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À LA RECHERCHE DU MILLIARD Analyse critique des programmes fédéraux de langues officielles dans l'enseignement JANVIER 1981

À LA RECHERCHE DU MILLIARD140 millions pour l'année 1979-80, alors qu'auparavant le fédéral n'avait aucun plafond et remboursait les provinces (à des taux de 9%, 5%, 10.85% et

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À LA RECHERCHEDU MILLIARD

Analyse critique des

programmes fédéraux

de langues officielles

dans l'enseignement

JANVIER 1981

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PRÉSENTATION

Au cours de l'année 1980, la Fédération des franco-phones hors Québec créait son département de rechercheet d'information dans le but de donner à ses dires véracitéet authenticité ... Ses membres présentent aujourd'hui leurpremier travail. Il veut être un document d'information pourles membres de la Fédération en même temps qu'une aideaux responsables des programmes de langues officielles età tous ceux et celles que ce dossier intéresse.

Si jamais un sous-titre peut éclaircir un travail, c'estbien celui de "Analyse critique des programmes fédérauxde langues officielles dans l'enseignement" donné à "A larecherche du milliard... " On appréciera sans doute le tonobjectif de cette critique, la sincérité de ses auteurs et larichesse des renseignements étalés au cours de ces pages.

Pour ces qualités et aussi pour la rapidité avec laquellece département a accompli cette première tâche, je medois de le féliciter hautement au nom de tous les Franco-phones hors Québec.

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Avertissement

À cause du fait que les sommes versées aux provinces par le gouver-nement fédéral sous forme de paiements formulaires ont été plafonnées à140 millions pour l'année 1979-80, alors qu'auparavant le fédéral n'avaitaucun plafond et remboursait les provinces (à des taux de 9%, 5%, 10.85% et1.5% que nous expliquerons plus loin dans cette recherche) selon le nombred'étudiants inscrits aux programmes de langues officielles et selon uncertain pourcentage du coût de l'enseignement dans chaque province, ils'ensuit que, pour 1979-80, les pourcentages de contributions du fédéralmentionnés ci-haut, ont sûrement quelque peu baissé. Toutefois, étantdonnée que notre étude analyse ce qui a été fait entre 1979-71 et 1978-79ce sont des pourcentages qui demeurent valables.

En ce qui touche les tableaux statistiques que nous présentons, ceux-cine nous sont pas donnés comme tel par le Secrétariat d'État, mais lescalculs sont faits à partir de statistiques disponibles à la Direction généraledes programmes de langue du Secrétariat d'État.

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TABLES DES MATIERES

Pages

Introduction 1

Chapitre I

Sur quelques rappels 4

Tableau I 5

Tableau II 6

1.1 Sur quelques problèmes des communautésfrancophones hors Québec en matière d'éducation 8

1.2 Tout a été dit 12

Chapitre II

Le gouvernement fédéral et le bilinguisme en éducation 15

1. Paiements formulaires 18

2. Projets spéciaux 19

Annexe I 20(a)

Annexe II 20(b)

Chapitre III

La péréquation ... à l'envers:réflexion sur quelques lacunes des programmesde paiements formulaires et de projets spéciaux 21

3.1 Les paiements formulaires:

un reflet de certaines inégalités 21

Tableau III 23

Tableau IV 25

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Tableau V 28

Tableau VI 31

Tableau VII 33

Tableau VIII 35

Tableau IX 37

Tableau X 38

Tableau XI 39

3.2 Les projets spéciaux:de meilleures possibilités d'évaluer les résultats 41

Tableau XII 43

Chapitre IV

Les paiements formulaires:

un manque de contrôle comptable de la part du fédéral 45

Chapitre V

Les perspectives nouvelles du financement fédéraldu bilinguisme en éducation:Une abolition progressive des paiements formulaires 55

Tableau XIII 59

Conclusion et recommandations 62

Bibliographie 65

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Introduction

Tous s'accordent à dire que la question de l'éducation revêt uneimportance capitale pour les francophones hors Québec. Car, à bien ypenser, à quoi peut-il bien servir de posséder des services judiciaires,sociaux et de santé en français ou de pouvoir communiquer avec lesinstitutions gouvernementales en français si, au départ, les politiques enmatière d'éducation n'assurent pas aux communautés francophones lesmoyens de préserver leur culture et si les possibilités de s'instruire enfrançais, de la maternelle à l'université, sont bloquées. En ce sens, nouscroyons que l'élaboration d'une politique globale généreuse en matièred'éducation constitue l'une des pierres angulaires du dynamisme et duvouloir-vivre des francophones hors Québec.

Il n'est pas question ici de nier les progrès réalisés en matière d'éducation.Par contre, tout comme il faut éviter de noircir outrancièrement la réalité,nous devons également nous interdire d'afficher un optimisme démesuré. Ily a lieu, tout en reconnaissant certains acquis, de garder un esprit critiqueface aux politiques existantes en matière d'éducation.

Il est clair, qu'au premier chef et selon les prescriptions de l'Acte del'Amérique du Nord Britannique, que l'éducation relève d'abord et avanttout des compétences provinciales. Nous en aurions long à dire sur la façondont les provinces se sont acquittées de cette responsabilité vis-à-vis lesfrancophones hors Québec. Toutefois, notre propos doit nous amener àexaminer l'implication du gouvernement fédéral et plus précisément duSecrétariat d'Etat dans le dossier de l'éducation. Car, même si l'éducationne relève pas du fédéral, on doit admettre que celui-ci ne s'en est pastotalement désintéressé. En fait, la somme des dépenses du fédéral enéducation dépasse maintenant $2.7 milliards par année.

Faisant suite aux recommandations de la Commission Royale d'Enquêtesur le Bilinguisme et le Biculturalisme (livre deux portant sur l'éducation) lefédéral, par l'intermédiaire du Secrétariat d'Etat a décidé en 1970 de contribuerfinancièrement à des programmes servant à promouvoir le bilinguisme enéducation et à élargir les possibilités pour les minorités de langue officielle(le français à l'extérieur du Québec et l'anglais au Québec) de recevoirl'enseignement dans leur langue. Suite à dix (10) ans d'existence de cesprogrammes, il y aurait lieu de s'interroger non seulement sur leur efficacité(ce que les données du recensement de 1981 nous permettront d'évaluerde façon plus précise), mais également sur la façon dont le fédéral dépenseses fonds en matière de bilinguisme en éducation. Est-ce que ces programmess'inscrivent en conformité d'une politique linguistique nationale cohérente?Est-ce que les programmes fédéraux en matière d'éducation ont vraimentpour objectif premier d'atténuer la propension à l'assimilation des franco-

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phones hors Québec ou si plutôt il ne tendent qu'à être le miroir del'inégalité entre la situation des francophones hors Québec et celle de laminorité anglophone du Québec? Quel type de rationalité préside àl'application de ces programmes: une rationalité d'utilisation optimale desfonds en vue d'aider les communautés qui en ont le plus besoin ou plutôtune rationalité de nature politique? Quelles furent les incohérences et lescontradictions qui ont jalonné les dix (10) années d'existence de cesprogrammes? Quelles solutions nous sembleraient les plus appropriéespour que le fédéral puisse assurer de façon plus efficace son leadershipquant à une reconnaissance vraiment effective des deux (2) langues officiellesen matière d'éducation? Autant de problèmes que cette recherche a pourintention d'explorer.

Objet plus spécifique de l'étude

L'étude abordera plus spécifiquement les programmes de languesofficielles dans l'enseignement de la Direction générale des programmesde langue du Secrétariat d'État et portera une attention toute particulière àdeux (2) types de programmes: les "paiements formulaires" et les "projetsspéciaux". Nous tenterons une évaluation critique de ces programmes enfonction des objectifs fixés.

Le premier chapitre de cette étude consistera à faire quelques brefsrappels sur la situation démographique des francophones hors Québec etsur les problèmes qui les affectent au niveau de l'éducation. De plus, ilprésentera un bref résumé des différentes déclarations et prises de positiondes milieux politiques sur la question de l'accès à l'éducation dans salangue pour la minorité francophone hors Québec.

Le second chapitre abordera les objectifs qui ont présidé à l'élaborationd'une politique de développement du bilinguisme en éducation de la partdu fédéral et expliquera ce en quoi consistent plus spécifiquement lesprogrammes de "paiements formulaires" et de "projets spéciaux".

Le troisième chapitre tentera de faire principalement une évaluationglobale des problèmes inhérents aux contributions de type formulaires etde voir pourquoi, dans sa forme actuelle, ce type de contributions fait ensorte de refléter l'inégalité qui existe entre les services dont disposent lacommunauté anglophone minoritaire du Québec par rapport aux commu-nautés francophones minoritaires hors Québec.

Le quatrième chapitre essaiera de voir les problèmes suscités par unmanque de contrôle comptable du fédéral sur les sommes qu'il verse aux

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provinces et comment de tels problèmes en viennent également à semanifester entre les ministères provinciaux de l'éducation et les conseilsscolaires.

Enfin, le cinquième chapitre verra quels étaient les changement que lefédéral était prêt à envisager en vue de modifier les accords fédéraux-provinciaux en matière de langues officielles dans l'enseignement.

En conclusion, nous établirons quels changements nous voudrions voirappliquer au programme de langues officielles dans l'enseignement demême que les moyens susceptibles d'être établis en vue d'en assurer unfonctionnement qui puisse favoriser davantage les communautés franco-phones hors Québec.

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CHAPITRE I

Sur quelques rappels

La F.F.H.Q., on s'en souvient, a publié en 1977 et 1978 deux (2)dossiers qui ont fortement contribué à sensibiliser l'opinion publique à lasituation démographique, juridique, économique, sociale et éducationnelledes communautés francophones hors Québec. Le premier (1) faisait état dela situation globale des communautés francophones hors Québec ainsi quedes dangers d'effritement linguistique et culturel qui les menaçaient. Lesecond (2) tentait d'établir certaines comparaisons entre la disparité desservices dont jouissaient les anglophones du Québec par rapport auxfrancophones hors Québec. Ces dossiers demeurent, dans une très largemesure, toujours d'actualité même si toutefois les statistiques du prochainrecensement (1981 ) nous permettront d'actualiser nos données. Sans vouloirnous engager ici dans une analyse exhaustive de certaines tendancesdémographiques ou sur les taux de transferts linguistiques observés dansles neuf (9) provinces à majorité anglophone, nous considérons pertinentde rappeler qu'entre 1971 et 1976, la situation de la francophonie horsQuébec ne s'est pas vraiment améliorée comme en fait foi le tableausuivant.

(1 ) F.F.H.Q.: Les héritiers de Lord Durham, vol. 1,1977,125 pages.(2) F.F.H.Q.: Deux poids, deux mesures, 1978,62 pages.

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Tableau I: Population de langue maternelle française en comparaison dela population totale des provinces, à l'exclusion du Québec (1971 et 1976).

Colombie-Britannique

Alberta

Saskatchewan

Manitoba

Ontario

Nouveau-Brunswick

Nouvelle-Écosse

Île-du-Prince-Edouard

Terre-Neuve et Labrador

Total pour les 9 provinces

19711976

19711976

19711976

19711976

19711976

19711976

19711976

19711976

19711976

19711976

Nombre %

38,03538,430

46,50044,440

31,60526,705

60,54554,745

482,040462,075

215,725223,785

39,33536,870

7,3606,545

3,6402,755

924,790896,350

1.7

1.6

2.9

2.4

3.4

2.9

6.1

5.4

6.3

5.6

34.033.0

5.0

4.5

6.6

5.5

0.7

0.5

6.0

5.4

Totalde la populationhors Québec

2,184,6252,466,605

1,627,6651,838,040

926,245921,320

988,2501,021,505

7,703,1058,264,465

634,555677,245

788,960828,575

111,640118,230

522,100577,725

15,487,35116,693,710

Source: F.F.H.Q., Les héritiers de Lord Durham, page 23 et Conseil desministres de l'Éducation (Canada), L'état de l'enseignement dansla langue de la minorité du Canada.

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Ces données, est-il besoin de le préciser, sont très conservatrices dansla mesure où elles n'incluent pas la question de la langue d'usage. En effet,il devient difficile de mesurer précisément le taux d'assimilation du fait quele recensement de 1976 ne comportait pas de questions sur la langued'usage. Si nous reprenons seulement les données du recensement de1971, on s'aperçoit que la moyenne du taux d'anglicisation pour lesfrancophones vivant hors du Québec atteint 27.0%. Il culmine en Colombie-Britannique pour atteindre une proportion de 69.7% et est à son plus basniveau au Nouveau-Brunswick avec une proportion de 7.7%.

TABLEAU I I : Population de langue maternelle et de langue d'usagefrançaises par province (à l'exclusion du Québec). Recensement de 1971

Colombie-BritanniqueAlbertaSaskatchewanManitobaOntarioNouveau-BrunswickNouvelle-Écosse

Île-du-Prince-ÉdouardTerre-Neuve & Labrador

TOTAL

Languematernelle

38,03546,49531,60560,550

482,040215,72539,3357,3603,635

924,790

Langued'usage

11,51022,69515,93539,600352,465199,08527,2154,4102,295

675,210

Taux d'angli-cisation — %

69.751.249.634.626.97.7

30.840.036.9

27.0

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l'influence des moyens de communications (5), l'absence de politiquesglobales favorables aux communautés francophones hors Québec, voilàautant de facteurs qui concourrent, à des degrés divers, à l'accélération duprocessus d'assimilation. Les démographes Réjean Lachapelle et JacquesHenripin ont d'ailleurs bien résumé, dans une toute récente étude, lesproblèmes auxquels sont confrontés les francophones hors Québec.

Hors du Québec, la mobilité linguistique du groupe français a progresséau cours du temps dans à peu près toutes les régions, sauf au Nouveau-Brunswick, où elle semble avoir légèrement diminué de 1971 à 1976.Cette augmentation de la mobilité linguistique n'a rien de bien surprenant.Les personnes de langue maternelle française ont dû en effet s'ajusterà de nombreux changements socio-économiques. Elles se sont de plusen plus scolarisées, ce qui élève le risque d'une navette linguistiquescolaire et travaillent de moins en moins en milieu agricole: ellesdoivent donc souvent admettre l'anglais pour langue de travail et ainsiréaliser des navettes linguistiques professionnelles. Tous ces facteurs -scolarisation, urbanisation et industrialisation accrues - multiplient lesoccasions de contact avec les anglophones, renforcent le bilinguisme,favorisent la constitution de couples hétérolingues français-anglais et,par conséquent, accroissent les risques de mobilité linguistique. Lesmesures prises pour améliorer la situation du groupe français, notammenten matière scolaire, ont sans doute compensé en partie l'action de cesfacteurs. Elles ont même peut-être arrêté les progrès de la mobilitélinguistique au Nouveau-Brunswick." (6)

Les constatations de l'étude de MM. Lachapelle et Henripin sont fortsombres pour les francophones hors Québec. En effet, ceux-ci prévoientque la tendance à la diminution du groupe français à l'extérieur du Québecse continuera. Pour être plus précis, les deux démographes estiment queles francophones hors Québec, qui, en ce qui concerne la langue d'usage,ne représentaient en 1971 que 4.4% de la population des provinces àmajorité anglophone, verraient leur proportion se situer entre 2.2% et 3.5%au début du XXIe siècle. (7) Si globalement la situation est loin d'être rose,elle semble de plus en plus difficile si l'on observe par exemple la tendancedes transferts linguistiques dans les provinces de l'Ouest et dans la régionintérieure de l'Ontario.

(5) Voir René-Jean Ravault: La francophonie clandestine, Rapport présenté à la Direction desgroupes minoritaires de langue officielle, Ottawa 1977, p. 50 - 71.

(6) Réjean Lachapelle, Jacques Henripin: La situation démolinguistique au Canada, Institut desRecherches Politiques, Montréal, 1980, p. 180-181.

(7) Ibid, p. XXVIII

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"Les groupes français des provinces de l'Ouest et de la région intérieurede l'Ontario appartiennent à cette catégorie. Pour compenser les pertesimportantes qu'ils font au chapitre des transferts linguistiques, le nombremoyen d'enfants par femme devrait être légèrement supérieur à 5.5. Etcela, rappelons-le permettrait tout juste le remplacement des générations.Bien qu'une telle fécondité ne soit pas une impossibilité biologique,elle est toutefois, dans les conditions actuelles, socialement irréalisable."(8)

Fort de ces brèves constatations, point n'est besoin d'être grand clercpour s'apercevoir de la nécessité d'une intervention vigoureuse et systé-matique de tous les paliers de gouvernements pour parvenir à endiguer lapropension à l'effritement des communautés francophones hors Québec.Dans cette perspective, l'éducation nous apparaît être d'une importancecapitale. Et comme c'est le but de ce dossier de toucher plus spécifiquementla question des programmes fédéraux en matière de bilinguisme en éducation,nous tenterons, dans les quelques pages qui vont suivre, d'aborder entermes globaux les problèmes inhérents à l'enseignement dans la langue dela minorité de langue officielle dans les provinces autres que le Québec.

1.1 Sur quelques problèmes des communautés francophoneshors Québec en matière d'éducation

L'histoire des francophones hors Québec, faut-il le répéter, est jalonnéede combats parfois âpres et durs pour l'obtention d'écoles françaises etpour la reconnaissance de leurs droits. Il n'est point besoin de remonterdans la nuit des temps pour faire état des batailles que durent mener lesfrancophones pour que soit non seulement garanti leur droit à l'éducationdans leur langue, mais aussi pour qu'ils aient le contrôle de leur systèmed'éducation. Encore tout récemment, qu'il suffise de rappeler les bataillespour l'obtention d'un district homogène français à Moncton, la lutte deVonda Prud'homme en Saskatchewan, les luttes de Windsor et Penetan-guishene en Ontario, celle pour une école secondaire à l'Ile-des-Chênes auManitoba ou encore les interminables tergiversations pour l'obtention d'unconseil scolaire homogène de langue française dans la région d'Ottawa-Carleton.

On peut dire, en premier lieu, que le cadre constitutionnel canadien n'apas très bien servi les communautés francophones hors Québec en matièred'éducation. En effet, l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique (I'A.A.N.B.)

(8) Ibid, p. 170

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(9) ne prévoit rien en ce qui a trait aux droits linguistiques en matièred'éducation pour les minorités francophones hors Québec. Il nous apparaîtclair que l'un des éléments fondamentaux d'une amélioration de l'accès àl'éducation en français pour les communautés francophones hors Québecréside dans l'inclusion d'une Charte des droits linguistiques individuels etcollectifs dans une nouvelle Constitution. Une telle reconnaissance parvien-drait à éliminer l'arbitraire et les pouvoirs discrétionnaires dont disposentencore à l'heure actuelle les commissions scolaires et les ministèresprovinciaux de l'éducation et lèverait l'incertitude qui existe toujours (fautede garanties constitutionnelles strictes) quant à la continuation de certainsprogrammes d'enseignement en français.

Il n'est pas question ici de nier qu'au cours des dernières années desprogrès ont été réalisés que ce soit aux échelons locaux ou provinciaux.Toutefois pour donner une fois pour toute à ces acquis une quelconqueforme de permanence et d'intangibilité, il importe que les droits linguistiquessoient inclus dans une nouvelle Constitution.

Un autre problème concernant l'éducation vient du fait qu'il estpratiquement impossible d'élaborer un quelconque plan national. Lesprovinces sont particulièrement jalouses des prérogatives exclusives queleur a consenti l'A.A.N.B. en matière d'éducation et veillent à empêcher quele fédéral n'intervienne trop directement dans ce domaine relevant de leurscompétences. Confrontées à une telle situation et aux prises avec uneabsence de garanties en matière d'éducation, les communautés francophoneshors Québec se voient ballottées de juridictions en juridictions et d'instancesgouvernementales en instances gouvernementales lorsque vient le tempsde revendiquer leurs droits.

Bien que l'éducation ne relève pas de la compétence du fédéral on nepeut pas dire que celui-ci s'en soit totalement désintéressé. Les dépensesdu fédéral prennent la forme (entre autres) de transferts fiscaux, de dépensespour la formation de la main-d'oeuvre, de subventions ou de bourses à larecherche ou de programmes d'aide à l'enseignement des langues officielles.En fait, on estime à plus de 2 milliards de dollars, la somme annuelle desdépenses entièrement où partiellement éducatives du fédéral. Les provincesacceptent la participation financière du fédéral en matière d'éducation dans

(9) II y a bien l'article 93 qui parle d'éducation, mais seulement en termes de religion, d'écolesconfessionnelles et de sujets catholiques ou protestants. D'après les experts qui se sontpenchés sur divers aspects de l'interprétation juridique anglaise, l'article 93 n'aurait pas deportée linguistique.

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la mesure où celle-ci ne s'assortit pas de trop de servitudes. (10) Nousverrons plus loin dans ce dossier, que cet aspect du manque de coopérationentre les politiques fédérales et provinciales en matière d'éducation, ainsique le dogmatisme constitutionnel qu'affichent les provinces à ce niveau,tendent à handicaper lourdement l'efficacité des programmes fédéraux debilinguisme en éducation. Ces problèmes n'avaient pas échappé auxexaminateurs de l'Organisation de Coopération et de DéveloppementEconomique (O.C.D.E.). Dans cette perspective, ils soulignaient:

"Conformément aux pratiques canadiennes, ce sont les provinces quiassurent l'exécution des programmes fédéraux de soutien au bilinguisme.Par voie de conséquence, la mise en oeuvre des politiques du bilinguismesuit des voies diverses et fait appel à des structures différentes.

Cette question de l'aide à l'enseignement bilingue montre bien toutesles difficultés et les ambiguïtés que l'on constate lorsque le gouvernementfédéral se montre disposé à octroyer des crédits et que les provinces,pour des raisons d'ordre constitutionnel, veulent éviter jusqu'à l'apparenced'une collaboration avec lui." (11 )

Pour mieux se convaincre de ces problèmes d'ordre juridictionnel etdes difficultés qu'ils occasionnent lorsque vient le temps de déboucher surdes solutions concrètes, on n'a qu'à regarder les pénibles et interminablesnégociations fédérales-provinciales en matière de langues officielles dansl'enseignement. Négociations qui, si elles amusent les ministres et lesfonctionnaires, se font toutefois au détriment des parents et des enfants. Cequi faisait dire à Maxwell Yalden que:

"Les négociations nous donnent l'impression d'assister au spectaclequi précède les grandes parties de hockey: petits tours de piste, tapisrouge, beaux discours, suivis d'une partie décevante. Les changementsd'entraîneurs fédéraux ont modifié quelque peu la tactique des équipes,mais, à la fin de l'année, les négociateurs du fédéral et des provincestournaient toujours en rond: au tableau d'affichage, c'était toujours levide. Plus précisément, l'on a pu parvenir à aucun accord à long termesur les programmes d'aide à l'enseignement des années à venir et, pisencore, en dépit des proclamations de foi et des engagements répétésde nos gouvernements successifs, la manne fédérale destinée àl'enseignement est inférieure cette année de $34 millions à ce qu'elleétait dans la dernière année de l'ancien accord. Pour du progrès..." (12)

(10) O.C.D.E.: Examens des politiques nationales de l'enseignement, Canada, Paris 1976, p. 96et sq.

(11) O.C.D.E.:Op.cit. p. 62, 63(12) Maxwell Yalden: Rapport du Commissaire aux langues officielles, 1979, p.30, 31

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Nous reviendrons d'ailleurs plus loin dans ce dossier sur les positionsdu Conseil des Ministres de l'Education du Canada eu égard aux programmesde bilinguisme en éducation. Positions qui relèvent davantage de la tragi-comédie que d'une approche rationnelle et déterminée de nature à résoudreles difficultés qu'ont à surmonter les communautés francophones horsQuébec.

Outre ces problèmes, l'on pourrait disserter longuement sur la difficultéqu'ont les francophones hors Québec à se doter de structures au sein de laplupart des ministères de l'Education, la difficulté d'accès à des étudespost-secondaires en français, la médiocrité de l'enseignement en français(nous pensons ici aux écoles dites mixtes) où si l'enseignement du françaisexiste, il doit par contre se faire parallèlement à celui de l'anglais. Ce qui,aux dires de M. Stacy Churchill, ne serait qu'une source voilée d'assimilation.

"A final framework of consideration is offered not by the definition ofneeds as felt by the Francophones but rather by the general publicconcern for having a society in which language groups cooperate andlive harmoniously together. In theory, one might expect the mixedsecondary school to be the sort of ideal environmment in which youngAnglophones and Francophones could learn each other's language andculture, a basis for mutual understanding. Unfortunately, no one familiarwith the reality of the schools involved can suggest for a moment thatthis is the case for more than a handful of the English-speaking studentsinvolved. "Bilingualism"., is very much a one-way street in which theFrancophones learn English but very little happens in the other direction.In this optic, the mixed secondary school would be a failure, a mirage ofbilingualism hiding a unilingual reality." (13)

Ces brèves constatations n'épuisent évidemment pas l'ensemble desproblèmes auxquels sont confrontés les francophones hors Québec dans ledomaine de l'éducation. Elles ne veulent que préciser que malgré certainsprogrès réalisés au cours des dernières années, des efforts encoreconsidérables doivent être déployés et ce, tant par le gouvernement fédéral,les gouvernements provinciaux et les commissions scolaires. Une telleréalité a été reconnue à des degrés divers par de nombreux politiciens tantfédéraux que provinciaux de même que dans de nombreux documents. Iln'est évidemment pas question d'en faire ici un relevé exhaustif mais plutôtde résumer ce qui a pu être dit au cours des dernières années au sujet desdroits des communautés francophones à un enseignement en français.

( 13) Stacy Churchill, et al: Costs of French Language Instructional Units, Ministère de l'EducationOntario, 1978, p. 286.

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1.2 Tout a été dit

Au cours des dernières années, l'opinion publique et les milieux politiquesont été saisis de l'importance des problèmes auxquels font face les communau-tés francophones hors Québec. Beaucoup de choses ont été dites en ce quia trait aux principes inhérents à l'égalité linguistique. Ainsi, par exemple, enjuin 1977, dans son document Un choix national, le gouvernement fédéralétablissait en ces termes le principe d'une politique de l'éducation pluséquitable pour les deux communautés linguistiques.

"Sauf circonstances particulières qui justifieraient qu'on diffère l'appli-cation de ce droit, les Canadiens ont le droit de faire instruire leursenfants dans la langue officielle de leur choix, et les services appropriésleur seront offerts chaque fois que le nombre d'élèves sera suffisant."(14)

En août 1977, les premiers ministres provinciaux "conscients quel'éducation est la base même de la langue et de la culture " convenaient defaire "tout leur possible pour offrir l'enseignement en français et en anglaissous réserve que le nombre le justifie".

Dans le discours du Trône d'octobre 1977, le gouvernement fédéral sereconnaissant certaines obligations vis-à-vis les groupes minoritaires, précisaitqu'il entendait aider les provinces "à réaliser les plans qu'elles aurontconçus pour permettre à plus de Canadiens d'étudier dans la langue officiellede leur choix".

En décembre 1977, le Secrétaire d'Etat de l'époque, M. John Roberts,voyait dans "l'accès à l'enseignement, à tous les niveaux, dans l'une oul'autre langue officielle" une des composantes essentielles de la réalisationde l'égalité linguistique. (15)

En février 1978, les premier ministres provinciaux réunis à Montréalconvenaient de deux principes en ce qui a trait aux services d'éducationpour les minorités. Si le premier principe semblait manifester une certaineouverture d'esprit, le second laisse place à une interprétation un peu tropambiguë:

i) Chaque enfant de la minorité francophone ou anglophone dans chacunedes provinces a le droit de recevoir l'enseignement dans sa languedans les écoles primaires ou secondaires, partout où le nombre d'élèvesle justifie.

(14) Gouvernement du Canada: Un choix national, 1977, p. 69(15) Texte de la déclaration du Secrétaire d'Etat annonçant les mesures adoptées par le

gouvernement fédéral pour assurer le mieux-être des minorités de langue officielle,20 décembre 1977, p. 6

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ii) II est entendu, en raison de la compétence exclusive des gouvernementsprovinciaux en matière d'éducation et aussi des vastes différencesculturelles et démographiques, qu'il appartient à chaque province dedéfinir comme elle l'entend l'application du paragraphe précédent.

Toutefois en 1978, le gouvernement du Canada établissait, dans undocument intitulé Le temps d'agir, les jalons du renouvellement de lafédération canadienne et prévoyait entre autres qu'en vue d'assurerl'épanouissement des deux collectivités linguistiques "les services publicsprovinciaux soient dispensés dans leur langue aux minorités de langueofficielle où le nombre le justifie". (16)

En 1979, la Commission Pépin-Robarts a également reconnu la nécessitéd'inclure les droits à l'éducation dans leur langue pour les minorités delangue officielle là où le nombre le justifie.

Toujours en 1979, le Secrétaire d'Etat de l'époque, M. David McDonald,déclarait devant un comité de la Chambre des communes que:

"Le gouvernement s'était engagé à assurer l'égalité des deux languesofficielles au Canada et à appuyer les efforts déployés par les provincesen vue d'offrir aux groupes minoritaires de langue officielle la possibilitéd'étudier dans leur propre langue et d'apprendre leur seconde langueofficielle." (17)

En juillet 1980, le Secrétaire d'Etat, M. Francis Fox, soulignant laparticipation du gouvernement fédérai à des programmes portant sur leslangues officielles dans l'enseignement disait:

"II reste cependant beaucoup à faire avant que les groupes des deuxlangues officielles ne se sentent vraiment chez eux d'un bout à l'autredu pays."(18)

En fait, l'on pourrait remplir de nombreuses pages faisant état dedéclarations et de prises de position justifiant la nécessité d'élargir l'accès àl'éducation pour les groupes minoritaires et en particulier pour les franco-phones hors Québec. Cette nécessité, reconnue à la fois par le gouvernementfédéral et les gouvernements provinciaux, nous oblige à nous interrogernon seulement sur les structures et les programmes susceptibles d'être

(16) Gouvernement du Canada: Le temps d'agir, 1978, p. 10(17) Texte de la déclaration du Secrétaire d'État devant le Comité sur la radiodiffusion, les films

et l'assistance aux arts, 8 nov. 1979, p. 9(18) Texte de la déclaration du Secrétaire d'Etat devant le Comité permanent des communications

et de la culture, 10 juillet 1980, p. 3.

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créés au niveau de l'éducation pour les communautés francophones horsQuébec, mais également sur les programmes qui existent à l'heure actuelle.Avant de songer à imaginer de nouvelles structures, il nous apparaît pluspertinent de voir ce qui existe, comment cela fonctionne, quels intérêtssont servis et de quelle façon cela pourrait être amélioré.

Avant d'aborder de façon plus spécifique la critique que nous voulonsformuler à l'endroit de certains programmes fédéraux de langues officiellesdans l'enseignement, nous tenterons, dans le prochain chapitre, d'examinerles objectifs initiaux qui ont présidé à la naissance de ces programmes et dedonner une définition plus précise de ce que sont les programmes de"paiements formulaires" et de "projets spéciaux".

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CHAPITRE II

LE GOUVERNEMENT FÉDÉRALET LE BILINGUISME EN EDUCATION

En 1963, le gouvernement fédéral créait une Commission Royaled'enquête qui fut chargée d'analyser en profondeur les problèmes inhérentsà la coexistence des communautés francophones et anglophones au Canadaet de soumettre certaines recommandations de nature à ce que puisse êtreréalisée l'égalité entre les deux communautés linguistiques. Au chapitre del'éducation, la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et lebiculturalisme (mieux connue sous le nom de Commission Laurendeau-Dunton) se penchait, dans le Livre II de son rapport, sur les moyenssusceptibles d'améliorer le développement du système d'enseignement dela minorité de langue officielle et sur les modalités d'une coopérationfédérale-provinciale en vue d'assurer le financement de l'éducation de laminorité de langue officielle. Reconnaissant que le caractère bilingue etbiculturel du Canada ne serait maintenu que si l'on parvenait à assurer desécoles à la minorité linguistique, la Commission recommandait:

"Que le gouvernement fédéral accepte le principe de la prise à sacharge des dépenses supplémentaires qu'entraîne l'enseignement dansla langue de la minorité de langue officielle". (1 )

Soulignant que l'éducation est du ressort des provinces et que lefédéral ne devait pas par le biais de subventions conditionnelles, chercher às'y ingérer, la Commission considérait plutôt la participation financière dufédéral comme étant de nature à "dédommager les gouvernements provin-ciaux des dépenses supplémentaires déjà engagées pour l'enseignementdans la langue de la minorité. Il n'y aura pas de contrôle fédéral surl'enseignement dans les provinces, et les subventions seront exemptes detoutes servitudes". (2)

La recommandation numéro 27 du Livre II du rapport de la Commissionprévoyait, pour les écoles élémentaires et secondaires de la minorité delangue officielle, que la subvention fédérale soit "établie en fonction dunombre d'élèves qui les fréquentent et fixée à 10% du coût moyen del'enseignement par élève". (3)

(1) Rapport de la Commission Royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, livredeux, L'Éducation, Imprimeur de la Reine, Ottawa 1968, p. 201.

(2) Ibid, (les soulignés sont de nous)(3) Ibid, p. 202

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En plus de prévoir des recommandations spécifiques pour les écolesprimaires et secondaires, la Commission recommandait également uneparticipation financière accrue du fédéral en ce qui a trait aux universités dela minorité de langue officielle et certains moyens susceptibles s'amélioreret d'accélérer l'enseignement de la langue seconde au Canada. (4)

S'inspirant de l'esprit des recommandations de la Commission, leSecrétariat d'Etat créait en 1970 la Direction des programmes de languesdont l'une de ses fonctions devait être de stimuler le bilinguisme dans ledomaine de l'éducation en cherchant à atteindre les deux objectifs suivants:"d'offrir aux Canadiens appartenant au groupe linguistique majoritaire dechaque province ou territoire l'occasion d'apprendre l'autre langue officielle

(4) Voici quelles étaient les recommandations de la Commission Laurendeau-Dunton en ce quia trait à la langue seconde:

31. . Nous recommandons que l'étude de l'autre langue officielle soit obligatoire pour lesles élèves des écoles du Canada. (Par. 614)32. Nous recommandons que l'enseignement de la langue seconde soit organisé suivantune progression régulière. (Par. 636)33. Nous recommandons que l'enseignement de l'autre langue officielle se prolonge, danstoutes les sections, jusqu'à la fin du cours secondaire. (Par. 638)34. Nous recommandons que l'on se fixe comme objectif de commencer l'enseignementde l'autre langue officielle en première année dans les écoles anglophones, et en troisièmedans les écoles francophones. (Par. 642)35. Nous recommandons que, dans toutes les provinces, l'introduction de l'enseignementde la langue seconde au cours élémentaire soit avancée graduellement pour atteindrel'objectif de faire commencer l'étude du français en première année dans les écolesanglophones et l'étude de l'anglais en troisième dans les écoles francophones. (Par. 648)36. Nous recommandons que, dans les universités et les collèges, on accorde une placeplus importante aux auteurs et au milieu canadiens dans l'enseignement du français ou del'anglais comme langue seconde, notamment dans les cours d'introduction. (Par. 659)37. Nous recommandons que, dans l'enseignement de la langue seconde, on évite deprésenter le français et l'anglais comme des langues étrangères, mais qu'on mette l'accentsur le milieu canadien où ils sont parlés. (Par. 657)38. Nous recommandons que les autorités provinciales créent des centres d'études del'anglais et des centres d'étude du français, où seront formés des professeurs de langueseconde pour l'élémentaire et pour le secondaire. (Par. 677)39. Nous recommandons que les gouvernements provinciaux intéressés assument lesfrais de fonctionnement de base des centres d'étude de la langue seconde. (Par. 681)40. Nous recommandons que soit créé un bureau interprovincial des centres d'étude de lalangue seconde, qui aurait pour fonction de coordonner leurs programmes de formation.(Par. 683)41. Nous recommandons que le gouvernement fédéral verse au bureau interprovincialdes centres d'étude de la langue seconde une subvention au titre des frais de fonctionnement.(Par. 684)42. Nous recommandons que les dépenses d'immobilisation relatives à l'équipement spécialisédes centres d'étude de la langue seconde soient partagées par le gouvernement fédéral etcelui de la province où serait installé cet équipement, et que le gouvernement fédéral enassume au moins 50%.(Par. 685)

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et aux Canadiens appartenant à la minorité de langue officielle de chaqueprovince ou territoire, celle d'effectuer leurs études dans leur propre langueofficielle". (5)

En vue de réaliser ces deux objectifs, le programme de langues officiellesdans l'enseignement comprend de nombreuses catégories par lesquelles legouvernement fédéral contribue financièrement: versements aux provincesde paiements établis selon un certain pourcentage des dépenses encouruesau chapitre de l'éducation, et fondés également sur les efforts qu'ellesdéploient en vue d'assurer l'enseignement dans la langue de la minorité delangue officielle et l'enseignement de la deuxième langue officielle (6)(paiements dits formulaires); versements sous forme de bourses aux ensei-gnants, d'allocations de déplacement, de contributions à l'établissement età l'amélioration des centres de formation linguistique et des centres deformation des professeurs, de bourses pour les cours d'été de langueseconde, pour les moniteurs de langue seconde, pour les étudiants duniveau post-secondaire qui étudient dans la langue seconde et pour desprojets spéciaux (paiements dits hors formules), autant de catégories decontributions qui visent à élargir les possibilités pour les Canadiens desgroupes minoritaires de langues officielles d'étudier dans leur langue etpour tous les Canadiens d'apprendre la seconde langue officielle.

Les contributions du fédéral ont été, entre 1970-71 et 1978-79, particuliè-rement substantielles. Pour tous les programmes de langues officiellesdans l'enseignement, les contributions du fédéral se chiffrent à$1,079,695,800. (7) Les contributions de types formulaires composent àelles seules presque 90% de toutes les contributions du fédéral avec untotal de $960,911,279. (voir annexe I et annexe II à la fin du chapitre).

Les programmes de langues officielles dans l'enseignement sont lefruit d'une coopération entre le fédéral et les provinces. Ils furent mis enoeuvre en janvier 1970, et furent reconduits en mars 1974, pour unepériode de cinq ans qui s'est terminée le 31 mars 1979, N'ayant pu conclureun autre accord de cinq ans le fédéral et les provinces ont débouché surune entente intérimaire d'un an pour l'année 1979-80.

(5) Voir Direction générale des programmes de langues, Secrétariat d'État, description desprogrammes et sommaire financier, juillet 1978, p.1

(6) La langue de la minorité de langue officielle est l'anglais au Québec et le français dans lesautres provinces. La deuxième langue officielle est l'anglais au Québec et le français dansles autres provinces.

(7) Voir en annexe le détail des contributions du fédéral au chapitre des programmes delangues officielles dans l'enseignement.

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Comme nous le mentionnions dans notre introduction, nous comptonsnous intéresser plus particulièrement à deux types de contributions dufédéral au chapitre des programmes de langues officielles dans l'ensei-gnement:

1. les contributions de types formulaires

2. les contributions de types de projets spéciaux (qui sont des contributionshors formules).

La Direction générale des programmes de langues du Secrétariat d'Etatdéfinit en ces termes ce qu'elle entend par "paiements formulaires" et par"projets spéciaux", les conditions qui doivent être remplies pour être éligiblesà ces contributions de même que le mode selon lequel elles sont attribuées.

1. Paiements formulaires

Le gouvernement fédéral verse à chaque province les contributionssuivantes à l'appui des objectifs susmentionnés:

AUX niveaux élémentaire et secondaire

(i) Aide à l'enseignement dans la langue de la minorité de langue officielle

(La langue de la minorité de langue officielle est l'anglais au Québec etle français dans les autres provinces).

Le gouvernement fédéral verse à chaque province une contributionéquivalent à 9% du coût annuel moyen de l'enseignement par élèvepour chaque élève qui étudie à temps plein dans la langue de laminorité de langue officielle au niveau élémentaire ou secondaire.Aux fins du programme, "à temps plein" veut dire 75% du temps auniveau élémentaire et 60% du temps au niveau secondaire.

(ii) Aide à l'enseignement de la deuxième langue officielle

(La deuxième langue officielle est l'anglais au Québec et le françaisdans les autres provinces).

Le gouvernement fédéral verse à chaque province une contributionéquivalent à 5% du coût annuel moyen de l'enseignement par élèvepour chaque élève qui étudie la deuxième langue officielle. Cetteformule tient compte du temps que l'élève passe à étudier la deuxièmelangue officielle.

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(Hi) Participation aux frais d'administration liés à l'enseignement dans lalangue de la minorité de langue officielle

Le gouvernement fédéral verse à chaque province une contributionéquivalent à 1.5% du coût annuel de l'enseignement par élève danschaque province, montant calculé en fonction du nombre total d'enfantsd'âge scolaire appartenant à la minorité de langue officielle, afin departiciper aux frais d'administration liés à l'enseignement dans la languede la minorité de langue officielle.

Au niveau post-secondaire

Le gouvernement fédéral verse à chaque province une contributionéquivalent à 10% des subventions de fonctionnement que les établis-sements admissibles reçoivent du gouvernement provincial. La formuletient compte du temps passé à l'enseignement dans la langue de laminorité de langue officielle.

Une autre contribution, équivalent à 8.5% de la première, est égalementversée au titre des dépenses d'immobilisations.

Les contributions que le gouvernement fédéral verse aux provincesselon les formules susmentionnées sont calculées d'après les donnéesfournies par les gouvernements provinciaux. Les montants versés chaqueannée par le gouvernement fédéral aux provinces s'appuient sur lesestimations de Statistique Canada concernant les montants dus aux provinceschaque année. Les montants définitifs sont déterminés d'après les comptespublics provinciaux, et le gouvernement fédéral verse alors aux provincesdes paiements de rajustement.

Outre ces programmes de paiements formulaires, les programmessuivants de bilinguisme en éducation sont financés par le Secrétariat d'Etatet administrés par les ministères provinciaux de l'Education ou d'autresministères provinciaux compétents.

2. Projets spéciaux

Le Programme des projets spéciaux vise à permettre aux gouvernementsprovinciaux et territoriaux de préciser les domaines où l'expansion dubilinguisme en éducation pourrait faire des progrès. Ce programme aide lesautorités provinciales à mettre au point des projets novateurs et expérimentauxdans le domaine de l'enseignement dans la langue de ta minorité de langue

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officielle ou de l'enseignement de la langue seconde, à tous les niveaux.Les projets spéciaux sont cofinancés par le gouvernement fédéral et legouvernement provincial qui les entreprend.

Habituellement, le montant que le gouvernement fédéral rembourse autitre de tels projets ne dépasse pas 50% du coût total et, en règle générale,les dépenses d'immobilisations ne sont pas admissibles. Dans le calcul dumontant qu'il doit rembourser au titre des projets spéciaux, le gouvernementfédéral peut tenir compte des fonds qu'il accorde à la province concernéeaux termes d'autres programmes de langues. Il est essentiel que toutes lesdemandes relatives à des projets spéciaux soient présentées au gouvernementfédéral par le ministère provincial concerné et qu'on prévoit une évaluationde chaque projet.

Ayant circonscrit l'objet de notre étude et ayant également décrit ce surquoi nous comptons nous pencher, nous consacrerons le prochain chapitreà voir ce pourquoi selon nous, ces deux types de programmes de languesofficielles dans l'enseignement mériteraient d'être réévalués. Sans vouloiren négliger les aspects positifs, nous tenterons toutefois de dégager certaineslacunes explicites et implicites inhérentes à ces programmes et de montrer,qu'en fonction des besoins énormes qu'ont les communautés francophoneshors Québec en matière d'éducation, ces programmes, dans leur formeactuelle, ne peuvent parvenir à les combler efficacement.

Source: Direction générale des programmes de langues, Secrétariat d'Etat. Description desprogrammes et sommaire financier, juillet 1978, p. 1 et 2

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CONTRIBUTIONS AUX TAUX DE 5%, 9%, 1.5% et 10.85%

CONTRIBUTIONS VERSEES AUX NIVEAUX ELEMENTAIRE, SECONDAIRE ET POSTSECONDAIRE

TOTAL DES CONTRIBUTIONS "FORMULAIRES"

SOMMES VERSEES ANNUELLEMENT, PAR PROVINCE

PROVINCE

T.-N.

I.-P.-E.

N.-E.

N.-B.

Qué.

Ont.

Man.

Sask.

Alta

C.-B.

Total

1970-71

123,487

101,490

733,615

3,694,660

29,986,813

12,164,399

799,557

597,063

865,358

883,558

49,950,000

1971-72

181,629

128,905

847,575

6,664,993

40,361,295

21,438,234

1,133,693

432,914

1,049,891

1,018,744

73,257,873

1972-73

194,891

115,589

808,857

5,723,358

36,276,984

18,003.334

1,101,406

502,861

980,015

819,857

64,527,152

1973-74

147,440

125,501

714,834

6,241,861

51,179,272

19,514,189

836,776

355,948

697.527

928,013

80,741,361

1974-75

252,448

115,176

1,053,122

5,559,323

49,150,458

18,901,733

1,372,934

(23,116)

645,898

1,060,391

862,154

(141,443)

78,973,637

1975-76

211,101

240,586

1,312,064

(20,262)

6,090,789

56,386,695

27,601,522

1,763,626

(30,372)

719,396

1,381,361

1,714,499

(121,611)

97,421,639

1976-77

506,966

290,726

1,636,015

(35,686)

12,642,709

90,691,495

30,728,030

2,159,375

(34,969)

883,582

1,576,669

1,733,303

(150,437)

142,848,870

1977-78

570,837

324,588

1,791,189

(30,139)

11,403,496

139,267,454

34,780,325

(629,749)

2,240,170

(41,147)

938,167

1,817,062

1,944,157

(153,461)

195,077,445

1978-79

459,958

357,417

1,816,280

(35,264)

11,305,591

114,372,389

42,019,500

(744,808)

2,620,577

(46,669)

1,060,750

2,144,707

1,956,133

(191,299)

178,113,302

Totalcumulatif

2,648,757

1,799,978

10,713,551

69,326,780

607,672,855

225,151,266

14,028,114

6,136,579

11,572,981

11,860,418

960,911,279

Source: Direction générale des programmes de langue du Secrétariat d'Etat.

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RÉCAPITULATION DES CONTRIBUTIONS

TOUS PROGRAMMES

LANGUES OFFICIELLES DANS L'ENSEIGNEMENT

PROVINCE

T.-N.

I.-P.-E.

N.-E.

N.-B.

Qué.

Ont.

Man.

Sask.

Alta

C.-B.

SOUS-TOTAL

T.N.-O.

Yukon

SOUS-TOTAL

1970-71

123,487

101,490

733,615

3,694,660

29,986,813

12,164,399

799,557

597,063

865,358

883,558

49,950,000

49,950,000

1971-72 1972-73

181,629

128,905

847,575

6,664,993

40,361,295

21,438,234

1,133,693

432,914

1,049,891

1,018,744

73,257,873

73,257,873

224,091

227,429

951,235

5,789,758

36,404,184

18,250,313

1,170,255

763,267

1,051,928

819,857

65,652,377

65,652,317

1 973-74

193,331

184,183

794,088

6,561,130

52,048,822

22,302,955

2,059,528

520,889

884,404

977,815

86,527,145

86,527,145

1974-75

498,933

405,835

1,450,148

6,212,141

50,778,193

22,042,093

1,794,246

(28,116)

980,064

1,342,045

1,669,664(185,679)

87,173,362

3,668

53,288

87,230,378

1975-76

605,236

491,943

1,756,916

(20,262)

6,428,959

58,666,602

30,547,946

2,468,246

(44,830)

1,050,319

1,825,584

2,816,528(196,820)

106,658,152

113,314

144,697

106,916,163

1976-77

1,120,383

555.181

2,395,183

(38,036)

14,396,153

93,745,344

33,978,757

3,335,567

(55,278)

1,169,858

3.397,850

2,919.731(190,535)

157,014,007

40,624

72,094

157,126,725

1977-78

1,457,796

610,268

2,734,419

(33,633)

13,559,003

143,712,684

39,225,167(629,749)

3,806,300

(76,974)

1,348,052

3,158.997

4,091,662(315,285)

213,704,348

69,425

86,408

273,860,787

1978-79

1,566,555

657,398

3,352,116

(35,264)

13,951,228

117,644,091

47,701,520(744,808)

4,442,306

(84,186)

1,684,128

3,634,787

4,652,951(356,281)

199,287,080

80.133

106,920

199,474,133

TOTALCUMULATIF

5,971,441

3,362,632

15,015,295

77,258,025

623,348,028

247,651,384

21,009,571

8,546,554

17,210,844

19,850,510

7,039,224,284

307,164

463,407

7,039,994,855

Bourses d'été de langue seconde et moniteurs

SOUS-TOTAL

TOTAL

543,771

30,493,771

1,304,055

74,561,928

1,879,621

67,531,938

3,274,451

89,801,398

3,555,798

90,783,318

4,492,297

111,408,460

5,682,475

162,809,470

8,659,591

222,519,772

10,309,216

209,783,349

39,700,945

1,079,695,800

Source: Direction générale des programmes de langue du Secrétariat d'État.

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CHAPITRE HI

LA PEREQUATION . . . À L'ENVERS: RÉFLEXION SURQUELQUES LACUNES DES PROGRAMMES DE PAIEMENTSFORMULAIRES ET DE PROJETS SPECIAUX

On ne peut reprocher au gouvernement fédéral de vouloir élargir lespossibilités pour les groupes minoritaires de langue française de pouvoirs'instruire dans leur propre langue et d'assurer également pour les CanadiensAnglais de meilleures opportunités d'apprendre la langue française. Il faudraitvoir toutefois si la forme de participation financière adoptée par legouvernement fédéral en vue de permettre l'expansion des programmes delangues officielles dans l'enseignement, est vraiment adéquate. Dépendantde la façon d'aborder cette question les réponses pourraient être différentes.En fait, si on interprète par exemple que l'essence même des programmesfédéraux de langues officielles dans l'enseignement doit tendre à ce que deplus en plus de Canadiens puissent apprendre, connaître et même utiliser laseconde langue officielle, alors on pourrait dire que les programmes fédérauxont pu contribuer à nous rapprocher de cet objectif. L'accroissement, parrapport à 1971, du nombre d'étudiants fréquentant des écoles anglaises quiapprennent le français comme langue seconde et le nombre de plus en plusconsidérables d'anglophones qui s'inscrivent à des programmes d'immersionen français, témoignent d'un intérêt de plus en plus grand à la connaissancedu français (1 ) S'il n'est pas sûr que de telles améliorations soient totalementimputables aux sommes dépensées par le fédéral, on put dire toutefois quela contribution du fédéral a sûrement pu être d'une quelconque utilité.

Si on se place sous l'angle d'un meilleur accès des francophones horsQuébec à une éducation dans leur langue, on peut considérer que lesprogrammes fédéraux ne peuvent, dans leur forme actuelle, remplirefficacement cet objectif. Voyons plus précisément de quoi il retourne.

3.1 Les paiements formulaires: un reflet de certaines inégalités.

Le vice profond du programme de paiements formulaires vientselon nous du fait qu'il tend à poser à toutes les provinces des normeségales alors que, d'une province à l'autre, existent de très nombreusesdisparités dans les services d'éducation dont disposent les minorités de

( 1 ) Voir à ce sujet le document préparé par Statistique Canada et intitulé: Langue de la minoritéet langue seconde dans l'enseignement, niveaux élémentaire et secondaire, 1978-79, p. 38,39, et 48.

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langue officielles tout comme existent de très grandes différences quantau taux d'assimilation. Les paiements formulaires qui s'adressent plusspécifiquement aux minorités (paiements aux taux de 9%, 10.85% et 1.5%)ne sont versés aux provinces par le fédéral que si ces mêmes provincesassurent effectivement des services scolaires à leur minorité. L'intention dufédéral, initialement, n'était pas dénuée d'une certaine rationalité. Au lieude donner directement des sommes aux provinces en leur disant que cessommes devraient servir à assurer un meilleur développement du systèmed'éducation de la minorité de langue officielle, la formule fédérale depaiements formulaires voit à "récompenser ' les provinces pour les sommesqu'elles ont dépensées en vue de fournir des services d'éducation à leurminorité. L"ex-directeur général du programme des langues du Secrétariatd'Etat, Mme Jane Dobell, expliquait en ces termes, l'intention du gouver-nement fédéral en ce qui a trait par exemple au paiement de 9%:

"It pays for performance. It says to the province "Once you haveestablished a system of minority language education and a count hascan be made of the student population involved in it we'll reimburse youfor nine percent of the costs," (2)

Néanmoins, toutes bonnes que furent les intentions du fédéral dans lebut d'inciter les provinces à accroître les services d'éducation dispensés àleur minorité, nous croyons pour notre part que l'application de ces types depaiements, loin de corriger les inégalités ne firent en sorte que les refléter.Ces paiements qui se fondent sur la clientèle scolaire et sur les structureséducatives dont disposent les minorités ne peuvent que contribuer davantageà creuser l'écart entre ce qui est consenti aux anglophones du Québec parrapport aux francophones hors Québec au chapitre des services d'éducation.Quand on sait par exemple que la situation de la minorité anglophone duQuébec est nettement meilleure que celle des francophones hors Québec,on peut se poser de sérieuses questions sur la très grande différence entreles sommes que le fédéral a versées pour l'enseignement à la minoritéanglophone du Québec par rapport à ce qu'il a pu verser pour l'enseignementà la minorité francophone hors Québec.

Ainsi, du fait que le Québec a toujours traité avec équité sa minoritéanglophone, du fait que celle-ci dispose d'un réseau d'écoles élémentaires,secondaires et post-secondaires très bien développé, le gouvernement duQuébec a pu, de par la façon dont sont distribuées les contributions fédérales,récolter la part du lion.

(2) Extrait d'un discours de Mme Jane Dobell, lors d'un colloque portant sur le développementdu bilinguisme en éducation organisé par la Fédération Canadienne des Enseignants.L'extrait du discours que nous citons se trouve en page 12 du rapport du colloque.

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Ainsi, au chapitre de la contribution au taux de 9% le Québec a purecevoir, entre 1970-71 et 1978-79, la somme de $324,372,667. soit 63.4%du total versé par le fédéral comparativement à $188,644,570. pour lesprovinces où les francophones sont minoritaires. Le tableau qui suit illustrebien comment, d'une année à l'autre, les inégalités se sont perpétuées.

Tableau I I I : Montant et % des sommes dépensées par le fédéral auQuébec et hors Québec dans le cadre des paiements formulaires aux tauxde 9%.

ANNEE

1970-71

1971-72

1972-73

1973-74

1974-75

1975-76

1976-77

1977-78

1978-79

TOTAL

QUEBEC

Montant $

21,999,852

23,798,306

19,827,598

31,823,646

25,217,298

27,831,084

43,078,698

75,956,277

58,539,908

327,372,667

%

68.7

59.3

57.7

57.3

53.6

57.4

70.0

72.1

63.2

63.4

HORS QUEBEC

Montant $

10,032,587

16,322,709

14,454,428

15,469,589

15,001,382

20,648,533

27,587,266

29,328,666

34,008,410

188,644,570

%

31.3

40.7

42.3

42.7

47.3

42.6

30.0

27.9

36.7

36.6

TOTAL

Montant $

32,032,439

40,121,015

34,373.026

47,293,235

40,218,680

48,479,617

70,665,964

105,284,943

92,548,318

516,017,237

%

100

100

100

100

100

100

100

100

100

100

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Comment expliquer cette disparité entre ce qui est consenti à la minoritéanglophone du Québec par rapport à la minorité francophone hors Québecqui est encore loin de disposer de tous les services d'éducation nécessairesà son plein épanouissement et qui est au prise (comme nous l'avons illustrédans le premier chapitre) avec le très sérieux problème de l'assimilation?

De multiples raisons peuvent être invoquées pour expliquer de telsécarts. D'abord, du fait que le paiement de 9% se fonde sur le coût annuelmoyen par élève, et que les dépenses en matière d'éducation peuventdifférer d'une province à l'autre, il s'ensuit qu'il y aura toujours une certainedifférence entre ce que pourra recevoir une province par rapport à uneautre de la part du fédéral. Cette explication ne vous apparaît toutefois pasêtre la plus importante. Il faut, à notre avis, rechercher les causes de cetécart dans le fait que l'accès à l'enseignement dans sa langue maternelleest beaucoup plus difficile pour la minorité francophone hors Québec qu'ilne l'est pour la minorité anglophone du Québec et aussi dans le fait que, sicet accès existe, il ne permet pas toujours aux étudiants francophonesd'étudier à temps plein dans leur langue maternelle. Ceci mérite certainséclaircissements.

Du fait que les provinces sont remboursées par le fédéral en fonctiondu nombre d'élèves qui étudient à "temps plein" dans la langue de laminorité officielle, il en découle que si les provinces, pour une raison oupour une autre, ne font pas en sorte d'élargir l'accès à l'enseignement dansleur langue aux niveaux élémentaire et secondaire pour leur minorité, ils nerecevront pas de remboursements du fédéral. En fait on pourrait résumer letout par la schématisation suivante:

On peut donc dire que ce type de contribution emprisonne le fédéral.Bien qu'il puisse avoir des intentions louables quant à offrir un meilleuraccès à des services d'éducation dans leur langue pour les minorités delangue officielle, il demeure par trop dépendant des efforts des provinces àce niveau. Mais il y a plus. Du fait que le paiement de 9% ne s'applique quepour les étudiants recevant leur enseignement à temps plein (3) dans lalangue de la minorité, certaines provinces en ne se conformant pas toujoursà cette norme, ne peuvent bénéficier des contributions du fédéral. Cette

(3) Aux fins du programme de 9% le "temps plein" signifie qu'un élève étudie 75% de son tempsdans la langue de la minorité, au niveau primaire et 60% au niveau secondaire.

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inéligibilité aux contributions du fédéral, constitue un manque à gagnerénorme principalement pour les communautés francophones hors Québec.Cet aspect explique, à notre avis, plus que tout autre, comment il se faitqu'un élève étudiant en français hors Québec finit par recevoir moins qu'unélève étudiant en anglais au Québec. Que cela soit imputable au manqued'opportunités qu'offrent les provinces anglophones à leur minorité franco-phone d'étudier vraiment à temps plein dans leur langue ou aux problèmesinhérents à la forme de contributions du fédéral, il n'en demeure pas moinsque les grands perdants eu égard à la contribution formulaire de 9% sont lesfrancophones hors Québec.

Si l'on se fonde sur les données que nous fournit Statistique Canadarelativement au nombre d'élèves qui reçoivent l'enseignement dans lalangue de la minorité et sur le sommaire financier que nous fournit laDirection générale du programme de langues du Secrétariat d'Etat, on voitclairement comment se manifeste la disparité entre les sommes consentisaux anglophones du Québec par rapport aux francophones hors Québecaux niveaux élémentaire et secondaire. Le tableau qui suif apparaît à cesujet particulièrement éloquent.

Tableau IV

Effectifs recevant l'enseignement dans la langue de la minorité auxniveaux élémentaire et secondaire au Québec et hors Québec; sommesversées par le fédéral pour la contribution de 9% (niveaux élémentaires etsecondaire) et moyenne par élève. (1975-76 à 1978-79).

Effectifs recevant l'ensei-gnement dans la langue de laminorité hors Québec(le français)

Sommes versées parle fédéral (contribution 9%) '

Moyenne par élèveshors Québec

1975-76

198,278

$ 20,648,533.00

$ 104.13

Effectifs recevant l'ensei-gnement dans la langue de laminorité au Québec (l'anglais)

Sommes versées par lefédéral (contribution 9%)

Moyenne par élèveau Québec

219,565

$27,831,084.00

$126.75

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Effectifs recevant l'ensei-gnement dans la langue de laminorité hors Québec(le français)

Sommes versées parle fédéral (contribution 9%)

Moyenne par élèvehors Québec

Effectifs recevant l'ensei-gnement dans la langue de laminorité hors Québec(le français)

Sommes versées par lefédéral (contribution 9%)

Moyenne par élèvehors Québec

Effectifs recevant l'ensei-gnement dans la langue dela minorité hors Québec(le français)

Sommes versées par lefédéral (contribution 9%)

Moyenne par élèvehors Québec

1976-77

199,198

$ 27,587,266.00

$ 138.49

Effectifs recevant l'ensei-gnement dans la langue dela minorité au Québec(l'anglais)

Sommes versées parle fédéral (contribution 9%)

Moyenne par élèveau Québec

1977-78

200,177

$29,228,666.00

$ 146.06

Effectifs recevant l'ensei-gnement dans la langue dela minorité au Québec(l'anglais)

Sommes versées parle fédéral (contribution 9%)

Moyenne par élèveau Québec

1978-79

202,818

$34,008,410.00

$ 167.67

Effectifs recevant l'ensei-gnement dans la langue dela minorité au Québec(l'anglais)

Sommes versées parle fédéral (contribution 9%)

Moyenne par élèveau Québec

209,735

$ 43,078,698.00

$205.39

200,612

$ 75,956,277.00

$ 378.52

$ 192,340

$ 58,539,908.00

$ 304.35

Source: Direction générale des programmes de langues du Secrétariat d'État et StatistiqueCanada: Langue de la minorité et langue seconde dans l'enseignement niveaux élémentaireet secondaire, statistiques des effectifs pour les années 1975-76, 1976-77, 1977-78,1978-79.

Ce manque à gagner aurait évidemment été beaucoup plus réduit si lesprovinces anglophones avaient traité leur minorité avec autant d'équité quele fait le Québec: en offrant non seulement les services mais aussi enfaisant en sorte que la minorité francophone puisse étudier à "temps plein"

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dans sa langue maternelle. Pour les provinces, les sommes du fédéralétaient disponibles, elles n'avaient qu'à élargir leurs services pour en béné-ficier.

Le document Langue de la minorité et langue seconde dans l'ensei-gnement, niveaux élémentaire et secondaire publié par Statistique Canada,nous permet d'apporter un éclairage intéressant sur le question de l'accessi-bilité à un enseignement à "temps plein" dans leur langue maternelle auxétudiants des communautés francophones hors Québec et par ricochet surl'éligibilité aux contributions susceptibles d'être versées par le fédéral. Pourl'année 1978-79, le document fait état dans un tableau explicatif de la"répartition des effectifs des écoles publiques selon le pourcentage de lasemaine scolaire consacré à l'enseignement dans la langue de la minortié"(en ce qui nous concerne: le français). Comme nous le soulignionsprécédemment, la contribution du fédéral en ce qui a trait au paiement de9%, n'est disponible aux provinces que si celles-ci peuvent assurerl'enseignement en français pour 75% du temps au niveau élémentaire etpour 60% au niveau secondaire. Le tableau qui suit fait état des données deStatistique Canada sur les élèves qui reçoivent effectivement l'enseignementdans la langue de la minorité (le français), sur le nombre d'élèves qui nereçoivent pas l'enseignement en français à temps plein selon les critères dufédéral et sur le pourcentage des effectifs qui, par le fait même, sontinéligibles aux contributions du fédéral pour l'année 1978-79.

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Provinces *

Terre-Neuve

Île-du-Prince-Edouard

Nouvelle-Ecosse

Nouveau-Brunswick

Manitoba

Saskatchewan

Alberta

Colombie-Britannique

Total

Effectifs recevant l'enseignementdans la langue de la minorité

(le français)

401

1,441

5,851

55,477

10,154

2,943

8,528

2,094

86,889

Effectifs inéligibles dû au faitqu'ils ne reçoivent pas

l'enseignement en français àtemps plein selon les critères

du fédéral

42

60

1,141

758

4,057

1,900

6,133

477

14,568

% des effectifs inéligiblesaux contributions du fédéral

10.5

4.2

19.5

1.4

40.0

64.6

71.9

22.8

16.8

* Les données pour l'Ontario ne sont pas disponibles en ce qui touche le pourcentage de lasemaine scolaire consacrée à l'enseignement en français.

Source: Statistique Canada: Langue de la minorité et langue seconde dans l'enseignement,niveaux élémentaire et secondaire, 1978-79, avril 1980, pp. 26, 27,35.

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Ce tableau est quelque peu trompeur. En fait, si on exclut le Nouveau-Brunswick qui, globalement, parvient à assurer un accès quasi-universel àl'enseignement à temps plein dans la langue de la minorité, on s'aperçoitque pour les sept (7) autres provinces, le pourcentage des effectifs inéligiblesaux contributions du fédéral passe de 16.8% à 43.9% pour l'année 1978-79.Quand on sait que c'est dans ces provinces que les taux de transfertlinguistique sont les plus élevés, on peut se questionner sur la pertinenced'une enseignement qui, pour la moitié du temps se fait en français et pourl'autre moitié en anglais. Ce type de "bilinguisme" ne leurre personne. Ilconstitue une voie royale à l'assimilation de ces communautés. Une telleanalyse est d'ailleurs partagée par de multiples observateurs dont en particulierMm. Jean-Guy Finn et Forbes Elliott, auteurs d'un tout récent rapport. (4)Ceux-ci, reconnaissant les effets pernicieux des écoles dites bilingues,recommandaient:

"Que toutes les écoles soient organisées sur la base de la languepremière soit en écoles d'expression anglaise, soit en écoles d'expressionfrançaise et que cette organisation soit prévue dans la loi scolaire etdans la loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick." (5)

Si une telle recommandation s'avère pertinente et essentielle auNouveau-Brunswick où le taux d'anglicisation est nettement le plus bas desprovinces à majorité anglophone, à plus forte raison cela devient-il uneimpérieuse nécessité dans les provinces où l'assimilation des francophonesatteint des proportions quasi catastrophiques.

De son côté, M. Maxwell Yalden avait, lors de son rapport pour l'année1978, dénoncé sévèrement le caractère insidieux des écoles mixtes. Danscertains établissements, l'enseignement en français, lorsqu'il existe représentesouvent à peine 20% du temps d'enseignement et "est en outre dispensédans des locaux que se partagent Anglophones et Francophones". M.Yalden poursuivait en soulignant:

"Comme de juste, la seule langue parlée dans les bureaux, les espacescommuns et les aires de jeu de ces écoles est l'anglais. Il n'y a donc pasà s'étonner que ces établissements soient depuis toujours combattuspar les groupes francophones qui y voient à juste titre, le meilleurmoyen d'assimilation de leurs enfants". (6)

(4) Jean-Guy Finn, Forbes Elliott: Rapport du Comité sur l'organisation et les frontières desdistricts scolaires du Nouveau-Brunswick, Frédéricton 1979, p. 215

(5) Ibid, p. 54(6) Commissaire aux langues officielles. Rapport Annuel 1978, Ministre des Approvisionnements

et Services Canada, 1979, p. 41

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Il semble que nous puissions dire que la formule fédérale du paiementde neuf pour cent (9%) ne parvient pas, dans sa forme actuelle, à rejoindreles communautés qui sont les plus défavorisées au niveau de l'accès à uneéducation en français.

Le paiement de 9% a, dans ses effets (ou peut-être dans son manqued'effets) produit des résultats, disons-le, pour le moins étranges. Du fait qu'ils'applique non seulement pour les étudiants du groupe minoritaire delangue officielle mais également pour ceux qui étudient dans des classesd'immersion, (7) il s'ensuit que le paiement de 9% en vient à financerl'apprentissage à "temps plein" de la langue seconde. Expliquons-nous.Ainsi par exemple si un étudiant anglophone se trouve dans une classed'immersion française et étudie 75% de son temps au niveau élémentaireen français et 60% de son temps au niveau secondaire, alors la provincerecevra de la part du fédéral la contribution de 9%. C'est donc dire que laformule du 9% peut s'adresser aussi bien à l'enseignement dans la languede la minorité que dans la langue seconde. Une telle situation pourrait à larigueur être acceptable si l'on n'en arrivait pas à l'aberration absolumentincroyable où, dans certaines provinces anglophones, les étudiants inscritsà des cours d'immersion passent plus de temps à étudier en français que lamoyenne des étudiants francophones de ces provinces.

Le tableau qui suit servira à mieux illustrer notre propos.

(7) Pour éviter toute équivoque, nous utilisons le terme immersion dans le sens que lui donneStatistique Canada. Immersion: le terme "immersion" s'applique aux programmes d'initiationà la langue de la minorité pour les enfants du groupe linguistique majoritaire. Ces enfantsjouissent d'un programme normal d'enseignement tout en faisant une étude intensive de lalangue de la minorité. Dans les neuf provinces autres que le Québec, les élèves desprogrammes d'immersion sont généralement des enfants non francophones qui étudient lefrançais.

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Tableau VI

Comparaisons par province entre le pourcentage de la semaine scolaire (1 )où l'enseignement se fait en français: pour les élèves inscrits aux programmesd'immersion (E.P.I.F.) par rapport à ce que reçoivent en moyenne tous lesélèves inscrits aux programmes d'enseignement en français (E.P.E.F.)

PROVINCES

Terre-Neuve

Ile-du-Prince-Edouard

Nouvelle-Ecosse

Nouveau-Brunswick

Ontario

Manitoba

Saskatchewan

Alberta

Colombie-Britannique

Moyenne

E.P.I.F.

700

95

45

91

91

67

68

51

80

84

E.P.E.F.

89

87

70

94

-(2)

57

61

49

80

84(4)

E.P.I.F.

98

90

76

87

91

75

67

-(3)

73

87

E.P.E.F.

88

90

67

93

-{2)

60

62

43

73

82(4)

1978-79

E.P.I.F.

91

86

67

85

91

72

73

-(3)

86

87

E.P.E.F.

79

85

69

92

-(2)64

53

52

86

82(4)

(1 ) On suppose que la semaine scolaire normale s'établit à 1500 minutes(2) 90% en Ontario. Les renseignements précis ne sont pas disponibles(3) L'Alberta ne fait pas de distinction entre les programmes normaux de

français et les programmes d'immersion(4) Ne comprend pas l'Ontario

II nous apparaît assez inconcevable que, dans certaines provinces, oùle système d'enseignement dans leur langue maternelle pour les francophonesdes niveaux élémentaire et secondaire est encore très loin d'être adéquat,l'on en arrive à ce que des anglophones inscrits à des programmes d'immersionpuissent disposer de plus de temps d'enseignement en français que lesfrancophones eux-mêmes.

Source: Statistique Canada: Langue de la minorité et langue seconde dans l'enseignement,niveaux élémentaire et secondaire, pour les années 1976-77,1977-78,1978-79.

Page 39: À LA RECHERCHE DU MILLIARD140 millions pour l'année 1979-80, alors qu'auparavant le fédéral n'avait aucun plafond et remboursait les provinces (à des taux de 9%, 5%, 10.85% et

Cette question des élèves anglophones inscrits à des programmesd'immersion en français fausse d'ailleurs considérablement les données surle nombre des effectifs recevant l'enseignement en langue française horsQuébec aux niveaux élémentaire et secondaire. Si on inclut dans les effectifsrecevant l'enseignement en langue française, ceux inscrits dans lesprogrammes d'immersion on arrive pour 1978-79, à une augmentation parrapport à 1970-71. Par contre, si on exclut les élèves inscrits au programmed'immersion on s'aperçoit que, depuis 1971, le nombre d'effectifs inscritsau secteur francophone a décru de façon substantielle même si en proportionil reste stable.* Si on prend les données à partir de 1976-77 où, pour lapremière fois, furent connus précisément les effectifs inscrits à desprogrammes d'immersion, on en arrive aux constatations suivantes.

* // faut évidemment préciser que cette décroissance des effectifs inscritsau secteur francophone est due également en partie à la baisse du tauxde natalité.

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Tableau VII

Total de la clientèlescolaire hors Québec

Effectifs recevantl'enseignement dansla langue de la minori-té hors Québec(le français)

Taux de participation(1)

Total net des effectifsrecevant l'enseigne-ment dans la langue dela minorité après exclu-sion de ceux inscrits àdes programmesd'immersion (2)

Taux de participationaprès exclusion deseffectifs en immersion

1970-71

4,052,003

191,673

4.7

191,673

4.7

1976-77

3,945,589

199,198

5.0

179,322

4.5

1977-78

3,892,883

200,117

5.1

180,036

4.6

1978-79

3,825,735

202,818

5.3

176,814

4.6

( 1 ) Le taux de participation est calculé de la façon suivante:Effectifs recevant l'enseignement dans la langue de la minorité hors

Québec x 100Total de la clientèle scolaire hors Québec

(2) Le taux de participation après exclusion des effectifs en immersion estcalculé de la façon suivante:(Total des effectifs recevant l'enseignement dans la langue de la minorité

hors Québec (le français) - effectifs en immersion) x 100Total de la clientèle hors Québec

Source: Statistique Canada, Langue de la minorité et langue secondedans l'enseignement niveaux élémentaire et secondaire, 1976-77, 1977-78 et 1978-79.

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Ces données nous obligent donc à relativiser grandement les progrèsenregistrés au niveau de l'accès à une éducation en français hors Québec.Elles nous permettent de voir que si les programmes d'immersion connaissentune popularité croissante, les programmes devant s'adresser plus spécifi-quement aux francophones ne connaissent manifestement pas le mêmesuccès aux niveaux élémentaire et secondaire.

Si on aborde maintenant la contribution de 10.85% (7) que le gouver-nement fédéral verse aux provinces en fonction des établissements post-secondaires qui dispensent l'enseignement dans la langue de la minorité (lefrançais hors Québec; l'anglais au Québec) on s'aperçoit, qu'alors que lesfrancophones hors Québec ne disposent à l'heure actuelle que d'uneuniversité unilingue française (l'Université de Moncton) (8) comparativementà trois universités unilingues anglaises au Québec, et qu'au niveau collégialils ne disposent que d'un collège unilingue français (9) pendant que lesanglophones du Québec jouissent quant à eux de 6 collèges unilinguesanglais, on remarque que le fédéral a dépensé presque trois fois plusd'argent dans l'aide au financement des institutions post-secondaires pourla minorité anglophone du Québec que pour l'aide au financement desinstitutions post-secondaires pour les minorités francophones hors Québec.Le tableau qui suit indique comment, d'une année à l'autre, se sont manifestéesces inégalités.

(7) Cette contribution de 10.85% se calcule sur le montant des subventions que les établissementspost-secondaires dispensant l'enseignement dans la langue de la minorité reçoivent dugouvernement provincial. La formule tient compte du temps passé à l'enseignement dans lalangue de la minorité de langue officielle.

(8) II faut toutefois noter que les francophones disposent d'autres institutions universitaires et(8) collégiales considérées comme bilingues et pour lesquelles les gouvernements provinciaux

reçoivent des contributions du fédéral. On pense ici par exemple à l'Université d'Ottawa ouà l'Université Laurentienne à Sudbury.

(9) Les francophones hors Québec disposent également de collèges bilingues tel par exemplele collège Algonquin à Ottawa. On doit souligner que de plus en plus, l'Institut de technologiede Bathurst au Nouveau-Brunswick évolue vers un statut d'institution française.

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Tableau VII I : Contribution au taux de 10.85%

ANNEE

1971-72

1972-73

1973-74

1974-75*

1975-76*

1976-77*

1977-78*

1978-79*

Total (paiements de 10.85%)

Total paiements établissementspost-secondaires ( 10.85%) etcontributions aux Cégepsanglophones du Québec

QUEBEC

montant $

6,453,429

7,491,534

6,179,189

7,133,829

8.901,674

16,907,854

15,850,109

17,028,966

85,948,584

133,036,903

%

62.1

73.3

66.1

64.9

67.3

78.1

75.0

47.2

64.6

73.9

HORS QUEBEC

montant $

3,930,679

2,732,245

3,163,493

3,852,681

4.322,463

4.726,986

5,269,844

19,074,647

47,074,038

47,074,038

%

37.9

26.7

33.9

35.1

32.7

21.9

25.0

52.8

35.4

26.1

TOTAL

montant $

10,384.108

10,223,779

9,342,682

10,987,510

13,224,137

21,634,840

21,119,953

36,103,613

133,020,622

180,110,941

%

100

100

100

100

100

100

100

100

100

100

* En plus des contributions que reçoivent toutes les provinces pour lesétablissements post-secondaires, le Québec a reçu les contributionssuivantes pour les Cégeps anglophones:

1974-75:1975-76:1976-77:1977-78:1978-79:

TOTAL:

$ 4,948,7705,929,3079,949,593

13,645,04113,117,608

$47,090,319

Source: Direction générale des programmes de langue du Secrétariat d'État.

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Encore là, l'existence de telles disparités ne peut être totalementimputable au fédéral. Du fait que la contribution de 10.85% est fonction dessubventions de fonctionnement que reçoivent de la part des provinces, lesinstitutions post-secondaires qui dispensent l'enseignement dans la languede la minorité, cette contribution sera plus réduite si par exemple uneprovince coupe drastiquement dans les subventions. Encore là, ce qui esten cause, c'est la façon dont le fédéral s'y prend pour aider au développementdu système d'éducation post-secondaire pour la minorité francophone.Tributaire des efforts des provinces et soumis aux règles du jeu constitution-nel qui veut que l'éducation soit de compétence provinciale, le fédéral voitson intention de stimuler le développement du système d'éducation dans lalangue maternelle de la minorité, se heurter aux plans pas toujours trèsgénéreux dont se sont dotées les provinces. En somme, il nous apparaîtclair que, dans le cadre actuel, les contributions formulaires ne peuventavoir qu'un effet très mitigé. Les contributions traitent toutes les provincessur le même pied alors que nous sommes en présence de situations trèsdifférentes d'une province à l'autre, que ce soit au chapitre de la propensionà l'assimilation de la minorité francophone, de la qualité et de la quantitédes services offerts ou des sommes qui doivent être investies pour assurerle développement d'une infrastructure en éducation qui parviendra à comblerles besoins de la minorité. Dès le départ l'option des paiements formulairesfaussait les règles du jeu et allait servir à récompenser le Québec pour lesservices qu'il avait pu accorder à sa minorité. Nous sommes en présence de"paiements d'inégalisation" ou d'une péréquation qui fonctionne à l'envers.Alors que le principe de la péréquation repose sur l'objectif qu'il failleeffacer les disparités de services et de richesses qui peuvent exister d'unerégion à l'autre ou d'une province à l'autre et que ce principe constitue l'undes éléments fondamentaux du fédéralisme canadien, les paiementsformulaires vont complètement à rencontre d'un tel principe dans la mesureoù ils cristallisent l'inégalité entre les services dont disposent les francophoneshors Québec par rapport aux anglophones du Québec. Ainsi, si on fait lecalcul des sommes consenties par le fédéral aux provinces dans le cadredes types de paiements formulaires s'adressant plus spécifiquement àl'enseignement dans la langue de la minorité (les paiements de 9%, 10.85%et 1.5%), on remarque qu'entre 1970-71 et 1977-78, le fédéral a consenti65.6% des sommes au Québec comparativement à 34.4% hors Québec (voirtableau IX).

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Tableau IX; Contribution 9%, 10.85% et 1.5% plus contribution du fédéralaux Cégeps anglophones du Québec.

ANNEE

1970-71

1971-72

1972-73

1973-74

1974-75

1975-76

1976-77

1977-78

Total

QUEBEC

montant $

24,350,859

33,717,140

30,416,014

42,447,652

36,641,122

4,948,770*

41,589,892

41,605,702

5,429,307*

46,035,009

65,964,828

9,949,593*

75,914,421

104,713,417

13,645,041*

118,358,458

413,829,445

%

63.5

56.0

63.2

65.1

64.9

59.2

68.3

74.2

65.6

HORS QUEBEC

montant $

13,993,154

24,906,542

18,476,947

22,793,539

22,838,661

31,718,597

36,619,353

41,240,818

217,428,121

%

36.5

44.0

27.8

34.9

35.1

40.8

31.7

25.8

34.4

TOTAL

montant $

38,344,013

58,623,682

48,892,961

65,241,191

65,428,553

77,753,606

115,533,775

159,599,276

631,257,566

%

100

100

100

100

100

100

100

100

100

* Contribution aux Cégeps anglophones

Source: Direction générale des programmes de langue du Secrétariat d'Etat.

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D'autre part, si on fait la somme de tous les paiements versés par lefédéral par rapport à ce que les provinces autres que le Québec ont purecevoir au chapitre des services qu'ils dispensent au niveau de l'ensei-gnement en langue française on voit au tableau X, que seulement 27.8%des paiements formulaires furent versés pour cette catégorie. Nous excluonsévidemment les paiements de 5% que les provinces hors Québec ont purecevoir pour l'enseignement de la langue seconde (le français) à la majorité.

Tableau X: Total des contributions du fédéral versées pour I enseignementdans la langue de la minorité francophone hors Québec (paie-ments de 9%, 10.85% et 1.5%) par rapport à l'ensemble descontributions du fédéral sous forme de paiements formulaires(9%, 10.85%, 1.5% et 5%) de 1970-71 à 1977-78.

ANNEE

1970-71

1971-72

1972-73

1973-74

1974-75

1975-76

1976-77

1977-78

TOTAL

Total des contributions du fédéral pourl'enseignement dans la langue de la minorité

francophone hors Québec

montant

13,993,154

24,906,542

18,476,947

22,793,539

22,838,661

31,718,597

36,619,353

41,240,818

217,428,121

%

28.0

34.0

28.6

28.2

28.9

32.6

25.6

21.2

27.8

Total des contributions du fédéralsous forme de paiements formulaires

montant

49,950,000

73,257,873

64,527,152

80,741,361

78,944,184

97,249,394

142,627,778

194,852,698

782,150,440

%

100

100

100

100

100

100

100

100

100

Source: Direction générale des programmes de langue du Secrétariat d'Etat

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Dernière illustration de l'incongruité du programme de paiementsformulaires: la question de la contribution du fédéral à l'enseignement de lalangue seconde. La formule fédérale de contribution au financement dubilinguisme en éducation, du fait qu'elle s'ajuste en quelque sorte sur lespriorités que veulent se donner les provinces et sur la façon dont celles-ciinterprètent le programme de langues officielles dans l'enseignement enarrive, pour quatre provinces, à verser plus d'argent pour l'enseignement dufrançais langue seconde que pour l'enseignement dans la langue de laminorité francophone. Entre 1970-71 et 1977-78, les provinces en causesont: Terre-Neuve, la Saskatchewan, l'Alberta et la Colombie-Britannique.

Tableau XI : Total des paiements formulaires versés par le fédéral encomparaison du paiement formulaire de 5% versé pourl'enseignement du français langue seconde: Terre-Neuve,Saskatchewan, Alberta et Colombie-Britannique entre 1970-71 et 1977-78.

Terre-Neuve

Saskatchewan

Alberta

Colombie-Britannique

Total des paiementsformulaires reçus

$2,188,799

5,075,829

9,428,274

9,444,323

Paiement formulairede 5%

$2,000,701

3,352,089

5,402,548

8,271,473

Source: Direction générale des programmes de langue du Secrétariat d'Etat.

En ce qui a trait à la lecture du tableau XI, soulignons, en passant, quenous considérons absolument scandaleux de voir que deux des provincesles plus riches du Canada (I'Alberta et la Colombie-Britannique) fassent sipeu pour l'enseignement en français à leurs communautés francophonestout en surprivilégiant l'enseignement du français langue seconde. Si unevéritable volonté politique existait dans ces provinces en ce qui toucherenseignement en français à la minorité francophone, il est clair que l'onpourrait solutionner assez facilement la question de l'accès à des écolesfrançaises compte tenu de la richesse existant des ces provinces. Si nouspoursuivons la lecture du tableau XI, nous remarquons un non-sensabsolument flagrant. Alors que les francophones de ces provinces continuentà s'assimiler, on en arrive à dépenser nettement plus d'argent pour

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l'enseignement de la langue seconde que pour fournir des servicesd'éducation aux étudiants de langue maternelle française. Poussée à l'extrême,une telle situation pourrait conduire à avoir des anglophones qui parleraientmieux le français que les francophones eux-mêmes. Car, comme nous lesoulignions précédemment, il y a lieu de croire que des francophones horsQuébec ne recevant l'enseignement en français que pour une faible partiede la journée, auront de la difficulté à vraiment maîtriser leur langue,d'autant plus que l'environnement culturel dans lequel ils sont plongésconcourre, de multiples façons, à les assimiler à la culture anglophone.Pendant ce temps les anglophones qui apprennent le français, soit à I'intérieurde cours de français langue seconde ou de programme d'immersion, pourrontparvenir à acquérir une connaissance du français sans pour autant craindrede perdre la connaissance qu'ils ont de leur langue maternelle.

En somme ce que nous voulons dire ici c'est que, sans vouloir d'aucunefaçon diminuer l'importance d'acquérir une connaissance et même de maîtriserla seconde langue officielle, il importe avant toute chose de voir à ce que lalangue française puisse, dans les provinces à majorité anglophone, jouirdes possibilités de se développer et de se perpétuer. Et elle se perpétueradans la mesure où l'on pourra donner aux communautés francophones(entre autres) les moyens d'éducation leur permettant d'assurer le dynamismeet le rayonnement de leur langue et de leur culture.

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CONCLUSION

En définitive, notre intention ne consistait pas à procédera la dilapidationdu programme de paiements formulaires mais plutôt d'illustrer que malgréles progrès qu'un tel programme a pu susciter et générer, il se caractérisepar des lacunes beaucoup trop grandes pour servir efficacement les besoinsdes communautés francophones hors Québec en matière d'éducation. Siles sommes affectées par le biais des paiements formulaires sont intéressantesil nous semble que les difficultés principales reposent sur le mode d'affectationde ces sommes, qui, on l'a bien vu, en arrive à favoriser beaucoup troplargement les anglophones du Québec et, dans certaines provinces, davantagel'acquisition de la langue seconde. Quant à nous, nous concevons que lesefforts fédéraux au chapitre du bilinguisme en éducation devraient priviliégierdes formules tenant davantage compte des besoins manifestes qui doiventencore être comblés dans les communautés francophones hors Québec etégalement, sans négliger l'importance de l'acquisition de la langue françaisepour les anglophones, de voir à ce que les paiements formulaires privilégientd'abord et avant tout la mise sur pied de services d'éducation pour lesfrancophones dans leur langue maternelle.

3.2 Les projets spéciaux: de meilleures possibilités d'évaluer les résultats

Le deuxième type de programmes sur lequel nous nous sommes penchésest celui des projets spéciaux. Ce programme, financé règle générale à 50%par le fédéral et à 50% par les provinces, vise à mettre au point des projetsnovateurs et expérimentaux dans le domaine de l'enseignement dans lalangue de la minorité (le français hors Québec et l'anglais au Québec) ou del'enseignement de la langue seconde. Ce programme aide donc à la misesur pied de projets précis et permet au fédéral d'évaluer beaucoup plusfacilement comment sont dépensés et dans quelles perspectives sont utilisésles fonds qu'il octroie en vue de stimuler le développement du bilinguismedans le domaine de l'éducation. Le programme des projets spéciaux permetde fournir toute une gamme de services en éducation tant au chapitre de lalangue maternelle qu'à celui de la langue seconde: que ce soit d'assurer ledéveloppement de programmes d'immersion, de services d'éducation auxélèves francophones handicapés, de services de bibliothèques, d'élaborerdes projets de recherche ou d'embaucher des professeurs, des pédagoguesou des agents de développement dans le domaine de l'éducation. Contrai-rement au programme de paiements formulaires, le programme de projetsspéciaux a pu assurer une répartition des sommes beaucoup plus équitableentre les provinces. Néanmoins, le programme des projets spéciaux n'estpas à l'abri de certaines difficultés. D'ailleurs la F.F.H.Q. relevait dans LesHéritiers de Lord Durham certains problèmes inhérents aux projets spéciaux.

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"Ces projets spéciaux financés pour la plupart à 50% par le gouvernementfédéral et 50% par le gouvernement provincial à qui revient l'initiativede présenter le projet risquent trop souvent d'être sans lendemain. Cesprojets spéciaux sont trop souvent des projets pilotes qui vont créerdes espoirs chez les francophones. Cependant, la continuité de cesprojets n'est pas assurée. De plus ils s'insèrent rarement dans le cadred'une politique globale de l'éducation française ". (10)

Si de tels problèmes existent toujours, il faut admettre par contre que leprogramme des projets spéciaux qui, à ses débuts, servait nettement plus àfinancer des projets de français langue seconde pour la majorité anglophoneau détriment des projets de français langue première pour les francophoneshors Québec a pris, au fil des ans, une orientation un peu différente. Ainsi,entre 1972-73 et 1975-76, $7,071,541. sur un total de $10,472,299., dépensépar le fédéral à l'extérieur du Québec au chapitre des projets spéciaux,allait pour l'enseignement du français langue seconde à la majorité anglophonesoit un pourcentage de l'ordre de 67.5%. Pendant ce temps, seulement$2,674,846. allait à des projets d'enseignement du français langue premièresoit un pourcentage de l'ordre de 26.7% (11) (le reste de la somme étantaffecté à des projets servant tout à la fois pour le français langue secondeque pour le français langue première). Les dernières années se sont toutefoiscaractérisées par des changements qui ont favorisé une remontée desprojets spéciaux touchant le français langue première. Le tableau qui suitillustre les catégories pour lesquelles le fédéral a contribué le plus largemententre 1972-73 et 1978-79.

(10) Les Héritiers ... vol. I, op. cit., p. 72(11) Ibid., p. 72

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PROJETS SPECIAUX 1972-73 à 1978-79

Somme et % des dépenses du fédéral par catégories

et par provinces sauf le Québec

Terre-Neuve

Ile du Prince Edouard

Nouvelle-Ecosse

Nouveau-Brunswick

Ontario

Manitoba

Saskatchewan

Alberta

Colombie-Britannique

Yukon et T.du N.O.

National (projet spéciaux)

TOTAL

Français languematernelle etseconde %

909,399.40

466,654.91

317,908.01

60,353.91

1,609,070 65

1,512,908.90

322,069.94

2,100,176.00

597,277.30

X

X

7,895,819.02

44.8

90.0

7.8

1.2

11.1

37.7

30.4

63.9

9.8

0

0

19.0

Français langue

maternelle %

436,095.00

13,524.99

1,787,187.35

4,179,003 57

3,131,343.02

1,942,078.29

688,291.68

1,024,293.72

X

X

X

13,201,817.62

21.5

2.6

43.9

81.5

21.7

48.4

65.0

31.2

0

0

0

31.8

Français langue

seconde %

682,237.50

438,313.00

1,967,759.86

691,678.38

9,671,227.41

558,336.14

48,779.16

160,944.00

5,492,972.24

770,571.55

X

20,082,819.24

33.6

7.4

48.3

13.5

67.1

13.9

4.6

4.9

91.2

100

0

48.4

Français et anglais

langue seconde %

X

X

X

198,793.97

X

X

X

X

X

X

75,500.00

274,293.87

0

0

0

3.9

0

0

0

0

0

0

100

0.7

TOTAL

2,027,732.90

518,492.90

4,072,855.22

5,129,829.73

14,411,641.08

4,013,323.33

1,059,140.78

3,285,413.72

6,090,249.54

770,571.55

75,500.00

41,454,749.75

%

(100)

(100)

(100)

(100)

(100)

(100)

(100)

(100)

(100)

(100)

(100)

(100)

Source: Calculs effectués à partir des données fournies par la Directiongénérale des programmes de langue du Secrétariat d'Etat.

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Il faut remarquer la popularité grandissante de projets qui s'adressenttout à la fois à la majorité et à la minorité. Si, quant à nous, de telsprogrammes sont préférables à ceux axés exclusivement vers l'acquisitiondu français langue seconde pour la majorité anglophone, il nous apparaîttoutefois clair que des sommes beaucoup plus considérables devraient êtreversées en ce qui concerne les projets s'adressant exclusivement à laminorité francophone hors Québec. En définitive, nous considérons que lefédéral devrait, dans l'évaluation qu'il fait des types de projets que luiprésentent les provinces, privilégier d'abord et avant tout ceux qui s'adressentà la minorité francophone. Cette nécessité nous est dictée par le fait que lesfrancophones hors Québec ne disposent pas encore de tous les outilséducatifs nécessaires pour assurer que la langue française demeure effec-tivement vivante dans certaines régions du pays.

Après avoir brossé à grands traits le tableau des problèmes inhérents àla façon dont le fédéral s'y prend pour stimuler le développement desprogrammes de langues officielles dans l'enseignement nous allons, dansle prochain chapitre, tenter d'explorer d'autres difficultés qui caractérisentles contributions fédérales de types formulaires, à savoir: est-ce que lescontributions que le fédéral donne aux provinces sont effectivementdépensées aux fins pour lesquelles elles sont destinées? Ce qui est encause ici est le pouvoir du fédéral de réclamer que les provinces fassentrapport de l'utilisation des fonds qu'elles reçoivent au chapitre des paiementsformulaires.

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LES PAIEMENTS FORMULAIRES: UN MANQUE DE CONTRÔLECOMPTABLE DE LA PART DU FÉDÉRAL

Le programme des paiements formulaires est l'objet de nombreux malen-tendus et d'équivoques. L'intention de la Commission Laurendeau-Dunton,dans le cadre de ses recommandations sur l'aide au financement desprogrammes de bilinguisme en éducation, était que l'aide que pourraitapporter le fédéral devait être inconditionnelle et ne comporter aucuneforme de contrainte de quelque nature que ce soit. Le Secrétariat d'Etat ad'ailleurs interprété dans cette perspective les recommandations de laCommission Laurendeau-Dunton. En aucun temps, les accords actuels auchapitre des paiements formulaires, n'exigent des provinces qu'elles fassentrapport de l'utilisation qu'elles font des sommes que leur verse le fédéral.

En somme les paiements formulaires ne seraient qu'une forme deremboursement que le fédéral verse aux provinces pour les dépensessupplémentaires qu'elles encourent pour offrir des services en éducation àleur minorité de langue officielle ou pour dispenser l'enseignement de lalangue seconde. Dans cette perspective, les provinces pourraient disposerde ces fonds comme bon leur semble. Et c'est effectivement ce qu'ellesfont depuis le début du programme de paiements formulaires.

Nous sommes confrontés à une situation pour le moins ambiguë. Alorsque le gouvernement fédéral a dépensé entre 1970-71 et 1978-79 dessommes très importantes dans le cadre des contributions formulaires($960,911,279.) il n'existe pas encore de mécanismes de contrôle de natureà déterminer précisément comment les provinces ont pu utiliser ces sommeset comment ces dépenses servent effectivement à rencontrer les objectifsinitiaux du programme de contributions formulaires. Les provinces ontd'ailleurs beau jeu, en ce sens où elles peuvent toujours invoquer leurcompétence constitutionnelle exclusive en matière d'éducation pour éviterde rendre des comptes au gouvernement fédéral. Un tel laxisme a souventété dénoncé par divers groupements ou individus représentant d'une façonou d'une autre les intérêts des communautés francophones. On s'objecte àce que des sommes versées aux fins d'encourager le développement dubilinguisme en éducation prennent le chemin du fonds consolidé des provinceset servent à financer soit les services existants ou soit, dans le pire des cas,la construction d'autoroutes ou autres types de projets liés en aucune façonà l'éducation.

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Au fil des ans, certains groupements, individus, hommes politiques ontrelevé certaines difficultés du système de paiements formulaires où desmillions sont engouffrés par exemple au chapitre de l'enseignement dans lalangue de la minorité de langue officielle sans pour autant qu'ils soientnécessairement utilisés à l'enseignement destiné à la minorité.

Déjà, pour l'année 1973-74, l'Union de parents et de contribuablesfrancophones (U.P.C.F.), Section Carleton, relevait certains aspects problé-matiques de l'utilisation des fonds fédéraux par le gouvernement ontarien.Reprenant une étude effectuée par le journaliste Pierre Allard du journal LeDroit, l'U.P.C.F. soulignait qu'entre 1970-71 et 1972-73, des $34.6 millionsversés par le fédéral au gouvernement ontarien aux fins de paiementsformulaires destinés à l'enseignement en français aux francophones del'Ontario, le secteur scolaire francophone n'aurait reçu qu'environ 17 millions,sort un peu moins de la moitié de ce auquel il avait droit. (1 ) Toujours selonles chiffres de l'U.P.C.F., alors que le secteur francophone aurait dû pourl'année 1973-74, recevoir $82.80 pour chaque élève inscrit à plein tempsdans le secteur francophone au niveau élémentaire, le Conseil des écolescatholiques romaines de Carleton n'aurait reçu qu'une somme de $47.36soit une perte de l'ordre de $35.44 par élève. Or, en faisant le calcul dunombre d'élèves francophones étant inscrits dans ce conseil scolaire (environ6,000) pour l'année 1973-74, on en arrive à une perte excédant les $200,000.(2)

Un phénomène à peu près identique se serait produit également auManitoba entre 1970-71 et 1973-74. Alors qu'au cours de cette période leMinistère de l'Education du Manitoba aurait reçu presque $4,000.000. auchapitre des paiements formulaires de la part du gouvernement fédéral,36% de cette somme n'aurait pas été distribuée aux commissions scolaires.(3)

En 1976, lors d'un colloque organisé par la Commission de la languefrançaise de la Fédération canadienne des enseignants et portant sur ledéveloppement du bilinguisme en éducation, certains participants avaientadressé des questions aux représentants du Secrétariat d'Etat faisant mentionde la difficulté de connaître comment les provinces utilisent les sommesque leur verse le fédéral et comment elles en font la distribution. Dessuggestions telles l'établissement d'un "tribunal d'appel qui pourrait d'unepart préciser l'utilisation que devraient faire les provinces des fonds qu'ellesont reçus et qui d'autre part pourrait examiner les demandes soumises par(1 ) Union de parents et de contribuables francophones (U.P.C.F.) Section Carleton: Le Scandale

des programmes ontariens de bilinguisme en éducation, p. 1(2) Ibid. p. 9(3) Voir F.F.H.Q.: Les Héritiers .... Vol. I, op. cit. p. 70. On doit toutefois reconnaître qu'un tel

problème n'existe plus depuis que le Bureau de l'Éducation Française(B.E.F.) du Ministère de l'Éducation du Manitoba assume la responsabilitéde la distribution des paiements formulaires versés par le fédéral.

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les minorités linguistiques" (4), ou d'autres suggestions qui revenaient àcette nécessité que le fédéral puisse acquérir une plus grande responsabilitécomptable, ont été soumises lors de ce colloque. Trop souvent encore, lesassociations représentatives des intérêts des francophones hors Québec seheurtent au mutisme des Ministères de l'Education qui ne tiennent pas àdévoiler ce type d'information. Ceux-ci, de par les accords actuels, sont toutà fait libres de taire ce qu'ils font avec les fonds fédéraux. Le colloque,même s'il avait permis de soulever le problème n'était pas parvenu à lerésoudre. Les représentants du Secrétariat d'Etat se sont contentés d'éluderle problème, de se réfugier derrière le fait que l'éducation relève de lacompétence provinciale ou de n'y aller que de vagues promesses reflétéesdans les termes suivants par le Secrétaire d'Etat de l'époque, M. HughFaulkner:

"Le gouvernement fédéral n'est pas intéressé à continuer uniquementde financer le statu quo. Nous voulons des résultats. Nous voulonssavoir si les paiements selon des formules prédéterminées sont efficaces.Peut-être devrons-nous redistribuer nos ressources pour obtenir demeilleurs résultats. Si tel est le cas, nous devrons modifier certainsprogrammes, mais aucun n'est sacré. Ce qui est sacré, et que legouvernement fédéral considère comme un principe fondamental pourla société canadienne, c'est l'égalité des deux langues officielles. Nosprogrammes de langues sont les instruments par lesquels nous espéronsfaire passer ce principe dans la réalité quotidienne des Canadiens, et sices instruments ne fonctionnent pas, nous devrons en trouver d'autres".(5)

Périodiquement, des personnes oeuvrant dans les milieux francophoneshors Québec, des hommes politiques et des journalistes questionnaient lesgouvernements provinciaux sur l'utilisation qu'ils faisaient de sommes queleur verse le gouvernement fédéral. Toutefois, étant donné la difficultéd'obtenir des informations pertinentes, les personnes qui soulevaient cesproblèmes ne pouvaient vraiment le faire qu'en termes assez généraux.

En septembre 1977, M. Paul Comeau, alors directeur administratif de laFédération des Acadiens de la Nouvelle-Ecosse, soulignait qu'en particulierdans un conseil scolaire de sa province, les fonds fédéraux destinés àrenseignement du français avaient servi soit à acheter de l'équipementaudio-visuel ou auraient été versés dans les revenus généraux du Conseilscolaire. (6)

Toujours en 1977, M. Joseph Daigle, alors critique financier du Parti(4) Rapport du Colloque "Le bilinguisme en Education," op. cit. p. 29(5) Ibid, p. 38(6) Le Petit Courrier, 22 septembre 1977, p. 3

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Libéral du Nouveau-Brunswick, avait, à l'instar de la Société des Acadiensdu Nouveau-Brunswick, accusé le gouvernement de la province de ne pasutiliser l'argent du fédéral aux fins pour lesquelles elles sont prévues.Encore là, les réponses venues du gouvernement estimaient que, sommetoute, il était particulièrement difficile d'assurer la vérification comptable del'utilisation de ces fonds. (7)

En 1979, dans un exposé qu'il faisait à la Chambre des Communes, ledéputé d'Ottawa-Vanier, M. Jean-Robert Gauthier soulevait lui aussi lanécessité d'assurer la ventilation publique des dépenses et de la redistributionque font les provinces des sommes que leur verse le fédéral. Parlant plusprécisément de la question des paiements formulaires, M. Gauthier définissaiten ces termes le fond du problème inhérent à de tels types de paiements.

"Quelques provinces, ou peut-être toutes, tout de même refusent derendre compte de ces dépenses. Le problème est le suivant: nous quivivons en situation minoritaire n'avons pas l'assurance que ces provincesdépensent les deniers fédéraux pour les fins que nous croyons êtrecelle du gouvernement fédéral. Les députés savent je crois, que nousavons demandé depuis plusieurs années qu'il y ait ouverture des livresde comptabilité au public. On refuse de le faire sous prétexte que c'estde juridiction provinciale et que nous n'avons qu'à payer la note, etensuite on verra à dépenser.

Le problème est le suivant: les fonds du gouvernement fédéral sontversés à un compte qui s'appelle Les comptes généraux de la province,et ensuite ils sont redistribués selon une formule qui ne tient pascompte également de la formule fédérale parce que les paiements sontfaits selon une formule établie bien connue, mais qui sont ensuiteredistribués selon une autre formule laquelle parfois n'est pas aussibien connue". (8)

En fait les préoccupations de M. Gauthier étaient pertinentes etrejoignaient en cela celles exprimées en particulier par les représentantsdes communautés francophones à savoir: que les fonds versés par lefédéral soient dépensés par les provinces de façon telle qu'ils s'accordentavec les objectifs exprimés par le fédéral et que les provinces fassent ensorte d'assurer une plus grande transparence au niveau de l'utilisationqu'elles font de ces sommes.

(7) L'Évangéline, 2 novembre 1977(8) Jean-Robert Gauthier, Journal des Débats de la Chambre des Communes, 15 février 1979,

p. 3296. On doit souligner que cet aspect préoccupe beaucoup M. Gauthier. Ce dernier avaitégalement formulé des questions en ce sens, au Secrétaire d'Etat, le 25 octobre et le 7décembre 1978.

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En définitive, M. Gauthier suggérait en d'autres termes, ce queM. René-Jean Ravault avait recommandé moins de deux ans plus tôt à laDirection des programmes de langues du Secrétariat d'Etat. M. Ravault,auteur d'un volumineux rapport sur l'aide du Secrétariat d'Etat aux commu-nautés francophones hors Québec entre 1968 et 1976, avait abordé, quoiquesuccinctement, la question des paiements formulaires. Sa recommandationse lisait comme suit:

"qu'au cours des négociations avec les Ministères de l'Education desprovinces du Canada l'on assure qu'un système de contrôle précisgarantisse que les fonds que le Gouvernement fédéral investit dans lecadre du Programme de l'aide à l'enseignement dans la langue de laminorité de langue officielle soient bien utilisés pour l'enseignementeffectivement destiné à cette minorité". (9)

En fait, comme nous le mentionnions précédemment, le secret quientoure la gestion et l'utilisation provinciale des fonds fédéraux rend difficilerétablissement d'une vision globale de ce qui se passe vraiment. Tout auplus pouvons-nous nous permettre certaines approximations sur la façondont les choses se déroulent. Il semble toutefois possible de dégager uncas type de ce qui peut se produire à cause du laxisme administratif quicaractérise encore trop souvent l'application du programme de languesofficielles dans l'enseignement. Le cas du Conseil des Ecoles catholiquesromaines de Carleton permettra de mieux illustrer les échappatoires quepermet le système actuel relatif au bilinguisme en éducation.

Le manque de contrôle comptable du fédéral et même des ministèresprovinciaux de l'Education fait que des sommes peuvent effectivement êtreacheminées aux conseils scolaires à des fins précises sans pour autantqu'on soit certain que les Conseils l'utiliseront pour les fins auxquelles cetargent était destiné. M. Jacques Aubé, conseiller scolaire et responsable del'animation pour l'Association Canadienne-française de l'Ontario (A.C.F.O.)a entrepris une longue lutte pour faire en sorte que les subventionssupplémentaires pour les modules de langue française servent vraiment àaméliorer l'éducation en langue française au Conseil des Ecoles catholiquesromaines de Carleton. L'Association des enseignants franco-ontariens(A.E.F.O.) a d'ailleurs décidé d'appuyer la lutte de M. Aubé et a produit, enfévrier dernier, un dossier (10) faisant état de certaines irrégularités qui seseraient passées au Conseil des Ecoles catholiques de Carleton. Voicicertains des points saillants du dossier.(9) René-Jean Ravault: La Francophonie Clandestine ou de l'aide du Secrétariat d'Etat aux

communautés francophones hors Québec de 1968 à 1976, Recommandations, juin 1977,p. 6.

(10) Association des enseignants franco-ontariens (A.E.F.O.): L'utilisation des subventionssupplémentaires pour les modules de langues française au Conseil des écoles catholiquesromaines de Carleton, février 1980, 8 pages.

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1. Alors que pour 1978 les subventions supplémentaires pour les modulesde langue française de ce conseil scolaire ont augmenté de $500,000.par rapport à 1977, on a vu les services destinés aux écoles françaisesdiminuer. (11) L'A.E.F.O. explique une telle anomalie en particulier parle fait que ce $500,000. a été utilisé pour "réduire le rapport maître-élève" à la grandeur du conseil scolaire (12) ou simplement réparti dansl'ensemble des services s'adressant tout autant aux francophones qu'auxanglophones.

2. Entre septembre 1977 et septembre 1978, alors que le nombre d'élèvesdes classes de langue française augmentait de 29, le nombre d'ensei-gnants diminuait de 7,6 passant de 281.2 à 273.6 (13)

3. En 1978, alors que le total des inscriptions demeurait à peu de chosesprès le même dans le secteur français, l'augmentation du budget desservices éducatifs s'établissait à 1.7% par rapport à 1977. Pour le secteuranglais le budget des services éducatifs augmentait de son côté de37.2% (14). L'A.E.F.O. souligne avec justesse qu'une augmentation deseulement 1.7% pour le secteur français entraînait, en tenant compte dutaux d'inflation, une diminution des services.

4. En fait, il semble que le Conseil scolaire aurait soumis en date du 23 mai1978, au Ministère de l'Education un plan d'utilisation des subventionssupplémentaires qui ne correspondent pas aux données budgétaires duConseil. Le Conseil aurait donc, aux dires du dossier de l'A.E.F.O. quirepose en grande partie sur les recherches effectuées par le conseillerAubé, induit à la fois les conseillers scolaires et le Ministère de l'Educationen erreur. C'est du moins ce qui se dégage très nettement de l'analyseeffectuée par l'A.E.F.O. que nous nous permettons de citer ici: (15)

"Le plan qu'a déposé le Conseil indique une dépense ordinaire de$155,351. en matériel d'apprentissage pour les classes de languefrançaise et prévoit qu'une somme supplémentaire de $75,456. seraoctroyée aux classes de langue française. Or, on ne retrouve nulle partdans les prévisions budgétaires du Conseil la somme de $155,351. ni lasomme de $75,456. De fait, le montant alloué pour l'article # 36552pour fins de contrôle budgétaire n'est que de $64,229. "

Le plan présenté au Ministère indique une somme de $13,652. comme

(11) Ibid p. 3(12) Ibid p. 6(13) Ibid p. 3(14) Ibid p: 3(15) Ibid p. 3

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budget régulier de services de traduction alors que le Conseil a approuvé,dans son budget, la somme de $12,225.

Dans le plan déposé auprès du Ministère, le Conseil prévoyait dépenserune somme supplémentaire de $608,000. pour 35 enseignants franco-phones supplémentaires. De fait, selon les données du Conseil, en datedu 30 septembre 1977,23 enseignants supplémentaires seulement ontété embauchés.

Le plan qu'a présenté le Conseil au Ministère de l'Education prévoyaitune dépense supplémentaire de $9,028. pour un congé sabbatique.Aucun enseignant de langue française n'était en congé sabbatiquedurant l'année 1977-78.

Dans le plan exposé au Ministère, le Conseil a indiqué une dépense de$12,529. représentant la gratuité versée à un surintendant de languefrançaise qui a pris sa retraite. Cette dépense n'aurait pas dû être tiréedes subventions supplémentaires visant à améliorer les services dansles écoles de langue française. Lorsque le Ministre de l'Education aannoncé, le 27 mai 1977, une augmentation dans les subventionssupplémentaires, il disait: "The new grants will be clearly identified asbeing in support of the programs of French as a minority language".(16)

Face aux pressions intenses et répétées des conseillers francophones,le Conseil demanda que le Ministère de l'Education fasse enquête pourrendre compte de la façon dont furent utilisées les subventions supplémen-taires pour l'année scolaire 1977-78. En fait, le moins que l'on puisse direc'est que cette enquête a été menée de façon aussi douteuse qu'expéditive.L'enquête ne dura que trois jours (28-29-30 août 1979) et le bureau régionaldu Ministère de l'Education n'a procédé à aucune analyse approfondie maisa plutôt adressé 14 questions au directeur de l'éducation du Conseil desécoles catholiques romaines de Carleton (M. William Crossan). Procédureassez curieuse qui conférait à l'enquête un caractère pour le moins bidon.Ce qui faisait dire à M. Jacques Aubé, dans une lettre qu'il adressait ausous-ministre de l'Education de l'Ontario M. Harry K. Fisher:

"Did anyone actually expect the administration to admit that they hadmisused the special grants". (17)

Devant le peu de profondeur caractérisant cette première enquête lesenquêteurs du ministère ont fait en sorte de poursuivre un peu plus loin

(16) Ibid p. 3-4(17) Citation tirée d'une lettre datant du 16 mai 1980.

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l'analyse. Ce qui a mené à lever le voile sur certains aspects pour le moinsproblématiques. Ainsi le dossier de l'A.E.F.O. souligne que:

"Lors d'une réunion publique le 19 novembre 1979, les enquêteurs duMinistère ont avoué que le Conseil scolaire avait utilisé les subventionsdestinées aux modules de langue française ainsi que les subventionsdestinées à l'enseignement du français langue seconde pour réduire defaçon uniforme le rapport élèves-enseignants à travers tout le système.Le Conseil n'avait pas tenu compte du fait que les subventions pour lefrançais langue seconde sont inférieures en réalité aux subventionspour le français langue première. Au cours de cette réunion publique,un des enquêteurs a avoué que lorsqu'il a vérifié les dépensessupplémentaires pour les services éducatifs, il a tiré au hasard desfactures qui se rattachaient aux écoles de langue française. Il lui étaitimpossible d'identifier les dépenses qui étaient supplémentaires etcelles qui étaient régulières. Dans la liste des dépenses qu'il avaitjugées acceptables, il a inclus des montants représentant des dépensestelles la réparation de tapis, l'installation d'une cloche à l'extérieurd'une école et l'installation d'un système de communication internedans une autre comme étant des dépenses se rattachant à du matérielpédagogique." (18)

En fait, certains pourraient argumenter que toute cette histoire auraitpu être évitée si les conseillers avaient été plus perspicaces et avaientétudiés de façon plus attentive les prévisions et les données budgétairesque leur présentait, pour approbation, l'administration du Conseil scolaire.Toutefois, à la décharge des conseillers scolaires, on ne peut que souscrireaux propos que tenait en ce sens M. Aubé en réponse à une remarque quelui adressait le directeur régional du Ministère de l'Education lors d'unerencontre tenue le 23 avril 1980. M. Aubé soulignait pertinemment que:

"Yes, I will agree, the trustees are responsible for approving the budgetbut the fact remains that some changes were made without the knowledgeof the trustees and the funds were re-allocated to another sector by theadministration. You have to admit that, while it is a full time job for theprofessionals, the trustees are only involved on a part time basis. Theyare often asked to make decisions under pressure of time and lackingcomplete information." (19)

En ce qui nous concerne ce n'est pas la compétence des conseillers quidoit être remise en cause. Un tel phénomène est trop susceptible de seproduire à cause surtout du laxisme administratif affiché (dans le cas quenous venons de mentionner) par les autorités provinciales qui fait que(18) A.E.F.O.: L'utilisation des subventions supplémentaires ... op . cit . p. 6

(19) Citation d'une lettre de M. Aubé adressée au Sous-ministre de l'Ontario et datant du16 mai 1980.

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même si les contributions du fédéral sont effectivement acheminées par lesgouvernements provinciaux aux conseils scolaires, il n'est pas sûr queceux-ci les utilisent vraiment pour les fins auxquelles elles sont initialementdestinées. Dans cette optique, tout comme les provinces devraient rendrecompte au fédéral sur la façon dont elles utilisent les sommes perçues auchapitre du bilinguisme en éducation, de la même façon les conseils scolairesdevraient voir à établir eux aussi une plus grande transparence sur la façondont ils utilisent les sommes octroyées par la province. En somme, à la foisle fédéral et les gouvernements provinciaux devraient faire en sorte demettre en place des mécanismes leur permettant d'exercer un meilleurcontrôle comptable. En cela on ne peut qu'être d'accord avec la demandeformulée par l'A.E.F.O. et s'adressant au Ministre de l'Education de l'Ontarioà savoir que soit établi:

"au niveau de la province un système plus efficace de contrôle dessubventions supplémentaires. Le ministère de l'Education se doit derendre publiques les données concernant l'utilisation des subventionssupplémentaires pour tous les conseils scolaires qui en bénéficient. Cen'est qu'en rendant publics les documents pertinents que la populationfranco-ontarienne pourra juger de l'utilité de ce programme. Il n'y aprésentement aucun moyen de vérifier si les autres conseils scolairesde la province utilisent de façon juste et équitable les subventions qu'ilsreçoivent. La situation décrite ci-dessus se retrouve sans doute ailleurs".(20)

Une telle recommandation s'avère d'autant plus pertinente qu'elle reprendà peine en d'autres mots celle formulée par M. Lionel Desjarlais au termed'une recherche produite 2 ans plus tôt et subventionnée par le ministèrede l'Education de l'Ontario, portant sur les coûts de l'enseignement enfrançais:

"Les chercheurs ne peuvent faire autrement que de recommander (...)que les conseils scolaires soit obligés de rendre compte au Ministèrede l'Education de la façon dont ils affectent la subvention de la languefrançaise à l'enseignement du français langue première". (21)

Le problème existant sur la façon dont sont distribués et dépensés lesfonds qu'alloue le fédéral au chapitre des programmes de langues officiellesdans renseignement n'a évidemment pas échappé à l'attention du Secrétariatd'Etat. Celui-ci, lors du processus de négociation préparatoire à la recon-

(20) A.E.F.O.: L'utilisation des subventions supplémentaires ... op. cit. p. 8(21 ) Lionel Desjarlais et al.: Coût de l'enseignement dispensé en français dans les modules de

langue française, Ministère de l'Éducation de l'Ontario, Toronto, 1978, p. 295 (Les soulignéssont de M. Desjarlais).

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duction d'une entente de cinq ans (les accords sont échus depuis le 31 mas1979) proposait aux provinces un plan qui, s'il eût été adopté, aurait permisau fédéral d'acquérir un meilleur contrôle comptable sur les sommes qu'ildépense aux fins des programmes de langues officielles dans l'enseignement.Les provinces, se réfugiant derrière leur compétence exclusive en matièred'éducation ont, comme il fallait s'en douter, sévèrement dénoncé lesvelléités fédérales. De sorte, qu'à l'heure actuelle il n'existe qu'une ententeintérimaire pour l'année 1979-80. Dans le prochain chapitre nous feronsdonc état du plan présenté par le fédéral et des propositions de rechangequi avaient émané des provinces.

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LES PERSPECTIVES NOUVELLES DU FINANCEMENTFÉDÉRAL DU BILINGUISME EN EDUCATION:UNE ABOLITION PROGRESSIVE DES PAIEMENTSFORMULAIRES?

Dans le cadre des négociations qu'avait entrepris le Secrétariat d'Etatavec le Conseil des Ministres de l'Education du Canada en vue d'assurer lereconduction, pour un autre cinq ans, des accords fédéraux-provinciaux debilinguisme en éducation, on s'aperçoit que le fédéral était particulièrementattentif aux difficultés inhérentes aux paiements de type formulaire. Undocument de travail préparé justement à l'intention du Conseil des ministresde l'Education témoigne clairement que le fédéral était, en décembre1978, déterminé à négocier des accords offrant de meilleures garanties afinque les fonds qu'il injecte soient utilisés de façon plus conforme aux grandsobjectifs du programme. Que la position du fédéral veuille s'inscrire dansune volonté d'avoir un plus grand contrôle sur les questions d'éducation oude réduire progressivement les dépenses, il n'en demeure pas moins que leplan qu'il proposait n'était pas dénué de certains éléments intéressants.Voyons donc plus précisément de quoi il retourne.

C'est au niveau de la critique formulée à l'endroit des paiementsformulaires que nous relevons les éléments les plus intéressants. Ledocument, soumis par le Secrétariat d'Etat, souscrit aux critiques adresséespar les porte-parole des minorités francophones face aux paiementsformulaires à savoir:

1. pour pallier le laxisme existant on aurait tout avantage à créer "unmécanisme permettant de vérifier si les crédits versés aux provincespour les programmes de bilinguisme en éducation sont effectivementutilisés à cette fin;

2. que les accords en vigueur favorisent beaucoup trop la minoritéanglophone du Québec et ce, au détriment des provinces où le systèmed'enseignement francophone est moins développé. La suite du documentétablit que "comme les paiements formulaires sont fonction du nombreréel d'étudiants inscrits, le Québec en reçoit la plus grande partie".(1 )

Dans une partie du document intitulé "Questions que suscitent lespaiements formulaires", la critique adressée à l'égard des paiements formu-laires nous apparaît particulièrement pertinente. Nous citons d'ailleurs

(1 ) Secrétariat d'État; Document de travail: négociation des nouveaux accords fédéraux provinciauxde bilinguisme en éducation.

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intégralement cette partie du document.

"Certains parlementaires et porte-parole des minorités de languesofficielles, se demandent si les "dépenses supplémentaires" constituentune justification valable de ces paiements et voulant s'assurer quel'argent ainsi versé est utilisé conformément aux objectifs des program-mes, ont réclamé que les provinces soient tenues de faire rapport deleur emploi des fonds en question. Les accords actuels n'exigent riendes provinces en ce sens, mais quelques-unes ont communiqué certainsrenseignements à cet égard.

Comme les formules actuelles sont fondées essentiellement sur lenombre des inscriptions, la plus grande partie des fonds est versée auxprovinces comptant de fortes minorités et dotées d'un système d'éduca-tion bien développé; les provinces dont la minorité est peu importanteou dispersée et qui n'ont guère développé leur système d'enseignementdans la langue de cette minorité en sont réduites à la portion congrue. Ily a donc lieu de se demander si les formules actuelles encouragent ouaident suffisamment les régions où des progrès doivent encore êtreréalisés par rapport à celles où l'enseignement dans la langue de laminorité et l'enseignement de la langue seconde ont déjà atteint unniveau élevé.

Est également préoccupant, particulièrement pour le gouvernementfédéral, le caractère non limitatif des formules actuelles. Les versementsconsentis aux provinces en vertu de ces formules se sont accrus à untaux composé d'environ 14% depuis leur adoption, la majorité de cetteaugmentation provenant de la hausse rapide du coût par élève dans lesprovinces. Pendant la même période, le PNB a progressé, en moyenne,de 13.8% et les dépenses gouvernementales totales, de 15.2%." (2)

II nous semble que le document cerne ici un élément essentiel deproblèmes caractéristiques des paiements formulaires à savoir: que dansleur forme actuelle les programmes de paiements formulaires ne peuventparvenir à aider suffisamment les provinces et les régions où des progrèsencore considérables restent à accomplir, en ce qui a trait tout autant àl'enseignement dans la langue de la minorité qu'à celui de la langue seconde.Il est intéressant de constater que cette critique rejoint celle formuléequelques mois auparavant par la Fédération canadienne des enseignants.Traitant justement des octrois relatifs à l'appui de l'enseignement dans lalangue de la minorité de langue officielle et dans la langue seconde laFédération estimait:

(2) Ibid, p. 12 (les soulignés sont de nous)

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"Qu'il est nécessaire d'exercer un contrôle permanent de ces programmes,tout en accordant une attention particulière aux formules servant aucalcul des octrois. L'utilisation d'une formule uniformisée, qui ne tientpas compte des circonstances ou des besoins spéciaux, n'a connuqu'un succès partiel. D'après nous, la nécessité s'impose d'affecter lessommes qui sont disponibles par le biais du Programme des languesofficielles en fonction des besoins manifestes.

La FCE accueille avec joie les promesses répétées de l'exercice d'uncontrôle étroit sur l'affectation de ces sommes à l'avenir. On signaleque certaines provinces ont, dans le passé, fait emploi des octroissimplement pour maintenir le statu quo ou, ce qui est pire encore, ontversé les octrois reçus directement dans le trésor provincial afin depermettre à la province de s'en servir à sa discrétion, à n'importe quellefin. Nous espérons sincèrement que le programme d'octrois fera l'objetd'une évaluation attentive. La FCE et ses organisations membres sontprêtes à collaborer à la collecte des données nécessaires." (3)

Le document du Secrétariat d'Etat remarque également qu'il n'a pasété possible d'apprécier l'utilité des contributions de types formulaires. Lecritère voulant que la participation du fédéral soit motivée par le fait quec'est lui qui doive assumer les "dépenses supplémentaires" relatives àl'enseignement dans la langue de la minorité et à l'enseignement de lalangue seconde est assez difficile à évaluer. Le document affirme que:

"Dans la pratique, il a été impossible de définir ou de mesurer cesdépenses, ou encore d'établir leur relation avec les diverses formulesarbitrairement retenues en 1970. Il semble évident sous ce rappportque les "dépenses supplémentaires" ne sont pas les mêmes dans toutesles provinces ni dans toutes les circonstances, et qu'elles sont fonctionde certains facteurs, comme l'importance et la répartition de la populationvisée et le niveau de développement - général et linguistique - desréseaux scolaires et des services d'enseignement. De ce fait, on n'a pasété en mesure d'évaluer l'utilité des versements effectués selon desformules convenues par rapport au concept de la Commission royaled'enquête." (4)

Si les contributions de types formulaires suscitent des problèmes, enrevanche, le document soutient que le gouvernement fédéral se considèresatisfait des programmes qui ne sont pas assujettis à des formules (leprogramme des projets spéciaux par exemple). D'abord parce que de telles

(3) Fédération canadienne des enseignants: Politiques et points de vue sur des questionsrelatives à la juridiction fédérale, Ottawa, 1978, p. 31.

(4) Secrétariat d'État: Document de travail . . . op. cit. p. 12

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contributions sont plus faciles à contrôler et qu'on peut voir beaucoup plusprécisément à quelles fins elles sont utilisées dans la mesure où les fondssont alloués selon des critères qui sont convenus entre le gouvernementfédéral et les gouvernements provinciaux et que les provinces doiventprésenter leurs créances pour avoir droit à un remboursement de la part dufédéral. Ainsi, au contraire des paiements formulaires qui sont en quelquesorte des paiements de transfert fondés sur le nombre d'inscriptions dansles écoles en vue de dispenser des services pour l'enseignement dans lalangue première et pour l'enseignement de la langue seconde, pour lesquelsles provinces ne sont pas vraiment tenus d'en justifier l'utilisation, lesprogrammes hors formules à frais partagés (tel les projets spéciaux) permettentde voir plus précisément (étant donné que les provinces doivent présenterla facture) où va l'argent du fédéral et comment il est utilisé.

Dans une lettre envoyée à l'ex-présidente du Conseil des ministres del'Education du Canada, Mme Bette Stephenson, par le Secrétaire d'Etat del'époque, M. John Roberts, on retrouve bien résumée l'intention dugouvernement fédéral face à de nouveaux accords en matière de bilinguismeen éducation. Selon les termes de M. Roberts:

"Le gouvernement fédéral propose la conclusion de nouveaux accordsde financement qui devraient lui permettre de montrer au Parlement età la population canadienne que les fonds versés aux provinces serventvéritablement à assumer les frais de développement ainsi que les fraisd'entretien supplémentaires démontrables. Il envisage donc d'éliminergraduellement les accords actuels pour les remplacer par de nouveauxaccords en vertu desquels les paiements seraient réglés plus directementà ces dépenses." (5)

La nouvelle formule préconisée par M. Roberts prévoyait une réaffec-tation, par étapes, de toutes les sommes d'argent versées depuis le débutdu programme sous forme de paiements formulaires aux paiements de typehors formules. Le plan proposé entendait consacrer un minimum de $170.4millions par année pour cinq ans (1979-80 -1983-84) à l'aide aux provincesrelativement aux programmes de bilinguisme en éducation. Ainsi, si l'onprend l'ensemble de 1979-80, $140 millions devraient être distribués par lefédéral aux provinces sous forme de paiements formulaires et $30.4 millionssous forme de dispositions nouvelles, constituant ainsi un nouveau fondsde financement. Le tableau suivant permettra de mieux illustrer les intentionsdu fédéral:

(5) Extrait d'une lettre de M. John Roberts à Mme Bette Stephenson datée du 15 janvier 1979,page 2

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TABLEAU XIII(6)

(en millions de dollars)

Disposition actuelle de

type formulaire

Dispositions nouvelles

Total

1979-80

140

30.4

170.4

1980-81

112

58.4

170.4

1981-82

84.0

86.4

170.4

1982-83

56

114.4

170.4

1983-84

28.

142.4

170.4

TOTAL

420

432

852

Quant à savoir comment seraient répartis et utilisés ces nouveauxfonds de même que les contributions formulaires, cela n'avait pas encoreété réglé de façon définitive par le Secrétariat d'Etat. Toutefois, la lettre deM. Roberts à Mme Stephenson donne quand même certaines indications.Ainsi, en ce qui a trait à la répartition et à l'utilisation du nouveau fonds,l'hypothèse suggérée est qu'il pourrait "être réparti en "parts" provincialessuivant peut-être des critères historiques et démographiques. Le financementpourrait alors être consenti en vertu d'accords négociés avec chacune desprovinces, accords qui régiraient l'utilisation de leur part". (7) Pour ce quiest des paiements formulaires, la lettre souligne que la répartition etl'attribution des crédits formulaires devraient "tenir compte du désir dugouvernement fédéral d'adopter une formule de financement qui garantissedans une plus grande mesure que les fonds versés contribuent réellement àaffermir l'enseignement dans la langue officielle minoritaire et de la secondelangue officielle". (8)

Les provinces n'ayant pas voulu souscrire au plan proposé par le fédéralet le fait que la scène fédérale ait été marquée, en moins d'un an, de deuxélections générales, ont fait en sorte de retarder la conclusion de nouveauxaccords. Il semble d'ailleurs, d'après les informations que nous avons puobtenir, que les négociations en vue du renouvellement d'une ententequinquennale se déroulent au ralenti. Il semble également que le planproposé à la fin de 1978 par le ministre Roberts ait été mis "sur lestablettes", du moins provisoirement. D'ailleurs, le communiqué émis par leSecrétariat d'Etat le 8 mai 1980 dans le cadre du programme de bilinguismeen éducation, ne faisait en aucun temps mention de façon précise de l'état

(6) Source: Lettre de M. Roberts à Mme Stephenson datée du 15 janvier 1979, page 3(7) Ibid, p: 3(8) Ibid. p. 3

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des négociations, ni de ce qu'il était advenu du plan Roberts présenté un anet demi auparavant.

En ce qui nous concerne, nous croyons que le gouvernement fédéraldevrait faire en sorte d'analyser très attentivement les hypothèses formuléespar le ministre Roberts. Sans y voir la panacée, nous croyons que ce planmarque (si l'on fait abstraction des coupures budgétaires) une améliorationcertaine par rapport à ce qui existe à l'heure actuelle. Nous consacreronsd'ailleurs la conclusion de cette étude à voir comment, selon nous, devraits'articuler et s'opérationnaliser le plan Roberts. Car, si les idées de basesnous apparaissent pertinentes, il nous semble qu'il devrait y avoir un ordrede priorité à respecter. A tout prendre cependant, on doit admettre que leplan Roberts est sûrement préférable à celui qu'avaient présenté, un anplus tôt, les provinces. (9) Celles-ci, par l'intermédiaire de Conseil desministres de l'Education du Canada, avaient proposé trois formules en vued'obtenir les contributions que verse le fédéral au chapitre du bilinguismeen éducation. La première, touchant plus spécifiquement les paiementsformulaires, voulait que le fédéral maintienne les contributions de 9% pourl'enseignement dans la langue de la minorité et de 1.5% pour les fraisd'administration, mais hausse de 5% à 15.8% la contribution pour l'ensei-gnement de la langue seconde. Cette proposition serait valable si on enétait vraiment rendu au point où les francophones hors Québec disposaientde tous les services éducatifs requis. Ce qui de toute évidence n'est pasencore le cas.

La seconde formule supposait que les provinces négocieraient conjoin-tement avec le fédéral des plans de développement de l'enseignement dufrançais langue première et du français langue seconde. Une telle formulen'est pas mauvaise en soi, à condition que le gouvernement fédéral veille ànégocier de façon très serrée avec les provinces et que l'on assure que lescommunautés francophones hors Québec soient consultées. La propositiondes provinces, à l'époque, ne prévoyait pas une telle consultation.

La troisième formule proposée était nettement la plus mauvaise. Elleprévoyait que le fédéral transfère des points d'impôt aux provinces. Lesprovinces pourraient, par une telle formule, s'accaparer des sommes d'argentconsidérables sans devoir, en aucun temps, rendre des comptes.

Le fait que les provinces aient présenté ces trois formules témoignentclairement qu'elles ne sont pas intéressées plus qu'il ne le faut à développerle système d'enseignement pour la minorité francophone mais plutôt às'approprier des ressources fiscales toujours plus élargies.

(9) Voir Fédération des francophones hors Québec: Communiqué de presse: les gouvernementsjouent avec l'éducation des minorités, 16 nov. 77. p. 12

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Il faut donc, en ce sens, prendre avec un certain "grain de sel" lacritique que formulait encore tout récemment le Conseil des Ministres del'Education du Canada (C.M.E.C.), face à la négociation de nouveaux accordsfédéraux provinciaux dans le domaine de l'enseignement des langues.Même si nous sommes d'accord avec le C.M.E.C. pour condamner lescoupures budgétaires dont sont victimes les programmes de langues officiellesdans l'enseignement (l'aide fédérale passant en effet de $209 millions pourl'année 1978-79 à $170 millions pour l'année 1979-80), on comprend malpourquoi le C.M.E.C. veut une reconduction automatique des accords envigueur entre 1974 et 1979. (10) Accords qui, nous l'avons vu, ne parvenaientpas à stimuler adéquatement le développement des services d'éducationdans leur langue pour les communautés francophones.

En sommes nous estimons que le plan présenté par le gouvernementfédéral en 1978, mérite d'être étudié attentivement. Nous consacreronsd'ailleurs une partie de la conclusion à montrer les modalités d'applicationque nous voudrions y voir inclure.

(10) Voir le Devoir du 24 septembre 1980, p. 1 et le Rapport Annuel 1978-79 du C.M. E.C., p. 8

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CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

Comme nous l'avons vu au cours de cette étude, la position fédéralerelative au financement du bilinguisme en éducation procède d'unephilosophie qui laisse une latitude beaucoup trop grande aux provinces à lafois quant à la façon dont elles interprètent ce qu'est le bilinguisme enéducation et également quant à l'utilisation qu'elles font des sommes queleur verse le fédéral. On a vu que dans leur forme actuelle, les paiementsformulaires en viennent à surprivilégier beaucoup trop le Québec et laminorité anglophone au détriment des autres provinces et des minoritésfrancophones hors Québec.

En fait, plusieurs rétorqueront du haut de leur savoir constitutionnelque l'AAN.B. ne permet pas au fédéral de s'ingérer directement dans lesecteur de l'éducation. A cela nous pouvons dire deux choses: d'une partIA.A.N.B. est sur certains plans tellement vague qu'il est de nature àhabiliter le fédéral à intervenir lorsqu'il le juge approprié. L'interprétation àcet égard du constitutionnaliste J.A. Curry ne manque pas d'intérêt.

".. .quel que soit le dilemme que pose l'enseignement dans la fédérationcanadienne, il ne s'agit pas d'un dilemme constitutionnel. En fait, l'Article93 est un modèle de souplesse. Dès qu'il apparaît que des modalitésd'enseignement spéciales doivent être créées pour appliquer les décisionsprises par le Parlement en vertu de ses pouvoirs exclusifs (Article 91 ),le Parlement est habilité à prendre toutes les décisions nécessairespour instituer cet enseignement. En l'occurrence, comme cela se passesouvent dans ce pays, les empêchements que l'on dit être de redoutablesobstacles constitutionnels s'avèrent simplement politiques. Cela nerend pas nécessairement le problème plus facile à résoudre, mais onpeut au moins effacer la mention "entrée interdite" et amorcer lesconsultations entre administrations fédérales et provinciales ". (1 )

De plus, la pratique du fédéralisme canadien nous a enseigné que legouvernement central a parfois dû, pour établir certains standards nationauxet permettre l'égalité des services entre les Canadiens, initier des programmeset forcer, parfois assez cavalièrement, la main des provinces. Le cas del'assurance-maladie en est un exemple.

De ce fait, nous ne croyons pas que les empêchements constitutionnelssoient à ce point insurmontables et que le fédéral doive abdiquer quant à lapossibilité d'établir, de concert avec les provinces, une politique cohérente(1 ) J.A. Curry cité par Henri-Georges Belleau: Le rôle du gouvernement fédéral et le problème

des groupes minoritaires en matière d'éducation, Service des recherches, bibliothèque duParlement d'Ottawa, 1976, p. 11

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de développement du système d'éducation de la minorité francophone horsQuébec. Si le fédéral ignore quels pourraient être les jalons d'une tellepolitique, rappelons-lui que la F.F.H.Q. a maintes fois souligné que lescommunautés francophones hors Québec s'accommoderaient fort bien mercides droits, services et institutions dont dispose la communauté anglophoneminoritaire du Québec.

Pour ce qui a trait plus précisément à la question de la participationfédérale au financement du bilinguisme en éducation, nous jugeons àpropos d'énoncer les recommandations suivantes:

1. Que les gouvernements provinciaux, de concert avec le gouvernementfédéral, établissent un plan précis de développement en matièred'éducation pour et en consultation avec les communautés francophoneshors Québec.

2. Que le principe de la péréquation, qui vise à ce que puissent êtrediminuées les disparités de services et de richesses existant d'unerégion à l'autre ou d'une province à l'autre, soit appliqué en ce quitouche l'accès à des services d'éducation dans leur langue pour lesfrancophones hors Québec. Ainsi, le fédéral pourrait assumer un rôlede suppléance dans certaines provinces et faire en sorte que lesfrancophones de tout le pays aient accès à l'éducation dans leur languematernelle.

3. Que le fédéral et les provinces veillent à favoriser en premier lieu desaccords qui feront en sorte de privilégier des projets qui s'adresserontplus spécifiquement au développement du français langue première. Ils'agit donc de voir à développer et à consolider le système d'éducationen langue française pour les francophones hors Québec avant de penserà intensifier les efforts au chapitre de l'enseignement de la langueseconde.

4. Que continuent d'exister des paiements de type formulaires qui sontfonction du nombre réel d'étudiants inscrits, mais que les sommesversées à ce titre soient diminuées de façon à augmenter la flexibilité etla somme des fonds non-assujettis à des formules s'adressant à desprojets d'enseignement du français langue première pour les franco-phones hors Québec. La distribution des sommes de ce fonds spécialdevrait voir à favoriser le développement du système d'enseignementfrancophone dans les provinces où des progrès encore considérablesdoivent être accomplis.

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5. Qu'au chapitre du nouveau fonds non-assujetti à des formules, soientétablis des mécanismes permettant aux communautés francophones deprésenter elles-mêmes des projets au gouvernement fédéral. Lefonctionnement actuel, par exemple, des projets spéciaux, ne prévoitune participation du fédéral que si les initiatives et les demandes definancement émanent du gouvernement provincial. Un tel fonctionnementa encore trop souvent le désavantage de favoriser des projets defrançais langue seconde au détriment de projets de français languepremière. Dans la mesure où nous croyons que se sont les communautésfrancophones qui sont le mieux à même de définir ce que sont leursbesoins, il nous apparaît pertinent qu'elles puissent présenter des projetspar l'entremise de leurs conseils scolaires, de leurs associationsprovinciales ou d'associations de parents.

6. Que l'on prévoit, au sein des ministères provinciaux de l'éducation, lacréations d'entités administratives qui auraient pour fonction de recevoirles contributions fédérales, d'en justifier l'utilisation et d'en assurer unedistribution qui soit conforme aux fins pour lesquelles elles ont destinées.

7. Que le fédéral et les provinces veillent à diffuser davantage d'informationssur les programmes de langues officielles dans l'enseignement.

8. Que les gouvernement fédéral et les gouvernements des provincesvoient à conclure des ententes qui s'échelonnent sur une période de 3 à5 ans afin d'assurer une meilleure continuité et une meilleure planificationde ces programmes. Le gouvernement fédéral devrait voir non pas ànégocier des ententes uniformes pour toutes les provinces, mais plutôtà négocier avec chacune des provinces selon les besoins spécifiquesdes communautés francophones hors Québec, tout en prévoyant desmécanismes de consultation avec les représentants des communautésfrancophones de chaque province.

La F.F.H.Q. a la ferme intention de suivre très attentivement le dossierdu financement des programmes de langues officielles dans l'enseignement.Si cette étude n'a cherché qu'à toucher les problèmes que dans une perspec-tive assez globale rien ne nous empêche, si des changements ne sont pasapportés à la forme de financement adopté par le fédéral depuis 10 ans, depousser plus loin une recherche qui ferait état, de façon encore plusprécise, de la mauvaise utilisation des fonds fédéraux par les provinceset/ou les conseils scolaires. Nous osons croire cependant que du fait qu'ilexiste (ou à tout le moins existait) une volonté de changement des modalitésde financement des programmes de langues officielles dans l'enseignement,que le fédéral verra, dans de nouveaux accords, à acquérir un plus grandcontrôle comptable et à assurer la primauté à un plus grand épanouissementdu système d'éducation pour les francophones hors Québec.

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— Statistique Canada: Langue de la minorité et langue seconde dansl'enseignement, niveaux élémentaire et secondaire, 1975-76 et 1976-77, Ottawa 1978, 45 pages.

— Statistique Canada: Langue de la minorité et langue seconde dansl'enseignement, niveaux élémentaire et secondaire, 1975-76, 1976-77et 1977-78, Ottawa 1979, 49 pages.

Page 75: À LA RECHERCHE DU MILLIARD140 millions pour l'année 1979-80, alors qu'auparavant le fédéral n'avait aucun plafond et remboursait les provinces (à des taux de 9%, 5%, 10.85% et

— Statistique Canada: Langue de la minorité et langue seconde dansl'enseignement, niveaux élémentaire et secondaire, 1975-76, 1976-77,1977-78, 1978-79, Ottawa 1980, 56 pages.

— Union de parents et de contribuables francophones, Section Carleton:"Le scandale des programmes ontariens de bilinguisme en éducation",1974, 9 pages.