrales sur le terrain. Poult choisit également de développer un réseau social d’entreprise, ouvert à tous les salariés. En effet, l’entreprise se rend compte que 70% des ouvriers ont un smartphone et que 60% d’entre eux possèdent un ordinateur à la maison, ce qui en fait donc un outil de masse.

En 2009, premier bilan des actions : le dispositif est intéressant, mais il n’est pas suffisamment performant. L’entreprise Poult se remet donc au travail et effectue un grand benchmark international sur l’entreprise innovante. De leurs études, ils tirent une conclusion : l’innovation participative, c’est bien… mais l’innovation collaborative, c’est mieux !

Or, l’innovation collaborative passe avant tout par l’innovation managériale : l’innovation naîtra de la transformation de l’organisation. Et cette transformation initiée n’aura pas lieu dans la demi-mesure…

Première action symbolique : le CODIR est supprimé. Supprimées également, les Directions Fonctionnelles qui maintenaient des silos au sein de l’organisation. Les salariés de Poult disent adieu à la direction du marketing, à la direction commerciale ou à celle des ressources humaines… Dans cette lignée, deux niveaux de hiérarchie sont également supprimés dans le plus gros site de production – et ce, dans un climat social apaisé.

Parallèlement, les pratiques managériales sont réécrites par des collaborateurs volontaires, réunis en équipes.

Le changement touche également la méthode d’innovation. Pour innover, les collaborateurs s’organisent désormais en équipe (par produit : tartelette, cookie ; par client ; par thématique : pâtisserie ; etc.). N’importe quel salarié a le droit de monter une équipe avec les personnes de son choix. La seule obligation consiste à informer le reste de l’entreprise des travaux menés au sein de l’équipe.

Et ce grand vent de liberté fonctionne : l’entreprise engrange des résultats financiers intéressants, et enregistre de meilleurs taux de satisfaction des employés, particulièrement les ouvriers. Mais l’entreprise ne s’arrête pas en si bon chemin et poursuit sa transformation. En 2011, elle explore un nouveau pan de l’innovation : l’intrapreneuriat.

Poult a tout d’abord créé une pépinière interne, un incubateur de projets, destiné à accueillir les projets des salariés intrapreneurs, qu’ils soient ou non en lien direct avec l’activité de biscuits de Poult. Ainsi, l’un des projets hébergés concerne une légumerie solidaire.

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L’entreprise a également créé le Poult Start-Up Programme : un programme dédié aux entrepreneurs qui souhaitent travailler sur les domaines stratégiques pour l’entreprise, en mettant à leur disposition tous les savoir-faire de l’entreprise. Considérant que l’entreprise a une fonction sociétale majeure, Poult n’attend pas de retour sur investissement à court-terme de ces entrepreneurs, mais pense qu’ils apporteront d’une façon ou d’une autre de la valeur à l’entreprise, et se laisse le temps de découvrir les formes que pourra prendre cette valeur ajoutée.

Poursuivant ses recherches et continuant à faire de son entreprise une pionnière, Poult tourne son regard vers l’environnement externe des Biscuiteries Poult et entreprend de construire un vaste écosystème autour de l’entreprise mère.

Pour compléter ce tableau, exemples d’autres initiatives novatrices menées par Poult :

• Création de clusters réunissant plusieurs acteurs du marché de l’agro-alimentaire – notamment avec un traiteur, dans le but de conquérir un nouveau marché européen.

• A Toulouse, création d’un club d’innovation, autour des thématiques liées aux fablabs et à l’open innovation.

• Mise en place d’un important réseau auprès des écoles régionales, ce qui en fait aujourd’hui un employeur très prisé par les jeunes diplômés de la région.

Poult est devenu un acteur incontournable de l’entreprise innovante et donne aujourd’hui des conseils à de grandes entreprises, curieuses d’implanter chez elles certaines de leurs bonnes pratiques.

Et s’il fallait achever de nous convaincre, Poult réalise aujourd’hui une croissance à deux chiffres sur un marché où la courbe est négative…

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V. De la parole à l’action : la démarche de Crédit Agricole SA

La démarche de Crédit Agricole SA

Le Crédit Agricole a pour ambition de réfléchir sur les nouvelles voies d’innovation au sein des organisations et d’accompagner les tendances émergentes. Diverses démarches émanant de directions, pôles et métiers différents se conjuguent et visent à mettre en œuvre le changement au sein du Crédit Agricole, à générer une culture innovante, des projets novateurs et un dynamisme à même de séduire les nouvelles générations, tout en créant de la valeur ajoutée pour l’entreprise.

Afin d’illustrer ces initiatives multiples, nous vous proposons de revenir sur trois rencontres particulièrement percutantes au regard de la thématique de l’intrapreneuriat.

Entreprendre et intraprendre

Fabienne Raynaud, Ancienne Intrapreneuse au groupe Crédit Agricole SA et fondatrice "Goods To Know"

Fabienne, pouvez-vous nous présenter ce que vous faites ?

« J’ai travaillé pendant 10 ans dans le groupe Crédit Agricole CIB, d’abord sur les marchés financiers pendant 6 ans, puis au développement durable, en enfin en RH pendant plus de 4 ans. J’étais en charge de missions de développement durable sur la partie sociale et une

petite partie environnementale aussi, ce qui concernait différents métiers, du handicap à l’égalité homme-femme en passant par la prévention du stress au travail.

J’ai créé mon entreprise en février cette année, sur une forme originale puisque je suis en congé sabbatique pour un an puis j’envisage de poursuivre sur un congé pour création d’entreprise sur les deux prochaines années, c’est donc une parenthèse de 3 ans. J’ai créé une entreprise qui travaille sur les sujets que je connaissais déjà, c’est-à-dire la sensibilisation au handicap et à l’égalité homme-femme. »

Vous aviez déjà tenté de lancer un projet d’intrapreneuriat il y a quelques années…

« En effet, j’avais proposé il y a quelques années, lors du déménagement du Crédit Agricole à Montrouge, de monter le premier magasin éco-citoyen d’entreprise. L’idée était de le monter moi-même, c’était donc une première forme de projet d’entrepreneuriat, ou d’intrapreneuriat plus justement.

Pour monter ce projet, j’étais avec une autre collègue du Crédit Agricole. Nous avions monté une présentation powerpoint expliquant ce que l’on voulait faire avec ce magasin éco-citoyen, et l’avons envoyé directement à Pierre Deheunynck, Directeur des Ressources Humaines Groupe. Nous avons par la suite eu la chance d’être rencontrées par plusieurs de ses collaborateurs directs à qui nous avons proposé ce projet qu’il avait soutenu au départ. Ça ne s’est pas fait finalement pour diverses raisons, mais en tout cas je pense qu’il avait apprécié la démarche initiée par les salariés. Il nous avait dit auparavant : « N’hésitez pas à solliciter vos dirigeants directement quand vous avez des idées », et c’est ce message qui m’avait donné l’idée de tenter ce projet.

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Je me suis dit que si le projet devait passer à travers dix étapes, ça n’allait pas aboutir ; finalement, si même un directeur général incite les salariés à le contacter directement, il fallait essayer. Je n’avais rien à perdre, la pire chose qui pouvait arriver était que l’on me dise non ou que l’on ne me réponde pas, et je ne pensais pas que cela puisse être vu négativement. »

Quels sont vos conseils pour les potentiels intrapreneurs au sein des entreprises ?

« La première chose à faire est de se poser deux questions : qu’est-ce que l’on a envie de faire et qu’est-ce que l’on pourrait apporter à l’entreprise ; l’idée étant bien sûr de concilier ces deux thématiques pour proposer un projet qui tient la route. On ne peut pas juste proposer quelque chose qui nous tient à cœur, il faut que l’entreprise y trouve un vrai intérêt. Une fois que l’on a un projet bien ficelé, il ne faut surtout pas hésiter à aller voir les managers et à le proposer assez haut, en allant trouver la personne qui est décisionnaire.

Quand on présente le projet, on est forcément sur un niveau de maturité assez bas puisque même si on a en tête beaucoup de choses, rien n’est fait, donc on n’a encore rien à montrer. Par contre on peut s’inspirer de ce qui est fait ailleurs, c’est un bon argument pour convaincre. Dans notre cas, quand nous avons proposé notre projet, nous avions les grandes lignes du business plan mais ne l’avions pas encore finalisé, et c’est quelque chose que l’on nous a demandé de faire. Il faut considérer que l’on est comme un entrepreneur qui va pitcher devant des investisseurs. »

Encourager l’innovation

Benoit Bourdin Corporate Venture Manager chez Crédit Agricole SA

Vous travaillez pour FIRECA. Quel est son rôle et comment soutenez-vous l’innovation ?

« FIRECA est un fonds de Corporate Venturing, c’est-à-dire un fonds d’investissement créé dans une perspective d’innovation. FIRECA vise ainsi à accélérer les processus

d’innovation dans le Groupe. Concrètement, il a pour mission principale de financer l’amorçage d’innovations pour le compte de l’ensemble des entités du Groupe. Il finance également les dispositifs de promotion de l’innovation, à l’instar du TechnoLab. Il est enfin en mesure de prendre des participations stratégiques dans des jeunes entreprises innovantes externes.

Dans le cadre des investissements internes, FIRECA a par exemple contribué au lancement du CA Store, initialement porté par la Direction de l’Innovation de la FNCA. Le fonds a également porté le lancement de l’application Mon Budget et accompagne, par exemple aujourd’hui, le projet d’outil de télédétection satellitaire en vue d’une assurance des fourrages pilotée par PACIFICA.

FIRECA intervient à chaque fois qu’il y a besoin d’accélérer le lancement d’une innovation. L’idée est de débloquer rapidement une ligne budgétaire et de faciliter la décision du lancement de projet par les équipes opérationnelles en portant le risque. En s’appuyant sur des compétences internes ou externes, le fonds est également en mesure d’accompagner les porteurs de projet par de la mise en relation ou de l’audit de projet.

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C’est en cela que l’activité de FIRECA est en lien avec l’intrapreneuriat ; ces porteurs de projets d’innovation en interne sont, selon moi, un type d’intrapreneur. Ils doivent avoir la capacité d’appréhender les concepts technologiques, financiers et marketing pour conceptualiser l’offre, chercher des financements, convaincre les instances du Groupe du potentiel de leur projet. En ce sens, ils sont vraiment comme n’importe quel entrepreneur : porter le projet avec une énergie exceptionnelle, piloter, garder le cap, gérer l’incertitude et la possibilité de l’échec. Néanmoins ils ont une qualité supplémentaire : celle de naviguer dans le cadre contraint d’un grand Groupe comme le Crédit Agricole. Voilà la définition d’un intrapreneur : une personne qui a la capacité d’entreprendre et en même temps de s’adapter aux contraintes d’un grand groupe. Les qualités « intrapreneuriales » des collaborateurs en charge des projets financés par FIRECA préfigurent souvent du succès des innovations et notamment de leur diffusion au sein du Groupe. »

Pouvez-vous nous parler du CA Village et de la Pépinière ?

« Le constat fait aujourd’hui par les grandes entreprises est que l’innovation ne peut être seulement générée en interne. Avec le digital notamment, les entreprises de tous secteurs vivent une transformation radicale : de nouveaux concurrents font leur apparition, les consommateurs changent leur façon de consommer… Des opportunités apparaissent : il faut les saisir en innovant toujours plus vite ! C’est pourquoi les grands groupes se tournent vers l’extérieur, en s’inscrivant dans des projets collaboratifs, en créant des partenariats avec des laboratoires de recherche ou avec d’autres entreprises de secteur connexes et surtout en se rapprochant de jeunes start-ups innovantes. C’est le concept d’open innovation. Les jeunes start-ups sont capables d’aller sur des territoires sur lesquels les grandes entreprises trop contraintes ne peuvent aller. L’industrie pharmaceutique a connu ce type de réaction lors de l’apparition des résultats prometteurs de la biotechnologie. Désormais, le phénomène touche tous les secteurs d’activité.

Le CA village est un lieu qui incarne l’innovation du Groupe. Situé au 55, rue de la Boétie, en plein Paris, en face des locaux de la Fédération Nationale du Crédit Agricole, c’est tout un bâtiment de 8 étages qui sera dédié à l’open innovation. FIRECA finance le projet car l’idée est de mettre en place un écosystème fertile, favorable à l’innovation. Seront réunies les différentes entités du Groupe autour des Caisses Régionales, une centaine de start-ups accueillies au sein d’une pépinière et des entreprises partenaires, telles qu’Orange, IBM, Bearing Point ou Microsoft …

L’ensemble du rez-de-chaussée sera dédié à un showroom des innovations. Avec une salle de conférence associée, sa mission sera ainsi d’acculturer l’ensemble des collaborateurs à l’innovation et au digital. En synergie avec ce showroom, la présence de start-ups permettra d’instiller un esprit entrepreneurial. Les start-ups, de tous secteurs, pourront bénéficier de conditions idéales et d’un accompagnement sur mesure pour accélérer leur développement. En retour, la proximité avec ses chefs d’entreprise a pour objectif d’instiller l’esprit entrepreneurial à l’ensemble du Groupe.

Ce lieu est la tête de pont du dispositif, mais il y aura des résonnances partout en France, en régions, par l’action des Caisses Régionales en lien avec les pôles de compétitivité et les autres acteurs de l’innovation et du développement économiques.

Au final, le dispositif doit accélérer la génération d’idées innovantes, faciliter les collaborations, promouvoir l’intrapreneuriat et ainsi participer aux missions de FIRECA. »

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L’innovation RH pour détecter les nouveaux modes de travail

Claire Bussac Responsable Marketing et Innovation RH chez Crédit Agricole SA

Qu’est-ce que l’innovation RH ? Pouvez-vous nous en dire davantage ?

« Depuis 2011, je travaille à lier innovation et technologies au service des nouveaux usages de la RH et des collaborateurs. Le Marketing interne et l’innovation au sein des RH ont grandi avec l’émergence des réseaux sociaux d’entreprise. Mon premier rôle a

été de contribuer à la mise en place d’un réseau social interne qui a pris la forme d’un ensemble de communautés de pratique (cf. livre blanc « Communautés de pratique »). Avec ma dimension RH, j’ai travaillé sur les différentes manières de coopérer au sein de ces communautés mais aussi la création de communautés plus spécifiques, comme par exemple la communauté au service de l’intégration des alternants et des stagiaires. J’ai mis à profit mon expérience en marketing client afin de mieux cibler les communautés et les usages innovants associés.

Le deuxième rôle de l’innovation RH est un travail de sensibilisation et d’ouverture à l’extérieur, l’axe principal étant l’impact du digital, avec une jeune génération qui est en attente de ce type d’usage quand elle arrive en entreprise. Il est important d’anticiper la mutation des métiers sous l’impact du numérique en accompagnant les collaborateurs concernés.

Enfin, ma responsabilité est aussi de défricher les nouvelles tendances. En matière d’innovation sociale, l’intrapreneuriat est un sujet que nous cherchons à approfondir, afin de voir comment le mettre en place au sein du Crédit Agricole SA. C’est une nouvelle manière d’appréhender l’entreprise. »

Comment en êtes-vous venue à l’intrapreneuriat justement ?

« Quand on se penche sur les sujets d’innovation, on entend souvent parler d’innovation participative, de boites à idées dans les entreprises. Pour moi, il est important de donner la possibilité aux salariés de pousser leurs idées jusqu’au bout et de les mettre en place. Cela m’a donc menée à m’intéresser à l’intrapreneuriat.

J’ai rencontré The Boson Project avec qui j’ai échangé sur les thématiques d’intrapreneuriat et de génération Y. C’est alors que nous avons décidé d’écrire ce livre blanc ensemble. »

Selon vous, qu’est-ce que cela apporte à l’entreprise et aux collaborateurs ?

« L’intérêt de l’intrapreneuriat pour les collaborateurs est de les aider à faire émerger leur créativité, leur redonner envie d’entreprendre et de « booster » un peu leur routine. L’intrapreneuriat permet aussi de les responsabiliser et les impliquer davantage dans l’entreprise, en leur donnant la possibilité de mener leurs idées jusqu’au bout et d’obtenir la satisfaction finale de voir leurs projets réalisés.

Pour l’entreprise, l’intrapreneuriat permet de se renouveler. Tous les projets ne marchent pas du premier coup, il faut avoir beaucoup de bonnes idées pour arriver à une innovation qui fonctionne. Ainsi, pour l’entreprise, c’est un terreau favorable pour être en avance sur son temps et pour avoir une force de proposition plus grande. »

Une suite sera donnée à la réflexion initiée par ce livre blanc

au travers d’une contribution participative de collaborateurs de Crédit Agricole SA.

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Sources et sitographie

• Toward a reconciliation of the definitional issues in the field of corporate entrepreneurship, Sharma, P., Chrisman, J.J., Entrepreneurship: Theory & Practice 23, 11–27. 1999.

• « Les études sur l’intrapreneuriat : objets d’intérêt et voies de recherche », Daniel Champagne et Camille Carrier, 7ème CIFPME, 2004

• « Ce qui compte vraiment : les 5 défis pour l’entreprise ». Gary Hamel, 2012, Eyrolles.

• Journal of Enterprising Culture, Antoncic Bostjan, 11, 1, 2003. DOI: 10.1142/S0218495803000020.

• « Comment favoriser l’innovation par la participation des salariés ? Une approche complémentaire de l’intrapreneuriat », Bonnafous-Boucher, Redien-Collot et Teglborg, 3èmes Journées Georges Doriot, 2010.

• « Intrapreneuriat et organisations », Brahim Allali, sous la direction de Louis Jacques Filion, HEC Montréal, 2003.

• Le défi de la « bureaucratie de verre », Pierre-Yves Gomez et Véronique Bouchard, L’Expansion Entrepreneuriat, 2010. http://webdom.typepad.com/entrepreneuriat/EE7_DOS5DM_EMRgabNEW.pdf

• « Waking Up IBM : How a Gang of Unlikely Rebels Transformed Big Blue », Gary Hamel, Harvard Business Review Magazine, July 2000 http://hbr.org/2000/07/waking-up-ibm-how-a-gang-of-unlikely-rebels-transformed-big-blue/ar/1

• « Intrapreneuriat social : nouvelle frontière de l’innovation sociale pour l’entreprise », étude réalisée par Volonteer et Odyssem, 2012. http://www.volonteer.fr/etudes

• « L'intrapreneuriat permet de s'affirmer ! » entretien avec Virginie Fauvel, Head of E-Business chez BNP Paribas, paperblog.fr, 2013 http://www.paperblog.fr/6210582/femme-digitale-l-intrapreneuriat-permet-de-s-affirmer/

• « Encourager l'intrapreneuriat bénéficie à l'entreprise », l’Atelier BNP Paribas, 2012 http://www.atelier.net/trends/articles/encourager-lintrapreneuriat-beneficie-lentreprise

• « Intrapreneuriat, une stratégie syndicale pour l’innovation dans les entreprises européennes », Eurocadres, 2010 http://www.eurocadres.org/IMG/pdf/Brochure_Intrapreneurship_FRversion_web_link-3.pdf

• « L’intrapreneuriat : une culture à stimuler en entreprise », Isabelle Marquis, Génération INC, 2012 http://www.generationinc.com/management/ressources-humaines/lintrapreneuriat-une-culture-a-stimuler-en-entreprise

• « Les cinq conseils de Gary Hamel pour manager autrement », Les Echos, 2012 http://business.lesechos.fr/directions-ressources-humaines/management/les-cinq-conseils-de-gary-hamel-pour-manager-autrement-2886.php

• INPI , L'inventeur est un salarié http://www.inpi.fr/fr/brevets/deposer-un-brevet/qui-peut-deposer/l-inventeur-est-un-salarie.html

• Code de la Propriété Intellectuelle, LegiFrance. http://www.legifrance.gouv.fr

• http://www.maddyness.com/ • http://www.pinchot.com/ • http://www.groupeherve.com/organisation-participative/intra-entreprenariat • http://www.anthemis.com/anthemis-pivotal-innovations-launch-api-labs-at-level39-2/

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« Quand le changement vient de l’intérieur, Voyage au centre de l’Intrapreneuriat : une nouvelle façon de travailler dans les entreprises » est édité par le groupe Crédit Agricole.

Il est le fruit de la collaboration entre Crédit Agricole SA et The Boson Project.

Dans la même collection :

• « La collaboration dans la formation : Les communautés de pratique » http://fr.slideshare.net/credit_agricole_sa/expertise-rh-le-travail-collaboratif-crdit-agricole

• « Le boom du ludique dans la formation à distance : Entre e-learning et serious games » http://fr.slideshare.net/credit_agricole_sa/entre-elarning-et-serious-games

• « Motivation et mémorisation : Comment rendre une formation plus efficace ? » http://fr.slideshare.net/credit_agricole_sa/comment-ren

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