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S La nécessité d’un travail en interdisciplinarité pour accueillir et accompagner les personnes porteuses d’un handicap sensoriel ou moteur dans leur projet de parentalité. « ACCOMPAGNER LA PARENTALITÉ » Actes du colloque mardi 3 février 2009

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S

La nécessité d’un travail en interdisciplinarité pour accueillir et accompagner

les personnes porteuses d’un handicap sensoriel ou moteur dans leur projet de parentalité.

« ACCOMPAGNER LA PARENTALITÉ »

Actes du colloquemardi 3 février 2009

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SOMMAIRE

DE L’HISTOIRE AU CADRE LEGISLATIF 1 Modératrice : Delphine SIEGRIST - Journaliste - Association des Paralysés de France

« Graine de parentalité, naissance d’un groupe de travail » 1 Jean-Claude POIRIER - Directeur du risque professionnel, du handicap et de l'action sanitaire et sociale - CRAMIF

Histoire et sociologie : quelques éléments d’éclairage 3 Christine BON - Sociologue

Témoignage de parents 6

Questions de la salle 9

Regard sur la législation actuelle 13 Docteur Pascale GILBERT – Médecin - CNSA

Accueillir pour recueillir : de la rencontre au conseil 15 Franck BERTON - Assistant social - Service ESCAVIE-GUIDE - CRAMIF - Marie LADRET - Ergothérapeue - Service ESCAVIE-GUIDE - CRAMIF

Questions de la salle 24

DU CARREFOUR DES PROBLEMATIQUES AUX EXPERIENCES NOV ATRICES 29 Modérateur : Professeur Hervé FERNANDEZ – CHU Antoine Béclère – AP-

Parents et professionnels :de la communication au partage 31 Sophie SERREAU - Sage-femme - Hôpital de la Pitié Salpêtrière - AP-HP Françoise GALIFFET - Assistante Sociale - Hôpital Pitié Salpêtrière - AP-HP - Stéphanie RAMEAU - Auxiliaire puéricultrice - Hôpital de la Pitié Salpêtrière - AP-HP - Julie CROSSARD - Psychologue - PMI Epée de Bois - Isabelle DAVOST-SERIZAY - Puéricultrice - PMI Epée de Bois

Question de la salle 36

De cycle en rythme, accompagner la parentalité, un travail en réseau nécessaire 39 Béatrice IDIARD-CHAMOIS - Sage-femme - Institut Mutualiste Montsouris - Docteur Madeleine AZARIAN-NAZAC - Médecin gynécologue-obstétricien - Institut Mutualiste Montsouris - Francine CAUMEL-DAUPHIN et Nathalie PICQUENARD - Sages femmes - Secteur Libéral - Edith THOUEILLE - Puéricultrice - Institut de Puériculture et de Périnatalogie de Paris - Drina CANDILIS-HUISMAN - Psychologue - Institut de Puériculture et de Périnatalogie de Paris

Question de la salle 47

Conclusion de la journée 49 Jean-Claude POIRIER Remerciements 51

Glossaire 52

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De l’histoire au cadre législatif

Modératrice : Delphine SIEGRIST Journaliste, Association des Paralysés de France

« Graine de parentalité, naissance d’un groupe de travail »

Jean-Claude POIRIER Directeur du risque professionnel, du handicap et de l’action sanitaire et sociale, CRAMIF

Je souhaite à tous et à toutes la bienvenue dans cette maison et vous présente les excuses de notre directeur, Gérard Ropert, retenu par une réunion extraordinaire du Conseil d’Administration. Nous choisissons nos thèmes d’études à partir d’un certain nombre de demandes, d’observations, de retours d’expérience recueillis au travers de nos activités et de partenariats avec les associations de handicapés et les professionnels du monde du handicap.

Cette année, nous avons retenu le thème de la parentalité qui est un sujet assez rarement évoqué sans doute pour des raisons psychologiques et parce que les connaissances sont plus balbutiantes que dans d’autres domaines où les connaissances, les expériences, les réussites et les échecs sont mieux connus, mieux perçus et mieux adaptées.

Le fait de donner la vie est en soi un projet de vie mais aussi une réponse complémentaire aux enseignements et prescriptions de la loi du 11 février 2005 sur la compensation. Malgré le travail de quelques professionnels qui ont fait le choix d’investir ce domaine, il reste encore beaucoup à inventer et à proposer. L’arrivée d’un enfant est toujours un phénomène qui bouleverse la vie et modifie les habitudes des familles. Il importe par conséquent de préparer, d’accompagner et de suivre ces changements. Il est évident que lorsque l’un des parents, voire les deux parents présentent un handicap, le couple se heurte à de nombreuses difficultés qui devront être surmontées afin d’assurer au mieux un développement harmonieux de l’enfant et de préparer son insertion dans la société et son avenir personnel.

Outre une approche sociologique et historique qui donnera la tonalité de cette journée et une présentation de la législation actuelle par la Caisse Nationale de la Solidarité pour l’Autonomie, nous entendrons au cours de cette journée les témoignages de professionnels qui depuis longtemps œuvrent dans le champ de la parentalité et ont spontanément partagé leur connaissance, leur savoir-faire et aussi sans doute les limites de leur action.

En ce qui concerne la CRAMIF, notre expérience et la prise en compte des difficultés liées à la parentalité sont relativement différentes. Le service ESCAVIE s’est interrogé à ce sujet dès 2003, à la suite du colloque « maternité et handicap moteur » organisé par la Mission Handicap de l’AP-HP. Le but était d’intégrer à la réflexion un aspect pratique sur le quotidien des mamans et leur situation de handicap en présentant les quelques aides techniques déjà existantes. Ce travail a permis d’observer qu’une demande existait et qu’en tant que centre d’information et de conseil sur les

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aides techniques nous pouvions apporter des éléments de réponses concrets et pratiques. Nous avons étudié la possibilité d’intégrer cette question dans le travail quotidien d’ESCAVIE et constatons que cette ambition est désormais une réalité.

Dès 2005, cette thématique s’est intégrée aux missions des services avec la création d’un espace dédié au problème du soutien à la parentalité. Dans le même temps, nous avons mis en place une documentation concernant le matériel de puériculture susceptible d’apporter des soutiens appropriés. Cette même année a vu la réalisation d’un guide pratique pour les parents à mobilité réduite qui fournit des indications et offre des possibilités de choix.

Dès 2007, nous avons intégré les questions d’ordre social à notre approche et notamment le financement des aides techniques. Il ne s’agit pas simplement de proposer une offre de matériel mais également de fournir des réponses sociales qui permettent l’accès à la compensation effective. Une coopération interne entre le service des conseils sur les aides techniques et notre service social est indispensable. C’est un travail en binôme qui se fait et qui permet une approche globale de la situation des personnes et les réponses les plus appropriées.

L’offre a créé la demande et cette amélioration continue a entraîné une augmentation des demandes et une collaboration accrue avec les services et le monde associatif déjà mobilisé sur le domaine de la parentalité.

En 2008 est né le groupe de travail « graine de parentalité » à l’initiative de l’organisation de ce colloque que je remercie et félicite pour son engagement. Je remercie également les différents intervenants de cette journée qui ont répondu favorablement à notre invitation. Je cède la parole à Delphine Siegrist qui animera cette première partie de la journée que je vous souhaite fructueuse.

Dans un domaine aussi pointu et sensible que la parentalité, l’homme est conditionné par la limite mais doit aussi essayer de la dépasser. Je crois que nous nous y efforçons pour le progrès réel et la vie complète de la famille et notamment des enfants qui en découlent.

Delphine SIEGRIST

Cette matinée s’organisera en deux parties. Tout d’abord nous entendrons l’intervention de la sociologue Christine Bon, puis le témoignage de parents en situation de handicap.

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Histoire et sociologie : quelques éléments d’éclairage

Christine BON Sociologue

Je suis ravie d’être avec vous aujourd’hui et de retrouver Delphine Siegrist que j’avais rencontrée lorsque j’étais chargée d’enseignement vacataire au CNAM au sein de la chaire d’insertion sociale des personnes handicapées. Mon cours s’intitulait « sexualité des personnes handicapées : de quoi je me mêle ? ». J’ai le sentiment que nous avons franchi une étape en dix ans puisque nous abordons désormais le thème de la parentalité.

Devenir parent constitue l’un des formidables défis de l’espèce humaine tant il nous est donné d’être à même de mesurer la portée symbolique de cet acte au-delà de ses contingences typiquement biologiques ou animales liées à la survie du genre humain.

En effet, dans les sociétés humaines la fonction de parentalité n’est pas seulement liée à la reproduction pour la survie de l’espèce mais revêt de multiples dimensions philosophiques, sociales et psychoaffectives. L’acte d’engendrer, d’enfanter, de mettre au monde la génération qui nous survivra, est un acte fondateur de la poursuite de notre humanité et de notre façon d’être au monde.

Contrairement à l’immense majorité des espèces animales, le petit de l’homme est le plus dépendant des générations qui le précèdent pour assurer sa survie, le protéger, le nourrir.

La dépendance est souvent considérée comme un avatar du handicap. Rappelons-nous que nous sommes dépendants car nous sommes humains. Le handicap est le paradigme de la condition humaine et de sa fragilité constitutionnelle.

Défi, enjeu, risque mais aussi formidable élan vers la vie dans la projection qu’implique la mise au monde de la génération suivante, l’accès à la parentalité n’est pas un processus neutre ni facile aujourd’hui et ce tout particulièrement pour les personnes désignées encore comme « à besoins spécifiques » en dehors de nos frontières. En cela, devenir parent est une aventure culturelle. La parentalité est un construit social.

1. Devenir parent : une aventure culturelle

L’histoire nous apprend que les sociétés peuvent à la fois être excluantes et intégrantes à l’égard des personnes en situation de handicap, notamment en fonction du type de déficience dont elles sont affectées. La stèle funéraire du nain Seneb, de son épouse et de sa famille qui se trouve au Musée du Caire et qui date de la cinquième dynastie est la trace la plus ancienne de la parentalité d’une personne atteinte de déficience physique. 4 500 ans nous séparent de cette image. Le couple a l’air très uni et la joie de vivre de cette famille me paraît très émouvante. Les travaux récents de l’INRAP, notamment en ce qui concerne les sépultures anciennes du paléolithique au Moyen Age supérieur ne témoignent pas d’une stigmatisation centrée sur la déficience physique mais plutôt sur l’appartenance sociale de l’individu enterrée. Un homme décédé il y a 1 400 ans et atteint de spina bifida est enterré dans une sépulture qui correspond à son clan d’appartenance sociale. Il n’y a pas trace de sépultures communes où seraient enterrées les personnes porteuses de déficiences physiques. Tirésias, l’oracle d’Œdipe, est considéré comme un demi-dieu car messager divin. A la

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même époque, à Sparte, les bébés nés avec une malformation congénitale sont jetés du haut de la colline. C’est un eugénisme social qui est pratiqué et justifié par Platon comme conforme à l’idéal pré-esthétique de la société d’alors. Les attitudes sont très ambivalentes et ambigües dans une même société. Les sociétés qui se jouxtent et qui procèdent à des échanges peuvent cependant avoir des cultures du handicap mais aussi des cultures de la famille, de la périnatalité, de l’éducation qui sont radicalement opposées. Il est difficile de trouver des images illustrant la parentalité sur des sites français.

L’historien et sociologue canadien Edward Shorter a mis en évidence que les postures d’accouchement dans les sociétés postmodernes dites avancées procédaient davantage du confort et de l’ergonomie des accoucheurs que du bien être des accouchées. D’une société à l’autre, les façons de mettre au monde son enfant sont des construits sociaux. En matière de politique sociale du handicap, la France fait figure d’exception parmi les pays de l’OCDE. Si la dépense publique affectée au handicap montre que la société française n’a pas à rougir en termes économiques du traitement social du handicap qui représente1,8 % du PIB soit 28,4 milliards d’euros par an, les modalités d’affectation des dépenses traduisent une véritable situation d’apartheid des personnes handicapées. Il me semble en effet que l’on peut encore parler d’une politique de discrimination notamment en matière de scolarisation inclusive et d’accessibilité. Les citoyens français ont dix sept fois moins de probabilité d’être confrontés au handicap d’autrui que les citoyens britanniques. D’où la question de l’apprentissage, de la connaissance, de l’éducation à l’autre momentanément différent, de l’accès et du respect des droits. C’est dire si les efforts pour l’élimination des barrières non seulement architectoniques mais encore socio-psychologique doivent être soutenus dans notre pays. Si l’on nous donne la chance de grandir ensemble quelle que soit notre condition physique, peut-être arriverons-nous à poursuivre cette communauté de vie dans d’autres actes et cercles sociaux.

Malgré les avancées notables qu’a permises la loi du 11 février 2005, nous pouvons nous demander si la France ne mène pas une politique ségrégative en particulier en ce qui concerne le choix de solvabiliser les institutions plutôt que les individus, les couples, les ménages ou les familles. L’accession à la compensation effective du handicap doit être un objectif qui pourra passer par l’aide des tribunaux pour le respect des droits. Cette frilosité à encourager la vie indépendante à domicile ou au sein d’une communauté locale d’appartenance des personnes en situation de handicap affecte les trajectoires de vie de ces parents « extraordinaires » avec des besoins spécifiques qui veulent vivre leur vie comme tous les parents, dans un milieu dit « naturel ».

En Grande-Bretagne, l’association DPPI édite un périodique passionnant qui montre l’état d’avancée de la question par rapport à la France. L’accessibilité à la parentalité est traitée en termes d’accès aux droits, mais également en termes de préférence sexuelle. Elle aborde de façon beaucoup plus prosaïque le concept de design for all en présentant des articles de puériculture ou de jeu, des aménagements d’espaces et des produits qui facilitent la vie quotidienne avec un enfant lorsqu’on est affecté par une déficience.

La parentalité ne se résume pas à la gestation et à la mise au monde de l’enfant même si elles en constituent des étapes majeures. En tant que parents nous avons tous besoin d’accompagnement à la parentalité à différents moments de l’éducation de nos enfants. Le charmant bambin devient ainsi parfois un adolescent à problème dont quelquefois le problème principal est justement le handicap de son ou ses parents. Le handicap est en effet contagieux. La situation de handicap s’étend à tous les membres d’une famille ou d’une maisonnée. L’enquête HID montre que 21 % des aidants informels des personnes adultes handicapés sont leurs propres enfants. Dans 9 % des cas, ces

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derniers sont l’aidant principal de leurs parents. Pour que l’enfant puisse vivre sa vraie vie d’enfant, il ne faudrait pas que la société dans ses manques impose à l’enfant de devenir l’auxiliaire de vie de ses parents faute de ressources pour embaucher des professionnels qualifiés. Aujourd’hui, les nouvelles formes de parentalité renouvellent le sens de la famille – de l’engagement de soi dans l’enfantement – et invitent à plus de réflexion et de tolérance envers les citoyens de ce pays en situation de handicap qui choisissent de devenir parents et y sont heureusement aidés dans leurs parcours, au moins pour l’accompagnement de la grossesse et de la naissance, par des professionnels avisés, sensibilisés et formés. Quelques éléments d’éclairage européens nous montrent comment nous pourrions aller plus loin dans le développement d’un accompagnement de la parentalité au long cours, aboutissement d’un droit fondamental pour tous et toutes et pour chacun et chacune qui cependant transcende les volontés individuelles pour donner une coloration plus humaine à notre société. Ces nouvelles familles gagnent à être connues. Chaque famille compte. L’exemplarité remarquable des familles dont les parents sont en situation de handicap mérite d’être connue du grand public pour que soit aussi reconnu le droit pour tous à une vie libre et indépendante.

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Témoignage de parents

Samia ENJELVIN

J’ai 42 ans, je suis mariée et maman de quatre enfants de 14, 12, 10 et 9 ans. Je suis élue du conseil administratif du CCAS de la ville du Pré-Saint-Gervais et animatrice socioculturelle. Mes quatre grossesses se sont merveilleusement déroulées. J’ai accouché tout à fait normalement. En tant que mère handicapée, je m’interroge surtout sur la façon de donner la meilleure éducation possible à mes enfants dans un contexte complexe et riche. Je voudrais surtout lire le témoignage d’une maman adhérente de notre association « Espace Famille et Handicap » que je trouve plus riche et plus intéressant que le mien :

« Je m’appelle Sali Olier. Je suis mariée et maman d’un enfant de 13 mois, un second étant attendu pour le 21 mars. J’ai une séquelle de polio contractée à l’âge de 2 ans qui a atteint essentiellement mes membres inférieurs. A 43 ans, j’ai construit ma vie de femme bien tardivement puisque j’ai rencontré mon mari à 38 ans. Je pensais finir ma vie seule, diverses expériences de vie en couple n’ayant pas abouti. Je m’étais « résignée » à demeurer seule, pensant que handicap et vie familiale étaient incompatibles en ce qui me concernait. Grâce à l’association « Espace Famille et Handicap » j’ai pu participer en 2003 au Raid de l’Amitié qui a permis a un équipage de personnes en situation de handicap de traverser le Maroc en 4x4 au même titre que les personnes valides. Ce raid à vocation humanitaire permettait aux motos et 4x4 de longer des villages pour distribuer du matériel scolaire et des médicaments aux enfants. Ce périple a duré trois semaines. Mon mari figurait parmi les équipages valides en moto. Il était toulousain et moi parisienne, ce qui a compliqué un peu notre relation. Nous étions un couple TGV puisque tous les quinze jours et pendant deux ans il montait à Paris ou je descendais à Toulouse. Il m’était difficile dans ces conditions de concevoir un enfant. C’est pourquoi il est venu me rejoindre à Paris, moi-même ne pouvant quitter mon travail. Nous avons essayé pendant un an de concevoir un enfant naturellement mais notre projet a échoué. Compte tenu de mon âge, nous avons demandé une procréation médicalement assistée qui a été acceptée. A la seconde insémination artificielle, je tombais enceinte. J’ai malheureusement fait une fausse-couche à 11 semaines. Abattue et découragée, je décidais d’arrêter. Nous nous sommes mariés en juillet 2006 et mon mari m’a convaincu de poursuivre les inséminations ce que je fis dès décembre 2006.

Au bout de la huitième insémination, je fus à nouveau enceinte. On me mit immédiatement en repos total afin de mettre toutes les chances de mon côté de poursuivre ma grossesse. A cinq mois et demi de grossesse, une hypertension artérielle a impliqué une surveillance médicale constante. Je fus hospitalisée au CHU de Toulouse, les médecins inquiets sur la suite de ma grossesse tentant de gagner des jours. A cette époque, j’étais très stressée ma famille n’acceptant pas mon conjoint. J’ai coupé tout lien avec elle au point que cette situation a provoqué mon accouchement prématuré. Mon fils est né à 27 semaines et 4 jours par césarienne. Il est resté en réanimation un mois et demi et en néonatalogie un autre mois et demi, soit trois mois à l’hôpital jusqu’à son terme théorique. Cette période a été très difficile car nous devions vivre au jour le jour son état étant susceptible de basculer très rapidement. Les médecins refusaient de se prononcer sur l’avenir, mais notre fils s’est battu. Tous les jours à ses côtés, je tirais mon lait afin de lui donner à travers une sonde. Je lui parlais et mettais ma main sur son petit corps afin qu’il sente ma présence et celle de son père qui

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me relayait le soir après son travail. Ces moments difficiles nous ont appris à prendre beaucoup de recul sur le sens de la vie car nous avons côtoyé beaucoup de parents dans la même situation que la nôtre ou dans une situation pire encore, certains enfants étant atteints d’une maladie incurable. J’ai souvent cru que la fatalité me poursuivait, rien ne se déroulant normalement dans ma situation. Je mettais tout sur le dos de ce handicap qui m’empêchait de vivre sereinement. Avec le recul, je me suis rendue compte que finalement j’étais très chanceuse de pouvoir me réaliser en tant que je femme et mère, même tardivement et en dépit des embûches et des obstacles.

Bien sûr, mes appréhensions étaient nombreuses après la naissance de notre fils. Mon obsession était de savoir si je serai à la hauteur non pas pour lui donner une éducation correcte mais dans les gestes quotidiens. J’avais très peur de le faire tomber. Tant qu’il ne pesait pas lourd, je pouvais le transporter d’un endroit à un autre sans souci. Lorsqu’il a eu 6 mois, je suis à nouveau retombée enceinte. J’ai pris du poids ce qui a rendu mes déplacements plus difficiles. Aujourd’hui, je n’y arriverais peut-être pas si mon mari ne prenait pas le relais lorsqu’il est présent. Il se réserve tous les déplacements qui nécessite de porter le petit, ce qui lui permet de créer une grande complicité avec son fils. Nous sommes très complémentaires. Notre deuxième enfant arrivant dans un peu plus d’un mois, nous devons nous organiser pour pouvoir consacrer du temps aux deux. Ce sera difficile mais pas insurmontable. Nous sommes vraiment heureux d’être parents. Ce bonheur vaut tous les tracas du quotidien. Si la première grossesse fut difficile, la seconde se passe à merveille. Je me sens en pleine forme et suis très bien suivie. Le handicap n’est pas un frein à l’amour et à la vie de famille lorsque l’on y croit vraiment et que l’on se donne les moyens d’y parvenir. Bien sûr, il faut adapter son handicap à son mode de vie mais c’est possible. Il suffit de bien communiquer avec son partenaire sur l’aide qu’il peut apporter. Si c’est trop lourd des aides extérieures existent pour pallier aux difficultés. Il est en effet important que le conjoint ne soit pas la tierce personne mais juste un mari et un père dans le rôle qui lui revient simplement. Aujourd’hui, il est possible d’être mère handicapée lorsque la nature le décide. Le reste l’aide humaine l’accomplit. Il faut y croire. Courage à tous.

Ariane COUSIN

Je suis sourde et maman de deux enfants. Mon fils a trois ans et est entendant ; ma fille a 15 mois et est sourde. Lorsque je suis tombée enceinte, j’ai voulu être suivie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière qui a mis en place un accueil sourd. Je travaille dans cet hôpital et savais qu’il serait possible d’y communiquer en langue des signes. Avec mon ami, nous avons pu poser des questions sur la préparation à l’accouchement. Je n’ai pas ressenti d’angoisse ou de frustrations particulières, ma première grossesse s’est bien passée. En revanche, j’ai constaté que la famille avait tendance à vouloir intervenir beaucoup. Nous nous y étions préparés. Au moment de l’accouchement, nous avons expliqué que nous ne voulions pas que la famille intervienne. Nous entendions protéger notre bonheur et décider nous-mêmes de l’éducation de notre enfant. S’il était sourd ou entendant, nous lui apprendrions la langue des signes qui est sa langue maternelle. Nous ne nous inquiétions pas de savoir s’il serait sourd ou entendant. Le jour de la sortie de l’hôpital, le médecin m’a remis une ordonnance prescrivant un audiogramme. Il m’a indiqué que je devais consulter un ORL. Il ne m’a même pas demandé mon avis ce qui m’a mis en colère, expliquant que cette décision m’appartenait. Son geste a deux hypothèses : la routine ou le manque de communication. J’ai pris l’ordonnance et je l’ai rangée.

Je me suis très vite aperçue que mon fils était entendant. Il sursautait lorsqu’une porte claquait et réagissait aux bruits de l’environnement. Pourtant, lorsque je me rendais chez un médecin, il me

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demandait toujours si j’avais fait un audiogramme. J’ai dû insister sur le fait que je voulais d’abord instaurer la relation avec mon enfant et n’entendais pas me focaliser sur l’oreille et la problématique de l’audition. A la crèche, le personnel a encore une fois insisté pour que mon fils fasse un audiogramme. Je savais que mon fils était entendant, mais nous avons réalisé l’examen pour le prouver. Les puéricultrices et moi utilisions la communication écrite pour faire le bilan de sa journée à la crèche. Petit à petit, mon fils a naturellement utilisé la langue des signes pour communiquer avec les puéricultrices. Lorsqu’il voulait boire, il signait le signe « eau ». Le personnel s’adaptait à son mode de communication, ce que je vivais comme une reconnaissance de la langue des signes. Pour signaler les pleurs du bébé, nous avons des appareils envoyant des flashs lumineux.

Ma seconde grossesse a également été suivie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. J’étais évidemment moins inquiète que lors de la première grossesse. Lorsque ma fille est née, je ne me suis pas inquiétée de savoir si elle était sourde ou entendante. Je voyais qu’une communication s’instaurait avec son frère et c’était pour moi le plus important. Nous avons appris que notre fille était sourde et avons dû l’annoncer à notre famille. Mes parents ont pleuré. Ils revivaient en effet cette étape de l’annonce de la surdité. Ils ont posé beaucoup de questions sur son avenir, la possibilité de lui faire suivre des séances de rééducation ou de l’équiper d’un appareil. En d’autres termes, ils ont tenté d’intervenir davantage dans l’éducation de notre enfant, ce qui n’a pas été facile. Pour l’instant, je veux qu’elle grandisse et s’épanouisse. Nous verrons lorsqu’elle aura l’âge d’aller à l’école. Mon fils est bilingue. Il pratique la langue des signes à la maison et parle à l’école. Nous sommes rassurés de constater que c’est un petit garçon heureux.

En ce qui concerne les échanges avec la famille élargie, mon mari qui est également sourd et moi nous sentons parfois un peu à l’écart. J’ai quelquefois le sentiment que la famille est focalisée sur mon fils entendant qui devient le vecteur unique de communication. Trouver le sens et la place de notre parentalité est un véritable combat. Nous devons rediriger le regard sur nous et non pas sur notre fils entendant. Dans la rue, lorsque quelqu’un parle à mon fils, je m’inquiète toujours de savoir si ce sont des paroles gentilles ou méchantes. N’entendant pas, j’ai besoin de le protéger.

Delphine SIEGRIST

Ces témoignages démontrent que trouver sa place en tant que parent handicapé n’est pas toujours aisé notamment du point de vue du regard social ou familial.

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Questions de la salle

De la salle

Ces témoignages sont très intéressants. On a du mal à imaginer que les personnes handicapées font un choix responsable. La société et la famille se sentent dans l’obligation de les protéger. Or généralement les parents handicapés ont réellement mûri leur projet. Il faut également faire confiance aux enfants. Le fait de côtoyer une singularité peut également constituer une richesse. Un enfant qui arrive au monde possède d’extraordinaires facultés d’adaptation. Il n’a aucun a priori ni aucun tabou. Il se construit avec ses parents. L’amour et la responsabilité pallient de nombreuses difficultés quotidiennes.

Delphine SIEGRIST

Nous sommes d’accord.

Christine BON

Le rôle des personnes handicapées dans la société est justement de nous guider vers le chemin de la reconnaissance de cette formidable plasticité humaine. Parvenir à procréer peut sembler un véritable parcours du combattant. Pourtant, force est de constater que les bébés éduquent leur entourage. Dans une crèche de mon quartier, tout le personnel a adopté la langue des signes après avoir accueilli quelques enfants sourds. Il est important que la culture du capital soit partagée par tous. Les enfants peuvent être de formidables vecteurs de l’ouverture d’esprit au regard des situations de handicap. Je vous remercie de l’avoir souligné.

Samia ENJELVIN

Je m’efforce de donner la meilleure éducation possible à mes enfants et de mettre toutes les chances de leur côté pour qu’ils réussissent leur vie. Je déplore cependant un manque de compréhension des psychologues qui nous stigmatisent trop souvent. J’ai une très forte personnalité mais suis souvent accablée par les propos qu’ils peuvent tenir. Si mon enfant a l’air triste, c’est parce que je suis autoritaire et tyrannique. Ce jugement des professionnels est parfois très difficile à vivre. Je récupérerai le compte rendu de cette réunion et chaque fois que je rencontrerai un psychologue, je lui remettrai. De cette façon, il pourra prendre conscience de la situation que nous vivons en France. Quelquefois, je me dis qu’il serait plus facile de vivre en Angleterre.

De la salle

Les handicapés sont a priori des personnes responsables. Néanmoins, lorsqu’un couple de handicapé se pose des questions sur la légitimité ou non de devenir parents et sur les aides existantes, la seule réponse qu’il obtient des institutions et des professionnels est qu’il n’est pas possible de répondre par avance à cette question. Le couple se voit conseiller de mettre un enfant en

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route, les aides ne pouvant être sollicitées qu’à partir de ce moment. Je voudrais savoir quel est votre sentiment sur ce point.

Béatrice IDIARD-CHAMOIS

Des professionnels de santé peuvent vous recevoir en amont et vous entendre sur ce projet de grossesse. Sachez que cela existe. L’Institut de puériculture et de périnatalogie pourrait par exemple proposer des solutions.

Christine BON

Les textes préparatoires de la loi visant à légaliser l’interruption volontaire de grossesse en 1975 disposaient qu’un « enfant n’existe qu’en vertu du désir parental de le voir exister ». Un enfant ne peut vous être imposé. Il s’agit au contraire de vous accompagner dans le projet de vie que vous avez choisi en connaissance de cause. Un certain nombre d’institutions accueillant des personnes atteintes de déficiences motrices demandent pourtant la mise sous tutelle pour pouvoir accueillir les personnes en séjour de longue durée dans les établissements dits d’hébergement permanents. Nous recensons encore 650 000 mineurs protégés qui sont privés du droit de vote. Heureusement, la loi de 2005 permet que soit rétabli ce droit si les personnes ou les familles en formulent la demande. Notre culture reste néanmoins enracinée à considérer la personne porteuse de déficiences quelles qu’elles soient comme incapable. Assumer sa parentalité revient par conséquent à assumer un rôle social d’adulte dans une société qui a tendance à nous infantiliser ou à nous médicaliser quand bien même de formidables pionniers contribuent à changer cet ordre des choses. Il reste un travail important à faire sur la question de la responsabilité et la citoyenneté pleine et entière des personnes qui vivent dans ce pays quelles que soient leur condition sociale, leur âge et leur déficience physique ou mentale.

Delphine SIEGRIST

Je voudrais vous lire un troisième témoignage, celui de Khadija Idamare, maman d’Alexis 3 mois et de Yaël 18 mois.

« Je m’appelle Khadija, j’ai 32 ans et j’ai la maladie de Leber, qui est une maladie évolutive. Je suis née malvoyante, je suis aujourd’hui aveugle. Dès l’enfance, il a fallu que je combatte trois problèmes : j’étais l’aînée d’une famille maghrébine de 5 enfants, j’étais une fille, j’étais déficiente visuelle. J’ai été bercée par des principes péremptoires et inexpliqués, qui consistaient à me dire qu’étant handicapée, il fallait que je comprenne que jamais je n’aurai d’enfants, que c’était incompatible avec ma maladie.

Or, la vie a fait que faute de structures adaptées près de chez mes parents, j’ai fait ma scolarité dans des établissements spécialisés où j’ai compris que tôt ou tard, je déciderai de ce que je ferai de ma vie. C’est ainsi que quand nous avons décidé mon compagnon et moi d’avoir notre premier enfant, et parce que mon conjoint est également déficient visuel, nous avons fait appel à une généticienne qui, après plusieurs questions et examens, nous a confirmé que nos enfants n’hériteraient pas de nos handicaps.

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J’ai voulu commencer mon témoignage en vous racontant brièvement ma vie, simplement pour vous montrer que notre décision d’avoir des enfants malgré nos handicaps, est le fruit de discussions, d’interrogations, qu’elle a été prise en toute conscience de notre situation, et que surtout, cette décision puise sa force comme pour chaque parent, dans l’amour que nous nous portons.

Un futur parent handicapé qui se présente en consultation, est le plus souvent, quelqu’un de responsable qui a pris sa décision en toute connaissance de cause.

Quand on nous a parlé de l’Institut de Puériculture et du service particulier qu’Edith Thoueille et son équipe proposait aux parents déficients visuels, d’emblée j’ai refusé cette aide, car j’ai eu l’impression qu’on me l’imposait, qu’on allait me voler ma maternité. Et puis, encouragée par mon conjoint qui s’inquiétait un peu de ses nouvelles responsabilités de papa, je suis finalement allée voir cette structure. J’ai été tout de suite étonnée et agréablement surprise de constater qu’on me parlait à moi, la maman, qu’on me voyait enfin moi avant de voir que j’étais aveugle. Cet accueil m’a beaucoup touchée et c’est pourquoi depuis lors, dès que je le peux, je donne de mon temps pour accueillir, écouter, et conseiller les futurs parents, je suis fière de compter parmi les mamans relais.

La maman relais d’après moi, doit vivre avec son handicap, bien le connaître pour en déterminer tant les acquis qui feront que malgré tout elle pourra être une mère autonome, que les limites. En effet, selon moi, le handicap n’est que l’adaptation obligatoire de notre vie, il n’est en aucun cas une remise en question de nos envies, encore faut-il pouvoir tout adapter. Ma responsabilité en tant que maman relais, consiste à écouter les futurs parents, répondre à leurs inquiétudes, leur montrer au besoin le matériel spécialisé déjà existant et les astuces qui nous permettent d’administrer un médicament plus facilement ou de préparer un biberon, les orienter vers des structures plus adaptées à leurs besoins spécifiques en cas de difficulté de locomotion par exemple. Mais je suis également là pour dire que malgré nos efforts pour être les plus autonomes possibles, certaines tâches nous sont moins accessibles comme de couper les ongles à son tout petit enfant, voire pas du tout comme d’emmener son enfant seul à une fête foraine ou en vacances.

Mon rôle est de faire comprendre aux parents que je rencontre, qu’ils sont comme les autres parents responsables de leurs enfants, que jamais, un grand frère, une mère, une tierce personne ne doit prendre à leur place, une décision qui ne concerne que les parents et leurs enfants sous prétexte que l’un des parents ou les deux sont déficients visuels.

L’aide doit toujours être proposée, il est important d’avoir des numéros de professionnels, tels que celui d’une assistante sociale, d’une association sensible au handicap du ou des parents, d’un médecin, d’une puéricultrice de secteur. Jamais l’aide ne doit être imposée.

Enfin je terminerai en disant que si la maman relais est un vrai soutien pour les parents handicapés, j’espère qu’elle deviendra, un recours que les professionnels de santé pourraient appeler dans leur service ou consulter quand ils reçoivent un parent handicapé dont ils ignorent les possibilités et les limites. Dans un monde idéal, où il existerait une vraie structure d’accueil pour les parents handicapés, on pourrait y trouver des parents relais de tous les handicaps, volontaires pour se rendre auprès des futurs parents ou dans les hôpitaux parler de leurs expériences et contribuer ainsi à l’évolution des mentalités.

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Paris, le 3 février 2009 12

Je remercie très sincèrement la CRAMIF d’avoir organisé ce colloque et d’avoir permis que nos idées soient entendues par des professionnels amenés à rencontrer un public différent, c’est un pas de plus vers l’acceptation de la parentalité des personnes handicapé. Encore merci. »

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Paris, le 3 février 2009 13

Regard sur la législation actuelle

Docteur Pascale GILBERT Médecin, CNSA

La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées succède à la loi de 1975. Elle marque une rupture très importante dans la mesure où pour la première fois est donnée une définition légale du handicap en France. Cette définition constitue un pas très important en ce qui concerne le changement de culture attendu dans notre pays. L’article L. 114 dispose que « constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ». Cette définition est directement inspirée de la classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé, adoptée par l’OMS en 2001, et largement citée comme support conceptuel lors des débats parlementaires à l’occasion de la loi. La CIF cherche à décrire le handicap au sein d’un modèle universel et non discriminatoire du fonctionnement humain qui prend en compte l’environnement. La définition introduite dans la loi française va jusqu’à attribuer une cause à la situation de handicap, à savoir la déficience.

La loi du 11 février 2005 introduit en outre la notion de compensation. Ce droit vise à permettre à la personne handicapée de faire face aux « conséquences de son handicap quels que soient l’origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie. ». Selon l’article L.114-1-1 du Code de l’Action Sociale et des Familles, elle englobe de manière générale « des aides de toute nature à la personne ou aux institutions pour vivre en milieu ordinaire ou adapté » en réponse aux besoins des personnes handicapées. Afin de rendre le concept opérationnel, la loi introduit de nouveaux outils pour la compensation :

• le projet de vie défini comme l’expression libre des attentes, besoins, souhaits de la personne handicapée, sur lequel doit se fonder l’évaluation des besoins de compensation et la préconisation de réponses ;

• l'évaluation globale et multidimensionnelle de la situation et des besoins de compensation ; • le plan personnalisé de compensation défini comme la préconisation globale de réponses à ces

besoins identifiés, qui ne se limite pas aux prestations spécifiques ; • la prestation de compensation, qui vient s’ajouter aux autres prestations spécifiques destinées

aux personnes handicapées.

Il convient de noter que la prestation de compensation ne couvre pas l’ensemble du champ de la compensation. Par exemple, le fait qu’un enfant présentant un trouble des apprentissages tel que la dyspraxie puisse se servir d’un ordinateur en classe, que le professeur accepte de lui fournir les polycopiés de ses cours, qu’il rende son devoir sous forme informatique et qu’il utilise son ordinateur dans le cadre des examens constitue déjà une forme de compensation. Si elle ne nécessite aucun moyen supplémentaire, elle impose de la part de l’environnement un mouvement par rapport à sa posture habituelle. Elle peut-être plus efficace que des aides techniques sophistiquées ou le recours à un secrétaire qui assisterait en permanence l’enfant, réduisant ses chances de devenir un jour autonome.

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En ce qui concerne la compensation et la parentalité, l’arsenal réglementaire est encore très limité. En effet, jusqu’à présent on s'est intéressé principalement aux parents d'enfants handicapés et pas vraiment aux parents handicapés. Or la pleine participation sociale pour les personnes handicapées, c'est un projet de vie qui peut intégrer le désir d'être parent, et pas seulement faire des études ou trouver un travail. La notion de projet de vie devrait par conséquent apporter une dimension nouvelle à l’expression de cette attente réelle qui jusqu’à maintenant était assez peu prise en compte par les professionnels.

Bien que la définition de la compensation soit large, la prestation de compensation ne résume toutefois pas la compensation et couvre un champ limité d'aides pour certaines activités. Pour l’instant, aucun élément de cette prestation n’est consacré spécifiquement à l’appui aux fonctions parentales. L’aide humaine se limite aux actes essentiels (s’habiller, se laver, marcher, s’alimenter et communiquer) ou à de la surveillance en raison d'altérations des fonctions supérieures. Toutefois, une heure quotidienne dite de "participation sociale" peut être mobilisée pour les personnes qui bénéficient de l’aide humaine. Son utilisation est moins spécifiée et de ce fait moins limitative. Par ailleurs, un décret venant étendre le champ de la PCH « aide humaine » à ce rôle social particulier qu’est la parentalité est en gestation mais nous ignorons quand il paraîtra. En ce qui concerne les autres éléments de la prestation de compensation (dépenses spécifiques, aide au logement, transport, etc.,) il n’est pas précisé sur quelles activité les dépenses peuvent être mobilisées. Il est par conséquent possible de mobiliser un certain nombre d’aides techniques à la parentalité dans le cadre de la prestation de compensation.

Il faut souligner également que la compensation ne se résume pas aux dispositifs spécifiques pour les personnes handicapées, c'est aussi l'activation du droit commun pour des personnes qui sont aussi des citoyens. Les dispositifs d'aide aux parents en difficulté doivent pouvoir être réinterrogés. Il s’agit de déterminer quel appui apporter à ces dispositifs pour éviter toute discrimination en raison du handicap des parents.

Delphine SIEGRIST

Votre rôle n’est pas aisé puisque nous savons que l’arsenal juridique concernant parentalité et handicap est encore balbutiant. Afin d’évoquer l’accompagnement au long cours de la parentalité, je vous propose d’entendre l’expérience menée de façon inédite en Ile-de-France par ESCAVIE.

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Accueillir pour recueillir : de la rencontre au conseil

Marie LADRET, Ergothérapeute, Service ESCAVIE-GUIDE-CRAMIF

L’arrivée d’un enfant est un évènement qui bouleverse toute une vie, qui vient changer les habitudes du couple et de toute la famille. Il est donc important de préparer ce changement.

La loi handicap du 11 février 2005 met en œuvre le principe du droit à compensation du handicap. La prestation de compensation tend à couvrir les besoins en aide humaine, technique ou animalière ainsi que les aménagements du domicile, du véhicule, en fonction du projet de vie formulé par la personne.

Même si l’on ne peut pas hiérarchiser la question des projets de vie du fait de leur caractère individuel, quel projet, dans ce qu’il peut véhiculer de symbolique peut être plus représentatif que celui de donner la vie ? En tant que CICAT, spécialisé plus particulièrement dans le champ du handicap moteur, nous nous sommes donc interrogés sur ce que nous pouvions apporter aux futurs parents présentant un handicap moteur.

Notre action dans le domaine de la parentalité, au carrefour de nombreuses compétences, de plusieurs législations, est un sujet tout à fait novateur à ESCAVIE, même si, comme l’a rappelé monsieur POIRIER dans son allocution, cela fait plusieurs années que nous parlons de parentalité au sein de notre institution.

Nous recevons en binôme, c’est donc tout naturellement à deux voix que nous allons tenter de décrire notre action, ici et maintenant, à la CRAMIF, plus précisément au sein du service ESCAVIE, comme maillon dans l’accompagnement de ces parents en devenir.

1. Les missions d’ESCAVIE

ESCAVIE étant un CICAT, notre principale mission, est de recevoir les personnes en situation de handicap afin de recueillir leur demande, évaluer leur capacités et leur situation, et identifier leurs besoins spécifiques pas toujours exprimés, et s’ils le souhaitent, les conseiller sur les aides techniques qui pourront leur permettre d’optimiser leur indépendance dans les gestes de la vie quotidienne, comme apporter les soins nécessaires à un enfant, ce dans des conditions de confort et de sécurité optimales.

Pour cela, nous bénéficions de plusieurs outils :

• des professionnels de divers domaines (ergothérapeutes, assistant social, documentalistes, secrétaires, médecin MPR…) ;

• une base de données sur les aides techniques existant sur le marché français voire européen, que nous identifions, répertorions et classons ;

• une exposition de matériel s’étendant sur près de 500m2 au sein de laquelle nous développons actuellement un espace dédié au matériels de puériculture pouvant être utilisés pour des essais ;

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• des espaces d’accueil pour recevoir les personnes.

La grande majorité des personnes reçues présentent donc un handicap moteur, avec ou sans troubles associés, dont les origines sont diverses : infirmités motrices cérébrales, blessures médullaires, amputations, myopathies, hémiplégies, maladie neurologique à caractère évolutif, etc.

2. Comment ces personnes arrivent à nous ?

Lorsque nous avons commencé à nous intéresser à la question, notamment après le colloque « Maternité et handicap moteur » de 2003, le travail effectué par ESCAVIE, sa participation à la rédaction d’articles sur le sujet, ont été reconnu et identifié par des futurs parents et professionnels. Les demandes émanant de toute la France, nous ne pouvions pas intervenir en direct, mais orientions ces personnes vers des structures locales (comme les CICAT) avec lesquelles nous intervenions comme traducteurs.

Les rendez-vous ont été mis en place en 2006 pour les personnes résidant en Ile-de-France, et, compte tenu de la nature des questions et des thèmes abordés, nous avons mis en place notre travail en binôme, en 2007, qui nous a permis d’ouvrir et de balayer de plus larges interrogations. De fil en aiguille, nous avons rencontré divers professionnels en Ile-de-France qui prenait en compte ces futurs parents vivant avec un handicap. Aujourd’hui, la grande majorité des personnes que nous recevons nous sont orientés par les professionnels de ce réseau informel (IMM, IPP, maternité de la Pitié-Salpêtrière, les CICAT…).

Cette évolution nous donne à penser qu’une offre de service organisée faciliterait l’émergence de la demande, déjà bien réelle et en augmentation, comme d’ailleurs en témoigne nos chiffres. Nous observons une augmentation des demandes depuis 2006 :

• 9 demandes en 2006 ; • 11 demandes en 2007 ; • 15 demandes en 2008.

Ces chiffres peuvent paraître peu élevés, mais la parentalité ne représente qu'une petite partie de l’activité d’ESCAVIE qui couvre beaucoup d'autres domaines, ce qui est d’ailleurs souvent utile lors des rencontres dans le cadre de la parentalité. Mais 15 demandes en 2008, représentent 15 familles qui ont pu bénéficier de nos services. Cette activité semble essentielle, même si elle loin d’apporter toutes les réponses, car à ce jour, en France, peu de structures proposent un service comme le notre. Les demandeurs peuvent être aussi bien les futurs parents que les professionnels accompagnants qui cherchent une information pas toujours facile à trouver selon leurs témoignages.

Je cède à présent la parole à mon collègue, qui va vous parler du déroulement d’un rendez-vous à ESCAVIE et des questions qui y sont abordées.

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Franck BERTON, Assistant social, Service ESCAVIE-GUIDE-CRAMIF

3. Que proposons-nous ?

• Un espace d'accueil tout d’abord, car il serait vain de penser que l'on puisse recueillir sans auparavant accueillir

• Un lieu d’écoute ensuite car bien écouter nous souffle Marivaux, c'est déjà presque répondre. Chaque être humain étant unique dans ses difficultés, ce qui est valable pour toutes les personnes en situation de handicap ou pas, le recueil des données sera donc un préalable nécessaire qui nous permettra d'être à même d'apporter un conseil personnalisé le plus ajusté possible à la réalité de vie du ou des parents. Par réalité de vie, nous entendons à la fois les limitations liées au handicap qui impliqueront la question des aides matérielles, mais aussi souvent celle de l'intervention d'une aide humaine pour certains soins que le parent ne sera peut être pas en mesure de prodiguer seul à son enfant du fait de ses difficultés. Dans ce cadre, nous pourrons être à même, avec ceux-ci, d'envisager les différentes possibilités existantes d'aides ponctuelles ou s'inscrivant sur la durée en ayant recours à :

• un service mandataire ; • un service prestataire ; • une embauche directe ; • l'intervention d'une travailleuse familiale ; • l'accueil d'une fille au pair.

Ces orientations, selon le contenu de la demande, pourront concerner non seulement la réalisation ou l'aide à la réalisation des gestes nécessaires mais difficiles à effectuer dans la prise en charge de l'enfant, mais aussi certains autres aspects comme l'entretien de l'environnement ou les courses, qui concourront à soulager le conjoint, lui permettant ainsi de consacrer du temps au bébé et au parent handicapé.

Tout naturellement la question de la situation familiale de la personne mais aussi du soutien que lui apporte son entourage familial et relationnel, se pose. Ce registre est très souvent abordé car la situation à venir d'un futur parent est très différente s’il ou elle est seul(e), marié(e), déjà père ou mère de famille et soutenu(e) ou pas dans son désir de parentalité.

Autre thème évoqué : la situation professionnelle de la personne et/ou du conjoint qui doit être envisagée dans l'évaluation car elle implique souvent le choix d'un mode de garde adapté au terme du congé maternité ou paternité. Des questions nous sont posées au cours de l’entretien: Que vaut-il mieux choisir ? Un mode de garde extérieur : crèche collective familiale, parentale, une garde à domicile, une assistante maternelle indépendante ? Autant de choix possibles en fonction des limitations liées au handicap (fatigue liée à des transferts multiples véhicule fauteuil roulant) mais aussi des principes de la personne.

Ces choix à faire pour l'après peuvent aussi, nous l'avons vécu à ESCAVIE, aboutir à un réaménagement du temps de travail de l'un ou l'autre des parents. Ce réaménagement a nécessité de notre part un travail d'explication auprès du service des ressources humaines de l'entreprise qui employait un papa.

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Nous sommes ainsi naturellement amenés à évoquer avec les personnes les lieux ressources les plus susceptibles de les conseiller dans les différents domaines du droit de la famille car plus spécialisés que nous dans ce registre (PMI, CAF, circonscriptions d'action sanitaire et sociale).

Autre point important qui peut être abordé spontanément durant l'entretien : la situation sociale et financière des parents. Sont-ils en situation de précarité ? (Comme nous le savons tous, la précarisation des personnes handicapées comme celle des valides est d'ailleurs bien une question à l'ordre du jour). Si c'est le cas, comme pour toute famille, il sera possible comme cela l'a déjà été fait dans le cadre de la parentalité à ESCAVIE, d'orienter les parents vers des associations caritatives pour les couches, le lait maternisé, voire du matériel de puériculture grand public à faible coût.

Nous pouvons bien là, toucher du doigt, voir et sentir l'interdépendance de tous les éléments qui construisent la vie quotidienne des personnes que nous rencontrons et pour qui le conseil en aides techniques, souvent nécessaire, peut dans certains registres s'avérer primordial. Je pense en particulier à celui de l'aide humaine. Pouvoir suppléer à une difficulté dans la prise en charge de son enfant grâce à une aide technique réduit les sollicitations en temps et en répétition des aidants familiaux et professionnels. Cela permet à la personne, dans une autonomie majorée, d'exercer le plus pleinement possible son rôle de mère et/ou de père.

Reste une question récurrente des parents ou futurs parents, celle du financement des matériels préconisés sachant que ceux-ci relèvent souvent du matériel de puériculture grand public. La question du financement de l'aide humaine nécessaire aux parents handicapés vivant une situation nouvelle au quotidien et des gestes nouveaux à effectuer se pose également. La Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie ainsi que les Maisons Départementales des Personnes Handicapées mènent à ce jour, comme nous l'avons vu lors de la précédente intervention, une réflexion autour de cette problématique.

Lors de l'entretien, nous orientons les parents vers ces instances mais nous listons aussi les autres ressources possibles : fond d'action sociale des mutuelles, des comités d'entreprise, des mairies, des associations spécialisées et caritatives. Par ailleurs, nous orientons les parents vers d'autres professionnels du domaine médico-social, d'autres lieux plus spécialisés dans la prise en compte de certains aspects de la parentalité. En tant que CICAT, il nous est par ailleurs arrivé d'avoir des demandes de parents domiciliés en Province que nous orientons, si nécessaire, vers des services similaires au notre.

Enfin, à la suite de cet entretien, nous restons à la disposition des personnes pour une nouvelle rencontre ou des compléments d'information et si cela est important et que les parents en formulent le désir, nous interviendrons auprès des partenaires précités et des revendeurs dans une logique de traducteur afin qu'au-delà de la rencontre dans l'espace parentalité d'ESCAVIE, les conseils puissent être mis en place de manière effective.

Marie LADRET

4. Des propositions et des conseils techniques

Nous entendons par conseil technique, l’aide au choix d’aides techniques, qui est au cœur de notre travail de CICAT. Nous pourrions définir une aide technique comme : « Tout produit, instrument,

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équipement ou système technique utilisé par une personne handicapée, fabriqué spécialement ou existant sur le marché, destiné à prévenir, compenser, soulager ou neutraliser la déficience, l'incapacité ou le handicap ». Cette définition englobe donc à la fois :

• le matériel pouvant être conseillé pour la future maman pendant sa grossesse ;

• le matériel de puériculture, spécifique ou non ;

• tout autre matériel qui pourrait être nécessaire dès l’instant où il correspond aux besoins du parent, et à son projet de vie familial.

5. Le matériel pouvant être conseillé pour la future maman pendant sa grossesse

Il s’agit soit de réajuster les aides techniques déjà en place, soit d’en proposer de nouvelles le temps de la grossesse, pour compenser les désagréments majorés du fait du handicap. La prise de poids peut augmenter les difficultés de déplacements pour les mamans marchantes entraînant des pertes d’équilibre liées au changement du point de gravité. Dans ce cas des aides aux déplacements telles que des cannes ou déambulateurs pourront être proposées. Pour les mamans en fauteuil roulant, la prise de poids augmente le risque d’escarres et nécessite un réajustement de la prévention et rend plus difficile les transferts du lit au fauteuil ou du fauteuil à la baignoire. L’accentuation des troubles urinaires implique des transferts de plus en plus fréquents alors qu’ils sont de plus en plus compliqués. Il est par conséquent nécessaire de mettre en place des aides techniques adaptées. Le risque infectieux est également accru, les auto-sondages étant de plus en plus difficiles. Les autres complications connues pour toute grossesse (œdèmes, douleur…) peuvent être majorées chez les femmes porteuses d’un handicap.

6. Le matériel de puériculture

Tout matériel de puériculture peut être considéré comme aide technique, y compris le matériel grand public à partir de l’instant où il prévient, compense, soulage ou neutralise la déficience, l'incapacité ou le handicap. Voici quelques exemples d’aides techniques utilisés par des parents en situation de handicap moteur :

• un lit de bébé avec des charnières latérales ou horizontales et réglable en hauteur ; • un lit jumelé se fixant au lit des parents ; • un polochon d’allaitement ; • une baignoire sur tréteau avec filet porte-bébé et transat de bain; • une table à langer accessible ; • une chaise haute pouvant être utilisée dès la naissance comme transat en hauteur ; • un porte-bébé adapté ; • une poussette qui se fixe sur un châssis de fauteuil roulant ; • un siège auto pivotant facilitant l’installation du bébé.

Ce matériel peut se trouver en magasins de puériculture, sur Internet ou chez des fournisseurs spécialisés. ESCAVIE met à la disposition des parents des fiches génériques et des fiches produits par type de matériel.

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7. La demande et les besoins des parents en situation de handicap moteur

Le matériel de puériculture que je viens de vous présenter, vous l’avez compris, est soit grand public, soit adapté ou encore sur-mesure. Très souvent les parents handicapés moteur auraient besoin de matériel adapté ou sur-mesure, ou de matériels grand public haut de gamme plus onéreux. Dans bien des cas, peu de parents en font la demande même s’ils en ont besoin, ce pour diverses raisons :

• le peu de choix de matériel adapté, en tout cas sur le marché français ; • la difficulté de trouver des artisans acceptant de fabriquer du matériel sur-mesure, ce pour

diverses raisons économiques (économie de marché) et sécuritaires (normes CE, NF-Petite enfance…) ;

• le coût de ces aides techniques adaptés et sur-mesure ; • la question sur la compensation financière lorsqu’il y a un surcoût ; • l’aspect transitoire à moyen terme (3-4 ans ou plus) du besoin ; • la lourdeur et les délais des démarches à effectuer, souvent bien connu de ces futurs parents.

Les professionnels que nous sommes sont là pour écouter, recueillir les demandes, explicites ou implicites, de ces futurs parents, mais aussi pour évaluer leurs besoins spécifiques, ce, afin de leur proposer la solution la plus adéquate, et la plus sécurisante pour eux et leur enfant.

Notre évaluation et les questions évoquées vont souvent bien au-delà du matériel dont je viens de parler et peuvent concerner toute autre aide technique. C’est parfois tout un système qui sera remis en question avec la modification de certaines habitudes de vie nécessitant ou non l’acquisition d’aides techniques.

Mon collègue parlait tout à l’heure du choix du mode de garde de l’enfant (crèche, nourrice agréée, etc.) avec les questions que cela peut soulever. Dans le même ordre d’idée, dans le cas où l’enfant est en crèche, à l’école, ou bien tout simplement doit être emmené chez le pédiatre, plusieurs cas de figure peuvent être envisagés et nécessiter l’acquisition de nouvelles aides techniques, lié directement au projet de vie de la famille. Dans certains cas, l’acquisition ou le renouvellement du véhicule personnel sera nécessaire. Celui-ci devra être compatible avec les aménagements indispensables au parent (poste de conduite, chargement du fauteuil roulant) et avec le matériel adapté pour installer le bébé dans son siège auto. Un siège auto pivotant n’est pas toujours compatible avec tous les modèles de véhicule). Dans d’autres cas, le parent remettra en question son mode de déplacement et utilisera une alternative à la voiture (pour les trajets courts), tel que les motorisations, type traction, adaptables sur le châssis d’un fauteuil roulant manuel, ou encore un scooter pour amener son enfant à la crèche, à l’école, ou chez le pédiatre par exemple, ce qui lui évitera des transferts parfois longs et coûteux en énergie. Dans d’autre cas, enfin, ce sera le parent valide ou un tiers qui effectuera cette tâche ou bien une autre solution sera étudiée.

Toutes les questions matérielles ne peuvent pas être résolues pendant la grossesse. Car même s’il est souvent nécessaire de prévoir, nul ne peut connaître l’avenir, et il est difficile de tout envisager avant d’avoir vécu sa nouvelle situation. En effet, l’enfant s’ajustera, tout comme le parent, des dispositifs, matériels ou autres, pourront se mettre en place alors qu’ils n’étaient pas prévus initialement. Un déménagement dans un logement plus adapté, un matériel grand public qui

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finalement convient, l’aide d’un tiers, un nouveau travail avec des horaires plus souples rendant obsolètes les prévisions matérielles qui avaient été faites.

Pour conclure cette partie, je dirai que la question matérielle, bien qu’importante, n’est pas toujours le premier thème qui émerge lors des entretiens. Comme l’a exprimé mon collègue, beaucoup de questions sociales, familiales, professionnelles et bien sûr économiques sont souvent abordées plus spontanément. Mais ces questions sont essentielles pour mettre en place d’éventuelles aides techniques. Une aide, si technique soit-elle, doit être acceptée, installée dans de bonnes conditions pour être utilisée de façon optimale, et bien sûr, elle devra toujours être payée et peut-être, dans l’avenir, financée en partie, ou pas.

D’où l’intérêt d’avoir mis en place ce travail en binôme « assistant social et ergothérapeute » qui permet une vision plus globale de la personne et de sa situation, et de donner une réalité à un conseil purement technique. Notre travail à ESCAVIE n’est qu’un maillon de la chaîne, nous ne prétendons pas accompagner seuls les futurs parents, mais c’est avec tous ces professionnels compétents et avec qui nous avons tissés des liens, que nous participons à l’accompagnement de ces personnes dans leur projet de vie.

Franck BERTON

Après ce descriptif bref mais représentatif du travail effectué à ESCAVIE dans le cadre de la parentalité, il nous a semblé nécessaire, malgré une expérience encore ténue dans la prise en compte des mères et couples inscrits dans le projet de donner la vie, d’étayer cet embryon d’expérience par quelques constats qui permettront peut-être d’ouvrir des pistes de réflexion, car tout ou presque dans le thème abordé aujourd’hui reste à inventer.

8. Interdisciplinarité toujours, interdisciplinarité e ncore

Oui, encore nous dira-t-on, comme s’il s’agissait de l’arlésienne, ce mélodrame en trois actes d’Alphonse Daudet et qui a donné son nom à une expression devenue célèbre pour dire de quelqu’un ou de quelque chose, que l’on en parle beaucoup, mais qu’on ne la voit jamais venir.

Et pourtant l’interdisciplinarité dans le cadre de la parentalité est une approche fondamentale car ce mode de travail suppose un dialogue, l’échange de connaissances, d’analyse et de méthode entre plusieurs disciplines et donc un enrichissement mutuel.

Cette posture professionnelle est donc essentielle à plusieurs niveaux :

• au niveau de notre CICAT ;

• au niveau des échanges avec les membres de notre réseau informel qui, pour la plupart, font partie du groupe de travail "graine de parentalité" évoqué par M. Poirier lors de l'ouverture de cette journée.

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Un travail en binôme

En ce qui concerne ESCAVIE, l'intervention conjointe d'une ergothérapeute et d'un assistant social permet un large travail d'évaluation et donc de pertinence des orientations et des préconisations. Le hasard ayant fait que ce binôme soit constitué d'une femme et d'un homme permet, c'est un constat, de plus en plus aux pères valides de s'inscrire plus aisément dans le cadre de l'entretien avec des questions qui leur sont spécifiques. Ce travail en binôme a l'avantage d'offrir à la personne le choix de son interlocuteur privilégié mais aussi de permettre rapidement une circularité de la parole dans le cadre de l'entretien favorisant ainsi une boucle d'amélioration dans la collecte des données. Cette forme de travail est, paradoxalement, à la fois chronophage et extrêmement efficace. Chronophage car elle mobilise deux techniciens le temps d'une rencontre ; efficace car notre expérience tend à montrer que la plupart du temps un entretien suffit pour que les personnes ou les couples aient suffisamment d'éléments à leur disposition. C'est la vocation d'un CICAT que de faire un temps carrefour pour conseiller et orienter.

Pour 2009, dans une logique d'amélioration et au vu du nombre de thèmes abordés en entretien, des comptes rendus seront systématiquement adressés aux personnes afin qu'il reste de cette rencontre dans le temps un élément écrit qui leur appartienne et qu'elles pourront d'ailleurs utiliser ou pas lors de rencontres avec d'autres professionnels concourant à la réalisation harmonieuse de leur projet de vie.

9. Un travail partenarial

Si la notion d'interdisciplinarité est nécessaire dans le cadre d'un entretien parentalité à ESCAVIE, elle l’est tout autant avec les partenaires extérieurs bien souvent plus expérimentés que nous et qui interviennent aussi bien dans l'avant, le pendant et l'après. Il nous arrive par exemple ponctuellement, si la maman a besoin d'un suivi spécifique lié à son handicap, de la guider vers une structure qui prendra en compte à la fois sa grossesse et sa situation de handicap (ex : Institut Mutualiste Montsouris, Institut de Puériculture de Paris ou encore l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière).

Cette approche n'implique pas que les professionnels doivent "cerner" la personne qui est de fait maîtresse de son projet de vie. Ils se doivent d'être simplement des relais coordonnés, postulat nécessaire à une véritable prise en compte et "non en charge" des parcours individuels, afin que ceux-ci ne deviennent pas des parcours du combattant.

Cela permet de surcroît de dégager une vision holistique de la personne qui, autant que faire se peut, nous permettra d'éviter les écueils d'une pluridisciplinarité linéaire, c'est-à-dire où chaque acteur de l'avant, du pendant et de l'après grossesse interviendrait avec ses propres filtres personnels, professionnels et institutionnels, sans nécessairement communiquer avec les autres. La personne risquerait alors d'être renvoyée à un morcellement au sein duquel il lui serait difficile de vivre confortablement et pleinement les différentes étapes de ce moment de vie mais aussi de se projeter dans l'avenir de manière cohérente et continue.

10. Conclusion

Tout bien réfléchi, au terme de cette intervention et dans un contexte de constante mutation au sein de nos institutions, on pourra peut être nous reprocher d’avoir tenu un discours de l'idéal qui

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pourrait être aussi un discours de l'illusion. A cela, nous répondrons que l'idéal d'aujourd'hui peut devenir la réalité de demain et ceci dans le respect des principes d'égalité citoyenne et de participation édictée par la loi du 11 février 2005.

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Questions de la salle

Samuel VALENTI

Avant de poser une question au Docteur Gilbert, je souhaite remercier et féliciter Franck Berton et Marie Ladret pour leur intervention, leur travail quotidien autour des questions liées à la parentalité et plus généralement leur engagement en matière de prise en compte des besoins et des apports de solutions aux personnes handicapées. Je souhaitais également remercier le Docteur Gilbert et l’assurer que nous ne lui tendions pas un piège en lui demandant d’envisager la question de la parentalité sous l’angle législatif. Ces journées s’inscrivent en effet dans une perspective d’échange de pratiques et dans une logique constructive. Vous avez indiqué qu’un décret était en gestation. Quel sera son contenu et quel est le calendrier envisagé ? Par ailleurs, pouvons-nous espérer une intégration dans la PCH des possibilités de prise en charge financière ?

Pascale GILBERT

En ce qui concerne la PCH, un projet de décret a été soumis au CNCPH il y a quelques mois. A notre connaissance, il est en stand by. Divers problèmes se posent en effet. En effet, l’ouverture d’un quota d’heures d’aide humaine dans le cadre de l’aide à la parentalité pose la question du contenu. Nous ne savons pas comment se fera l’évaluation des besoins de compensation dans ce cadre. Nous engrangeons un certain nombre d’expériences afin d’apporter un appui aux équipes chargées de la mise en œuvre, à savoir les unions départementales des handicapés.

Les besoins d’aide humaine vont être conditionnés aux différentes solutions environnementales et techniques existantes ainsi qu’à l’organisation familiale. Ces problématiques doivent être prises en compte dans le plan personnalisé de compensation. Une articulation doit en outre être trouvée avec les SAMSAH qui pour l’instant n’ont pas encore réellement investi la question de la parentalité. ESCAVIE a un rôle d’appui important à jouer auprès d’autres instances intervenant auprès de personnes handicapées sans être spécialisées dans le domaine de la parentalité. Les réponses sont multiples. La prestation financière de solvabilisation d’un certain type d’aides n’est pas l’unique solution. D’autres scénarii peuvent être envisagés.

Samia ENJELVIN

Je souhaite rebondir à votre remarque concernant le droit commun. Celui-ci ne reconnaît pas le statut de mère handicapée. Nous pouvons le mesurer au travers des prestations. Dans mon cas, l’allocation adulte handicapée réduit la part des allocations familiales que je perçois. Par exemple, je ne bénéficie pas des bons de vacances et le montant de mon allocation APL est très peu élevé. Je pense que si je n’avais pas été handicapée, j’aurais perçu une allocation plus élevée. Notre statut de parent handicapé n’est pas reconnu.

Pascale GILBERT

Il me paraît difficile de vous répondre les prestations sociales étant liés aux conditions de ressource.

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Samia ENJELVIN

L’une de mes amies valides a également 4 enfants et des ressources quasi-similaires à celle de notre famille. Elle perçoit des allocations d’un montant plus élevé que moi.

Pascale GILBERT

Les éléments de comparaison que vous me fournissez sont insuffisants pour que je puisse me prononcer. L’AAH est comptabilisée comme une ressource. Ajoutée au salaire de votre mari, elle contribue à accroître les ressources de votre famille, ce qui expliquerait que vos allocations familiales sont d’un montant moins élevé que celles perçues par votre amie qui sans doute ne travaille pas.

Béatrice IDIARD-CHAMOIS

Vous ne pouvez pas trouver normal que le fait de percevoir l’AAH puisse justifier une baisse des allocations familiales. C’est une discrimination. Par ailleurs, l’aide humaine est construite sur la base de facteurs de gériatrie. A quoi servent les ergothérapeutes dans les centres de rééducation ? Les handicapés ne peuvent bénéficier d’aides domestiques pour le ménage ou les courses. Un plafond de 250 euros est également fixé en matière de transport. Les camions ne sont en outre pas équipés pour transporter le bébé et son parent handicapé. Trouvez-vous normal et non discriminatoire que les personnes handicapées soient obligées de rendre des comptes sur les allocations perçues au titre de leur handicap ? Les allocations rentrée scolaire ou les allocations familiales ne sont elles pas soumises à condition. Enfin, s’agissant des personnes malvoyantes ou aveugles, la PCH n’apporte rien de plus par rapport à l’ACTP (allocation compensatrice tierce personne) et AFP (allocation frais professionnels) Le forfait sourd est en revanche un progrès de la nouvelle loi. Toutefois, les frais d’interprétariat sont très lourds. Comment parler de la parentalité lorsque la souffrance et les manques sont si importants dans la vie quotidienne ? Pourquoi les MDPH ne prennent pas en charge la question des logements ? J’aimerais que ces instances s’investissent davantage. Encore une fois c’est une affaire de politique.

De la salle

Lorsque les futurs parents sont reçus pour évoquer leur projet parental, nous prenons la mesure de leur ignorance en ce qui concerne les aides dont ils peuvent bénéficier. Force est de constater qu’il demeure de véritables incohérences dans la politique à l’égard des handicapés. Les adultes handicapés qui s’engagent dans le chemin de la parentalité ont un parcours exemplaire. Béatrice a soulevé de nombreux problèmes qui mériteraient d’être formalisés par écrit.

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De la salle

En tant que personne handicapée et responsable de la mission handicap de la ville de Malakoff, je pourrai prolonger le témoignage de Béatrice d’une vingtaine de minutes. Je déplore réellement que l’aide humaine n’inclue pas le ménage et les courses. En effet, pour un salarié en fauteuil roulant pouvoir faire nettoyer ses vitres ou porter ses packs d’eau est loin de la notion de confort. Par ailleurs, j’aimerais savoir si ESCAVIE est susceptible d’intervenir au domicile de la personne handicapée. Le cas échéant, les équipes ESCAVIE pourraient-elles intervenir avec les équipes d’évaluation de la MDPH ? En effet, j’ai le sentiment que vous pourriez fournir de nombreuses informations dans le cadre de l’élaboration du projet de vie. Enfin, est-il envisageable de mobiliser les aides exceptionnelles grand public permettant d’acheter du matériel de puériculture dans le cadre de la PCH. ?

Franck BERTON

Pour l’instant nous recevons les parents dans les locaux d’ESCAVIE dans le cadre d’une information-conseil et n’avons pas reçu de mandat particulier des MDPH. Concernant la prise en charge du matériel de puériculture, j’ai rappelé précédemment qu’il n’existait pas de couverture financière particulière. Nous conseillons par conséquent aux parents handicapés de solliciter un financement traditionnel via le CCAS ou le CE de leur entreprise. Nous nous situons au croisement de plusieurs législations et devons en mesurer toutes les ramifications et les contradictions qu’elles présupposent. A mon sens, la loi du 11 février 2005 a le mérite d’exister. Comme tout remaniement législatif d’envergure, il doit parvenir à maturation, sachant que le travail de réflexion est amorcé. Les MDPH ont rencontré d’énormes difficultés dans sa mise en place. Nous devons à présent veiller à ce que la réponse apportée à la parentalité soit de qualité. Enfin, en ce qui concerne le logement, il convient de noter qu’en Ile-de-France le taux de rotation en matière d’habitat social est pratiquement nul. Si ce sujet dépasse le cadre de la parentalité, il est révélateur des difficultés que nous rencontrons aujourd’hui.

Marie LADRET

ESCAVIE fait partie d’équipes techniques labélisées auprès des MDPH dans plusieurs départements. Un logement mal adapté constitue un sur-handicap pour un parent handicapé. Toutefois, les délais d’intervention sont rarement compatibles avec ceux d’une grossesse. En effet, les parents viennent généralement nous rencontrer au cours du dernier trimestre de grossesse. En 6 mois, il est difficile de trouver un logement adapté ou de réaménager une salle de bains ou un accès extérieur.

Pascal GILBERT

En ce qui concerne la question de l’éligibilité à la prestation de compensation, il me semble important de distinguer les variables permettant de déterminer le périmètre éligible et fondées sur 19 activités issues de la CIF et non de la grille AGIRC de l’aide humaine effectivement réservée aux actes essentiels. Un débat est en cours quant à l’ouverture de la prestation de compensation aux activités domestiques. Pour l’instant, le dossier n’a pas encore abouti.

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Par ailleurs, une réflexion a été lancée sur la question du transport. Nous rencontrons en effet des problèmes de prises en charge croisées. Enfin, en ce qui concerne le logement, il convient de noter que la loi ne date que de 3 ans. Les MDPH investissent progressivement un certain nombre de domaines y compris d’accès au droit mais ne disposent pas de leviers dans ce domaine.

De la salle

Il arrive encore trop souvent que les MDPH nous raccrochent pratiquement au nez sous prétexte qu’ils ne gèrent pas le sujet évoqué. Je peux citer deux exemples en Ile-de-France.

Pascale GILBERT

Quant à moi, je citerai l’exemple d’une MDPH en province qui a mené un travail important avec l’ensemble des bailleurs sociaux du département afin qu’il soit tenu compte de l’inscription au plan personnalisé de compensation dans l’établissement des listes de priorité.

De la salle

Qu’en est-il des circulaires cadres qui suspendent les droits en termes d’aide à la parentalité quand les parents ont une pension d’invalidité, une AAH ou une AES pour les enfants ou perçoivent des indemnités journalières ? Par ailleurs, un adulte déclaré invalide ne peut pas exercer son libre choix en termes de congé parental. Un handicapé en AAH peut bénéficier du libre choix du mode de garde ce qui n’est pas le cas lorsqu’il perçoit une pension d’invalidité. N’y voyez-vous pas matière à discrimination ?

Pascale GILBERT

Les règles d’octroi des prestations de la CAF sont décidées au niveau de cet organisme. En effet, les actions sociales des caisses sont considéré comme extralégales et ne relèvent pas à des droits à prestations automatiques. Si vous estimez que certaines pratiques sont discriminatoires, il vous revient d’interpeller ces instances. Je doute cependant que les critères d’utilisation déterminés par les conseils d’administrations des CAF revêtent un caractère discriminatoire.

De la Salle

L’interlocutrice précédente dénonçait le désengagement de la CNAF en ce qui concerne les techniciennes d’intervention sociale et les transports au motif que la PCH couvre ces besoins en matière de parentalité. Or les activités domestiques ne font pas partie du périmètre de la PCH. Le décret sur la parentalité n’est en outre pas encore paru. Nous dénonçons les tarifs et plafonds des différents éléments de la PCH qui ne correspondent pas aux coûts réels déboursés par les familles. Peut-être pourrions-nous réfléchir à l’élargissement des aides à la parentalité au titre des aides techniques et des charges spécifiques dans un groupe de travail placé sous l’égide de la CNSA ?

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Pascale GILBERT

Il me semble important de préciser que la définition des aides techniques telle qu’elle figure dans le décret diffère de celle que j’ai mentionnée précédemment. La différence de prix entre un objet de base et un objet d’utilisation courante présentant une fonctionnalité particulièrement adaptée à une personne et lui permettant de faire face à une limitation d’activité peut être pris en charge au titre de l’aide technique. Les MDPH éprouvent cependant des difficultés à affecter ce surcoût. Il est par conséquent important que les évaluations précisent pourquoi un objet est préconisé et le surcoût qu’il représente. L’ergothérapeute du CNSA travaille actuellement sur le logement d’une part et les outils d’aide à la préconisation pour les MDPH. Dans ce cadre, nous pourrions faire le lien avec les travaux menés par ESCAVIE.

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Du carrefour des problématiques aux expériences novatrices

Modérateur : Professeur Hervé FERNANDEZ Professeur des universités & praticien hospitalier

Service de gynécologie obstétrique du professeur René Frydman – CHU Antoine Béclère

Samuel VALENTI

Vous avez sans doute remarqué que cette manifestation était placée sous le haut patronage de Patrick Gohet, délégué interministériel aux personnes handicapées. Il nous a fait parvenir un texte de soutien que je vais vous lire :

« Le 11 février 2005 était promulguée la fameuse loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation à la citoyenneté des personnes handicapées. C’est à une véritable révolution culturelle et institutionnelle que ce texte fondateur nous invite et nous convie. En premier lieu, la loi affirme qu’il y a deux causes à la production du handicap : les incapacités qu’une personne peut connaître du fait des déficiences dont elle est porteuse d’une part et l’inadaptation de son environnement sous toutes ses formes d’autre part. Logique et ambitieuse, la loi nouvelle entend répondre à ces deux facteurs engendrant le handicap. Elle le fait au moyen de la compensation en ce qui concerne les incapacités et par l’accessibilité pour répondre à l’inadaptation de l’environnement.

Le législateur de 2005 a tenu compte des leçons de la précédente législation, celle du 30 juin 1975, d’orientation en faveur des personnes handicapées. En effet, il a observé que, à défaut d’échéance et de contraintes, nombre des objectifs arrêtés à l’époque n’avaient pu être atteints. Ainsi, il a voulu que la prestation de compensation soit élargie aux enfants handicapés dès 2008, que la barrière d’âge de 60 ans disparaisse en 2010, que tout ce qui accueille et transporte du public soit rendu accessible au plus tard au début de l’année 2015. La loi nouvelle va encore plus loin. Elle met en place un réseau d’accueil, d’écoute et de construction des réponses adaptées aux besoins de chacun en créant les Maisons Départementales des Personnes Handicapées et en renforçant la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie. De surcroît, elle associe les citoyens concernés à la gouvernance de ces MDPH et de cette CNSA.

Incontestablement, cette loi nouvelle est une loi de société et de progrès. A l’évidence, elle n’a pas encore produit tous ces effets, tant s’en faut. Je suis convaincu que vos réflexions d’aujourd’hui contribueront à notre marche en avant. Tout d’abord, en tenant compte de la reconnaissance par la loi nouvelle de la diversité des handicaps. Aujourd’hui, vous allez traiter essentiellement des déficiences motrices, auditives et visuelles. Par ailleurs, pour les personnes concernées, vous allez traiter d’un droit et d’une aspiration essentielle, être parent. S’il s’agit d’un désir – sans doute le plus grand – il est aussi question de l’exercice d’une responsabilité. Le droit et la possibilité d’être responsable, voici l’une des plus grandes et des plus belles aspirations de l’être humain. Ceci étant, l’exercice d’une telle responsabilité et l’accomplissement d’un tel désir sont pour certains d’entre nous difficiles. Il en est ainsi pour les personnes handicapées. Il appartient à la solidarité collective

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de leur apporter les moyens d’y parvenir. Pour sûr, lorsqu’il s’agit de parentalité, l’accompagnement est bien la réponse appropriée. Je ne doute pas que vos travaux aboutiront à des propositions précises, concrètes et adaptées dont je prendrai connaissance avec le plus grande intérêt. Je vous souhaite des réflexions fructueuses et vous assure de mon écoute attentive ».

Nous répondrons évidemment à son appel à lui faisant parvenir un dossier complet sur la manifestation d’aujourd’hui afin d’envisager s’il en est toujours disposé toutes les perspectives de travail qui s’offriront à nous dans les jours prochains.

Professeur Hervé FERNANDEZ

Je suis ravi d’être parmi vous. En mai 2009, j’aurai la chance d’inaugurer une structure de gynécologie-obstétrique dans les nouveaux locaux de l’hôpital du Kremlin-Bicêtre. J’espère que les travaux de rénovation qui ont été menés permettront à ceux et celles d’entre vous qui auront besoin de nos services d’être accueillis dans les meilleures conditions.

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Parents et professionnels : de la communication au partage

Françoise GALIFFET, Assistante sociale, Hôpital de la Pitié Salpêtrière

Je vais évoquer la problématique des patients sourds en commençant par retracer la manière dont nous avons conçu ce projet d’accompagnement. Il me paraît en effet essentiel que vous compreniez la dynamique dans laquelle s’est inscrite notre projet.

Pour les personnes sourdes, l’accès au soin se résume à des pratiques quotidiennes limitées : quelques mots griffonnés sur un papier ou lus sur les lèvres ou encore un membre de la famille comme intermédiaire. Des notions élémentaires telles que la confidentialité, le consentement éclairé et le fait que le patient soit acteur de ses soins ne peuvent être mises en œuvre. Les sourds sont par conséquent une population mal soignée. Les causes sont nombreuses : déni, malaise des professionnels et des patients ou ignorance. Une partie de la population se trouve même en situation d’exclusion. Les vecteurs d’information et de prévention en matière de santé sont rarement adaptés à ce type de public.

On dénombre 4 millions de personnes présentant une déficience auditive en France, pour autant il s’agit d’une population particulièrement hétérogène qui présente des besoins et des modes de vie très variés. Les enjeux de communication se révèlent plus ou moins cruciaux selon les circonstances. Par conséquent concernant la thématique d’accès aux soins, il paraît plus pertinent de faire référence au statut socioculturel du patient et de chercher à établir une communication optimale. Les pratiques langagières vont des plus communes : français oral, français écrit au plus singulières, langue des signes. 120 000 sourds la pratiquent. C’est cette minorité qui se trouve la plus exclue en matière d’accès aux soins. Les psychiatres sont les premiers professionnels, au cours des années 80, à s’être interrogés sur l’introduction de la langue des signes dans les consultations. Ces initiatives sont restées expérimentales. Dans les années 90, avec l’épidémie de SIDA, le public sourd a pris conscience de son isolement en termes de prise en charge médicale. Une première expérience a été menée en 1995 avec l’ouverture d’une consultation médicale et sociale en langue des signes. Les résultats étant encourageants, la Direction des Hôpitaux a pris la décision de créer, au cours de l’été 1996, la première unité de soins en langue des signes. Il s’agissait de rétablir l’égalité d’accès aux soins en garantissant une relation indépendante avec les soignants, la compréhension réciproque étant la condition de soins de qualité.

Dans ces unités les professionnels sont bilingues afin que le patient ait le choix de la langue des soins. Les équipes sont mixtes, les personnels sourds contribuant à introduire un travail de médiation dans la santé. Des interprètes diplômés complètent les équipes.

L’UNISS (Unité d’Information et de Soins des Sourds, La Salpêtrière) a accueilli un grand nombre de femmes qui ont manifesté le besoin de bénéficier d’un suivi gynécologique et obstétrique. Des femmes plus âgées ont souligné à quel point leur accouchement avait été vécu douloureusement sur le plan psychologique faute de préparation adéquate. Nous avons par conséquent cherché à mobiliser d’autres acteurs afin de pouvoir orienter les femmes vers une maternité spécifique. Il importait en effet que des habitudes de travail se mettent en place. Nous souhaitions centrer les demandes afin de sensibiliser au mieux le personnel et mettre des moyens à disposition des patients sourds. Après quelques années d’expérience, il apparaît que la file active de la maternité est en croissance régulière. D’autres partenariats ont également été mis en place avec une PMI, le monde

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associatif et d’autres structures accueillant des personnes sourdes (écoles, etc.). Je laisse la parole à Sophie Serreau afin qu’elle vous présente l’action de la maternité de la Pitié.

Le film Le Monde du Silence est projeté

Sophie SERREAU, Sage-femme, Hôpital de la Pitié Salpêtrière

Il y a quelques années, à la maternité de la Pitié, sous l’impulsion de l’UNISS (Unité d’informations et de soins des sourds) il a été mis en place avec Jany Duflot et Stéphanie Rameau un accueil pour les futures mamans sourdes. Désormais, une dizaine de salariés de la maternité apprennent et pratiquent la langue des signes. Pour prendre rendez-vous, notre secrétariat met à la disposition des patientes sourdes un numéro de fax, de SMS et une adresse mail et pour les patientes qui n’écrivent pas, un contact direct en LSF (langue des signes française) avec Cécile Pierrot (secrétaire médicale) est possible. Pour les questions d’ordre médical, les patientes ont toujours la possibilité de contacter directement la sage-femme à un autre numéro de SMS ou à une adresse mail spécifique. Autrement, elles n’hésitent pas à passer directement à la maternité les jours où la sage-femme maîtrisant la langue des signes est présente.

Notre objectif est de favoriser au maximum l’autonomie des futurs parents sourds afin d’éviter qu’ils aient recours à une tierce personne entendante. Les patientes que nous recevons sont sourdes à des degrés divers et ont des modes de communication divers. Nous utilisons la langue des signes, le français écrit, la lecture labiale ou le propre code des patientes, souvent étrangères, que nous parvenons à décrypter avec l’habitude et surtout avec l’aide des médiateurs professionnels sourds qui travaillent à nos côtés. Les consultations en obstétrique durent au moins au moins 45 mn et il est indispensable de s’assurer que les patientes ont bien compris toutes les recommandations. Il faut prendre le temps de leur faire sentir les vibrations émises par l’appareil qui écoute les battements du cœur du bébé et expliquer chaque geste avant de les pratiquer. Nous évitons d’utiliser des mots compliqués et nous efforçons de fournir les explications les plus claires possible. Comme les autres futures mères, les femmes sourdes se posent de multiples questions au cours de leur grossesse. Il est important de les rassurer et de les aider à prendre confiance en elle. Les cours de préparation à l’accouchement sont des moments privilégiés où il y a beaucoup d’échanges, de questions et où sont rectifiés certains préjugés.

Nous avons remarqué que les futures mamans sourdes éprouvaient une certaine méfiance à l’égard des services médico-sociaux. Certaines femmes ont peur qu’on ne les croit pas capables d’assumer leur rôle de mère à cause de leur difficulté à communiquer. En réalité, elles ont seulement besoin d’être accompagnées, conseillées dans leur langue et non assistées, sauf exception. Nous organisons ponctuellement des groupes de parole afin que les parents sourds puissent échanger.

Les mamans sourdes sont très attentives aux mouvements de leur bébé dans leur ventre qu’elles décrivent avec énormément de précision. Quelquefois, le manque d’explication peut laisser place à un imaginaire très riche qui peut devenir source d’angoisse. Il nous appartient de les rassurer. Au moment de l’accouchement, les femmes sourdes se recentrent sur leur sens de la vue ou du toucher et se rassurent en posant la main sur le monitoring afin de sentir les mouvements du bébé. Nous

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sommes très attentifs à effectuer les premiers soins du bébé dans la même pièce afin que la maman puisse observer ce que nous faisons. Dans les premiers mois, la communication avec le bébé passe par de nombreux vecteurs : le toucher, les caresses, la tendresse, l’odorat, les échanges de regard, le sourire, la façon de tenir ou de porter son enfant. Dans le cadre des cours de préparation à l’accouchement, Antoine Sterckeman vient faire un cours très apprécié sur le portage.

Les mamans sourdes n’entendent pas nécessairement les pleurs de leur bébé. Elles interprètent ses demandes en observant l’expression de son visage ou ses mouvements. Elles utilisent un code qui passe par le corps. La nuit, elles sont équipées d’un vibreur ou d’un flash lumineux. Souvent, elles posent la main dans le berceau pour sentir le bébé bouger au moment où il se réveille.

La plupart des parents sourds ont des enfants entendants. Les parents signeurs n’hésitent pas à utiliser la langue des signes dès les premiers jours du bébé. C’est en effet leur langue naturelle. Une bibliographie figure dans le dossier qui vous a été remis sur les documents et DVD que nous avons édités en direction des futurs parents sourds. Nous vous avons également remis les adresses des partenaires avec lesquels nous travaillons au sein du réseau périnatalité pour les parents sourds.

Antoine STERCKEMAN, Hôpital de la Pitié Salpêtrière

Je suis médiateur au sein de l’UNISS. En d’autres termes, je crée un pont de communication entre le monde des sourds et le monde médical. Je ne travaille pas directement pour la maternité mais y intervient dans le cadre d’ateliers thématiques. Par exemple, j’organise des ateliers sur le portage où je travaille sur l’interaction et le lien qui se crée entre la mère et le bébé grâce aux écharpes. J’interviens également sur le thème de la procréation médicalement assisté. Il est important d’avoir recours à un médiateur sourd. Les femmes se posent en effet de multiples questions et il convient de s’assurer que la compréhension du patient est totale.

95 % des parents sourds ont un enfant entendant. Dans la majorité des cas se pose la question du positionnement des grands parents qui sont souvent entendant et cherchent parfois à prendre la place des parents sourds. Il est très important de pouvoir discuter du positionnement de chacun au sein de la famille. J’interviens également dans le service de diabétologie lorsqu’il accueille des femmes enceintes. J’explique en effet à ces dernières qu’il n’existe pas de lien entre leur surdité et le diabète. Je leur donne également des éclaircissements médicaux. Un professionnel maîtrisant la langue des signes ne suffit pas. Avec un professionnel sourd, l’identification est possible et rassure les patients.

En conclusion et en tant que professionnel sourd, je voudrais saluer la présence d’interprètes dans le cadre de ce colloque. Je regrette néanmoins de n’avoir pu participer aux groupes de préparation concernant cette journée ou les autres actions de la CRAMIF au même titre que les autres professionnels faute d’interprètes dans ces groupes de travail. Pourrait-on imaginer de refuser que des personnes a mobilité réduite ne puissent pas assister a ces groupes de travail étant donné que la salle de réunion est au troisième étage sans ascenseur ? Je vous laisse réfléchir a cette question.

Isabelle DAVOST-SERIZAY, Puéricultrice, PMI Epée de bois

Nous aimerions vous présenter l’expérience que mène depuis quelques années la PMI de l’Epée de bois en ce qui concerne l’accueil des familles sourdes. Les missions de la PMI sont inscrites au

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Code de la Santé publique. Paris compte 65 centres de protection infantile. 55 000 enfants sont vus en consultations chaque année et 10 000 enfants sont suivis à domicile par les puéricultrices. Les actions proposées sont les suivantes :

• le suivi médical préventif des enfants de moins de 6 ans ; • l’accueil des nouveau-nés à la sortie de maternité ; • les conseils de puériculture ; • les entretiens avec un(e) psychologue ; • les entretiens avec une sage-femme ; • des activités de groupe ; • des animations en salle d’attente en fonction des besoins de la population du quartier ; • l’accompagnement.

Notre centre de quartier est ouvert du lundi au vendredi en continu. Nous avons développé des actions permettant l’accessibilité des activités aux parents sourds. Nous accueillons les parents sans rendez-vous dès les premiers jours suivant la sortie de la maternité afin de répondre à des questions sur l’allaitement par exemple ou les soins à donner au bébé. Afin de répondre aux questions des parents sourds, la puéricultrice et les auxiliaires se sont formées ou se forment à la langue des signes. Nous avons également voulu rendre les consultations de médecine préventive accessibles aux parents sourds. Notre médecin signe et peut par conséquent recevoir les familles sans intermédiaire. Tous les mardi matins, la consultation est réservée aux familles sourdes, ce qui permet aux parents de se rencontrer en salle d’attente. La durée des consultations est de 40 à 45 minutes, les parents ayant peu l’occasion de dialoguer directement en langue des signes avec un médecin. Nous pouvons également proposer aux parents des entretiens avec notre psychologue qui pratique également la langue des signes. Nous pouvons également orienter les parents vers une sage-femme d’une autre PMI qui maîtrise la langue des signes. Enfin, nous avons souhaité ouvrir notre groupe d’accueil parents-bébés aux parents sourds et sommes épaulées par Emmanuelle Bureau qui est éducatrice sourde au CAMSP. Nous avons développé des partenariats dans le cadre des activités mises en place en salle d’attente. Le mardi matin, nous avons mis en place une action avec des bibliothécaires sourds qui dialoguent avec les parents et les enfants autour des livres.

Le centre dispose d’une équipe permanente composée d’une infirmière puéricultrice, de trois auxiliaires de puériculture, d’un agent de service formés à la langue des signes et d’une équipe élargie comptant les médecins assurant les consultations, une psychologue, une sage-femme, une puéricultrice de secteur et une psychomotricienne qui va bientôt rejoindre l’équipe. Des partenariats sont également mis en place avec des bibliothécaires, des conteurs-liseurs et une éducatrice du CAMSP. Notre décision d’accueillir des parents sourds est née de la conjonction de différents facteurs :

• la volonté de l’UNISS de développer des partenariats ; • l’intérêt du service de P.M.I. de Paris pour développer un tel projet ; • l’arrivée d’un médecin de P.M.I. maîtrisant la langue des signes.

La décision a été prise d’implanter le projet à la PMI de l’Epée de bois qui ouvrait à proximité de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.

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Julie CROSSARD, Psychologue, PMI Epée de bois

Notre centre a ouvert il y a plus de 10 ans. Il nous a par conséquent paru intéressant de tirer les leçons de ces années d’expérience. Pendant cette période, des moyens incontournables ont été mis en place :

• la sensibilisation de toute l’équipe à la surdité ; • la formation de toute l’équipe à la langue des signes ; • la mise en place de moyens de communication adaptés (fax, messageries électroniques, SMS) ; • la mise en place de moyens facilitant l’accessibilité du centre (visiophone, signaux lumineux,

aménagement de l’espace et de l’éclairage, etc.) ; • l’adaptation des pratiques (consultations plus longues, utilisation de supports visuels,

constitution de documentations spécifiques « surdité petite enfance »).

Il s’agissait d’adapter nos pratiques tout en ne construisant pas un espace stigmatisant qui aurait pu laisser penser aux parents sourds que les actions mises en place pour eux signifiaient qu’ils étaient de moins bons parents que les autres. C’est la raison pour laquelle nous avons créé les espaces récrés mixtes ouverts sans rendez-vous aux parents sourds et entendants. Une éducatrice sourde assure un pont culturel entre les deux populations et nous aide à rester vigilants quant à la qualité de notre accueil. L’un de nos grands objectifs est la valorisation de la compétence des parents. Nous voulons lutter contre l’infantilisation des parents en leur redonnant leur place et en évitant la présence d’un tiers accompagnant non professionnels. Notre ambition est que les parents sourds aient la possibilité de montrer devant un tiers professionnel qu’ils possèdent les capacités et les compétences pour être parents. Nous essayons de relayer cet accueil des parents dans leur langue dans tous les lieux que fréquente la famille. Lorsque nous avons un interlocuteur au téléphone nous insistons sur l’importance d’accueillir les parents en direct notamment en ayant recours à un interprète professionnel.

Nous avons conscience que notre dispositif est fragile dans la mesure où il repose sur ses acteurs et leur formation. Lorsqu’un professionnel maîtrisant la langue des signes nous quitte, il est très difficile de le remplacer. L’apprentissage de la langue des signes prend du temps. A l’intérieur même de l’institution, nous avons un travail de conviction difficile à mener afin de faire entendre les besoins spécifiques des familles sourdes.

Pour conclure, nous pensons que mettre en place une réponse spécifique pour les parents sourds c’est aussi mettre en place une réponse meilleure pour l’ensemble des familles. Les familles migrantes qui ont un rapport à l’écriture voire à l’oral complexe trouvent chez nous une attention particulière via la communication visuelle. Notre équipe a également gagné en qualité de communication et en dynamique de groupe.

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Question de la salle

Professeur Hervé FERNANDEZ

La question se pose de la pérennisation de systèmes qui dépendent de la volonté de quelques individus impliqués. Nous pouvons espérer que chaque génération donne naissance à des acteurs volontaires. Pour autant, comment s’assurer que la prise en charge se pérennise ?

Françoise GALIFFET

Notre unité est la première à avoir été créée en France. Il en existe désormais treize. Il est certain que l’installation et la pérennisation de ce type de dispositifs reposent sur un petit nombre d’acteurs. Toutefois, en 10 ans, nous avons réussi à mettre en place une action dont la dynamique n’est pas prête de s’arrêter. L’enseignement est un point important du dispositif. Il convient en effet de veiller à la façon dont ces problématiques sont abordées dans les formations initiales. Certaines régions parviennent beaucoup mieux que Paris à développer un travail en réseau et à assurer la pérennisation des structures. Si nous avons été précurseurs, nous avons des difficultés à asseoir les partenariats.

De la salle

Combien de familles suivez-vous pendant l’année ?

Isabelle DAVOST-SERIZAY

Les familles sourdes représent10 % de la file active, soit 80 familles environ.

Professeur Hervé FERNANDEZ

Quelles difficultés principales rencontrez-vous à la maternité de la Pitié-Salpêtrière ? Quels sont les progrès à réaliser et dans quels domaines ?

Sophie SERREAU

Au sein de la maternité, aucun médecin ne pratique la langue des signes. Les consultations se font par conséquent avec un interprète. Les médecins sont néanmoins habitués à recevoir des patients sourds et pensent par exemple à les regarder en face lorsqu’ils s’adressent à eux. Je suis malheureusement la seule sage-femme pratiquant la langue des signes. Je fractionne par conséquent mes vacances en périodes très courtes afin de pouvoir assurer mes consultations sans souci. Il arrive également que l’interprète ne vienne pas à la consultation d’un médecin. Il m’arrive dans ce cas de le remplacer mais je ne suis pas capable de traduire en simultané.

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Professeur Hervé FERNANDEZ

Au fil des années, cette action s’est-elle étendue au-delà des frontières de la maternité ?

Françoise GALIFFET

Au départ, il s’agissait de créer une unité de médecine générale accueillant des patients sourds. La file active représente 800 patients par an. C’est en créant cette unité généraliste que nous avons pris conscience des besoins spécifiques des femmes en matière de gynécologie et d’obstétrique et que nous avons établi un partenariat avec la maternité de la Pitié. L’UNISS aborde des problématiques de santé beaucoup plus larges.

En ce qui concerne les problèmes que nous rencontrons actuellement, une majorité de praticiens s’accordent à dire que l’accessibilité de l’hôpital à tous les publics handicapés passe par une revalorisation des actes de soins en fonction de leur complexité. La durée des consultations destinées aux patients sourds est par exemple beaucoup plus importante et doit pouvoir être prise en compte.

Professeur Hervé FERNANDEZ

Vous soulevez un point très important. Il convient en effet que le personnel soit en nombre suffisant pour faire face aux charges.

Samia ENJELVIN

L’intégration des personnes sourdes passe par la langue. Or l’apprentissage de la langue des signes reste très coûteux. Ne serait-il pas possible de nouer des partenariats avec des associations qui proposeraient gratuitement des cours aux personnes de bonne volonté ?

Antoine STERCKEMAN

L’enseignement de la langue des signes n’a jamais été gratuit et ne le sera sans doute jamais. Il est normal que les professeurs soient rémunérés. En revanche, il est normal que l’Etat via les MDPH et d’autres institutions prenne en charge les cours. Par ailleurs, je voulais dire qu’il me semblait très important que les médecins parviennent à opérer le distinguo entre la surdité du patient et ce qui l’amène à consulter.

Julie CROSSARD

Au-delà du coût d’apprentissage de la langue des signes, se pose également la question de la pertinence du projet. En effet, lorsque l’apprentissage ne résulte pas d’un projet professionnel ou personnel, la langue des signes n’est pas pratiquée régulièrement et se perd rapidement. Par ailleurs, nous nous interrogeons également beaucoup sur les actions à mettre en place en directions des parents migrants sourds qui ne parlent pas la langue des signes française et ne lisent pas en français et n’ont pas les moyens de financer une formation pour apprendre la langue des signes.

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De la salle

L’école psychopédagogique forme depuis plusieurs années des éducateurs spécialisés sourds. Ce projet me paraît très intéressant mais ne concerne malheureusement pas encore le secteur préventif et curatif. A votre connaissance, y a-t-il des professionnels du soin ou des professionnels paramédicaux ou psychologue qui sont sourds eux-mêmes ?

Julie CROSSARD

Je connais au moins deux psychologues sourdes. Toutefois, il ne faut pas négliger le fait que l’accès à l’écrit et aux études demande des efforts particuliers pour les personnes sourdes.

Françoise GALIFFET

Lorsque l’UNISS a été créée, la formation des aides soignantes a été ouverte aux personnes sourdes. De nombreux obstacles ont dû être abattus afin qu’une personne sourde puisse accéder à la fonction soignante. Il n’existe encore pas de formation labellisée en direction des infirmières. Une ou deux infirmières sourdes ont cependant réussi à valider un cursus ordinaire.

De la salle

Je voulais témoigner de la situation des ergothérapeutes sourds. J’ai le sentiment que, jusqu’en 2005, les médecins refusaient de signer les certificats médicaux qui permettaient à des étudiants sourds d’accéder à certaines professions. Cette année, j’accueille une étudiante sourde qui a obtenu son baccalauréat avec la mention « très bien » et a dû batailler pour obtenir le certificat médical lui permettant de suivre la formation d’ergothérapeute. J’espère que la loi de 2005 fera des vagues, dans le sens positif du terme, dans le milieu médical. En effet, il me semble très important que les médecins puissent réfléchir à une meilleure intégration de toutes les personnes handicapées dans les études paramédicales. En accueillant cette étudiante sourde, je me suis rendu compte que certains cours se prêtent moins que d’autres à la lecture labiale. Nous avons adapté notre enseignement grâce aux fonds de l’enseignement supérieur. Toutefois, nous devons multiplier les démarches dès qu’un investissement nouveau doit être consenti. Je pense par exemple à la prise en charge financière par les MDPH du surcoût lié à l’achat d’un ordinateur plus performant. Nous allons élaborer une communication destinée à l’ensemble des instituts paramédicaux afin de témoigner de notre expérience. En effet, force est de constater que très peu nombreux sont malheureusement les étudiants handicapés à accéder aux formations paramédicales.

De la salle

Sur 100 étudiants handicapés accédant aux études supérieures, seuls 10 % sont sourds.

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De cycle en rythme, accompagner la parentalité, un travail en réseau nécessaire

Henri COHEN, Directeur de l’Institut Mutualiste Mon tsouris

C’est l’embauche de Béatrice qui a été à l’origine de notre action. Je savais qu’elle était atteinte d’un handicap, lequel n’était pas particulièrement visible au moment où je l’ai embauchée. La maladie dont elle souffre a entraîné plusieurs handicaps plus ou moins visibles. Au sein du département mères-enfants, elle constitue un exemple de force et de volonté qui nous a conduits à une très grande ouverture d’esprit. Sa présence a rendu nécessaire la prise en charge de handicaps qu’au départ nous ne connaissions pas. Pour les valides, les handicaps sont des mondes à part qu’il est très difficile de percevoir et d’appréhender de façon sensible. Un livre m’a ouvert les yeux : le cri de la mouette d’Emmanuelle Laborit. Je me suis rendue compte que les sourds avaient leur monde et leur vie propres qui pouvaient être totalement à part de ceux des entendants. Notre action est fragile car elle repose sur un petit nombre d’acteurs. Madeleine Azarian qui n’est pas handicapée mais enceinte, ce qui est peut-être une façon d’appréhender le monde du handicap, accompagne Béatrice et je l’espère prolongera le plus longtemps possible son travail. Je leur laisse la parole afin qu’elles vous présentent notre action.

Béatrice IDIARD-CHAMOIS, Sage-femme, Institut Mutualiste Montsouris

Bernadette Soulier qui est médecin sexologue a écrit : « le sentiment d’amour et l’envie d’échanger de la tendresse, le désir de vivre des relations sexuelles et de fonder une famille sont les mêmes pour une personne qu’elle soit valide ou handicapée ». L’article 7 de la loi du 11 février 2005 dispose que « Les professionnels de santé et du secteur médicosocial reçoivent, au cours de leur formation initiale ou continue, une formation spécifique concernant l’évolution des connaissances relatives aux pathologies à l’origine des handicaps et les innovations thérapeutiques, technologiques, pédagogiques, éducatives et sociales les concernant, l’accueil et l’accompagnement des personnes handicapées, ainsi que l’annonce du handicap ». L’article L. 111-7-1 prévoit en outre que « Les dispositions architecturales, les aménagements et équipements intérieurs et extérieurs des locaux d'habitation, qu'ils soient la propriété de personnes privées ou publiques, des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des lieux de travail doivent être tels que ces locaux et installations soient accessibles à tous, et notamment aux personnes handicapées, quel que soit le type de handicap, notamment physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique ».

1. Le matériel

Depuis 2 ans, l’IMM a mis en place un accueil pour les patients handicapés. Nous avons acquis un certain nombre d’équipements et le personnel a bénéficié de formations. Si le docteur Azarian et moi-même sommes les deux interlocutrices référentes, tout le service est impliqué dans notre action. Nous assurons une prise en charge globale, c’est-à-dire à la fois sociale, matérielle et médicale. Nous avons acquis une table d’examen gynécologique qui me permet d’examiner les patientes depuis mon fauteuil roulant mais est également accessible aux futures mamans souffrant d’un handicap moteur. Nous disposons également d’un matelas anti-escarres avec moteur et d’une table à langer réglable en hauteur. Nous avons installé dans la chambre adaptée une chaise pliante

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avec bras releveur qui facilite les transferts latéraux. Nous disposons également d’un rehausseur de toilettes fixe et d’une chaise balance qui facilité grandement les transferts.

2. Les patientes

Les patientes que nous avons reçues présentaient les handicaps suivants :

• 5 patientes atteintes de handicap moteur (3 Médullaire, 2 poliomyélites)

• 1 patiente amputée (2 bras)

• 5 patientes atteintes de handicap visuel (maladie de Leber, cataracte congénitale, glaucome congénital).

• 1 patiente dont le conjoint était atteint d’un handicap visuel (glaucome)

• 5 patientes atteintes de handicap auditif

• 1 patiente atteinte toxique MI post APD

• un contact extérieur 3 patientes handicapées moteur (myopathie des ceintures, SLA type 3, IMC pour conseils avant grossesse)

• Avec l’AMP un couple avec handicap moteur venant de province, un couple dont la femme est handicapés moteur, un couple dont la patiente été atteinte d’une déficience visuelle, et un couple atteint de surdité avec handicap moteur.

3. Les couples

En ce qui concerne le handicap moteur, 85 % des conjoints ne sont pas eux-mêmes en situation de handicap. 61 % des patientes ne travaillent pas par choix ou par obligation. S’agissant du handicap visuel, 71,5 % des conjoints ne sont pas en situation de handicap et 50 % des patientes ne travaillent pas. Enfin, en ce qui concerne le handicap auditif, 83,5 % des conjoints présentent également une déficience auditive. 50 % des patientes ne travaillent pas.

Juliette GALLIOT, Assistante sociale, Institut Mutualiste Montsouris

Je travaille plus particulièrement auprès des patientes de la maternité. J’ai pu accompagner des couples et des mamans en situation de handicap et ai pu constater les difficultés cumulées que rencontraient ces personnes. Ces dernières sont d’abord d’ordre financier. Bien souvent les patientes handicapées ne travaillent pas et perçoivent de faibles ressources. L’AAH s’élève en effet à 652 euros mensuels. Les solutions proposées dans la cadre de la prestation de compensation ne sont pas toujours adaptées et adéquates. Nous sommes également confrontées à des patients qui rencontrent des difficultés financières dans la prise en charge financière des soins, la prise en charge à 100 % n’étant pas toujours mise en place par le médecin. Les patientes sont confrontées

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également à des difficultés de logement. Le DALO peut être sollicité mais nous n’obtenons que très rarement un retour positif. Le suivi de grossesse est en outre rendu difficile pour les patientes en situation de handicap du fait de l’accessibilité réduite sur le plan matériel des soins. Ces dernières sont également souvent confrontées à l’accueil réticent des professionnels. Elles connaissent également des difficultés en termes de transport. Ce cumul des difficultés rend difficile le parcours de parentalité de ces personnes. Nous nous efforçons d’y faire face quand bien même nous sommes sans cesse confrontées à des limites institutionnelles et juridiques. C’est la raison pour laquelle un fonctionnement en réseau est particulièrement utile.

Docteur Madeleine AZARIAN-NAZAC, Médecin gynécologue obstétricien, Institut Mutualiste Montsouris

Il me semblait important de montrer qu’il était possible, dans une maternité de niveau 1, de faire du bon travail auprès des handicapés et que notre action n’était pas si difficile que cela à mettre en œuvre. Nous nous efforçons tout d’abord de faire en sorte que la consultation intervienne le plus tôt possible au cours du premier trimestre. Une fois le premier contact établi avec la sage-femme nous nous efforçons de suivre la patiente en alternance. Je me focalise essentiellement sur l’aspect médical et m’efforce de dépister les éventuels problèmes médicaux interférant qui pourront survenir au cours de la grossesse. A l’issue de la première consultation, nous réalisons une évaluation à la fois sur le plan médical et social. Béatrice se charge ensuite de contacter les différents intervenants qui nous épaulent dans la prise en charge des patientes, à savoir l’assistante sociale, les MDPH et les services externes tels qu’ESCAVIE et le SPPH de l’IPP. Elle établit également une fiche de situation du handicap qui est glissé dans le dossier obstétrical afin que les différents professionnels puissent évaluer la patiente sans la connaître. Ce document les renseigne sur le degré de handicap de la patiente. Très concrètement, il est précisé si la patiente est capable de se nourrir seule, si elle a besoin d’aide pour s’habiller ou encore si elle doit être épaulée lors des transferts. La prise en charge multidisciplinaire nous paraît fondamentale, à la fois avec les autres médecins spécialistes mais également à l’intérieur même du service. C’est la raison pour laquelle nous organisons très régulièrement des staffs avec les différents membres de l’équipe, une meilleure connaissance des dossiers permettant de limiter les appréhensions de l’équipe vis-à-vis de certaines patientes.

Généralement, la durée des consultations des patientes ne présentant pas de handicap est de un quart d’heure. Il est très difficile d’obtenir du temps supplémentaire de consultation. Or les problèmes médicaux interférents d’une patiente handicapée moteur sont nombreux :

• la prévention des infections urinaires ; • les problèmes d’escarres ; • les problèmes respiratoires ; • la prévention thromboembolique grâce au port de bas de contention ; • les problèmes de spasticité nécessitant des modifications de traitement ; • le risque d’HRA ; • les complications orthopédiques ;

• les troubles associés (épilepsie, troubles visuels, etc.).

Je m’efforce de renseigner les patientes sur les modifications corporelles liées à la présence du bébé et leur explique comment percevoir les mouvements actifs et les contractions. Parfois, nous

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recevons des patientes dont l’inscription a été refusée dans une autre maternité ce qui induit un problème de prise en charge. Il convient également de noter que les cours de préparation à l’accouchement sont difficiles à mettre en place pour les patientes handicapées moteur. C’est la raison pour laquelle nous travaillons avec un réseau de sages-femmes libérales qui interviennent au domicile des patientes. En fin de grossesse se pose la question de la voie d’accouchement sachant que la césarienne n’est absolument pas automatique. Pour les patientes handicapées moteur, il est très important qu’un bilan neurologique soit réalisé avant l’accouchement, les lésions étant susceptibles d’évoluer en cours de grossesse. La syringomyélie est la principale contre-indication à la voie basse. Nous vérifions également les problèmes orthopédiques et l’atteinte du bassin. La péridurale est préférée à la rachi anesthésie. L’allaitement n’est aucunement contre-indiqué. Nous vérifions que les traitements prescrits ne sont pas incompatibles et prenons en compte la motivation de la patiente. Pour l’instant, toutes les patientes que nous avons suivies ont préféré arrêter les traitements contre-indiqués le temps de l’allaitement. Nous nous efforçons également de réaliser la visite du post-partum au cours de laquelle nous avons souvent à gérer des problèmes administratifs en ce qui concerne l’obtention des mi-temps thérapeutiques.

En conclusion, je voudrais dire quelques mots de l’hyper réflexie autonome (HRA) qui est un risque important chez les patientes handicapées motrices. Elle se définit comme une réponse végétative massive à une stimulation nociceptive sous lésionnelle dans les atteintes supérieures à T6. Une infection urinaire, une escarre ou un simple toucher vaginal déclenche une réponse parasympathique majeure engageant le pronostic vital. Le traitement devant être immédiat, il est important de savoir reconnaître les signes (fourmillements, sueurs, érythème facial, sensation de chaleur, céphalées, HTA, mydriase, anxiété, bradycardie, pilo-érection) et s’attacher à supprimer tout ce peut constituer une épine irritative. Au moment de l’accouchement, la péridurale constitue un excellent moyen de prévenir ce phénomène. Il importe d’avoir le réflexe de placer la patiente en proclive et éventuellement lui administrer de la nifedipine en sublingual.

Béatrice IDIARD-CHAMOIS

S’agissant des handicaps sensoriels, j’utilise pour les échographies des calques thermoformés au format A4 mis au point par le service périnatal parents handicapés de l’IPP associés à une description détaillée de l’échographie en cours d’examen. Pour les patientes sourdes, j’accompagne l’échographiste et utilise la langue des signes. Une visite de l’hôpital est également très importante afin de rassurer les patientes. Enfin, nous proposons un conseil génétique aux patientes qui le souhaitent.

J’ai commencé cette année les cours de préparation à l’accouchement en langue des signes. Dans le cadre des cours de préparation à l’accouchement classique, j’accompagne les patientes présentant un handicap visuel. Il est très important de ne pas décider ni parler à la place des patientes sourdes.

En ce qui concerne la voie d’accouchement et les suites de couche, il est important d’être attentif à la fonction visuelle restante en cas de malvoyance. Sur avis des équipes ophtalmologiques, l’accouchement se fait par césarienne afin d’éviter les efforts expulsifs (glaucomes, cataractes congénitales). A la demande de la patiente, l’accouchement peut être déclenché. Celle-ci peut également bénéficier d’aides instrumentales afin de réduire les efforts expulsifs. Les patientes choisissent pratiquement toutes l’allaitement maternel. Nous nous référons au lactarium de l’Ile-de-France pour les contre-indications médicamenteuses. La sage-femme intervient en aide relais en langue des signes pour les explications diverses concernant les suites de couche (allaitement,

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contraception, etc.). Pour les patientes souffrant d’un déficit visuel, nous sommes équipés d’un limitateur de boisson et d’un thermomètre parlant.

Les problèmes que nous rencontrons sont les suivants :

• des difficultés d’adhésion des patientes au parcours médical complexe, aux examens et aux propositions médicales faites ;

• des problèmes de communication avec certains niveaux 3 : une formation de tous les niveaux III quand à l’accès des parents déficients sensoriels, moteurs à l’accès et aux soins du bébé dans les unités de néonatalogie serait nécessaire ;

• la prise en compte des réticences du personnel soignant (peur du handicap, jugement, facteur temps) ;

• les maternités non accessibles.

Je conclurai sur ce qui doit être amélioré et changé :

• les hôpitaux accessibles (matériel, formation du personnel…) ; • la revalorisation de la T2A ; • la prise en charge des SMS • l’utilisation de la CIF (classification internationale de la fonctionnalité) en plus de la CIM voire

les mesures des habitudes de vie et de qualité de l’environnement mises en place par le RIPPH ; • du personnel supplémentaire ; • la prévention des cancers gynécologiques avec des matériels accessibles aux handicapés

moteurs ; • l’obtention de l’amendement de la loi 2005 sur la parentalité ; • l’implication plus importante de la MDPH ; • l’intervention de la HALDE notamment pour les patientes refusées dans les maternités et les

discriminations en termes d’aides ; • l’extension des actions entreprise en Ile-de-France et en province.

Je conclurai cette présentation par la profession de foi de l’association suisse Sexualité Et Handicaps Pluriels : « Pour une Société qui ne soit plus handicapée envers le handicap ni handicapante pour les personnes handicapées. Le handicap Appelle Oblige Engage Autorise Contraint Incite Encourage Invite Pousse la Société à se Définir, à se Situer, à se Dépasser, à s’Ouvrir à de nouvelles valeurs, à Inventer, à s’Adapter, à s’Humaniser, à Sortir de son cadre habituel, à Bouger au Nom de la Vie, de l’Amour de l’Equilibre, de la Justice, du Devoir d’Assistance, de l’Autonomie, du Respect Mutuel, de l’Égalité, de l’Evidence ».

Nathalie PICQUENARD, Sage-femme, secteur libéral

Il y a un an encore j’étais sage-femme hospitalière dans le secteur publique. Je travaillais la plupart du temps en salle de naissance et en suite de couche. J’aimais travailler à l’hôpital notamment parce que toutes les disciplines médicales y étaient présentes. J’ai néanmoins rapidement déploré le manque de temps qui rendait difficile mes consultations avec les patientes, lesquelles étaient fréquemment interrompues. Le nombre de patientes augmentant de plus en plus, je me sentais psychologiquement de moins en moins disponible. J’ai par conséquent décidé de quitter l’hôpital pour m’installer en tant que sage-femme libérale et pouvoir fixer moi-même les rendez-vous et leur

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durée. C’est par l’intermédiaire de Francine que j’ai eu l’opportunité de suivre une patiente atteinte d’une myopathie des ceintures dans le cadre de cours de préparation et d’accompagnement de la grossesse. Il ne s’agissait pas de suivre médicalement sa grossesse mais de l’aider à appréhender le parcours qu’elle allait traverser sur le plan médical mais aussi personnel. Je l’ai rencontré cinq fois à domicile. Les rendez-vous se passaient en soirée et duraient une heure et demi à deux heures. A chaque fois, nous reprenions les explications données à l’hôpital dans le cadre d’un suivi véritablement individualisé. Par exemple, nous ne savions pas si elle ressentirait à l’avance les contractions et si un accouchement par voie basse était possible. Nous avons par conséquent réalisé de véritables travaux pratiques en prenant le temps d’observer comment elle utilisait son corps. Finalement, au retour d’une semaine de vacances, j’ai appris que l’hypertension dont elle souffrait avait justifié une césarienne en urgence. Mon suivi a par conséquent était écourté. En raison de mon emploi du temps, il m’est souvent difficile, et c’est mon principal regret, de revoir les patientes après l’accouchement pour pouvoir prendre le temps de vraiment discuter avec elle de la façon dont l’accouchement s’était passé. Pour autant, cette expérience extrêmement riche m’a confortée dans mon envie d’accorder du temps aux patientes.

Francine CAUMEL-DAUPHIN, sage-femme, secteur libéral

Je compléterai simplement ce témoignage en disant mon regret de la non-utilisation du système libéral en complémentarité du système hospitalier. J’ai été sage-femme hospitalière pendant 40 ans. En travaillant à Necker, j’ai pu mesurer la richesse qu’apportait le regard des sages-femmes de la PMI qui effectuaient des visites à domicile notamment lorsque les couples sont porteurs de handicaps. Les rapports sont très différents, lorsque les consultations ont lieu à domicile. Quelle que soit la qualité du service prodigué à l’hôpital, rien ne remplace les visites à domicile pour apprécier la vie quotidienne des patientes. Cette complémentarité me paraît par conséquent indispensable. Elle repose sur l’intention et le militantisme, quelques réticences devant être vaincues.

Un film est projeté.

Edith THOUEILLE, puéricultrice – Institut de puéric ulture et de périnatalogie de Paris

J’ai choisi de débuter cette présentation en vous présentant cette iconographie d’Egon Schiele baptisée la mère aveugle représentant une femme en train de nourrir deux enfants. Dès qu’une femme ou un homme aveugle ou déficient visuel évoque le projet de créer une famille, il s’expose encore trop souvent à un discours négatif même s’il s’avère qu’il n’y a aucun risque de transmission génétique du handicap. Chaque personne de l’entourage familial ou médical s’érige en surmoi maternel pour interdire à la mère de faire vivre à son enfant l’angoisse que suscite le handicap. Une résistance passive ou au pire active entoure la résolution votée en 1993 par l’assemblée générale des Nations-Unies qui stipule que « tous les Etats devraient promouvoir la pleine participation des personnes handicapées à la vie familiale et leur droit à la plénitude de leur vie personnelle et veiller à ce que les lois n’établissent aucune discrimination à l’encontre des personnes handicapées quant aux relations sexuelles mais également au mariage et à la procréation ». Il convient toutefois de souligner que le plan de périnatalité 2005-2007 a mis en évidence pour la première fois la notion de parentalité de la personne handicapée. Ce plan fondé par Philippe Douste-Blazy alors Ministre de la Santé et de la Protection Sociale précise que la personne handicapée « a le droit à un accompagnement et à une formation adaptés et spécifiques, ce qui implique l’accessibilité des bâtiments et la formation des personnels ».

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La vocation polyvalente de l’Institut de Puériculture et de Périnatalogie, sa longue expérience en matière de connaissance du très jeune enfant nous autorisaient tout naturellement à inscrire cette prise en charge singulière dans une recherche-action financée par la Fondation Clarence Westbury et la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie. Cette étude s’affirme après 22 ans de recherches cliniques. Le SPPH est indépendant de la PMI et travaille en lien avec le centre de néonatalogie, le centre d’action médicosocial précoce, le centre de guidance infantile et le centre Brazelton. Nous avons également noué un partenariat étroit avec l’institut mutualiste Montsouris, l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Notre Dame du Bon Secours, l’hôpital Necker, l’hôpital Trousseau, la Maternité des Bluets et la maternité Jeanne de Flandre à Lille. Nous travaillons en lien étroit avec des mamans-relais car il est très important que les parents puissent trouver des repères auprès de personnes porteuses de handicap. Nous tenons également beaucoup aux partenariats que nous établissons avec les sages-femmes, les obstétriciens et les pédiatres du secteur libéral. La médecine de proximité est indispensable aux personnes qui ont des difficultés de déplacement. Evidemment, nous travaillons également avec les associations pour personnes handicapées telles que la Fédération des Aveugles de France et les associations d’aide aux mères, les techniciennes en intervention sociale et familiale n’ayant pas la formation nécessaire pour s’occuper des mamans atteintes d’un handicap. Notre devoir est par conséquent de leur apprendre à laisser la mère faire seule. Nous travaillons également avec le service ESCAVIE et la CRAMIF. Enfin, nous avons établi un partenariat avec le centre de rééducation pour déficients visuels de Clermont-Ferrand qui nous fournit du matériel adapté. Nous faisons également appel à des bénévoles soutenus et encadrés.

96 personnes handicapées visuelles sont actuellement prises en charge dans notre Institut dont 15 mères aveugles congénitales, 22 mères souffrant d’une cécité acquise, 22 mères malvoyantes, 6 femmes en désir d’enfant, 3 mères handicapées moteurs, 8 pères aveugles congénitaux, 8 pères ayant une cécité acquise et 12 pères malvoyants. 40 dossiers de 2003 à 2008 sont archivés, une action au minimum étant programmée pour les familles dans l’année. 4 mères ont un handicap auditif associé à la cécité, ce qui explique notre partenariat avec la Pitié-Salpêtrière, 1 mère présente un handicap du squelette associé à sa malvoyance, 3 mères sont handicapées moteur, 1 père est aveugle suite au bombardement de sa ville, 1 père est aveugle après avoir chuté d’un pont.

4 mères sont en situation de grande précarité. En effet, l’Etat accepte la venue sur le territoire de personnes ayant besoin de soins mais refuse le renouvellement des cartes de séjour. Les femmes ne souhaitant pas retourner dans leur pays se trouvent par conséquent en situation irrégulière et ne peuvent pas prétendre à l’allocation adulte handicapé. 6 mères sont isolées. 7 couples sont composés d’une mère voyante et d’un père aveugle. 29 couples sont composés à l’inverse d’une mère aveugle et d’un père voyant.

Le handicap visuel est complexe à prendre en charge. Avant de prendre une maman en charge, il importe de savoir si elle est atteinte d’une cécité congénitale ou d’une cécité acquise. En effet, dans le cadre d’une cécité congénitale, le nerf cortical n’est pas meublé d’image. Les représentations sont fondées sur des formes géométriques. La mère se crée en outre des images olfactives, gustatives et auditives. Si la vue a été perdue secondairement, la mémoire visuelle est très sensible. Des commentaires blessants ou dévalorisants peuvent contribuer à la détruire. La personne handicapée visuelle n’a pas accès au miroir émotionnel que lui transmet le soignant et non pas lecture de l’empathie qu’il lui transmet sur son visage. C’est la raison pour laquelle nous avons introduit le tutoiement thérapeutique dans notre prise en charge et utilisons beaucoup le sens du toucher. Au regard de la suprématie accordée aux échanges visuels, il est difficile de mettre en mot l’expérience sensorielle de la mère aveugle. Mais finalement notre expérience auprès des mères aveugles qui

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développent spontanément des vecteurs différents, nous a conduits à aider les mères voyantes en difficulté de communication avec leurs enfants. Modestement, je tiens par conséquent à remercier toutes les mères qui ont éclairé mon mode de pensée.

Drina CANDILIS-HUISMAN, psychologue – Institut de puériculture et de périnatalogie de Paris

Je voudrais revenir sur une intervention qui a inauguré curieusement la journée, à savoir le fait que les psychologues n’étaient pas toujours les mieux à même de comprendre les problèmes de handicap. A la lumière de l’expérience que nous menons depuis 5 ans avec Edith Thoueille et l’équipe de la PMI, il me semble que nous avons appris à redonner une place de sujet aux patients que nous accueillons. Le fait d’utiliser comme véritables partenaires de soins les mères aveugles auprès d’autres mères aveugles nous a fait faire un bond en avant dans notre compréhension du handicap. La rencontre entre la culture des voyants et celle du handicap ne va pas de soi. Il faut absolument passer par la réflexion d’équipe. Les psychologues peuvent contribuer à la susciter. Enfin, je souhaite souligner que le professeur Michel Soulé a été un aiguillon pour la recherche, laquelle constitue un outil qui nous fait faire des bons en avant. A ce titre, il me semble que les psychologues ont un rôle très utile. Je ne peux pas conclure sans remercier toutes les mamans handicapées qui nous ont tant appris et ont fait évoluer notre pratique.

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Question de la salle

Professeur Hervé FERNANDEZ

Vous avez tous souligné la nécessité de travailler en réseau au sens large, c’est-à-dire au sein des équipes elles-mêmes et en nouant des partenariats extérieurs de manière à limiter les déplacements inutiles des patients handicapés. Il me semble en effet important d’établir des modalités de suivi qui permettent à chacun de trouver sa place et son rôle. En ce sens, la première consultation est essentielle. Il revient aux équipes médicales et non médicales de faire en sorte que pour ces couples la grossesse puisse être assumée dans sa plénitude.

De la salle

La notion de réseau m’est chère depuis longtemps. J’ai travaillé de nombreuses années à la maternité de la Pitié-Salpêtrière avant d’exercer en libéral. Je connais par conséquent très bien ces deux mondes et suis convaincu que la pérennisation de nos actions passe par un réseau formalisé qui permet d’obtenir des crédits suffisants notamment pour mettre en place des formations Ma question est par conséquent la suivante : allons-nous avancer dans ce projet de réseau pérenne parentalité et handicap ?

Professeur Hervé FERNANDEZ

A mon sens, un réel débat avec les autorités de tutelle sur la reconnaissance des réseaux de soins est nécessaire. En médecine, ils se sont développés il y a moins de quinze ans à un rythme plus rapide que celui que j’escomptais. Des progrès rapides ont en effet été réalisés dans ce domaine, notamment dans la façon dont se sont instaurés les niveaux 1, 2 et 3. L’ouverture vers la médecine de ville se fait également plus rapidement que ce que j’attendais. Nous pouvons par conséquent espérer que par la reconnaissance des coûts et dans un dialogue avec les tutelles une évolution vers un réseau pérenne parentalité et handicap.

Drina CANDILIS-HUISMAN

Le terme réseau est à la mode. Il me semble néanmoins qu’il mériterait d’être défini avec plus de précision. Il existe déjà des réseaux périnatalité mais la place du handicap n’y est pas définie. Des journées comme celle-ci ou celle organisée le 3 octobre dernier à l’Institut de Puériculture peuvent contribuer à faire avancer la réflexion sur l’intégration des problématiques du handicap dans le droit commun. Il convient à la fois d’agir et d’innover dans les pratiques et de les diffuser. D’autres journées de ce type doivent être organisées.

Edith THOUEILLE

Il serait vain de vouloir obliger tous les hôpitaux de France et de Navarre à se spécialiser sur la question du handicap. En revanche, il est important de faire connaître les réseaux afin d’orienter au mieux les patients porteurs d’un handicap. Savoir déléguer est essentiel.

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De la salle

Certes nous ne pouvons pas former toutes les équipes à la prise en charge de toutes les formes de handicap. Nous progressons cependant. En effet, nous sommes en train de monter une action novatrice avec les écoles spécialisés de l’AP-HP. Une journée sera organisée le 11 juin 2009. Elle concernera la formation et la sensibilisation des élèves sages-femmes à l’accueil, la prise en charge et la communication avec les personnes handicapées sensorielles ou mentales. Il est très important de constituer des réseaux formés et informés et de les faire connaître aux professionnels et aux parents et futurs parents.

Béatrice IDIARD-CHAMOIS

L’article 7 de la loi de février 2005 met en avant la nécessité de former et d’informer les professionnels de santé à l’appréhension du handicap. L’information sur le handicap devrait être rendue obligatoire. Il est par exemple indispensable que les futures mamans handicapées moteur poursuivent des séances d’entretien musculaire avec un kinésithérapeute durant la grossesse. Or je me rends compte que ces derniers connaissent très mal les différentes formes de handicap moteur. Beaucoup refusent de se déplacer à domicile et ne disposent pas la plupart du temps d’un cabinet accessible.

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Conclusion de la journée

Jean-Claude POIRIER Directeur du risque professionnel, du handicap et de l’action sanitaire et sociale, CRAMIF

Je me plais à observer que votre constance s’est nourrie de l’abondance et de la richesse des informations qui nous ont été données au cours de cette journée. Le thème que nous avons choisi « accompagner la parentalité » a permis de souligner la pertinence d’une approche globale. En effet, nous avons eu des apports de la sociologie, de la psychologie, du monde associatif et du personnel soignant accompagnés de quelques questionnements du monde administratif et financier. Ma conclusion s’articulera autours de trois points : les finalités, les réponses et les moyens.

En ce qui concerne les finalités, il s’agit non seulement de travailler sur l’accompagnement et la prise en charge des patients handicapés avant, pendant et après la grossesse mais également de s’intéresser à la prévention. La recherche de réponses concrètes intéresse à la fois les personnes handicapées, leurs familles mais aussi la société dans son ensemble. Au fil des débats ont émergé des réponses réelles sur différents plans : des réponses de connaissance, des réponses à diffuser, des réponses techniques, des réponses médicales et des réponses sociales. Des journées de ce type doivent servir à capitaliser les expertises, à les faire connaître et à la diffuser. L’établissement de passerelles ville/hôpital est indispensable. Ces approches complémentaires doivent en outre être diffusées de telle sorte que les réponses puissent être complétées dans le temps.

En parallèle de la ville et de l’hôpital, il existe des structures comme ESCAVIE qui ont pour finalité d’apporter des connaissances sur les aides techniques disponibles ainsi qu’un certain nombre de solutions en matière d’accès et de financement. La connaissance, pour beaucoup de professionnels médecins, professionnels paramédicaux ou des services sociaux, permet d’orienter les patients vers les structures les mieux adaptées. De ce point de vue, nous enrichirons notre site Web avec la liste de toutes les interventions contribuant à accompagner la parentalité.

A l’échelle de la région, seuls 13 sites hospitaliers sont accessibles aux handicapés. C’est à la fois beaucoup et peu. Il y a donc une inégalité d’accès sur le territoire national et une inégalité d’accès mue par des raisons économiques et sociales. Sans tomber dans un hospitalo-centrisme total, des diversifications plus complètes peuvent certainement être opérées sur le territoire national. Nous devons par ailleurs contribuer à aider les patients handicapés à affronter les difficultés auxquelles ils sont confrontés. Le refus de soins et de prise en charge traduit sans doute un certain nombre de réticences et de craintes qui demeurent. J’espère que de meilleures appréhensions pourront jaillir par la connaissance et la diffusion.

Bien évidemment je me réjouis du travail participatif opéré dans le cadre de notre journée. Parmi les moyens à mobiliser figurent bien entendu la T2A et les consultations spécialisées et mieux rémunérées. Nous avons déjà franchi un premier pas en constituant un réseau d’accès aux soins bucco-dentaires. A moyen terme, il conviendra de travailler à l’élaboration d’un schéma identique autour de la problématique qui nous occupe ce jour. Je ne doute pas que, grâce au cadrage de la loi de 2005, les prises de conscience progressent. J’ignore ce que sera le devenir de l’actuel système de réseaux géré conjointement par l’ARH et l’URCAM. Il faudra néanmoins que ces dernières en partenariat avec le monde associatif préparent la transmission d’un cadrage de dossier vis-à-vis de la future Agence Régionale de Santé.

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Notre propre pratique a progressé. Nous avons eu recours à la vélotypie et à la traduction en langage des signes. Nous allons publier les actes de ce colloque. Des prolongements sont prévus avec le groupe de travail « graine de parentalité » et l’APF. La CRAMIF poursuivra son effort de mise à disposition de moyens supplémentaires pour améliorer le travail sur la parentalité. La CNSA constitue à ce titre un partenaire incontournable. Des liens doivent être établis dans le cadre de la loi hôpital, patients, santé, territoire sur ces questions de handicap et de dépendance entre la CNSA et la CNAMTS. Un certain nombre de progrès ont d’ores et déjà été réalisés. Ainsi, il est désormais envisagé de rembourser le fauteuil électrique en termes de location et non pas d’achat. Il n’y a pas de raison que nous ne progressions pas dans le domaine de la parentalité.

Les regards commencent à changer quand bien même notre pays n’est pas nécessairement à la pointe dans ce domaine. L’évolution des consciences internationales permet de penser que nous aurons à vivre une accélération de l’histoire. La révolution à accomplir est à la fois culturelle et morale. L’accompagnement de la parentalité parmi d’autres actions d’accès à l’égalité des chances vient s’inscrire dans une liberté publique fondamentale. « J’écris ton nom liberté » écrivait Eluard. Au-delà de la technique, un regard lucide et généreux de la société sur cette thématique est nécessaire.

Nous poursuivrons ces journées à thème qui rencontrent un succès non démenti au fil des années. C’est un encouragement pour une institution comme la nôtre de constater que nos initiatives rencontrent un succès d’encouragement pour la poursuite de notre action en faveur du handicap et des personnes handicapées.

Document rédigé par la société Ubiqus – Tél. 01.44.14.15.16 – http://www.ubiqus.fr – [email protected]

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Remerciements

Nous tenons à remercier chaleureusement les personnes et organismes ayant permis la réalisation et la tenue de ce colloque et particulièrement les membres du groupe "graine de parentalité" :

Madeleine AZARIAN-NAZAC, médecin (IMM)

Henri COHEN, médecin (IMM)

Juliette GAILLOT, assistante sociale (IMM)

Béatrice IDIARD-CHAMOIS, sage-femme (IMM)

Vincent IZARD, médecin (IMM / AP-HP)

Franck BERTON, assistant social (CRAMIF)

Marie LADRET, ergothérapeute (CRAMIF)

Lavinie MALEUVRE, responsable (CRAMIF)

Yann MOISAN, Cedas (CRAMIF)

Samuel VALENTI, responsable DASSH (CRAMIF)

Marc DOMMERGUES, médecin (AP-HP)

Hervé FERNANDEZ, médecin (AP-HP)

Françoise GALIFFET, assistante sociale (AP-HP)

Nadège RENAUX, responsable Mission Handicap (AP-HP)

Sophie SERREAU, sage-femme (AP-HP)

Nathalie PICQUENARD, sage-femme (Libérale)

Francine DAUPHIN-CAUMEL, sage-femme (Libérale)

Drina CANDILIS-HUISRAN, psychologue (IPP)

Edith THOUEILLE, puéricultrice (IPP)

Delphine SIEGRIST, journaliste (APF)

Anne WAUQUIER, ergothérapeute (SCAPH 95)

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GLOSSAIRE

AAH : Allocation Adultes Handicapés

ACTP : Allocation Compensative pour Tierce Personne

AES : Allocation d’Education Spéciale

AFP : Allocation Frais Professionnels

AP – HP : Assistance Publique – Hôpitaux de Paris

APL : Aide Personnalisée au Logement

ARH : Agence Régionale d’Hospitalisation

CAF : Caisse d’Allocations Familiales

CAMSP : Centre d’Action Médico Sociale Précoce

CCAS : Centre Communal d’Action Sociale

CHU : Centre Hospitalier Universitaire

CICAT : Centre d’Informations et de Conseils sur les Aides Techniques

CIF : Classification Internationale du Fonctionnement, du handicap et de la santé

CIM : Classification Internationale des Maladies

CNAF : Caisse Nationale d’Allocations Familiales

CNAM : Conservatoire National des Arts et Métiers

CNAMTS : Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés

CNCPH : Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées

CNSA : Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie

CRAMIF : Caisse Régionale d’Assurance Maladie d’Ile-de-France

DALO : Droit Au Logement Opposable

DPPI : Disability Pregnancy and Parenthood International

ESCAVIE : Espace Conseil pour l’Autonomie en milieu ordinaire de Vie

HALDE : Haute Autorité de Lutte contre la Discrimination et pour l’Egalité

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HID : Handicap – Incapacités – Dépendances

HRA Hyper Réflexie Autonome

HTA : Hyper Tension Artérielle

IMM : Institut Mutualiste Montsouris

INRAP : Institut National de Recherches Archéologiques Préventives

IPP : Institut de Puéricultrices de Paris

LSF : Langue des Signes Française

MDPH : Maison Départementale des Personnes Handicapées

MPR Médecine Physique et de Réadaptation

OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economique

OMS : Organisation Mondiale de la Santé

ORL : Oto-Rhino-Laryngologie

PCH : Prestation de Compensation du Handicap

PMI : Protection Maternelle et Infantile

PMM :

RIPPH : Réseau International sur le Processus de Production du Handicap

SAMSAH : Service d’Accompagnement Médico-Social Adultes Handicapées

SIDA : Syndrome d’Immuno Déficience Acquise

SMS : Short Message Service

SPPH : Service Périnatal Parents Handicapés

T2A : Tarification à l’Activité

UNISS : Unité d’Information et de Soins des Sourds

URCAM : Union Régionale des Caisses d’Assurance Maladie

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Directeur de la publication : Gérard ROPERT - Réalisation : Chaîne graphique CRAMIFDépôt légal : 3e trimestre 2009 - Impression : Reprographie CRAMIF