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Synthèse des points saillants des résultats issus des analyses qualitatives

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Recherche action sur les normes sociales en relation avec l'accès des femmes au foncier et aux services de santé sexuelle et reproductive.

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Synthèse des points saillants des résultats issus des analyses qualitatives

A. Du point de vue de la perception des communautés sur les normes et pratiques sociales et leur application.

Les normes et les pratiques sociales occupent une place prépondérante dans les discours et pratiques des acteurs du développement. Ces concepts abstraits peuvent se définir comme étant des règles collectivement instituées au sein d’une société ou communautés et qui servent de valeurs transmises de génération en génération. En d’autres termes, les normes sociales font référence à :

- Des comportements, des conduites

- Des jugements, des attitudes, des opinions, des croyances.

Au cours des travaux les équipes communautaires de la recherche action appuyées par l’équipe technique du programme, ont fait ressortir que les différentes communautés étudiées sont très hiérarchisées et structurées autour de la prééminence masculine. Celle-ci se marque, en premier lieu, à travers le système de parenté où le patrilignage domine pour tout ce qui concerne les attributions sociales de l'individu. La ségrégation des sexes dans toutes les activités et manifestations sociales commence très tôt. Dès à bas âge (6-10 ans), garçons et filles sont initiés à leurs rôles futurs au sein de la communauté. Ce qui signifie pour les filles l'initiation par leurs mères aux travaux ménagers et à l'éducation des plus jeunes. Les droits des femmes et des filles que le Mali a signés ou ratifiés semblent être ignorés par les communautés. Sur le plan religieux, l’islam domine dans toutes les communes où l’activité de la recherche action a été menée.

Les catégories les plus conservatrices des valeurs culturelles demeurent les vieilles personnes, les communicateurs traditionnels, les gens de castes et les femmes. Les jeunes quant à eux ont changé d’opinion mais leurs pratiques et comportements contribuent à présent à reproduire le modèle des anciens en matière du contrôle et des mécanismes de prise des décisions.

« D’une manière générale, un surdéterminisme culturel et des facteurs de compréhension dus aux normes socioculturelles et religieuses avec une entame de la montée de l’intégrisme islamique, existent et persistent dans l’ensemble des 15 villages. Les systèmes communautaires normatifs donnent plus de pouvoir aux hommes dans les rapports sociaux. Les catégories les plus conservatrices des valeurs culturelles demeurent les vieilles personnes, les communicateurs traditionnels, les gens de castes et les femmes. Les jeunes quant à eux ont changé d’opinion mais leurs pratiques et comportements contribuent à présent à reproduire le modèle des anciens en matière du contrôle et des mécanismes de prise des décisions. Les normes sociales

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déterminent les comportements et le rôle des hommes et des femmes, des garçons et des filles. Le travail est socialement reparti avec une distinction nette entre ce que les hommes et les garçons, les femmes et les filles doivent faire depuis à bas âge (entre 6 – 10 ans). Il y a suprématie des droits coutumiers. Les principes conventionnels de la protection de la femme et de la fille souffrent de méconnaissance et / ou de non application ».

Ces constats dégagés sont semblables par commune dans chacune des 3 régions et varient légèrement d’une commune à une autre en changeant de région. Cela atteste la grande similarité qui existe entre les 5 villages tests à l’intérieur de chaque commune. Il y a une forte prégnance des normes sociales dans les 15 villages. Les femmes passent plus de temps de travail que les hommes .Elles s’occupent le plus souvent des tâches ménagères et l’éducation des enfants. Mais ce qu’elles font est socialement moins valorisé. C’est pourquoi elles sont généralement plus pauvres que les hommes Elles sont moins responsabilisées. Les activités qu’elles mènent se répètent dans la journée et ne sont pas rémunérées. Dans certains villages, on n’a pu noter l’abandon progressif de certaines pratiques socioculturelles. Par contre le déclin imminent et progressif de certaines pratiques socioculturelles dû au contact avec le modernisme et l’évolution sociale est perceptible.

Par exemple certaines pratiques culturelles jadis ancrées dans les habitudes communautaires ont presque disparu. C’est le cas dans certains endroits du « Komo » à Pélengana, le « gavage » à Doukouria, « l’excision, le tatouage et la percée des lèvres » à Diamnati.

Néanmoins, certaines spécificités sont ressorties entre certains villages de la même commune, surtout liées à la persistance des pratiques de conservatisme culturel.

Il y a par exemple une différence culturelle très forte entre les peulhs et les dogons même si’ils cohabitent actuellement dans la commune de Diamnati. Dans certains villages où habitent les « tommon », c'est-à-dire Nalou, Kilégou et Sarèdina, la pratique de l’excision n’existe pas. Les communautés ne connaissaient pas cette pratique. Cependant à Dè et Emdjè, villages des peulhs, l’excision est encore pratiquée. Les communautés des peulhs pratiquaient aussi le tatouage qui a presque disparu actuellement.

Dans la commune de Pélengana, région de Ségou, le constat est que les villages de Jigo et de Bafo sont moins conservateurs que ceux de Banankoro et Dougadougou. Banankoro, malgré sa position désenclavée et périurbaine, est un village où les autorités et notabilités traditionnelles pensent être gardiennes d’une partie de l’histoire des rois de Ségou. Ce village abrite à présent le tombeau du roi Da Monzon Diarra.

Dans la commune de Doukouria, région de Tombouctou, les 05 fractions se partagent à peu près, les mêmes réalités sociales. Néanmoins les fractions de

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Pour ce qui est de la commune de diamnati, dans certains villages, notamment où habitent les tommon, c'est-à-dire Nalou, kilégou et sarédina , la pratique de l’excision n’existait pas. Ce n’est pas l’action des ONG ou d’autres facteurs externes qui sont à l’origine de l’abandon de cette pratique. Donc il serait mieux de dire que ces communautés ne connaissent pas la pratique de l’excision. Cependant l’excision est pratiqué à présent à Dè et Emdjè quu sont des villages peulhs. Il y a donc des nuances à faire. Quant au tatouage et de la percée des lèvres, seulement c’est les peulhs qui les pratiquaient, donc cela ne concernant que les villages de Emdjè et Dè. Il faut bien mentionner qu’il y a une différence culturelle très forte entre les peulhs et les Dogon même s’ils cohabitent actuellement dans la même commune qui est celle de Diamnati.
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Wana (Kel Taharodjene II) et de Doukouria (Tindjredjefj II) paraissent les plus ouvertes et favorables au changement social. Aussi il est à noter que la commune est fortement politisée et divisée. Cette division a affecté la qualité des rapports entre certains responsables et, a beaucoup impacté négativement les relations entre les fractions surtout celle de Wana, chef lieu de commune qui abrite le CSCOM et la fraction de Doukouria, plus proche de la ville de Goundam. Et les positionnements des fractions de Kel Tahorodjene I (Gouya Nord), Kel Haoussa I (Gouya Sud) et Dag Hamzane, oscillent derrière Wana et Doukouria.

Il est important de noter quelques différences entre les réalités observées d’une région à une autre.

Le conservatisme qui persiste dans les villages tests de Ségou et de Mopti sont beaucoup plus d’ordre culturel que religieux mais il y a une amorce de la montée de l’intégrisme de l’islam qui se fait sentir. Les comportements et pratiques individuels et communautaires dans les villages de Dougadougou à Pélengana (Ségou) et Emdjè à Diamnati (Mopti) l’attestent davantage.

Quant aux 05 fractions tests de la région de Tombouctou, le conservatisme persistant relève à la fois des pesanteurs culturelles et religieuses (islam).

Au sortir des travaux, les équipes communautaires dans les 3 régions ont unanimement prêché pour des approches participatives basées sur le renforcement de la sensibilisation, la formation, l’éducation et l’alphabétisation communautaire dans une dynamique de la responsabilisation ciblée des différentes composantes communautaires, localité par localité.

Les thèmes de renforcement suggérés sont entre autre les droits fondamentaux protégeant les femmes et les filles stipulés dans les textes et lois au niveau national et au niveau des conventions internationales, (DUDH, CEDEF et CDE).

Aussi dans le souci de rendre opérationnels et pratiques ces droits, ils sont suggéré au programme la traduction dans les langues locales des dispositions pertinentes par rapport à la protection et

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l’émancipation des femmes, l’explication et la traduction des dispositions de l’islam qui engendrent plus d’interprétations controversées à l’égard de la protection de la femme et de l’enfant.

B. De la perception des communautés sur les inégalités sociales (notamment entre l’homme et la femme)

Les deux affirmations suivantes faites 02 femmes du village de Banankoro sont parlantes en matière de la perception sur les inégalités.

Nagnini Traoré GMJT JIGIGNOUMA Banankoro :« Même les animaux reconnaissent la différence entre l’homme et la femme Ex : un âne attelé à la charrette, a beaucoup plus peur d’un garçon de 07 ans qu’une femme de 40 ans »Maché Diawara GMJT Sèmèjiri Nèrèkoro : « La supériorité du genre masculin tient au fait que la femme tôt ou tard mène sa vie en dehors de sa famille paternelle et ses enfants ne portent jamais son nom de famille »

Dans l’ensemble des 15 villages, les inégalités sociales sont visibles dans les pratiques, habitudes et comportements. D’une façon générale, les communautés perçoivent les inégalités entre les hommes et les femmes comme «une chose normale » . Souvent, elles justifient ces inégalités comme étant « un fait de Dieu » donc pour elles ça dépasse l’entendement et les solutions humaines. Ces inégalités touchent plusieurs couches et composantes communautaires et seraient à la base de plusieurs pratiques inégalitaires à l’endroit des enfants, des femmes, des gens de castes, des célibataires ayant dépassé l’âge requis au mariage, des jeunes filles enceintes hors mariage … Les femmes et les filles sont parmi les couches les plus défavorisées par ces pratiques, habitudes et

comportement. En effet, l’argumentaire le mieux partagé par les différentes communautés, est celui-ci : « Dieu a d’abord créé l’homme puis la femme est sortie d’une cote de ce dernier. De ce fait elle sera durant tout le temps tordu à la lumière de cette cote dont elle issue. Alors elle ne doit pas mériter toute la confiance … ». Cette considération cache un ensemble de pratiques, comportement et habitudes communautaires inégalitaires infligées notamment aux femmes et filles.

Selon M. Tamboura, membre RA à Diamnati : « … La femme ne pourrait jamais être ni égale ni équitable à l’homme. Elle a été créée par Dieu pour compléter l’homme dont elle est issue d’une de ses cotes. Aussi dans les faits quotidiens, nous savons tous et toutes que c’est l’homme qui demande la main de la femme et paie la dote. Ensuite c’est à la femme qu’on demande d’obéir à son mari. Mieux la porte du paradis lui sera ouverte à travers le respect strict de

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son mari… Enfin mêmes les femmes elles mêmes sont toutes d’accord avec ça. Qu’est ce que vous voulez ? »

Une femme de Bafo, commune de Pélengana lors d’une rencontre communautaire a dit :

« J’ai appris de mes aïeux depuis ma naissance une chose. Quant on est porteur d’un message sérieux d’une maison à une autre, d’un village à un autre. On arrive à destination, le chef de ménage est absent. Il est préférable de confier la commission à un garçon de 7 ans pour la transmission plus tôt que de le dire à la femme de 40 ans qui est présentes car elle va oublier. Je pense que cela atteste à juste titre que la femme ne vaut pas l’homme, aucunement.»

Les communautés ont démontré au cours des jeux de rôle sur la clarification des valeurs que les inégalités sociales prennent naissance et persistent surtout dans les ménages et les familles. Les parents en sont les principaux vecteurs. Le processus décisionnel au sein du ménage/famille a été le domaine appliqué au cours des jeux de rôle. Les différents sujets suivants ont été abordés : les CPN/CPON, les IST et le SIDA, la Nutrition des enfants, la Nutrition des femmes enceintes, le Mariage précoce, l’Excision, le Planning familial, la gestion des ressources et biens du ménage, la gestion du patrimoine foncier.

Ces exercices ont permis d’identifier un groupe spécifique socialement isolé, qui souffre énormément de l’injustice sociale. Il s’agit des jeunes filles enceintes hors mariage pendant la période de leur grossesse. En effet ces jeunes filles sont accusées d’avoir porté atteinte à la pudeur. Par conséquent elles sont exclues du système de protection familial et communautaire. Généralement c’est les pères qui les abandonnent et jettent l’anathème sur les mères. Les mères faisant partie des couches les plus pauvres n’arrivent pas assurer les moyens financiers nécessaires pour soutenir ces filles. Même si certaines mères ont le moyen financier, elles craignent de soutenir ces filles pour éviter la répudiation du mari ou d’être mise au banc de la société. Donc lesdites filles se retrouvent sans soutien et échappent au suivi sanitaire pendant la grossesse.

Les groupes sociaux les plus réticents au changement social demeurent : les grands pères, les grands-mères, les vieilles personnes, les communicateurs traditionnels, les gens de caste. Les femmes dans leur majorité gardent le silence et ne font pas réclament pas ouvertement. Les différentes raisons qui

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sous-tendent cette résignation sont la peur des pressions socioculturelles et religieuse et/ou l’ignorance de leurs droits.

La solution communautaire suggérée est le développement des approches communautaires participatives par localité basées sur le renforcement de la sensibilisation, la formation, l’éducation et l’alphabétisation sur les thématiques retenues.

A ce niveau les thèmes qui ont été ressortis sont entre autres les techniques et approches innovantes de communication interpersonnelle, les constructions sociales de genre et l’identification et l’analyse des inégalités, les dispositions pertinentes de la politique nationale de genre (PNG). Là aussi dans le souci de rendre opérationnels et pratiques lesdits thèmes, les équipes communautaires ont suggéré au programme la traduction dans les langues locales les différents documents concernés.

C. De la perception des communautés sur l’accès et le contrôle de la terre (notamment par la femme).

« La terre ne peut et ne doit pas être une propriété des femmes car la femme est comme un oiseau qui migre, elle peut à tout moment changer de famille, de village… ».

Cette opinion émise par certains membres des communautés surtout les hommes dans les 15 villages, résume toutes les difficultés des femmes par rapport au contrôle de la terre. La terre constitue une ressource très importante pour l’ensemble de ces communautés. Elle appartient à une minorité d’hommes. Donc le seul fait d’être un homme ne suffit pas pour être propriétaire terrien. La question du contrôle de la terre est restrictive et liée à plusieurs paramètres sociaux, religieux, mythiques et psychologiques. Traditionnellement, les femmes et les filles demeurent largement exclues du circuit de propriété. L’argumentaire communautaire commun qui sous-tend cette exclusion est basé sur le fait que si la femme devenait propriétaire foncière, elle partira un jour avec cette ressource chez son mari. Dans l’imaginaire des communautés, la femme elle-même fait partie intégrante du patrimoine à hériter. La femme et l’ensemble de ses biens appartiennent à son mari, qui a le droit de les gérer à sa guise. En effet la famille paternelle de la femme l’exclue de l’héritage du patrimoine foncier du fait qu’elle est appelée à partir chez son mari. Par contre la famille du mari de la femme considère aussi que la femme pourrait être divorcée puis remariée par un autre homme. Par conséquent, elle est aussi exclue de l’héritage du patrimoine foncier de son mari.

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Donc la femme tombe dans l’étau : elle n’hérite ni du patrimoine foncier de son père ni de celui de son mari.

D’une manière générale, l’accès aux parcelles agricoles par les femmes, n’est pas un problème crucial pour les communautés. Il est ressorti clairement que dans la quasi-totalité des 15 villages, les femmes accèdent sur demande selon la disponibilité des lopins de terre pour mener leurs petites activités agricoles pendant l’hivernage. Mais elles ne possèdent pas de charrue, de bœufs de labour, de la semence, de l’engrais et d’autres petits matériels nécessaires pour labourer. Elles dépendent de leur mari ou du beau père à qui appartiennent les moyens de production. Pour les communautés, les femmes manquent des moyens matériels et financiers les permettant de mieux exploiter les parcelles dont elles disposent.

Par contre dans certains villages il existe une insuffisance notoire de terre. C’est le cas à Bafo (Pélengan) et à Kilegou (Diamnati).

L’entretien avec le maire de la commune de Diamnati démontre éloquemment que l’accès à la terre n’est pas un problème crucial. Il disait ce qui suit : « Il y a plus de 10 ans que je suis maire de cette commune. Les femmes chez nous, à ma connaissance ne vivent pas le problème de terre agricole. Les parcelles habitables ne constituent pas aussi un problème pour elles car ne souhaitant jamais être dans une situation où elle fera recours à construire sa maison seule. Sinon toute femme qui tomberait dans une telle situation coure des risques de stigmatisation dans son milieu social. Je vous informe que dans ma commune, la terre ne s’achète pas. C’est le mode de gestion traditionnelle qui prime. Je vous cite l’exemple d’une parcelle que mon père m’a léguée. Je ne l’avais jamais exploité. A chaque hivernage, une femme l’exploite sans demander la permission avec moi, je suis d’accord et ça ne fait rien. Un autre homme propriétaire de terre aurait pu faire la même chose ». Approchées, les femmes elles mêmes ont confirmé cet état de fait. Outre elles ont posé le problème lié à leurs surcharges par les travaux domestiques au point qu’elles manquent le temps minimum requis pour mieux mener d’autres activités rentables. La présidente d’un réseau de groupements d’épargne et de crédit de la fraction de Wana, commune de Doukouria, soutenait que : « Chez nous ici, la terre ne manque pas. Nous avons une grande étendue inexploitée même par les hommes. Les parcelles demandées par les femmes leur ont été toujours octroyées. Cependant les femmes en font très peu la demande et celles qui demandent se limitent à des surfaces presque insignifiantes. Car nous n’avons pas les moyens d’exploiter les parcelles agricoles. Même nos braves hommes

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exploitants sont beaucoup limités par l’insuffisance des moyens techniques, matériels et financiers. Créez pour nous les conditions techniques, matérielles et financières, nous allons acquérir de grandes surfaces agricoles et devenir de grandes exploitantes ».

Aussi les analyses des résultats des entretiens avec les femmes des groupements et réseaux d’épargne et de crédit ont démontré la problématique de la capacité interne d’analyse et de perception face à certains enjeux les concernant directement. Elles sont soit désinformées, soit sous-informées en matière de leurs droits de façon générale. Quant à leur propre protection, les femmes ignorent spécifiquement les droits fondamentaux et les libertés individuelles stipulés dans les textes, lois nationales et conventions internationales. La majeure partie des femmes ne sont pas capables d’exprimer, à partir de leurs ressources internes, leurs propres intérêts et les défendre efficacement. Dans les 15 villages, les femmes n’ont pas exprimé ouvertement le besoin de contrôler la terre qui, par contre, réellement pourrait avoir une incidence positive sur leur vie. Dans ce domaine elles ont tendance à se sous-estimer tellement qu’elles sont sous l’emprise des pesanteurs socioculturelles et religieuses.

Au démarrage des activités de la recherche action, les communautés étaient réticentes au thème du contrôle foncier par les femmes. Même au sein des équipes communautaires il y avait beaucoup de membres qui pensaient que le thème n’était pas approprié. Par exemple dans les communes de Diamnati (Mopti) et Pélengana (Ségou), les communautés ont fait montre de leurs préoccupations liées au sujet. Elles ont craint une nouvelle distribution de la terre avec les femmes. Pour ce faire dans les communes, les communautés y compris certaines femmes avaient fait une mise en garde en ces termes :

« Si votre programme est venu pour redistribuer la terre entre les hommes et les femmes, allez vous en avec de telles idées car cela n’est pas une réalité chez nous pire ça va engendrer des bouleversements terribles… ». Ces premières difficultés ont été maitrisées grâce à l’approche communautaire adoptée et éclaircissements fournis par les équipes de recherche dans toutes les localités. Cette expérience a servi de modèle pour éviter les difficultés de nature au sein des communautés des 05 fractions de Doukouria (Tombouctou).

A la suite des exercices avec les communautés portant sur la carte d’exploitation de la terre, les femmes des groupements et réseaux et certains propriétaires terriens ont appréhendé l’utilité des parcelles agricoles dans le processus d’émancipation socioéconomique en général et celui des femmes en particulier. Par exemple à Sarèdina, commune de Diamnati, le chef du village avait donné en 2004 une parcelle aux groupements d’épargne et de crédit pour une exploitation maraichère, uniquement pendant la période hors hivernage. A la suite des exercices sur la carte d’exploitation, les femmes ont fini par cerner l’utilité du périmètre et l’importance de varier les spéculations. Par conséquent elles ont demandé avec

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insistance auprès du chef du village l’autorisation d’exploiter la parcelle tous les 12 mois courant la campagne agricole 2010-2011 (hivernage et hors hivernage). Cette expérience démontre à suffisance qu’avec l’appui technique local indispensable, les femmes peuvent être capables de cerner et défendre les actions utiles dans le processus d’amélioration de leur statut socioéconomique. Aussi ces activités ont permis d’aboutir à l’engagement des hommes propriétaires terriens à donner aux femmes une partie de leurs parcelles pour exploitation à long terme. Au total 15 conventions locales d’exploitation des parcelles agricoles ont été signées entre les propriétaires terriens « agents du changement » et les groupements et réseaux des femmes, soit 5 par région.

Autre leçon tirée. Les problèmes communautaires, s’ils sont posés au sein des communautés, par les communautés et pour elles mêmes, aboutissent à des solutions appropriées et légitimement partagées. Avec les jeux de rôle sur la clarification des valeurs par les communautés, le rôle et la place de certaines catégories de personnes dans la gestion du foncier ont été identifiés. Ainsi dans les 10 villages des communes de Diamnati (Mopti) et de Pélengana (Ségou), il est ressorti clairement que le père du chef de ménage est le principal détenteur des prises des décisions dans le ménage. A son décès la gestion du patrimoine foncier revient a son premier fils, en cas de mésentente dans la gestion, le plaignant convoque un conseil de sage, en cas d’échec le chef de village est sollicité, en cas d’échec c’est le recours à la justice. Le conseil des sages est constitué des amis, cousins et autres personnes proches du défunt. Par contre dans les 05 fractions de la commune de Doukouria (Tombouctou), les chefs de ménage sont les principaux détenteurs des prises des décisions dans le domaine.

D. Des opinions des communautés sur le droit à la propriété et l’héritage

L’argumentaire le mieux partagé au sein des communautés dans les 15 villages est la suivante :

« La femme est une propriété exclusive de son mari de même que les biens lui appartenant et elle constitue un élément intégrant le patrimoine à hériter ».

Cette opinion communautaire prouve à suffisance que la femme est exclue du droit à la propriété intégrale. Quant à l’héritage, la part des femmes ne vaut que la moitié ou le tiers comparativement à la part des hommes selon les localités. Les interprétations de certaines dispositions religieuses surtout l’islam soutiennent largement cette inégalité sociale. Mieux le système social fondé sur le patriarcat légitime avec vigueur les opinions et attitudes communautaires, les pratiques et les comportements défavorables totalement aux femmes et filles au profit des hommes et garçons.

Un homme dans le village de Kilégou, commune de Diamnati, disait ce qui suit au cours d’une rencontre : « Voyez vous si on part à la mairie, le maire

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demande au mari s’il veut prendre une ou plusieurs femmes. Mais il ne pose jamais la question à l’épouse si elle veut se marier à un ou plusieurs hommes. Allez demander pourquoi ? Les femmes elles mêmes estiment que la terre ne doit pas leur revenir. Par exemple dans une famille où il y a des filles et des garçons, si l’on partage de façon égale les maisons entre eux. Dans le futur c’est les hommes qui resteront et les femmes partiront rejoindre leur mari en laissant leur part avec les frères. Alors si ces frères n’entretiendront pas bien ces maisons, elles finiront par tomber. Alors si la femme est divorcée par son mari elle ne pourra plus revenir chez ses frères… C’est pour cela que les femmes ne doivent pas gérer ces aspects ».

Une femme disait au cours de la 1ère rencontre d’évaluation mensuelle à Pélengana : « Les hommes sont tous d’accord que la femme est d’une mœurs légère et ne garde pas durablement de secret. C’est pour cela qu’ils ne lui font pas entièrement confiance par conséquent ils ne mettent pas sous son contrôle des ressources déterminantes des ménages, des familles et des communautés. Et, les femmes dans leur majorité semblent partagés cette opinion y égard leurs attitudes, pratiques et comportements qui le démontrent quotidiennement ».

Pour les communautés des différentes fractions de la commune de Doukouria, cercle de Goundam, c’est la loi religieuse islamique doublée de la culture qui interdit à la femme de posséder la terre. La femme n’hérite pas mais la valeur de sa part est estimée et lui est restituée en espèces ou en bétail, c’est la compensation. Par endroit, à Kel Tahaodjène I par exemple, il est apparu que les femmes sont prises en charge par leurs frères même quant elles sont dans leur foyer. Elles héritent une partie de la récolte mais non pas la terre.

En somme les pesanteurs socioculturelles et religieuses persistent fortement dans l’ensemble des communautés des 15 villages, spécifiquement dans les domaines de l’héritage et la gestion du foncier. En la matière les communautés font recours d’abord et avant tout au droit coutumier. La justice (droit positif) n’est sollicitée qu’en dernier lieu. Le droit à la propriété et à l’héritage des femmes et des filles ne sont pas reconnus et appliqués tel que stipulé dans les textes de lois au niveau national et dans les conventions internationales.

Les équipes communautaires ont suggéré le renforcement des connaissances et pratiques des hommes et des femmes, des jeunes filles et garçons sur certaines dispositions spécifiques et pratiques

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des droits liées à la propriété, à l’héritage et à l’égalité. Pour cela les différentes équipes ont sollicité auprès du programme la traduction en langues locales de certaines de ces dispositions, le développement des outils et approches locales participatives avec les membres des groupements et réseaux d’épargne-crédit d’hommes et de femmes, des agents du changement social et de comportement, des membres des équipes communautaires de recherche action.

E. De la perception des communautés sur les services de santé en général

Dans les faits, la vision globale des communautés par rapport à la santé, n’intègre pas les facteurs physiques, psychiques, culturels, spirituels, environnementaux, économiques et sociaux qui s’articulent les uns avec les autres. Elles considèrent la santé comme étant synonyme de l’absence de maladie même si paradoxalement certains de leurs assertions disent le contraire comme par exemple « La pauvreté est une maladie », « Une personne sans espoir est une personne malade ». Il est à noter aussi que dans les 15 villages de la recherche action, le conservatisme social, la résistance à l’analyse de genre et à l’émancipation socioéconomique des femmes bloquent l’évolution réelle des rapports sociaux de sexe dans les différentes communautés. Ces attitudes, pratiques et comportements sont légitimés par la persistance des pratiques sociales et politiques, fondées sur des constructions patriarcales et ancestrales fortement hiérarchisées dont les conséquences mettent en péril la santé des femmes et des filles.

D’une façon générale les communautés dans les 15 villages ne fréquentent pas régulièrement les services de santé conventionnels (modernes). C’est quant elles épuisent toutes les autres voies de recours notamment les guérisseurs traditionnels qu’elles arrivent enfin dans les centres de santé communautaire. Les raisons qui sous-tendent cette fréquentation en dernier ressort des services modernes de santé sont multiples et variées : le mauvais accueil des clients par certains prestataires socio sanitaires, les erreurs répétées enregistrées par des clients, l’indiscrétion par endroits de certains prestataires, le manque de moyen financier, les difficulté d’accès géographique de certains centres, les stéréotypes négatifs …

Un homme dans le village de Emdjè, commune de Diamnati, disait au cours d’un entretien : « Quant on est malade, on fait tout d’abord recours à la médecine traditionnelle. Si elle ne donne pas des résultats concluant alors nous partons aux centres de santé. Cependant avant d’aller aux centres de santé, on peut aller chez deux, trois, voire plus de guérisseurs traditionnels pour se faire soigner. Les centres de santé sont des recours de dernières minutes. ».

En conclusion, la persistance des situations de violences et des pratiques intégristes dues aux normes socioculturelles et religieuses,

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l’insuffisance des perspectives féministes dans les rapports sociaux de sexe et d’analyse de genre dans les politiques et les pratiques de santé communautaire, constituent à présent une réelle entrave à la promotion de la santé surtout celle des femmes et des filles. En effet les normes sociales et les perceptions associées au fait d’être une femme ou un homme, constituent des points d’embranchement les plus déterminants dans la vie des femmes et filles dans l’ensemble des 15 villages.

F. De la prise des décisions pour l’utilisation des services de santé en général

Les pratiques et comportements issus des normes sociales et religieuses donnent la primauté de prise de décisions aux hommes au détriment des femmes même pour des questions les concernant directement y compris la santé.

En effet, la décision d’utiliser les services de santé de façon générale relève des hommes notamment les chefs de ménage. L’époux est le principal preneur de décision pour la santé de sa femme et ses enfants. Aucune décision ne se prend sans l’aval du chef de ménage qui est considéré comme le patriarche.

Un relais communautaire au cours des travaux d’une rencontre mensuelle à Wana, commune de Doukouria soutenait que : « Nous avons de mauvaises pratiques en ce sens que nous ne prévoyions pas les maladies. Pire nous ne considérons le malade que lorsqu’il se couche au lit mourant. »

Les conséquences de la vision communautaire liée à la santé sont graves sur les femmes et les enfants.

Dans l’ensemble des 15 villages, il est à constater que lorsque la femme tombe malade, il ne bénéficie pas de tous les égards de son mari qui, au contraire vaque à ses occupations comme si tout va bien dans la maison. Quand les enfants tombent malades, c’est encore la femme qui s’en occupe surtout si c’est une fille. Enfin au cas où le mari tombe malade aussi, c’est également la femme qui est plus affectée et inquiétée.

Leçon apprise

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Au cours des analyses, nous avons constaté que les ménages dont le père ou la mère est alphabétisée, fréquentent davantage les centres de santé communautaires que ceux dont les deux parents sont analphabètes. Aussi chez les femmes des groupements et réseaux d’épargne-crédit et les relais communautaires le niveau de fréquentation est de plus en plus élevé. Les expériences et pratiques positives avec ces différentes couches doivent documentées et partagées dans les villages puis à grande échelle. Les pères et les mères concernées peuvent et doivent être pris comme des vecteurs du changement social et de comportement dans leurs localités respectives.

Suggestion stratégique pour améliorer la vision communautaire et l’utilisation des services socio sanitaires :

Dans le but de renforcer l’équilibre genre dans les rapports sociaux de sexe et probablement inverser la tendance par rapport à l’utilisation des services de santé en général et particulièrement la santé de la reproduction, la vision communautaire doit évoluer et intégrer pleinement les aspects suivants :

1. les choix libres, éclairés et consentis ;

2. la liberté en termes de sexualités, de reproduction ou non, du choix du ou de la partenaire dans le strict respect des valeurs humaines ;

3. l’égalité de droits et de traitement et le respect dans les relations conjugales, entre partenaires et dans les relations familiales ;

4. le développement et le soutien des droits individuels.

G. Des attitudes des hommes et des femmes sur les services de la Santé de la Reproduction

Techniquement, le programme en parlant des services de la santé de la reproduction, vise spécifiquement la planification familiale, le traitement des IST, le test et le counselling, les soins prénatals et postnatals, l’accouchement assisté. Mais la vision globale communautaire est autre. Elle ne fait pas ce

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discernement technique mais aussi elle détermine les attitudes et comportements des hommes et des femmes.

La situation personnelle, couplée - ou non - à une vie conjugale et familiale, est essentielle pour la santé en général et sexuelle et reproductive en particulier. Le couple et les familles sont des lieux de développement, d’épanouissement et d’acquisition d’attitudes et de comportements favorables à la santé (l’estime de soi, la confiance en soi, la capacité interne d’exprimer ses besoins, la dynamique conjugale et intrafamiliale). Ce sont aussi des lieux d’écoute et de soutien lorsque la personne traverse des moments difficiles. Enfin, ce sont également les premiers lieux où a lieu la prise en charge concrète des personnes malades.

Cependant la situation personnelle, conjugale et familiale peut également peser de manière négative sur la santé des femmes et des filles, qu’elles soient sources de conflits, de surcharge de travail, ou de violences.

Par exemple, il est clairement ressorti que les jeunes filles enceintes hors mariage sont rejetées par leurs parents surtout par leurs pères. Donc elles vont demeurer hors du circuit de prise en charge et de protection au sein de la famille. Pire elles échappent au suivi sanitaire (CPN/CPON…) durant toute la période de leur grossesse et même aux suites de couche. Les conséquences sont graves dans leur propre vie mais aussi sur la vie du fœtus qu’elles portent et du nouveau né au cas où la grossesse arrive à terme.

Les mécanismes des pressions communautaires sont à la base du rejet de ces filles. La communauté les considère comme des filles ayant porté atteinte aux bonnes mœurs. L’argumentaire communautaire surtout celui des hommes soutient que ces filles ont failli à leur devoir en complicité avec leur mère. Dans certains villages, par endroits, certains pères voudraient secourir leurs filles concernées mais ils n’ont pas osé disent-ils sous l’emprise des pressions communautaires venant surtout des vieilles personnes (pères, mères, oncles, tantes, grands pères et grands-mères).

Les analyses ont fait ressortir aussi que les maladies liées à la santé de la reproduction sont connues par les communautés mais les pratiques pour les éviter ne sont pas répandues. C’est le cas des infections sexuellement transmissibles, du VIH et du Sida.

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Le suivi des consultations prénatales (CPN) par les femmes surtout mariées est élevé dans la quasi-totalité des 15 villages. Et les hommes y sont favorables. Par contre les consultations postnatales (CPON) demeurent très faibles. Les femmes qui suivent normalement les séances de CPON sont rares. Et les hommes n’y sont pas exigeants.

L’utilisation des méthodes contraceptives modernes est aussi très faible. Par contre les femmes généralement utilisent beaucoup les méthodes traditionnelles sans succès comme les feuilles d’arbres, les graines de pastèque, le « tafo »… Enfin la prise des médicaments contraceptifs sans consultation des prestataires des services est devenue un phénomène de société surtout chez les jeunes filles dans les 15 villages. Malheureusement cette prise des contraceptifs à « tue-tête » est non seulement inefficace mais peut altérer gravement la santé selon les avis des professionnels de santé.

Au cours des travaux de la collecte des données dans la fraction de Wana, une femme affirmait : « Maintenant chez nous, la prise des pilules est un effet de mode. Toutes les jeunes filles l’utilisent d’elles mêmes sans demander l’avis des professionnels de santé. Nous avons entendu dire par les prestataires que les pilules ne doivent pas être prises comme ça, sans leur avis. En dépit des risques signalés le phénomène persiste à présent. C’est inquiétant. »

Dans la commune de Pélengana, nous avons enregistré des témoignages de certains hommes et femmes dont le président de l’ASACO de Bafo sur l’efficacité de l’utilisation de graines d’un arbuste appelé en bambara « Tomotigi ». La persistance des témoins et la crédibilité de certains d’entre eux, doivent impulser une réflexion approfondie pour comprendre si l’efficacité de « Tomotigi » est une réalité ou un mythe.

Les discussions sur l’utilisation des contraceptifs ne sont pas ouvertes entre les conjoints dans les ménages. Certains maris trouvent que les épouses n’ont pas encore l’audace de parler du sujet avec les époux. Par contre certaines épouses pensent que c’est les époux qui se gênent beaucoup d’en parler aux épouses. En effet la question de l’utilisation des contraceptifs n’est pas encore une question largement débattue entre époux et épouses au sein des ménages. En plus de la gêne que les deux conjoints se rejettent mutuellement au sein du ménage, il y a aussi la question complexe du processus décisionnel où les parents des maris s’interfèrent avec une place de choix, s’ils sont vivants. Dans la quasi-totalité des ménages dont l’un ou les deux parents du mari sont vivants, la décision n’appartient pas exclusivement ni au mari ni à son ou ses épouses. Mais ce sont les beaux parents (c.-à-d. les 2 parents du mari) qui sont

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plus influents. Le beau père se positionne dans tout ce qui relève de la production et la belle mère tout ce qui concerne la reproduction.

La stratégie communautaire suggérée par les équipes de la recherche

Le rôle prépondérant joué par les mères des chefs ménage si elles sont vivantes fait qu’elles demeurent incontournables. C’est elles qui sont les personnes leviers du changement social et de comportement concernant les questions liées à la santé de la reproduction. La réussite des mesures préventives, curatives et promotionnelles dans ce domaine, dépend beaucoup d’elles. Alors il s’avère pertinent et nécessaire de les impliquer à travers les dialogues intrafamiliaux, interfamiliaux et communautaires.

H. De la protection des femmes par rapport à la santé maternelle et de la reproduction

D’une façon générale les mécanismes et systèmes communautaires sont basés sur des constructions patriarcales et ancestrales. Les rapports sociaux de sexe sont hiérarchisés et prônent les inégalités de genre au détriment des femmes. L’invisibilité des femmes dans le processus décisionnel surtout en ce qui concerne la santé sexuelle et reproductive perdure, bien qu’elles soient en première ligne dans les soins.

Le constat est que la santé notamment celle des femmes et des filles n’est pas perçue à présent par les communautés ancestrales comme un droit humain fondamental.

Stratégie communautaire suggérée par les équipes :

Pour les communautés, il est important que puissent se tisser des réseaux de soutien et de solidarité dans l’ensemble des 15 villages à travers les groupements et réseaux d’épargne et de crédit composés d’hommes et de femmes. La santé des femmes ne sera possible qu’avec le concours des hommes et vice versa mais aussi entre

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femmes dans un climat de sororité, de fraternité, de sécurité, d’émancipation, d’épanouissement et de respect. Pour arriver efficacement à créer ces conditions, les membres des équipes communautaires de la recherche action, les relais communautaires, les agents du changement, les femmes et les hommes membres des groupements et réseaux d’épargne et de crédit doivent veiller à développer des approches de communication ouverte et constructive dans les ménages, dans les familles et au sein de la communauté autour des questions sensibles en abordant progressivement les moins controversées aux plus controversées. Les personnes leviers du changement social et de comportement identifiées doivent y jouer un rôle important.

Les relations entretenues avec les autres ont un effet sur la santé. Les réseaux de soutien social se tissent à partir des familles, des ami-e-s, des communautés et des lieux de travail. Le soutien social joue un rôle important sur la santé communautaire notamment celle des femmes et des filles.

Pour ce faire, les membres des équipes communautaires constituent le point de départ des réseaux du soutien social pour la promotion de la santé communautaire en général et celle des femmes et des filles en particulier.

I. Les difficultés majeures rencontrées

- L’analphabétisme de plusieurs membres des groupes cibles y compris les membres des équipes communautaires de la recherche. Cela a beaucoup sur la compréhension des outils qui sont les mieux structurés. Par exemple au cours de l’administration des guides, il y a beaucoup de problèmes recensés. L’apport des communicateurs traditionnels, des relais instruits et/ou alphabétisés et la grande capacité de mémorisation des certains, ont largement à contribué surmonter la difficulté.

- Le comportement résigné de plusieurs femmes au démarrage de la recherche. Au cours des travaux, les femmes étaient réservées et laissées les initiatives aux hommes. Ce sont les hommes qui animaient les débats et

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les femmes avaient adopté une attitude passive, suiviste. La pertinence de la démarche participative et le renforcement progressif des capacités, ont permis à la fin à certaines femmes de tenir tête aux hommes lors des débats.

- Certains conflits profonds et persistants ont failli dans certaines localités, affecté la conduite des activités. La capacité d’influence de certains membres des équipes et le poids des communicateurs traditionnels ont agit positivement sur ce phénomène qui a été vite endigué.

Conclusion générale

En conclusion par rapport au thème de la santé de la reproduction, disons que le renforcement de la solidarité au sein des groupements et réseaux d’épargne crédit et de leur rôle en tant que groupe d’échanges, de connaissances et de services pour la promotion de la santé communautaire notamment celle des femmes et des filles, à travers les aires de santé s’avère être une approche positive, pertinente et nécessaire avec l’intégration des déterminants ci dessous :

la solidarité, l’entraide, le savoir/pouvoir rire, parler librement à d’autres, le fait de croire en ses propres capacités et potentialités grâce aussi aux autres, l’accompagnement, le fait d’avoir les moyens (temps, liberté…) de créer des contacts, des alliances, des groupes d’appartenance,…

L’idéal serait que chaque femme, chaque homme, membre de groupements et/ou réseaux dans sa singularité, doit pouvoir créer, être accueillie, animer un réseau de solidarité, d’échanges, de services et de connaissances (transmission de connaissances et d’expériences) dans leurs localités respectives. Chacun, chacune doit y participe avec ses différences, ses talents, ses compétences, ses croyances, pour le tisser, le nourrir, le renforcer et lui donner une visibilité. C’est à cela que le programme en collaboration avec les partenaires stratégiques doit s’atteler à long terme.

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Par rapport au thème du foncier, les femmes et les filles demeurent à présent exclues du système de contrôle et d’héritage. Les systèmes communautaires basés sur le patriarcat maintiennent et légitiment ces pratiques inégalitaires. Il y a prééminence du pouvoir des hommes. Les questions d’égalité dans certains domaines, surtout lié à l’héritage et la gestion de la terre, constituent encore des tabous dans certaines communautés. La non application, l’inexistence des dispositions spécifiques de protection des femmes et des filles et / ou la méconnaissance des dispositions spécifiques existant constituent sans nul doute des paramètres déterminants des dénis des droits. A la lumière de ces réalités persistantes, le renforcement des connaissances et du dialogue social productif au sein des ménages, des familles, des communautés sur des sujets sensibles en général et particulièrement les dénis des droits, s’avère nécessaire et incontournable. Pour ce faire il va falloir développer des approches communautaires locales fondées sur les groupements et réseaux d’épargne-crédit, les agents du changement et les relais.En outre les actions ciblées de plaidoyer et de lobbying aux niveaux local et national, doivent être menées pour adresser les textes de lois et les politiques dans les domaines de la protection des femmes et des filles

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