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C.L.M. CERCLE LYRIQUE DE METZ Hamlet Ambroise THOMAS « Un des derniers grands opéras à la française » par Georges MASSON 1

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C.L.M.

CERCLE LYRIQUE DE METZ

HamletAmbroise THOMAS

« Un des derniers grands opéras à la française »

par Georges MASSON

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I. LE SYNOPSIS EN CINQ ACTES

Hamlet est un opéra en cinq actes dont Ambroise Thomas acheva la composition au milieu de l’été de 1867, sur un livret de ses habituels collaborateurs Michel Carré et Jules Barbier, d’après la tragédie que Shakespeare écrivit au fil des années 1600 et 1601. L’ouvrage fut créé le 9 mars 1868 à la Salle Lepeletier, du nom désignant antérieurement l’Opéra de Paris qui sera construit par Charles Garnier quelques années plus tard. Le rôle-titre fut confié au baryton Jean-Baptiste Faure, celui d’Ophélie à la soprano suédoise Christine Nilsson, le roi Claudius étant incarné par la basse Belval, le spectre du roi assassiné par la basse David, la reine Gertrude par la mezzo Gueymard, Laërte étant campé par le ténor Collin, Polonius par la basse Ponsard, Marcellus et Horatio par Grisy et Castelmary, les deux fossoyeurs par Gaspard et Mermany, ténor et baryton. La mise en scène était assurée par Coleuille, le chef des chœurs étant Victor Massé, le compositeur d’opérettes dont la plus célèbre est « Les Noces de Jeannette », le ballet étant chorégraphié par le très en vogue Marius Petipa, la danseuse principale étant Mademoiselle Fioretti. La direction musicale était assurée par Georges Hainl. La partition fut éditée la même année chez Heugel. L’action d’ Hamlet se déroule au Palais d’Elseneur au Danemark

PREMIER ACTE :

Tableau I : Dans la salle d’honneur du Palais, Claudius est couronné roi et succède ainsi à son frère mort dont il épouse la veuve, la reine Gertrude. Grande fête à la cour. Le fils du roi défunt, le prince Hamlet est épris d’Ophélie dont le frère Laërte s’apprête, sur ordre du nouveau roi Claudius, à partir pour la cour de Norvège. Il met sa sœur Ophélie sous la protection d’Hamlet. Tableau II : Sur l’esplanade du Palais d’Elseneur, Hamlet apprend que Marcellus et Horatio, ses amis, ont aperçu un fantôme, le spectre de son père, le feu roi. Le spectre apparaît et demande à Hamlet de le venger, car il a été assassiné par Claudius. Il condamne aussi l’adultère et la complicité dans le meurtre, de sa mère, la reine Gertrude.

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SECOND ACTE :

Tableau I : Dans les jardins du Palais. Ophélie entre, un livre à la main, se promène et exprime ses doutes sur l’amour véritable de Hamlet. Pour faire diversion, Hamlet décide d’inviter une troupe d’histrions et de baladins pour divertir la cour. C’est là qu’il entonne une chanson bachique, la fameuse « O vin, dissipe la tristesse ». Tableau II : Dans la grande salle du Palais, Hamlet demande aux comédiens d’interpréter la pièce intitulée « Le Meurtre de Gonzague » qui est la parodie exacte de l’assassinat du roi Hamlet en ciblant ses complices, selon les descriptions du spectre. Panique à la cour.

TROISIEME ACTE :

Une chambre de recueillement de l’appartement de la reine. Hamlet est saisi par le doute. Il chante son monologue « Etre ou ne pas être… »et il apprend que le chambellan Polonius, le père d’Ophélie et de Laërte, a fomenté avec Claudius, le meurtre du roi. Hamlet s’éloigne alors d’Ophélie, et s’apprête à renier le serment d’amour qu’il lui avait faite. Ophélie donne des signes de désenchantement et est prise de détresse et de folie. Le spectre apparaît à nouveau et s’immisce dans la violente querelle qui s’est engagée entre Hamlet et sa mère. Mais le spectre demande à son fils d’épargner Gertrude dans la vengeance qu’il attend toujours.

QUATRIEME ACTE :

Tableau I : Ballet : La fête du printemps. Danse villageoise ; Pas des Chasseurs ; Pantomime ; Valse-Mazurka ; Scène du Bouquet ; La Freya ; Strette finale. Tableau II : Ophélie se mêle aux danses des paysans, divague de plus en plus et avant de s’éteindre, noyée au fil de l’onde, chante son Air de la folie, appelée aussi Ballade suédoise et disparaît.

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CINQUIEME ACTE : La scène représente le cimetière d’Elseneur où deux fossoyeurs creusent une tombe. C’est à ce moment qu’Hamlet découvre le linceul que les deux hommes vont porter en terre, terrassé à la vue du corps d’Ophélie. La désespérance d’Hamlet le porterait au suicide mais l’ombre du roi assassiné lui apparaît et lui rappelle avec insistance la besogne qu’il doit accomplir. Hamlet s’élance vers Claudius qui tombe mortellement blessé par son épée. Le crime est expié, chante le spectre. Et Hamlet est proclamé roi. (version initiale) . Dans la seconde version, plus conforme au final de Shakespeare, Hamlet meurt au cours du duel avec Laërte, les épées ayant été empoisonnées, mais Hamlet, dans un dernier sursaut, tue Claudius.

II. LES PERSONNAGES PRINCIPAUX LE ROI HAMLET : dans l’opéra, il est désigné comme étant le « spectre ». C’est lui le premier roi du Danemark avant qu’il ne soit supprimé pendant son sommeil, par son meurtrier qui lui a versé du poison dans l’oreille. Durant ses apparitions, essentiellement au Ier et au Ve acte de l’ouvrage lyrique, il s’adresse à son fils afin qu’il le venge de l’acte attribué à Claudius. Le suspens plane : est-ce un fantôme ou est-ce un envoyé du démon qui parle ? Dans l’opéra, il s’agit bien d’une réapparition fantomatique du père assassiné. LE PRINCE HAMLET : fils du roi défunt, il est étudiant à l’Université de Wittenberg. Tétanisé par les paroles que lui adresse le spectre, il ne pourra accomplir la vengeance demandée, qu’à l’ultime duel qui l’amène à affronter Laerte. Au cours de ce combat d’épée (empoisonnée), ce dernier mourra de même qu’ Hamlet qui aura cependant ce dernier sursaut qui lui permettra d’abattre Claudius. Il aura ainsi accompli la vengeance de son père. Dans l’opéra, le sentiment amoureux chez Hamlet à l’égard d’Ophélie est beaucoup plus passionné (air de la première scène du premier acte : Doute de la lumière…) qu’il ne l’est dans la tragédie, où le prince est plus soupçonneux et traître Ophélie parfois avec rudesse. OPHELIE : dans la tragédie, elle noue une relation amoureuse avec Hamlet, bien qu’ayant été avertie qu’elle ne pourrait jamais se marier avec lui. Hamlet la rejette

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brutalement lui faisant croire à sa propre démence. La mort de son père Polonius va rendre folle Ophélie qui se laissera mourir en se noyant dans un ruisseau. Dans l’opéra, l’idylle est plus accentuée, les sentiments sont plus vifs, le déchirement plus sincère chez Hamlet, le doute et la désespérance plus apparents chez Ophélie. CLAUDIUS : il est l’oncle du prince Hamlet et l’actuel roi autoproclamé du Danemark. Il a ainsi succédé à son frère qu’il a supprimé. C’est le spectre qui accusera Claudius de l’avoir assassiné. GERTRUDE : elle est la mère du prince Hamlet et fut la première épouse du roi Hamlet empoisonné. La veuve se remarie peu de temps après avec Claudius. Durant toute la période élisabéthaine, on a considéré ce mariage comme un inceste. Gertrude mourra fortuitement en buvant la coupe de vin empoisonnée que le clan des conspirateurs destinait au prince Hamlet. POLONIUS : il est le chambellan du roi Claudius. Il a un rôle plutôt effacé dans l’opéra, au rebours de la tragédie qui le décrit comme le personnage le plus estimé du royaume du Danemark Dans le texte de Shakespeare, il est opposé à la relation amoureuse d’Hamlet et d’Ophélie dont il est le père. Il condamne cette inclination de sa fille. Dans le texte, Polonius est trucidé involontairement par Hamlet caché derrière une tapisserie où il l’espionnait. Cette fin brutale et imprévue de Polonius va bouleverser la vie de Laerte et de sa sœur Ophélie. Dans le livret en cinq actes de l’opéra, Polonius n’est pas tué inopinément puisqu’il apparaît jusque dans l’ultime scène. LAERTE : Très lié à sa sœur Ophélie, Laerte, fils de Polonius, réside en France selon le texte shakespearien. Lorsqu’il apprend la fin tragique de Polonius son père, la vengeance le domine. A l’ultime scène, il est persuadé qu’Hamlet est à l’origine du suicide d’Ophélie et complote avec Claudius, en suscitant le duel au cours duquel il mourra, la pointe de l’épée ayant été empoisonnée, et qui, se retournant, blesse à mort Hamlet qui a le temps d’abattre Claudius avant de mourir.

III. CATALOGUE DES AIRS ESSENTIELS DE LA PARTITION

Le Prélude du 1er acte est, à l’orchestre, une ouverture sombre et pleine de majesté auquel succède une Introduction avec Marche et Chœur : »Que nos chants

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montent jusqu’aux cieux » sur un rythme de marche lente et triomphale ; suit le Récitatif et Duo de Hamlet et d’Ophélie « Doute de la lumière…. »considéré comme une des plus belles pages de la partition. Suit le Récit et la Cavatine de Laerte à l’adresse de Hamlet : « Pour mon pays en serviteur fidèle… », sur un tempo allègre et plein de vaillance. Ce premier tableau s’achève sur le Chœur des officiers et des pages : « Nargue de la tristesse… » d’une gaîté certaine mais d’une inspiration très conventionnelle. Le second tableau, Prélude de l’Esplanade, est un andante orchestral d’une poésie plutôt sombre. La Scène de l’Esplanade en elle-même comporte l’Invocation d’Hamlet au spectre de son père : « Spectre infernal, Image vénérée… », très belle mélodie empreinte de lyrisme dramatique. Le second acte débute par l’Entracte et l’Air d’Ophélie : « Adieu, dit-il, ayez la foi… » qui est un récitatif suivi d’un andantino, auquel s’ajoute un allegro sostenuto. Le Récitatif et Arioso de la reine Gertrude, qui commente l’attitude d’Hamlet, « Dans son regard plus sombre… » est empreint d’une angoisse non feinte. Arrive le Duo de la Reine Gertrude et du Roi Claudius : « L’âme de votre fils est à jamais troublée », qui pénètre davantage au sein du drame, quelque peu apaisé par le Récit et Scène de Claudius et d’Hamlet qui suit « Cher Hamlet, appelle-moi ton père… ». L’atmosphère est toute en contraste avec le Récit et Chœur des Comédiens, chanté par les ténors et les basses sur un rythme entraînant : « Princes sans apanages, risibles paladins… ». Arrive alors la célèbre « chanson bachique » d’Hamlet « O vin, dissipe la tristesse… » et relayée par Marcellus, Horatio, ténors et basses. Le second tableau débute par la Marche Danoise de style triomphal, qu’enchaîne le Récit et Prologue d’Ophélie et Hamlet : « Belle, permettez-nous de prendre place à vos genoux… » qui sont suivis de la Pantomime, du Récit et du Final : « Hamlet, mais regardez, voici apparaître le démon tentateur… » réunissant, en septuor, accompagné des chœurs, Ophélie, Gertrude, Hamlet, Marcellus, Claudius, Polonius, Horatio, septuor sur lequel s’achève le second acte.

Le troisième acte s’ouvre sur l’Entracte « J’ai pu frapper le misérable… » et la célèbre et mystérieuse mélopée qu’est le Monologue d’Hamlet : « Etre ou ne pas être ». Récit et Air de basse entre Hamlet et Claudius « C’est en vain que j’ai cru me soustraire au remords » sont suivis par un Trio mélancolique et émouvant entre Ophélie, Gertrude et Hamlet, ce dernier chantant à sa fiancée son Andantino « Allez dans un cloître, allez Ophélie… » avant le Grand Duo aux accents tragiques entre Gertrude et Hamlet.

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Nouveau contraste au premier tableau du 4e acte avec « La Fête du printemps », air suivi d’un ballet, lequel est plus ou moins tronçonné et souvent supprimé, et qui, s’il est maintenu comporte : Danse villageoise, Chœurs, Pas des Chasseurs, Pantomime, Valse, Mazurka, Scène du bouquet, Polka Le Fraya et Strette finale.

Le second tableau est tout entier consacré à la Scène d’Ophélie, appelé Air de la Folie, et qui comporte successivement : Récit, « A vos jeux mes amis… » puis Valse d’Ophélie « Partagez-vous mes fleurs… » et la Ballade d’Ophélie « Pâle et blonde, dort sous l’eau profonde… » sur un tempo d’Andante, et le Final Andantino avec chœurs à bouches fermées, avec l’ultime apparition d’Ophélie « Le voilà, je crois l’entendre… » Cet air fétiche de toutes les sopranes est un des plus prenant mais aussi des plus casse-cou du répertoire.

L’ultime acte, le 5e, débute par le Chant des fossoyeurs, suivi du Récit et de l’Arioso d’Hamlet, « Comme une pâle fleur… »,livrant tout le désarroi et la désespérance du prince au bord de la folie. Après la Scène et le Récit (Laerte et Hamlet), la Marche funèbre, exprimant, sur un rythme lent, la même détresse et la même souffrance, est accompagné du Chœur des sopranos, « Comme la fleur nouvelle… » Dernier numéro, le Final, intense et dramatique est chanté par l’ensemble des personnages « O terreur, épouvante, c’est l’ombre du feu roi qui se dresse à nos yeux… », où apparaît le spectre pour la dernière fois. La scène du Couronnement d’Hamlet a été supprimée dès la seconde mouture de l’ouvrage.

IV. DE LA CREATION D’ HAMLET A PARIS A SES REPRESENTATIONS A METZ

Fort de l’heureuse destinée à laquelle était promis son opéra-comique Mignon

créé à la Salle Favart à Paris en novembre 1866 avec la célèbre Célestine Galli-Marié dans le rôle-titre, Ambroise Thomas se dit que l’heure était venue où il pourrait frapper un grand coup à l’Académie de musique avec son opéra « Hamlet » dont la première eut donc lieu en mars 1868. Il songeait au triomphe du Faust qui avait valu à Charles Gounod sa gloire définitive. Thomas était alors dans les bonnes grâces de Napoléon III et le cabinet impérial ne pouvait qu’adhérer à un projet lyrique qui allait revêtir toute sa somptuosité dans des décors majestueux et avec une distribution de choix, et promotionné comme un pur produit du grand opéra à

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la française, fleuron de notre école d’art lyrique en cette seconde moitié du XIXe siècle. D’autant que l’ouvrage devait servir, implicitement, dans l’esprit des milieux artistiques, de rempart contre les poussées étrangères et notamment contre l’une d’elles, la montée wagnérienne dont la « version de Paris » de son Tannhäuser en 1861, avait suscité pas mal de levées de boucliers. DISTRIBUTION DE HAUT VOL

Ambroise Thomas avait d’abord confié le rôle principal à un ténor, comme la tradition le voulait et pour satisfaire aux souhaits des habitués. Mais une étoile brillait alors dans le ciel lyrique, le baryton Jean-Baptiste Faure. Incontournable. Le compositeur, qui voulut aussi s’assurer un succès plus immédiat, adapta la partie de ténor à la tessiture de cet artiste qui venait de faire un tabac dans Don Carlos de Verdi et qui avait créé les rôles principaux de « La Favorite » de Donizetti et des Huguenots de Meyerbeer. Non moins célèbre était la soprano suédoise Christine Nilsson qui, l’année précédente, avait fait monter les décibels à Londres dans La

Traviata où elle tenait le rôle d’une Violetta en état de grâce, et qui sera, tout naturellement, l’Ophélie de rêve pour ses débuts de prima donna à l’Opéra de Paris.

Si les abonnés furent immédiatement conquis par « Hamlet » dans lequel ils retrouvaient pleinement leurs habitudes lyriques, les adversaires de l’ouvrage se répandirent dans les couloirs et dans la presse, en de fielleux pamphlets. Sous le pseudonyme de F. de Langenevais, le poète Blaze de Bury subodorait une manœuvre habile des protagonistes qui, en confiant la prise de rôle à Christine Nilsson, permettait à Thomas de s’attirer la faveur public « car, sans le charme de la cantatrice, l’œuvre n’eut pas vécu l’espace de vingt soirées » écrivait-il. Le critique s’en prit même au rôle-titre qui, selon lui était nul, « réduit à la figuration d’un prince lamentable, au baryton pleurard »…. Et il s’indignait de voir des artistes de tout premier ordre, relégués au second rang, comme celui d’Hamlet, confié au célèbre Jean-Baptiste Faure et s’attristait « de le voir réduit à un aussi fâcheux emploi ».

LES LIBRETTISTES VOUÉS AUX GÉMONIES…Il apparut très vite aux détracteurs de cette « opératisation » de la tragédie

shakespearienne, la difficile pour ne pas dire impossible adéquation entre la réflexion philosophique du texte d’origine et le traitement lyrique du héros. C’est une des raisons du rejet de l’ouvrage chanté. L’autre raison essentielle étant la

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scène finale de l’opéra où Hamlet, au lieu de mourir à la suite d’un duel avec le personnage de Laerte, (le frère de la fiancée d’Hamlet, Ophélie), dont le bout de l’épée avait été empoisonné, en réchappe et est ensuite porté triomphalement sur le trône royal du Danemark qui lui était destiné, après l’assassinat de son père, le roi Hamlet. Si bien qu’il fallut en revenir bientôt au synopsis initial dans la nouvelle mouture du final de l’ouvrage. On reprocha à Ambroise Thomas d’avoir sollicité le livret de ses arrangeurs habituels, Albert Carré et Jules Barbier, et d’en avoir « imposé arbitrairement la lugubre et peu satisfaisante distribution », selon le critique Maurice Cristal, le chroniqueur de « Le Revue musicale »… « Les poètes complaisants lui ont rimé un Hamlet à leur façon et le compositeur a eu la douce satisfaction de pouvoir faire chanter un glou-glou bachique au philosophe héros, et de noter spécialement pour sa voix mélancolique et dans le goût de l’époque, avec accompagnement de guitare ou de harpe, des couplets divertissants sur l’antique monologue « Etre ou ne pas être »…

« On dirait le comique d’une féerie du Châtelet » avait renchéri un autre critique, Langenevais, « où l’on voit Hamlet bardé de fer et coiffé symboliquement d’un heaume à deux cornes, se draper dans son linceul et faire le beau sur une ritournelle caractéristique de la plus joviale ironie. » Et le critique de lancer ce coup de semonce à Ambroise Thomas : « Etes-vous Beethoven pour toucher à Shakespeare ?, démontrant combien ces « arbitraires travestissements d’un idéal que la majeure partie du public n’entrevoyait guère que de loin, pouvaient fausser le goût. »

… ET LEVÉES DE LYRES D’UN PUBLIC RAVI… Mais au rebours des « langueurs monotones et de ces verbiages

pédantesques » étalés dans la presse, d’autres critiques reflétaient la forte impression que l’ouvrage avait produit sur les habitués du genre. Ainsi, Ernest Dubreuil, dans « La Revue moderne », enfourcha d’emblée le Pégase en parlant du duo initial d’Hamlet et d’Ophélie : « Doute de la lumière, doute du soleil et du jour, mais ne doute jamais de mon amour ». Voici ce qu’il écrivait : « Jamais Gounod, le musicien des amours rêveuses et fatales, n’a trouvé de mélodie plus suave que celle-là ». Et d’enchaîner : « Tout est compris, rendu, l’inspiration déborde, la couleur est superbe (…) L’invocation d’Hamlet au spectre de son père, les plaintes du terrible fantôme, les sifflements du vent dans les tourelles du château d’Elseneur,

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la terreur du jeune prince éperdu, tous les mystères de cette nuit horrible, sont exprimés avec l’audace heureuse et le génie puissant des grands maîtres… » Un peu plus tard, Marmontel, le savant pédagogue de l’époque, avait, lui aussi, écrit dans « Les Etudes musicales », que « les deux héros, Hamlet et Ophélie pouvaient apparaître comme deux créations géniales et quasi-mythiques que l’esprit méditatif et sombre de Thomas avait, d’un souffle puissant, de son inspiration soutenue et avec toute la chaleur d’âme d’un poète, fait surgir du drame shakespearien, avec ses nuances tendres, passionnées ou terribles. ». Le célèbre critique et musicologue Camille Bellaigue, ira, plus tard, dans le même sens, qui affirmait «que le drame de Shakespeare convenait parfaitement au musicien dont il admirait l’inspiration grave et austère, l’homogénéité de la composition, la couleur et l’unité de l’ensemble, sa noblesse er l’infinie tristesse du héros. »

HAMLET CRÉÉ A METZ EN 1892… GRÂCE A NANCY Cependant, en dépit des critiques négatives, Hamlet s’est maintenu longtemps

à l’affiche, en France comme à l’étranger, et surtout dans les pays anglo-saxons, les rôles principaux de la création ayant été relayés par d’autres grands noms de la scène lyrique pour ne citer que Victor Maurel, Arthur Endrèze et Titta Ruffo dans le rôle-titre et Nelly Melba et Adelina Patti dans celui d’Ophélie. L’ouvrage en était à sa 276e représentation à Paris, à la mort d’Ambroise Thomas, en février 1896, (on redonna Hamlet en mai de cette même année en hommage au compositeur) et pendant une cinquantaine d’années avant de sombrer dans les oubliettes puis, revenir à la surface dans la seconde moitié du XXe siècle.

Ceci peut paraître invraisemblable, mais ce n’est que près d’un quart de siècle après sa création à Paris qu’ Hamlet vit le jour pour la première fois au théâtre de Metz. Et encore, c’est grâce à la troupe lyrique de Nancy qu’il put être monté dans la ville mosellane qui, à cette époque était, depuis 1871, annexée à l’Allemagne. Selon une charte répartissant représentations allemandes, majoritaires, et représentations françaises, minoritaires, (135 contre 52 annuellement, selon la saison de référence 1894 /1895) une convention avait été passée avec Nancy qui se concrétisa plus solidement en 1896. Mais, dès 1892, la troupe lyrique nancéienne ravivera, à Metz, la flamme française dont un des porte-flambeaux était encore et toujours Ambroise Thomas. Son Hamlet y fut joué en <première> le mercredi 20 janvier 1892. Le compositeur, qui était alors âgé de plus de quatre-vingts ans, n’était pas venu

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assister à la représentation comme il n’était pas revenu dans sa ville natale depuis l’annexion et comme il n’y reviendra plus.

Le compte-rendu, paru dans le journal local, avait fait part à ses lecteurs des sentiments éprouvés ce jour-là. « Merci, Messins, c’est assurément le plus bel hommage que vous puissiez rendre au grand maître, notre illustre compatriote, en vous portant, mercredi soir, en foule, dans notre salle de la Place de la Comédie. L’interprétation d’<Hamlet> fut digne de tous les éloges et fut vraiment supérieure», écrivit, en français, le rédacteur qui félicita <la vaillante troupe de Nancy ainsi que sa directrice, Madame Dorvilliers, qui avait si brillamment dirigé la représentation>. Le baryton du nom de Barthe assurait le rôle d’Hamlet dans un style que l’on a comparé au créateur du rôle-titre, Jean-Baptiste Faure. Toutefois la grande révélation fut celle de Mme Rives Hincelin dans le rôle d’Ophélie, tandis que Melle Brouchette chantait le rôle de la reine Gertrude. A la suite de cette <première> à Metz, Ambroise Thomas, toujours directeur du Conservatoire de Paris, adressa ce mot au journal : « Rien ne pouvait m’être plus agréable que cette marque de sympathie donnée par les Messins à l’œuvre de leur vieux concitoyen. »

LE REPROFILAGE EN DEUX PARTIES DE 1933 Toutefois, au fil des décennies, l’ouvrage apparut en décalage constant, par

rapport au goût et aux sensibilités nouvelles du public et des metteurs en scène. On a très vite tronçonné puis supprimé le ballet du IVe acte et le couronnement final. Le premier grand reprofilage de l’œuvre a été entrepris par Jacques Rouché, directeur de l’Opéra de Paris, en 1933, avec l’assentiment des héritiers (les petits neveux d’A. Thomas) au nombre de huit sauf de l’un d’eux qui intenta un procès non suivi d’effet. Les surcharges et les conventions dépassées de mise en scène furent gommées. Pour assurer une meilleure continuité du drame lyrique, Jacques Rouché adopta le blocage en deux parties de la tragédie en cinq actes. L’œuvre en acquit plus de force et de concision. La préoccupation première de Rouché fut de faire mieux sentir dans l’opéra, la pièce de Shakespeare qui exigeait de nombreux déplacements dans l’espace et qu’on suggérait alors en faisant surtout appel à l’imagination du spectateur. Il fut désormais possible de les rendre par le moyen audacieux des projections lumineuses sur un écran en toile de fond. « On passe directement de la terrasse du château d’Elseneur aux jardins et au parc où Ophélie

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cueille les fleurs d’un printemps dérisoire, au lac mélancolique de son trépas, puis au cimetière où Hamlet va mourir à son tour. »

Rouché expliquait qu’il avait suivi la version moins indulgente et plus conforme au drame original que les auteurs avaient écrit et qui fut adoptée au Covent Garden de Londres. Les décors, moins matérialisés, n’envahissaient plus la scène et les jeux de lumière créaient l’atmosphère autour des personnages émergeant de l’ombre environnante qui prolonge la scène sans la fermer. Le spectacle devenait semblable à une suite de visions répondant à la poésie évocatrice du dramaturge. « La musique n’a nullement vieilli, » ajoutait Jacques Rouché. « Par endroit seulement, une convention, qui n’est plus acceptée aujourd’hui, introduisait un air surérogatoire sans autre objet que d’amener le chanteur face au public et lui procurer son tour de chant. » (…) « Quant au ballet, il faisait intermède sans motif plausible au moment où l’action devenait plus pathétique. Il a donc été abrégé. » Toutefois, à l’époque, les danses, expulsées du drame, furent recueillies et données indépendamment, en un ballet distinct, couplé avec cet autre ballet d’Ambroise Thomas qu’est La Tempête, toujours d’après Shakespeare. C’était une refonte audacieuse pour l’époque qui trouva autant d’adversaires attachés à la tradition originale du XIXe siècle que de partisans de <dépoussiérages> modernes. D’aucuns trouvèrent que « les coupures à pleins ciseaux rapetissaient singulièrement le drame, réduit à une sorte d’ « épicol » sanglant ramené à un meurtre vengeur tandis que d’autres (dont le compositeur Louis Aubert) voyaient, à travers cette conception de mise en scène, les possibilités qu’elles laissaient entrevoir pour l’avenir du théâtre lyrique, tout en se demandant si la reprise était aussi favorable au musicien qu’au poète.

Fallait-il pencher du côté de la tragédie lyrique modernisée ou conserver à l’opéra typé dans ses récitatifs et ses grands airs, la marque de fabrique de son temps ? Il se trouve que les divergences d’appréciation allaient perdurer et que les partisans de chacune des deux lectures exprimeront les raisons de leur choix au fil des productions les plus récentes. LA REPRISE D’HAMLET A METZ EN 1954 (Albert Anfry)….

Les vieux abonnés du théâtre de Metz s’en souviennent peut-être. C’était le 14 janvier 1954 : le directeur de l’époque, Albert Anfry, eut la bonne idée d’introduire Hamlet dans la programmation de sa saison 1953/54 dont chacune

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comportait alors sept à huit opéras et pas moins de dix-huit opérettes dans les années 1951/52 ! Venant de Nancy, Albert Anfry était un homme du sérail. N’avait-il pas osé produire en création, deux opéras contemporains, La Divine Epopée de Paul Bastide et Madame Bovary d’Emmanuel Bondeville ? C’est lui aussi qui prit l’initiative de monter, en 1952, pour la première fois à Metz, Pelléas et Mélisande de Debussy, à l’occasion du cinquantième anniversaire de sa création parisienne et qui rendit pareillement hommage au Lorrain Gustave Charpentier en produisant sa Louise, également pour le cinquantième anniversaire de sa « première » à Paris. Albert Anfry s’était appuyé, pour Hamlet, sur les conceptions nouvelles et avait tranché dans le livret de Carré et Barbier. Il s’inspirait quelque peu du remodelage de Jacques Rouché de 1933 car il avait demandé au décorateur Abel Rilliard (qui sera, dix ans plus tard, le directeur de l’Opéra-Théâtre de Metz), un décor sobre et dépouillé. Au pupitre de fosse, Adolphe Verger-Laurent dirigeait l’Orchestre municipal de Metz et la distribution, de tout premier ordre, comportait trois artistes lyriques français de l’Opéra de Paris : le baryton Louis Noguera qui incarnait Hamlet, Denise Boursin, Ophélie, Suzanne Darbans tenant le rôle de la reine Gertrude. Le ballet du IVe acte avait été maintenu, la chorégraphie ayant été réglée par Louisette Pascal et Micheline Marville, les effets de lumières étant signés de Georges Swiniarski.

… ET CELLE DE 1990 (Christiane Issartel) Trente-six ans plus tard, c’est une tout autre mouture d’ « Hamlet » que proposa

la directrice d’alors, Christiane Issartel, première femme au fauteuil de l’Opéra-Théâtre, et qui succédait à André Batisse. C’était en ouverture de la saison 1990/91, les 28 et 30 septembre de 1990. Sa réalisation scénique était exemplaire, sa direction d’acteurs remarquable, son casting vocal campant judicieusement chaque personnage dans son emploi et dans des costumes minutieusement reconstitués selon l’époque élisabéthaine, et dans une conception décorative sobrement évocatrice. Or,le livret de Barbier et Carré ne lui convenait guère car Issartel estimait boiteuse la construction dramaturgique des librettistes qui, selon elle, n’avaient rien compris au rythme de la pièce ni au mécanisme du drame. « Mettre en scène l’opéra d’Ambroise Thomas tel qu’il se présente, c’est trahir un des plus grands auteurs dramatiques de tous les temps », affirma-t-elle. « Ne pas jouer l’œuvre, c’est se priver d’un excellent opéra dont la musique est, sans aucun doute, la meilleure que

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son auteur ait écrite ». Christiane Issartel choisit donc de trahir Barbier et Carré. Elle procède à un redécoupage, selon elle plus cohérent des scènes, et introduit dans l’ouvrage chanté, des dialogues parlés, fidèlement puisés dans la traduction française de François Victor Hugo, le fils de Victor Hugo (qui a d’ailleurs traduit toute l’œuvre de Shakespeare) et inspirés par l’analyse psychologique des personnages contenue dans le livre What happens in Hamlet ? de John Dover Wilson, préfacé par le metteur en scène Patrice Chéreau. On assistait ainsi à un genre hybride que l’on pourrait qualifier de « tragédie-opéra ». Le texte comme valeur ajoutée rétablissait en quelque sorte la cohérence du déroulement dramatique. Mais on touchait à la structure modulaire de l’œuvre, la nouvelle mouture décalant l’emplacement de certaines scènes repatinées en fonction d’un déroulement crédible, les ciseaux ayant fait leur œuvre sur les membres de phrases désuètes du livret. Pour Didier Henry, le personnage d’Hamlet était une prise de rôle qu’il sut rendre saisissante, et Ghislaine Raphanel fut tout simplement merveilleuse de fraîcheur de fragilité et de sensibilité, dans le rôle d’Ophélie. Chris de Moor avait été un roi Claudius crédible, Christian Jean, un Laerte sensible, Marion Sylvestre, une reine Gertrude plutôt verdienne. Jean-Yves Ossonce, à la fosse, dirigeait la Philharmonie de Lorraine. Bien qu’ayant adopté le blocage des cinq actes en deux parties, ce rebizeautage d’Hamlet était donc bien différent du premier grand lifting de Jacques Rouché de 1933. Ce qui ne manqua pas de faire tiquer les spécialistes. Des critiques, essentiellement parisiens, estimèrent que « le fait d’intercaler des répliques de la tragédie parlée dans un ouvrage chanté relevant d’une autre époque et d’une autre esthétique », ne servait à rien, et que, « même réduit à l’essentiel, le texte dramatique se trouvait télescopé par une musique dont les irruptions finissaient par être incongrues ». La plupart des critiques d’alors avaient estimé <aberrant> le fait de n’avoir pas voulu jouer le jeu d’un style jugé trop accordé au goût d’un XIXe siècle finissant dont on serait aujourd’hui très éloigné, et que, de toute façon, personne ne se souciait de vraisemblance à l’opéra. Hormis certains metteurs en scène. On admettait bien que Thomas avait « trahi » Shakespeare par librettistes interposés, mais que cela ne constituait pas une tare irrémédiable, et que, « par respect pour une époque et un style, on devait revenir à la conception originelle du « grand

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opéra » fait pour de grandes voix avec de somptueux décors, l’argument choc étant que l’on restaurait bien à l’identique, les opéras baroques de Lully et Rameau ».

On admit cependant qu’il ne fallait pas laisser <dormir la Belle>, puisque ces œuvres font partie de notre répertoire, mais qu’il s’avérait peu utile de les réactualiser sous prétexte que <les metteurs en scène d’aujourd’hui étaient hantés par les « relookages » et la modernisation à outrance des opéras anciens ». L’avertissement ne serait-il plus d’actualité ?

V. QUELLE FIGURE DES HEROS TRANSPOSÉS A LA PÉRIODE ACTUELLE ?

Or, la nouvelle production d’ Hamlet des 27 et 29 novembre 2009 à l’Opéra-Théâtre de Metz, sera revue selon la nouvelle optique qui est « d’abattre les frontières et d’aller dans le sens de la modernité » résumée dans la conception éditoriale de la présente saison lyrique messine. La mise en scène en a été confiée à Bernard Habermeyer qui, après avoir été le collaborateur artistique de Jacques Lassalle au Théâtre National de Strasbourg dans les années 1980, puis directeur du Théâtre de Beauvais de 1986 à 1995, a dirigé le Théâtre de Wissembourg de 2002 à 2005. Il s’est dirigé vers la mise en scène dès 1985 avec Georges Dandin de Molière, et assura la mise en scène de la création mondiale à l’Opéra-Théâtre de Metz, de Mi

Amor, l’opéra de Charles Chaynes en 2007, après avoir assuré celle, donnée en 2005, du monologue Le dernier jour d’un condamné de Victor Hugo. Ce nouvel Hamlet, donné en co-production avec l’Opéra de Saint-Etienne (1), (dont les représentations se dérouleront là-bas les 5,7 et 9 mars 2010), ne devrait pas se référer au héros shakespearien de l’époque élisabéthaine et dont la tragédie se déroule au château d’Elseneur au Danemark, puisqu’il devrait se situer dans le cadre de la guerre de Bosnie à Sarajevo dans les années 1992/96. C’est faire faire le grand écart à Hamlet, à Ophélie et aux autres acteurs de la tragédie. On souhaite qu’ils puissent bien mettre en exergue la musique d’Ambroise Thomas, écrite dans l’esprit du grand opéra romantique de son époque où dominaient les prouesses vocales des chanteurs, notamment dans l’Air de la folie précédant la mort d’Ophélie. Les décors seront signés par Eric Chevalier, les costumes par Dominique Burté, les lumières par Patrice Willaume (déjà présent à la production de 1990) la chorégraphie à Patrick Salliot (il n’y avait pas de ballet dans la dernière production). Le rôle-titre

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en a été confié au baryton Didier Henry qui en avait assuré la prise de rôle en 1990 lorsque « Hamlet » avait été mis en scène par Christiane Issartel, alors directrice artistique de l’Opéra-Théâtre de Metz, laquelle avait revu l’articulation du livret de Barbier et Carré qui lui avait semblé incohérente pour se rapprocher de Shakespeare, en introduisant, entre les airs, des passages parlés puisés dans une des traductions françaises de la tragédie shakespearienne. Tous les autres artistes de la distribution sont nouveaux, le rôle d’Ophélie étant assumé par Marie-Eve Munger, celui de la reine Gertrude par Delphine Haidan, celui de Claudius par Patrice Berger et celui de Laerte par Avi Klemberg. La direction musicale sera assurée par Jacques Mercier à la tête de l’Orchestre National de Lorraine, avec le chœur et le ballet de l’Opéra-Théâtre. (1) L’Opéra de Saint-Etienne a connu des remous depuis 2008, qui ont motivé la démission de son directeur Louis Pichon, pour raisons politiques, le nouveau directeur nommé étant Daniel Bizeroy. On a soupçonné les nouveaux élus de vouloir transformer l’Opéra en une M.J.C. (Editorial d’Yvan A. Alexandre dans la revue Diapason de juillet-août 2009.)

LA DISTRIBUTION 2009 Le rôle-titre sera donc à nouveau tenu par Didier Henry dont on avait pu dire

en septembre 1990, qu’il était « un Hamlet saisissant, traversé du doute, de l’interrogation, de la rancœur, de l’amertume et de l’ironie, assez proches du modèle ». On avait craint alors que sa voix fut trop <jeune> pour le rôle, mais son baryton allait aisément vers le ténor et n’était pas trop sombre… »… « Un rôle à sa mesure qui pourrait en faire un archétype des barytons français de sa génération », avions-nous ajouté. Il sera intéressant de le comparer à lui-même…à près de vingt ans d’intervalle. Didier Henry se produit sur les grandes scènes internationales, tant dans les productions lyriques que dans les concerts ou les récitals. Il figura souvent, ces dernières années, dans les distributions d’opéras donnés à l’Opéra-Théâtre de Metz dont, en dernier, dans les deux opéras en un acte de Hindemith : Hin und zurück et La longue nuit de Noël. Il fut récemment Golaud dans Pelléas et

Mélisande de Debussy au C.N.R. de Paris, sa tessiture de baryton aigu lui permettant d’incarner celui de Pelléas dont il assura la création de l’ouvrage à Moscou en 1987 sous la direction de Manuel Rosenthal. Il a également interprété ce rôle à Tokyo, à

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Buenos-Aires et aux Etats-Unis et en a réalisé un enregistrement pour Decca sous la direction de Charles Dutoit. C’est la Québecoise Marie-Eve Munger qui tiendra le rôle d’Ophélie. C’est la première fois qu’elle se produira à l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole. Lauréate du Premier prix dans la catégorie « opéra » au Concours international de chant de Marmande en 2007, pour son interprétation de l’ « Air de la folie » de « Hamlet », cette soprano colorature partage ses activités lyriques entre l’Amérique du Nord et la France. Elle avait fait ses débuts comme soliste à huit ans, dans un concours amateur de sa région natale et a poursuivi son parcours dès quinze ans où elle fit des tournées au Canada et en Amérique. Diplômée de l’Université de Montréal, Marie-Eve Munger a assuré plusieurs prises de rôles au Théâtre du Châtelet à Paris, dans la création de l’opéra La Pastorale de Gérard Pesson et s’est produite également dans La Vie parisienne et Les Dames de la Halle d’Offenbach, dans Ciboulette de Raynaldo Hahn. L’Auberge du cheval blanc de Benatzky, Candide de Léonard Bernstein, Evangeline Revisited , en première mondiale, de Julian Wachner…Elle a chanté en soliste dans différents concerts d’oratorio dont La

Création de Haydn, Le Messie de Haendel, et fut lauréate de plusieurs autres concours dont celui des Jeunes Ambassadeurs Lyriques en 2007… La distribution comportera, par ailleurs, Delphine Haidan dans le rôle de la reine Gertrude, Patrice Berger dans celui du roi Claudius, Avi Klemberg, dans celui de Laerte, le spectre étant incarné par Philippe Kahn. Jean-Vincent Blot sera Polonius, Yvan Rebeyrol, Marcellus, Sébastien Grandgambe, Horatio. Xavier Mauconduit et Régis Mengus seront les deux fossoyeurs.

VI DISCOGRAPHIE ET VIDEO Le plus récent « Hamlet » date de 2004. C’est un D.V.D. paru chez EMI Classics enregistré au Gran Teatre del Liceu de Barcelone sous la direction de Bertrand de Billy avec une époustouflante Nathalie Dessay dans le rôle d’Ophélie. Son « Air de la folie » est à vous couper le souffle. Le baryton, Simon Keenlyside, est un superbe Hamlet, Béatrice Uria-Monzon incarnant solidement la reine Gertrude et Alain

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Vernhes, Claudius. Donc excellente distribution mais laideur des costumes dans une mise en scène moderne qui tue un peu le plaisir. Le précédent Hamlet de 1993, voyait, en trois compact-discs, les grands débuts dans ce rôle, de l’Américain Thomas Hampson, qui ne tarissait pas d’éloges sur le rôle d’Hamlet et sur l’opéra tout entier et que la critique encensait alors, Michel Parouty parlant de « l’un des artistes les plus intelligents, les plus doués et les plus complets de sa génération ». Belle distribution, avec l’Ophélie un peu froide cependant, de June Anderson, Samuel Ramey dans le rôle de Claudius qu’il « humanise », Gregory Kunde d’une fine musicalité (Laerte), Denyce Graves (Gertrude), Jean-Philippe Courtis (le spectre), Gérard Garino (Marcellus), François Le Roux (Horatio) et Michel Trempont (Polonius). The London Philharmonic et l’Ambrosian Opera Chorus aux sonorités soyeuses étaient placés sous la direction d’Antonio de Almeida qui a respecté la partition intégrale avec ballet ce qui, toutefois, ralentit un peu l’action dramatique. (EMI Classics, en trois compact-discs) Un peu plus ancien, (1983, dans la collection Decca Grand Opera en trois compact-discs), la version avec Sherill Milnes en Hamlet et Joan Shuterland en Ophélie, constituait le premier véritable enregistrement intégral correct de l’ouvrage. Avec James Morris (Claudius), Barbara Conrad, (reine Gertrude), Gista Winberg, (Laerte), John Tomlinson, (le spectre). L’Orchestra and Chorus of the Welsch Opera était placé sous la direction de Richard Bonynge. Il existe des enregistrement d’ extraits d’Hamlet, dans la fabuleuse intégrale Maria Callas (EMI) (N°7 et N° 12, Récitals, figurant au Catalogue général classique 1997) dont le duo du Hamlet-Ophélie « Doute de la lumière » ainsi que la scène et l’air de la folie du IVe acte (Orchestre symphonique de la R.A.I. de Milan, direction Alfredo Simonetto en « live » ; Orchestre Philharmonia de Londres, direction Nicola Rescigno en studio), ainsi que ce même air chanté en italien. Des extraits d’Hamlet ont été enregistrés avec Mady Mesplé, en couplage avec d’autres extraits d’œuvres lyriques, avec l’Orchestre de l’Opéra de Paris sous la direction de Jean-Pierre Marty (EMI) On signalera enfin l’intéressante compilation relativement récente, de préludes symphoniques et d’airs d’ « Hamlet », interprétés par des chanteurs et cantatrices qui ont marqué les débuts du disque. (Malibran-Music, distribution exclusive DOM à Ivry-sur-Seine). On y trouve, outre l’Introduction, la marche et le chœur d’entrée,

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« Que nos chants montent jusqu’aux cieux », (Jules Gressier, 1949), les préludes de chaque acte ainsi que le duo « Doute de la lumière » (Germaine Feraldy-Pierre Deldi direction Eugène Bigot, 1933), les airs les plus connus de l’ouvrage : un Hamlet par Arthur Endrèze (1930), Charles Cambon (1949), « Etre ou ne pas être » par Vanni-Marcoux (1931), le trio du IIIe acte (Charles Cambon, Denise Charley, Solange Delmas 1949), l’Air de la folie par Renée Doria, ainsi que Laure Tessandra (1928), Lucien Lovano (1949) Joseph Peyron, André Philippe (1949)…etc. Ce disque intéressera les spécialistes et les collectionneurs. La même firme Malibran-Music a réalisé une compilation identique d’anciens extraits de « Mignon » d’Ambroise Thomas, ainsi que de Faust de Gounod, de La Tour de feu de Sylvio Lazzari, et d’airs extraits d’opéras français.

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VISITEZ LE SITE DU C.L.M.

Le site Internet du Cercle Lyrique de Metz (www.associationlyriquemetz.com) vous propose un journal lyrique et musical comportant toutes sortes de rubriques dont nous vous énumérons les principales….

ACCUEIL : La Lettre du Président ; QUI SOMMES-NOUS ? : La présentation du C.L.M. ; son comité… ; LA SAISON CULTURELLE A METZ (programmes de l’Opéra-Théâtre, de l’Orchestre national de Lorraine, de L’Arsenal….) NOS CONFERENCES : précédées d’un extrait audio-visuel de La Bohème dans l’interprétation de Renata Tebaldi et de Jussi Björling…Vous y trouverez, en outre, les biographies de chaque conférencier de la saison 2009/2010 et le commentaire de leurs communications. Y figurent également des comptes-rendus de conférences (de Danielle Pister sur « La Bohème »), un article sur les adieux de Placido Domingo… La rubrique CRITIQUES MUSICALES porte, elle, sur les ouvrages lyriques représentés à Metz ainsi que certains spectacles lyriques donnés extra-muros (exemple : Louise de Gustave Charpentier donné récemment à l’Opéra du Rhin) et, le cas échéant, sur des spectacles en déplacement inscrits dans le programme des voyages du C.L.M. Par ailleurs, nous avons maintenu le contenu du PROGRAMME DETAILLE DU COLLOQUE DU XXXème ANNIVERSAIRE DU C.L.M. avec ses illustrations. Les différentes conférences faites pendant le COLLOQUE DU XXXème ANNIVERSAIRE sont en voie d’installation sur notre site, ainsi que le « press-book » annonçant et relatant ses diverses manifestations. Nous avons ouvert une rubrique ACTUALITES DISCOGRAPHIQUES ET NOUVEAUTES BIBLIOGRAPHIQUES, qui s’ajoute à celle portant sur LES LIVRES DU C.L.M. La rubrique ANNIVERSAIRES porte sur les compositeurs et artistes lyriques (anniversaires, disparitions…)

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Dans la rubrique IMAGES figurent les photos prises au cours des conférences du C.L.M. ou de spectacles vus au théâtre, ainsi que les photos du COLLOQUE DU XXXème ANNIVERSAIRE. Vous pouvez vous inscrire sur LE LIVRE d’OR, consulter les NEWSLETTER, vous inscrire au titre d’adhérent au C.L.M….(adhésion, membre 50 euros, couple 70 euros , étudiant, 20 euros, bienfaiteur ou mécène, à volonté) Sur le site et le blog on trouve, en outre, le contenu des plaquettes détaillant les ouvrages joués à l’Opéra-Théâtre de Metz, ainsi que les prises de positions sur l’avenir de l’Opéra-Théâtre de Metz, de même que des articles divers comme celui portant sur les Journées Furtwängler à Nancy. Vous trouverez également sur le site, dans l’’espace « membres » le texte intégral du livret d’HAMLET, donné fin novembre 2009 au théâtre. Nous souhaitons également améliorer encore le contenu de notre site en fonction de l’actualité des spectacles et des événements se rapportant au domaine de l’opéra, de la comédie musicale ou de l’opérette. Bonne lecture à tous, chers amis de l’art lyrique…

Georges MASSON, président, et le comité du C.L.M.

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LES REPRESENTATIONS DE HAMLET DANS LA COPRODUCTION DE L’OPERA-THEATRE DESAINT-ETIENNE

ET DE L’OPERA-THEATRE DE METZ-METROPOLEAURONT LIEU A METZ

LESVENDREDI 27 NOVEMBRE A 20H30 ET DIMANCHE 29 NOVEMBRE A

15H

Direction musicale : Jacques MercierMise en scène : Bernard HabermeyerDécors : Eric ChevalierCostumes : Dominique BurtéLumières : Patrice WillaumeChorégraphie : Patrick SalliotChef de chant : Nathalie Marmeuse

Ophélie : Marie-Eve MungerLa reine Gertrude : Delphine Haïdan

Hamlet : Didier HenryClaudius : Patrice Berger Laerte : Avi KlembergL’ombre du roi : Philippe KahnPolonius : Jean-Vincent BlotMarcellus : Yvan RebeyrolHoratio : Sébastien GrandgambePremier fossoyeur : Xavier MauconduitSecond fossoyeur : Régis Mengus

Chœur et ballet de l’Opéra-Théâtre de Metz-Métropole Orchestre National de Lorraine

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