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Institut Montaigne – Septembre 2009 Complément à la note Entre G 2 et G 20, l’Europe face à la crise financière 1 Document complémentaire de la note de l’Institut Montaigne « Entre G2 et G20, l’Europe face à la crise financière », Septembre 2009 Fréderic Bonnevay Edouard Tétreau Jean-Paul Tran Thiet Economiste Directeur de la Recherche AXA Private Equity Avocat associé White & Case

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Institut Montaigne – Septembre 2009 Complément à la note Entre G 2 et G 20, l’Europe face à la crise financière 1

Document complémentaire de la note de l’Institut Montaigne « Entre G2 et G20, l’Europe face à la crise financière »,

Septembre 2009

Fréderic Bonnevay Edouard Tétreau Jean-Paul Tran Thiet Economiste Directeur de la Recherche

AXA Private Equity Avocat associé White & Case

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1. ELEMENTS D’ANALYSE SUR LES ASPECTS DE REGULATION Etats-Unis : L’inattendu conservatisme de Barack Obama Le tableau ci-dessous montre les principaux points du projet de régulation financière présenté par l’administration Obama le 17 juin 2009.

Mesures Commentaires Nationalisation des banques

Au contraire, les banques ayant bénéficié d'aides fédérales (TARP) se précipitent pour rembourser le gouvernement: déjà 10 des 19 plus grandes banques US ont remboursé les fonds du TARP. Exceptions notables: Citi (34% du capital bientôt détenu par l'Etat) et Bank of America.

Séparation des banques d'investissement et des banques commerciales

Malgré le soutien de Paul Volcker, cette idée a été enterrée par Larry Summers et Tim Geithner.

Régulation des hedge funds et autres fonds d'investissement

Une régulation minimaliste, à l'exception des fonds pouvant représenter une menace systémique et qui seraient alors placés sous l'autorité de la Fed (pourrait concerner KKR, Carlyle, Blackstone, TPG…). Aucune disposition prévue sur la fiscalité des carried-interest et autres formes d'intéressement.

Question des rémunérations

Aucune déclaration spécifique au-delà d'une déclaration d'intention: "federal regulators should issue standards and guidelines to better align executive compensation of financial firms with long-term shareholder value and to prevent compensation practices from providing incentives that could threaten the safety and soundness of supervised institutions."

Limiter la taille des banques pour lutter contre le Too-Big-to-fail

Le projet est centré sur la gestion des futurs risques systémiques plutôt que sur les moyens d'en empêcher la survenance. Il ne veut en aucun cas handicaper ou limiter les institutions américaines vis à vis de leurs concurrents internationaux.

Nouvelle supervision des activités bancaires pour les " systematically important financial institutions "

La Fed aurait un nouveau pouvoir de supervision sur toutes les grandes firmes (banques ou non) qui peuvent menacer la stabilité financière.

Elargissement de la procédure de faillite des banques à l'ensemble des "financial firms"

Création d'une nouvelle autorité sur le modèle de la FDIC pour les banques qui permettrait au gouvernement d'agir comme un administrateur judiciaire pour tous les établissements financiers représentant un risque systémique.

Renforcement des ratios de capitaux et de liquidité

S'en remettent aux négociations de Bâle et aux recommandations du Trésor US d'ici la fin de l'année.

Régulation des Government Sponsored Enterprises comme Fannie & Freddie

"a wide ranging initiative to develop recommendations on the future of Fannie Mae and Freddie Mac"

Réguler les agences de notation

"We urge national authorities to enhance their regulatory regimes to effectively oversee credit rating agencies".

Fair value accounting

Aucune disposition envisagée sur cet outil qui a fortement contribué à la volatilité des valorisations d'actifs bancaires et à la crise actuelle.

Simplification de l’architecture de la régulation

Suppression de l'OTS (Office of Thrift Supervision) mais création du CFPA (Consumer Financial Protection Agency). Pas de fusion en un seul régulateur bancaire, pas de fusion entre la SEC et la CFTC.

Coordination internationale

Une série de recommandations favorisant notamment une amélioration des critères de Bâle 2 visant à des ratios prudentiels moins procycliques, une meilleure régulation des marchés de CDS et autres dérivés, et diverses mesures formulées lors du G20 d'avril 2009.

Organisation du marché des dérivés

Création d'une chambre de compensation pour l'échange de tous les CDS et autres dérivés standardisés. Les dérivés non-standard seraient aussi régulés avec une obligation d’enregistrement auprès d'un registre central qui donnerait des datas agrégés et des positions détaillées aux régulateurs.

Interdiction de produits financiers toxiques

On aurait pu s'attendre à une régulation limitant les produits les plus leveragés et complexes (squares CDO).

Réactions des lobbys financiers

D'après la Managed Funds Association, principal lobby pour les hedge-funds, le plan Obama est "intelligent".

Mettre fin aux zones d’ombre du système bancaire : shadow-banking

Un souci important de ce projet est de mettre fin aux failles du système bancaire

Limites à la titrisation

Les prêteurs devront conserver dans leur bilan 5% de leurs créances titrisées ("skin in the game"). Même disposition prévue dans le plan de régulation de l’Union Européenne. 5%= effet de levier de 20.

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Le tableau ci-dessous présente une liste de nos recommandations de mars dernier, et leur reprise ou non dans le projet de régulation financière présenté par l’administration Obama le 17 juin 2009.

Propositions Montaigne de mars 2009 Mises en place

Suspendre temporairement le mark-to-market pour l'implantation de méthodes de valorisation comptables complémentaires (fenêtre coulissante) Ø

Faire disparaître les mécanismes de vente à découvert les plus spéculatifs: rendre publics les prêts de titres d'institutions aux banques et aux hedge funds qui pratiquent un short-selling agressif Ø

Mettre fin au shadow-banking √ Reformer entièrement le modèle économique des agences de notation Ø Revoir les ratios de capitaux dans une logique contracyclique √ Organiser la traçabilité des produits financiers Ø Coordonner les nationalisations/reprivatisations bancaires au sein du G20 sur le modèle suédois

Ø

Séparer banques commerciales et banques d'investissement: Glass-Steagall Act II Ø Fiscalité temporairement nulle pour les banques commerciales et punitive pour les banques spéculatives Ø Supprimer les incitations de trop court terme (versement de bonus annuels dans la finance) : lisser performance et rémunération sur le long terme Ø

Primer les actionnaires durables : droits à dividendes et droits de vote augmentant avec la durée de détention des titres, fiscalité dégressive par paliers, inversement proportionnelle au temps de détention Ø

Cesser la publication de résultats trimestriels pour les sociétés cotées Ø Créer une chambre unique de compensation sur le marché des produits dérivés de crédit √ Contribution Montaigne prélevée à partir d’un collatéral obligatoire que devra déposer chaque acteur de marché afin de protéger ses postions Ø

Augmenter les ressources du FMI √ Créer un marché souverain des euro-émissions pour les pays de l'Eurogroupe Ø Introduire un système de changes flottants autour de trois grands blocs de devises (dollar, euro, yen+yuan) Ø Résoudre la question des paradis fiscaux Ø Enregistrement obligatoire auprès du régulateur et mise à disposition d'informations √ Réintroduction de l'uptick rule qui empêche la vente à découvert quand les prix sont à la baisse Ø Renforcer financièrement et humainement les autorités de régulation Ø Meilleure coopération entre les régulateurs nationaux à l'échelle internationale √ Mise en place d'un système d'alerte avancé du risque systémique √

Comment interpréter ces efforts de régulation financière ? Aux Etats-Unis, on trouve peu de soutiens pour le plan de régulation financière de l’administration Obama. Certains, comme The Cato Institute, rappellent à juste titre, que la régulation ne peut pas tout, et qu’à bien des égards, des systèmes de régulation hâtivement décidés sur des réalités complexes créent plus d’inconvénients que de progrès. (Lire à ce sujet l’article de Mark Calabria, ‘Did deregulation cause the financial crisis’ ? - www.cato.org) D’autres soulignent le caractère limité et excessivement prudent de l’effort de l’administration Obama dans ce domaine à l’instar du think tank CED, Committee for

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Economic Development. (cf. article d’Elliot Schwartz et Charley Johnson - http://www.ced.org/commentary/65-commentary/363-financial-regulatory-reform-necessary-but-not-sufficient ). Certaines mesures vont toutefois dans le bon sens. Désormais, les hedge funds sont dans l’obligation de s’enregistrer auprès de la SEC puis de fournir des informations. Quant aux fonds représentant un risque systémique, ils seront davantage surveillés avec la mise en place de contraintes prudentielles supplémentaires. De même, la création d’un marché organisé pour les dérivés de crédit est une bonne nouvelle, à la condition de le faire avec les autres places de ce marché mondial, en particulier Londres. Enfin, la création d’une agence de protection du consommateur (Consumer Financial Protection Agency) pourrait limiter ou encadrer les pratiques les plus agressives de la finance américaine, envers les ménages, notamment. Au-delà de ces mesures, à la fois populaires et d’une mise en œuvre relativement aisée, les propositions américaines de régulation financière peuvent paraître clairement insuffisantes. Au lieu de changer les règles d’un jeu dangereux pour les joueurs (les institutions financières), leurs publics et leurs soutiens (les Etats et les contribuables), l’administration Obama a choisi de désigner de nouveaux arbitres et de leur donner des sifflets plus sonores. Le projet de loi du 17 juin compte ainsi 80 pages, quand le projet de loi sur le changement climatique en dénombre 1300, ce qui donne une idée des priorités de l’administration américaine. Citons, à titre indicatif, certains passages parmi les plus révélateurs de ce document (à l’évidence hâtivement rédigé). Sur la question des rémunérations, il est indiqué que : "Federal regulators should issue standards and guidelines to better align executive compensation of financial firms with long-term shareholder value and to prevent compensation practices from providing incentives that could threaten the safety and soundness of supervised institutions." En d’autres termes : « faites au mieux. ». Retenons aussi l’ambition des propositions formulées pour mieux encadrer les agences de notation, dont la crise des subprimes avait pourtant montré les limites et déficiences : "We urge national authorities to enhance their regulatory regimes to effectively oversee credit rating agencies". Autrement formulé : que chaque pays s’en débrouille, cela ne nous concerne pas. Un résultat décevant Le résultat, en demi teinte, se lit dans les publications de comptes semestrielles des grandes banques d’investissement américaines : des profits fragiles trop souvent obtenus en risquant des capitaux apportés par l’Etat, des systèmes d’incitations individuelles distordus, qui continuent de récompenser asymétriquement la prise de risque par privatisation des gains et mutualisation des pertes, une surconcentration bancaire privant

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ménages et entreprises d’un recours au crédit pourtant nécessaire à une reprise économique durable, etc. Le prix à payer pour éviter la solution de bon sens que nous préconisions (nationalisations bancaires coordonnées entre pays membres du G-20, de court terme, « à la suédoise » avant scission entre banques de spéculation et banques commerciales reprivatisées), risque d’être très élevé pour la collectivité. Nous n’étions pourtant pas les seuls à proposer la mise en place de mécanismes qui permettraient d’empêcher les banques de devenir too big to fail, et de revenir à leur métier d’origine : le crédit aux entreprises et aux ménages. Une activité aussi nécessaire au bon fonctionnement de l’économie qu’éloignée des principaux centres de profits de ces banques de marché aujourd’hui. Comme l’a parfaitement résumé le gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mervyn King : « if certain banks are too big to fail, then they are too big ». La taille excessive des banques aujourd’hui leur permet, comme l’a justement dit la Chancelière allemande Angela Merkel le 31 août 2009, d’exercer un « chantage à la faillite » sur les Etats, et donc les contribuables. Ce chantage a été efficacement exercé ces derniers mois. Faut-il pour autant qu’il devienne permanent ? Au-delà des sérieux problèmes liés à la taille excessive des banques (chantage sur les Etats, abus de positions dominantes sur de nombreux marchés, au détriment des entreprises, des ménages et des collectivités locales), un dysfonctionnement supplémentaire vient aggraver le coût que font supporter à l’économie réelle ces acteurs hypertrophiés : il s’agit de l’amalgame des activités et des conflits d’intérêts entre les nombreuses fonctions de ces établissements, tout à la fois courtiers, distributeurs de crédits, investisseurs pour comptes de tiers et investisseurs directs. Signe et facteur de ce mélange des genres nuisible au bon fonctionnement des marchés, et à toute l’économie (principalement aux clients de ces banques), les activités de proprietary trading,1 font preuve d’une étonnante longévité dans cette période d’après-crise. Leur contribution, sans doute décisive (mais opaque), aux profits de court-terme (trading) des principales banques d’investissements mondiales au premier semestre 2009 explique en partie cette longévité. Régulation européenne : des efforts louables, mais tardifs Le tableau ci-après les résume, en comparant l’effort de régulation européen (directive européenne sur les fonds alternatifs et projets de renforcement des pouvoirs de la BCE) avec le projet de loi américain.

1 Sans étanchéité réelle entre activités pour compte propre et activités pour compte de tiers, ces activités permettent en toute légalité aux banques d’investissement de spolier le marché en utilisant à leur profit les informations que leur donnent leurs clients (front running), etc. 

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En un an, l’Europe, qui avait pris une avance pratiquement décisive sur les Etats-Unis, semblait, jusqu'à l’été 2009, avoir perdu son avance en matière de régulation financière. On se souvient pourtant que c’est à l’initiative du Président français et du Premier Ministre britannique qu’ont été décidés, dès le mois d’octobre 2008, les sommets du G-20 pour coordonner la réponse internationale face à la crise financière. Des propositions intéressantes apparaissaient, principalement autour du rapport La Rosière en France, et du rapport Turner en Grande-Bretagne. Un an après, notamment du fait d’une Commission Européenne longtemps peu préoccupée par ces questions (cf. ci-après), les Européens sont en train de manquer une fenêtre d’opportunité, qui leur permettrait de proposer au G-20 un nouveau cadre de régulation mondial (que les pays émergents représentés au G-20 semblaient prêts de suivre). Les déclarations du Président Sarkozy et de la Chancelière Merkel à Berlin le 31 août 2009, tout comme les prises de position de Lord Turner, président de la FSA britannique, montrent que les grandes nations européennes ont pris la mesure du conservatisme de l’administration Obama, et de l’immobilisme de Bruxelles sur ces questions, auxquelles elles s’apprêtent à apporter des réponses à la hauteur de l’enjeu.

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2. ELEMENTS D’ANALYSE ECONOMIQUE Guérir le mal par le mal, et le surendettement par la dette Fin août 2009, les signaux de reprise économique se multipliaient dans le monde. Les cinq premières puissances économiques mondiales (Etats-Unis, Japon, Chine, France, Allemagne) affichaient toutes des croissances positives pour le second trimestre 2009. Les prévisions de croissance pour l’année 2009 des grands pays commencent à être révisées à la hausse. Aux Etats-Unis, le chômage augmente, mais deux fois moins rapidement qu’au début de l’année 2009. Le nombre de maisons neuves vendues est en hausse pour le quatrième mois consécutif. Entre le 9 mars 2009 et le 31 août 2009, la capitalisation boursière mondiale a augmenté de 12 000 milliards de dollars. Ces signaux sont très encourageants. Nous sommes en revanche très réservés quant à leur caractère durable, tant ils reflètent, presque mécaniquement, les montants des plans gouvernementaux d’aide, de sauvetage et de soutien aux économies. Ainsi de la Chine, dont la croissance attendue en 2009 (8%) est en grande partie due à un triplement des volumes de crédit octroyés par les banques chinoises, sur injonction de leur gouvernement. Parle-t-on ici d’une croissance forte et durable ou d’une reprise soufflée, porteuse à terme d’inflation, de bulles spéculatives, et, éventuellement, de bilans et de comptes de résultats bancaires illisibles ou durablement en pertes ? De même pour la reprise économique américaine : le très populaire programme de prime à la casse (‘cash for clunkers’), a largement dépassé les objectifs du gouvernement : au lieu de distribuer un milliard de dollars pour que les consommateurs échangent leur vieille voiture contre une voiture neuve et 4 500 dollars, le gouvernement américain a dû débourser 2,9 milliards de dollars – pour subventionner l’achat de 690 000 voitures, contre 250 000 initialement prévues. Le marché automobile américain reprendra t-il pour autant ? Et si oui, pour combien de temps ? La seule chose qui soit certaine, en tant qu’effet durable de ce programme de « cash for clunkers », c’est le surcroit de dette publique américaine. De façon plus générale, à l’incertitude de la reprise économique s’oppose une certitude : celle du montant des dettes accumulées par les gouvernements. Comme le montre le graphique de la Note Montaigne, d’après une étude du FMI publiée le 9 juin, la dette publique totale des dix Etats les plus riches du G20 devrait atteindre 106% du PIB contre 78% en 2007. Elle atteindrait 114% du PIB des pays du G-20 d’ici 2014. En adoptant un scénario plus pessimiste où les économies peineraient à repartir, le ratio de la dette publique totale pourrait même monter jusqu’à 150%.

Ces niveaux d’endettement sont inédits, sauf en temps de guerre, ou d’immédiat après-guerre, lorsqu’il faut tout reconstruire. Ainsi, au lendemain de la seconde guerre

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mondiale, la dette publique du Royaume-Uni s’élevait ainsi à 250% du PIB et celle des Etats-Unis dépassait les 100%. Nous insistons sur le paradoxe de cette crise, suivant lequel les pays développés ont choisi de résoudre leur crise financière (qui était une crise de surendettement) par un autre excès d’endettement. Partout dans le monde développé, les déficits budgétaires explosent, échappant à toute forme de contrôle ou même d’anticipation de la part de leurs gouvernements. La palme revient sans doute ici aux Etats-Unis, avec un déficit – à mi-exercice – de 1000 milliards de dollars. 9 000 milliards de dollars de déficits supplémentaires sont attendus dans la prochaine décennie (source : Ministère du Budget américain). En définitive, si les dirigeants du G-20 et des banques centrales ont répondu vigoureusement à la crise, ils n’ont toujours pas répondu à une question : « who will foot the bill » ? Qui va payer la facture ? A moins d’une cure d’amaigrissement des grands pays développés (réduction du niveau des dépenses sociales, des investissements dans l’éducation, la défense, la sécurité, etc.), scénario qui nous semble difficilement crédible compte tenu de populations – et d’électorats – vieillissants et habitués depuis deux générations à des niveaux de confort et d’assistance élevés, les seuls « remèdes » éprouvés à un excès de dettes sont connus : ils s’appellent l’impôt, l’inflation, l’allongement de la durée du travail, le protectionnisme, et, dans le pire des cas, ce que l’on appelle pudiquement les « aventures extérieures », pour tenter d’exporter au dehors de ses frontières des tensions sociales insurmontables. La crise des pays développés Dans la crise actuelle, tous les pays du G-20 ne sont pas logés à la même enseigne. Si les Etats-Unis sont les champions en termes de dérapages des finances publiques, il faut noter qu’ils peuvent se le permettre, grâce au statut de monnaie de réserve du dollar (les pays excédentaires étant obligés d’en acheter). A l’inverse, les pays européens où le Japon n’ont pas un tel privilège : d’une certaine façon, un ratio de 6, 7, 8% de déficit/PIB y est encore plus « grave », puisqu’ils n’ont pas l’assurance de pouvoir se financer sur les marchés de capitaux. C’était hier le problème de la Grande-Bretagne, ce pourrait être celui de la France demain. En revanche, les grands pays dits « émergents » semblent beaucoup moins pâtir de cette problématique de récession économique et de dérapages budgétaires. Parmi les pays émergents du G20 se trouvent l’Inde, le Brésil et la Chine qui avaient un ratio de dette publique de 38% du PIB en 2007. Or, d’après le FMI, ce ratio devrait baisser à 35% d’ici 2014, soit moins du tiers de la moyenne des pays riches du G20. Dans le même temps, ces pays émergents retrouveront des 2010 des taux de croissance supérieurs à 4%. Une nouvelle réalité apparaît : d’un côté, des pays développés exsangues, vieillissants, surendettés et faisant du sur-place économiquement ; de l’autre, des pays en pleine

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ascension, profitant de leur vitalité démographique, de leurs finances publiques assainies et d’un dynamisme économique débridé. D’une certaine façon, cette crise financière actuelle est la crise d’une forme de capitalisme (la création de richesses par surendettement).Elle est aussi la crise de pays développés obligés d’utiliser des expédients (endettement, retours sur investissement insoutenables sur la durée) pour compenser leur déclin. Dans ce contexte, il convient de préparer les esprits à faire une place toujours plus grande aux pays émergents dans les instances internationales et dans la gestion du système monétaire international. Autrement formulé, la géographie et le mode de gouvernance actuels d’institutions comme le FMI (siège à Washington, directeur nommé par les pays européens par ailleurs surreprésentés), l’ONU (Conseil de Sécurité ne représentant plus rien d’autre que lui-même), la Banque Mondiale, l’OMC, etc. méritent d’être revisités. Tout comme le poids excessif de la monnaie américaine dans le système monétaire mondial. Sa dévalorisation à venir, inscrite dans les déficits et déséquilibres financiers des Etats-Unis, doit être anticipée pour faire émerger sur des bases renouvelées un système monétaire plus pérenne. Nous formulons dans notre document principal quelques pistes dans ce sens.

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3. L’EUROPE, L’HOMME MALADE DU MONDE AU XXIEME SIECLE Un profond malaise social Alors qu’à de nombreux égards, la crise économique touche plus durement les Etats-Unis que l’Europe, plus de 6 millions de chômeurs supplémentaires Outre- Atlantique depuis le début de la crise, 7 millions de maisons saisies, 18 millions de foyer en negative equity (valeur de leur maison inferieure à celle de leur dette hypothécaire), peut-être 50 millions de personnes sans couverture médicale – il n’y a eu strictement aucun mouvement social aux Etats-Unis depuis la faillite de Lehman Brothers. En revanche, en Europe, les manifestations, prises d’otage de dirigeants, grèves et émeutes se multiplient.

Date Europe Etats-Unis

Décembre 2008

Manifestations et émeutes en Grèce

28 janvier 2009

Manifestation en Allemagne des salariés de la Lufthansa

29 janvier 2009

Plus de 1 million de manifestants en France

29 janvier 2009

Manifestation en Allemagne des ouvriers de la Deutsche Ban

30 janvier 2009

Manifestations au Royaume-Uni contre l'emploi d'ouvriers étrangers

19 mars 2009

Plus de 1 million de manifestants en France

25 mars 2009

Saccage du domicile de l'ex-CEO de RBS Fred Goodwin

mars-mai 2009

Bossnapping en France: Sony, Caterpillar, 3m, HP, Faurecia, Scapa

2 avril 2009

Manifestations pour le G-20 à Londres: destruction d'une agence de la RBS

21 avril 2009

Saccage de la sous-préfecture de Compiègne par les salaries de Continental

1er mai 2009

Entre 500,000 et 1.2 millions de manifestants en France

13 mai 2009

Débordements lors d'une manifestation des salaries d'Arcelor au Luxembourg

mai 2009 Manifestations des producteurs de laits devant les

préfectures 17 mai 2009

Manifestations à Madrid, Prague, Bruxelles et Berlin pour la sauvegarde de l'emploi

juin 2009

Grèves sur le site de la raffinerie Total en Angleterre

9-11 juin 2009 Grève du métro londonien

15 juin 2009 Grève nationale des étudiants et lycéens en Allemagne

juillet-aout 2009 Séries de grèves du service postal national d’Angleterre Royal Mail

Aout-septembre 2009

Nombreuses grèves, parfois assorties de menaces de destruction de matériel, en France :

St Gobain (St Pierre les Nemours), Servisair Cargo, Alcatel-Lucent, Seafrance, stations de

service en Martinique, Serta (bonbonnes de gaz placées sous des camions), centrale nucléaire du Bugey, Molex, fonderie Bealu, Téléperformance,

JLG-France, Radio France, etc.

Source : Factiva

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Une Commission européenne à contre-emploi Le tableau ci-dessous présente une sélection des principales actions de la Commission Européenne, de la chute de Lehman Brothers à la fin juin 2009. Face aux enjeux de l’automne 2008 (survie du système financier européen et mondial) et de la fin 2009 (Europe de l’Est, difficultés d’accès au crédit pour les entreprises et aux ménages), les décisions de la Commission Européenne reflètent, à quelques exceptions près, des préoccupations très éloignées des priorités, voire des intérêts économiques de l’Europe.

Date Principales décisions de la Commission Européenne depuis la faillite de Lehman Brothers

2 octobre 08 La Commission Européenne ouvre une enquête sur l’aide apportée par l’Etat fédéral allemand à la banque régionale WestLB, et autorise le plan d’aide au sauvetage de Hypo Real Estate

13 octobre /08 La Commission Européenne autorise le régime d’aides adopté par le Royaume-Uni en faveur des institutions financières (puis les régimes allemands, français, hongrois, portugais etc. quelques semaines plus tard)

12 novembre 08 Amende record de 896 millions d'euros infligée à Saint-Gobain 3 décembre 2008 La Commission autorise le sauvetage de Fortis dans le cadre de son rachat par BNP Paribas, recapitalisé par l’Etat français 30 décembre 08 La Commission ouvre une procédure contre EDF

8 janvier 09

Les trois sociétés européennes du secteur de semi-conducteurs de cartes à puce, STMicroelectronics, Infineon et NXP ont été perquisitionnées par les représentants des autorités européennes chargés de la concurrence

21 janvier 09 La Commission européenne devrait condamner pour entente GDF-Suez et E.ON au terme d'une procédure ouverte en juillet 2007

27 janvier 09 La Commission Européenne demande « des éclaircissements aux autorités françaises » concernant les aides promises pour soutenir les ventes d'Airbus.

4 février 09

La Commission Européenne soupçonne l'existence d'un cartel entre des fabricants de câbles électriques sous-marins à haute tension et enquête notamment sur le français Nexans et l'italien Prysmian

6 février 09 La Commission européenne soupçonne l'existence d'un cartel entre des fournisseurs de fils d'acier

18 février 09 La Commission européenne ouvre une procédure contre la France pour déficit excessif et aussi contre la Grèce et l'Espagne et l’Irlande 18 février 09 Bras de fer sur les prix de gros des télécoms à Bruxelles

19 février 09 La Commission européenne soupçonne l'existence d'un cartel entre des fabricants de composants pour les réfrigérateurs et perquisitionne chez certains d'entre eux

5 mars 09 Le président de la Commission Européenne, Manuel Barroso, s’oppose à la création d’un bon du Trésor européen.

10 mars 09 La Commission européenne perquisitionne les bureaux d'EDF dans le cadre d’une enquête pour abus de position dominante

12 mars 09 La Commission annonce vouloir imposer des plans de restructuration aux banques de l'Union ayant bénéficié de plans de sauvetage 13 mars 09 Enquête de la Commission sur la restructuration de Dexia

24 mars 2009

La Commission octroie plus d’1 milliard d’euros pour aider l’agriculture européenne à sortir de la crise. Elle prend des mesures a l’égard de la France, de la Grèce, de l’Irlande, de l’Espagne, du Royaume-Uni dans le cadre de la procédure contre les déficits excessifs

14 mai 09 Amende record de 1.06 milliards d'euros infligée à Intel pour abus de position dominante 9 juin 09 La Commission retire son projet de modifier les règles de fabrication du rosé

15 juin 09 La Commission assouplit les conditions dans lesquelles les banques doivent se restructurer 20 juin 09 Accord autour d'un nouveau schéma de la supervision de la finance dans l'Union Européenne 25 juin 09 Ouverture d'une procédure d'infraction a l'encontre de 25 pays membres dont la France pour non-respect des procédures de

libéralisation du marché du gaz et de l'électricité Source : Commission Européenne, Factiva, Institut Montaigne

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Le retour des nationalismes européens Certes, en ces temps de crise l’Europe n’a pas, loin de là, le monopole du retour des réflexes nationalistes et du repli sur soi. Le dernier rapport de l’OMC le montre, pointant une recrudescence préoccupante du nombre d’initiatives protectionnistes dans le monde entier. Mais l’Europe semble en pointe dans ce registre. Sans rappeler les expressions maladroites de campagne électorale (le « British jobs for British workers » de Gordon Brown), ou les scores des partis d’extrême-droite britannique, autrichien, néerlandais, etc., un constat factuel montre la résurgence du nationalisme, particulièrement en économie. Citons notamment :

- les plans de sauvetage strictement nationaux d’industries automobiles, telles les voitures à essence, en France et en Allemagne notamment.

- les nationalisations non coordonnées d’institutions financières (ING, Northern

Rock, RBS, etc.) qui, donnent son seulement une « prime aux mauvais élèves » mais exacerbent les logiques nationales dans les décisions de prêts ou d’investissements.

- les décisions unilatérales concernant les finances publiques de chaque Etat, au

mépris des règles de Maastricht visant à une approche convergente : ainsi des pays du sud de l’Europe qui laissent filer leurs déficits tandis qu’au même moment, l’Allemagne choisit unilatéralement d’inscrire dans sa constitution l’obligation de ne jamais dépasser 0,35% de déficit sur PIB à partir de 2016 – une formidable force de déflation au cœur de l’Europe, décidée dans le dos de tous ses partenaires de la zone euro.

- les dévaluations compétitives qui sont des manières directes d’« exporter la

crise » chez le voisin, à l’instar de la Grande-Bretagne, dont la monnaie a perdu 28% contre l’euro depuis la crise des subprimes à l’été 2007.

- la quête de « champions nationaux ». Cette volonté de constituer des champions

nationaux dans diverses industries pouvait être un projet légitime dans les années 1950-1960. Mais aujourd’hui, face à l’émergence d’Etats-continents tels la Chine, le Brésil, les Etats-Unis, l’Inde, que peut bien signifier la constitution de « champions nationaux » à l’échelle de la France, de l’Allemagne, de la Grande-Bretagne ? Elle est une aubaine, les grands pays clients jouant sur ces rivalités d’un autre âge pour obtenir les meilleurs prix, ou les plus gros transferts technologiques (par exemple dans le nucléaire, en Chine).

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4. LA FRANCE ET L’ALLEMAGNE EN AVANT-GARDE DE LA

NOUVELLE EUROPE Forces complémentaires et faiblesses intrinsèques de l’Allemagne et de la France Cette Note présente les forces et les atouts complémentaires de la France et de l’Allemagne, ainsi que les raisons pour lesquelles l’Europe ne peut exister sans la combinaison de ces deux ensembles. A l’inverse, des relations trop ouvertement concurrentielles ou même conflictuelles entre la France et l’Allemagne se sont toujours soldées par un net affaiblissement européen. Les guerres de 1870, 1914 et 1940 en sont les exemples les plus extrêmes. Plus récemment, on peut établir un lien direct entre la dégradation de la relation franco-allemande sous la présidence française précédente et l’enlisement de la construction européenne. De l’absurde traité de Nice au rejet français du traité constitutionnel européen lors du référendum de 2005, en passant par l’affaiblissement délibéré de la Commission (tant par le choix des personnes qui la composent que par la contestation de son rôle politique), on observe une absence de volonté politique au sommet des Etats français et allemands pour faire avancer l’Europe. On soulignera aussi que les deux pays, livrés à eux-mêmes, ont un potentiel d’inertie économique et de régression sociale important. Ainsi de l’Allemagne, dont l’orthodoxie financière, historique et légitime, est un puissant vecteur de déflation en temps de crise. Par ailleurs, avec un taux de natalité de 1,3 enfants par femme, une dépendance forte aux Etats-Unis pour assurer sa défense, et une économie tributaire de la vigueur du commerce mondial, elle aborde la crise avec de lourds handicaps. De même, la France, incapable de réformer son marché du travail, d’assurer le financement de sa protection sociale, de contenir ses déficits publics, et de donner du travail à ses jeunes (taux d’activité des moins de 24 ans : 23% contre 44% pour la moyenne OCDE), est candidate à un déclassement rapide.

De la réconciliation au partenariat Pour réussir le rapprochement dynamique de la France et de l’Allemagne, une erreur doit être évitée : elle consisterait à limiter son ambition à ce que Charles de Gaulle et Konrad Adenauer ont réussi il y a un demi-siècle, à savoir la réconciliation des deux pays. Cette réconciliation a eu lieu, elle est actée. Il s’agit désormais de dépasser l’héritage de De Gaulle-Adenauer, et de proposer un véritable partenariat entre les deux pays. Pour y parvenir, chacun des deux pays doit avoir pleinement conscience que les quinze dernières années ont éprouvé, pour ne pas dire fragilisé, la confiance mutuelle. Sans stigmatiser trop ouvertement l’action des Présidents français depuis 1995, force est de constater que l’Allemagne a le sentiment d’avoir « beaucoup donné et peu reçu » dans sa

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relation avec la France. Certains comportements passés autour d’EADS, de Siemens-Areva, de Sanofi-Aventis ont été vécus comme des trahisons. A l’inverse, la récente et unilatérale décision allemande de déclarer anticonstitutionnel tout niveau de déficit supérieur à 0,35% du PIB a été perçue comme une agression par la France (et d’autres pays), de nature à remettre en cause le mandat, la localisation, voire l’existence d’une banque centrale européenne gérant la monnaie commune depuis Francfort. Certes, la réalité d’intérêts industriels souvent antagonistes ne peut être occultée. Dans de nombreux domaines (automobile, armement, services financiers, transports, énergie, etc.), les groupes allemands et français sont d’abord en concurrence frontale, avant d’être d’éventuels partenaires. C’est pourquoi les recommandations concrètes que nous formulons sont de deux ordres : elles visent des domaines d’intervention supérieurs à ceux envisagés jusqu’ici, en termes d’intérêt stratégique pour les deux pays et/ou elles ambitionnent la création de richesses nouvelles, en commun, non pas le partage d’un existant qui pourrait exacerber les rivalités. Une avant-garde, pas un couple replié sur lui-même De même que l’adjectif « national » devrait être proscrit de part et d’autre du Rhin dans les discours et les initiatives politiques (emprunt national, champion national, etc.), tant il est porteur de rivalités inutiles et de tensions d’un autre âge, de même, certains mots doivent être prohibés pour qualifier la nouvelle relation franco-allemande. Il ne s’agit ni d’un couple replié sur lui-même, ni d’un noyau dur qui exclurait les autres pays membres de l’Union Européenne. Il s’agit bien au contraire d’une « locomotive » tirant les autres pays, d’un « moteur » les entraînant, ou encore d’une « avant-garde » ouvrant la voie à ses partenaires. Cette avant-garde franco-allemande a vocation à accueillir et à entraîner avec elle tous les pays de l’Union qui désireront rejoindre son projet, sans attendre l’entrée en vigueur de l’incomplet traité de Lisbonne, ni l’unanimité des 27. Nous faisons le pari que les pays fondateurs de l’Union (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, Italie) ainsi que les pays méditerranéens, rejoindront rapidement l’initiative de cette avant-garde ouverte. Nous anticipons aussi que la relation étroite de l’Allemagne avec les pays de l’Est, et naturelle avec les pays scandinaves, entraînera les uns comme les autres dans ce renouveau européen.

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5. DETAIL DES PROPOSITIONS FRANCO-ALLEMANDES 3e proposition : Reconstruire une bourse européenne autour de Paris-Francfort Aux deux grands types de capitalisme – anglais et rhénan – que distinguent de longue date, en Europe, les historiens, correspondent deux formes de marchés financiers, au service d’objectifs et d’horizons différents : financement plus spéculatif et horizon de plus court terme, côté anglais, dans un marché à fort volume d’échanges, dominé par les actions ; financement plus pérenne, globalement plus averse aux risques avec un horizon de plus long terme, dans un marché profond et moins volatil, dominé par les obligations, côté rhénan. Le marché français et la place de Paris, quoique situés à la confluence de ces deux modèles, jouent un rôle économique indéniablement plus proche de celui de Francfort – tendance que des systèmes juridiques et des formes sociales voisines ne font que renforcer. Le paysage boursier européen est entré, depuis la deuxième moitié des années 1990, dans une phase de vaste recomposition, sous l’influence grandissante des places américaines. Londres, au premier chef le London Stock Exchange, sa principale bourse d’actions, défendirent farouchement leur indépendance, tout en réalisant l’acquisition de la Borsa di Milano. A l’inverse, le management d’Euronext jugea utile de préférer l’offre d’achat du New York Stock Exchange à celle de Deutsche Börse en 2006. Il est vrai que le Big Board de New York avait plusieurs avantages à faire valoir. S’élevant à environ 8 milliards d’euros, le montant proposé était, certes, légèrement supérieur à l’offre francfortoise. Par ailleurs, l’importance du volume de transaction de cette plate-forme (supérieur à 600 milliards de dollars en 2006, la capitalisation agrégée de ses cotations domestiques s’établissant autour de 21,2 milliards de dollars). Sa forte liquidité, puisque plus de 1 600 millions de titres y étaient échangés quotidiennement, et l’accès stratégique aux capitaux institutionnels américains que permettaient ce rapprochement, faisaient indéniablement du NYSE un partenaire de choix. Les faiblesses, présentes et futures, opérationnelles, économiques et politiques de cette opération, étaient toutefois bien plus considérables. NYSE, malgré un chiffre d’affaires comparable à celui d’Euronext (à environ un milliard de dollars contre 962 millions d’euros) était nettement moins profitable, ne dégageant qu’un résultat net de 40 millions de dollars contre près de 242 millions d’euros pour son concurrent européen. La taille de sa capitalisation agrégée, près de neuf fois supérieure à celle d’Euronext, masquait mal la fragilité de son modèle économique reposant essentiellement sur des services à basse valeur ajoutée, sans atout technologique – contrairement à Euronext, groupe diversifié dans les services informatiques de gestion du risque et d’exécution. Fait aggravant, le rapprochement des marchés d’actions américain et franco-néerlandais par fusion de leurs plates-formes de négociation induisait un couplage des tendances aux effets potentiellement pervers : l’influence dominante de New York favorisait l’émergence de chocs externes sur les valeurs européennes – biaisant le processus de formation des prix,

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amplifiant le potentiel de variation de la liquidité2, bruitant la lecture des niveaux de prix d’actifs, outil pourtant central de la politique monétaire3. Surtout, l’abandon du projet de fusion entre Euronext et Deutsche Börse démontre que le projet de consolidation des bourses européennes a désormais fait place au dépeçage d’un marché pourtant commun. Cet abandon a laissé le groupe Deutsche Börse (propriétaire de la plate-forme de clearing Clearstream et d’Eurex4, avec la bourse suisse SIX) totalement esseulé. La compétitivité du groupe Deutsche Börse – et de la place de Francfort – risque d’être durablement affectée par des fonds d’investissement « activistes » qui, ayant pris place au capital, remettent régulièrement en question la stratégie de long terme de l’entreprise. Plus grave encore : le maintien d’une relation de concurrence entre les deux principaux marchés de contrats futures européens – Euronext.Liffe et Eurex – est un facteur de fragmentation de liquidité et de distorsion de la mesure du risque de contrepartie. Cette concurrence contre-nature a aussi pour effet de faciliter le développement des dark pools. Si ces plates-formes de négociations alternatives (sur lesquelles sont échangées en bloc des participations trop importantes pour être liquidées en bourse sans perturber les cours de transaction) jouent un rôle tout à fait légitime dans la bonne marche du système financier, leur prolifération5 opacifie le cours des échanges – en réduisant l’information instantanément disponible – et entrave singulièrement l’effort des régulateurs. Enfin, la préférence accordée par la direction et les actionnaires d’Euronext à une fusion avec le NYSE, au détriment d’un rapprochement avec la Deutsche Börse alimente une dynamique d’écartèlement de l’économie européenne : le financement accru des entreprises françaises, belges et néerlandaises6 par des capitaux institutionnels américains distend les liens naturels qui existent entre des partenaires historiques héritiers d’un même modèle rhénan. L’annonce de la prochaine délocalisation du pôle électronique des marchés d’actions de NYSE-Euronext de Paris vers Londres nous semble révélatrice d’une tendance de fond visant au déplacement du centre de gravité financier occidental – et, donc, européen – autour du seul axe Londres-New York : à défaut d’une initiative forte et immédiate, les places de Paris et Francfort risquent d’être définitivement vidées de leur substance. C’est pourquoi l’Institut Montaigne préconise un rapprochement de Deutsche Börse avec un groupe Euronext émancipé, désolidarisé du NYSE, en vue d’une pleine intégration des plates-formes de négociation – sur les marchés au comptant et futures – et de clearing en Europe continentale.

2 En l’absence d’un mécanisme de régulation – teneur de marché institutionnel – commun. 3 Dans la mesure où une hausse des cotations sur Euronext, profitant davantage à des  investisseurs extérieurs à la zone euro, produit un moindre effet de richesse sur les agents domestiques. 4 Où s’échangent les principaux indices, contrats futures et dérivés de taux européens. 5 En témoignent les statistiques des échanges en Europe continentale, où plus de 20% des   transactions s’effectuent au quotidien sur des dark pools – Chi‐X, Turquoise, BATS Europe, etc. 6 Et portugaises, dans une moindre mesure. 

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Une place de marché unique, organisée autour de l’axe Paris- Francfort, pourrait voir le jour rapidement. Elle s’appuierait sur des technologies de pointe développées par deux plates-formes de transaction, tant horizontale (grâce à leur présence sur des marchés d’actifs multiples), que verticale (à la faveur d’une palette de services à haute valeur ajoutée), étendue à l’exécution des transactions, à la gestion du risque et au clearing. La nécessité de retenir un siège unique pourrait être contournée en dissociant l’administration des marchés au comptant – qui pourrait s’effectuer à Paris – de celle des futures et autres titres dérivés – qui pourrait revenir à Francfort – in fine, ces questions de préséance resteront marginales. Un unique dispositif d’échange doit, par ailleurs, s’accompagner d’autres initiatives propices à la constitution d’une place unique Paris-Francfort.

(i) Homogénéisation des règles de fonctionnement des deux places et instauration, à terme, d’un Code des marchés financiers unique en France et en Allemagne (puis sur le territoire de l’Union) – convergent, si possible, avec son équivalent américain. Des règles du jeu communes devant répondre à des marchés mondialisés : une refonte de l’architecture institutionnelle des plates-formes de négociation et le rééquilibrage géographique des places de marché clarifieront l’écheveau incitatif des relations entre gestionnaire et investisseur. Une homogénéisation des produits distribués au public (allant plus loin encore que la directive MiFID), et la création d’une autorité de contrôle supranationale limiteront la nécessité de maintenir des réglementations excessivement complexes, souvent perçues comme arbitraires ou punitives par les opérateurs.

(ii) Fusion des organes de régulation des marchés financiers, banques et assureurs (BaFin et AMF-ACAM), en vue d’une révision des accords de Bâle II et Solvabilité II, premier pas vers un alignement du cadre réglementaire des banques et des compagnies d’assurances.

(iii) Alignement des régimes fiscaux de l’investissement en France et en Allemagne,

largement révisés et allégés en vue d’accroître leur compétitivité – seul terrain sur lequel une place commune Paris-Francfort pourra exercer une pression concurrentielle efficace sur Londres.

(iv) Installation d’infrastructures de transport favorisant le développement d’un axe Paris-Luxembourg-Francfort, grâce au déploiement d’une ligne ferroviaire à grande vitesse directe reliant les trois villes. L’extension de la ligne TGV-Est (reliant Vaires-sur-Marne à Baudrecourt) se solda par un coût total d’environ

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5 milliards d’euros, pour une distance à peu près comparable à celle qui sépare le tronçon Est arrivant à Metz de la gare de Francfort.

(v) Création d’Europlace, unique organisme de représentation des marchés financiers

français et allemand (en remplacement des équivalents nationaux que sont Paris-Europlace et Finanzplatz Frankfurt).

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4e proposition : Harmoniser les marchés français et allemands de l’énergie Les enjeux de long terme que représentent la préservation de l’environnement et le réchauffement climatique soulignent l’urgence de trouver une solution commune aux problèmes d’approvisionnement électrique en Europe. Si certains projets actuels visant à réglementer les prix de matières premières stockables, universellement et librement négociées sur les marchés financiers sont sans lendemain, le couplage des réseaux de transport et l’harmonisation des modes de production autour de l’axe franco-allemand peut conduire à de considérables gains d’efficacité. Le choix des modes de production d’électricité et de l’architecture du réseau de transport relève en effet d’une décision politique assez subtile. Le tarif en vigueur étant fonction du coût marginal le plus élevé sur l’ensemble des unités de production sollicitées, l’efficacité économique du système dans son ensemble dépendra donc à la fois de la composition du parc de production mais aussi largement de l’architecture du réseau de transport : un maillage dense, de nombreuses interconnexions permettront une meilleure exploitation des capacités disponibles et l’activation préférentielle des unités de production les plus économiques. Agir sur la production, au niveau européen, présuppose des ouvertures de marché ou des rapprochements industriels politiquement délicats (comme l’ont prouvé les dossiers EDF, Montedison et E.ON récemment). Le transport et la distribution d’électricité offrent en revanche un terrain d’action nettement plus dégagé. Le réseau de transport électrique continental reste étonnamment peu intégré : l’existence d’associations internationales (telle l’Union pour la coordination du transport d’électricité, UCTE) n’a pas ouvert la voie à des rapprochements de nature à modifier l’architecture des réseaux, faute d’une volonté politique forte. Une analyse des configurations nationales conduit immanquablement à envisager la constitution d’un pôle franco-allemand de l’électricité. Les synergies entre les deux parcs de production et la complémentarité des deux réseaux sont saisissantes. Une meilleure gestion des deux réseaux pourrait permettre d’aboutir à (i) une meilleure exploitation à l’export de la surcapacité nucléaire française en régime de base, (ii) à l’importation ponctuelle d’électricité allemande en régime de pointe. Le gain ainsi réalisé serait tout à la fois financier – principalement pour le producteur français et le client allemand – et opérationnel – principalement pour le client français. Pour faciliter cette transition, l’Institut Montaigne recommande donc :

- D’instituer un organe de régulation franco-allemand (englobant la CRE française) ;

- De rapprocher les bourses de l’électricité française (Powernext) et allemande (European Energy Exchange) pour faciliter l’arbitrage entre les mailles du

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réseau diversement congestionnées, et aboutir à une valorisation plus efficace du transport (au-delà de la tarification unique).

- De fusionner, par intégration progressive, les gestionnaires des réseaux de transport français et allemand, en vue d’une meilleure exploitation des infrastructures disponibles par installation de smart grids – logiciels facilitant une gestion active de la capacité, en cela générateurs de gains d’énergie potentiellement considérables. Ces dispositifs n’ont toutefois pas vocation à se substituer mais plutôt à accompagner la multiplication des interconnexions des entre les deux réseaux.

Ces initiatives, dont la réalisation dépend – côté français, du moins – de la seule sphère publique, auraient l’avantage de préparer l’unification de la plaque européenne et l’alignement des mécanismes de tarification de l’usage des réseaux. Une extension conditionnée des raccordements franco-allemands permettra d’améliorer l’exploitation des infrastructures par pilotage de capacités disponibles et introduction progressive de prix négociés, spatialement et temporellement différenciés.

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5e proposition : pour une économie franco-allemande de la connaissance, de la recherche et de l’innovation L’agenda de Lisbonne (datant de mars 2000) avait pour objet de faire de l’Europe « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde à l’horizon de l’année 2010, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale. » A quelques mois de l’expiration du délai imparti, l’effondrement (relatif) de la construction institutionnelle européenne et l’impact de la crise financière ont mis à mal les ambitions. Les objectifs esquissés à Lisbonne peuvent paraître rétrospectivement totalement irréalistes, mais abordent néanmoins les problèmes structurels de l’Union sous un angle juste. Le rétablissement d’une croissance durable en Europe ne se matérialisera que par le développement de pôles de compétitivité dans des domaines à haute valeur ajoutée. Le levier franco-allemand peut, par une série d’initiatives fortes, inverser le cours des événements et poser les fondations d’une économie européenne dynamique, portée par l’innovation, au moyen d’une transition pragmatique, économiquement et socialement viable. Le tour de force que représente cette transition n’est réalisable qu’à plusieurs conditions :

1. La mise en valeur d’une tradition séculaire (rapprochement du CNRS et des Max Planck Institute)

La France et l’Allemagne sont, au cœur de l’Europe, porteuses d’une tradition culturelle commune, fruit d’un dialogue intellectuel séculaire, fondateur d’un modèle de pensée encore dominant. La perte d’influence relative de nos deux pays, en matière, notamment, de recherche scientifique – fruit d’un essaimage plus que d’un réel déclin – peut être enrayée par la promotion de centres d’excellence nationaux (CNRS, Max Planck Institute) encore faiblement ouverts. Leur rapprochement facilitera la mise en œuvre de réformes jusqu’à présent infructueuses.

2. La conduite d’une politique commune d’investissement en faveur de la recherche et de l’innovation (création d’un régime fiscal de l’innovation accommodant et réforme du droit de la propriété intellectuelle)

En dépit des montants considérables alloués à la recherche en France comme en Allemagne, la question de l’efficacité de ces mesures d’encouragement demeure. Une fiscalité harmonisée (ex : par extension du statut d’auto-entrepreneur et diminution de la charge fiscale afférente, par la mise en place d’un régime lié aux revenus de la propriété intellectuelle beaucoup plus accommodant) et le regroupement de toutes les structures publiques (régionales et nationales) de financement de l’innovation autour d’une seule agence franco-allemande feront sans doute œuvre utile.

3. La mise en résonance de l’effort de recherche avec de grands projets industriels (lancement de programmes industriels communs)

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Les fruits de cette politique demeureraient incertains en l’absence d’un axe directeur clair, économiquement structurant, tout à la fois créateur d’emploi et moteur de productivité. Une série de grands projets, financés par un emprunt public conjoint, facilitera la constitution d’un pôle unique de recherche franco-allemand. L’élaboration d’un réseau intelligent – smart grid, piloté par un logiciel –, veillant à la juste allocation de la production électrique sur la plaque continentale Ouest-européenne en est un exemple caractéristique.

4. Une réforme du système éducatif franco-allemand

Enfin, l’impact à long terme de cette politique serait faible sans une réforme des structures éducatives française et allemande. Une mise à l’unisson de nos systèmes scolaires, dont le déroulement pourra faire l’objet d’un léger aménagement pour s’aligner sur l’échelle internationale, constitue une première étape naturelle de ce processus. Une plus large autonomie donnée aux universités en France comme en Allemagne, la diminution du nombre d’institutions au profit d’une hausse de la qualité des enseignements, la création de fédérations d’écoles et d’universités, une plus grande mixité entre recherche académique et recherche industrielle, enfin l’instauration d’une plus grande autonomie budgétaire sont autant de mesures qui redonneront à la France et à l’Allemagne les moyens de poursuivre leurs ambitions.

5. Un réseau universitaire scientifique et technologique d’excellence La fédération d’institutions scientifiques et technologiques d’excellence en France, en Allemagne et dans l’Union au sein d’un même réseau aurait de puissants avantages. Regroupement des meilleurs établissements français, allemands, et européens, autour d’un même nom (tout comme différents colleges britanniques), ayant chacun leur identité propre et leurs spécificités, sont parfois regroupés sous le nom d’une même université –, une telle fédération aurait l’avantage :

- D’atteindre une taille critique au niveau mondial sans pour autant les lancer dans une course aux effectifs dont les conséquences ne peuvent être que dommageables

- De réunir les meilleurs spécialistes des divers centres de recherche appartenant aux institutions membres autour du seul nom de la fédération et, de fait, de démultiplier le nombre des publications par simple effet d’agrégation

- De faciliter les échanges académiques interdisciplinaires et interculturels - De joindre plus nettement les efforts de recherche nationaux dans des domaines

technologiques prioritaires (nanotechnologies, biotechnologies, aéronautique, spatial, technologies de l’information, ingénierie énergétique)

La Fédération aurait comme objectifs, en tant que personne morale : (i) la coordination des publications scientifiques, d’une si grande importance à l’heure des classements internationaux, (ii) le financement et l’accompagnement, par création d’un incubateur unique, des entreprises innovantes issues des institutions membres – lesquelles conserveraient par ailleurs l’entière indépendance de gestion dont elles jouissent aujourd’hui.

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Outil de mise en valeur de la recherche européenne, moteur d’un nouveau pôle de compétitivité, cette Fédération pourrait voir le jour sans occasionner de nouvelles dépenses et sans remettre en cause l’intégrité que chaque institution – université ou école – est légitimement soucieuse de préserver. Cette réorganisation institutionnelle permettrait au contraire d’utiliser plus efficacement les ressources financières aujourd’hui engagées dans la recherche : (i) en limitant certaines dépenses d’administration grâce à d’évidentes synergies ; (ii) en accroissant la productivité de l’effort de recherche grâce au financement commun de grands projets associant les équipes des divers laboratoires. Les forts critères auxquels seraient astreints les membres de cette Fédération ne permettraient l’intégration que d’une à deux institutions (complémentaires) par pays. Les autorités françaises et allemandes pourraient s’appuyer sur l’existence de réseaux européens et collaborer à la création de cette Fédération, instrument de remise en valeur de la recherche universitaire européenne.