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Home Staging : encore pertinent à l’heure de la surchaue ? PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE Marie-Josée Leblanc, styliste et présidente de Le Blanc Home Staging, en plein travail de revalorisation d’une proprié pour la revente. Quand un duplex en décrépitude se vend plus de 730 000 $ sur le Plateau Mont-Royal, à quoi bon investir quelques milliers de dollars dans la mise en valeur de sa propriété (communément appelée home staging) ? La surchaue du marché change-t-elle la donne pour la valorisation résidentielle ? Publié le 01 décembre 2019 à 12h00

à l’heure de la surchaue ? Home Staging : encore pertinent · Avec un budget de 2000 $, Marie-Josée Leblanc de Le Blanc Home Staging a désencombré et réamén a gé ce cond

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Page 1: à l’heure de la surchaue ? Home Staging : encore pertinent · Avec un budget de 2000 $, Marie-Josée Leblanc de Le Blanc Home Staging a désencombré et réamén a gé ce cond

Home Staging : encore pertinentà l’heure de la surchau�e ?

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

Marie-Josée Leblanc, styliste et présidente de Le Blanc Home Staging, en plein travail de revalorisation d’une propriépour la revente.

Quand un duplex en décrépitude se vend plus de 730 000 $ sur lePlateau Mont-Royal, à quoi bon investir quelques milliers de dollarsdans la mise en valeur de sa propriété (communément appelée homestaging) ? La surchau�e du marché change-t-elle la donne pour lavalorisation résidentielle ?

Publié le 01 décembre 2019 à 12h00

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VALÉRIE SIMARDLA PRESSE

Il y a une dizaine d’années, quand la valorisation résidentielle a commencé à devenir un

pratique populaire en immobilier, poussée par des émissions télévisées, le marché était

certes à l’avantage des vendeurs dans la plupart des secteurs de la grande région de

Montréal, mais les offres multiples et la surenchère étaient beaucoup moins courantes

qu’aujourd’hui. Les propriétés en manque d’amour pour lesquelles des offres multiples

sont déposées ne sont, de nos jours, plus l’exception, du moins sur l’île de Montréal. 

Aujourd’hui, le pouvoir s’est inversé. Dans plusieurs régions du Québec, particulièreme

dans l’île de Montréal et dans ses couronnes nord et sud, le nombre d’inscriptions est e

baisse et les prix augmentent. Les propriétés en manque d’amour pour lesquelles des

offres multiples sont déposées ne sont plus l’exception.

PHOTO FOURNIE PAR MARIE-JOSÉE LEBLANC

Avec un budget de 2000 $, Marie-Josée Leblanc de Le Blanc Home Staging a désencombré et réaménagé ce condd’Outremont, mis en vente en octobre dernier. Prix a�ché : 545 000 $

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PHOTO FOURNIE PAR MARIE-JOSÉE LEBLANC

Une o�re (sous conditions) a été acceptée trois jours plus tard. Prix de vente : 565 000 $. En général, un condo situau 2e étage à Outremont se vend entre 500 000 $ et 550 000 $, selon la courtière Randi White.

Mais pourquoi se contenter de trois offres quand on pourrait en avoir neuf ? illustre le

courtier immobilier Simon Léger, directeur d’agence et directeur des ventes chez Barda

équipe immobilière, à Montréal. « Quelqu’un qui ne fait pas de staging, généralement, l

maison va se vendre quand même, remarque-t-il. Ce n’est pas une obligation dans le

marché actuel, étant donné que l’inventaire est à un bas niveau. » 

« Mais marché bon ou pas, je pense qu’on peut toujours étirer l’élastique quandon est vendeur, et le home staging fait partie des solutions pour obtenir lemeilleur prix. »

— Simon Léger, directeur des ventes chez Bardagi

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PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

Marie-Josée Leblanc en action

« Dans un marché qui surchauffe à Montréal, les principes de base restent quand même

soutient Anouk Vidal, courtière immobilière dans les Basses-Laurentides et porte-parol

de l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec. Pour vendre plus

rapidement et au meilleur prix, la présentation du produit, c’est vital pour un vendeur. 

« Les gens ne réalisent pas qu’en dépensant 3000 ou 4000 $, ils vont vendre au-dessus d

prix demandé », affirme Maude Gélinas, courtière immobilière sur la Rive-Sud de

Montréal pour l’enseigne RE/MAX.

Pas d’études concluantes

Pour appuyer leurs affirmations, les courtiers immobiliers se basent sur leurs propres

expériences de vente. Il n’existe pas d’études indépendantes concluantes sur l’impact

concret de la valorisation résidentielle sur le prix et le délai de vente d’une propriété, et

encore moins en fonction de la vigueur du marché.

Cet impact est d’autant plus difficile à évaluer qu’il existe plusieurs degrés de mise en

valeur, qui peut aller d’une simple opération de désencombrement et de

dépersonnalisation à des rénovations plus importantes.

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PHOTO FOURNIE PAR CATHERINE ROUTHIER

Catherine Routhier, propriétaire de la Boutik Urbaine, a mis en valeur cette maison de Green�eld Park avec un budged’environ 2000 $. Prix a�ché : 399 000 $

PHOTO FOURNIE PAR CATHERINE ROUTHIER

Les propriétaires ont principalement dépersonnalisé les lieux, notamment en enlevant les masques africains sur le murl’entrée, repeint les murs et changé les luminaires. La propriété s’est vendue, en o�res multiples, 21 000 $ au-dessus prix demandé, indique la courtière Maude Gélinas.

L’esthétique d’une propriété n’est également pas le seul facteur qui en influence la vente

« On a beau faire le plus beau staging de la planète, il y a aussi le travail du courtier,

souligne Marie-Josée Leblanc, styliste et présidente de Le Blanc Home Staging. Si le

vendeur décide que le prix doit être 100 000 $ de plus [que la valeur réelle], la maison n

va pas nécessairement se vendre. »

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Selon Unsal Odilek, spécialiste du marketing immobilier, la pratique est là pour de bon

bien que dans certains cas, son effet puisse être amoindri. « Ce facteur peut s’amenuise

lorsqu’on cherche à acheter à tout prix parce que le bâtiment ne nous intéresse pas, qu’o

veut juste le terrain et qu’on le fera à notre goût. Et ça ne va pas marcher pour tout le

monde », observe le professeur à l’École des sciences de la gestion de l’Université du

Québec à Montréal et directeur du programme en immobilier.

Jeu de perceptions

Des études ont néanmoins démontré qu’un travail de valorisation résidentielle a un effe

sur la manière dont les acheteurs perçoivent une propriété. Unsal Odilek explique qu’il

s’agit d’un nouvel élément dans l’ensemble des facteurs qui influent sur la valeur d’une

propriété, comme la superficie habitable, la localisation, le nombre de chambres. Or, il

appelle les acheteurs à la vigilance, puisque ce nouvel attribut influence leurs perceptio

et l’effet est temporaire. 

PHOTO FOURNIE PAR CATHERINE ROUTHIER

Située à Repentigny, sur le bord du �euve Saint-Laurent, la maison de Gaétan Campeau a été sur le marché pendant an avant qu’il fasse appel à Catherine Routhier pour la mettre au goût du jour. Le devis présenté totalisait plus de12 000 $. Puisque des rénovations ont aussi été réalisées, le budget total des travaux s’élève à beaucoup plus.

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PHOTO FOURNIE PAR CATHERINE ROUTHIER

Remise sur le marché en octobre, la résidence est toujours en vente. « On était conscient que ça prendrait du temps àvendre, mais on peut voir qu’il y a plus d’intérêt depuis qu’on a fait les rénovations », remarque Gaétan Campeau. Prixa�ché : 895 000 $

« Il faut faire une évaluation plus réaliste et s’attarder sur des éléments quidemeurent, comme la localisation. Les éléments qui peuvent être créésfacilement à peu de coûts ne devraient pas trop jouer sur notre systèmed’appréciation. »

— Unsal Odilek, spécialiste du marketing immobilier

« Ce n’est pas une valeur qu’on peut considérer comme acquise et valoriser au moment

la revente », ajoute-t-il.

Du côté des spécialistes en valorisation résidentielle, la demande ne faiblit pas. Marie-

Josée Leblanc et Catherine Routhier, propriétaire de la Boutik Urbaine, constatent tout

deux que la clientèle change. Désormais, on fait surtout appel à elles pour l’aménageme

de propriétés vacantes. « Il y a trop de compétition. Les gens veulent se distinguer »,

constate Catherine Routhier.

Réaménagement virtuel

Aménager une propriété vacante peut s’avérer coûteux, puisque le mobilier et les

accessoires sont offerts en location, sur une base mensuelle. Pour une propriété habitée

les coûts varient. Selon Marie-Josée Leblanc, le chiffre de 1 % de la valeur de la propriété

qui circule beaucoup, provient des équipes de production d’émissions télévisées et ne

représente pas la réalité. « Je pense que le 1 % correspond à un profil : le bungalow bien

entretenu qui n’est pas trop dépassé, mais doit être rafraîchi et est habité. »

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Une nouvelle technologie offerte depuis quelques années permet même un

réaménagement virtuel des pièces, à moindre coût. Sur les photos qui seront mises en

ligne, on peut ainsi intégrer les meubles de son choix à une pièce vide ou même déjà

meublée. 

Le résultat est plutôt réaliste, ce qui pose des questions éthiques. « Il faut faire très

attention parce qu’il ne faut pas faire de la fausse représentation, remarque Simon Lége

dont l’agence offre le service à ses clients. La ligne va devenir mince. La technologie est

rendue au point où on pourrait rafraîchir des décors existants. Il faut que ce soit

mentionné sur la photo et que l’acheteur soit capable de voir la photo de ce qui est

présentement à l’intérieur. »

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