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GRH EN SITUATION DE CRISE: DEPART VOLONTAIRE ET « BIENVEILLANCE » 1 Yasmina Jaidi 2 Sorbonne Universités/ Panthéon - Assas Maurice Thévenet Professeur au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM), Paris et à l’Essec Business School, Paris Résumé Cette recherche analyse une politique RH de gestion de crise en temps réel. Nous avons observé comment un grand constructeur automobile français – traditionnellement associé à une gestion bienveillante de ses ressources humaines - a mis en oeuvre, à l’automne 2008, sa première mesure RH de gestion de crise, en annonçant un vaste plan favorisant le départ volontaire de 4000 salariés avant le mois d’avril 2009. Cette mesure a suscité d’autant plus d’étonnement que la culture de ce constructeur s’appuyait sur une forte tradition de loyauté entre employeur et employés. Dans ce contexte, nous avons suivi – dans le cadre d’un dispositif qualitatif et longitudinal - un groupe de 21 managers qui ont choisi de rester dans l’entreprise, malgré le plan offert par leur employeur. Nos travaux mettent en évidence leur approche de cette politique RH au fil du temps ainsi que l’évolution de leur relation à leur travail et à leur entreprise. In fine, ces managers sont passés par quatre stades émotionnels : à l’attitude d’observation du Temps 1 succède, au Temps 2 une phase de soulagement, puis de doute (Temps 3) et, au Temps 4, un retour à la normale néanmoins teinté d’incertitude et de défiance vis-à-vis de l’entreprise (Temps 4). Nous expliquons ces évolutions à l’aide de trois facteurs principaux : les émotions générées par les mesures RH prises par l’entreprise, les autres mesures RH mises en oeuvre durant cette période et l’évolution plus générale de la stratégie et des perspectives de l’entreprise durant cette période. Mots-clés Crise ; Managers ; perception ; survivants ; recherche longitudinale. 1 Ce travail de recherche est en cours de soumission dans une revue anglo-saxonne. 2 Toute correspondence relative à cet article peut être adressée à Yasmina Jaidi: [email protected]

« BIENVEILLANCE »1 Yasmina Jaidi Sorbonne Universités ... · Maurice Thévenet Professeur au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM), Paris et à l’Essec Business

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GRH EN SITUATION DE CRISE: DEPART VOLONTAIRE ET « BIENVEILLANCE » 1

Yasmina Jaidi2

Sorbonne Universités/ Panthéon - Assas

Maurice Thévenet Professeur au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM), Paris

et à l’Essec Business School, Paris Résumé

Cette recherche analyse une politique RH de gestion de crise en temps réel. Nous avons observé comment un grand constructeur automobile français – traditionnellement associé à une gestion bienveillante de ses ressources humaines - a mis en œuvre, à l’automne 2008, sa première mesure RH de gestion de crise, en annonçant un vaste plan favorisant le départ volontaire de 4000 salariés avant le mois d’avril 2009. Cette mesure a suscité d’autant plus d’étonnement que la culture de ce constructeur s’appuyait sur une forte tradition de loyauté entre employeur et employés.

Dans ce contexte, nous avons suivi – dans le cadre d’un dispositif qualitatif et longitudinal - un groupe de 21 managers qui ont choisi de rester dans l’entreprise, malgré le plan offert par leur employeur. Nos travaux mettent en évidence leur approche de cette politique RH au fil du temps ainsi que l’évolution de leur relation à leur travail et à leur entreprise.

In fine, ces managers sont passés par quatre stades émotionnels : à l’attitude d’observation du Temps 1 succède, au Temps 2 une phase de soulagement, puis de doute (Temps 3) et, au Temps 4, un retour à la normale néanmoins teinté d’incertitude et de défiance vis-à-vis de l’entreprise (Temps 4). Nous expliquons ces évolutions à l’aide de trois facteurs principaux : les émotions générées par les mesures RH prises par l’entreprise, les autres mesures RH mises en œuvre durant cette période et l’évolution plus générale de la stratégie et des perspectives de l’entreprise durant cette période. Mots-clés Crise ; Managers ; perception ; survivants ; recherche longitudinale.

1 Ce travail de recherche est en cours de soumission dans une revue anglo-saxonne. 2 Toute correspondence relative à cet article peut être adressée à Yasmina Jaidi: [email protected]

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Résumé

Cette recherche analyse une politique RH de gestion de crise en temps réel. Nous avons observé comment un grand constructeur automobile français – traditionnellement associé à une gestion bienveillante de ses ressources humaines - a mis en œuvre, à l’automne 2008, sa première mesure RH de gestion de crise, en annonçant un vaste plan favorisant le départ volontaire de 4000 salariés avant le mois d’avril 2009. Cette mesure a suscité d’autant plus d’étonnement que la culture de ce constructeur s’appuyait sur une forte tradition de loyauté entre employeur et employés.

Dans ce contexte, nous avons suivi – dans le cadre d’un dispositif qualitatif et longitudinal - un groupe de 21 managers qui ont choisi de rester dans l’entreprise, malgré le plan offert par leur employeur. Nos travaux mettent en évidence leur approche de cette politique RH au fil du temps ainsi que l’évolution de leur relation à leur travail et à leur entreprise.

In fine, ces managers sont passés par quatre stades émotionnels : à l’attitude d’observation du Temps 1 succède, au Temps 2 une phase de soulagement, puis de doute (Temps 3) et, au Temps 4, un retour à la normale néanmoins teinté d’incertitude et de défiance vis-à-vis de l’entreprise (Temps 4). Nous expliquons ces évolutions à l’aide de trois facteurs principaux : les émotions générées par les mesures RH prises par l’entreprise, les autres mesures RH mises en œuvre durant cette période et l’évolution plus générale de la stratégie et des perspectives de l’entreprise durant cette période. Mots-clés Crise ; Managers ; perception ; survivants ; recherche longitudinale.

3 Ce travail de recherche est en cours de soumission dans une revue anglo-saxonne.

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GRH EN SITUATION DE CRISE: DEPART VOLONTAIRE ET « BIENVEILLANCE »

INTRODUCTION

La crise de 2008 a été comparée à un ouragan survenu dans le paysage économique mondial (Kamoche, 2003). Arrivée soudainement elle a laissé derrière elle la désolation : fermeture de nombreuses entreprises, vagues de licenciements, réductions salariales se sont multipliées, le tout, sur fond de taux de chômage en hausse. Dans l’approche traditionnelle de ces crises, on suggère que la crise financière se transforme en crise économique avant d’être une crise sociale. Certains datent son démarrage à la faillite de Lehman-Brothers à la mi-septembre 2008. Pourtant l’industrie automobile mondiale avait, dès la fin du printemps 2008, commencé d’être touchée par une chute brutale des ventes qui avoisinait 40% dans des pays européens comme l’Espagne et le Royaume-Uni. La crise automobile a d’abord surgi aux Etats-Unis et s’est rapidement propagée aux constructeurs européens. Quand on connaît les niveaux de marge opérationnelle moyens de cette industrie pour les constructeurs généralistes (autour de 5%), on imagine l’effet destructeur de ces chutes des ventes alors que les entreprises sont en pleine phase d’investissement dans les pays émergents. En février 2009, un des géants de l’automobile française annonce une baisse de 78% de ses profits de 2008 par rapport à l’exercice 2007. Face à une baisse de ses ventes de 4% sur le marché européen et de 7% au niveau mondial, ce constructeur a même renoncé à ses objectifs de croissance 2009 (BBC News, 12 février 2009).

Le constructeur qui offre la base empirique de cette recherche fait partie de ces entreprises traditionnelles à la forte culture sociale qui constituent non seulement un fleuron mais aussi un benchmark social pour les entreprises françaises. Fortement lié par l’histoire à l’Etat qui en est encore actionnaire, fer de lance d’un secteur fortement employeur dans l’économie française, la crise qu’il subit constitue un excellent terrain d’observation de la manière dont les politiques de ressources humaines peuvent contribuer au développement durable de l’entreprise en cherchant à maintenir un minimum de bienveillance dans la manière de gérer les problèmes humains. Cette notion de bienveillance, peu usitée dans la littérature managériale, peut être mise en perspective avec le contexte culturel de l’entreprise. En effet, la culture d’une entreprise intègre toujours une certaine conception de ses droits et devoirs vis-à-vis des personnes et de la réciproque vis-à-vis de l’entreprise (Thévenet, 2010). Dans l’entreprise que nous avons étudiée ici, la culture sociale est forte et l’entreprise a jusqu’alors su gérer ses ajustements organisationnels et stratégiques dans le souci bienveillant du maintien d’un climat social positif.

Par ailleurs, à la fin de 2008, l’entreprise se trouve dans une situation difficile où sa survie même est en jeu. Même si on imagine que les pouvoirs publics prendront garde à l’aider, personne ne sait à quels coût et à quelles conditions ce sauvetage peut s’effectuer. On examinera donc, dans le cadre de cet article, le contenu des politiques sociales et leurs conséquences pour les personnes.

Pour affronter la crise, les constructeurs automobiles ont cherché à adapter leurs

stratégies respectives (Thévenet, 2009). Les RH et le management ont dû relever de nouveaux

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défis, en privilégiant les réductions budgétaires et les réorganisations au détriment des politiques de développement des ressources humaines, qu’ils avaient pu établir jusqu’à présent. Ces entreprises ont ainsi dû faire face à de multiples urgences: trouver des fonds pour payer les salaires, geler les projets lancés avant la crise, si ceux-ci n’étaient pas jugés prioritaires, réorganiser le portefeuille de projets en cours en fonction des nouvelles orientations stratégiques de l’entreprise et gérer la relation avec les clients. Notons que certains de ces virages stratégiques sont brutaux et conduisent l’entreprise à s’investir dans des technologies ou des produits auxquels elle ne croyait pas forcément quelques années auparavant. Sur un plan politique enfin, les gouvernements ont non seulement accordé des facilités financières aux entreprises du secteur mais encore pris des mesures propices au remplacement des véhicules par les citoyens, tout en obligeant les entreprises à maintenir l’emploi et à faire évoluer leur politique de localisation.

Cette recherche a donc pour but d’analyser la politique RH de gestion de crise en temps réel. Pour ce faire, nous avons observé comment un grand constructeur automobile français a mis en œuvre une première politique RH. Dès l’automne 2008, cette entreprise a annoncé un vaste plan visant à favoriser le départ volontaire de 4000 salariés avant le mois d’avril 2009. Cette mesure a suscité d’autant plus d’étonnement que la culture de ce constructeur s’appuyait sur une forte tradition de loyauté employeur/ employé, ceci depuis le XIX° siècle.

Dans ce contexte, nous avons étudié un groupe de managers évoluant dans différentes divisions de l’entreprise : usines, centre de recherche et développement, central, régions, filiale à l’étranger. Présent dans presque tous ses compartiments, ces managers avaient en commun de ne pas saisir l’opportunité du plan de départ volontaire proposé par leur entreprise, malgré la crise et les conditions qu’ils considéraient tous comme favorables. Nous avons cherché à voir comment ces managers traversaient cette période particulière d’incitation au départ. Pour cela, nous avons évoqué avec eux, dans le cadre d’entretiens réalisés tous les trois mois au long de l’année 2009, leurs perceptions de leurs vies professionnelles et personnelles. Nous leur avons aussi demandé, dans une optique plus globale, de nous parler de leur perception de leur entreprise et du contexte économique plus global.

L’objectif de notre travail est alors de mettre en évidence leur approche de cette

politique RH au fil du temps, l’évolution de cette approche et, surtout les éléments de contexte qui permettent, sinon de la comprendre, du moins de la mettre en perspective. Cette communication dresse tout d’abord un bref état des recherches qui ont pu être menées en temps de crise, en se évoquant notamment la perception, par les salariés, des mesures RH prises durant de telles périodes et les conséquences des restructurations sur les salariés ayant « survécu » à de telles mesures en restant dans leur entreprise. Nous présentons ensuite notre méthode de recueil des données ainsi que nos résultats, qui sont ensuite discutés dans une dernière partie.

1. CADRE THEORIQUE

1.1. Le secteur automobile : une crise de survie sur la période 2008-2009

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Le secteur automobile a sans doute été l’un des plus fortement touchés par la crise de 2008 alors qu’il représente, en Europe de l’Ouest, près de 10% de l’emploi direct ou indirect. Si ce secteur avait vécu des crises passagères, plus ou moins fortes, jamais en temps de paix les entreprises avaient été confrontées à un revers aussi brutal de l’activité et donc à la nécessité de prendre des mesures radicales en matière de gestion des coûts et de ressources humaines.

L’entreprise où nous avons mené cette recherche, et que nous appellerons dans la suite

de cet article « Vivauto », avait une longue tradition d’innovation sociale. Elle a par exemple été la première à mettre en place les congés payés en 1936. Dans les années 50 et 60, ce constructeur faisait office de modèle avec ses usines gigantesques, ses lignes de production automatisées et ses relations sociales. Pour tenir compte de la difficulté des cadences de travail en usine, les salariés ont bénéficié de compensations financières (congés payés supplémentaires, primes de pénibilité…). Ces mesures ont par la suite été prises en modèle pour négocier les conditions de travail des secteurs public comme privé. Ce constructeur automobile a ainsi été érigé en “laboratoire social” de la France (Loubet, 2001).

Pour autant, à la fin des années 1960, les grèves et revendications ont nuancé ce

tableau en mettant en cause les cadences infernales induites par l’organisation taylorienne du travail. Face à ces difficultés, l’entreprise a eu de plus en plus recours à de la main d’ œuvre étrangère qui a aussi, au début des années 1980, protesté contre ses conditions de travail. Au-delà de ces difficultés sociales, le milieu des années 1980 a été particulièrement critique sur le plan économique au point que certains s’interrogeaient sur la viabilité de l’entreprise, qui accusait des pertes considérables. Pour autant, grâce à un management efficace et à quelques lancements de modèles très innovants, le constructeur a pu retrouver une bonne santé financière dans les années 1990 et le début des années 2000. Il a retrouvé de la notoriété auprès des consommateurs, apparaissant comme un innovateur avec des voitures qui marquaient leur temps. A cette période quelques grandes décisions stratégiques audacieuses achèvent d’établir la réputation de ce constructeur en matière d’anticipation des besoins du marché au niveau national mais, surtout, international.

Durant les années 1990-2000 cependant, l’industrie automobile est confrontée comme

dans tous les secteurs à la montée en puissance de l’approche financière. Vivauto n’a bien entendu pas échappé à cette tendance de fond. Les critères de rentabilité financière et de marge opérationnelle deviennent désormais essentiels. L’entreprise doit affronter des besoins d’investissements de plus en plus importants pour continuer son développement international et affirmer une position solide sur un marché où les effets de taille semblent déterminants. Chaque innovation doit désormais faire preuve de sa capacité générer de la marge opérationnelle (Loubet, 2001).

La crise qui se déclenche en 2008 fait brusquement chuter les ventes, tout

particulièrement sur des marchés matures comme l’Europe (de 30% à 40% selon les pays dès avant l’été 2008). Pour faire face, Vivauto a momentanément stoppé sa production – fait historique – dans toutes ses usines à la fin de l’année 2008. Des mesures drastiques de réduction des coûts ont été rapidement prises au travers tout d’abord de l’annulation de nombreux contrats de sous-traitance et de travailleurs temporaires (qui représentaient 25% des collaborateurs au sein du plus grand centre d’ingénierie de l’entreprise). Sont ensuite intervenues des mesures RH incitatives telles que le plan de départ volontaire.

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Lancé à l’automne 2008, ce projet visait à favoriser le départ volontaire de 3000 employés non directement liés à des fonctions de production et 1000 départs d’employés travaillant dans une des usines du groupe (les salariés dédiés à la production étant, par contre, concernés dans ce cas particulier). Un tel plan avait déjà été mis en place par un concurrent français de Vivauto, quelques années auparavant, c’est-à-dire à un moment où la situation économique était radicalement différente, marquée par une croissance certaine. A l’époque, cette politique avait été couronnée d’un succès unanime. Les objectifs avaient été atteints et les employés avaient globalement le sentiment que des réductions de personnel avaient été mises en œuvre sans trop de dommages, sur le plan humain, comme pour l’entreprise, qui n’avait pas vu son portefeuille de compétences se restreindre du fait de ces départs. Dans le cas de Vivauto, la situation économique et celle du marché de l’emploi étaient radicalement différentes. Le lancement du plan de départ volontaire de Vivauto, à l’automne 2008, ne faisait pas l’unanimité en interne, quant à ses chances de succès. Pour autant, le groupe a mis en place un dispositif d’assistance, de l’automne 2008 à la fin du mois d’avril 2009, pour accompagner les candidats au départ.

Le plan reposait exclusivement sur le volontariat des salariés. Les personnes éligibles au

plan de départ volontaire pouvaient y prétendre : 1) la volonté de changer d’employeur ou de créer sa propre entreprise ; 2) le souhait de prendre sa retraite de façon anticipée ; 3) la volonté de changer de trajectoire professionnelle (changement de secteur, de métier) ; 4) Enfin, le souhait de retourner vivre dans son pays d’origine, dans le cas de salariés n’appartenant pas à l’union européenne. Ils recevaient dans ce cas une aide financière et parfois des prestations de conseil pour les accompagner dans leur projet Enfin, dans une des usines de Vivauto, des mesures spécifiques ont été prises pour maintenir sa compétitivité, notamment en direction des cols bleus : proposition de bonus pour les salariés acceptant de déménager vers un autre site de production, aide à la reconversion professionnelle moyennant le paiement de 6 mois de salaires et d’un congé de reconversion de 9 mois. Parallèlement à ces mesures, des équipes de consultants, à la fois internes et externes, ont été déployées pour conseiller les salariés et les accompagner dans la mise en œuvre de leur décision.

Ce plan a ainsi constitué un événement majeur pour cette entreprise, historiquement

marquée par une tradition d’emploi à vie et de développement de ses collaborateurs. Vivauto a traditionnellement été perçue par l’opinion comme une entreprise mettant l’accent sur une relation durable avec ses collaborateurs, une vitrine sociale ayant globalement su allier succès économique et gestion sociale innovante de ses employés. Cependant on ne pourrait évoquer l’événement majeur que constitue ce plan sans référence au contexte particulier de l’entreprise qui se trouve à la fin 2008 dans une situation complètement critique. Sans les aides du gouvernement puis les mesures gouvernementales visant à favoriser le remplacement des véhicules anciens l’entreprise, c’est la question de la survie de Vivauto qui était posée.

En ce sens, cette situation est intéressante puisqu’elle nous montre la complexité à

laquelle cette entreprise est confrontée : entre tradition, brutalité de la crise et risque pour sa survie même.

1.2. La perception des pratiques de licenciement par les salariés.

Cette situation de plan de départ volontaire diverge de ce qu’examine en général la

littérature en situation de crise. La survie de l’entreprise n’est pas toujours en jeu dans les crises évoquées et les réductions d’effectifs dont il est question sont plutôt des licenciements.

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Ils apparaissent comme une solution possible pour réduire les coûts de l’entreprise, la rendre plus efficiente et lui permettre d’atteindre, malgré tout, ses objectifs (Sahdev Vinnicombe & Tyson, 1999). On s’intéresse alors de savoir quels sont les plus protégés dans ce genre de politiques : il s’agit généralement des salariés ayant fait des études supérieures et occupant des positions managériales dans l’entreprise. Mais ceci varie en fonction de facteurs contextuels, tels que le niveau de syndicalisation dans l’entreprise, les tactiques de gestion de crise mises en œuvre dans le secteur d’activité et les incitations financières associées à de tels dispositifs (Bernanke, 2004; Ehrenberg & Smith, 2009).

Aujourd’hui, dans un système de production mondial toujours plus global et spécialisé, les licenciements posent de nombreux problèmes aux responsables des ressources humaines. Ces problèmes se retrouvent dans un plan de départ volontaire, de manière peut-être encore plus aigüe puisque l’entreprise n’a pas le choix et le risque est évident de voir partir ceux qui ont la plus forte valeur sur le marché du travail. Comme pour le licenciement, les départs volontaires vont impliquer pour l’entreprise, une perte de savoirs tacites, source d’avantage concurrentiel. Les licenciements, en tant que mesure de sortie de crise, ont ainsi mauvaise presse, du fait de leur impact humain évident, mais aussi en raison de la perte de savoir qu’ils induisent pour les entreprises (Sahdev et al., 1999).

Pour autant, il existe aussi une littérature présentant ce type de mesure de façon plus

positive en montrant comment les licenciements contribuent aux objectifs de transformation organisationnelle toujours nécessaires en temps de crise. (Kozlowski, Chao, Smith, & Hedlund, 1993; Kets de Vries & Balazs, 1996). Les tenants de cette approche soulignent que les licenciements peuvent être perçus de façon positive s’ils sont mis en œuvre dans le but de transformer l’organisation pour la préparer à ses enjeux futurs et assurer sa croissance. Dans une telle perspective, les licenciements contribuent à réduire les frais de fonctionnement de l’entreprise, permettent l’établissement de circuits de décision plus rapides et plus efficaces et contribuent à augmenter la productivité (Cascio, 1993; Kets de Vries and Balazs, 1996).

Cette vision positive des licenciements est néanmoins remise en cause par de nombreuses études. Du point de vue organisationnel, les licenciements relèvent avant tout d’une volonté de réduire les coûts de l’entreprise de façon drastique (Hitt, Keats, Harback & Nixon, 1994), qui induit une charge de travail et des responsabilités accrues pour ceux qui restent. Certaines recherches ont par exemple montré que licenciements et performance accrue ne vont pas nécessairement de pair (Cameron, Freeman, & Mishra, 1991) et que la performance post-licenciement des entreprises continue même à se détériorer à un rythme plus important que celle d’entreprises ne licenciant pas (De Meuse, Vanderheiden, & Buzzman, 1994).

Les situations de crise sont évidemment difficiles à gérer pour les départements RH, qui font ainsi face à un dilemme (Sahdev et al., 1999) : d’un côté, le « capital humain » est présenté comme la première ressource de l’entreprise, la source essentielle de son avantage compétitif (Prahalad & Hamel, 1990; Sims & Sims, 1994), de l’autre les mesures de gestion de crise et parmi elles, les licenciements, sont les premières à affecter les salariés (Noer, 1993). Le plan de départ volontaire comporte ainsi quelques points communs avec les démarches de licenciement, en ce qui concerne l’entreprise. Sans entrer dans les aspects de coût, il pose la question de la maintenance du capital de compétences, particulièrement critique quand l’entreprise, en situation de survie, doit faire des ajustements stratégiques profonds et rapides. Cependant, il pose la question d’un double risque, celui de l’accueil de ce plan alors que la situation du marché de l’emploi est difficile début 2009, mais aussi celui de

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voir partir les salariés que l’entreprise souhaiterait garder, généralement ceux qui ont le plus de chance de rebondir rapidement sur le marché du travail. A cela il faudrait rajouter un troisième risque, celui des conséquences pour le personnel en place, appelé « survivant » dans la littérature.

1.3. Les conséquences des restructurations sur les salariés restants

Les départs massifs liés à ce plan conduisent à de fortes réorganisations. De fait, ceux qui ont décidé de rester dans l’entreprise voient leur environnement de travail changer, parfois profondément. A la suite du départ de leurs collègues, certains changent de poste et de périmètre d’action. Comme les départs volontaires s’ajoutent au départ de très nombreux prestataires dont il faut reprendre les tâches sans parfois n’en avoir aucune connaissance, le changement pour eux ne relève pas seulement de la seule réaction émotionnelle et amicale au départ de collègues qui annoncent souvent brutalement leur départ au dernier moment, après la conclusion du contrat avec l’entreprise. Le changement se vit aussi dans les aspects les plus concrets de leur travail, pour des personnes qui se retrouvent soudainement dans des postes ou sur des projets qui leur sont totalement étrangers, avec des équipes décimées, dans des structures imaginées à la hâte. Ce sont donc ces “survivants” qui doivent assurer la bonne marche de l’organisation, en dépit d’effectifs plus réduits (Allen, Freeman, Russel, Reizenstein & Rentz, 2001). Ils doivent affronter, pour certains, les doutes, angoisses et sentiment de trahison inhérents à tout contexte de licenciement.

La littérature a en effet étudié l’impact des licenciements sur les individus qui restent dans l’organisation, mettant ainsi en évidence le syndrome dit « du survivant ». Sur le plan individuel, ce phénomène se caractérise par un sentiment de colère, de déprime, de culpabilité d’être toujours là, voire d’amertume, conduisant à un désengagement de la vie organisationnelle et à une moindre implication au travail (Cascio, 1993; Sahdev et al., 1999). Ce syndrome trouve ses racines dans une violation du contrat psychologique (Noer, 1993, Argyris, 1960, Schein, 1980), qui peut être défini comme un ensemble de croyances individuelles et de perceptions relatives aux obligations réciproques entre un employé et son employeur (Robinson, Kraatz, & Rousseau, 1994). Certaines de ces obligations figurent formellement sur le contrat de travail mais d’autres sont plus implicites et n’ont pas nécessairement été discutées en tant que telles au moment de l’embauche. (Anderson & Shalk, 1998). Ainsi, les employés peuvent-ils nourrir des attentes implicites en termes de sécurité de l’emploi ou de développement de carrière. Inversement, un employeur pourra avoir des attentes implicites en termes de fidélité à l’entreprise, d’implication au travail, de temps passé dans l’entreprise. Pour autant, il arrive qu’il y ait un décalage entre employeur et employé au sujet de ces attentes (Robinson, 1996). La violation du contrat psychologique survient lorsqu’une des deux parties considère que ses attentes n’ont pas été satisfaites, ou que les promesses n’ont pas été tenues (Knights & Kennedy, 2005). Sur un plan cognitif, la rupture du contrat psychologique intervient lorsque l’équilibre entre ce que l’employé a le sentiment de donner à l’entreprise et ce qu’il reçoit en retour est rompu. Sur le plan émotionnel, la rupture du contrat psychologique s’accompagne, entre autres, d’un sentiment de colère, d’amertume et de trahison (Wolfe Morrisson & Robinson, 1997).

Ces sentiments d’amertume et de colère sont, selon la littérature, d’autant plus

éprouvés si les individus ont le sentiment que l’organisation a agi sans raison claire et justifiée (El Akremi, Ben Ameur, 2005). Diverses études ont à ce titre mis en évidence le rôle essentiel de la justice organisationnelle en tant que variable modérant les impacts négatifs liés aux

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situations de rupture du contrat psychologique (Turnley et Feldman, 1999; Robinson et Morrison, 2000 ; Kickul, 2001). Le concept de justice organisationnelle est en effet considéré comme essentiel à la vie des organisations par certains auteurs (Clawson, 1999 ; Collins et Porras, 1997). Parmi les facettes classiquement évoquées par la littérature pour évoquer la justice organisationnelle, la dimension relative à la justice procédurale joue notamment un rôle particulièrement important dans les situations de rupture du contrat psychologique (Beugré, 1998 ; Lind, 2001). La justice procédurale fait référence à l’équité perçue des moyens utilisés dans toute prise de décision concernant le salarié. Elle désigne le jugement porté sur les procédures et les processus mobilisés pour la prise de décision au sein de l’entreprise.

1.4. Les recherches menées en temps de crise.

Le dernier aspect à considérer pour servir de cadre à cette recherche concerne les recherches menées en temps de crise. Nombreuses sont les recherches qui ont porté sur les réactions des “survivants” après des licenciements (Brockner, Grover, & Blonder, 1988; Brockner & Wiesenfeld, 1993; Olson & Tetrick, 1988). Ces études ont renforcé la compréhension du phénomène, notamment quant aux stratégies mises en œuvre par les personnes encore dans l’entreprise pour faire face (Latack, 1986), ou quant aux émotions en jeu dans de telles situations (Huy, 2002). Les travaux de Huy (2002) ont été réalisés dans le cas de managers de proximité. Pour autant, la littérature met en évidence le manque de travaux théoriques et empiriques portant sur l’impact des licenciements sur ces managers intermédiaires (Armstrong-Stassen, 2006).

Dans ce contexte, notre recherche comporte deux caractéristiques principales. Premièrement nous avons adopté une approche diachronique visant à interroger des managers de l’entreprise à différents moments au cours de cette période très critique pour l’entreprise qui couvre le temps de mise en œuvre du plan de départ volontaire et les mois qui suivent immédiatement sa clôture. Cette approche est intéressante car elle permet de décrire les conséquences d’une mesure alors qu’elle est en train de se mettre en œuvre. Cela écarte ainsi les limites d’une interprétation ou un jugement uniquement a posteriori, alors que l’on connaît les résultats de la mesure adoptée. Plusieurs auteurs ont d’ailleurs souligné la nécessité d’approcher de manière longitudinale les survivants d’organisations en situation de changement radical (Mishra & Spreitzer, 1998). Par ailleurs, la plupart des recherches portent sur les survivants ont été réalisés sur la base d’une seule collecte de données (Allen et al., 2001). Notre recherche tente donc d’enrichir la littérature dans ce domaine en recourant à un recueil de données longitudinal articulé autour de quatre collectes distinctes.

Deuxièmement, il nous est apparu comme particulièrement trompeur de ne considérer

que cette mesure de départ volontaire alors que l’entreprise vit des bouleversements profonds. Elle se trouve dans une situation très risquée pour l’avenir. Il ne serait donc pas pertinent d’interroger les personnels restants sur la mesure de départ volontaire uniquement en la sortant d’un contexte où cette mesure n’est qu’une facette d’une crise profonde aux issues incertaines. Il paraît donc opportun de situer la perception de la mise en œuvre et des effets du plan de départ volontaire en relation avec une perception plus globale de la situation et de la crise en cours à différents niveaux plus ou moins proches des répondants. Il est donc pertinent de pouvoir situer ces perceptions dans le contexte de la situation personnelle, de la situation professionnelle mais aussi de la perception plus globale par les répondants de l’entreprise et du contexte général de la crise. Cette multiplication des angles de vue a deux intérêts: (1) elle

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permet de suivre des réactions sur le terrain de personnes indirectement concernées par le plan de départ volontaire mis en place par les RH; (2) elle permet aussi d’évaluer les impacts de cette politique RH de crise au-delà du simple contexte professionnel.

2. COLLECTE ET ANALYSE DES DONNEES

Comme précisé plus haut, nous avons conduit cette recherche au sein d’un grand

constructeur automobile. Nous avons suivi 21 managers dans le cadre d’un dispositif longitudinal d’entretiens semi-directifs. Nos entretiens ont eu lieu entre janvier 2009, au plus fort de la vague de départs volontaires et octobre 2009, soit quelques mois après la clôture du dispositif. Nous avons rencontré ces managers tous les trois mois (janvier, avril, juillet, octobre), réalisant ainsi 84 entretiens, dont 80% ont été retranscrits. Chaque entretien, d’une durée de 45 minutes à une heure, a permis aux répondants d’évoquer tour à tour leur vie professionnelle, personnelle, leur perception de leur employeur et leur vision du contexte économique et social. Après leur appréciation qualitative de ces quatre domaines de leur existence, les répondants donnaient une évaluation de leur degré de confiance par rapport à leur situation personnelle, à leur situation professionnelle, à l’entreprise et au contexte général sur une échelle de 0 à 10.

Les 21 managers interrogés évoluaient dans des entités différentes du groupe : usine,

centre de recherche, région, central, filiale. Tous néanmoins appartenaient à la même catégorie, dans la classification de l’entreprise et étaient à des stades de carrière comparables. 66% des répondants sont des hommes avec une ancienneté moyenne dans l’entreprise de 15 ans (écart-type de 2,5 ans) et une ancienneté moyenne dans le poste occupé au moment des entretiens de 2,5 ans (écart-type de 1,03). Le choix des 21 s’est effectué de la manière suivante : la proposition de participer à la recherche leur a été faite lors d’une formation en novembre-décembre 2008. Tous les managers qui ont répondu positivement ont effectué l’ensemble des entretiens à l’exception d’une personne qui a quitté l’entreprise au cours du premier trimestre de 2009.

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3. PRINCIPAUX RESULTATS

3.1. Evolution des degrés de confiance

Les répondants ont exprimé leur degré de confiance sur une échelle de 0 à 10 à propos de leur situation personnelle, situation professionnelle, de l’entreprise et du contexte général. Les résultats apparaissent dans le tableau suivant :

Degré de confiance dans…

Temps 1 Janvier 2009

Temps 2 Avril 2009

Temps 3 Juillet 2009

Temps 4 Octobre 2009

… la situation personnelle

7,6 7,6 7,5 7,4

… la situation professionnelle

6,4 6,6 6,5 6,6

… l’entreprise 5,7 6,1 5,8 6,4 … le contexte général

5,1 5,3 5,5 5,5

1 - Evolution des degrés de confiance des managers au cours du temps

Plusieurs remarques peuvent être faites. Premièrement, on remarque, à chaque période,

le même ordre de confiance entre les quatre domaines étudiés. C’est toujours la situation personnelle qui leur inspire le plus de confiance, puis la situation professionnelle (leur poste, leurs missions), puis l’entreprise (avec ses politiques) et enfin le contexte général (l’économie, le monde, etc.). Au fur et à mesure que l’on s’éloigne d’eux le degré de confiance diminue. Deuxièmement, si l’on additionne les scores de confiance obtenus à chaque période, on passe d’un score de 24,8 en janvier pour atteindre 25,9 en octobre. La confiance globale semble s’être globalement accrue durant les quatre premiers trimestres, c’est-à-dire entre le moment où se prennent les décisions de départ volontaire et la fin de l’année alors que l’entreprise se trouve dans d’autres plans et politiques que ce qui avait été imaginé en début d’année. Troisièmement, on peut noter que les moyennes de degré de confiance pour la situation personnelle et pour la situation professionnelle ont peu évolué au long de l’année : la fourchette est de 7,4-7,6 pour la situation personnelle et de 6,4-6,6 pour la situation professionnelle. La fourchette est plus large pour le contexte général (l’économie, le monde) : 5,1-5,5. Elle est beaucoup plus forte pour le degré de confiance vis-à-vis de l’entreprise et de ses politiques (5,7-6,4) avec des changements assez brutaux d’une période à l’autre : + .4 entre janvier et avril, -.3 entre avril et juillet, +.6 entre juillet et octobre. Il faut noter, comme nous le verrons plus tard que les répondants ont toujours durant cette période une grande réactivité à l’actualité de l’entreprise qui est très riche durant l’année 2009 puisque les stratégies à moyen-terme sont fortement revues et l’activité à court terme fortement influencée par les mesures gouvernementales. 3.2. Analyse des entretiens

S’il nous a paru important d’évoquer même brièvement les références théoriques relatives au contrat psychologique et à la perception de justice organisationnelle, nous n’utiliserons néanmoins pas ici ces deux cadres comme grille de lecture de l’analyse de nos entretiens. Nous avons en effet concentré notre analyse sur les perceptions exprimées par nos répondants,

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face à la prise de cette mesure RH d’exception qu’a représenté le plan de départ volontaire. Nous explicitons donc ici les perceptions rapportées par les managers rencontrés au vu du plan de départ volontaire, durant les quatre phases de notre étude longitudinale.

Temps 1 (Janvier 2009) – La phase d’attente et d’observation.

La première vague d’entretiens a été réalisée en janvier 2009, à un moment où les

salariés de Vivauto étaient invités à se manifester s’ils souhaitaient bénéficier du plan de départ volontaire. A ce moment, personne ne savait si le plan serait un succès ou non. Des mesures similaires avaient été prises par le passé chez des constructeurs concurrents, mais dans un contexte économique beaucoup moins chahuté.

Trois éléments ont été régulièrement évoqués dans cette première phase: 1) la réaction des managers au principe du plan de départ volontaire; 2) Les conséquences attendues du plan de départ volontaire sur l’organisation; 3) les sentiments personnels et les opinions face à cette mesure.

Les managers face au plan de départ volontaire. Au fil de ces premiers entretiens, le sentiment que les meilleurs collaborateurs quitteraient l’entreprise rapidement en profitant du plan est partagé par la majorité des managers interrogés. Une double perception est par ailleurs partagée par tous : 1) le sentiment que tout va très vite, que l’on bâcle les pots de départ des collègues qui quittent l’entreprise, tant ceux-ci sont nombreux: “On fait des pots de départ tous les jours, ça devient banal et je n’ai pasle temps d’assister à tous. Des fois, même, on groupe plusieurs pots, on fait cela à la chaîne”); 2) un sentiment d’incertitude quant aux résultats de cette politique: “on nous invite à quitter l’entreprise, mais si finalement le plan a du succès, cela va coûter beaucoup d’argent à l’entreprise” ou au contraire, de la part d’un autre manager : “si le plan n’a pas de succès et que peu de personnes le prennent, ils vont être obligés de licencier”.

Perception des conséquences organisationnelles du plan. Au Temps 1, les managers interrogés mentionnent également des évolutions parfois liées à la mise en place du plan de départ volontaire, notamment un regain de pression au travail : “nous devons faire le même travail qu’avant avec moins de personnel”, “j’ai le sentiment que nous sommes en réorganisation permanente”, “nous avons désormais des directives et de fortes contraintes dans le cadre de nos missions, notamment en termes de mobilité et de voyage pour travailler avec nos correspondants en Espagne”. Pour autant, la mise en place du plan a été également perçue comme un signal de la capacité de l’entreprise à réagir et prendre des initiatives dans une période difficile. Face à cette prise en main décidée par le « top-management », certains managers ont de fait manifesté toute leur confiance dans leur entreprise. Le plan de départ volontaire est donc perçu à ce stade comme un mal nécessaire que peu de managers ont critiqué vivement, ne voyant pas d’alternative à cette solution. Les sentiments plus personnels face au plan. Le plan de départ volontaire est perçu comme une brèche dans le traditionnel contrat psychologique liant Vivauto à ses employés: “avec ce plan, un lien vient d’être rompu ” déclare un de nos répondants. Un manager se déclare même en état de choc face à la communication intensive mise en place en interne pour inciter les collaborateurs à accepter l’offre : « Toutes les semaines on a reçu, de janvier à la semaine dernière, des messages disant « Partez ! Vous pouvez prendre le Plan ! », on nous a organisé 5

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forums de l’emploi depuis le démarrage, on fait même venir les entreprises qui recrutent, on nous dit « Partez », moi ça me choque. J’ai plus confiance. Quand le management dit cela, c’est perturbant ; Vivauto a laissé partir 4000 personnes. Dans les 4000 personnes, le pourcentage de personnes de grande valeur, je ne le connais pas. Mais une chose est sûre : les pas bons ne sont pas partis. »

Au final, le sentiment le plus partagé, à ce stade, est celui de l’attente et de l’observation : les managers partagent des sentiments contrastés : choc face à une mesure qui rompt la tradition de loyauté réciproque employeur/ employé, tolérance ou incompréhension face à ceux qui quittent le bateau en acceptant le plan, approbation de la mesure tant la situation est urgente et qu’il convient, pour le bien de l’entreprise, de réagir face à la crise. Temps 2 – Un sentiment de soulagement.

Les entretiens de la phase 2 ont eu lieu en avril 2009, peu avant la clôture du plan de

départ volontaire. Le sentiment exprimé par les managers à ce stade traduit le succès du dispositif car les objectifs “en volume” ont été atteints. Les personnes quittant l’entreprise partent en étant satisfaites de trouver un soutien financier et technique pour s’engager dans une nouvelle vie. Vivauto semble bien gérer la période de crise. A ce stade, les perceptions exprimées par les managers interrogés sont globalement teintées de soulagement face à un plan de départ volontaire qui semble s’être bien passé. Les thématiques qui ressortent des entretiens concernent essentiellement leur situation professionnelle immédiate et l’organisation de l’entreprise

Soulagement sur le plan professionnel. Le soulagement se ressent tout d’abord lorsque les managers évoquent leur situation professionnelle immédiate. Le succès du plan de départ signifie en effet, pour les “survivants”, qu’ils n’auront pas à affronter de vague de licenciements brutaux les concernant directement. Ce soulagement est même teinté d’optimisme en ce qu’il ouvre aussi de nouvelles perspectives de carrière en interne: un appel d’air est induit par ces départs massifs et ouvre ainsi quelques opportunités: élargissement de périmètre d’action suite au départ de collègues proches, plus grande exposition auprès de la hiérarchie lorsque les départs font que le manager a plus d’ancienneté dans l’équipe que son responsable direct : « J’ai changé de chef. Cela s’est passé fin février, très rapidement. Du coup, un nouveau patron est arrivé. Il n’a jamais travaillé au siège, il a un profil très international et a aussi été en région. C’est un point important car il apprend le mode de fonctionnement du siège, les réseaux locaux. Il s’est vite mis dans le bain. Je passe beaucoup de temps avec lui. Etant le plus ancien, je suis son guide, c’est quelqu’un avec qui on peut échanger, discuter et donner des idées sur le business. C’est bien pour moi. »

Le choc des départs demeure, en filigrane. Pour autant, au-delà de ces opportunités de

mise en avant, les volumes de départs désormais atteints font qu’il faut gérer la vacance des postes et son impact sur ceux qui ont choisi de rester : « on commence à voir le contrecoup de la baisse des ressources. Certains projets avancent moins vite », ou l’on voit son périmètre d’action élargi pour combler les manques de personnel (« un collègue est parti à cause du plan de départ, sa case n’est pas renouvelée. Donc je dois récupérer 80% de son poste. Cela me concerne directement. »). Certains des managers interrogés restent marqués par ces départs massifs qui conduisent tout un chacun à bien évaluer les avantages et inconvénients qu’il peut y avoir à rester dans l’entreprise ou à la quitter. On peut souligner ici la réaction d’un des managers, évoluant dans une des usines du groupe, particulièrement touchée par la crise et son sentiment de dévalorisation face aux départs massifs: “Ce plan de départ met une

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ambiance particulière dans l’usine. On ne sait plus qui est parti. Les gens ont du mal à le vivre. Tu peux bosser 30 ans dans la même boîte et quand tu pars, il n’y a plus rien. Je trouve que cela dévalorise le travail de ceux qui restent. Notre travail ne vaut plus grand chose”. A ce stade du processus d’incitation au départ, ce n’est finalement pas véritablement la mesure RH qui soucie le plus nos répondants, mais plutôt ses conséquences en interne. Les managers finissent par focaliser leur attention non plus sur ceux qui sont partis et la place qu’ils ont laissée, mais plutôt sur eux-mêmes, sur la valeur de leur propre travail et sur les conséquences du plan sur leur activité quotidienne. Seule reste dans leur esprit la joie des plus anciens, heureux de pouvoir ainsi, grâce au plan, profiter de leur retraite plus tôt et celle des plus jeunes, beaucoup moins fidèles à l’entreprise qu’ils ne l’ont eux-mêmes été, et qui les confrontent à leurs propres doutes, en ne dissimulant pas leur soulagement de partir pour créer leur propre structure : « le plan de départ a été un vrai choc psychologique. Les gens se sont posé la question pour eux-mêmes. Certains se sont demandé ce qu’ils faisaient encore dans cette entreprise. Cette mesure a pesé sur nous tous et sur le moral des troupes ».

L’heure des opportunités ? Sur le plan organisationnel, certains répondants

mentionnent que cette période chahutée est l’occasion de restructurer l’entreprise sans trop de dommages sur le plan humain. D’autres continuent à partager l’opinion selon laquelle les meilleurs ont quitté l’entreprise, mais ce point ne ressort plus aussi fortement qu’au Temps 1. C’est un point qui reste en effet évoqué mais qui ne fait pas nécessairement référence à la réalité professionnelle immédiate des managers interrogés. L’idée qui prévaut à ce stade montre que les managers interrogés considèrent cette période comme une opportunité unique de revoir les modes de fonctionnement de l’entreprise pour les rendre plus efficaces : il s’agit de « dégraisser le mammouth », pour reprendre l’expression employée par une de nos répondantes. Il faut se recentrer, remettre les choses à plat. Temps 3 (Juillet 2009) – le doute prévaut

A ce stade, le plan de départ volontaire est achevé depuis presque trois mois. Quelques

départs se négocient encore à la marge, mais cela reste sporadique. Une nouvelle mesure RH de gestion de crise vient d’être annoncée pour septembre 2009 : la mise au chômage partiel de l’ensemble de l’entreprise (à quelques exceptions près), qui conduira la majorité des salariés de l’entreprise à ne travailler que 4 jours par semaine, sans réduction salariale entre septembre et décembre 2009.

Si la phase 2 était marquée par une phase de soulagement, les entretiens de cette

troisième phase témoignent plutôt d’un sentiment de doute et de remise en cause, notamment lié aux difficultés organisationnelles faisant suite au plan de départ volontaire. Les managers évoquent une plus grande complexité à gérer, un sentiment d’immobilisme qui fissure leur confiance à l’égard de leur employeur.

Gérer la complexité liée à des départs massifs et soudains. La mesure RH du plan de

départ volontaire est certes finie à ce stade, mais ses effets se font désormais sentir sur le terrain. On constate les chaises vides et la complexité accrue générée par ces départs soudains : « Entre janvier et mai, il y a eu une désorganisation du travail liée au départ des prestataires. D’avril à juillet, c’est le départ des Vivauto qui s’est fait sentir ». Le départ soudain des salariés de l’entreprise complique la donne : des postes clés sont laissés vacants sans préavis – en vertu des principes de fonctionnement du plan de départ - générant de la complexité dans le travail quotidien de ceux qui restent.

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Des opportunités de carrière finalement bloquées. Par ailleurs, à l’optimisme de la seconde phase d’entretiens succède la désillusion, quant aux opportunités générées par les départs massifs. Les appels d’air ne sont pas si aisés à concrétiser. Des jeux de pouvoir se mettent en place en interne, les responsables d’équipes cherchent à garder leurs meilleures ressources. Les opportunités professionnelles qui semblaient se dégager en phase 2 sont pour certaines devenues des chimères et entament la confiance des « managers – survivants » envers leur employeur: « J’ai un peu moins confiance. Ce n’est pas agréable. On me rabâche que les mobilités ne sont plus bloquées mais en réalité, avec le plan de départ, tout s’est finalement bloqué. On aurait pu imaginer que les postes allaient s’ouvrir, mais les gens préfèrent garder ceux qui sont là. Ca gâche mes perspectives de partir de cette équipe. Comme quoi, on peut avoir la volonté de quitter son équipe mais pas pouvoir…. Moi je vois deux solutions : ou je quitte l’entreprise ou ma hiérarchie me laisse bouger en interne ».

La défiance des survivants. Face à ces difficultés, la confiance de nos managers envers

leur employeur se fissure. La défiance gagne. Les discours du « top-management » sont remis en cause et soupçonnés d’avoir des visées manipulatoires sur les troupes, dans un contexte de gels des salaires et des primes de fin d’année: « En janvier, je craignais les mesures. Là on nous dit que les résultats de l’entreprise sont très mauvais. Il y a eu de la manipulation. Face à ça on se dit, il vaut mieux que je ne touche pas ma prime. Ils ont très bien réussi ce coup là. On se met en position de sacrifice. Je suis sûre qu’il y a eu une manipulation des résultats pour que chacun prenne conscience de ne pas être individualiste. Ils font appel à des dons en interne. J’ai donné deux jours de RTT pour que les gens de l’usine de XXX puissent être payés. Y’a une sorte d’endoctrinement. On abandonne nos jours de RTT pour payer les gens de XXX. On valorise notre sacrifice en se disant que cela sert à d’autres parties de l’entreprise. »

De l’attachement au détachement. Au final, au Temps 3, le pacte tacite de fidélité de

nos managers vis-à-vis de leur employeur est plus que jamais chamboulé. Les entretiens mettent en avant le fait que la fidélité à l’entreprise a vécu et que le plan de départ volontaire a contribué à enterrer cette vision de l’entreprise : « Le plan de départ a été un déclencheur pour beaucoup sur le fait de se détacher de Vivauto. Alors qu’avant, on entrait chez Vivauto et on y restait à vie ». Nous avons ainsi assisté, au cours des trois premières phases de nos entretiens, au détachement progressif des managers interrogés, vis-à-vis de leur entreprise. La majeure partie d’entre eux souligne encore à ce stade combien le discours incitatif de la direction pour qu’ils quittent l’entreprise les a troublés voire « choqués ». Les certitudes des managers vacillent. Ils se demandent s’ils ont pris la bonne décision et tentent au quotidien d’absorber une charge de travail accrue du fait des départs massifs et soudains de leurs anciens collègues. Temps 4 (Octobre 2009) – Le retour à la normale

Au mois d’octobre 2009, moment où se déroule la quatrième et dernière phase de nos

entretiens, le contexte général de l’entreprise est quelque peu différent. Le plan de départ volontaire en tant que mesure RH de gestion de crise a été balayé par une nouvelle mesure, mise en œuvre en septembre 2009 : la mise au chômage partiel de la majeure partie des salariés de l’entreprise. Tous ne travaillent désormais que du lundi au jeudi. Le vendredi est chômé ou éventuellement consacré aux trois jours de formation que propose l’entreprise à ses salariés durant cette période. Le tout se fait sans réduction de salaire. La mesure concerne ainsi 17 000 cadres et ingénieurs (28% de l’effectif français), du siège comme des établissements d’ingénierie. Parallèlement à cette mesure, un fonds a également été crée pour que les cadres du groupe puissent abonder en renonçant, en moyenne, à trois jours de congés.

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Ce dispositif permet d’économiser des sommes qui assureront une meilleure indemnisation des ouvriers du groupe en chômage technique. Les mesures RH ainsi mises en œuvre à cette période vont pleinement dans le sens de mesures bienveillantes, puisqu’elles misent sur la solidarité des collaborateurs au sein du groupe.

A ce stade, les entretiens sont marqués par l’apparition de nouveaux thèmes. Le plan

de départ volontaire n’est plus évoqué. Il a été remplacé par les mesures de chômage partiel, qui occupent désormais les esprits et le quotidien.

S’habituer à un nouveau rythme de travail. Il s’agit donc tout d’abord de prendre le pli

de cette nouvelle mesure et de réussir à travailler désormais en quatre jours au lieu de cinq. Les managers témoignent de la pression qu’ils ressentent face à ce nouveau rythme. Les journées sont allongées pour faire tenir dans le temps imparti la charge de travail à abattre : « Pour les projets stratégiques, on a des rendez-vous le matin, à 7h30/8h00 pour allonger les journées. Il faut recaler les semaines sur 4 jours. ». C’est aussi une nouvelle atmosphère qui s’est progressivement mise en place. Certains ont le sentiment d’être dans un mois de mai permanent avec toutes ces semaines de 4 jours. Des habitudes se créent dans les échanges entre collaborateurs : « Dès le jeudi matin, dans les échanges de mails, on finit par des « Bon WE à toi ». Le jeudi ressemble à un vendredi et le lundi c’est : « C’est cool, ce week-end, j’ai fait ça et ça et ça… ! ». Les gens ont du mal à se remettre au boulot, le lundi ». Dans d’autres services, la gestion d’une charge de travail inchangée sur quatre jours a conduit à des adaptations voire même à des contournements de la règle, amenant certains à travailler le vendredi, en dépit de l’interdiction de la direction : « On avait deux manières de réagir : 1) augmenter notre charge au quotidien, et 2) travailler le vendredi, chez nous. Au début, on a essayé de ne pas travailler le vendredi mais on n’a pas pu. On ne s’en sortait pas. On souhaite tous revenir à 5 jours. Le poids de la charge est trop lourd. On travaille le vendredi, de chez nous. C’est illégal mais on n’a pas le choix. Sinon, on faisait 12 à 14 heures/ jour et ce n’était pas tenable. On travaille de chez nous, on est tous équipés pour cela à la maison».

De nouveaux comportements, induits par le chômage partiel. On le voit, cette nouvelle

mesure RH se ressent sur les comportements des managers interrogés. Nos répondants ont le sentiment que l’esprit collectif de l’entreprise s’effrite face à une mesure qui conduit tout un chacun à se recentrer sur sa vie personnelle : « Cela ressemble à une espèce d’égoïsme. Il y a un recentrage sur l’entourage proche. L’envie d’avoir sa bulle de confort, de bien être, sa bulle de confort chez soi. On fait son carrelage, on va promener les enfants, on se recentre sur le perso, sur d’autres valeurs, sur ses petits trucs que l’on essaie de préserver. On devient égoïste ». La mise en place du chômage partiel a également progressivement conduit les collaborateurs à se détacher des enjeux de l’entreprise. Le chômage partiel est rapidement passé dans les mœurs. Les trois jours de formation qui doivent être pris les vendredis chômés sont souvent remis en cause par les collaborateurs, qui ont le sentiment que l’entreprise empiète sur leur week-end : « Les collaborateurs ont un côté relax par rapport au 4 jours. Hier on a reçu un mail sur les questions fréquentes du moment : les formations sont mises le vendredi mais y’en a qui râlent. Ils veulent garder leur vendredi. Ont pris le pli du week-end de 3 jours alors qu’en fait on est au chômage ! En interne tout le monde fait l’indigné en disant qu’il voulait partir en week-end de 3 jours mais… On est au chômage ! Ce ne sont pas les vacances ! ». Humainement, la mesure laisse donc des traces. Elle est pour beaucoup perçue comme un acquis, ce qui fait craindre à certaines la phase de retour à un rythme de travail normal sur 5 jours, dès janvier 2010.

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Des sentiments mitigés : entre optimisme et peur de l’avenir. Au quatrième temps de notre collecte de données, le thème de la survie ressort également. Les managers interrogés donnent le sentiment d’avoir passé un cap de la crise, d’avoir passé le plus dur : « La situation évolue. On a survécu. Y’a des choses qui vont dans le bon sens. On a montré que l’on pouvait survivre, qu’on savait changer. Mais est-ce durable ? C’est la question ». L’entreprise, au Mondial de l’automobile de Francfort a présenté ses projets en matière de véhicule électrique. Ceux-ci ont été salué par la critique, ce qui contribue à redonner confiance à certains, qui y voient une touche positive pour l’avenir. Mais la tonalité générale reste marquée par une incertitude face à l’avenir, notamment lorsque les mesures de soutien gouvernemental cesseront : « Qu’est ce qui va se passer à la fin des primes à la casse ? On verra ».

4. DISCUSSION

Les entretiens menés au cours de l’année 2009 nous ouvrent d’intéressantes perspectives concernant la réaction des « survivants » au plan de départ volontaire lancé par l’entreprise. Rappelons que ce plan a été un succès dans la mesure où le nombre de personnes parties volontairement a dépassé l’objectif initialement fixé par l’entreprise.

Premièrement, la démarche utilisée nous amène à ne pas nous interroger directement

sur le plan de départ volontaire mais de regarder comment les répondants vivent cette politique RH, et quels facteurs leur paraissent liés à ce plan. En effet, cette recherche nous permet de sortir d’une approche trop simpliste en termes de satisfaction ou d’implication des « survivants » par rapport à une mesure. Nous voyons plutôt ici les raisonnements qu’ils associent à ce plan et leur évolution dans le temps. Ainsi, nous pouvons noter que le plan est associé, au niveau organisationnel :

- au départ des personnels les plus compétents et expérimentés ; - à la capacité de l’entreprise de réagir très rapidement aux circonstances de la crise en

adoptant un plan sérieux qui conserve l’avantage pour les salariés du volontariat ; - aux difficultés pour réorganiser l’entreprise avec moins de gens ; - aux opportunités de mobilité que présente le plan pour les « survivants ».

Au niveau individuel, les répondants associent le plan à plusieurs problématiques importantes :

- la motivation des personnes ; - l’ambiance étrange créée par la multiplication des « pots de départ » ; - la surprise d’un succès aussi rapide du plan ; - l’étonnement lié au fait que tant de personnes veuillent quitter l’entreprise malgré une

culture traditionnelle d’emploi à vie dans l’entreprise ; - le réconfort – qui n’est pas sans étonner – de voir autant de personnes quitter

l’entreprise, apparemment très heureux ; - le questionnement sur son propre choix de ne pas avoir saisi l’opportunité ; - les opportunités potentielles devant le nombre de postes vacants.

Deuxièmement, nous pouvons approcher dans cette recherche les modalités et causes

d’évolution des perceptions autour du plan de départ volontaire. Conforté par l’évolution des degrés de confiance entre les périodes 1 et 4, on peut interpréter l’évolution de ces perceptions. Il est en effet clair que ce plan, en pleine crise, a été un grand choc pour les répondants. Dans une culture d’emploi à vie, il était étrange de faire la publicité pour un

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départ. Les personnes se demandent ce qui va passer, alors qu’elles comprennent bien la nécessité de mesures drastiques et rapides, étant donnée la situation économique de l’entreprise. Entre le soulagement de voir cette mesure réservée au volontariat et la crainte de voir partir les meilleures compétences nécessaires au futur de l’entreprise, les sentiments sont donc très mitigés. Cette attitude sceptique évolue assez vite à la deuxième période quand le plan semble se dérouler plus efficacement que prévu. Les répondants sont surpris de voir des personnes quitter sans regrets l’entreprise, ils sont heureux que le succès du plan évite les licenciements. Les sujets d’intérêts et de préoccupations se mettent à toucher à l’évolution de l’emploi et des organisations auxquelles appartiennent les répondants et le plan de départ volontaire apparaît rapidement comme « digéré » dans une entreprise où les évolutions, les choix stratégiques, les évolutions organisationnelles se succèdent à un rythme élevé. Dans une troisième période, l’attention n’est plus que marginalement portée à ce plan de départ volontaire, presque dissout dans des mesures autrement plus fortes qui viennent d’être prises dans le cadre d’un nouveau contrat social. Entre autres mesures, les salariés de l’entreprise travaillent jusqu’à la fin de l’année civile sur une base de 4/5ème, c’est-à-dire avec une semaine du lundi au jeudi, avec interdiction de venir au bureau ou de continuer de travailler de manière collaborative le vendredi. Le plan de départ volontaire s’ajoute alors à tous ces changements qui créent de l’incertitude et de la pression sur son propre travail : départ des sous-traitants, réorganisation des projets et de leur échelonnement, choix stratégiques, etc. Si le plan de départ volontaire a surpris en rompant avec la culture traditionnelle d’emploi à vie, il marque aussi pour les répondants, avec l’engagement de non-licenciement sur l’année et le temps partie sans diminution de salaire, aux yeux des répondants, la volonté de l’entreprise de passer cette crise avec le moins possible de casse sociale. L’incertitude se situe donc moins dans les politiques RH et leur évolution que dans la nécessité de tirer son épingle du jeu dans ce bouleversement organisationnel et stratégique qui remet en cause les carrières de chacun.

Troisièmement, l’approche par les répondants du plan de départ volontaire d’une part et, plus largement, des politiques RH, traduit l’importance prise par la situation de l’entreprise globalement. En effet, il est clair que le surplus de confiance lors de la dernière période 4 s’explique, dans le discours de tous les répondants par l’affirmation lors d’un salon automobile à Francfort d’une stratégie claire pour les années qui viennent. Cette bonne nouvelle s’ajoute à un bon état des ventes lié aux mesures gouvernementales de « primes à la casse », qui constituent des mesures incitatives à l’achat de voitures propres. Il est intéressant de noter l’importance de l’actualité de l’entreprise, de ses projets, stratégies et résultats, sur les perceptions des répondants. La quatrième période donne vraiment l’impression d’un retour à la normale, d’une entreprise qui a recommencé de produire avec une idée non seulement claire de ses projets d’avenir, mais assez enthousiasmante puisqu’elle permet à l’institution de renouer avec les moments les plus heureux de son histoire … si ces projets réussissent.

Quatrièmement, cette recherche nous donne quelques clés sur les politiques RH en temps de crise. Trop souvent nous sommes conduits à isoler des mesures pour en aborder les justifications, les coûts et les effets. Il est certes possible d’aborder la question en ce sens quand on analyse a posteriori les mesures prises, leur rationalité, la position des acteurs et leur évaluation de la mesure. L’intérêt de cette recherche est de regarder la gestion de crise en temps réel, quand les personnels prennent connaissance des mesures, quand ils observent leur mise en œuvre et en évaluent globalement et pour eux-mêmes les effets. Cette recherche nous invite à une approche plus globale de la gestion en temps de crise où on prend en compte certes les perceptions et réactions des personnes mais aussi le contexte culturel de l’entreprise avec les traditions de sa politique sociale, le contexte des autres politiques sociales mises en

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œuvre simultanément et enfin le contexte de la stratégie de l’entreprise et de son climat économique.

CONCLUSION

En suivant ces managers durant l’année 2009, nous avons assisté à la mise en place de mesures RH de gestion de crise relevant d’une approche bienveillante vis-à-vis des salariés, c’est-à-dire, si l’on reprend la définition de la bienveillance que nous avons proposée en introduction de cet article, cherchant à maintenir, tant bien que mal, un climat social positif en évitant les licenciements secs et les fermetures d’usines. Il faut reconnaître que cette bienveillance ne sert pas uniquement l’idéal et l’héritage social de l’entreprise. Les mesures RH mises en œuvre au cours de l’année 2009 ont permis à ce constructeur de maintenir sa capacité de rebond et de contribuer à sa sortie de crise.

Pour autant, au-delà de la bienveillance des mesures, les perceptions mises en valeur

au cours de cette recherche traduisent le doute, l’incertitude et la vulnérabilité des managers que nous avons rencontrés. Elles montrent aussi leur volonté de se raccrocher à toute lueur d’espoir extérieur (le succès du Mondial de l’automobile à Francfort à l’automne 2009) pour espérer que Vivauto affronte la crise avec succès. Par ailleurs, au travers de ces entretiens, nous avons également assisté « en direct » au détachement progressif de ces cadres vis-à-vis de leur employeur. Au début de la crise, par leur choix de rester, ils témoignent de leur attachement à Vivauto. Une année plus tard, leurs paroles traduisent un certain recul voire une rupture de confiance vis-à-vis de leur entreprise.

D’un point de vue plus théorique, le caractère exploratoire de cette étude contribue à la

littérature sur les survivants en répondant à l’appel de mettre en œuvre des recherches longitudinales sur ces populations. L’intérêt de ce travail réside également dans le fait d’observer un phénomène en temps réel, au moment où les mesures sont mises en place et au moment où le fin mot de l’histoire n’est pas encore connu.

Cette recherche présente bien entendu quelques limites. La taille de l’échantillon,

constitué de 21 managers, n’est pas importante, même si la population interrogée présente une certaine homogénéité en termes de parcours de carrière au sein de Vivauto. L’étude des perceptions des managers aurait peu être enrichie en tenant compte de variables telles que l’ancienneté dans l’entreprise, la situation personnelle, le lieu de résidence, entre autres variables. L’approche du terrain aurait pu être approfondie par une collecte de données complémentaires (accès à des archives, observation participante) qui aurait permis de trianguler les observations et de renforcer la robustesse de notre dispositif (Eisenhardt, 1989; Yin, 1994). Enfin, l’analyse de nos entretiens pourrait s’enrichir, dans le cadre de communication ultérieure, d’une analyse systématique des propos relatifs au contrat psychologique, l’angle adopté ici ayant visé à retracer des perceptions relatives à une mesure RH de crise spécifique : le plan de départ volontaire. Un nouvel angle d’analyse des propos recueillis pourrait plus finement étudier les évolutions du contrat psychologique au cours du temps. Sur ce point, l’analyse des indices de confiance nous donne peut-être un premier indice et semble suggérer que l’évolution du contrat psychologique n’est peut-être pas seulement liée à la mesure RH qui signe la rupture (ici, le plan de départ volontaire), mais aussi au reste des mesures qui sont prises pendant la période de crise. En effet, nous avons pu constater que le degré de confiance moyen dans la situation professionnelle et dans celle de l’entreprise

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remonte entre le Temps 1 et le Temps 4, moment où d’une part l’environnement donne des signes positifs à Vivauto (succès à la foire internationale de Francfort) et où d’autres mesures RH de crise ont été mises en place (l’instauration d’un temps partiel obligatoire pour la plupart des salariés).

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