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« À méditer sur l'enfant que nous fûmes, par-delà toute histoire de famille, après avoir dépassé la zone des regrets, après avoir dépassé tous les mirages de la nostalgie, nous atteignons une enfance anonyme, pur foyer de vie, vie première, vie humaine première. Et cette vie est en nous—soulignons-le encore—, reste en nous. « Bachelard (La poétique de la rêverie, p.108)
Introduction 1
1-Qu'est ce qu'un conte ? 3
2-Collecte et classement des contes 4
3- Mythes, légendes et contes : comment les différencier ? 5
4- La structure du conte : Propp et le formalisme 7
5- Contes et Psychanalyse : 8
a) Freud et les contes 8
b) Bruno Bettelheim : un sens à la vie 9
c) Marie Louise Von Franz : Conte et inconscient collectif 11
6-Block : Le conte comme nourriture 12
7-Winnicott : Le conte comme objet transitionnel 13
8- La théorie de Lafforgue 15
9 - Guerin et Kaës : le conte comme « conteneur potentiel » 17
II- LE GROUPE EN QUESTION 19
1-La dimension groupale du conte 19
2-Les processus internes au groupe 20
3- L’importance du cadre en thérapie de groupe 21
4-Haag et Bion: les petits groupes analytiques 22
5- Anzieu :Le modèle du rêve 24
III- Une notion Primordiale : La contenance 26 1- Bion : Le concept de rêverie maternelle 26
2- Le contenant psychique comme filtre 29
3- Corps et psyché 30
4- L’Image du corps 32
5- Qu’en est -il de la notion d’enveloppe ? 34
Partie Théorique
a) Les caractéristiques de l'enveloppe psychique 35
b) Les Fonctions de l'enveloppe psychique 36
6- Le Moi-peau 37
7- Particularités du Moi-peau considéré comme interface 38
8- Fonctions du Moi-peau 39
9-Difficulté de construction du moi peau : L’identification adhésive 41
10 - La Notion de contenance dans l'atelier conte à visée thérapeutique 42
a)L'objet contenant optimal 43
b) Les qualités de l'objet contenant 44
Problématique 45
Problématique
I- Présentation du lieu de stage et l’atelier conte 47
II - Naissance de l’atelier conte à Lavaur 47
III- Les thérapeutes 48
IV- Le conteur et ses deux aides 50
V- Organisation du cadre 51
a)Les règles et objectifs de l’atelier contes 51
b)Les rituels et les espaces « ritualisés » 52
VI- Déroulement d’une séance type 54
VII-Le choix des rôles 55
VIII- L'après- jeu 56
IX- La régulation 56
X - Ma place en tant qu’observatrice 58
Partie Méthodologie
ETUDE DE CAS
I- Présentation des différents bilans effectués par l’équipe avec Louis 61
a) Bilan psychomoteur 61
b) Bilan orthophonique 62
c) Liaisons scolaire 63
d) Compte-rendu réunion du RASED 64
e) Synthèse 65
II – Discussion 66
III- Bilan Psychologique de Louis 88
IV- Dessins de Louis et commentaires 94
Conclusion 99
Bibliographie
Annexes : 1) Retranscription des séances de l’atelier conte
2) Tableau des contes et rôles choisis par Louis au cours de l’année
3) Contes
Partie Clinique
Remerciements
Je tiens à remercier tous les professionnels de la guidance infantile de Lavaur pour leur
agréable accueil ; je me suis réellement sentie intégrée à l’équipe tout au long de cette
année 2002.
Merci à Madame Michèle Rougeas pour son soutien et pour avoir accepté d’être mon
maître de stage.
Merci à Mesdames Ariane Gaillard et Chantal Michaud pour m’avoir introduit au sein
de l’atelier conte et transmis leur expérience.
Je souhaite aussi remercier Madame Nathalie Pigem pour ses conseils et pour avoir
accepté d’être la directrice de ce mémoire.
Encore un grand merci à Chantal pour m’avoir guidée dans mon travail et avoir consenti
à être mon assesseur.
Enfin, je souhaite adresser mes remerciements à ma famille, mes amis et Jean- Baptiste
qui m’ont beaucoup encouragée, écoutée, soutenue tout au long de cette année.
Introduction :
Lors de mon stage de DESS réalisé à la guidance infantile de Lavaur dans le Tarn, j’ai pu
participer en tant que psychologue stagiaire à un atelier conte à visée thérapeutique. Ce fut
une expérience très riche pour moi qui découvrais ainsi le fonctionnement d’un tel atelier sur
la durée de l’année scolaire.
En outre, cela m’a permis de redécouvrir les contes et leur richesse d’évocation, ces derniers
ayant été très présent durant ma propre enfance, ont aussi à coup sûr enrichi inconsciemment
mon imaginaire et aidé à mon développement.
Au départ, une question m’intriguait… Comment les thérapeutes ayant institué cet atelier
arrivaient-elles à mettre au service des enfants ces mondes imaginaires ?.. Grâce a ce
mémoire, j’ai pu répondre à cette interrogation.
En réalisant ce mémoire, j’ai également voulu mettre l’accent sur les bienfaits des thérapies
groupales, lesquelles me semblaient un peu délaissées par les jeunes psychologues. Il est vrai
que nous sommes davantage formés lors de notre cursus à recevoir les enfants et adolescents
en entretiens individuels.
Ce présent mémoire traite donc de l’étude de cas d’un enfant (que nous nommerons Louis),
que j’ai pu suivre à la fois toute l’année au sein du groupe des moyens ( quatre enfants ayant
entre 7 et 8 ans) mais également recevoir en individuel durant quatre séances.
Je vais essayer tout au long de ce travail de montrer en quoi l’atelier conte détient les
caractéristiques d’un atelier thérapeutique. Nous étudierons sa fonction maternante et
contenante ainsi que son dispositif qui demeure primordial: cadre, temps, espace, régularité,
groupe clos…sont en effet conformes aux exigences des ateliers thérapeutiques et viennent
appuyer sur les visées de soin de celui ci.
C’est en observant Louis que j’ai voulu au fil des séances entamer une recherche plus précise
sur la fonction étayante, matenante et contenante de l’atelier conte, sur ce que Bloch nomme
le « nourrisage » par le bais du contage, sur l’apport symbolique de ce dernier et préciser ma
réflexion en étudiant plus particulièrement la notions de Moi-peau qui me semblait
particulièrement fragile chez Louis.
Nous verrons d’ailleurs comment le contenu de l’atelier, c’est-à-dire les contes, ont une
fonction thérapeutique, proposant à l’enfant un contenant de pensées, une enveloppe servant
de pare-excitation contre ses angoisses et des possibilités identificatoires.
Ayant étudié l’histoire de Louis depuis sa naissance, je suis partie de l’hypothèse que l’atelier
conte, par son espace contenant et étayant allait lui permettre de régresser et de faire
l’expérience des limites de son corps. Il me semble que pour un enfant dont les relations
affectives précoces ne furent pas suffisamment « contenantes », l’atelier conte par sa fonction
organisatrice va se révéler être une aide structurante et va lui permettre de rejouer ses conflits
inconscients à travers les histoires contées, le jeu et le rapport à l’autre. Le conte pourrait lui
permettre une meilleure structuration de ses enveloppes psychiques en vue de l’amorce de son
individuation.
Dans un premier temps, je vais présenter les diverses théories sur le conte, qui m’ont
interpellé; j’ai ensuite souhaité abordé la notion de groupe et de thérapies groupales, puis la
notion clef de ce mémoire : celle de « contenance ».
Au cours d’une seconde partie méthodologique, je relate l’histoire et le déroulement de
l’atelier conte tel qu’il se passe à Lavaur, ainsi que mon rôle en tant que psychologue
stagiaire.
Pour finir, j’illustrerai ma recherche par le biais d’une partie clinique concernant l’étude de
cas de Louis, ainsi que son bilan psychologique réalisé par moi-même sur la demande de
l’équipe pluridisciplinaire.
Partie Théorique
1. Qu'est ce qu'un conte ?
Le conte est un phénomène universel, présent dans toutes les sociétés et les civilisations
depuis de nombreuses décennies. Descamps, souligne que le conte est un produit de
l'inconscient collectif : « Un conte est vivant car il est le miroir de l'âme d’un peuple.» (1985,
p.86). Son extraordinaire longévité surprend: le conte égyptien des Deux Frères a été retrouvé
sur un papyrus datant du XIIIe siècle avant Jésus-Christ…
Les contes merveilleux ont depuis toujours fasciné petits et grands. Depuis la nuit des temps,
ils participent d'une tradition orale qui se transmet dans la culture propre à tout peuple et à
tout groupe d’appartenance. À l’origine le conte, court récit d'aventures imaginaires, était
véhiculé de bouches à oreilles, enrichi par l'imaginaire du narrateur et s'adressait à la
population entière. Aujourd'hui le conte est également transmis par les livres et a été modifié
pour s'adapter à un public enfantin, comme, par exemple les œuvres de Perrault. Malgré son
passage de l'oral à l’écrit, le conte ne semble pas vieillir.
Dans les contenus qu'ils véhiculent, les contes de fées racontent et traduisent une infinité
de « possibles ». En outre, si le terme de conte présente, dans la littérature, des acceptions
multiples et des frontières indécises, trois critères suffisent à le définir en tant que récit
ethnographique: son oralité, la fixité relative de sa forme et le fait qu’il s’agit d’un récit de
fiction.
Dans le conte, l'espace imaginaire est entièrement préservé : « le conte est un récit assez court
d'aventures imaginaires » (dictionnaire Hachette). Sa vraisemblance n'est jamais mise en
doute car il est par nature l'invraisemblable. Par ailleurs, à l’intérieur de la littérature
mouvante, le conte se singularise surtout par son caractère de fiction avouée. L’incipit « Il
était une fois» atteste déjà la rupture avec le monde ordinaire. Les localisations spatio-
temporelles du conte merveilleux l’accentuent: «Bien loin, au-delà de l’extrémité du
monde… »
Kaës (1984), quant à lui décrit l'étoffe du conte comme ayant trois dimensions:
intrapsychique, intersubjective et culturelle. Le conte est aussi une trace, une conversation et
l'expression de l'héritage culturel, moyen de sa transmission de génération en génération.
Nous assistons, à un retour du conte, à un engouement pour les histoires merveilleuses ou
bizarres lorsque les phénomènes naturels inquiétants paraissent rejoindre les énigmes
irrésolues de l'enfance et les problèmes plus sombres des origines, comme si quelque chose de
très lointain tremblait un peu dans tout ce qui nous entoure et que ce soit justement de cela
qu'il faille parler.
2) Collecte et classement des contes
Au cours du Vingtième siècle, une tentative de classement fut opérée concernant cet objet
narratif que constitue le conte.
Dès 1910, l'école Finlandaise esquisse un classement du conte populaire. En 1928, avec la
collaboration de Stith-Thompson paraît un ouvrage de référence en la matière : « The Types
of the Folktale ».
En France, Delarue-Theneze (in Simonsen, 1981), adoptent dans le catalogue national, la
classification suivante :
➞ Les Contes proprement dits, qui seront constitués :
des contes merveilleux (ou « contes de fées »). Ces derniers sont caractérisés par la
présence d'êtres surnaturels, de fées, d'objets magiques.
Notre présente recherche fait référence à cette catégorie de contes. Ces derniers sont
répertoriés du n° 300 à 749 dans la classification mentionnée.
des contes réalistes. Ils sont caractérisés par l'absence du surnaturel et la présence d'une
morale.
des contes religieux. Leur contenu est chrétien, mais il se distingue des légendes.
des histoires d'ogres.
➞ Les contes d'animaux dans lesquels les protagonistes sont des bêtes à caractéristiques
humaines.
➞ Les contes facétieux : Ce sont les plus fréquents. Il s’agit de récits où l'on se moque des
gens riches, des pauvres, des sots, des valeurs officielles telles l'honnêteté…
➞ Les contes énumératifs ou "randonnées". Ce sont des récits dont l'énumération en est la
base et dont leur fonction est d'exercer la mémoire.
3- Mythes, légendes et contes : comment les différencier ?
Au sens étymologique, « mythos », veut dire parole. Le mythe est un récit fondateur dont ceux
qui le rapportent avouent en être les dépositaires et non les auteurs. C’est un récit anonyme et
collectif qui remplit une fonction socio-religieuse. Ce dernier sert d’élément de cohésion
entre les individus d’un groupe.
Le mythe met en scène des personnages, le plus souvent surhumains, ayant des pouvoirs
surnaturels mais aussi des comportements et des sentiments humains.
Il se réfère à des événements anciens chargés de sens : dans les sociétés primitives, il sert
d’explication du monde, comment les choses ont commencé et pourquoi les hommes en sont
là aujourd’hui. Il est tenu pour absolument vrai et est récité dans des circonstances bien
précises ce qui le distingue de la fable, du conte et toutes les histoires inventées. Dans sa
composition, il est le plus souvent très court et d’un agencement parfait. Chaque détail est
chargé d’une signification intense. Les sociétés industrielles l’ont relégué dans le domaine de
la poésie et de l’imaginaire.
Les mythes restent cependant l’expression d’une culture, ils expriment les aspirations
profondes de l’inconscient humain et mettent en scène des situations éternelles. La pensée
scientifique n’a pas réussi à les faire disparaître. Bien plus, dans toutes les productions
littéraires se décèlent des soubassements d’images permanentes, une armature d’archétype qui
manifeste sa lointaine parenté avec le mythe.
Le conte, quant à lui, est né de l’oubli progressif du caractère religieux du récit. Il nous
introduit dans un univers enchanté dont la magie stimule notre imagination. Le conte apparaît
comme le miroir de l’homme; il dévoile ses défauts et ses haines, mais, il dit la force de ses
idéaux. Dans toutes les civilisations, à travers les siècles, cette littérature orale se transmet de
génération en génération dans toutes les sociétés. Que ce soit par la voix d’une nourrice ou
celle d’un griot africain, le conte nous transmet un savoir (une initiation au monde), un espoir
d’avenir meilleur car son dénouement est presque toujours heureux. Cet espoir si nécessaire à
l’homme fait l’universalité du conte.
Merveilleux ou philosophique, le conte est une façon de voir la vie. Le conte est lui aussi un
récit court qui se distingue de la nouvelle en ce qu’il n’est pas soumis aux contraintes de la
vraisemblance.
Il appartient à l’univers de la poésie. À partir de l’époque romantique, le conte s’est scindé en
deux tendances : le registre du merveilleux et à partir du début du XIX siècle le registre du
fantastique. Le conte aime les décors fabuleux ou terrifiants. Dans les contes de fées, la magie
intervient à tout moment. Ils sont peuplés de dragons, de licornes, de génies et d’elfes. Ils
séduisent notre imagination, mais nous ne nous sentons nullement inquiétés car d’emblée
nous pressentons un dénouement heureux. Le conte nous emmène dans des contrées
fabuleuses où le temps n’existe pas. Dans les contes fantastiques, l’irrationnel fait une
apparition brutale dans notre univers cohérent. La mort, les fantômes, les vampires dans un
climat d’angoisse font que le récit aboutit parfois à un dénouement fatal. Le rôle du conteur
est de tenir son public constamment en haleine car il ne s’adresse pas à un public impassible.
Il prend son auditoire à témoin, le fait se ressaisir et au besoin l’apostrophe.
Le terme « légende», vient du latin « legenda » et signifie : « choses qui doivent êtres lues » ;
il s’agit d’un récit à caractère merveilleux où des faits historiques sont transformés par
l’imagination populaire ou par l’invention poétique. Elle peut être crée de toute pièce par un
esprit mystique ou poétique en communion avec les masses populaires : mais elle est le plus
souvent l’éclosion même de l’imagination inconsciente de ces masses. Dans l’un comme dans
l’autre cas, elle n’a pas cessé d’être en pleine formation parmi nous. La forme de la légende
est simple et son objet d’évocation essentiel est le miracle. À l’origine, la légende racontait la
vie des Saints et qui étaient lues dans les couvents. De nos jours, il s’agit plutôt de récits
merveilleux d’un événement passé fondé sur une tradition plus ou moins authentique. La
légende est plus soucieuse du détail que le conte.
4- La structure du conte : Propp et le formalisme
Le modèle de pensée du formalisme de Propp (1926) a été utilisé dans d'innombrables
domaines sous le vocable d'analyse structurale. Propp travaillait sur l'évolution des contes
merveilleux de la préhistoire jusqu’au XX siècle. Ce dernier à découvert des invariants dans
la composition des contes, c’est ce nous appellerons : « la structure du conte merveilleux ».
Il s’agit de « petites unités indécomposables sont des actions ou des fonctions de personnages
qui ne changent pas, et qu’il faut différencier des actions qui peuvent se modifier ou
changer.» (Lafforgue, 1995, p26).
Popp décrit 31 fonctions dans le conte qui constituent le schéma canonique du conte
merveilleux. Seuls les contes complexes utilisent toutes les fonctions. Un grand nombre de
fonctions sont assemblées par couple (interdiction /transgression, interrogation/ information,
combat/victoire, poursuite/ secours, etc). Plus l'enfant est dans le réel intériorisé, plus le conte
peut devenir complexe et utiliser des péripéties. Le problème, face à l'enfant en difficulté, sera
d'utiliser des contes simples, à personnages pertinents et à séquences simplifiées pour être
comprises surtout dans leur proposition réparatrice.
Le conte merveilleux est un récit construit selon la succession régulière des fonctions en
partant d'un méfait ou d'un manque, en passant par les fonctions intermédiaires pour aboutir à
un dénouement.
De ces travaux, nous retiendrons l'idée selon laquelle les contes merveilleux présentent tous la
même matrice de récit. Ce sont les modifications de mise en scène qui donnent naissance à la
diversité des récits En résumé, Propp appelle séquence tout développement qui va du méfait
(A) ou manque (a) à sa réparation (K). Chaque nouveau méfait donne lieu à une nouvelle
séquence réparatrice.
(A) Méfait
Réparation (K)
(a) Manque
Le conte à deux séquences (Détérioration ➨ Réparation ) est le type fondamental canonique
de tous les contes merveilleux russes (et probablement du monde entier).
Les contes courts, qui sont le plus souvent racontés en atelier contes comportent seulement 5 à
6 fonctions :
. une situation initiale de type familial (un abandon par exemple)
. un manque ou un méfait avec repérage d'un agresseur
. un appel au secours avec l'entrée en scène du héros
. une décision de réparation (la quête du héros)
. une liquidation de l'agresseur
. un dénouement heureux.
Dans un cadre fiable, le déroulement du conte va laisser des traces qui permettent un élément
de prévisibilité dès l'énonciation. Cette organisation anticipatrice du conte est très apaisante
pour les angoisses psychotiques et face au vide autistique. « L'enfant psychotique va très vite
utiliser la structure du conte pour parler de ses conflits internes, familiaux ou
relationnels. ».(Lafforgue,1995, p51 )
5 - Contes et Psychanalyse :
a) Freud et les contes
Freud s’est beaucoup intéressé aux contes. En effet, l'utilisation des contes populaires dans la
pensée de Freud a servi d'argument de démonstration et d'outil de soutien aux théories
psychanalytiques qu'il élaborait, en particulier dans ses recherches sur le rêve.
Ainsi, pour Freud (1908), les contes possèdent la propriété essentielle de figurer des
fantasmes inconscients et de transporter les fantasmes originaires (scène primitive, castration,
séduction...). Dans l'un de ses principaux articles qu'il a consacré au conte, Freud (1913)
mettait en évidence comment les matériaux des contes de fées constituent les restes diurnes
de certains rêves; il montrait aussi comment les contes eux-mêmes peuvent être mis en place
de souvenirs-écrans : « Chez quelques personnes, le souvenir de leurs contes préférés a pris
la place de leurs propres souvenirs d'enfance; ils ont élevé les contes au rang de souvenir-
écran. »( Freud, 1913, p214 ).
Selon Freud, le conte objective le rêve et concerne les parties les plus primitives du
psychisme. Tous les mécanismes de formation du rêve se retrouvent dans la composition du
conte. En effet, figuration, condensation, déplacement, représentation par un symbole et
élaborations secondaires sont opérant dans la construction de ces récits fictifs que sont les
contes. Les processus primaires, secondaires et tertiaires y sont mis en oeuvre au service de
l'accomplissement du désir; les mécanismes de censure y sont utilisés pour assurer la défense
contre cet accomplissement : déformation, rationalisation.
De plus, Freud affirme que les contes traitent des questions fondamentales sur l'origine de
l'être, de la différence des sexes, de la sexualité, de la naissance... et viennent répondre au
désir de savoir des enfants à la question: d’où viennent les enfants ?
Il fait un lien entre les théories sexuelles qu'élaborent les enfants et le contenu du conte: « La
connaissance des théories sexuelles infantiles, des formes qu'elles prennent dans la pensée
des enfants peut être intéressante de différents points de vue et de façon surprenante aussi
pour la compréhension des mythes et des contes. » (Freud, 1969, p. 16).
Le conte peut avoir aussi comme fonction psychique, la représentation d'un dégagement de la
dépendance aux liens familiaux et aux imagos parentales; il souligne le fond de jalousie, de
haine et d'envie. Le conte dit à qui peut l'entendre, ce que le « roman » ou le rêve doivent
voiler. En effet, les angoisses et pulsions agressives peuvent être, ici, réutilisées par
identification, déplacement et projection sur les personnages des marâtres, sorcières,
mauvaises soeurs et animaux phobiques qui seront malmenés et punis dans le cours de
l'histoire, pour le plus grand plaisir et soulagement du lecteur.
Que le conte représente un processus de passage, de transformation et de métamorphose
concerne donc éminemment sa fonction dans le processus psychique lui-même. Le conte
concerne les parties les plus primitives du psychisme. II est fait du matériau, de l'étoffe même
de la psyché.
b) Bruno Bettelheim : un sens à la vie Bettelheim a étudié 71 contes en dévoilant leur sens caché et leur rapport avec les problèmes
de croissance de l'enfant. Le répertoire de ce dernier s'attache aux contes populaires du monde
entier, qui détiennent selon lui la capacité d'offrir un sens à la vie.
Pour cet auteur, les contes de fées présentent à l'enfant « sous une forme imaginaire et
symbolique les étapes essentielles de la croissance et de l'accession à une vie indépendante »
(Bettelheim, 1976, 100). Le conte permet à l'enfant d'affronter ses peurs, de dépasser son
angoisse de séparation en lui présentant des solutions à ses conflits. La valeur inégalée des
contes de fées viendrait de ce qu’ils utilisent « sans le savoir le modèle psychanalytique de la
personnalité humaine, ils adressent des messages à l’esprit conscient, préconscient et
inconscient » (op. cit.p.101).
Pour Bettelheim (1976), la psyché enfantine est plongée dans un tumulte de sentiments
contradictoires dominés par les ambivalences d'amour et de haine, de désirs et de peurs. Le
conte offre à l’enfant la possibilité d’extérioriser ses conflits internes et de les identifier à des
personnages (fées, sorcières…), ce qui lui permet à terme de mettre de l’ordre dans ses
tendances contradictoires et de sortir du chaos. En fait, le conte permet à l’enfant de vivre ses
peurs, ses désirs et de trouver des solutions possibles.
L'une des idées de fond de Bettelheim est que les contes traditionnels constituent pour
l'enfant une aide importante dans la mesure où ils portent en eux des situations qu'il vit
dans son inconscient et où il pourra mettre à profit le fait de s'identifier à ces situations
et à leurs héros comme source de maturation. Autrement dit leur valeur inégalée
viendrait de ce qu'ils aident l'enfant à transformer en fantasmes le contenu de son
inconscient, lui ouvrant ainsi de nouvelles dimensions imaginatives.
« Les contes de fée nous disent que, malgré l'adversité, une bonne vie, pleine de consolations,
est à notre portée, à condition que nous n'esquivions pas les combats pleins de risques sans
lesquels nous ne trouverions jamais notre véritable identité» (op. cit, p.136). Le conte permet
de trouver une solution aux réalités du monde, mais d'abord sur un autre plan que celui de la
vie quotidienne. Bettelheim note: «Pour venir à bout des épreuves de la vie, ce qui existe dans
la réalité est beaucoup moins important que ce qui se passe dans notre esprit» (p. 348).
Le conte favorise la mise en forme des diverses angoisses qui menacent l'enfant; un danger
qui peut être représenté sous une forme organisée perd son aspect envahissant, redoutable. Le
conte peut avoir une fonction de catharsis, c'est-à-dire de soulagement de l'anxiété et des
sentiments désagréables de l'enfant. L'enfant n'a pas de crainte devant l'angoisse qui peut
parfois s'exprimer dans certains contes, parce qu'il sait au fond que tout se règlera pour le
mieux; il peut dès lors même arriver à désirer cette angoisse puisque «le déplaisir initial de
l'angoisse devient alors le grand plaisir de l'angoisse affrontée avec succès et maîtrisée».
L'enfant peut ainsi se familiariser avec les craintes que peuvent représenter certains éléments
de la vie.
c) Marie Louise Von Franz : Conte et inconscient collectif
Pour Marie Louise Von Franz, psychanalyste Autrichienne, les contes populaires sont
l'expression la plus simple et la plus pure des archétypes de l'inconscient collectif, car, étant
assez peu chargés en éléments propres aux différentes collectivités, ils reflètent fidèlement les
structures psychiques inconscientes : « les contes de fées expriment de façon extrêmement
sobre et directe les processus psychiques de l’inconscient collectif. (…) les archétypes y sont
représentés dans leur aspect le plus simple, le plus dépouillé, le plus concis ». ( Von Franz,
1978 , p.9)
Cette dernière s’appuie sur les concepts de Jung, psychiatre Suisse. Pour Jung, le psychisme
humain est constitué de trois niveaux traversés par l’énergie psychique de la libido : le
conscient, l’inconscient personnel et l’inconscient collectif : « L’inconscient personnel
contient les souvenirs subliminaux oubliés ou refoulés de l’individu. L’inconscient collectif
s’étend au- delà de cet inconscient personne, il est formé de dynamismes qui sont le fond
commun de l’humanité toute entière ». Quant aux archétypes, ils sont décrits comme « les
virtualités créatrices, les dynamismes structurants du psychisme dont l’ensemble forme ce que
Jung a nommé l’inconscient collectif » ( op.cit, p.11)
Pour Marie Louise Von Franz, les contes nous invitent à l’Aventure, et à trouver une autre
dimension à notre vie, ou nous préviennent que nous risquons d’être englouti par le dragon de
l'inconscience. Ils nous montrent que des choses anciennes doivent revivre et d'autres mourir.
Parfois, on nous explique que nous possédons en nous la cornue capable de transmuer notre
vie, ou la fontaine d'eau de vie, ou, que nous avons acquis une solidité intérieure, la « pierre
philosophale » des alchimistes, et que sa fabrication exige la transformation ou l'assimilation
de l'imaginaire en réalité vécue. C'est dans ces profondeurs que nous mènent les contes de
fées. (op.cit, p.23)
Selon elle, les contes populaires semblent bien exercer, par rapport à l'état d'esprit d'un
peuple, la fonction qui est celle des rêves par rapport à l'individu : ils confirment, guérissent,
compensent, contrebalancent, critiquent l'attitude collective dominante, ou suggèrent de
nouvelles voies de développement possibles, de même que les rêves confirment, compensent,
critiquent ou complètent l'attitude consciente de l'individu et lui ouvrent des voies nouvelles.
C'est en cela que réside la valeur inestimable de uns et des autres, et c'est pourquoi les contes
n'ont jamais disparu et n'ont jamais été non plus assimilés par un enseignement religieux de
quelque ordre que ce soit. Leur courant souterrain a partout survécu à toutes les vicissitudes,
parce qu'ils remplissent la même fonction de compensation que les rêves et expriment les
nécessités et les besoins psychologiques dont l'attitude collective consciente ne tient pas
suffisamment compte. (op.cit, p.211)
6- Block : Le conte comme nourriture
Pour Block (1992), raconter c’est nourrir : il est vital de raconter aux enfants des histoires de
bouche, d’avalement et de dévoration. Raconter, c’est l’oralité dans toute sa plénitude !
Les contes, pour le conteur et ceux qui l’écoutent doivent offrir une nourriture vitale, reflet de
leur rapport personnel avec la nourriture et la manière de manger. Conter correspond à « une
idée de plein ».
L’importance des contes tient au fait qu’ils sont une nourriture universelle. Depuis que
l’humanité existe, les hommes et les femmes se sont toujours raconté des histoires. Il existe
une association entre parole et nourriture. C’est bien cette idée que développe Geneviève
Calame Griaule, qui dit « Chez les dogons, la parole des contes est emmagasinée dans le
pancréas qui, à cause de sa couleur blanchâtre, est considéré comme réceptacle du lait
maternel que chacun a bu pendant son enfance, manière de dire, en somme, que l’on suce les
contes avec le lait de la mère.Tandis que les garçons, après la circoncision, suivent le père
dans la brousse, les fillettes continuent leur apprentissage avec la mère qui leur raconte des
contes tout en leur apprenant à faire la cuisine, ce qui met en évidence une autre association
symbolique, celle de la parole avec la nourriture ». (in Bloch, 1996, p.2)
En outre, les contes évoquent tous la façon dont nous sommes avalé, la manière dont nous
nous en défendons. Dans la vie, hélas, il y a des rapports de force permanents qui font que,
pour ne pas être mangé par l’autre, voire même dévoré d’amour, il faut manger soi-même…
Si les contes sont importants, c’est parce qu’ils parlent de ces extrêmes.
Le conte enseigne aussi que, dans la vie, on ne s’en sort pas tout seul. Il faut être ouvert au
monde, faire des rencontres, apprendre, découvrir aussi comment accepter les autres et
comment donner en échange. Beaucoup de contes d’avertissement pointent le danger de
certains types de comportements : absence de partage, égoïsme. En revanche, ils prouvent que
celui qui sait être généreux sera protégé.
Pour les enfants il y a toujours cette nécessité d’entendre répéter des histoires où l’on mange
et où l’on est mangé. C’est une question vitale et ils le sentent. Manger correspond à des
moments précis. La vie des enfants est ponctuée de repas. Il est donc rassurant pour eux qu’à
l’intérieur du conte même on en parle. C’est une sorte de repère, quelque chose du quotidien
grâce auquel le conte n’apparaît pas comme une histoire abstraite, hors du temps, mais semble
au contraire très proche de la vie.
Si à l’intérieur du conte, on accorde une telle importance aux moments de convivialité, de
partage, c’est qu’ils renvoient à des valeurs non seulement humaines mais culturelles. On
remarque que les contes parlent souvent de misère, de faim et d’abandon. Les enfants qu’on
abandonne dans la forêt tel le petit poucet, étaient un reflet de l’époque de Perrault.
« En ce temps là, il y avait de par le monde bien moins de nourriture et beaucoup plus de
magie que maintenant »… C’était un temps de famine où la nourriture manquait et raconter
était donc une manière de compenser, de dresser une table pleine , là où les ventres étaient
vides.
Par ailleurs, nous remarquons que si la mère est toute-puissante dans les contes, c’est en
grande partie parce qu’elle est du côté de la nourriture. Pour cette raison, elle est à la source
de nombreux conflits dont les contes sont porteurs. Elle apparaît sous différentes formes :
Bonne mère, marâtre, sorcière, ogresse.
Toutes ces histoires de dévoration sont des histoires de famille. Le conte dit que l’on est
toujours en danger au sein de la famille et qu’il vaut mieux aller se faire manger ailleurs que
chez soi !
7- Winnicott : Le conte comme objet transitionnel
Winnicott (1971): " Le petit enfant doit être capable d'avoir peur afin d'être soulagé de ce qui
est mauvais pour lui. Il a besoin de voir le mal en d'autres personnes, d'autres choses,
d'autres situations".
Les travaux de Winnicott, pédiatre et psychanalyste britannique, portent principalement sur le
développement du nourrisson, la relation mère-enfant : le « holding » ( c’est-à-dire la façon
dont l’enfant est porté), le « handling » (la manière dont l’enfant est manipulé, soigné) et
« l’object presenting » (le mode de présentation de l’objet). Il considère également
l'importance de l'environnement pour le passage de la dépendance à l'indépendance et la
description des objets et phénomènes transitionnels. Ces derniers désignent l'aire
intermédiaire d'expérience qui se situe entre l'érotisme oral et la relation d'objet.
L'aire transitionnelle constitue une aire intermédiaire d'expérience qui consiste à maintenir, à
la fois séparées et reliées, la réalité extérieure et intérieure. L'objet transitionnel (doudou ou
coin de couverture par exemple), prend la place du sein ou de l'objet de la première relation
et il en est le symbole. Il existe comme morceau de la réalité et comme première possession
non moi. Cette expérience permet à l'enfant de différencier le fantasme du fait réel, des objets
intérieurs de ceux extérieurs.
Cette aire transitionnelle est indispensable à l'enfant pour que s'établisse une relation positive
entre lui et le monde. Ce lien n'existe que par l'existence d'un bon maternage et la stabilité
continue de l'environnement extérieur et des objets transitionnels. Ces objets sont alors
abandonnés par l'enfant, les phénomènes transitionnels occupant tout l'espace entre « la
réalité psychique interne et le monde externe tel qu'il est perçu par deux personnes en
commun, autrement dit, ils se répandent dans le domaine culturel, tout entier » (Winnicott,
1975, 13).
Dans le cadre de l'atelier conte, le moment du contage où la parole est nourriture
organisatrice, fait apparaître chez des enfants des phénomènes transitionnels. En effet, dans
cet espace d'écoute, l'enfant accroche le conteur du regard et a des attitudes et des gestes qui
lui sont propres (frotter un bout de coussin contre sa joue, sucer un cordon...). Dans l'atelier,
l'enfant en souffrance peut recréer ce lien relationnel entre lui et le monde extérieur.
Comme le souligne Roman ( 1997), c'est à partir d'une position essentielle de l'absence que le
travail du préconscient va pouvoir se mettre en place. En cela, dans l’atelier conte, la création
d'un récit merveilleux implique l'accès à la transitionnalité, c'est-à-dire la capacité d'investir
un espace potentiel ou intermédiaire dans lequel les scénarios fantasmatiques vont pouvoir
être pris en relais par l'activité du préconscient, et ensuite venir se jouer au contact de la
réalité externe.
En tant que médiateur, le conte offre à l'enfant un espace d'illusion au sens de l'espace
potentiel de Winnicott (1971), espace dans lequel les scénarios fantasmatiques vont pouvoir
venir se jouer au contact de réalité externe et s'élaborer par le biais du préconscient et des
processus de symbolisation. En ce sens, l'outil «conte », peut être considéré comme un outil
projectif à part entière, favorisant la régression, la résurgence des fantasmes et leur
symbolisation à l'aide du langage.
L'hypothèse qui peut en découler est que l'espace du conte est un espace transitionnel où
l'enfant peut faire l'expérience du dedans /dehors, dans un espace approprié et protégé.
Dans l'atelier, l'espace du conte est proposé comme une aire d'expérience transitionnelle. Elle
va permettre à l'enfant de s'engager sur la voie d'une régression à un stade de nourrissage oral
dont dépend son développement psychique et l'accès à un niveau supérieur de personnalité.
Pour conclure, nous pouvons dire que l'atelier conte propose aux enfants
- un objet culturel transitionnel opérant au sein d'un espace potentiel.
- la permanence du cadre thérapeutique (dans ses repères spatio-temporels) crée une
confiance entre adultes et enfants. Cette dernière est nécessaire à l'installation d'un jeu
réciproque entre la réalité psychologique personnelle des enfants et leur libre utilisation des
contenus et des règles de l'atelier.
Le projet de cet espace thérapeutique est de réinstaller les enfants en souffrance dans ce cycle
décrit par Winnicott qui va "des phénomènes transitionnels au jeu, du jeu au jeu partagé, et
de là, aux expériences culturelles" (1973, 75).
8- La théorie de Lafforgue
Pierre Lafforgue, pédopsychiatre et psychanalyste, fut l'un des premiers à utiliser le conte
dans une optique thérapeutique à l’hôpital de jour « La Pomme Bleue » à Bordeaux.
Selon lui, le conte permet aux soignants d'arriver à penser et symboliser gestes et
déplacements lors des séances, grâce à un cadre bien précis. Par son contenu, il peut être,
pour l'enfant, un modèle d'organisation de pensée naissante.
Il présente également une hypothèse qui rend compte de notre intérêt pour ce travail
thérapeutique : "A l'intérieur des ateliers contes, pourrait s'élaborer pour des enfants
psychotiques une possible construction des structures de l'inconscient à la lumière des
contes" (1981, 12).
Pour Lafforgue, il s'agit « d'ateliers thérapeutiques dans leur fonction contenante et
organisatrice » (1995, p.141). L'atelier conte permet à des enfants en très grandes difficultés
d'émerger de leurs angoisses archaïques, de cheminer plus efficacement vers une
individualisation et de mieux élaborer psychiquement leur histoire personnelle.
Pour cet auteur, l'enfant va pouvoir progressivement repérer et attendre ce déroulement qui
part d'un manque, passe par une dégradation et une violence, pour se reconstruire dans une
réparation avec liquidation du manque selon le schéma suivant:
Manque
Dégradation
Violence
Liquidation du manque Réparation
Ce schéma indique que le conte possède une fonction « contenante », qu'il adoucit la violence.
Il va permettre à l'enfant d'utiliser sa pensée pour traiter les conflits présents dans le conte, en
les confrontant à ses propres conflits internes. Dans un cadre faible, le déroulement du conte
va laisser des traces permettant un élément de prévisibilité dès l’énonciation. Cette
organisation anticipatrice du conte va être très apaisante pour les angoisses psychotiques.
L’enfant psychotique va vite utiliser la structure du conte pour parler de ses conflits internes,
familiaux ou relationnels.
Avec son équipe de l'Hôpital de Jour LAFFORGUE s'est posé plusieurs questions que nous
pouvons résumer de la façon suivante :
- Comment l'enfant peut-il sortir de l'errance, de la confusion, du magma quotidien et
comment lui offrir un espace et un temps structurants et repérables dans leur fixité?
- Comment sortir du corps à corps, d'une relation en miroir où l'enfant s'aliène, nous capte,
nous vide, et essayer d'y introduire un médiateur?
- Comment sortir de l'agir, du quotidien pour offrir un espace transitionnel où la parole et le
geste prendraient sens pour ceux qui ont envie d'y jouer?
En guise de réponse, à la suite de plusieurs "tâtonnements", cette équipe s'est appuyée sur les
bienfaits du conte en créant des ateliers contes thérapeutiques.
9 - Guerin et Kaës : le conte comme « conteneur potentiel »
Selon Guérin (1982) qui développa une thèse sur la fonction « conteneur » du conte : « Le
conte transforme des affects et des objets non pensés, parce que destructeurs du penser lui-
même, en des représentations tolérables :davantage encore en représentations capables
d'engendrer des représentations » . (in Kaës & coll, 1984, p.11)
On parle alors de « conteneur potentiel ». En milieu thérapeutique, il s'agit de déterminer
comment le soignant peut être « contenant psychiquement. » C'est-à-dire qu'il puisse arriver à
penser, commenter, symboliser des gestes, contrôler la typologie de l'environnement en
précisant les oppositions binaires seules repérables au début par l'enfant.
Nous pouvons appeler cela la solidité de la fonction contenante du soignant. Pour Propp, qui a
découvert le caractère binaire de la majorité des contes, il est permis de penser qu'on peut
utiliser le conte pour traiter la non -différenciation de la fonction binaire chez le psychotique.
Le conte fonctionnerait donc comme un initiateur à la différenciation. La fonction de
conteneur potentiel du conte n'est féconde que lorsqu'il s'inscrit dans un cadre, un espace qui
« permet sa potentialisation » c'est-à-dire un cadre qui joue le rôle de « conteneur ».
Kaës cité par Guérin le définit comme « la fonction qui correspond au rétablissement du
processus psychique grâce au travail de transformation des processus destructeurs par un
contenant humain actif et apte à rendre possible cette métabolisation » (1984, 56).
En tant qu'atelier thérapeutique, l'atelier conte se veut être un cadre conteneur qui permettrait
de donner au conte toute sa valeur dans l'expérience de la vie psychique des enfants.
Kaës écrit "La fonction conteneur correspond au rétablissement du processus psychique
grâce au travail de transformation des processus destructeurs par un contenant humain actif
et apte à rendre possible cette métabolisation".
L'avantage réel de ce contexte se situe dans le fait de considérer simultanément:
- l'existence d'une capacité d'accueil de l'angoisse et d'une capacité transformatrice de
l'angoisse en sens.
Ainsi par ces deux aspects le conte peut être considéré comme un élément alpha potentiel (au
sens de Bion : la fonction alpha maternelle).
Par ailleurs nous pouvons postuler que cet élément ne pourra se révéler fécond que s'il existe
une fonction conteneur chez le sujet ou dans son entourage (soulignons que cela est valable
pour l'espace conte) capable d'en permettre la potentialisation. Dans cette condition peut
s'effectuer l'ancrage représentatif du conte, c’est-à-dire sa valeur symbolisante pour
l'expérience que le sujet fait de sa vie psychique.
II- LE GROUPE EN QUESTION
1 - La dimension groupale du conte
La fonction groupale du conte se situe à plusieurs niveaux. Elle s'inscrit d'abord dans sa
dimension sociale et culturelle: le conte est dit dans un groupe et s'adresse à un groupe. Il
représente également la réalité psychique du groupe, enfin il dit ce qu'il y a de groupalité en
chaque sujet.
Kaës (1984) explique que le conte vient du groupement et a une valeur de transmission
générationnelle. Le conte transmet non seulement une leçon de morale ou pédagogique et une
intégration au groupe par la loi de la norme. De plus, il communique un dispositif de
représentation, un schéma de conduite, un ensemble de signifiants disponibles, déjà là,
prédisposés pour le dire.
La vie fantasmatique du groupe appelle au désir inconscient de chacun dans un mouvement
circulaire de ses éléments groupaux: « ... le conte met en scène du groupe, en tous cas de la
groupalité, c'est à dire une forme et une structure de lien entre les objets constituant un
système apte à recevoir (par projection, par identification), à figurer (par symbolisation, par
déplacement, par diffraction et condensation) et à contenir des relations d'objets, des
scénarios fantasmatiques, des complexes, des figures de partition et de totalité, bref: du
pluriel organisé en ensemble par l’effet du désir inconscient. » (Kaës, 1984, p l74).
Le groupe va se reconnaître dans le scénario que le conte propose (ce dernier doit
correspondre à la problématique des sujets) et ceci à des niveaux intra et intersubjectifs.
L'histoire du conte pourrait donc être considérée comme un objet groupal qui cristallise
l'attention des membres du groupe. Elle peut également dessiner son espace groupal en
révélant soit une cohésion, soit un dérèglement psychique du groupe.
Comme nous venons de l'exposer, les contes ont des vertus thérapeutiques de par leur
structure narrative venant contenir les pensées de l'enfant, et leurs contenus qui abordent leurs
préoccupations existentielles. Les contes représentent la vie avec ses bonheurs et ses
malheurs, et permettent à l'enfant de dépasser ses conflits en s'identifiant à des personnages du
récit qui résolvent leurs problèmes.
Les contes participent au langage symbolique, et ont par leur contenu métaphorique, poétique
et ludique, le pouvoir de s'adresser à l'inconscient de celui qui les écoute. « Ils provoquent une
véritable alchimie réparatrice, restauratrice de l'imaginaire blessé ». (Salomé,1993, p9)
Enfin, les contes par leurs fonctions de: contenant de pensées, moyen d'accomplissement
fantasmatique de désirs inconscients, bain de langage, objet groupal, et outil venant alimenter
la formation de romans familiaux, aident l'enfant à se développer et à se structurer
psychiquement, tout en atténuant ses angoisses.
2- Les processus internes au groupe
Le groupe implique le remaniement de l'identité des individus donc des fantasmes de perte
identitaire qui font régresser les membres du groupe à des phases archaïques et en particulier
aux positions schizo-paranoïdes et dépressives décrites par Klein.
Ces angoisses archaïques sont d'autant plus intenses que le groupe est important (car moins on
peut se connaître, plus les menaces de perte identitaire sont fortes) et inorganisé.
Ces menaces suscitent toutes les formes d'angoisses archaïques comme : l'angoisse
d'annihilation et de vide (peur d'effondrement physique du groupe, silence...), l'angoisse
de morcellement (fantasme d'éclatement du groupe), l'angoisse persécutive (« on veut nous
détruire ou nous empêcher de fonctionner »...) et l'angoisse dépressive (« on est un mauvais
groupe, on arrivera à rien »...). Ces angoisses mobilisent les processus défensifs particuliers
comme le clivage, la projection, l'identification projective et la réparation.
Les identifications mises à mal par cette construction de l'identité groupale vont se réorganiser
à partir des identifications aux autres membres du groupe, sur le modèle des relations
spéculaires (identification en miroir, thérapeute inclus). Ce processus introduit une ré-
individualisation conduisant à reconnaître les différences entre les membres du groupe et dans
le même temps l'identité collective est conservée. Le groupe peut exister avec des membres
différenciés fonctionnant de façon homomorphe. Le groupe présente alors des capacités
d'entraide et de travail efficaces.
Dans les groupes thérapeutiques, il y a une élaboration possible de thèmes oedipiens.
Cette généralisation théorique de la vie affective et imaginaire des groupes permet une étude
de l'ensemble des phénomènes de groupe comme le leader, le bouc émissaire, les fantasmes
qui traversent les groupes (casse, homme-machine- dévoration - corps maternel...), ou encore
les types de transferts qui sont agissants (sur le psychothérapeute, sur les autres membres et
sur le groupe).
3- L’importance du cadre en thérapie de groupe :
Le cadre paraît inexistant et le patient n'en prend conscience que quand il vient à manquer ou
lorsqu'il change. Ce phénomène renvoie à la symbiose, qui de la même façon est muette et ne
se manifeste que lorsqu'elle est menacée de rupture. Cette permanence rappelle aussi le
schéma corporel, noyau fondamental de l'identité qui ne se met à exister que quand il est
perturbé. Le cadre est donc pour Bleger (cité in Chapelier 2000), dépositaire de la partie
psychotique (surtout symbiotique) de la personnalité en lien avec l'organisation la plus
primitive et la plus indifférenciée de l'individu, c'est la partie qui conserve la fusion « Moi-
corps-monde ». Ce lieu de non-processus qui renvoie au « non-Moi » du patient, monde
fantôme, est dépositaire de la partie indifférenciée et non résolue des liens symbiotiques
primitifs. Il étendra cette conception au cadre groupal et institutionnel.
Mais de quoi s'agit-il quand on parle de la fonction thérapeutique du conte en thérapie de
groupe ? Il s'agit du conte populaire parce qu'il est issu de la pensée collective (inconscient
collectif), stimulant, il gère les archaïsmes, propose des solutions acceptables, organise le
chaos, stimule l'intérêt et la curiosité.
Pour utiliser le conte en milieu soignant il faut, selon Lafforgue (1996) :
- un cadre pour penser
- un cadre pour écouter
- un cadre pour jouer
- un cadre pour parler
- un cadre pour recycler, réemployer les apprentissages conscients et
inconscients liés à la fréquentation du conte.
Dans l’ atelier conte, l'enfant est mis face à certaines angoisses que seul, et par rapport à sa
problématique, il ne pourrait gérer. Cet atelier est indiqué dans les cas d'enfants peu structurés
par exemple sur le plan de la personnalité, présentant des angoisses archaïques pour lesquels
le conte pourrait être utilisé dans sa fonction structurante. Il est également conseillé pour les
enfants ayant des difficultés à penser, à imaginer, à accéder au symbolisme, car il leur fournit
des bases pour penser. Selon Freud (1913), «les contes brodent sur des fantasmes en
procurant des fantasmes avec lesquels broder. »
Tous les ateliers travaillent sur l'enveloppe corporelle, mais l'atelier conte aide à sortir de la
confusion identitaire à travers l'identification aux personnages. Il permet aussi la structuration
des angoisses archaïques. C'est à ce niveau-là qu'il se situe au-dessus des ateliers à eau (de
type pataugeoire), dits régressifs, qui ont pour fonction de différencier les limites Moi-non
Moi, dedans-dehors.
Nous reprendrons également les quatre fonctions principales du cadre définies par Kaës
(1994, p. 95-96) :
-Une fonction contenante car si le cadre est « récepteur de la symbiose », par sa stabilité, il a
un rôle de contenance des objets internes et des processus psychiques qui se déroulent
pendant la séance
-Une fonction limitante, car le cadre assure la distinction entre le Moi et le « non-Moi »,
permettant ainsi la constitution d'une intériorité et d'une extériorité corporelles puis
psychiques. Le cadre est le garant de l'espace psychique individuel ou groupal
-Une fonction symboligène car le cadre contient une théorie de la symbolisation.
-Une fonction transitionnelle car frontière entre le Moi et le non-Moi, le cadre participe de cet
espace d'échange qu'a conceptualisé Winnicott.
4- Haag et Bion: les petits groupes analytiques
Haag (1987), s’est`appuyée sur les travaux de Mélanie Klein et des post-Kleiniens pour
fonder sa théorie de la psychose. Pour cette dernière, le traitement de la psychose consiste à
libérer, voire réparer les outils psychiques primordiaux ayant subis des traumatismes. Le but
du traitement serait de dégager les défenses normales des sujets qui sont empêtrées et
paralysées dans des déformations pathologiques et leurs conséquences.
Elle s`intéresse aux premières relations du nourrisson avec sa mère et s attache à approfondir
les premières étapes de la formation du moi corporel chez l'enfant.
À partir de ses observations cliniques, Haag en vient à modifier sa technique de prise en
charge des enfants psychotiques. Elle explique que la prise en charge individuelle peut être
source de confusion supplémentaire pour l'enfant et préconise un travail de groupe du moins
initialement. Elle précise que « l'effet groupal semble offrir d’emblée un équivalent du corps
maternel » et serait plus apte à contenir les angoisses archaïques. ( 1987, p 197).
Selon cette psychanalyste, le groupe doit reproduire la relation précoce mère nourrisson.
Celle-ci se caractérise par un dialogue incessant de la mère aux réactions corporelles de
l'enfant. Cette relation constitue un fond musical, un bain de langage qui aide peu à peu le
nourrisson à mettre des mots sur ses sensations, à organiser ses contenus psychiques, bref à
symboliser.
Dans sa pratique de petits groupes analytiques avec des enfants psychotiques, Haag a
remarqué que ce dispositif favorisait l'émergence de problématiques très archaïques. En cela
elle rejoint la pensée de Bion (1965): Plus le groupe est perturbé, plus les fantasmes et les
mécanismes primitifs sont visibles; plus il est stable, plus il correspond à la description
Freudienne du groupe comme répétition des groupes familiaux et des mécanismes de névrose.
Mais, même dans le groupe « stable » il faut chercher à atteindre la profondeur du niveau
psychotique et en démonter l’existence, bien que cela puisse entraîner une aggravation
temporaire de la « maladie du groupe ». »( p112).
Pour Bion (1965), les groupes font régresser les individus à des niveaux très archaïques
(phases schizo- paranoïde et dépressive). « L'adulte qui veut entrer en contact avec la vie
affective du groupe affronte une tâche aussi formidable que celle qu'affronte le nourrisson
dans ses efforts pour établir des relations avec le sein maternel, et l'insuccès de ses efforts se
manifeste par une régression. »(p. 95).
Il ajoute qu' « il faut s attaquer aux tensions qui appartiennent aux modèles familiaux et aussi
aux anxiétés plus primitives liées aux relations d'objets partiels. J'irai jusqu à dire que ce sont
ces dernières qui sont à l'origine de toutes les formations de comportement du groupe. »
(op.cit,p. l30)
Les individus aux prises avec les complexités groupales subissent une régression avec perte
de leur individualité propre ; dans cet état, chacun a la conviction qu'il existe une entité
groupe indépendante des individus qui la composent. Des relations fantasmatiques s'instaurent
alors, sur le modèle des relations du nourrisson avec le sein maternel (donc avec des objets
partiels) et apparaissent alors les Hypothèses de base pour protéger les membres du groupe
des angoisses psychotiques.
Du point de vue clinique, la position de Bion par rapport au groupe offre une technique
d'intervention qui quelquefois est d'une très grande utilité. Il conçoit le thérapeute comme
étant complètement impliqué au niveau du contre-transfert groupal, et sa fonction sera de
ressentir les émotions qui traversent le groupe, et puis de les rendre communicables.
5- Anzieu :Le modèle du rêve
S'appuyant sur le modèle de la théorie psychanalytique, Anzieu tente de mettre en place une
théorie générale de la vie affective des groupes. Ainsi, il propose un espace imaginaire
groupal, des principes de fonctionnement, des organisateurs, un processus d'organisation des
groupes et des aménagements de concepts psychanalytiques pour les appliquer aux groupes
(transfert, régressions...).
D'autre part, il propose l'idée que tout processus inconscient mis en évidence dans un champ
donné doit être expliqué dans plusieurs perspectives : dynamique, économique, topique,
génétique et fantasmatique. Nous pouvons citer l’exemple de l’illusion groupale. Il s’agit d’un
état psychique collectif où les membres du groupe sont euphoriques car ils se sentent bien
ensemble, et ils ont le sentiment d'appartenir à un bon groupe (thérapeute compris). Les
mauvais objets sont projetés à l'extérieur du groupe. Il y a en fait deux moments différents :
d'abord l'unité contre le bouc émissaire. Le phénomène du bouc émissaire est le premier
élément constitutif de l'identité du groupe, comme représentant le stade le plus archaïque de
différenciation. Dans les groupes thérapeutiques, c'est au thérapeute d'assumer ce rôle par
clivage du transfert.
En effet, selon l'expression de Anzieu, «Pour que le groupe puisse devenir le bon sein
introjecté, il lui faut donc trouver un mauvais objet sur lequel est projeté le mauvais sein
clivé» (1984, p. 76), le thérapeute tient alors une fonction maternelle de transformation des
mauvais objets projetés sur lui. Le phénomène du bouc émissaire configure l'organisation la
plus rudimentaire du groupe, donc la plus simple, qui fait passer d'un état fusionnel et
indifférencié à une fonction de tri par clivage, entre le bon et le mauvais, entre le collectif et
l'individuel.
On comprend que le bouc émissaire soit dans une position intermédiaire. En effet, il est dans
le groupe, car nécessaire à sa première organisation, et hors du groupe comme support des
projections de ce dernier. Organisateur du groupe, il en marque aussi l'enveloppe et la limite.
Puis l'indifférenciation groupale qui, selon une idéologie égalitariste, est la contrepartie des
angoisses archaïques, va générer des identifications primaires ou narcissiques.
Pour Anzieu, l'égalité ne peut être obtenue que par la « participation fusionnelle à un sein tout
puissant et autosuffisant de la mère vécue comme objet partiel. » (1984, p. 77) Face à la
menace visant le narcissisme individuel, l'illusion groupale répondra par la constitution d'un
narcissisme groupal, l'identité individuelle est alors remplacée par une identité de groupe.
L'illusion groupale apporte aux membres une confiance de base dans leur groupe, qui devient
un espace transitionnel au sens Winnicottien car il y a une confiance en une double continuité,
entre la réalité psychique interne individuelle et la réalité psychique interne au groupe. Cette
idéologie égalitariste affirme la similitude des membres entre eux,en niant les différences de
sexe, de génération…
Selon Anzieu, le groupe crée un espace imaginaire comparable à celui du rêve. «Le groupe
remplit une fonction d'accomplissement imaginaire du désir », c'est donc un espace
comparable à celui du rêve. Comme dans le rêve, on voit à l'oeuvre les processus psychiques
primaires (condensation, déplacement, figuration symbolique...) et les élaborations
secondaires qui réorganisent les éléments du processus primaire sous la forme de récits à
valeur mythique ou idéologique. Le groupe fabrique de l'illusion. Cet espace groupal cherche
à se créer sur le mode de l'image du corps, ou pour le moins à partir de métaphores
corporelles.
Ainsi, naturellement les membres des groupes informels se disposent en cercle ou en ovale,
métaphore souvent exprimée du corps maternel, d'un sexe féminin ou bien d'une bouche. Le
groupe peut donc être vécu comme l'intérieur du corps de la mère. Il apparaît ainsi des thèmes
d'exploration de la surface et de l'intérieur du corps, de naissance, de rivalité d'enfants à
l'intérieur du ventre maternel...
Nous allons à présent aborder les notions de contenance, d’enveloppes psychiques, de moi–
peau … , qui sont primordiales concernant le bon déroulement du développement psychique
chez l’enfant; nous allons voir qu’elles sont très présentes dans le cadre de l’atelier conte.
III- Une notion Primordiale : La contenance.
1- Bion : Le concept de rêverie maternelle
Selon Bion, l'enfant ne peut échapper à l'univers cataclysmique de ses premiers mois qu'en
projetant sur l'extérieur les persécuteurs qui l'envahissent. Il a nommé « capacité de rêverie»
la faculté de la mère à accueillir les identifications projectives du nourrisson.
Rappelons que c'est Klein qui a décrit le concept d'identification projective. Il est défini
comme : « le fantasme de projection de l’enfant à l’intérieur du corps maternel (le non soi)
pour le maîtriser, le posséder et éventuellement le détruire en voulant contrôler les mauvais
objets qui s’y trouvent déjà eux-mêmes projetés (pénis du père, excréments, autres enfants). »
(Bergeret, 2000,p.117)
Tout va dépendre de la nature de la qualité psychique maternelle et de son impact sur les
qualités psychiques du nourrisson. « Si la mère nourricière n'est pas capable de dispenser sa
rêverie ou si la rêverie dispensée ne se double pas d'un amour pour l'enfant ou pour le père,
ce fait sera communiqué au nourrisson, même s'il lui demeure incompréhensible » (Aux
sources de l'expérience, 1962b, p. 52).
La mère est donc un lieu de projection d'émotions incontrôlables et, parce qu'une partie d'elle
accepte d'être un « bon sein contenant », elle reçoit, métabolise et transforme ces éruptions
sensorielles, soulage le nourrisson et lui propose un matériel purifié qui pourra s'intégrer à son
self. Si elle n'est pas capable d'assumer ses fonctions intuitives d'écoute, de réception et de
contenant, les éléments bêtas dispersés se perdent dans le néant. Non retournés vers l'enfant,
ils le vident à la fois de son contenant et de son contenu. La trame du tissu psychique se
déchire et « l'activité de penser » ne pouvant plus éclore, l'être humain reste envahi par les
émotions primitives de la position schizo-paranoïde non dépassée.
L'ensemble du fonctionnement mère- enfant contribue à former le début de la pensée, et deux
mécanismes principaux entrent dans la formation de l'appareil à « penser les pensées ». Le
premier est représenté par la relation dynamique entre ce qui est projeté, un contenu et un
objet qui le contient, un contenant. Le second mécanisme est représenté par la relation
dynamique oscillante entre la position paranoïde- schizoïde et la position dépressive.
Le bon fonctionnement de la relation contenant- contenu entre la mère et l'enfant permet à ce
dernier d'intérioriser les bonnes expériences, et d'introjecter un « couple heureux », formé par
une mère dont la fonction contenante (fonction alpha) sert de réceptacle pour les émotions de
l'enfant, constituant le contenu, déposées en elle par identification projective. Cette fonction
est la source de l'activité de pensée, car « l'activité de pensée dépend de l'introjection réussie
du bon sein qui est, à l'origine, responsable de la performance de la fonction alpha » (p. 37).
Bion distingue en effet deux fonctions de la personnalité, la fonction alpha et la fonction bêta,
pour rendre compte de certains faits cliniques. La fonction alpha a pour but de transformer les
impressions sensorielles en «éléments alpha» servant à former la pensée des rêves, les
impressions de la veille et les souvenirs.
Les « éléments bêtas » par contre ne servent pas à penser, rêver ou se souvenir, et n'exercent
pas de fonction dans l'appareil psychique, mais sont expulsés par l'identification projective ;
les éléments bêtas prédominent chez les patients psychotiques présentant des troubles de la
pensée, une incapacité à former des symboles, ainsi qu'une tendance à agir et utiliser la pensée
concrète. La capacité de l'enfant de réintrojecter son angoisse devenue supportable est aussi
désignée par Bion comme une transformation des éléments bêtas en alpha.
Il décrit ces éléments comme deux barrières de contact (alpha et bêta) plus précisément :
La barrière d'éléments bêtas, clivés, fragmentés, projetés, détruits et destructeurs. Elle
fusionne « des morceaux de pensée et d'objets qui échappent au contrôle du penser »
(Anzieu & coll; 1993, 25). Par contre, l'écran d'éléments alpha à la fois requiert et rend
possible l'acquisition des distinctions de base de la pensée dedans/dehors, imaginaire/réel,
veille/sommeil. Il recueille et contient en les séparant les éléments psychiques qui
apparaissent. Il en fait des contenus psychiques, des pensées rendues pensables par un
appareil à penser qui s'organise à partir d’un "écran /contenant".
En fait, c'est la fonction contenante de la mère au premier stade de développement qui
fait office de fonction alpha. C'est-à-dire de transformateur des éléments bêtas en éléments
susceptibles d'être emmagasinés et qui sont alors des éléments alpha. Ce sont eux qui
permettent la formation de la pensée.
Selon Bion, la naissance psychique d'un sujet est tributaire de la mère, mais aussi de la
vie psychique de la mère ou plus exactement ce qu'il appelle sa "capacité de rêverie" laquelle
est inhérente à la fonction alpha.
La fonction alpha de la mère permet de détoxiquer les projections du bébé, qui pourra alors
réintrojecter des éléments alpha, dont l'accrétion permettra un jour la formation
d'une « barrière de contact » et l'avènement d'une fonction alpha personnelle. En fait, l'enfant
attend de la mère qu'elle joue le rôle de la fonction alpha à sa place.
Dans l'élaboration de la construction du Moi, le bébé doit avoir « le sentiment d'être contenu
dans un contenant, l'environnement maternant » (Ciccone & Lhopital, 1991, P.36). Ce
sentiment est fortifié par l'introjection de l'objet contenant. Par ce processus, l'appareil
psychique naissant de l'enfant, emprunte à l'objet extérieur sa fonction contenante, et du
même fait, construit sa limite intérieure.
L'atelier conte, par sa fonction contenante permet à l'enfant d'avoir le sentiment d'être contenu
dans un espace contenant. Dans ce modèle de construction du Moi, l'introjection de l'objet
contenant est préalable à toute autre introjection ultérieure.
Ce mécanisme constitue le sentiment de l'identité, la distinction entre interne et externe et
sous-entend l'individuation. Dans ce modèle explicatif, la construction et le développement
du Moi, dépendent de l'environnement maternant et de la qualité de sa fonction contenante
des identifications projectives de l'enfant.
À partir de ces données, Bion (1979) a montré que la mère allait être un « conteneur » de
l'angoisse de l'enfant. Cette capacité de la mère met en avant l'aspect actif de sa fonction
contenante. Ici, Nous pouvons nous demander si l’atelier conte ne peut-il pas être en tant
qu'atelier thérapeutique le lieu des identifications projectives où le cadre environnant jouera
le rôle de cette fonction alpha?
Dans ce sens, l'atelier serait alors un lieu d'une possible reconstruction et d'un développement
du Moi. Nous pouvons également établir un parallèle avec le conte lorsque Bion montre le
rôle contenant de la mère dans sa « capacité de rêverie ». Le conte serait alors un contenant
maternel proposé à l'enfant, ce qui lui permettrait de structurer sa pensée.
Tout comme la mère détoxique l'enfant, l'atelier conte permet d'atténuer les angoisses de
l'enfant, en lui proposant des solutions qui lui permettent d'appréhender plus facilement la
réalité.
En outre, en tant qu'atelier thérapeutique, l'atelier conte se veut être un cadre conteneur qui
permettrait alors de donner au conte toute sa valeur dans l'expérience de la vie psychique de
l'enfant.
2- Le contenant psychique comme filtre :
Cette idée d'un contenant psychique que nous venons de développer, filtre et abri capables de
métaboliser les premières sensations de l'enfant, a été étudiée par plusieurs auteurs post-
klenniens.
Dans la présentation du livre de Meltzer et collaborateurs, « Explorations dans le monde de
l'autisme - Étude psychanalytique », Haag (1975) fait une belle synthèse de cette fonction
maternelle présumée. La mère aurait d'abord un rôle de « pare-excitations ». Il ne s'agit pas
simplement d'une barrière physique externe qu'elle procure au bébé pour tamiser les stimuli,
mais d'« une certaine organisation-cohésion interne de la consensualité» (p. 4). Par ce terme,
Haag veut traduire cet échange indicible entre les sensations, émotions et perceptions de la
mère et celles d'un petit être qui attend, reçoit, agit, se défend et se détend, tout en ayant
besoin qu'on lui renvoie la multiplicité des stimuli en une forme verbale et gestuelle qui
prendra progressivement sens. Cette expérience avant le mot, mais déjà après l'impression
purement sensorielle, a fait l'objet de nombreuses dénominations, Outre « pare-excitations »,
on parle ainsi de «peau-psychique et de fonction-peau », de « contenant », de « manteau », de
« fonction alpha s'appuyant sur la rêverie maternelle », de « mamelon-dans-la-bouche », «
d'agrippement », selon qu'on se réfère à Bick, Bion, Meltzer, Tustin…
Haag (1975) souligne l'idée essentielle en écrivant: « Le problème est de ne pas réduire le
rôle de pare-excitations à l'effet satisfaisant, calmant, dans son aspect réduction des
tensions, mais d'y voir aussi l'aspect excitation focalisante, rassemblement, unification,
contention et organisation des soins maternels » (p.4 ). Bick (1968) apporte une contribution
intéressante en émettant l'hypothèse que le début de l'existence se caractérise « par une
absence de cohésion entre les parties du psychisme, elles-mêmes non différenciées des parties
du corps ». Le maintien précaire de ces zones indistinctes ne pourrait se faire que sur un mode
passif, grâce à l'enveloppe de la peau qui se comporterait comme un sac délimitant un espace
intérieur.
Si la fonction interne de « contenir les parties du soi » exigeait l'appui des sensations tactiles,
thermiques et douloureuses, elle ne pourrait être introjectée que dans la mesure où
s'interpénétreraient l'expérience faite par le bébé du mamelon maternel introduit dans la
bouche et celle de sa peau au contact du corps de la maman qui réchauffe, parle, maintient,
berce, nourrit et possède une certaine odeur. Un objet contenant devient ainsi ressenti,
intériorisé puis représenté et le bébé, accédant à la notion d'un intérieur du soi, peut déboucher
sur les mécanismes de projection et de clivage du soi et de l'objet. Cette idée sera reprise de
façon plus détaillée par Anzieu.
Bick explique le processus psychotique par un aléa de la fonction contenante. Selon elle, cette
fonction peut être endommagée par les fantasmes destructeurs du nourrisson ou non assumés
par le personnage maternel. Dans ce cas, une intégration ne peut pas apparaître et l'enfant
débouche sur plusieurs éventualités pathologiques. L'une est de substituer à l'introjection
normale une identification projective morbide continuelle. Sans véritable contenant, l'univers
est peuplé d'objets bizarres persécuteurs.
Une autre est de fixer son attention sur un seul objet ou sur une seule partie du corps qui
devient le lieu absurde mais nécessaire de l'unification. Une autre encore est de construire
une sorte de carapace, appelée par Bick (1968) une « seconde peau musculaire ».
Dans toutes ces hypothèses, les cliniciens veulent souligner l'importance fondamentale
de la réciprocité empathique maman-bébé. Sur ce point, il y a nettement un pas de plus par
rapport à la pensée kleinienne qui pressentait bien l'activité propre du nourrisson et le rôle du
soutien de l'environnement, mais n'envisageait pas l'interaction parent-nouveau-né comme
une véritable identification réciproque permettant à l'enfant d'avoir l'illusion d'une continuité
corporelle. Toute déchirure dans ce mouvement identificatoire primitif serait donc ressentie
comme une menace de perte de substance corporelle en même temps qu'une crainte effrayante
d'être emporté par ses propres tourbillons liés aux éléments « bêtas »..
3- Corps et psyché
La psyché de l'infans est donc d'abord en quête d'un espace contenant où elle peut s'enraciner,
se déposer et s'inscrire. Elle trouvera un objet externe contenant en la personne de la mère et
du corps à corps que le bébé a avec elle. L'introjection de cet objet sera expérimentée comme
une peau psychique, qui aura une fonction de délimitation d'un dedans et d'un dehors. La
construction du psychisme se fera selon une logique d'emboîtement et d'inclusions
réciproques, où les membranes ont des fonctions de différenciation, de filtre, d'interface...
La sécurité narcissique de base qui donne le sentiment d'existence s'appuie sur l'acquisition
des fonctions de maintenance et de contenance, repérées dans les caractéristiques du Moi-
peau ( Anzieu, 1985).
Cette sécurité de base signale la formation d'un Soi qui sera bientôt enveloppé par un Moi
grâce aux divers processus d'identification du sujet. Le Moi ainsi constitué prend une
configuration d'enveloppe qui sépare et relie le monde interne et externe.
Selon Anzieu, le Moi se place au centre du système psychique dans la plupart des cas, et
s'expatriera à la périphérie, sur l'enveloppe dans les états limites et même en dehors dans les
psychoses.
Cette conception topique du psychisme nous sera très utile pour comprendre les processus
projectifs à l'œuvre dans les pathologies, mais aussi dans le travail créateur de toute
élaboration mentale. Nous pouvons dire simplement que la psyché est en quête constante de
contenant, que le corps de la mère, puis celui de l'enfant, se préfigurent comme habitat
possible à une future identité de sujet.
Freud nous relate que l’un des principes fondamentaux de la psychanalyse est que « tout ce
qui est psychique se développe en constante référence à l’expérience corporelle. L’enveloppe
psychique dérive par étayage de l’enveloppe corporelle ».(Anzieu, 1985, p. 82) Le moi en son
état originaire correspond bien chez Freud à ce qu’Anzieu a proposé d’appeler Moi-Peau.
Le Moi acquiert le sentiment de sa continuité temporelle dans la mesure ou le Moi-peau se
constitue comme une enveloppe suffisamment souple aux interactions de l’entourage et
suffisamment contenante de ce qui devient alors des contenus psychiques.( op cit p.85)
Les cas dits limites souffrent essentiellement de troubles dans le sentiment de la continuité de
soi, tandis que les psychotiques sont atteints dans le sentiment de l’unité de Soi et que les
névrosés se sentent plutôt menacés dans leur identité sexuelle.
Il existe donc une notion psychanalytique du corps, nous évoquerons alors plutôt la notion
d'image du corps. À première vue, il semble que ce soit simple. Le corps, ça se voit, ça se
touche, c'est concret. Pour tous, le fonctionnement du corps porte un nom : vivre. Mais, il
existe l'évocation d'un autre lieu, l'âme, la vie psychique. En d'autres termes, cela signifie que
le corps n'est pas seulement un extérieur, mais qu'il existe aussi un intérieur.
Pour Anzieu, « le corps est le soubassement du psychisme » (1986,p.61). Ceci pour des
raisons relevant du système nerveux : sans cortex, les pensées n’existeraient pas. De plus, les
fonctions psychiques et les instances psychiques dérivent par étayage de fonctions organiques
(Freud in Anzieu, 1986).
Les versants physiques et psychiques sont peu à peu, intriqués, menant au corps vivant, avec
ses limites, déterminées par cette membrane-frontière qu'est la mère, « son intérieur et son
extérieur ».
Le corps est la dimension vitale de la réalité humaine, donnée globale présexuelle et
irréductible, sur ce quoi les fonctions psychiques trouvent toutes leur étayage. Ce n’est pas
hasard si la notion du corps, inventée par le psychanalyste viennois Schilder (1950) manque
dans le Vocabulaire de la psychanalyse de Laplanche et Pontalis (1968).
4- L’Image du corps :
La notion d’image du corps ne saurait se substituer à celle du Moi, tout en présentant
l’avantage de mettre l’accent en ce qui concerne la connaissance du corps propre sur les
perceptions des frontières de celui-ci. Les limites de l’image du corps ( ou l’image des limites
du corps) sont acquises au cours du processus de défusion par rapport à la mère et elles
présentent quelque analogie avec les frontières du Moi dont Federn ( 1952) a montré qu’elles
sont désinvesties dans le processus de dépersonnalisation.
Nous allons à présent définir les notions « d’image du corps »et de « schéma corporel » afin
de bien en saisir les différences.
Selon Dolto (1984), le schéma corporel spécifie l'individu en tant que représentant de l'espèce,
quels que soient le lieu, l'époque ou les conditions dans lesquels il vit. C’est le schéma
corporel, qui sera l'interprète actif ou passif de l'image du corps, en ce sens qu'il permet
l'objectivation d'une intersubjectivité, d'une relation libidinale langagière avec les autres qui,
sans lui, sans le support qu'il représente, resterait à jamais fantasme non communicable. Si le
schéma corporel est en principe le même pour tous les individus (à peu près de même âge,
sous le même climat) de l'espèce humaine; l'image du corps, par contre, est propre à chacun :
elle est liée au sujet et à son histoire. Elle est spécifique d'une libido en situation, d'un type de
relation libidinale. Il en résulte que le schéma corporel est en partie inconscient, mais aussi
préconscient et conscient, tandis que l'image du corps est éminemment inconsciente; elle peut
devenir en partie préconsciente, et seulement quand elle s'associe au langage conscient, lequel
utilise métaphores et métonymies référées à l'image du corps, tant dans les mimiques
langagières que dans le langage verbal.
L'image du corps est la synthèse vivante de nos expériences émotionnelles : interhumaines,
répétitivement vécues à travers les sensations érogènes électives, archaïques ou actuelles.
L’image du corps peut être « considérée comme l'incarnation symbolique inconsciente du
sujet désirant et ce, avant même que l'individu en question soit capable de se désigner par le
pronom personnel «Je», sache dire «Je».(Dolto, 1984,p.22).
C'est grâce à notre image du corps portée par - et croisée à- notre schéma corporel que nous
pouvons entrer en communication avec autrui. Tout contact avec l'autre, que ce contact soit de
communication ou d'évitement de communication, est sous-tendu par l'image du corps; car
c'est dans l'image du corps, support du narcissisme, que le temps se croise à l'espace, que le
passé inconscient résonne dans la relation présente.
L’image du corps est un processus symbolique de représentation d’une limite qui a fonction
« d’image stabilisatrice » et d’enveloppe protectrice. La fonction des limites rejoint
l’impératif d’intégrité. L’image du corps est située dans l’ordre du fantasme et de
l’élaboration secondaire, représentation agissant sur le corps.
À présent, il me semble important pour bien comprendre la partie clinque de
redéfinir les notions d’introjection, incorporation et identification projective. Le sujet fait
passer sur un mode fantasmatique, du « dehors »au « dedans » des objets et des qualités
inhérentes à ces objets.
L'incorporation est un mode de relation archaïque à l'objet qui tend à le faire pénétrer en soi,
demeurer en soi, au moins fantasmatiquement. Elle est à mettre en relation avec ce que Freud
décrit comme la satisfaction orale. Elle ne se limite pas à la succion, mais à l'absorption totale
de l'objet. L'incorporation est un modèle corporel de l'introjection, un processus essentiel
pour la constitution du moi lui-même, en tant que celui-ci se forme en se distinguant de
l'extérieur et en faisant pénétrer en lui ce qui est bon (Laplanche & Pontalis,1968).
L'introjection conduit à un élargissement du Moi, et met fin à la dépendance avec l'objet. Elle
produit un objet interne.
L'incorporation crée ou renforce un lien « imaginaire ». Elle est illusoire et produit un imago.
L'incorporation est nécessaire à l'introjection. Le passage de l'une à l'autre, du statut d'imago
à celui d'objet interne représentant l'essentiel du processus de soin analytique.
Nous pouvons établir un lien avec l'atelier conte, où le conte est incorporé (bouche), de la
même façon que le sein en tant qu'objet archaïque.
L 'identification projective apparaît sous trois formes. Celle qui consiste à:
- communiquer avec l'autre en lui faisant ressentir des émotions, des sentiments
incontenables, irreprésentables pour soi et être ainsi dépendant de l'appareil psychique de
l'autre.
- se débarrasser d'une partie de soi, de sentiments mauvais, mais aussi bons en les évacuant
dans l'autre et en les lui attribuant.
- en un fantasme dans l'autre, pour nourrir l'illusion d'être l'autre.
En fait, le commencement du Moi est défini par les premières introjections d'une autre entité
psychique. Elle est liée à l'expérience orale: introjecter le sein. Cette expérience
de « rassemblement » lors de la tétée, dorme au bébé le sentiment d'être contenu dans un
contenant. Il constitue le sentiment de base de l'identité et sous-tend l'individualisation et la
distinction entre espace intérieur et extérieur.
De la même manière, l'atelier conte permet ce « rassemblement » car il donne à l'enfant le
sentiment d'être contenu dans un contenant. Ceci, par le cadre de la séance, mais aussi par la
sécurité qu'apporte l'équipe soignante. L'introjection est un concept fondamental pour l'aide
qu'il apporte à la représentation même de l'appareil psychique. Ce terme a été introduit par
Ferenczi en 1909 en symétrie avec celui de projection. L'introjection est le fait de faire entrer
dans son Moi la plus grande partie du monde extérieur. L'introjection consiste, suite à une
expérience de rencontre et de liens avec un objet extérieur, à établir cet objet à l'intérieur du
psychisme.
C'est le lien à l'objet qui est introjecté et non pas que l'objet. Le terme d'introjection est donc
large. Ce n'est pas seulement l'intérieur du corps qui est en cause, mais l'intérieur de l'appareil
psychique (on parle d'introjection dans le Moi par exemple).
En psychanalyse, la limite corporelle est le prototype de toute séparation entre un intérieur et
un extérieur. Le processus d'incorporation se rapporte à cette enveloppe corporelle. Nous
allons à présent développer ce concept d’enveloppe.
5- Qu’en est -il de la notion d’ enveloppe ?
Le terme d'enveloppe est apparu chez Freud en 1920, mais il délaisse cette notion et
s'intéresse davantage aux instances : le Moi, le Ca, le Surmoi. Ce dernier perçoit le-moi,
comme un sac « englobant », une enveloppe, c'est-à-dire comme une interface qui est une
surface fermée (tel le modèle de la sphère).
Dans le texte « l'esquisse d'une enveloppe scientifique », il définit le Moi comme étant une
instance métapsychologique, en lui donnant la signification d'une structure contenante et
limitante.
Plus tard, Anzieu élaborera un concept général qu'il nomme « enveloppe psychique ». Ainsi,
il peut intégrer et synthétiser les apports psychanalytiques antérieurs restés fragmentaires :
« image du corps, relation contenant- contenu, peau- psychique ».
C'est donc Anzieu (1974 et 1976) qui est le premier psychanalyste à utiliser le terme
d'enveloppe pour décrire les structures frontalières qui nous intéressent. Jusqu'alors, les
psychanalystes se préoccupaient des contenus du psychisme et non de son contenant.
Dans le cadre de mon stage, l’atelier conte à justement attiré mon attention vers les structures
limitantes, enveloppantes et contenantes.
Il faut noter que l'enveloppe psychique comprend deux couches différentes dans leur structure
et leur fonction :
➝ La couche la plus externe, le plus périphérique, la plus durcie, la plus rigide est tournée
vers le monde extérieur. Elle fait écran aux stimulations externes. C'est le « pare-excitation ».
➝ La couche interne, plus mince, plus souple, plus sensible a une fonction réceptrice. Elle
perçoit des indices, des signaux, et permet l'inscription de leurs traces.
Il s'agit donc d'une pellicule et d'une interface : une pellicule fragile à double face, l'une
tournée vers le monde extérieur, l'autre vers le monde intérieur; une interface donc séparant
ces deux mondes en les mettant en relation (Anzieu, 1990).
a) Les caractéristiques de l'enveloppe psychique
❏ La Structure
L'analyse des contenus du psychisme dépend de l'élaboration du transfert. L'analyste, attentif
au transfert, perçoit l'enveloppe psychique comme une structure complexe qui ne se réduit
pas à un sac contenant les éléments du psychisme.
Les propriétés structurales peuvent se résumer ainsi :
- L'enveloppe psychique définit l'appartenance des éléments psychiques à un espace donné :
espace psychique interne, espace perceptif, espace psychique d'autrui.
- L'enveloppe psychique est connexe, c'est-à-dire qu'on peut joindre deux de ses points
quelconques par un trajet inclus en elle-même.
- Elle est compacte: elle peut recouvrir l'espace.
L'étude des premières relations d'objets ont conduit à faire l'hypothèse d'une constitution en
trois feuillets de l'enveloppe psychique pellicule - membrane – habitat.
Cette enveloppe psychique délimite une triple frontière
✷ une avec l'espace interne des objets externes,
✷ une avec l'espace interne des objets internes,
✷ une avec monde perceptif.
Les qualités de réceptivité et de souplesse de l'enveloppe psychique se situent au pôle
maternel. Les qualités de consistance et de solidité se situent au pôle paternel. Ces
caractéristiques attribuées au pôle paternel, peuvent se retrouver dans le conte qui réunit la
consistance et la solidité, par le cadre stable, limité et par l'équipe soignante structuré. Une
juste alliance de ces deux qualités constitue une enveloppe psychique ayant les qualités
plastiques requises (Anzieu, 1987).
Le prototype du contenant est le sein maternel. L'atelier conte en tant que lieu contenant peut
se situer en tant que substitut du sein maternel. D'un point de vue psychique, l'expérience du
sein comporte l'intériorisation d'un bon objet dans le monde interne et la constitution de
l'enveloppe psychique.
b) Les Fonctions de l'enveloppe psychique
L’enveloppe psychique possède :
Une fonction de contenance des objets internes qui évite l'éparpillement de ces objets.
Une fonction de pare-excitation de l'enveloppe.
Une frontière entre le monde extérieur et intérieur.
Des connexions de l'enveloppe avec les objets du monde perceptif par sa face externe avec
ceux du monde intérieur par sa face interne.
Une constitution de l'enveloppe par une différenciation de la surface du psychisme au
contact du monde extérieur.
Les fonctions de l'enveloppe psychique décrites ci-dessus sont à l'oeuvre au sein de l'atelier
contes qui permet de contenir, d'agir en tant que pare-excitation et de poser une limite entre le
dehors et le dedans. Nous retrouverons également ces fonctions dans les apports de
« contenant » (Bion), de « Peau-psychique » (Bick), et de « Moi-peau » (Anzieu) que nous
allons à présent aborder.
6- Le Moi-peau
Par la notion de « Moi-peau », Anzieu désigne « une figuration dont la Moi de l’enfant se
sert au cours des phases précoces de son développement pour se représenter lui-même comme
Moi contenant les contenus psychiques, à partir de son expérience de la surface du corps »
(1985, p.39). L’instauration du Moi-peau répond au besoin d’une enveloppe narcissique et
assure à l’appareil psychique la certitude et la constance d’un bien être de base.
Selon Anzieu ( 1985), le Moi-peau trouve son étayage sur les diverses fonctions de la peau. Il
nous signale trois fonctions :
➀ Le sac : qui contient et retient à l’intérieur le bon et le plein que l’allaitement, les soins, le
bain de paroles y ont accumulés.
➁ L’écran : L’interface qui marque la limite avec le dehors et maintient celui-ci à l’extérieur.
Il s’agit de la barrière qui protège de la pénétration par les avidités et les agressions en
provenances des autres, êtres ou objets.
➂ Le tamis qui représente le lieu et le moyen de communication avec autrui, d’établissement
de relation signifiantes mais aussi une surface d’inscription des traces laissées par ceux-ci.
La pensée est le sac qui contient des objets (les pensées), plus ou moins personnels, plus ou
moins secrets. Le « moi-sac » est la représentation d'un moi simple conteneur. (Anzieu & coll,
1993, p.28). La fonction contenante, quant à elle, est métaphorisée par un réseau de barrières
de contact. Penser, c'est cerner, encercler un domaine, établir dans la clôture des passages
qui peuvent être ouverts ou fermés. Ces barrières contrôlent la circulation des pensées et les
passages vers la conscience.
La deuxième fonction du Moi-peau (devenant un moi-pensant) est celle de contenance des
pensées. Elle dérive de l'activité corporelle « embrasser, être embrassé ». Le bébé trouve sa
sécurité à être dans les bras de sa mère, ce qui lui permet de séparer les représentations des
affects et de concentrer son attention sur la pensée des objets. Pour arriver à penser, il faut
soi-même avoir été « enveloppé » par un entourage qui pensait pour soi. L'objet doit être
investi avant d'être représenté.
L'atelier conte, par la sécurité qu'il met en place, permet d’entourer l’enfant qui pourra alors
penser pour lui.
La troisième fonction du Moi-peau est l'activité du contenir. Penser, c'est instaurer des limites.
Nous décrierons ultérieurement les fonctions du Moi-peau telles que les présente Anzieu.
De la même façon que la peau enveloppe le corps, le moi enveloppe le psychisme. Par
analogie avec le moi, la pensée enveloppe les pensées. À partir de cela, nous pouvons évoquer
la notion d'enveloppe psychique en tant que contenance.
Nous pouvons résumer quelques points primordiaux de cette enveloppe, à travers de l'ouvrage
collectif d'Anzieu (1993)
- un sac qui contient,
- un bord qui délimite un territoire fixe,
- une interface qui met en contact les deux réalités qu'elle sépare,
- une frontière qui filtre le passage,
- une sphère autosuffisante.
Ces caractéristiques sont présentes au sein de l'atelier conte, par son cadre spécifique.
7- Particularités du Moi-peau considéré comme interface
L'entourage maternant est appelé ainsi parce qu'il entoure le bébé d'une enveloppe externe
faite de messages et qui s'ajuste avec une certaine souplesse, en laissant un écart à
l'enveloppe interne, à la surface du corps du bébé : être un Moi, c'est sentir la capacité
d'émettre des signaux entendus par d'autres. "Cette enveloppe sur mesure achève
d'individualiser le bébé par la reconnaissance qui lui apporte la confirmation de son
individualité (..) Être un Moi, c'est se sentir unique" (Anzieu, 1985, 61). Avoir un Moi, c'est
pouvoir se replier sur soi-même.
Si le feuillet externe colle trop à la peau de l'enfant, son Moi est étouffé dans son
développement.
Si le feuillet externe est trop lâche, le Moi manque de consistance. Le double feed-back
observé par Brazelton (in Anzieu, 1985) aboutit à constituer une interface, figurée sous la
forme d'une « peau commune » à la mère et à l'enfant. Interface où d'un côté se tient la mère,
l'enfant étant de l'autre. La peau commune les tient attachés ensemble, mais selon une
symétrie qui ébauche leur séparation à venir.
L'interface transforme le fonctionnement psychique en système de plus en plus ouvert, ce qui
achemine la mère et l'enfant vers des fonctionnements de plus en plus séparés. L'étape
suivante requiert l'effacement de cette « peau commune » et la reconnaissance que chacun a
sa propre peau et son propre moi. L'enfant acquiert un Moi-peau qui lui est propre selon un
processus de double intériorisation:
* de l'interface, qui devient une enveloppe psychique contenante des contenus
psychiques (d'où la constitution, selon Bion, d'un appareil à penser les pensées),
* de l'entourage maternant qui devient le monde intérieur des pensées, des affects.
8- Fonctions du Moi-peau
Anzieu tente d'établir un parallélisme entre les fonctions de la peau et les fonctions du moi en
proposant l'hypothèse que toute fonction psychique se développe par appui sur une fonction
corporelle. «Le Moi-peau remplit une fonction de maintenance du psychisme ». Par cette
expression, Anzieu veut faire comprendre que le bébé intériorise peu à peu la manière dont la
mère porte son corps et confère ainsi un état d'unité et de solidité à la psyché naissante.
Il établi une grille comportant neuf fonctions du Moi-peau, nous ne reprendrons ici que celles
qui sont paraissent pertinentes en rapport avec notre étude :
✧ ✧ Le Moi-peau remplit une fonction de maintenance du psychisme. La fonction psychique
se développe par intériorisation du « holding » maternel. Le Moi-peau est une partie de la
mère (ses mains) qui a été intériorisée et qui maintient le psychisme en état de fonctionner.
"L'appui externe sur le corps maternel conduit le bébé à acquérir l'appui interne sur sa
colonne vertébrale" (Anzieu, 1985, 98). Cette verticalité prépare l'expérience d'avoir une vie
psychique à soi. Ce qui est en jeu ici, c'est l'identification primaire à un objet -support contre
lequel l'enfant se serre et qui le tient.
Grotstein (1981) a précisé « deux variantes dos » de l'enfant contre ventre de la personne
objet-support, ventre de l'enfant contre dos de celle-ci. Dans la première variante, l'enfant est
adossé à l'objet support qui se monte en creux sur lui. Il se sent protégé sur ses arrières, le dos
étant la seule partie de son propre corps qu'on ne peut ni toucher, ni voir. La seconde
position, celle de l'enfant allongé accolant le devant de son corps au dos de la personne
remplissant pour lui la fonction d'objet support, apporte à l'intéressé la sensation que la partie
la plus précieuse de son corps (ventre) est protégée derrière l'écran protecteur; pare-excitation
originaire, qu'est le corps de cet autrui mainteneur (Anzieu, 1985). On remarque que ces
positions sont adoptées par les enfants pendant la séquence du contage.
✧ ✧ Le Moi-peau possède une fonction contenante. Cette fonction est exercée principalement
par le « handling » maternel. Grâce à la mère, les décharges sans représentation sont rendues à
l'enfant sous la forme de « sensations-images-affects » intégrables. Par les contacts tactiles,
par l'enveloppe sonore de la maman, le bébé peut mettre en réserve les engrammes sensoriels
neutralisés par les soins aimants. La sensation-image de la peau comme sac est éveillée par
les soins du corps que procure la mère au bébé (Kaës, 1979). On distingue deux aspects de
cette fonction : le « contenant » (réceptacle stable, immobile, s’offre en réceptacle passif au
dépôt des sensations images, affects du bébé ainsi neutralisées et conservées.) ; et le
« conteneur » (aspect actif, correspondant à la rêverie maternelle selon Bion, à l’identification
projective)
✧ ✧ Le Moi-peau assure une fonction de « pare-excitation » en filtrant et modulant les
stimulations reçues. C’est « une structure virtuelle à la naissance qui s'actualise au cours de
la relation entre le nourrisson et l'environnement primaire » (Anzieu, 1985, 101). C'est la
fonction de contenance dévolue au premier feuillet de la peau psychique, qui a alors un rôle
protecteur de pare-excitation et de délimitation du dedans /dehors. TUSTIN (1972) décrit les
deux images du corps qui appartiennent à l'autisme primaire : le Moi-poulpe (aucune des
fonctions du Moi-peau n’est acquise) et le Moi-crustacé (carapace rigide qui remplace le
conteneur absent).
✧ ✧ Le Moi-peau assure une fonction d'individuation du soi qui apporte à celui- ci le
sentiment d'être un sujet unique. (Anzieu, p. 102).
✧ ✧ Le Moi-peau a une fonction d'inter-sensorialité. Par ce terme, l'auteur traduit le fait que
le moi-peau est une sorte de surface psychique capable de relier entre elles les sensations de
nature diverse et de les faire ressortir comme des figures distinctes sur un fond référentiel
commun. La référence de base se fait toujours au toucher.
✧ ✧ Le Moi-peau remplit la fonction de surface de soutien de l'excitation sexuelle, surface
sur laquelle la différence des sexes permet d'être reconnue. Une fonction de recharge
libidinale du fonctionnement psychique est aussi à l'oeuvre.
Toutes ces fonctions du Moi-peau sont gravement perturbées dans les psychoses infantiles.
La notion de Moi-peau s'inscrit dans ce développement de la personne comme un élément
essentiel de l'élaboration des contenus psychiques. Il fonde la possibilité même de la pensée.
C'est en ce sens qu'il nous semble essentiel de pouvoir contribuer à sa construction dans un
dispositif thérapeutique tel l’atelier conte.
9- Difficulté de construction du moi peau : L 'Identification adhésive
Les recherches de Bick (1968) et Meltzer (1967, 1975), proches de celles de Anzieu (1974),
les ont amenés à postuler qu'il existe un mode d'identification plus archaïque que
l'identification projective, et qui déclenche des réactions à la séparation spécialement vives . Il
s’agit de l'identification adhésive.
Dans l'identification projective, le sujet se met « à l'intérieur » de l'objet, tandis que dans
l'identification adhésive le sujet « colle » à l'objet, se met en contact « peau à peau» avec lui,
pour ainsi dire. Cela constitue un type de personnalité caractérisé par la superficialité et
l'inauthenticité (« pseudo-maturité»).
L'identification adhésive découle de l'échec d'une phase très précoce du développement, selon
Bick (1968), au cours de laquelle l'enfant a besoin de vivre une identification introjective à la
fonction «contenante» de sa mère. L'échec de cette introjection conduit certains enfants, en
particulier les enfants autistes, à manifester un besoin excessif de dépendance envers un objet
extérieur qui est utilisé comme contenant substitutif de leur self.
Il s'ensuit une intolérance extrême à la séparation d'avec cet objet extérieur, toute séparation
déclenchant la terreur d'une désintégration psychique, le sentiment de tomber en morceaux et
des troubles de la pensée. Dans son ouvrage « Explorations dans le monde de l'autisme »,
Meltzer (1975) décrit quatre types fondamentaux de relations d'objet qu'il situe chacune dans
une dimensionnalité correspondante de l'espace psychique.
Il postule également l'existence d'un espace unidimensionnel de non-séparation, dans lequel
espace et temps se fondent dans une dimension linéaire du self et de l'objet. L'idée qu'il
pourrait exister des modes d'identifications plus archaïques que l'identification projective
relance le problème de savoir s'il existe un état initial de non-différenciation entre le moi et
l'objet, comme le supposait Freud .
En fait, la défense par adhésivité consiste à s'agripper pour éviter la menace inhérente à
chaque expérience de séparation / individuation. L'identification adhésive produit un type de
dépendance dans lequel l'existence séparée de l'objet n'est pas reconnue. Elle supprime tout
écart, toute distance entre le sujet et l'objet.
Haag, donne un exemple en citant l'écholalie comme un symptôme de l'identification adhésive
dans le domaine du langage. Dans les séquences de contage et de jeu nous retrouvons ce
symptôme.
En référence à cette identification, Anzieu préfère parler de fantasme de peau commune à la
mère et à l'enfant.
Selon Anzieu, il s'agit de rétablir le fantasme d'une peau commune avec son voisin immédiat.
Ce fantasme peut être réactivé par le rapprochement physique. On observe dans les groupes,
le besoin de se rapprocher physiquement de son voisin, de le toucher, dos contre dos, corps
contre corps...
Nous pouvons établir un lien avec l'atelier conte qui permet de réactiver ce fantasme de peau
commune, les enfants cherchant le contact corporel aussi bien pendant le contage que pendant
le jeu.
De plus, Anzieu ajoute que l'autonomie croissante de l'appareil psychique repose sur ce
fantasme d'une peau commune à la mère et à l'enfant, sur la subdivision de cette peau
psychique en une surface d'excitation et une surface de signification et sur la construction
d'un appareil à penser les pensées.
10- La Notion de contenance dans l'atelier conte à visée
thérapeutique
La « fonction de contenance » est au premier plan dans l'approche de l'atelier conte. En effet,
par la fixité de son protocole qui est soutenu par un groupe de soignants, l'atelier conte se
présente comme un contenant pour les enfants.
De façon générale, la mère apparaît comme un contenant stable et immuable. Elle s'offre en
réceptacle passif aux dépôts des sensations- images du bébé, qui sont ainsi neutralisées sans
être détruites (Anzieu, 1990). Pour Anzieu, nous l’avons vu, la fonction de contenance est
de l'ordre du « pare-excitation ».
a) L'objet contenant optimal
Nous le savons, la relation d'objet occupe une place centrale dans le développement de la
personnalité, qui consiste en l'introjection des expériences émotionnelles dans le lien à l'objet,
dans l'intersubjectivité :. « Le développement psychique n'est possible que si le psychisme
trouve un objet contenant. Toute psyché à naître, tout enfant, est en attente d'une psyché qui
l'accueille » (Ciconne et Lhopital, 1991,p. 267).
L'objet contenant externe a un rôle fondamental dans la genèse de l'appareil psychique et
contribue activement à la construction du monde interne. « Même une fois introjecté, établi à
l'intérieur du psychisme, l'objet réel n'en est pas moins sollicité dans sa fonction
contenante » (op. cit., 61).
Klein insiste sur l'importance des relations à l'objet réel dans le développement de la psyché.
Pour Anzieu et Klein, le premier objet contenant est un objet optimal prototypique qui
englobe une entité sensorielle et émotionnelle : le sein maternel et toutes les expériences
sensorielles et émotionnelles qu'il procure.
Anzieu nous rappelle qu'il s'agit d'un sein apte à toutes les substitutions métonymiques: un
sein-lait, un sein-bouche, un sein-cavité, un sein-fèces, un sein-pénis, en un mot un contenant
qui se contient lui-même en même temps que le bébé. Ce sein maternel est défini par la
présence de l'objet maternant et toutes ses qualités qui participent au bien-être intérieur du
bébé (son odeur, son contact, sa parole, sa chaleur..). Par ailleurs, Houzel (1987) précise que
l'objet contenant externe est un contenant au sens d'attracteur, attirant le vie pulsionnelle et
émotionnelle du bébé, et non un récipient.
Bick (1968), quant à elle, a montré la nécessité de l'expérience d'un objet contenant avec
lequel le bébé puisse s'identifier, afin de se sentir suffisamment contenu à l'intérieur de sa
propre peau. Cela lui permet de supporter la séparation d'avec sa mère, et de protéger son
Self de l'effet désintégrateur qu'elle pourrait produire.
b) Les qualités de l'objet contenant
L'objet externe doit posséder des qualités afin d'assurer sa fonction contenante. Tout d'abord,
il doit posséder des limites concernant sa matérialité et sa capacité à focaliser l'attention sur
les expériences actuelles, c'est-à-dire avoir la capacité d'être psychiquement présent.
Ensuite, il doit être lieu de confort, abritant de toute stimulation inappropriée venant de
l'extérieur. Cela concerne les qualités sensorielles (chaleur, voix...) et émotionnelles
(disponibilité, sérénité... ).
Puis, l'objet contenant est caractérisé par l'intimité qui est le produit de l'histoire de la relation
entre contenant et contenu. Cette qualité est d'ailleurs inséparable de la qualité de confort.
Pour finir, l'objet contenant est défini par « l'exclusivité » et le « sentiment d'être unique ».
Toutes ces qualités se retrouvent dans l'atelier conte : les limites sont données par le cadre, le
confort et l'intimité sont apportés par le lieu mettant à disposition des coussins ou des
couvertures.
Par ailleurs, nous remarquons que Meltzer (1987), qualifie l'espace privilégié de la relation
mère/enfant de « serre chaude ». Dans cet espace protégé, l'enfant peut grandir et se
développer en sécurité. Il utilise le concept de « vie privée » pour rendre compte de cette
relation entre la mère et l'enfant très « retirée du monde » et protégée par le père. Cette
relation garantit la création d'un espace dans lequel peut grandir et se développer l'enfant.
Nous pouvons également ici établir un lien avec l'atelier conte où nous retrouvons ces
caractéristiques. En effet, il se présente comme un endroit clos, une « serre chaude », qui
permet à l'enfant de se sentir protégé, donc en sécurité afin de se développer.
Problématique :
Le conte est médiateur facile d’utilisation pour entrer en contact avec les enfants et maintenir
une relation de confiance ; il assure également une fonction de contenant qui m’a semblé
intéressante à exploiter. Aussi, nous avons exploré dans la partie théorique les différentes
théories sur le conte : Propp nous dévoile la structure des contes, Freud relate que les contes
servent l’accomplissement des désirs inconscients, Von Franz nous dit que ces derniers
traduisent l’inconscient collectif ; Bettelheim nous indique qu’ils aident les enfants à donner
sens a leur vie, Block nous montre l’importance du nourrissage à travers le contage…Nous
avons ensuite abordé les aspects thérapeutiques décrits par les travaux du docteur Lafforgue,
puis relaté le fonctionnement des thérapies groupales parmi lesquelles s’inscrit l’atelier conte
et enfin explicité la notion de contenance qui sera le mot clef de ce travail.
Le conte est en effet un instrument de médiation qui va aider les enfants en difficulté à se
structurer psychiquement. Dans l’atelier, il représente une médiation entre un thérapeute qui
accompagne, soutien, étaye, nourrit et soulage un enfant en souffrance, dont le mal être a été
identifié, reconnu. En ce sens, le conte apparaît comme un outil thérapeutique.
Comme nous l’avons vu, les diverses analyses concernant le conte et l’atelier conte
permettent d’affirmer que ces thérapies ont une fonction structurante et contenante du
psychisme. Le conte permet aux enfants de donner sens aux événements de leur réalité et
d’être face a des solutions pensables, et non plus face à un vide.
Nous emprunterons à Bion un effet de style en disant que le conte merveilleux est une très
belle alchimie pour « penser les pensées ».
L’atelier conte possède une fonction thérapeutique parce qu'il est contenant des angoisses
archaïques dont il théâtralise la représentation et également parce qu'il propose une rêverie
propre au merveilleux qui différencie le monde de la réalité et le monde du fantasme.
L'idée sur laquelle nous nous appuyons dans notre travail est que la vie psychique, avec la
pensée, va partir du lien corporel qui s'établit entre le bébé et sa mère, et ceci dès les premiers
jours. Ce lien physique s'accompagne d'emblée d'émotions, affects agréables ou désagréables,
mettant en jeu des traces mnésiques dans un travail de liaison puis de transformation qui va
très rapidement se mettre en place. Ces transformations ne peuvent avoir lieu qu'en présence
d'une mère « suffisamment bonne », capable de « rêverie », c’est-à-dire capable de mettre du
sens sur les signaux envoyés par le bébé. Nous faisons allusion ici à la fonction alpha de Bion.
L'avantage réel de ce contexte (l’atelier conte) se situe dans le fait de considérer
simultanément:
L'existence d'une capacité d'accueil de l'angoisse et d'une capacité transformatrice de
l'angoisse en sens. Ainsi par ces deux aspects le conte peut être considéré comme un élément
alpha potentiel (au sens de Bion et de la fonction alpha maternelle).
Dans l’atelier conte, c'est la rencontre émotionnelle avec le plaisir que cela sous-entend qui va
être source d'associations symboligènes. La naissance de la symbolisation témoigne de cette
articulation entre le corps et l'esprit où l'activité de parler vient se substituer à l'activité
physique mais gardera toujours dans son exercice la dimension sensible et corporelle où elle
prend sa source.
L'objectif principal est donc d' aider des enfants qui ont rencontré des difficultés au cours du
premier développement, de leur permettre de se dégager d' expériences douloureuses qui se
sont ancrées dans leur corps et d'accéder par là-même au symbolique qui est bloqué.
Hypothèse : « L’atelier conte, par son espace contenant et étayant , va permettre à l’enfant
de régresser et de faire l’expérience des limites de son corps. Sa fonction organisatrice va se
révéler être une aide structurante pour les enfants dont les relations affectives précoces ne
furent pas suffisamment « contenantes » au sens de Bion et l’atelier va leur permettre de
rejouer leurs conflits inconscients à travers les histoires contées, le jeu et le rapport à
l’autre ( adulte ou enfant). Le conte permettra une meilleure structuration des enveloppes
psychiques de ces enfants en vue de l’amorce de leur individuation. »
Dans l'atelier, notre visée est de proposer un cadre suffisamment sécurisant, contenant pour
que l'enfant se sente en confiance et se risque à affronter, à revivre ses angoisses de base:
angoisses archaïques inscrites dans son corps, si bien décrites par Tustin et Haag, angoisses
de chute (impression de tomber), angoisses de liquéfaction (peur de se répandre), angoisses
d'écorchage (peur d’être touché, sensation de peau arrachée, blessée).
Tout travail sur ces niveaux d'angoisse primitive permettra à l’enfant de reconstruire ses
enveloppes sensorielles et psychiques, mises à mal par des expériences négatives anciennes.
Le conte va alors pouvoir fonctionner comme un organisateur du chaos de ces sensations, de
ces images, en mettant en scène, sous une forme acceptable, des représentations liées aux
angoisses primitives. Il va jouer le rôle d'une parole tierce, venue d'ailleurs, faisant séparation
et permettant un remaniement au niveau de la structuration psychique de l'enfant.
Partie Méthodologie
I- Présentation du lieu de stage et l’atelier conte
J’ai découvert l’atelier conte à visée thérapeutique lors de mon stage long de DESS
dans un Centre de Guidance Infanto -Juvénile. Cette guidance se situe à Lavaur, petite ville
localisée à environ 45 kilomètres de Toulouse. La guidance est un service public qui dépend
du secteur pédo-psychiatrique. Cette unité fonctionnelle est dépendante de l’hôpital de Lavaur
et les divers professionnels y travaillent sous forme de traitement ambulatoire : l’enfant est
donc maintenu dans sa famille et les consultations (individuelles ou en groupes) ont lieu au
maximum trois heures par semaines.
Dans le cadre de mon stage, j’ai participé en tant qu’observatrice à deux « ateliers contes »
proposés par une infirmière psychiatrique et une orthophoniste. Je me suis plus
particulièrement intéressée au groupe des moyens, qui se composait de 4 enfants étant âgés
de 7 à 8 ans.
L’atelier conte est un lieu de soins qui est proposé sur prescription médicale aux
enfants et adolescents présentant des troubles de la pensée en lien avec une structure
névrotique ou psychotique. Les indications les plus fréquentes concernant les enfants
accueillis dans ces groupes thérapeutiques sont les suivantes : problèmes d’immaturité (
essentiellement des retards de langage oral ou écrit), des blocages concernant la lecture et
l’écriture, l’instabilité, l’inhibition, des troubles du développement… Dans le cadre de cet
atelier, l'enfant peut mettre en scène ses conflits inconscients, projeter ses désirs, ses
difficultés, sa souffrance. Plus rapidement et plus nettement qu'ailleurs il laisse apparaître les
désorganisations de sa personnalité, les dysfonctionnements de la communication. Cet effet de
miroir grossissant est classiquement associé à ce type de travail.
Le conte va fonctionner non seulement comme le révélateur d'une histoire personnelle
confuse, mal élaborée, enfouie dans l'inconscient, mais encore comme un stimulateur de
pensée provoquant des associations.
II - Naissance de l’atelier conte à LAVAUR :
L’atelier conte fut créé sous l’impulsion de l’infirmière psychiatrique et l’orthophoniste en
Octobre1988. Le balbutiement de l’atelier contes a résulté d’un simple constat : celui de
l’impact bénéfique que produisaient les histoires lues aux enfants. Par la suite, les animatrices
allant consulter des livres sur les contes à la bibliothèque d’Albi trouvèrent un dépliant
concernant un stage autour du conte et du contage animé par une conteuse (Agnès
Chavagnon) et décidèrent de s’y inscrire. Dans le cadre de ce stage, elles notèrent que la
majorité des inscrits travaillaient avec des enfants sur le plan éducatif ou psychothérapique.
Les enfants qui participent à l’atelier conte de Lavaur sont majoritairement des enfants ayant
subi des carences affectives précoces au niveau maternel : « un problème de nourrissage »
comme dira l’infirmière psychiatrique des carences familiales, un défaut de contenant et de
sécurité de base, des enfants en manque d’imaginaire…
Le groupe tel que nous allons le présenter, a été pensé dès le départ d’une façon singulière et
rien n’a changé dans le cadre, mis a part un ajout : un moment d’échange de « un quart
d’heure ». Ce moment d’échange fut instauré sur la base d’un constat clinique émis par les
thérapeutes de l’atelier conte : si les enfants en entrant dans la séance avaient quelque chose à
dire et ne pouvaient le verbaliser, ils ne pourraient se concentrer autour du conte. Les enfants
ont besoin de se décharger de leurs préoccupations avant de pouvoir se plonger dans le travail
autour du conte. On leur permet ainsi de se « décharger » de leurs soucis quotidiens.
III Les thérapeutes
L’infirmière psychiatrique et l’orthophoniste animant ce groupe reçoivent ensemble en
entretien préliminaire l'enfant et ses parents après que le médecin psychiatre ait proposé les
indications élaborées en synthèse en tenant compte des différents bilans effectués .
Elles vont énoncer le fonctionnement et les règles dont elles se portent garantes pour
permettre à chaque enfant de faire un travail psychothérapeutique individuel.
Les deux co-animatrices ont suivi la formation du docteur Pierre Lafforgue. En effet, à la
base, le dispositif de l’atelier conte, est le fruit de Pierre Lafforgue (1996), pédopsychiatre à
l’hôpital de la Pomme Bleue à Bordeaux. Ce dernier postule dans ces travaux que le conte
populaire, par sa structure et grâce à sa fonction symbolique, permet de restaurer la capacité
de penser, de susciter des associations, d’apprivoiser les angoisses archaïques, d’amorcer un
processus de maturation et de trouver la solution à ses conflits.
Les animatrices ont en effet participé à plusieurs week-ends de travail autour du conte avec
Pierre Lafforgue et également à un stage d’une semaine. Puis elles ont assisté à des rencontres
autour du conte avec divers praticiens ( Assistantes sociales, Orthophonistes, Educateurs,
Psychologues..)
En outre, une supervision de l’atelier conte a eu lieu pendant trois ans avec un psychologue
exerçant en libéral.
À la création de l’atelier conte, ces dernières ont mené de front un travail personnel pendant
un an avec pour but la recherche de contes et un questionnement sur le travail thérapeutique
concernant l’atelier.
L’élaboration du projet a reposé sur plusieurs objectifs :
✩ Le « nourrissage » : le besoin d’être nourri dans le sens d’un apport symbolique.
✩ De faciliter l’organisation interne et de proposer des identifications ( identification au
héros, a l’agresseur…).
✩ Apprendre à tenir compte de l’autre pour les enfants ayant des difficultés d’intégration
✩ Un travail de mémorisation (restitution orale des contes)
✩ Un travail de repérage entre le réel et l’imaginaire pour certains enfants .
✩ La Reconstruction du roman familial pour certains enfants.
✩ Les aider à comprendre quelque chose de leur histoire.
✩ À travers le jeu,.les pousser à revivre les émotions, les aider à maîtriser leurs affects et à
les verbaliser.
Après l'atelier, un temps de prise de notes (restitution du travail ) et d’échanges, d'associations
entre adulte, permet de réguler, exprimant les pensées autour de ce qui vient de se vivre,
d'ajuster les interventions auprès des enfants en tentant de repérer ce qui se passe pour chacun.
Ces éléments du cadre viennent proposer un repérage spatio-temporel, dans la relation à
l'autre et au groupe, et offre à l'enfant la possibilité de symboliser le conte finalement: en liant
les représentations de choses aux représentations de mots, c’est-à-dire en faisant émerger la
dimension pré-consciente par l'accession à des processus secondaires.
De là, les enfants peuvent métaboliser les fantasmes et désirs inconscients en récits structurés
du registre du symbolique et de la communication sociale.
IV Le conteur et ses deux aides:
Selon Lafforgue (1996) : « le conteur doit savoir nourrir le groupe avec le conte. Pour cela, il
est nécessaire que soient réalisées les conditions d'un « pacte narratif ». (p.54)
Le pacte narratif constitue un lien entre le conteur et l'auditoire, ce dernier est défini comme
« un contrat entre quelqu'un qui a envie de conter et quelqu'un qui a envie d'écouter ». En
général, le conteur utilise la réputation du conte d'être passionnant à écouter. L'enfant
psychotique au début n'attend rien du narrateur. Il l'agresse ou veut fusionner avec lui. Il n'y a
pas spontanément de pacte narratif, d'où la nécessité de créer un cadre pour communiquer le
contenu du conte à cet auditeur non attentif, passif ou instable. Cet enfant ne demandant rien,
il faudra au début le « perfuser », le nourrir, et pour cela adopter une technique appropriée.
Pour les tout-petits et les enfants sans possibilité de fixation et d'attention, il est nécessaire de
« les tenir avec les yeux ».
Dès que les enfants ont commencé à intérioriser les traces d'un conte, c'est-à-dire dès qu'ils
sont dans le pacte narratif, même s'ils sont disposés en ligne au début, ils vont spontanément
s'arranger en demi-cercle autour du conteur: c'est là le signe qu'ils ont dépassé la perfusion
passive pour l'interaction et l'intériorisation. Cela se passe toujours par le regard.
Le regard du pacte narratif est analogue à celui du nourrisson qui prend le sein ou le biberon
de lait dans le regard de sa mère. C'est un « portage » par le regard avec un écoulement sonore
liquidien en continuité. Formulettes et bouts-rimés rythment le conte pour entretenir cette
continuité musicale qui ressemble à une tétée. Quand on boit les paroles du conteur, c'est que
le conte est en train de devenir la bonne nourriture de l'atelier.
« Le conteur reste porteur de la métaphore du conte comme sein contenant » (Lafforgue,
1996 p.55)
L’auxiliaire du conteur pendant la durée de l'atelier essaie d'être simplement facilitateur. Il
fait partie du groupe auditeur: c'est à lui à soutenir le pacte narratif et à intervenir si c'est trop
difficile (si des débordements interviennent). Il n'y a pas de recette mais, Lafforgue constate
que plus les soignants ont l'expérience de la richesse du contenu associatif du conte, plus les
enfants sont disponibles à l'écoute.
V- Organisation du cadre :
À présent, nous allons présenter l’atelier conte : un cadre avec des règles et des rituels. Dans
cet atelier, le contenant est aussi important que le contenu.
a) Les règles et objectifs de l’atelier contes
Tout d’abord, les règles sont clairement évoquées en début d'année et répétées si nécessaire
afin d’assurer le bon fonctionnement du groupe. Les enfants savent qu'ils viennent écouter un
conte et, s'ils le désirent, le jouer. Les règles assurant un cadre à ce groupe étaient les
suivantes :
➯ Il n'est pas possible de quitter la pièce avant la fin de la séance.
➯ Chacun doit respecter l’espace et la parole de l’autre
➯ Jouer un conte, c’est faire semblant.
➯ Se faire mal et faire mal à autrui est interdit.
Les objectifs de l’atelier contes sont présentés aux enfants dès la première séance: ce travail
va les aider à mieux comprendre les idées qu’ils ont en tête, leurs difficultés, les peurs qu'ils
peuvent rencontrer.
Concernant l’hôpital de jour « la Pomme bleue » (1977), d'emblée s'est posée la
problématique du repérage du temps et de l'espace, repérage à offrir à « des enfants qui ne
sont nulle part et partout, hors-la-loi, éternels vagabonds, sans attache, si ce n'est dans une
confusion des corps et des êtres où ils se perdent sans pouvoir exister en tant que sujets » .
Très vite, est apparue, dans le cadre de l’atelier conte, une dimension thérapeutique : référence
tierce, répétition sécurisante, déroulement dans le temps d'une histoire et repérage des
éléments de cette histoire, obligation de s'extraire de sa problématique pour investir le jeu, de
rôle et une dimension sociale: référence au théâtre, au spectacle offert aux autres avec la
nécessité d'une écoute en groupe.
b) Les rituels et les espaces « ritualisés »
La salle de psychomotricité où se déroule l’atelier conte est préparée de façon identique avant
l’arrivée des enfants. Deux matelas sont placés en forme de « L », de nombreux coussins
(gros et plus petits) sont mis à la disposition des enfants afin que l’environnement soit
confortable et doux; que les enfants puissent se sentir dans un lieu contenant et s’autoriser à
y régresser paisiblement. Un banc est placé en face d’un des matelas, c’est sur ce banc que se
positionnera la conteuse avant la fin de la séance pour raconter. À droite de la salle se trouve
également un pouf. Sous le banc se trouve dissimulée dans un sac en velours une maraca
utilisée pour accompagner la ritournelle.
Espace contage
Espace jeu
En ce qui concerne la délimitation des espaces, une partie de la pièce est réservée à la parole,
au contage, à la réalité; tandis qu’un autre espace est destiné au jeu et à l’entrée dans
l’imaginaire.
Les rituels ont un rôle capital dans l’atelier conte : Nous allons nous attarder sur ces derniers
qui assurent la fixité, la stabilité et la contenance de l’atelier ainsi que la signification des
espaces.
Les rituels ont un caractère ludique et magique, et permettent à l’enfant de se situer dans le
temps et dans l’espace.
♦ Le rituel du « bonjour » et de « l’au revoir » a lieu à chaque début et fin de séance. À ce
moment précis, chaque enfant du groupe envoie un coussin en disant « bonjour » ou « au
revoir », puis en mentionnant le prénom de la personne à laquelle il souhaite s’adresser. Ce
temps a pour but de renforcer la cohésion du groupe et d’y reconnaître la place de chacun.
♦ La moquette : l’espace imaginaire :
L’atelier a lieu dans la salle de psychomotricité, où de la moquette recouvre une
grande partie de la salle. L’espace « moquette » représente l’espace imaginaire où les enfants
jouent les contes et ce qui est au-dehors, représente le réel où a lieu la discussion. L'espace de
jeu est bien différencié de l'espace de parole. C'est l'autre scène, celle où l'imaginaire se
déploie, où l'enfant peut "broder". C'est le lieu de l'émotion (plaisir, angoisse), de l'éprouvé,
de la surprise ... C'est le lieu de l'interaction avec le jeu de l'autre: autre enfant, ou autre adulte
avec l'effet que peut avoir le rôle tenu par un adulte.
♦La discussion qui suit le jeu a pour but de marquer la transition entre et l’imaginaire et le
réel.
♦ La maraca et la ritournelle : Deux coups de maracas et la ritournelle : « et cric et crac mon
conte sort du sac » marquent le début du contage et l'entrée dans le monde du merveilleux. La
présence d'un rituel « formulette », embrayage du conte, est une sorte d'indicatif d'émission de
l'atelier.
La fin du conte et le retour au réel sont symbolisés par deux coups de maraca accompagnés
de « et cric et crac mon conte entre dans le sac ». Ce rituel associe un caractère auditif et
visuel puisque la ritournelle est accompagnée gestuellement : le conteur fait entrer la maraca
dans un petit sac d’où il l’en a sorti.
On remarque dans l’atelier que plus les enfants sont jeunes ou désorganisés dans leur
psychisme, plus ils sont attachés aux ritournelles. C’est le cas de Louis dont nous allons
présenter le suivi à la guidance : ce dernier répète la ritournelle en souriant, cette dernière
semble le rassurer, lui assurer une certaine stabilité dans le temps et dans l’espace.
Les bouts-rimés, parfois chantés, permettent aussi de repérer le conte et de gérer certaines
angoisses associées aux archaïsmes contenus. C'est un bon moyen pour les enfants
désorganisés de maîtriser et capter les angoisses et d'intérioriser le conte.
Lafforgue (1996), suggère que les formulettes et les bouts-rimés sont les objets transitionnels
du conte. Entre le conteur et l'enfant il n'est pas question de les escamoter, les bricoler, ou les
interchanger. Ils restent immuables et inusables.
La formulette véhicule un conteneur de pensée en quête d'un penseur, dirons-nous en
paraphrasant Bion. La formulette est l'objet transitionnel du conte. Elle n'appartient ni à
l'enfant, ni au conteur, mais elle fait circuler un plaisir communicable de type « rêverie
maternelle » contenante et apaisante dans laquelle on peut projeter les angoisses internes
inhérentes à la vie. (op. cit p.156).
Certains enfants ne peuvent s'endormir sans leur « doudou » ou nounours, objet transitionnel
à toucher ou à sentir. De même l'enfant ne pourra écouter tel conte si on a ôté la formulette,
ou le mot sauvage qui le marque. La poésie qui accompagne la formulette rend l'enfant
récepteur d'un message merveilleux permettant à son équipement psychique de fantasmer
autour des traces musicales ou les rythmes poétiques.
VI- Déroulement d’une séance type
Au CMP, les ateliers contes se déroulent au rez de chaussé de la guidance ( qui est en fait une
petite maison).
Les séances dans l’atelier se déroulaient toujours selon quatre temps :
➯ L’entrée dans la séance où les enfants et les adultes se disent « bonjour » par la médiation
d’un petit coussin jaune que l’on s’envoie.
➯ Un temps où les enfants verbalisent librement (au sujet de leur semaine, de certains
événements de vie… ) .Puis ils essaient de restituer le conte raconté la semaine précédente,
d’en retrouver le fil conducteur.
➯ Un temps où le conte est joué ( sans utiliser de médiateurs ou de costumes) et où chaque
enfant choisi son rôle. Le choix du rôle est libre, mais les thérapeutes peuvent inciter un
enfant qui « s’enkyste » dans un rôle à en choisir un autre et également à inciter l’enfant à
choisir un rôle qui le poussera à se confronter à sa problématique.
➯ À la fin du jeu, une discussion est lancée sur le thème du conte, les thérapeutes se servent de
la trame de ce dernier comme support pour permettre aux enfants de verbaliser leurs peurs,
leurs désirs, leurs angoisses, leurs fantasmes…
Ensuite, sachant que la séance ne dure que trois quart d’heure, s’il reste du temps, le conte
peut être rejoué.
➯ Un temps de « contage » où l’infirmière psychiatrique et l’orthophoniste qui animent cet
atelier racontent un conte à tour de rôle.
➯ Pour finir, la sortie de la séance par l’envoi du petit coussin jaune dans l’ordre du rond
constitué par les enfants. Le coussin est envoyé dans les deux sens pour se dire au revoir ;
puis c’est le départ des enfants.
VII- Le choix des rôles:
Les enfants relatent les personnages constituant le conte puis choisissent d’interpréter un rôle
voire plusieurs. Les rôles représentent l'expression du désir de chacun. Il peut y avoir
concertation et discussion quand plusieurs enfants veulent avoir le même rôle; paroles entre
enfants, avec l'intervention des adultes.
Le choix du rôle et la possibilité ou non de l’interpréter en fonction d’autrui est également un
bon indicateur concernant la tolérance à la frustration. Il arrive que certains enfants restent
fixés à un rôle, à nous de poser les hypothèses sur le pourquoi de cette fixation (peut -être est-
ce en rapport avec la problématique de cet enfant ; ce dernier a t’il peur de l’inconnu…).
Il arrive que l’enfant soit tellement frustré de ne pas pouvoir jouer le rôle de son choix qu’il
décide de ne pas jouer. Dans ce cas, nous essayons d’orienter ce dernier vers un autre rôle et
s’il décide fermement de ne pas jouer, nous respectons son choix.
En outre, il semble parfois pertinent de suggérer à un enfant de tenir un rôle par rapport à
l'analyse qui a été faite de ce qui se travaille pour lui.
VIII- L'après- jeu
Le temps de discussion proposé en fin de jeu aux enfants permet que se projettent les affects
et fantasmes suscités par l'atelier, en associant librement en groupe sur la séance ou plus
individuellement. Ce travail permet de collecter les associations et les émotions liées au conte
entendu et, une fois joué, le conte va être parlé : A quoi leur fait il penser, qu’ont ils
ressentis ?
Nous demandons selon le thème du conte : « Est-ce que c’est dur de partager, ? », « est-ce
difficile de grandir, ? » ; « est-ce triste que la maman soit morte dans le conte Jeannot et
Margot ? ». Les thèmes existentiels sont exploités.
IX- La régulation:
Les adultes effectuent immédiatement après l’atelier un travail de régulation d’une demi-
heure, à partir des productions des enfants. Il s’agit d’analyser, de penser et d’associer sur les
productions, les commentaires, les silences ou le jeu des enfants.
La régulation représente une mise en ordre, une émission d'hypothèses, de questions. Cette
première régulation est pour les soignants organisatrice et détoxicante. Elle permet de mettre
de l’ordre dans nos pensées et de « décharger » les tensions vécues pendant la séance.
Nous relatons le déroulement de la séance, les attitudes, les angoisses et les régressions des
enfants, ainsi que nos impressions.
Nous analysons ainsi, pour chaque enfant, le travail accompli en nous centrant sur les
relations émotionnelles liées au conte dans l'écoute et dans le jeu, les attitudes corporelles
dans l'espace, l'emploi du langage, la place de l'enfant dans le groupe et ses relations avec
ses pairs, la dynamique relationnelle avec les adultes (sa capacité de se séparer ou la
recherche de proximité).
Nous essayons de noter la progression entre chaque séance, en regardant les changements de
rôles, les évolutions au niveau de la verbalisation. Nous pouvons ainsi poser des hypothèses
de travail, à solliciter dans les séances suivantes tout en tenant compte de la problématique de
chaque enfant. Par exemple, nous avons cherché un conte traitant de la question maternelle,
car nous avons constaté que les difficultés de deux enfants du groupe se situaient autour de
cette question. Un des enfant placé en famille d’accueil, avait une maman psychotique et
Louis se montrait très fusionnel avec sa mère, cette dernière étant percluse d’angoisse. Aussi,
la question maternelle fut travaillée par le biais du conte. Notamment les contes de Jeannot et
Margot.
Par ailleurs, il me semble qu’un des objectif principal de cette régulation est de bien ajuster la
distance des interventions des animatrices, c'est-à-dire donner aux enfants le temps de
s'approprier l'histoire, leur laisser la possibilité de jouer ou non un rôle, être vigilantes à ne pas
anticiper leurs réactions. Il s'agit, de fait, d'une réflexion constante sur la pertinence du cadre
qui est offert.
Il est nécessaire d'être bien concentré sur l'ici et maintenant de la séance pour avoir une réelle
disponibilité psychique à ce qui s'y vit, ceci tout en étant capable d’établir des liens de sens
entre ce que nous savons de l'histoire de l'enfant et ce qu'il joue dans l'atelier.
En outre, ce travail de régulation permet aux animatrices de réfléchir au conte qu’il serait
opportun de raconter la semaine suivante. Quel type de conte est-il pertinent de raconter au
moment de l’histoire du groupe ou à un moment de l’histoire d’un enfant…
Il est également pertinent de repérer l'alternance du choix des rôles, l'appropriation des
thèmes, le jeu des interactions, la modification des comportements. À la fin de l'année
scolaire, un bilan est réalisé concernant l'évolution de chaque enfant et les réactions induites
par le conte proposé.
X - Ma place en tant qu’observatrice
La présence d'un observateur dans les ateliers de La Pomme bleue est issue de l'expérience de
l'Infant Observation d'Ester Bick. J’ai occupé le même rôle dans le cadre de l’atelier conte de
Lavaur.
D'un commun accord, nous avons décidé avec l’infirmière psychiatrique et l’orthophoniste,
que j'observerai, me mettant un peu à l'écart et prenant des notes pendant le déroulement des
séances.
En tenant le rôle d'observateur, j'étais à l'écoute, sans m'immiscer et sans interférer dans la
situation observée. Mon observation consistait à recueillir les faits sans interprétation, de
façon objective, dans le but d'une compréhension ultérieure lors de la régulation de la séance.
Cette observation « participante à minima» peut être en effet comparée à la méthode crée par
Esther Bick (1964) intitulée « Infant Observation ». Cette pratique consiste en une
observation (une heure par semaine pendant deux ans) d'un nourrisson et de sa famille dans
leur environnement quotidien.
Cette méthode d'observation hebdomadaire d'un bébé dans sa famille pendant deux ans avec
un séminaire de régulation a été introduite en Angleterre dans le cursus de formation des
thérapeutes d'enfants et des soignants de la petite enfance. Des extensions de cette méthode
ont été appliquées à l'observation d'enfants autistes, aux soins à domicile et à la prévention en
salle d'attente de P.M. I. (protection maternelle et infantile). C'est une observation participante
à minima, mais qui se veut objectivante donc totalement différente des observations dites
éthologiques ou psychanalytiques de groupe peut-être plus connues.
L'observation du nourrisson et de son entourage, en premier lieu de la relation mère-enfant,
expose inévitablement l'observateur à des dynamiques psychiques précoces et intenses et le
met dans la position d'un contenant confronté avec des contenus émotionnels souvent
inattendus, toujours complexes, et parfois douloureux.
À Toulouse, actuellement, la majorité des conférenciers et les animateurs d’ateliers illustrent
par une présence inhabituelle dans les colloques scientifiques la vertu d’une telle méthode :
simplicité, chaleur et restitution authentique de l’émotion évoquée. Cette expérience
initiatique semble bien, à travers la multiplicité des champs d’application des différentes
interventions, favoriser avant tout l’émergence d’une théorisation vraie, c’est-à-dire enracinée
dans la pratique de l’observation directe et signature de sa métabolisation féconde après coup.
Or, comme le font remarquer Geneviève et Michel Haag à une époque où la recherche est
démesurément préorientée – à l’instar de l’exploration des «performances» du bébé – «une
méthode qui ne se met pas d’œillères prédéterminées est précieuse». Elle permet sans doute
aux professionnels de l’enfance de se distancier de la chasse sémiologique où l’observateur se
focalise sur des signaux correspondant à son attente et à contrario de s’ouvrir “pour se laisser
simplement emplir”.
Dans le cadre de cette méthode, l'observateur, sensibilisé à la réception de la qualité des
relations interpersonnelles et des émotions qu'exprime le comportement du bébé et celui des
membres de sa famille, apprend à trouver la juste distance, celle qui permettra à son oeil qui
voit, qui touche et qui écoute, d'assumer une fonction de contenant pensant et métabolisateur
des mouvements visibles et invisibles des interactions. Il apprend à être ouvert à leur impact,
et à tenir compte aussi de sa propre présence dans le contexte observé.
L'observation ainsi conçue requiert une disponibilité continuelle, et courageuse envers
l'inconnu. L'inconnu, il est vrai, peut susciter de l'anxiété, mais, si nous sommes prêts à lui
faire face, notre attitude nous permettra de faire des découvertes qui porteront à leur tour à
l'élargissement, la flexibilisation et la perméabilisation de notre capacité d'observation et de
réflexion contenante. (1994, Maiello)
Bick, qui supervisait le travail des étudiants au cours de séminaires hebdomadaires;
préconisait dans sa méthode deux règles essentielles pour l'observateur : recueillir des faits
libres de toute interprétation et n'être seulement que receveur.
Dans le cadre de l'atelier conte, l'observateur est « neutre ». La technique que j'ai utilisée pour
mon observation était celle du papier crayon. Les enfants savaient que je ne participais pas au
jeu et que j'étais là pour les écouter et les regarder travailler.
L’observateur ne dit rien pendant le déroulement de l'atelier, il ne participe pas à
l'organisation dans la réalité. Il est assis toujours à la même place. S'il est questionné par les
enfants, il répond à minima « qu’il écrit pour aider à comprendre ce qui se passe et pour
travailler avec les soignants dans la régulation ».
Il note la dynamique groupale : les commentaires des enfants, les projections, les
déplacements, les positions, la lecture corporelle (c’est-à-dire les émotions qui s'expriment par
le canal de la mimique et du geste). Les prises de rôles sont également notées dans un tableau
où est indiqué pour chaque conte les rôles choisis par les enfants lors de chaque séance.
Ensuite, on note tout ce qui pourra prendre sens dans la discussion de l'après –coup.
La position d'un observateur permet de saisir le maximum d'information, ce qui est plus
difficile pour les autres adultes physiquement plus impliquées dans l'atelier. De plus,
Lafforgue ajoute que « le rôle focalisateur et rassemblant de l'observateur s'ajoute
à la fonction contenante du groupe et à la fonction conteneur du conte » ( 1995, p. 59).
Je m'attachais donc à noter la dynamique de groupe, en me centrant sur tous les modes
d'échange que chaque enfant pouvait utiliser. Je m'intéressais aux comportements et à
la gestuelle des enfants, à leurs commentaires verbaux et à leurs constructions langagières,
ainsi qu'à leurs projections et à leurs émotions liées aux identifications lors du conte ou du
jeu.
Cette position d'observateur en retrait n'était pas toujours évidente à tenir :
- Le fait que je sois à l'écart du groupe en prenant des notes a suscité des questionnements de
la part des enfants : « qu’est-ce que tu écris ? », « a quoi cela va servir ? », « qui va lire ses
notes ? » et également des réticences : « Je ne veux pas qu’on lise ce que tu as écris » .
- En outre, j’ai eu l’occasion de voir « en individuel » deux enfants du groupe et Louis en
particulier faisait de temps en temps référence à nos rencontres, les échanges de regards
n’étaient donc pas aussi neutres que si je ne l’avais pas rencontré et, il essayait régulièrement
de s’adresser à moi…
Par ailleurs en tant qu’observatrice en formation, et sans a priori, j'ai eu un regard plus libre
qu'un théoricien chevronné, je n’avais pas d’à priori étant donné que l’atelier conte à visée
thérapeutique était une expérience clinique inédite pour moi et de surcroît, je ne connaissais
pas les enfants en entrant dans le groupe. J’ai découvert leurs histoires et eux-mêmes au cours
de cette année de stage.
Mes observations travaillées lors de la régulation sont venues apporter des éléments qui
avaient pu échapper aux animatrices du groupe. Ces notes m'ont également servi pour la
réalisation de cette recherche.
Au travers de ces notes et des séances de régulation nous avons pu mettre en évidence les
évolutions des enfants sur le plan de leur dynamique relationnelle dans le groupe, de leur
langage, et de leur construction psychique.
Nous allons à présent, par le biais d’une approche clinique, aborder l’étude de cas de l’enfant
que j’ai suivi au cours de ce stage.
Partie Clinique
Etude de CAS
I- Présentation des différents bilans effectués avec LOUIS
Louis né le 13/05/1994 :
Louis est un garçon âgé de huit ans qui est suivi à la guidance de Lavaur depuis l’âge de 4
ans. Il a bénéficié cette année d’une prise en charge individuelle en psychomotricité et d’une
prise en charge groupale dans le cadre d’un atelier contes. Il est également suivi par le
RASED.
Louis est un enfant de taille normale mais présentant une surcharge pondérale. Le
premier examen réalisé par la pédopsychiatre le 19 Février 1998 indiquait les motifs de
consultations suivants:
⇒Refus à l’école
⇒Phobies
⇒ Problèmes de langage
Louis a un frère né en 1987 qui a également été suivi au CMP. On note que sa mère a fait
deux fausse-couche à 3mois et demi entre les deux enfants et qu’elle fut très angoissée
pendant la grossesse de Louis. En outre, elle fit une dépression post-partum.
Louis est décrit comme ayant été un bébé facile. Il se réveillait une fois par nuit, mais se
rendormait vite.
Je note d’emblée le comportement particulier de cet enfant qui ne se fixe pas (ni son regard ni
son corps) et dont le regard est hagard. Ses yeux sont toujours écarquillés et il apparaît
« désarticulé » dans les mouvements de son corps.
a) Bilan psychomoteur réalisé le 3/07/98
La psychomotricienne note une bonne participation au bilan, cependant Louis montre parfois
des difficultés à comprendre. Il possède un langage de petit. Pour ce qui est de l’équilibre
dynamique : il comprend les consignes, monte ses bras avec efforts. Il a peur de se soulever
et tombe. Louis ne peut pas sauter sur un pied.
Il semble pouvoir se mettre en danger. Il s’accroche, se cogne aux éléments. On a
l’impression qu’il est toujours à la limite de tomber.
En ce qui concerne l’équilibre statique : Il tient l’immobilité en donnant la main. Il peut
fermer les yeux, mais il lui faut toujours de l’aide.
Pour la coordination oculomotrice : Cette dernière est assez bonne, cependant, Louis a du mal
à dissocier la motricité encore globale.
Il se montre intéressé et a besoin d’expérimenter. Il est latéralisé à droite (pied et main).
Le graphisme est pauvre. Louis écrit de manière répétitive les premières lettres de son
prénom. On note qu’il ne dessine pas le corps.
Il existe des difficultés au niveau de la motricité fine. Par ailleurs, on note une allure
hypotonique, quand il prend un objet, le geste se tend.
Louis présente des syncinésies au niveau du visage et de la bouche. Il connaît les couleurs.
L’épreuve du labyrinthe est réalisée très difficilement.
Il existe un début de la mise en place de la notion du temps. En revanche, les notions spatiales
sont floues. Les notions de dessous /dessus ne sont pas acquises par exemple.
Pour ce qui est du schéma corporel, Louis connaît les parties du corps mais a des difficultés
dans la nomination.
À la relaxation, Louis veut faire ce qu’on lui fait. Il se rapproche du visage à s’y confondre.
Il évoquera la peur des « monsieurs »(marionnettes). Sa mère dira qu’il a la phobie des chiens
marionnettes. Par ailleurs, il semble aussi être en difficulté pour dénombrer.
En conclusion : Louis présente une immaturité motrice globale avec des difficultés
spécifiques.
b) Bilan orthophonique Janvier 1999 :
En résumé, Louis ne peut travailler seul. On note la présence de leitmotiv dans son discours.
Il présente des problèmes de motricité, il se cogne dans tout, il ne semble pas avoir
conscience de l’espace. Il n’a pas acquis le « je ». Il connaît les couleurs, mais on remarque
que son graphisme est morcelé.
En avril, Louis tient plus ferme, debout. Il présente un meilleur tonus, mais est encore
maladroit. Il rit, est enjoué et coquin. Il est très axé sur les dates.
On note qu’il a participé à un groupe langage en 1998, le constat flagrant effectué était que
Louis « se fondait » dans l’autre.
c) Les Liaisons scolaires :
Liaison scolaire du 18/02/2000
L’institutrice est inquiète quant au passage de Louis en CP. Il présente des problèmes de
compréhension des consignes, d’attention et de concentration.
Il répond à côté. Il ose prendre la parole, mais ne répond pas à la question. Il se montre
responsable : il met la date tous les matins même si ce n’est pas son tour ! Quand il fait faux,
il fuit et pleure même. Il fait pour faire ou avoir fait, pour qu’on lui dise que c’est bien.
En mathématiques, il a la notion des quantités. Il a la capacité de mémoriser correctement (les
jours et chiffres) mais il est en grande difficulté ailleurs. Il est très maladroit. Ne colorie pas
correctement, à des problèmes pour découper…
Il est bien accepté par les autres qui le sentent plus fragile. Il a des relations particulières avec
une enfant qui le materne, mais il peut parfois se dégager de cette emprise un peu étouffante.
Quand l’institutrice arrive, il vient lui prendre la main : il n’est pas de ces enfants qui viennent
pour dire bonjour ou parler. Il s’accroche à des rituels et a besoin de savoir ce qu’ils vont faire
en classe quand il y entre.
Il réclame une grande attention. Mais, si on le renvoie à sa table, il y revient et continu son
travail.
Liaison scolaire du 7/05/2001
Louis est très content d’être en CP. Il est entré dans le travail scolaire. En lecture, il se
débrouille assez bien, mais cette dernière n’est pas courante.
Il a une très bonne mémoire et une bonne orthographe. Il obsessionalise son travail, il s’y tient
et c’est ce qui lui permet de faire des acquisitions mais parallèlement cette rigidité l’empêche
de réfléchir.
Au niveau du graphisme, on note un progrès. Son écriture est plus petite, mais encore
nerveuse. Il suit la ligne et respecte la forme des lettres.
Louis ne dessine plus. Il coupe et colle un peu mieux (avant il avait des difficultés surtout
pour le découpage, mais aussi pour le collage et pour tracer des traits avec la règle).
En mathématiques, la numération est acquise. Cependant, Louis a des difficultés à trouver une
stratégie face à un problème.
Il a de bons repères dans le temps. En sport, Louis est un peu maladroit. Les autres enfants
l’aident et ne se moquent pas de lui. Il n’est pas autonome. Quand il panique, il s’effondre.
Liaison scolaire du 29/03/2002
Louis est en CE1. Il a fait de gros progrès en psychomotricité fine, mais il reste toujours
maladroit sur le plan global. Il ne tient pas et tombe.
Il fait des apprentissages de tout ce qui est mécanique mais est en difficulté dès qu’il faut
penser.
Louis attend l’approbation de l’adulte avant de se lancer à donner une réponse. Il n’a pas
d’opinion personnelle.
La maîtresse lui donne des exercices d’écriture adaptés à son niveau, mais il veut faire comme
les autres.
Il a du mal à répondre aux questions des fiches de lecture. Il faut le soutenir pour qu’il soit
capable de comprendre et de respecter la consigne.
Louis gère bien son emploi du temps car il s’attache toujours à bien respecter les règles.
Il pleure souvent lorsqu’il est contrarié. Dans les matières d’éveil, sa participation est très
pauvre : il parle de : « papa, maman, tonton » ; « moi je suis allé a la mer avec tonton ». Il est
incapable d’en dire plus.
D ) Compte-rendu de la réunion du RASED :15 Novembre 2001
Louis bénéficie d’une prise en charge individuelle en psychomotricité. Des angoisses
persistent et envahissent la pensée : il ne peut plus faire. C’est un enfant qui fait des efforts. Il
est très rigide et fragile. Il a envie de plaire. Physiquement, il se laisse emporter par le ballon.
Il n’est pas « posé ». Quand il marche, on dirait qu’il flotte. Il est souvent à la recherche de
contact corporel.
Louis est très défensif et la psychothérapie entamée par la pédopsychiatre n’a pu être
poursuivi.
En ce qui concerne la lecture : Louis lit bien mais on note un trouble de l’articulé.
Si Louis n’est pas étayé, il s’écroule. Il joue avec les autres enfants, mais n’est pas très bien
intégré.
e) SYNTHESE du 26 Juin 2000 :
Louis passe en CP. Il se montre assez participant. Au bilan orthophonique, l’épreuve des
rythmes est impossible. Il a beaucoup de mal à contrôler ses gestes.
Lors de l’épreuve d’attention, il a du mal à faire les choses calmement. Il a des difficultés en
ce qui concerne le langage. Louis est plus dans la « présence », mais il est angoissé. Il dit « on
a le droit… .on n’a pas le droit ».
Il bénéficie d’une pris en charge en psychomotricité et psychothérapie. C’est un enfant très
angoissé. L’équipe à l’impression que les parents ne se rendent pas vraiment compte des
difficultés de leur fils. Ces derniers sont débordés, ils ne font pas face. Ces parents
apparaissent à l’équipe comme n’étant pas indifférenciés.
II- discussion
« Aucune rencontre avec un être humain ne peut se faire sans que nous puissions
découvrir en nous-mêmes une partie de l'autre. Le drame de tant d'enfants psychotiques est
de ne plus pouvoir être rejoints parce que leur contenant nous apparaît déserté ou parce
que leur contenu est un flot d'images que nous ne pouvons plus ni voir ni écouter. »
Nous avons vu que, Selon Bion, l'enfant ne peut échapper à l'univers cataclysmique de ses
premiers mois qu'en projetant sur l'extérieur les persécuteurs qui l'envahissent. Ces éléments
dits « bêta » prennent tout naturellement comme cible le personnage maternel. Par son écoute
et surtout par sa capacité d'associer intuitivement les bruits, les gestes et la mimique du bébé
en fonction de sa propre histoire (la « rêverie maternelle »), la mère accueille ces éléments
« bêta », qui ne sont encore ni affects ni représentations et les transforme en des objets
désignables. Ces derniers deviennent la rage du bébé, sa colère devant le biberon convoité,
son impatience face à une méchante maman qui fait trop attendre, sa déception de ne pas être
pris dans les bras. Sous cette forme mentalisée, les éléments « bêta» deviennent les éléments
« alpha » grâce à la fonction maternelle, elle-même appelée « fonction alpha ». La parole du
parent permet ainsi à l'enfant de reprendre à son compte, en les introjectant, des décharges
d'abord purement sensorielles qui n'avaient aucune qualité psychique. Les éléments alpha,
parce qu'ils sont du matériel brut « transmuté », vont pouvoir s'organiser entre eux et,
s'associant aux premières conceptions tirées des expériences de satisfaction, vont former la
trame de l'appareil mental du petit enfant. La mère est donc un lieu de projection d'émotions
incontrôlables et, parce qu'une partie d'elle accepte d'être un « bon sein contenant », elle
reçoit, métabolise et transforme ces éruptions sensorielles, soulage le nourrisson et lui propose
un matériel purifié qui pourra s'intégrer à son « self ». Si elle n'est pas capable d'assumer ses
fonctions intuitives d'écoute, de réception et de contenant, les éléments bêta dispersés se
perdent dans le néant. Non retournés vers l'enfant, ils le vident à la fois de son contenant et de
son contenu. La trame du tissu psychique se déchire et « l'activité de penser » ne pouvant
plus éclore, l'être humain reste envahi par les émotions primitives de la position schizo-
paranoïde non dépassée…
Louis est un enfant dont la maman a toujours été très angoissée, cette dernière a déclenché,
suite à l’accouchement de ce dernier, une dépression post-partum. Elle dira aussi au cours
d’un entretien, qu’elle a eu une très grosse peur alors qu’elle était enceinte de Louis. Nous
savons par ailleurs, que cette dernière a fait une fausse-couche à trois mois et demi entre ses
deux enfants (Louis et Yann).
Pour Winnicott, il existe chez les mamans, une perception intuitive des besoins de l'enfant
afin d'apaiser ses angoisses primitives et de permettre au processus d'intégration de
s'effectuer pas à pas. Cette capacité d'entendre l'écho des premières attentes repose sur une
écoute et une sensibilité étonnamment exacerbées durant les semaines qui suivent
immédiatement un accouchement, mais elle s'estompe progressivement afin que le bébé
puisse sortir de sa dépendance physiologique et psychologique quand il en devient capable.
Winnicott propose le terme de « préoccupation maternelle primaire » pour désigner cet état
très spécifique de la maman qu'il n'hésite pas à comparer à une sorte de maladie passagère,
tant le degré de sensibilité est hypertrophié. C'est par lui que l'enfant acquiert le sentiment
continu d'être, tant le bébé confondu au départ avec sa maman a besoin d'un premier sein qui
est et non juste d'un sein qui fait. « Ou bien la mère a un sein qui est, ce qui permet au bébé
d'être, lui aussi, alors que le bébé et la mère ne sont pas encore séparés dans l'esprit
rudimentaire du nourrisson; ou bien la mère est incapable d'apporter cette contribution,
auquel cas le bébé doit se développer sans la capacité d'être ou avec une capacité d'être qui
demeure comme paralysée » (Jeu et réalité, 1975, p. 114). En outre, la manière de tenir
l'enfant (handling), de le porter, joue un rôle déterminant dans sa capacité d'accepter son corps
comme une partie du self et de sentir que ce dernier s'enracine dans et à travers son corps.
« Les soins favorisent la tendance innée de l'enfant., à accepter la limitation fournie par la
peau, cette membrane-frontière qui sépare le moi du non- moi» (« L'enfant en bonne santé et
l'enfant en période de crise quelques propos sur les soins requis » in Processus de maturation
chez l'enfant, 1962, p. 26).
Grâce à la préoccupation maternelle primaire, la maman sait présenter à son enfant l'objet
désiré « au bon moment et à l'endroit voulu » (objet presenting). « L'adaptation de la mère aux
besoins du petit enfant, quand la mère est suffisamment bonne, donne à celui-ci l'illusion
qu'une réalité extérieure existe, qui correspond à sa propre capacité de créer » (Jeu et réalité,
1975, p. 22). Cette expérience de toute-puissance renforce selon Winnicott le moi du petit être
humain, mais elle a ses dangers si elle n'est pas en partie dépassée. En effet si le parent
maintient une sorte d'empathie fusionnelle avec son enfant sans créer peu à peu une distance
où les désirs infantiles et leur réalisation peuvent surgir, l'existence devient rivée à l'espoir
impossible d'une gratification hallucinatoire, où la réalité des manques est déniée au profit
d'une recherche perpétuellement avortée des illusions. À la fois, il faut donc que la maman
rende possible l'accès à l'objet matériel qui concerne l'image évoquée et sache se dérober à
cette demande afin de permettre à son enfant d'affronter la réalité tout en créant son propre
espace imaginaire. Il parle de cafouillage dans les relations, de soins maternels insuffisants, de
privation.
Concernant les premières relations affectives de Louis, nous savons que sa mère est une
femme percluse d’angoisse. Nous pouvons supposer que cette dernière n’a pas joué le rôle de
contenant dans la petite enfance de Louis. Il existe chez Louis un problème au niveau du
« Moi-peau » qui ne semble pas constitué. Louis recherche beaucoup les limites entre
intérieur et extérieur.
Nous pouvons émettre l’hypothèse qu’étant donné son état dépressif, la mère de Louis n’a pas
pu répondre adéquatement aux besoin de son bébé et peut être n’a t’elle pu contenir ses fortes
angoisses qu’elle à en partie transmise à Louis .
À l’heure actuelle, la mère de Louis se montre comme une mère surprotectrice; ce pourrait
être une formation réactionnelle de type surprotection subtilement agressive « j'étouffe mon
enfant d'amour a fusionner avec ce petit être afin de le rejoindre dans un champ symbiotique
où le morcellement n'est plus perceptible ».
Il semble que cette mère utilise son enfant comme objet transitionnel et antidépresseur. Ils
sont tous deux enfermés dans une relation malsaine. Le père ne paraît pas intervenir pas pour
scinder la fusion. Aussi, la mère et le fils s’entretiennent dans cette dépression.
À partir de mon hypothèse puis grâce au suivi de Louis tout au long de l’année et à l’exam
psychologique que j’ai pu lui proposer, j’ai pu établir un diagnostique sur le fonctionnement
psychologique de Louis. Je vais appuyer ce diagnostique tout au long de cette partie.
1- La rencontre
Lors de ma première rencontre avec Louis, j’ai été frappée par la façon dont ce dernier se
déplaçait dans l’espace, il donnait l’impression de ne pas avoir d’appuis, de flotter. En effet,
ceci se confirme : Je note une instabilité du corps dans l’espace, un manque d’assise,
d’appui : Lors d’une séance, Louis manque de tomber en marchant puis tombe en se prenant
les pieds dans un coussin. À la séance suivante, il arrive en courant dans la salle et tombe.
En outre, ses gestes sont incoordonnés et son corps apparaît comme « désarticulé ». Son
regard me frappe également, il est hagard, comme hébété et ne se fixe jamais.
Le point le plus saillant de cette rencontre avec Louis fut pur moi la qualité très particulière
de l'angoisse qu'il semblait ressentir. Cette angoisse porte des noms multiples selon les
auteurs : angoisse de mort de morcellement, de déstructuration … Nous avons le sentiment de
nous trouver face à un enfant dont l'ensemble des représentations du corps et de
l'environnement ont perdu leur caractère unitaire habituel.
Les paroles et les actes de cet enfant semblent traduire une sorte d'éclatement perpétuel du
psychisme, chaque stimulus paraissant bien reçu mais ne pouvant pas être intégré à d'autres
stimuli pour déboucher sur les perceptions globales qui sont habituellement nos points de
référence.
Une définition purement phénoménologique des psychoses infantiles peut être ainsi proposée
incapacité primaire ou secondaire pour un être humain de s'organiser sur un mode unitaire
afin de se reconnaître progressivement dans son identité, de maîtriser son angoisse et de
communiquer avec l'espace, les objets et les personnes qui l'environnent.
Comme je le disais précédemment, l’atelier conte, m’a permis en outre d’analyser la
constitution du Moi-peau de Louis et la fonction de substitut « maternant » par l’atelier, de
repérer la problématique de cet enfant au travers des symptômes présenté par ce dernier.
2- Sa phobie :
Tout d’abord, j’ai rapidement découvert que Louis présentait une phobie des chiens et que
son angoisse de séparation faisait écho avec celle de sa mère. Sa mère est surprotectrice avec
Louis, elle ne lui laisse aucune indépendance, aucune autonomie et se montre très fusionnelle.
Elle agit avec lui comme s’il était un très jeune enfant. D’ailleurs, nous constatons que Louis
est toujours en grande demande de soutien lors du jeu dans l’atelier conte; il semble vouloir
reproduire le mode de fonctionnement qu’il entretient avec sa mère : il veut que l’on
s’occupe de lui et attend souvent que l’on dise pour lui afin de répéter. Il manque totalement
d’autonomie… Louis semble incapable de penser par lui-même. Quand une thérapeute lui
souffle son rôle (les 3 petits cochons) à la séance 20, il répète les mots un par un: tu peux
souffler / taper/ cogner/ je ne/ t’ouvrirais pas.
Lors de la sixième séance, il joue le canari et reproche à une thérapeute de « ne pas lui avoir
donné à manger, ni à boire, ni de lui avoir nettoyé sa cage » ; en somme de ne pas s’être assez
occupé de lui.
Concernant les phobies de Louis, nous pouvons penser qu’elles entretiennent un rapport avec
la séparation et langage. En effet, séparation et langage sont intimement liés... C’est par le
langage que l’on maîtrise la séparation. Louis ne peut se séparer de sa mère qui est dépressive
et angoissée. Il ressent sa fragilité et ne peut donc s’opposer à elle afin de s’en détacher pour
s’individualiser. La phobie peut être vu ici comme un envahissement maternel. Quand la
relation mère-enfant est trop fusionnelle, l’enfant a peur d’être dévoré, même par le langage
L’enfant cherche à échapper à l’envahissement maternel et se réfugie du côté paternel et,
quand il y a déficit de la fonction paternelle, ce qui est le cas chez Louis, l’enfant construit la
fonction d’un père terrible, donc se forge des terreurs. La phobie est la plateforme de la
psychose…
Elle est le point de difficulté d’installation du fait paternel. Dans la phobie, c’est la mère qui
dévore et l’animal qui dévore. Ici, Louis a peur des chiens, il s’en défend quand il est très mal
en demandant à jouer le rôle du chien mais lorsque ses défenses s’assouplissent, il ose
confier qu’il a peur des chiens, « des chiens de chasse » et « j’avais peur qu’on me lèche ».
Louis est encore dans un mode de fonctionnement symbiotique avec sa mère et n’arrive pas à
se soustraire au désir de l’autre. L’individuation et la séparation qui entraînent la
différenciation, la distanciation, la formation des limites et le détachement de la mère ne sont
pas engagés chez Louis .
Nous allons voir à présent la façon de fonctionner sous forme de collage chez Louis où nous
retrouvons cette fusion.
3- L’identification adhésive :
Louis, qui semble par moments craindre l'adulte lorsque ce dernier initie un mouvement, se
colle brusquement à lui au point que son corps semble vouloir pénétrer dans le contenant de
son interlocuteur et fusionner en une sorte de magma indistinct. La retenue de l'enfant
disparaît alors. Il ne s'agit pas d'une recherche érotisée de contact; les limites du corps
semblent vouloir céder pour retrouver la sécurité au sein d'un « Moi-peau auxiliaire ». En
effet, nous allons voir très vite que Louis se situe dans une relation adhésive à l’autre et qu’il
ne peut se décentrer par rapport à l’autre.
Nous notons dès la première séance un collage corporel chez cet enfant envers l’adulte. Il
touche les cheveux, prend la main de la thérapeute. Il se frotte à elle comme s’il essayait de se
fondre en elle. Il caresse souvent le bras des thérapeutes, leur prend la main, caresse leurs
chaussures… On note un besoin impérieux de contact physique : il touche énormément les
autres avec ses pieds, ses mains. Lors de la deuxième séance, il caresse également les cheveux
d’une petite fille pendant le contage. Louis semble se fondre, se confondre dans l’autre. Sa
relation à l’objet est fusionnelle.
Pendant le contage du petit chat têtu, histoire d’un petit chat qui se perd et qui est à la
recherche de son identité (confère annexes), Louis se montre très agité, mais se calme dès
qu’il y a contact corporel avec une thérapeute. Le contact physique semble le rassurer.
On note également cette recherche de contact lorsqu’un des enfants raconte qu’à la fin du
conte Jeannot et Margot, la mère est morte de faim. Louis ne peut entendre que la mère est
morte. Il arrive cependant à dire que l’histoire est triste car la mère est « morte de faim ».
Juste après avoir admis que l’histoire était triste, il grimpe sur une thérapeute et recherche son
contact, il semble que le rapproché le rassure. Le contact corporel de l’autre semble parfois
l’apaiser; mais, bien qu’il touche beaucoup les autres, on constate à maintes reprises qu’il
n’aime pas du tout être touché.
La position de collage avec le conteur semble être un besoin de maternage symbolique pour
Louis. La fusion avec le conteur et l’oralité tiennent une place importante chez Louis. Par ce
rapprochement à l’adulte, il cherche une base de sécurité pour pouvoir « se remplir » au sens
de Bloch avec le contenu du conte. Quand Louis n’est pas accroché au conteur, il cherche un
étayage sur quelqu’un d’autre. Nous remarquons aussi que Louis répète avec un certain plaisir
la ritournelle qui clôture le contage : « et cric et crac mon conte est dans le sac ». Il donne une
importante priorité à la sphère orale. En effet, bien que Louis n’arrive pas à s’approprier les
contes, il semble trouver grand plaisir dans l’écoute du conte. Il réclame souvent le contage;
il préfère ce contexte maternant et régressif au temps de discussion qui ramène parfois à une
réalité trop crue. Nous constatons aussi au fil des séances que l’embonpoint de Louis semble
s’aggraver et qu’il se couvre de plus en plus de coussins. Nous pouvons penser les coussins
comme une protection supplémentaire, son Moi-peau n’étant pas assez construit pour le
protéger.
Lors d’une autre séance, nous remarquons qu’il se « colle » à la thérapeute comme s’il ne
pouvait pas se tenir seul. Il donne l’impression de se tenir pour ne pas s’épancher. Pendant le
conte « sans parole » où il est question d’une mère morte, il touche la thérapeute puis
l’envahit littéralement. Il « s’écroule » de tout son poids sur elle en particulier au moment où
il est question de la mère morte. La fusion entre Louis et sa mère est telle, que la perte, la
mort est pour lui impensable.
Il se jette également sur une petite fille en voulant s’asseoir sur le matelas : il existe un
problème de limite du corps chez Louis, de reconnaissance de son espace et de l’espace de
l’autre. Il donne l’impression d’avoir le besoin de toucher l’autre comme pour sentir où se
trouvent ses propres limites. En outre, il me semble que pour Louis qui montre un déficit
évident au niveau de la symbolisation, toucher peut signifier « mettre des mots ».
La question des limites corporelles est au centre de mon questionnement. Ici, les limites
semblent inexistantes : Louis cherche souvent le contact, y compris avec moi malgré le fait
que je n’intervienne pas. Il veut me prendre par la main avant la séance, cependant, il n’est
pas dans l’échange, il ne me parle pas : il part avant ma réponse ou pose aussitôt une autre
question. Il est dans la confusion des espaces : il envahit l’espace de parole de l’autre et
également son espace corporel. En outre, il ne différencie pas, les différents espaces de la
pièce (contage et jeu); il lui arrive régulièrement de jouer dans l’espace conte. Louis
n’accorde pas d’importance à la délimitation des espaces, il est souvent hors espaces. Ceci
confirme ses carences au niveau de la symbolisation.
À la séance onze, il donne aux thérapeutes l’impression littéralement de se « répandre ». Il
touche les pieds de l’adulte, les écrase…Quand est -il de ses limites corporelles ? Louis
s’écartèle les jambes (treizième séance) comme pour pouvoir toucher les deux pieds du banc,
on dirait qu’il a besoin de sentir ses limites, comme de « s’arrêter », de trouver un objet
« buttoir ».
Louis, dans son rapport à l’autre veut fusionner à l'objet, en prendre totalement possession.
Nous sommes envahis par ses manifestations de tendresse qui évoquent la viscosité,
l'intrusion, l'effraction de nos propres limites. Il déborde constamment sur le territoire des
enfants et des thérapeutes au point de donner l'impression qu'il n'a pas de véritables limites
corporelles et qu'il viole, sans s'en rendre compte, les frontières d'autrui. Ce mécanisme
appelé identification adhésive rend à peu près impossible l'édification d'une expérience stable
et continue. L'enfant est en nous ou contre nous mais jamais avec nous.
À la séance quatorze, il se met face à face avec une fillette, très près de son visage comme
pour partager son rire…Il fait de même à la vingtième séance avec une autre enfant. ( Il
s’approche extrêmement près de son visage quand il lui parle.)
Il veut entrer sous le gros coussin que la fillette a posé sur elle et ne respecte pas les distances
envers l’autre, son espace d’intimité. Il se rapproche d’elle au point d’avoir sa tête contre la
sienne. Ces manifestations rendent les autres enfants un peu rejetant à son égard.
Au niveau de son ressenti, il réussira juste à dire concernant le besoin de contact « qu’il a
besoin de sentir ». Mais il s’agit en fait d’une interprétation proposée auparavant par l’adulte à
laquelle il a acquiescé… mais est-ce la réalité de son ressenti ou une réponse au désir de
l’adulte ?… Il accepte facilement les interprétations qui lui sont faites, mais elles glissent
comme l'eau sur un tissu imperméable…
Avec Louis, nous nous trouvons ainsi en face de deux phénomènes contradictoires. D'une part
la perméabilité sensorielle, la précarité des limites entre soi et l'autre, les phénomènes
d'idéalisation sur autrui et la recherche de fusion pour échapper à l'angoisse qui le rendent
apparemment très malléable. Sa facilité pour accepter sans résistance une interprétation est
étonnante. Nous avons l'impression de pénétrer dans une substance molle qui n'oppose aucune
barrière à notre poussée. D'autre part, la permanence de la représentation intérieure morcelée
ne permet aucune oscillation et aucune véritable suggestibilité. Tout est accepté, mais rien ne
change. Ceci entraîne une très grande lenteur dans les acquisitions et dans les
réaménagements personnels.
Nous comprenons ici que Louis, malgré des efforts évidents, nous montre une l'incapacité de
s'identifier à un objet contenant. Tout ce qu'il nous dit, fait, exprime un espace intérieur en
menace d'éclatement. S'identifier à l'objet-contenant reviendrait à se placer dans une position
destructrice et les seules échappatoires sont le retrait, le déni, la toute-puissance comme nous
allons le voir.
4 - Limites psychiques :
Concernant les limites psychiques, Louis veut répondre pour les autres et les thérapeutes
doivent l’arrêter pour le bien du groupe et la libre expression des autres enfants. Il faut lui
rappeler que chacun parle pour soi et qu’il « n’est pas les autres ». Il est dans la confusion à
l’autre, son identité n’est pas établie.
En effet, Louis répond aux questions qui ne lui sont pas adressées alors qu’il ne peut en
connaître les réponses. Il coupe la parole à une petite fille à la quatorzième séance pour
répondre à sa place. On lui demandait si elle avait gardé un bon souvenir d’un séjour passé
loin de ses parents avec des copines et Louis dit « un bon souvenir».
Il parle souvent en même temps que les autres et veut répondre pour eux. On demande à une
fillette l’âge de son frère et Louis répond alors qu’il n’en sait rien. Il veut également dire la
date de naissance de cette dernière alors qu’il ne la connaît pas : il répond « le premier
Juin ». Il se montre omnipotent, tout puissant : il semble que cette défense l’aide à ne pas
subir un éclatement.
Il a besoin de se valoriser. Il veut souvent monopoliser la parole et occuper le devant de la
scène même s’il n’a rien raconter. Il ne cesse de dire dès les premières séances « qu’il connaît,
sait » ce que l’on fait dans l’atelier conte. Lors des séances, on voit souvent revenir les propos
suivants : « moi je sais » « et moi et moi… ». À la séance dix-sept, par rapport à la discussion
sur les billes, il raconte aussi qu’il ne perd jamais.
La finalité du moi psychotique serait selon Widlocher d’assurer la permanence d’un sentiment
d’omnipotence afin de ne pas s’affronter au principe de réalité. Les premières identifications
ne semblent pas avoir permis une intégration suffisante de l’image maternelle en l’enfant. Il y
a une faille fondamentale dans l’organisation du moi qui interdit « l’exercice d’un système
réversible entre monde de l’actuel et monde du possible, entre réel et monde imaginaire » (In
Lemay 1987, p.189)
Louis ramène tout à lui, il est très égocentrique tel un petit enfant. On note aussi qu’il présente
une attitude de petit enfant, lors du jeu « la moufle », à la treizième séance ( cf annexes), où
les enfants doivent entrer sous une couverture (la moufle), il ne cache que sa tête et son dos
est entièrement à la vue des autres…
Il se montre aussi un peu intrusif en donnant des conseils à un petit garçon qui a écrit une
lettre a sa maman, il lui dit « tu la finis demain ».
On note également qu’il essaie de renverser les rôles avec l’adulte maintes fois : Il demande si
« tout le monde a dit bonjour » pour décider de l’arrêt de l’envoi du petit coussin jaune alors
que c’est le rôle des thérapeutes et lors de l’avant-dernière séance, il ne souhaite pas jouer et
dit qu’il veut « aider » (comme les soignants). Le contre-transfert est très difficile et les
thérapeutes ne peuvent parfois s’empêcher de le recadrer assez sèchement.
Par ailleurs, nous remarquons certaines phrases de Louis : « Se mettre en colère s’est
interdit», « il faut obéir, faire ce qu’on nous dit de faire », qui semblent jouer le rôle d'un
surmoi auxiliaire. Ce sont des mots ainsi prononcés comme une litanie, mécaniquement.
Louis ne semble pas avoir de désir propre et se soumet au désir de l’autre. Il reste dans le
désir de l’autre… Il cherche à fusionner et n’a pas d’entité propre.
En outre, il a du mal à s’affirmer, à s’opposer, même dans le jeu. Comme si s’opposer, allait
détruire l’autre ou le détruire lui « se mettre en colère, c’est interdit », « faire peur, c’est
interdit ».
5- Le déni
Louis utilise beaucoup comme mécanisme de défense le déni. Lors d’une séance, il dira ne
jamais sucer le pouce et ne jamais avoir fait pipi au lit « jamais de ma vie ! ».
On note aussi du déni par rapport à la mort de la mère dans le conte « Jeannot et margot », il
dit « c’est triste que la maman ne soit plus a la maison » (déni de la mort). Il lui est
impossibilité de penser sans la mère. La rencontre avec la mauvaise mère (dans le conte
Jeannot et Margot) aurait pu lui permettre de faire l’expérience du mauvais objet ce qui
pourrait l’aider dans le processus de séparation. En effet, Louis a besoin de faire un travail
d’individuation. Cependant, il n’est pas encore suffisamment capable d’élaboration pour
effectuer ce travail. Toutefois, nous notons qu’il se cache la tête sous un gros coussin à ce
moment du conte (ou il est dit que la mère est morte) : que ressent-il comme émotions ?
Aurait-il besoin de retrouver un substitut d’enveloppe pour remplacer la mère ?
Quand nous lui demandons qui pourraient être les personnages dans le conte du Rutabaga, il
dit « Mathurin et Célestine, des enfants et Mathurine, une adulte mais pas la mère ». Serait-ce
impossible pour lui d’imaginer remplacer la mère. La figure de la mère est trop puissante et
envahissante.
Lors de certaines séances, il déni aussi sa peur en affirmant que « rien ne lui fait peur », nous
savons pourtant que Louis a été, entre autre, adressé à la guidance pour des phobies
concernant les chiens. Il dira même aimer le rôle du chien car « il fait peur aux chats, aux
oiseaux et aux sangliers » et choisira à la première séance le rôle du chien dans les contes. Il
semble que cette attitude soit contra-phobique. De même, il dessinera lors du bilan
psychologique une grosse araignée noire et dira aimer les araignées. «qu’il en a une chez lui,
qu’elles sont gentilles et qu’il les caresse »….
On remarque que Louis souhaite souvent jouer le conte du « Rutabaga » qui raconte la
naissance d’une graine. Il nous semble que Louis en quelque sorte « ne soit pas né » car il n’a
pas dépassé la phase de séparation- individuation; il n’est pas indifférencié. Ce conte lui
permet -il de rejouer sa naissance ? Quand il joue la graine, il nous montre que la graine a de
grandes difficultés à grandir…
Il est vrai que les contes qui semblent faire travailler le plus Louis par rapport à sa
problématique et qui reviennent le plus souvent dans son discours sont :
Le Rutabaga où il est question de naissance. Louis a besoin de jouer sa naissance
psychique…Ce conte lui permet de régresser. L’autre conte « Jeannot et Margot » le
confronte à la mauvaise mère et à la perte de la mère. On constate souvent un besoin de
régresser chez Louis, peut être pour remonter aux stades auxquels il est resté fixé et rejouer
sa relation à la mère.
À la cinquième séance, Louis est particulièrement mal et raconte « qu’il ne voulait pas sortir
du ventre du chat, qu’il y était bien » (le chat et le perroquet). On retrouve encore ici cette
recherche symbiotique de fusion in-utéro à travers le jeu de ce conte.
6 – Mécanismes obsessionnels
Louis utilise beaucoup de mécanismes de défenses obsessionnels. Obsessionnalisation
passagère de l'espace et du temps, augmentation des rituels, stéréotypies conjuratoires sont
autant de moyens utilisés par cet enfant pour « contenir » la désorganisation.
Les processus primaires et secondaires sont mal différenciés. Les modes d'échange
impressionnent par leur caractère primitif. On voit bientôt apparaître des manifestations
obsessionnelles envahissantes qui ont une valeur défensive.
Nous retrouvons dans le discours de Louis des leitmotivs, des fixations concernant certains
termes ou contes, quand on demande : « quel conte veux-tu jouer », Louis répond plusieurs
fois « Merlin l’enchanteur », conte qui n’est pas raconté dans le groupe. Il demande à jouer
Cendrillon et Merlin l’enchanteur alors que nous lui avons dit que nous ne jouons pas les
contes non racontés dans l’atelier. Louis reste fixé sur certains éléments et ne semble pas
entendre ce qu’on lui dit. Il évoque souvent le personnage de Merlin sans aucun rapport avec
les autres contes. Il ne fait pas de liens, le sens est absent.
Louis se souvient particulièrement bien des dates et des chiffres, ce qui semble être très
important pour lui : Il dira Halloween : « c’était le 25 Octobre »; cependant, il n’est pas
capable de raconter clairement ce qu’il a fait ce jour-là. Il reprend certaines dates : « hier, on
n’avait pas école, c’était le 20 Mai ». Le Vendredi Premier Décembre, son frère a acheté une
mobylette… il ajoute qu’il est allé faire de la mobylette avec son frère le Vendredi 7
Décembre .
En outre, il reste fixé sur les chiffres sans forcément savoir à quoi ils correspondent : « il me
faut du 20 ou 24 en VTT ». Il se souvient également du numéro de la rue d’un médecin qu’il a
consulté : « 242 », mais est incapable de raconter clairement pour quelles raisons il est allé le
voir.
Il fait également des fixations sur certains mots qui apparaissent de façon incongrue dans son
discours tel « blocs sténo ». Louis se montre obsessionnel et très respectueux de la règle,
serait-ce une attitude contra-phobique ?
À la seizième séance, la discussion tourne autour du thème « le marché » et Louis décrit
interminablement les fleurs du marché avec quantité de détails…
Nous remarquons que lorsque Louis se trouve en difficulté et qu’il éprouve de l’angoisse, il se
raccroche à des faits ou choses dénués d’affects. Il coupe la parole à un enfant du groupe pour
dire « on est à l’euro maintenant, on est plus en francs. Le premier Janvier, c’est l’euro et en
plus c’est 2002 et en plus on paie plus en francs… »; alors que le petit garçon était en train
de parler de sa maman malade…
Louis accorde aussi une très grande importance au temps : il demande souvent l’heure et
combien de temps il reste pour jouer ou raconter une histoire. Cela le rassure, il a besoin de se
raccrocher à des éléments concrets afin de ne pas se déstructurer.
Nous notons par ailleurs qu’il reste fixé sur certains éléments des contes (Jeannot et Margot)
et notamment le pain : « tenez le pain » « y a du pain a manger ». Nous retrouvons encore ici
la primauté de l’aspect oral. Par ailleurs, il reprend souvent le même rôle. Nous avons une
impression de répétition, de fonctionnement mécanique chez cet enfant. A-t-il peur de
l’inconnu, de la nouveauté. Où s’agit-il également d’un trait obsessionnel
Toutefois, lorsque Louis paraît moins angoissé, on constate un relâchement par rapport aux
chiffres, ses défenses obsessionnelles se lèvent : par exemple, il ne se souvient plus si la
piscine est fermée depuis 5 ans ou 2 jours.
7- Le langage corporel
C'est par le corps que Louis nous exprime sa détresse. C'est également par lui qu'il tente
d'établir des mécanismes de survie. Le corps est un contenant dont les limites constituées par
la peau renferment un contenu révélé par des bruits et des sensations multiples. Sa prise de
conscience intuitive est un lent processus dont l'aboutissement permet d'avoir la conviction
d'exister en tant qu'organisme unitaire face à d'autres personnes caractérisées, elles aussi, par
leur corporéité. Chez l'enfant psychotique, le contenant mal défini est menacé de fissuration.
Le contenu chargé d'objets persécuteurs est perçu comme dangereux. Le corps doit se
barricader devant l'émergence des stimulations. Il en résulte tout un ensemble de
manifestations symptomatiques qui, en elles-mêmes, constituent un discours.
Dès les premières séances, nous observons des gestes parasites lorsque Louis lance le coussin
pour dire bonjour et au revoir ; ses mouvements et sa force sont mal contrôlés : il lance loin
du but qu’il semble s’être fixé.
Louis n’a pas conscience de son corps et de sa force : Lors d’une séance, il pousse une
thérapeute au point de quasiment la faire tomber du banc. Il existe un problème de distance
par rapport à l’autre et de rencontre avec l’autre. Louis est dans l’indentification adhésive et
non dans l’échange relationnel. En outre, il évite les relations duelles et à du mal dans le jeu à
s’adresser à son interlocuteur. Il éprouve, en effet, beaucoup de difficultés à s'adresser à
plusieurs personnes à la fois. Son regard est très rarement circulaire. S'il n'est pas enfermé
dans son monologue, il établit un dialogue exclusif avec un membre du groupe, le fixe
intensément comme si la multiplicité des points de repère entraînait des projections
parcellaires difficilement contrôlables.
Il existe un problème de rencontre à l’autre. Louis ne suit pas le fil de la discussion lancée par
les autres : alors qu’un petit garçon parle de sa maman (qui est malade), Louis intervient pour
dire « on est à l’euro maintenant, on est plus en francs… » Cet enfant n’est pas dans la
relation, il n’est pas dans le langage relationnel
À la cinquième séance, Louis est particulièrement mal, on note une grande agitation
corporelle : il touche énormément les autres avec ses pieds, ses mains ; Il tripote tjrs quelque
chose. Il est en permanence dans l’agir. Le fait « d'agir » l'angoisse bloque l'évocation mentale
et supprime les traces permettant, par le jeu associatif, de favoriser l'irruption à la conscience
d'un refoulé.
Il montre souvent le besoin de jouer, et n’a pas les capacités pour élaborer. Lors des
discussions, il tente de les clore en demandant de « jouer l’histoire ».
Son corps fait « désarticulé » et possède un aspect hypotonique. Il se contorsionne beaucoup
et bouge sa tête en tous sens. Il regarde partout, a perpétuellement hagard et donne
l’impression d’être complètement perdu. Il a l'allure d'un pantin désarticulé et a du mal à se
mobiliser globalement. Le morcellement est gestuellement représenté. Le fonctionnement
corporel n’a pas d’harmonie… On remarque aussi qu’il s’assied souvent dans une position
inconfortable sur le banc (les fesses a moitié dans le vide).
Je note également chez lui un besoin impérieux de s’appuyer contre les objets. Les murs, le
banc, le tableau, le radiateur semble lui servir d’étayage : Son corps semble être en quête
d’appui, d’assise…
On remarque aussi à deux séances que dans le jeu du Rutabaga, à la fin, il ne tombe pas et
nous le fait remarquer. Cela lui semble important de ne pas tomber sur le sol. Est-ce important
de ne pas s’effondrer ?
8- Agitation corporelle et bizarreries
Louis est un enfant qui ne supporte pas de rester en place. Dans le jeu du « canari », il joue le
rôle du canari qui est en cage et ne supporte pas de rester sans bouger. Il dit plusieurs fois
qu’il va s’échapper. Il s’agite tellement que parfois il se cogne la tête contre le mur. Il ne
montre aucune manifestation affective particulière après le choc.
Louis a souvent un comportement incohérent. À la treizième séance, il s’agite, se lève et court
dans la salle alors que les autres sont assis et écoutent. Lors de la même séance, pendant le jeu
de « la moufle », il lève les bras au ciel et crie « ouais ! ». Il s’écartèle souvent les jambes
pour pouvoir toucher les deux pieds du banc, comme pour sentir « ses limites corporelles».
Le bruit (il frappe souvent dans ses mains ou sur le matelas), les mouvements précipités,
l’exubérance de la parole, le tourbillon du corps semble le rassurer car ils sont probablement
la traduction assez fidèle de ses propres perceptions parcellaires. Ils n'obligent pas à un effort
d'intégration et de synthèse qui confronterait à la perte d'unité. Il me semble que lorsque nous
ralentissons, créons une attente ou diminuons l'intensité du jeu, l'angoisse surgit
immédiatement, débouche sur une tentative de contrôle et sur des émotions authentiquement
ressenties mais difficilement contenables.
Louis montre à certaines séances un comportement particulièrement étrange avec des
bizarreries. Dans le jeu de Jeannot et Margot, il exhibe des gestes sans aucun sens dans le jeu,
il place ses bras en l’air avec la paume des mains vers le ciel. Il semble aussi parfois plongé
dans une sorte de rêverie autistique : Il sourit beaucoup sans que nous comprenions pourquoi ;
il désigne le plafond avec son index et fait tourner ses poignets.
Le maniérisme est presque toujours présent : des mouvements de la main, des torsions du cou,
des éclats de rire immotivés, rendent la présence de Louis parfois agaçante et pesante.
Nous notons en effet des rires étranges et incongrus à certains moments du contage de
l’histoire, notamment lorsqu’il est dit, dans le contage du « petit chaperon rouge », que la
grand-mère est malade. Ses rires sont exagérés, non naturels.
Louis arbore aussi des mouvements étranges pour mimer les rôles : il secoue ses bras et ses
jambes en même temps et en tous sens pour « faire le ménage » dans le rôle de Margot. (cf
Jeannot et Margot).
À la séance Vingt-quatre, on note chez lui un comportement bizarre: il caresse le sol, puis se
met à tracer des cercles virtuels dans l’espace avec ses doigts.
Les stéréotypies semblent bien s'insérer aussi dans le système défensif. Les mêmes
mouvements, les mêmes mots, les mêmes balancements se répètent et forment une barrière
contre laquelle buttent tous nos efforts de rapprochement.
Par ailleurs, par rapport à son manque de capacité à symboliser, à la séance dix-huit, on note
qu’il tire fort sur son oreille comme pour montrer qu’il écoute. De même, quand on lui
demande de réfléchir, il fait un signe avec l’index près de sa tête (le fait tourner) comme le
fait souvent une des thérapeute pour lui dire de réfléchir. On dirait une sorte d’écholalie
gestuelle…
➯ Rapport au magique :
Par ailleurs, je remarque que Louis réagit mal quand on le pousse à se remettre en question.
Le ressent -il comme une intrusion ? Il se cache, se bouche les oreilles, met la main devant la
bouche de l’autre. Quand on le recadre, il met sa main entre lui et l’adulte à distance comme
si sa main pouvait arrêter les mots, faire barrière. Comme s’il pouvait annuler les reproches
avec un esprit magique (Neuvième séance). Il met sa main devant la bouche de l’autre pour ne
pas entendre, comme s’il pouvait arrêter les mots avec sa main… Il met également son pied
en avant comme pour arrêter les reproches.
À une autre séance, il se cache derrière le coussin quand les thérapeutes le « reprennent »,
comme si par un pouvoir « magique » les objets ou sa main pouvaient arrêter les mots.
Je note aussi un comportement étrange à la séance Dix-sept: Il se bouche les oreilles en
mettant ses mains à distance des oreilles comme si cela allait arrêter le son.
9- Le Langage
Louis parle de façon volubile et présente un trouble de l’articulé. Sa parole est mécanique, il
ne montre quasiment pas de ressenti: il reste dans l’énumération des choses. Il parle très vite,
n’articule pas, nous avons beaucoup de mal à comprendre ce qu’il dit. Il condense parfois les
mots et nous notons un problème flagrant au niveau du langage et de la symbolisation qui
n’est pas acquise. On note également chez Louis une importante écholalie. Il répète ce que dit
l’autre comme pour « ingérer la parole de l’autre ». Il est dans la relation adhésive même au
niveau du langage. La pensée intérieure n’est pas mise en place. Si nous devions employer
une métaphore pour désigner sa pensée ce serait celle d’un rouage grippé. L’écholalie désigne
en effet un rapport au langage en boucle. Il existe comme une sorte d’engluement, une lenteur
de la pensée et de gros problèmes de compréhension chez Louis. Il se montre également auto-
écholalique, c’est-à-dire qu’il répète la dernière syllabe de ses mots. Il semble que la pensée
chez cet enfant ne s’inscrive pas suffisamment pour aller correctement jusqu’au langage.
Lorsque Louis parle, nous avons l’impression qu’il a de la bouillie dans la bouche. Son
intonation est bizarre, le contenu qui ressemble à une litanie n'est parfois pas en accord avec
le contexte existentiel. Il en résulte une curieuse impression. Lors des discussions, la
monotonie et l'impersonnalité de l'histoire racontée déclenchent chez les adultes un sentiment
de pesanteur puis d'ennui. L'écoute devient sporadique, d'autant plus que le sens accordé aux
mots est parfois nébuleux et nécessite un effort. Louis ne semblait pas s'en rendre compte et
continuait imperturbable son récit qui ne suscitait en nous aucun écho affectif.
Je remarque que de temps en temps, il parle dans sa barbe de choses sans rapport avec
l’atelier conte, il donne l’impression d’être dans son monde, d’être coupé de la réalité. À la
cinquième séance, au moment du jeu, il parle de multiples fois de « pâtes » et dit « ça fait du
bien ». Nous retrouvons encore ce rapport de forte dépendance à la nourriture, tout comme à
sa mère. Cet enfant est en effet en surpoids et il suit un régime. Il semble fixé au stade oral.
Par ailleurs, il tient souvent des propos incohérents : le conte du « chat et du perroquet » lui
fait penser à Merlin l’enchanteur et au loup . Nous ne voyons pas de lien …Y a t’il un sens,
une logique à ses propos ?
On remarque que les signifiants ne prennent pas sens pour Louis. Il n’a pas conscience de la
polysémie de la langue. Dès les premières séances, il confond conte et compte et reste fixé à
son erreur (il parle de multiplication, additions…). Il ignore les synonymes : ne sait pas que
les termes « oncle » et « tonton » ont la même signification ; il ne saisi pas qu’il s’agit de la
même chose quand on parle de Vélo et VTT. De même, mettre de l’eau et arroser…Lors de
la séance 24, il nous prouve qu’il a en partie conscience de ses difficultés concernant la
langue française « il y a des choses faciles et d’autre difficiles comme le français pour moi ».
En ce qui concerne les contes, il ne se les approprie pas et n’est pas capable de retrouver les
histoires et de les raconter. Il ne donne pas de sens et reste dans l’imitation des autres enfants.
Je remarque également qu’il repère les formes et non les fonctions. Il parle d’un coussin en
disant « c’est un carré » et de la maraca en disant « le trait et le rond ». Son discours est très
souvent confus. On dirait qu’il apprend et répète mécaniquement. On note, à la neuvième
séance, qu’il peut se fixer sur des lettres mais non sur le sens. Il dit par exemple que l’anneau,
cela commence par un A mais ne se rappelle pas de l’objet. Nous avons l’impression qu’il n’a
pas d’images mentales bien établies et que les mots glissent sur lui, comme s’ils n’étaient pas
dans sa tête.
Au fil des séances, nous notons des craquées verbales dans le discours de Louis « sa queue
sont belles ». « vous êtes des feinards »; il nous dit lors également lors d’une discussion que
le genou de son frère est « craqué »…
Nous remarquons que les mots n’ont pas de sens bien défini chez lui, ses phrases sont mal
construites et incorrectes. La langue n’a pas un sens évident pour Louis comme pour nous :
lorsque nous lui demandons ce que cela lui a fait de faire de la moto ? Il répond, « ça fait pas
mal ! ».
Il dira aussi lors d’une discussion : « C’est maman qui a payé…on avait la carte, on a fait le
code ». on lui demande quelle carte ? « la carte des fleurs bancaires ». Non seulement, nous
remarquons qu’il fusionne à la mère par le pronom « on » et il condense « la carte des fleurs
bancaires ». Nous avons souvent l’impression que ses phrases sont un ensemble de mots
juxtaposés et ces dernières ne prennent pas toujours sens pour nous.
Il présente aussi de gros problème de compréhension, nous lui demandons : « Qu’est-ce
qu’une grand-mère ? », il répond « le nom ou le prénom… »; À : « comment commence
l’histoire », il répond : « elle commence par le début » ; A la question : « Qu’est ce qu’un
bûcheron ? », il répond : « il fait de la viande ». Une grande confusion règne chez cet enfant.
Louis ne comprend pas la plupart du temps les histoires… Dans rôle du bûcheron (Jeannot et
Margot), il dit : « on va dans la forêt chercher du pain » alors qu’il s’agit d’abandonner les
enfants. Nous obtenons la confirmation qu’il n’a pas compris le conte « Jeannot et margot »
lorsqu’il dit : « je suis Jeannot le fils de Margot »… Il pense aussi que le dragon existe dans le
conte Fiérot le petit éléphant (cf. Annexes).
Quand nous lui posons des questions, il répond à côté, comme par exemple : « Avec quoi tu
écris a l’école », il répond « quand je fais des fautes, j’ai le blanco ».
Pendant le jeu, il ne finit pas ses phrases et n’arrive pas à construire une phrase correcte. Il dit
par exemple dans le conte Jeannot et Margot : « j’ai des cailloux pour…on retrouve la
maison. » ou « on va….on va …on va vous…on va vous amener du bois ».
Louis est également mal repéré dans l’espace. Pendant une séance, il raconte que sa marraine
« habite dans un pays très lui et travaille dans une école très très loin » puis il ajoute ensuite
que « c’est à côté de Toulouse ».
Le rapport au réel pose également question, Louis paraît être parfois hors réalité : Lors de la
treizième séance, il dit à une thérapeute qui à froid: « il faut allumer un petit feu ». Alors qu’il
n’y a pas de cheminée dans la pièce…
Cet enfant a beaucoup de mal à s’exprimer et à imaginer. Le langage de Louis est défectueux
dans sa structuration, dans son vocabulaire, dans son mode d'utilisation. Il n’a pas de capacité
à symboliser. On lui demande d’imaginer le panier avec « des mots dedans » dans le conte
« sans parole » ( cf. Annexes) et Louis répond « il n’y est pas ».
En ce qui concerne l'intervenant, il semble se sentir percuté par un flot de paroles ou de
mouvements qui oriente momentanément vers une piste réflexive, s'échoue, meurt et repart
vers une autre direction. On a le sentiment de courir après des morceaux de puzzle qui ne font
pas partie du même ensemble.
10- Le stade du miroir
Les perturbations du langage traduisent une altération de la symbolisation. Pour Lacan, la
conquête de l'identité ne peut se faire que si l'enfant parvient â mettre un terme à sa relation
spéculaire imaginaire (la mère). Le stade du miroir inaugure le début de cette évolution
psychique. Il y a esquisse d'un « Moi » lorsque l'enfant perçoit dans le miroir maternel l'image
de son corps comme celle d'un être réel qu'il veut approcher, mais il s'agit d'une construction
imaginaire totalement liée à la dimension de l'autre.
« L'enfant ne voit dans l'autre, dans l'image du miroir ou dans sa mère, qu'un semblable
auquel il se confond et s'identifie » (A. Lemaire, 1977, Jacques Lacan, p. 136). Tant qu'il
demeure à cet état de choses, il ne peut ni se situer lui-même ni situer les autres à leur place
respective. Il a dépassé le sentiment de morcellement du corps propre, mais il est rivé à une
identification narcissique aliénante puisque, confondu avec sa mère, il n'est pas repéré
individuellement dans le circuit symbolique de l'échange. Seule une double injonction peut le
désaliéner. La parole du père, reconnu par la mère comme représentant de la Loi, déclare à la
maman : « Tu ne peux pas vivre cet enfant comme une partie de toi-même », et prescrit à
l'enfant « Tu ne peux pas rester objet phobique du désir de ta mère. » Dans cette optique,
l'avènement de l'ordre symbolique suppose une rupture avec le registre de l'imaginaire.
L'enfant est séparé de sa mère par l'interdit paternel.
C'est une castration puisque le petit être humain ne peut pas être un enfant- complément du
manque éprouvé par la mère. Interdit du côté de l'enfant, sacrifice du côté de la mère sont les
deux forces qui libèrent le sujet en lui conférant un nom et une place déterminés dans
l'organisation familiale.
L'enfant assume le fait qu'il n'est pas confondu à l'Autre et tout-puissant. Il a un désir « limité,
légiféré et énonçable ». Il doit donner forme sociale à son désir en s'engageant dans la
recherche d'objets de plus en plus éloignés de l'objet initial de son attente. « Le désir d'union à
la mère est refoulé et remplacé par un substitut : ce qui le nomme et en même temps le
transforme, c’est-à-dire le symbole» (Idem, p. 147).
Dans le cas de Louis, la séparation-individuation n’est pas amorcée. Louis reste aliéné au
désir de sa mère qui l’utilise comme objet anti-dépresseur. Le père de Louis n’est pas présent
pour mettre un terme à la symbiose mère-enfant et ce dernier ne peut donc s’inscrire dans le
symbolique. Il existe chez Louis une forclusion du Nom du père. Mannoni (1967) nous dit
que le destin du psychotique se fixe à partir de la façon dont il a été exclu par l'un ou l'autre
parent d'une possibilité d'entrée dans une situation triangulaire. C'est cela qui le voue à ne
pouvoir jamais assumer aucune identité.
Dans le bon ordre des choses, l'enfant est inscrit avant même de naître dans un ordre
symbolique qui caractérise le fait humain sur les plans de sa culture, de son langage et de ses
valeurs. Plongé d'abord dans un univers morcelé, il passe par une expérience d'identification
fondamentale au cours de laquelle s'effectue la conquête de son propre corps tout en se
trouvant plongé dans une relation quasi fusionnelle à la mère. Pour atteindre le statut de sujet,
il doit rencontrer la privation, l'interdiction et la frustration. « Outre que la métaphore
paternelle inaugure son accès à la dimension symbolique en le déprenant de son
assujettissement imaginaire à la mère, elle lui confère le statut de sujet désirant » (Dot, 1985,
Introduction à la lecture de Lacan,p.121 in Lemay 1987). Dans cette optique, nous pouvons
voir les psychoses précoces comme un état antérieur au stade du miroir.
Le stade du miroir constitue donc dans cette orientation de pensée le moment décisif de
l'évolution de la personnalité. Il s'organise autour de trois temps fondamentaux qui traduisent
la conquête progressive de l'image corporelle. C'est d'abord un mouvement anticipateur. Face
au miroir, l'enfant s'immobilise, fixe, se détourne, puis regarde à nouveau tout en exprimant
son intérêt et sa joie pour une image qu'il s'efforce d'approcher sans savoir qu'elle le
représente. Il voit une forme dans laquelle il anticipe l'unité corporelle qu'il n'avait pas
jusqu'alors reconnue. Lacan estime cette expérience comme primordiale parce qu'elle permet
au petit être humain antérieurement morcelé de s'identifier à une image unifiée. Pourtant cette
captation de la forme humaine est un leurre, puisque le jeune enfant s'identifie à une Gestalt
qui est sienne sans qu'il puisse se reconnaître. La première ébauche du moi devient, dans cette
conception, un mirage par lequel il faut passer pour se structurer. Dans une deuxième phase,
l'enfant est peu à peu conduit à découvrir que l'autre du miroir n'est pas un être réel mais un
reflet. Il ne va plus tenter vainement de le toucher et de le saisir, mais il sait à présent
distinguer l'image de l'autre de la réalité de l'autre. Dans un troisième temps, l'image est
reconnue sienne et par cette assomption la reconnaissance de l'unité d'un corps singulier
autorise l'édification d'une identité. Nous comprenons ici que Louis n’a pas dépassé le stade
du miroir. Non seulement le langage et la fonction symbolique apparaissent insolites chez
Louis mais les modes d'adaptation cognitive à la réalité sont bien particuliers.
Dans le cas de l'enfant psychotique, un monde matériel, objectif et reconnaissable est
constamment percuté par des éléments subjectifs qui entraînent une déformation plus ou
moins permanente de l'activité perceptive. Au lieu de vivre dans un monde inanimé, l'enfant
confond animé et inanimé. Nous constatons en effet, à la séance quatorze, que Louis
demande à jouer « les pièces d’or » dans « Jeannot et Margot » alors que ce sont des objets
inanimés et il ajoute aussi « le pain pour manger » comme rôle. Il ne différencie pas les
personnages des objets…
11 - Une Hypothèse :
Pascalis a publié une étude intéressante sur les relations éventuelles entre les psychoses
infantiles et les projections mortifères dont les enfants souffrant d'un tel syndrome auraient pu
être l'objet. Ces recherches semblent vérifier l'hypothèse faite par Mannoni que le jeune
psychotique pourrait parfois occuper dans le désir parental la place d'un sujet décédé.
Dans son article intitulé « La place du mort et celle du psychotique », il rappelle d'abord son
hypothèse étiologique l'existence psychotique représente pour le patient le seul compromis
réalisable entre son désir biologique et le désir de l'Autre, sa mort. Ce souhait inconscient,
éprouvé généralement par l'un des parents, renvoie à une première mort réelle dont la perte n'a
pas été acceptée et dont l'enfant est convié à occuper la place. Mort réel et mort vivant
psychotique sont ainsi confondus dans le discours parental. La mort semble influencer la
relation à l'enfant en entraînant chez lui l'angoisse de sa propre mort, en le chargeant de la
culpabilité des parents, de leurs sentiments plus ou moins destinés au mort, en provoquant un
refus d'aimer en fonction de l'idéalisation de l'être disparu (surtout s'il porte le même nom). Si
de telles constatations sont intéressantes pour montrer les liens probables entre l'angoisse de
mort chez les parents et les perturbations psychiques infantiles.
Il m’a paru pertinent de poser cette hypothèse car nous savons que Louis a eu un grand frère
mort avant terme avant sa propre naissance, ce qui a pu jouer sur sa santé psychique.
Il semble donc trop restrictif d'expliquer le processus psychotique par la forclusion d'un
signifiant fondamental (le père) en raison du maintien du bébé à un stade d'aliénation mère-
enfant.
Ce qui me semble manquer chez tous les auteurs défendant une telle idée, c'est la dimension
du pouvoir mortifère de l'enfant psychotique. Son absence d'être ou son incohérence dans
l'être renvoie le parent au drame d'exister en tant qu'individu et en tant que membre d'un
couple.
Non seulement l'enfant réel confronte au décalage douloureux avec l'enfant du rêve mais
brouille les constructions fantasmatiques initiales. Les dysharmonies éveillent tantôt l'espoir
tantôt le désespoir. L'inconnu de l'étiologie permet l'édification de toutes les hypothèses
réparatrices ou destructrices.
12- Conclusion
Le suivi de cet enfant tout au long de l’année avec pour base un questionnement concernant la
constitution de son Moi-peau et l’atelier conte ( avec ses règles, ses rituels, le nourrissage de
la conteuse, l’étayage corporel des thérapeutes) comme substitut d’enveloppe a entraîné chez
moi une interrogation plus précise sur l’identité de Louis et m’a permis de poser une
hypothèse diagnostique sur sa structure psychique.
Cette hypothèse confirmée par le bilan psychologique que je présente plus loin, nous a aidé a
mieux comprendre et accepter les symptômes de Louis et ce que nous ne pouvions ou non lui
demander. Nous avons également compris que ce dernier était trop en décalage par rapport
aux autres enfants dans l’atelier. Louis était trop lent et ne pouvait jouer. Toutefois, nous
avons compris que ce qui reste structurant pour lui est mettre des mots sur ce qu’il fait. Pour
lui, il est nécessaire de faire un lien entre les mots et les choses. Il est donc positif de travailler
sur la mise en mots. Il est bénéfique pour Louis d’être porté par un flot de paroles.
Nous avons pu réaliser qu’il fallait laisser Louis cheminer a son rythme, ne pas l’écraser à
cause de notre désir. Le plus aidant pour lui est de l’accompagner dans sa psychose, dans
l’éclatement. Lui donner un lieu de dépôt.
Les thérapeutes, loin de bloquer la démarche adaptative doivent l’accompagner dans un lieu
privilégié de paroles et d’attitudes. Comme le disait Mannoni ( 1970): « Cette psychose n’a
pas tant besoin d’être « soignée » que d’être reçue. Ce que cherche le patient c’est un témoin
et un support à cette parole étrangère qui s’impose à lui ». (Le psychiatre, son fou et la
psychanalyse, 1970, p.195).
III– Bilan Psychologique de Louis
Aucun bilan psychologique n’ayant été effectué avec Louis, j’ai pu lui proposer à partir du
mois de Mai avec l’accord de l’équipe un test de QI, afin d’évaluer ses compétences et de voir
ou se situaient ses points faibles et forts pour l’aider davantage dans le cadre de sa thérapie; et
un test de Rorschach pour mieux cerner sa structure et son mode de fonctionnement.
Louis viendra quatre fois à la guidance pour passer l’examen psychologique. C’est son papa
qui l’accompagne la première fois et ce dernier ne semble pas trop adhérer à la passation de ce
bilan. Il amène Louis avec un quart d’heure de retard, me demande combien de temps cela va
durer et me précise que Louis est fatigué.
Louis me dira au cours de l’examen qu’il n’est pas fatigué et m’avouera aussi que son père
n’avait pas trop envie de l’emmener. À son arrivée à la guidance, Louis se précipite sur moi
pour me toucher le bras sans dire bonjour, ni même parler. Louis n’est pas dans la relation et à
un besoin impérieux de toucher. Il me parle de l’école et de son anniversaire qui approche, je
note des stéréotypies au niveau du langage qui est mécanique et dénué d’affect. Louis a du
mal à s’exprimer, on comprend mal sa pensée et son discours est confus. Il manque de
vocabulaire et parallèlement certains mots surprenants reviennent tels « bloc sténo » et
« agrumes » dans la conversation et au cours du test. Je note aussi un problème d’articulation.
Au WISC3, Louis présente un QI se trouvant dans la zone du retard mental léger (Q.I Global=
67). Il obtient un QI verbal et QI performance assez hétérogènes : QI verbal = 77 et QI
performance 65.
Le subtest le mieux réussit est celui du « complètement d’image ». Il arrive relativement bien
à repérer les détails manquants sur les images. Cependant, on note de grosses lacunes
concernant le vocabulaire et une grande difficulté à mettre des mots et un sens sur ses idées.
En outre, Louis pense souvent qu’il manque la moitié du corps des personnages sur les images
et reste fixé sur sa première impression. Nous pouvons nous interroger sur ses capacités à
intégrer les parties en un tout… Toutes les épreuves relevant de l’organisation ( cubes et
assemblage d’objets) sont échouées…De plus, Il reste sur ses erreurs et ne peut se corriger.
Il se cristallise également sur des détails et n’en démord pas (pépins, détails du parapluie).
Quand j’essaie de lui dire de chercher encore, je sens qu’il angoisse, panique, sa respiration
s’accélère. Il a besoin d’un étayage important au cours de toute la passation.
Je note aussi lors de la première séance une odeur d’excrément… Est-ce un signe d’angoisse
qui se manifeste ?
A l’épreuve « Complètement d’image », il voit une petite fille dans les bras d’une enfant et
non une poupée : transpose t’il la relation à une relation mère / enfant ? Ou ne différencie t’il
pas bien ce qui relève de l’animé et l’inanimé ?
Le subtest « information » est relativement réussi, tout ce qui relève de l’apprentissage par
cœur, qui est mécanique (jours, saisons, mois) ne pose pas de problème à Louis. Il semble
user de défenses obsessionnelles pour se raccrocher au concret.(chiffres, dates).
À la seconde séance, il est agité et je lui demande pourquoi il bouge autant et ce qu’il ressent.
Il me répond « je sens que tu écris ». je lui dis : « mais dans ton corps, qu’est –ce que tu
ressens ? ». Il me dit « je ne sais pas ». Puis je lui dis « c’est pour te détendre ? » Il répond
« oui ».
Les substests les moins biens réussis sont ceux de « code » et de « compréhension ».
En code, je note que le geste grapho-moteur est mal contrôlé et une lenteur importante. Louis
est « pataud », il se gène en cachant le modèle qu’il doit reproduire. Il n’utilise pas de
stratégie précise. Cette épreuve échouée dénote de difficultés d’apprentissage et de graphisme.
Louis a beaucoup de mal à se concentrer et montre de l’anxiété et de l’émotivité. Il semble
investir la scolarité mais y échoue.
En compréhension : Il présente une mauvaise compréhension des situations sociales, un
manque d’adaptation et de bon sens. Les conventions sociales ne sont pas acquises. Nous
pouvons poser l’hypothèse que Louis étant surprotégé par sa maman manque d’autonomie ;
cependant, il donne aussi des réponses bizarres : quand je lui demande « que ferais- tu si tu
voyais de la fumée épaisse s’échapper de la maison de ton voisin », il répond « Crier, Griller
de la viande, sortir ».
À la question pourquoi met- t’on la ceinture de sécurité en voiture, il répond : « pour pas qu’
elle se détache et puis moi j’en ai pas ».
Au subtest similitudes, Louis reste à un niveau concret. Il a toujours besoin d’étayage, on sent
que l’on ne peut pas trop exiger de lui sinon il peut s’effondrer.
Je note une écholalie persistante, il répète la fin de mes phrases : « il manque, il manque… »
et également beaucoup de persévérations dans son discours ( certains mots reviennent de
façon incongrue ).
Il a beaucoup de mal à se repérer, on dirait qu’il règne une grande confusion dans sa tête, qu’il
n’a aucune cohérence interne. Pour ce qui est similaire dans une famille et une tribu, il me dit
« la famille c’est nos amis » et la tribu « je ne sais pas ».
Pour la similitude entre la joie et la colère il répond « on crie ». Il ne différencie pas les
émotions.
En arrangement d’images, il veut aller vite, mais l’histoire qu’il construit ne prend pas sens.
On note un problème de séquence dans le temps, ce qui est pourtant travaillé en
psychomotricité.
Il trouve l’épreuve des cubes très facile, c’est pourtant celle qu’il échoue le plus.. Est-ce une
non-conscience de ses difficultés ou du déni ?
Louis ne dispose pas de capacités d’analyse et de synthèse et de capacité d’abstraction.
L’épreuve des cubes mobilise le sujet dans sa problématique lien-morcellement et renvoie à
l’image du schéma corporel qui ne semble pas intégrée correctement.
Il refuse d’ailleurs de se dessiner lors d’une séance en me disant « j’ai pas envie de me
dessiner parfois ». Il accepte de dessiner un bonhomme d’une couleur unique (jaune), ce
bonhomme ne reflète pas l’âge réel de Louis …En outre, il ne lui avait pas dessiné les yeux,
le nez et la bouche, il les rajoute car j’ai insisté en lui demandant s’il ne manquait rien a son
bonhomme.
En vocabulaire, je note que la construction de ses phrases est incorrecte. Il me dit « qu’une
vache c’est un animaux », un bouchon, « ça sert à protéger le vin pour qu’il y en a pas par
terre » et « une horloge c’est une petite aiguille de l’heure. »
Louis fait des efforts pour penser, il ferme les yeux et se mord la main. J’ai l’impression de lui
demander quelque chose de très difficile.
Il a beaucoup de mal à ne pas répondre quand il ne sait pas, il faut qu’il dise même si c’est
faux. Il est dans le désir de l’autre qui est en demande dans la situation du test.
En assemblage d’objets, Louis inverse les bras et les mains de la petite fille. La voiture est
morcelée et il n’arrive pas à l’assembler en un tout. Il essaie de placer l’angle des puzzles
contre les parties arrondies… il manque de logique et de cohérence.
Il ne reconnaît pas le ballon et me dit que c’est un mur… Quand je lui dis que ce n’est pas un
mur et que c’est rond. Il fait un rond avec ses doigts et me dit « rond ».
Il ne reconnaît pas la pièce représentant le nez d’un visage et me demande ce que c’est…
Le chronomètre le perturbe pendant les épreuves, mais, il reste volontaire. Je note à la fin des
séances une agitation corporelle importante.
La situation de test est angoissante pour lui de même que les situations d’apprentissage.
L’autonomie signifie prendre de la distance par rapport à l’autre et Louis n’y arrive pas. Il
répond toujours par oui à mes explications et a mes demandes : il veut répondre au désir de
l’autre et ne pense pas par lui-même. Il est dans le collage corporel et dans l’indifférenciation.
On note un problème d’inhibition motrice, de débrouillardise, d’autonomie pas rapport à
l’adulte.
Louis fonctionne avec des automatismes mais construire une pensée est une grosse difficulté
pour lui.
Il faut lui laisser le temps de faire, d’apprendre. C’est un enfant confus qui a du mal à
exprimer ses pensées et à se faire comprendre.
Louis semble inadapté au rythme scolaire ordinaire, il est trop dans la précipitation.
➱➱ Au Rorschach :
Nous notons un choc à la première planche du Rorschach, Louis a du mal à entrer en relation.
Le protocole qu’il fournit est assez pauvre malgré le nombre de réponses qui s’élève à 23.
En effet, Louis donne beaucoup de nominations couleurs : « je vois de la couleur gris. Du gris
et du rouge… » et on note aussi (tout comme au WISC 3) beaucoup de persévérations .
Louis semble se fixer sur la couleur pour éviter de donner des réponses formelles. Il a des
difficultés à structurer des formes abstraites.
Nous retrouvons dans le Rorschach une absence de capacité d’abstraction. Louis semble
posséder une intelligence davantage tournée vers le concret, cependant celle-ci n’est pourtant
pas très bien ajustée au réel quotidien car le nombre de banalités est moindre.
Ceci nous confirme que Louis manque de bon sens et qu’il est également peu enclin aux
contacts humains.
On note dans ce protocole des défenses obsessionnelles qui semblent lui aide à se raccrocher
au concret. Louis semble souffrir d’incertitude intérieure, d’insécurité, il s’intéresse à
certaines petites irrégularités de la tâche et néglige l’essentiel. Fuit- il le tout ?
Nous voyons que Louis est un enfant anxieux dans ce protocole, même si l’indice d’angoisse
s’avère être nul.
Il donne des détails oligophréniques qui n’interprètent qu’une partie du corps du personnage
pourtant généralement vu en entier.
On note que ces éléments se retrouvent aux planches d’entrée en relation et aux planches
indiquant le degré de sociabilité.
La planche paternelle contient un élément phallique (carottes) mais n’est pas interprétée en
entier. Il me dira que la planche 4 ( planche paternelle) est une de celle les moins aimées. Y
aurait t’il de l’opposition et de la rivalité face à son père ?
La planche maternelle semble indiquer la stabilité et un lien très fort entre Louis et sa maman.
Il y voit un pont. Il est à la recherche d’étayage. Cela peut aussi nous faire penser a un cordon
ombilical non rompu. En effet, la relation mère-enfant est trop fusionnelle et Louis demeure
dans l’indifférenciation.
Le protocole de Louis confirme le retard intellectuel ( F+% bas et pas de K et peu de G).
L’absence de réponses K nous confirme un développement insuffisant du schéma corporel
chez Louis.
Il donne aussi beaucoup de réponses F_ ce qui est le signe d’une pensée imprécise.
L’indice de stéréotypie est bas, ce qui indique qu’il est mal adapté socialement et qu’il
manque de sens pratique.
Louis semble malgré tout être à la recherche d’une unité mais il y échoue. (G bas)
Il montre un mauvais ajustement au réel au quotidien ( G et D bas). Le nombre de K étant = à
O nous devons nous poser la question d’une rétractation de type psychotique..
En effet, le moi est faible et il existe un risque de psychose. (F+% bas et K et k bas).
En outre, l’absence de ban à la planche 3 est aussi un indicateur de pathologie.
Il s’agit de sujets éprouvant des difficultés à se conformer aux usages . Je note aussi que Louis
est toujours dans le désir de l’autre à la planche 4. En effet, je l’ai stimulé et il m’a donné une
réponse qu’il annulera à l’enquête en disant « je n’ai pas dit cela ».
À la fin de la séance, Louis veut jouer. Il se saisit d’un carton de jouets et les sort les un après
les autres sans construire de scène. Il ne se fixe sur aucune activité et ne tient pas en place.
Il me fera également deux dessins qui peuvent nous interroger sur les délimitations, les
notions de contenant et sur les phobies de Louis.
En effet, il dessine une barque qui n’a pas de contours, et une grosse araignée noire.
Il me dira que les araignées « c’est gentil », qu’il en a une chez lui et qu’il l’a caresse. En
outre, à la suite de la passation du Rorschach, il dessine une figure abstraite constituée de
morceaux de couleurs. Cette épreuve à l’air de l’avoir déstabilisé. Il est d’ailleurs
particulièrement agité à la fin de cette séance. Il souhaite me faire ce que je lui ai fait, il
cherche à inverser les rôles. Il me demande de répondre à des questions en me chronométrant.
En conclusion, Louis est un enfant qui est fortement perturbé sur le plan psychologique. Ce
bilan me confirme dans les hypothèses que j’avais émises sur sa structure psychologique dans
le cadre de l’atelier conte à visée thérapeutique. Louis est un enfant qui présente une structure
de type psychotique. Son angoisse de morcellement est frappante, cet enfant est envahi par
des angoisses archaïques et il entretient une relation d’objet fusionnelle.
Lang nous décrit les caractéristiques du noyau psychotique par: une angoisse de destruction,
de fusion ou de morcellement -rupture ou menace de rupture avec le réel - infiltration
constante des processus secondaires par les processus primaires - expression directe de la
pulsion soit au niveau corporel, soit dans l'agir, soit dans les productions fantasmatiques -
existence de « mécanismes processuels et défensifs à caractère régressif, progressif ou de
décharge, allant du repli narcissique massif à l'identification projective, de la réalisation
hallucinatoire du désir aux défenses maniaques, du clivage à la forclusion, de l'idéalisation
magique à la projection » - inaccession au symbolique mais fuite dans le symbolisme avec
formation d'une symbolique irréelle - relation d'objet très primitive prédominante (Aux
frontières de la psychose infantile, 1978, Introduction, p. 10 et l1)
IV- Les dessins
Dessin n°1 : Dessin libre
Louis prend plaisir à dessiner. Il commence par dessiner un arbre au milieu de la feuille. On
remarque que l’arbre flotte dans l’espace, il n’est pas posé ne possède pas de
racines…Cependant, si nous utilisons cet arbre comme un test projectif, nous pouvons noter
que le tronc est massif et qu’il semble donc y avoir une recherche de stabilité chez cet enfant.
Je lui demande si c’est un cerisier car je vois des fruits rouges, il me répond « oui c’est un
cerisier ». Puis j’ajoute : » peut être est-ce un pommier ? ». Il me répond que oui. Il est
complètement dans le désir de l’autre. Au final, il me dira que les « boules » marron sous le
« cerisier-pommier »sont des marrons. Je lui demande comment cela se fait-il que des
marrons se trouvent sous un pommier ? Il répond : » parce qu’il y en a à mon école ». il
ramène des éléments de sa réalité mais ne semble pas saisir que ce n’est pas logique. Il
dessine un soleil en jaune qui ne comporte pas de rayons.
Louis utilise des couleurs assez chaudes, du jaune, du rouge et des couleurs variées. Je lui
parle de son père car ce dernier m’a dit avant la séance que Louis était fatigué et combien de
temps allait durer la séance. Louis me dit qu’il n’est pas fatigué et acquiesce quand j’émets
l’idée que son papa n’avait pas trop envie de l’emmener pour passer le bilan.
Il dessine ensuite une grosse araignée noire et compte les pattes de celle-ci « 1, 2,3 ». il est
toujours fixé sur les chiffres. Il dessine une barque en violet, les contours de celle-ci sont
particulièrement flous. Puis, il dessine un panneau jaune. Je lui demande ce que ce panneau
veut dire ? Il a un air hagard comme si je lui demandais de me dire une vérité… Je sens qu’il
panique. Je lui dis « selon toi, qu’est-ce qu’il veut dire ce panneau ? Il n’y a pas de réponse
toute faite, juste toi…qu’est-ce que tu aurais envie de lui faire dire ? ». Il semble rassuré et me
répond : « on n’a pas le droit d’aller ici».
On remarque que d’après le symbolisme du dessin, il nous indique que la partie gauche est
interdite, celle la même qui correspond au passé. Nous pouvons supposer qu’il ne souhaite pas
un retour sur son passé (on sait que la psychothérapie avec la pédopsychiatre a échoué).
En outre, les relations précoces et actuelles qu’il a eu avec sa mère (dépressive et
surprotectrice actuellement) interdisent de trop s’approcher de Louis ( la mère ne supportait
pas la relation privilégiée établie entre l’orthophoniste et son fils, qui effectué une rééducation
orthophonique). La feuille reste malgré tout assez vide pour un enfant de 8 ans et le graphisme
est pauvre et inquiétant. Les limites interrogent quant à la barque et la grosse araignée pose
question car nous savons que cet enfant est phobique. J’oublie lors de cette séance de
demander à Louis ce que lui inspire cette araignée. Je reviendrais dessus lors de la troisième
séance.
Deuxième dessin : Dessin du bonhomme
Je demande à Louis, peux-tu me faire un dessin de toi ?
Je vois d’emblée que cette demande l’embarrasse beaucoup, il répond : « J’ai pas envie de
me dessiner parfois » . J’essaie de le rassurer, mais il refuse de se dessiner. Ce refus nous
indique de grandes difficultés chez Louis à appréhender son corps propre et nous pouvons
nous demander ce qu’il en est de l’intégration de son schéma corporel ?…
Je lui demande alors s’il peut me dessiner une personne de son choix et il répond
positivement.
Il commence par dessiner (avec un feutre jaune) un rond, puis deux oreilles, un corps, les
bras, les doigts puis les jambes.
Il me dit que c’est « son tonton » : Jean-Claude. Il cache ce qu’il écrit sous le dessin. (le
prénom de son oncle).
Je lui demande s’il ne pense pas qu’il manque quelque chose a son dessin…
Il rajoute alors les yeux, le nez et la bouche. Et ponctue par « voilà, c’est fini ! ». Le dessin du
bonhomme montre un décalage entre l’âge réel de Louis et son graphisme.
Dessin n°3 : Dessin libre effectué après la passation du Rorschach
Louis me dit, l’orange et le citron, ça se marie bien. Orange et rouge c’est pour faire la
pêche…
Je lui demande ce que va représenter son dessin et il me répond « je sais pas ».
Il insiste beaucoup sur le fait que ce soit la dernière séance ou nous nous rencontrons en
individuel. C’est difficile pour lui de rester concentré. Est-ce la manifestation d’une angoisse
de séparation ?
Il veut tailler son crayon et me demande une poubelle. Il se montre très mal habile. Il ne taille
pas le crayon au-dessus de la poubelle et je note des difficultés à maîtriser son geste. Il
manque de logique.
Il me parle de ses vacances, il va rester à la maison et regarder la télévision. Il répond toujours
par l’affirmative à ce que je lui propose.
Je lui dis « là, on dirait un peu un cœur », il répond « oui ». M’étant aperçu lors des dernières
séances que je ne l’avais pas questionné sur les araignées (il en avait dessiné une grosse sur
son premier dessin), je décide de lui parler des araignées.
Il me dit « je les aime bien, chez moi, j’en ai, je les touche ». Du coup, il veut rajouter une
araignée sur son dessin. Cette araignée est noire comme la précédente. Il compte les
pattes : « 1,2,3,4,5,6,7 et il en manque une et après ça fait une araignée ».
Il me demande à propos d’un feutre : « est-ce que c’est de l’encre ce bleu » ? et ajoute : « Il
faut laisser sécher sinon on s’en met dans les doigts et ça ne peut plus partir et en plus j’aime
pas ça ! ».
Il dit que l’araignée lui fait penser à un scorpion. Je lui demande comment il trouve les
scorpions, il dit « c’est gentil ». Il en a vu à la télévision. Puis, il ajoute qu’il a une seule
araignée chez lui et « je la caresse, elle ne s’échappe pas ». Puis, il me dit « y en a un à côté de
chez moi, il a peur des araignées ».
Son dessin n’est pas figuratif, c’est un assemblement de morceau de couleurs accolées les uns
aux autres. On comprend que la passation du Rorschach l’a perturbé, déstructuré.
Je lui demande si ce dessin lui fait penser à quelque chose et il me répond « à un A, c’est
tout ».
Puis, il joue avec le chronomètre. Il me dit que sa maîtresse l’utilise pour la dictée de
nombre : « J’écris des nombres sur le cahier vert, le cahier de maths ». Il compte 20 secondes,
puis 30, 40 et fait revenir le chronomètre à 0.
Il dit « ça passe vite ! ». Puis il veut me chronométrer pour voir « comment j’écris ».
Il me raconte qu’il sait compter jusqu'à 100. Puis me demande combien font 10000 Euros en
Francs et ajoute « il faut que tu dises les réponses en 19 secondes ! ».
Puis, il parle des pompiers qui allument le feu… Je lui demande s’il en est sûr. Il me dit « oui,
oui ». Puis, il se dirige vers un coffre à jouets. Il me demande l’heure. Il prend un stéthoscope
et me demande ce que c’est. Pour lui montrer, je veux écouter son cœur, mais il a un
mouvement de recul (il n’aime pas être touché), je lui montre donc sur moi. Il est mal à l’aise
dans le rapport au corps.
Il énumère les jouets, mais ne met rien en scène. Il essaie d’encastrer les wagons d’un train
mais n’y arrive pas. Il insiste beaucoup sur la couleur des objets.
Il se montre particulièrement agité et fait des mouvements brusques. Il fait tomber une échelle
et dit « cassée ». Il l’a ramasse en disant « non » (elle est intacte) et continu comme si de rien
n’était. Je constate qu’il est moins fragile car avant, il lui arrivait d’avoir des réactions
d’effondrement dans de telles situations. Il souhaite ensuite que je compte de 75 en 75 et me
chronométrer. Il s’identifie à l’adulte en inversant les rôles comme s’il allait me faire passer le
test.
La séance se termine, il tourne dans la pièce et touche-à-tout.
Conclusion:
Ma participation à l’atelier conte et la rédaction de ce mémoire de fin d’étude m’ont beaucoup
éclairé sur le fonctionnement de l’atelier conte à visée thérapeutique. J’ai enfin pu
comprendre l’objectif de cet atelier d’un point de vue psychologique.
Cependant, je n’ai pas réellement répondu à mon hypothèse de recherche… J’ai en effet pu
observer les régressions de Louis au sein de l’atelier conte; réaliser à quel point son Moi-peau
était fragile et son besoin de retrouver un substitut d’enveloppe par l’intermédiaire des
coussins et de son surpoids ( il s’enveloppait dans tous les sens du terme).
J’ai également pu constater ses confusions à l’autre et les recherches que Louis effectuait
concernant les limites de son corps par le biais de son rapport à l’autre et aux objets. En
outre, j’ai pu remarquer comment l’atelier lui a permis de rejouer ses conflits inconscients au
travers des histoires contées, telles le Rutabaga et sa naissance psychique non effectuée en
tant que sujet désirant, par exemple; ou sa difficulté à penser sans sa mère dans le conte
Jeannot et Margot ou Sans parole…
Par ailleurs, Louis au début de l’année ne semblait rien attendre de la conteuse. Il paraissait
juste vouloir fusionner avec elle. Il a donc fallu le « perfuser », le nourrir au sens d’un apport
au niveau symbolique. Le regard du pacte narratif correspondait à un « portage » par le regard
avec un écoulement sonore liquidien en continuité, un bain de paroles. Nous retrouvons ici le
conteur comme porteur de la métaphore du conte, comme sein contenant. Toutefois, nous
avons noté au fur et à mesure des séances que Louis avait dépassé la perfusion passive et nous
avons pu observer des bribes d'interaction et d'intériorisation. Louis arrivait « à boire » les
paroles du conteur, ce qui signifie selon Lafforgue que le conte était devenu de la bonne
nourriture.
L’atelier conte s’est révélé être pour Louis un lieu repérant, il s’accrochait beaucoup aux
rituels (aux ritournelles et à la fixité du cadre). Nous avons aussi pu noter que cet enfant
fonctionnait avec une quirielle de mécanismes de défenses obessionnels pour ne pas se
déstructurer, se raccrocher au reél.
Aussi, il me semble que l’atelier conte était une bonne indication thérapeutique pour Louis.
Cet atelier aurait pu l‘ aider à amorcer une séparation-individualisation, à se construire en tant
que sujet à part entière, mais je pense que la mise en place d’entretiens avec la maman de
Louis est indispensable pour que cet enfant continu son développement .
En effet, Nous avons pu voir que cette maman, dépressive et percluse d’angoisse vivait son
fils comme le prolongement d’elle même, comme un objet antidepreseur et qu’elle ne
l’autorisait pas à se séparer afin qu’il puisse construire son identité propre. Aussi, Louis se
trouve aliné au désir de sa mère et reste dans une position inconfortable. Il est important
qu’elle laisse une place à Louis.
Il me semble également qu’il faudrait que le papa de Louis puisse davantage s’affirmer afin
de trianguler et de scinder cette relation fusionnelle entre Louis et sa mère. Il me paraitrait
donc également judicieux de pouvoir effectuer un travail avec ce papa afin qu’il puisse
prendre conscience de l’importance de sa place de père au sein de cette famille.
En conclusion, cette réflexion concernant la prise en charge de Louis vient du fait que j’ai pu
l’observer au cours d’une année, mais aussi du bilan psychologique que je lui ai proposé et de
la rédaction de ce mémoire. En fonction du bilan psychologique, j’ai pu poser une hypothèse
sur la structure psychologique de Louis, qui je l’espère aura éclairé les thérapeutes s’occupant
de ce dernier, afin qu‘elles puissent travailler dans de meilleures conditions et sachent ce dont
Louis est capable et ce dont il ne l’est pas.
Il est vrai que les professionnels de la guidance se sont aperçu en réunion de synthèse que
Louis était passé par toutes les prises en charge existant à la guidance. Cet enfant les a mis en
difficulté, il me semble, car sa structure psychologique n’avait pas été bien cernée…
Pour l’année à venir, Louis va continuer sa prise en charge en psychomotricité et en atelier
conte à la guidance de Lavaur.
Peut être serait il bon d’envisager un autre style de prise en charge pour Louis d’ici quelques
temps selon son évolution…
En ce qui concerne ma future pratique de psychologue, cette expérience m’a permis d’aborder
un regard clinique et d’être préparée à la mise en place d’un atelier conte, si j’en ai un jour
l’opportunité. Toutefois, il me semble que la formation du docteur Lafforgue est
incontournable avant de se lancer dans un tel projet. En attendant, je remercie encore Ariane
et Chantal de m’avoir initié à l’atelier conte et de m’avoir transmis leur expérience…
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Annexes
1- Compte rendu des séances de l’atelier contes du 2 Octobre 2001 au 18 Juin 2002 Première séance : 2 Octobre 2001
Dans la salle d’attente, rapidement Louis évoque des inquiétudes par rapport au travail
scolaire qu’il a à faire mais il n’en reparle pas dans le groupe. Quand il parle, il double la
dernière syllabe. Louis parle très mal, il n’articule pas. Il est difficile à comprendre, d’autant
que parfois il passe du coq à l’âne. Il évoque le feu, les pompiers, la mère tombée dans les
pommes (qui mettait sa culotte)… Au départ, il confond conte et compte, donc il part sur les
additions, les multiplications.
Puis, il énumère quelques contes : Cendrillon, blanche-neige, merlin l’enchanteur… Il parle
du dessin animée les trois sœurs ou il y a une sorcière.
Pendant le contage du premier conte « le Rutabaga » (confère annexes) : Louis est allongé,
attentif mais son corps bouge.
En ce qui concerne le jeu : il veut être la graine. Il a du mal à grandir, puis quand elle est
grande, Louis montre que cette graine « a du mal à rester grande ». Il dit qu’il a aimé le
moment ou la graine est arrosée. Puis, il dira que pour lui, c’est mieux d’être grand, « mon
frère il est grand ». Mais, que fait -il de plus ?.. « Des dessins sur un bloc sténo ». Nous avons
du mal à comprendre le fil de sa pensée… Ensuite, dans la conversation, il dira que « rien ne
lui fait peur ». Pourtant, nous savons qu’il a des phobies … Au prochain jeu, il voudrait être
Mathurin.
Changement de groupe : Première séance : 6 novembre 2001
Première séance avec un nouveau groupe. Il est à l’aise car il connaît l’orthophoniste et
l’infirmière psychiatrique. Pendant la discussion, il dit qu’il a fêté Halloween. C’était le 25
Octobre. Il se souvient bien de la date mais moins de ce qu’il a fait. Louis bouge beaucoup. Il
ne cesse pas de dire qu’il connaît, sait ce qu’on fait. Assis à côté de CH. (infirmière
psychiatrique), il est dans un collage corporel avec elle ; il lui touche les cheveux, lui prend la
main. Quand elle le gronde, Louis se frotte à elle comme s’il essayait de se fondre en elle, il
frotte sa tête comme un chat. À un moment il dira qu’il a fait des chatouilles a quelqu’un qu’il
ne connaissait pas. Il touche à tout, surtout au sac contenant la maraca. (il sait pourtant que ce
sac est uniquement manipulé par les adultes). Quand il parle, c’est souvent incompréhensible,
il parle en même temps que les autres. On note également des phénomènes d’écholalie. Il dit
que le conte du Rutabaga lui fait penser à Merlin l’enchanteur. Il choisit le rôle du chien. Il
aime ce rôle car le chien tire la queue de Mathurin ! ( mathurin n’est pas un animal !) et parce
qu’il embête le chat et que les chiens font peur aux chats et aux oiseaux et de même qu’aux
sangliers. (Alors que nous savons qu’il a peur des chiens).
Lorsqu’il lance le coussin pour le rituel du bonjour et au revoir, nous notons des gestes
parasites importants.
Pendant le contage, il empêche Nabil qui est à côté d’écouter car il touche beaucoup les
coussins. Il aimerait rejouer Mathurin. On remarque que Louis est souvent incohérent dans ses
propos.
Deuxième séance : 13 Novembre 2001
Pendant la discussion, Louis nous dit que c’étaient les vacances parce que les mercredis où sa
mère ne travaille pas, il reste à la maison au lieu d’aller chez sa grand-mère. Il joue avec sa
mère à apprend à compter des pièces de monnaie.
Il dit qu’il se souvient du conte, de la plante dont on fait de la soupe. Il est confus dans ses
propos. Il se saisit souvent du sac pour que les animatrices racontent.
Il jouera : Mathurin et deux fois le rat. Quand il joue le rôle de mathurin, il ne fait pas de trou
dans la terre, il bâcle son rôle. Quand il joue le rat et que CH. fait le chat, il s’oppose un peu et
elle le fait obéir. Lors de la discussion, il dira qu’il faut obéir, ne pas s’opposer, faire ce qu’on
nous dit de faire. Louis semble toujours inquiet et demande : « si nous allons encore avoir le
temps de raconter l’histoire »…
Il a toujours besoin de « toucher », il tripote les cheveux d’une petite fille pendant le contage
(elle le repousse). Il se colle plusieurs fois à CH.
Dans le troisième jeu : il est le rat et demande à A. de jouer le chat. Il semble toujours dans un
décalage par rapport à ce qui se dit ou se fait.
Troisième séance : 20 Novembre 2001 :
La discussion tourne autour du repas de midi. Il ne se souvient pas du conte « la fermière et le
cochon »( cf Annexes). Il semble perdu et mélange les informations. Des problèmes de
logique apparaissent lorsqu’il joue. Il a beaucoup de mal à s’opposer et fait l’inverse de ce
qu’il doit faire dans son rôle, il obéit alors qu’il devait s’opposer : donc, quand la fermière
demande lui demande de brûler le bâton (sachant qu’il joue le feu), il fait mine de brûler le
bâton, et de boire l’eau (car il joue aussi la vache) et il le dit. Il n’a pas compris
l’enchaînement logique d’un élément à l’autre.
Louis dit qu’il peut se mettre en colère par rapport à Yann (son frère). Quand nous lui
demandons : « qui est Yann ? » ; Il répond « il a 14 ans »… Au bout d’un moment, il dit après
l’insistance des adultes que c’est son frère. Il le giflerait et l’enfermerait…Puis dit que « se
mettre en colère, c’est interdit ». Louis bouge beaucoup de manière incoordonnée.
Il n’est pas dans le jeu, il ne sait pas, ou, ne sait plus ce qu’il faut dire, ce qu’il se
passe…Quand CH. Le double, il répète mot pour mot ce qu’elle dit et la regarde au lieu de
s’adresser « au cochon ».
Lorsque CH. demande à une fillette pourquoi elle a choisi le rôle de l’eau, Louis dit que lui, il
aime le beurre salé. Ses propos sont très incohérents à certains moments ; Louis est difficile à
comprendre. Louis nous dira que le conte de la fermière et du cochon lui fait penser à une
chanson où il dit « non-non-non ». Il chantonne, les paroles sont difficiles à comprendre.
Pendant le temps de contage du « petit chat têtu », au début, il bouge énormément puis se
calme quand sa tête touche l’épaule de CH. Il a les yeux rouges et larmoyants, il les essuie
quand il est dit que le chat est perdu. Ensuite, Il manipule beaucoup le mouchoir sur lequel
sont peints des dalmatiens. Il approuve quand on met des mots sur ses émotions. Il demande à
Nabil à la fin de la séance de l’attendre.
Quatrième séance : 27 Novembre 2001 :
Le groupe accueille une stagiaire infirmière. Louis dit qu’il va faire du vélo ( qu ’il va à
l’école en vélo), que son frère va avoir une mobylette. Pour lui, ce qui est important, ce sont
les freins. Du conte, il se souvient des écureuils et d’un oiseau. Il dit des écureuils qu’il ne
faut pas les mettre en cage. Il parle des chats, de leur nourriture (des croquettes et de l’eau).
Il n’a pas de chat, que des oiseaux. Il jouera l’écureuil ( un bébé), puis le corbeau.
Il est nécessaire de le soutenir. Il ne veut pas jouer le chat. Il trouve que cette histoire est triste
parce que le chat se perd. Il ne peut en dire plus.
Quand il joue le rôle du corbeau, il dit qu’il ramène le chat à la case départ.
Pendant le contage « le chat et le perroquet », il rit puis dit qu’il est bien, que c’est le meilleur
conte qu’il a entendu. Il vient tapoter sur la tête de CH. à la fin du groupe. Il dit que le chat
mange beaucoup. (s’identifie t’il au chat ?)
Cinquième séance : 4 Décembre 2001
Louis est dans une grande agitation corporelle aujourd’hui. Il touche énormément les autres,
des pieds, des mains. Il « colle » beaucoup. Il tripote toujours quelque chose. Il ne se souvient
pas de l’histoire « le chat et le perroquet », mais il fait « comme si » en répétant en écholalie
des bribes de phrases, voire des mots ou des fins de mots. Après avoir de nouveau raconté
l’histoire, Louis est incapable de retrouver quelques éléments. Il n’est absolument pas
attentif.
Pendant le jeu, il souhaite être « les éléphants » deux fois de suite. Après le jeu, il montre
qu’il se souvient de quelques passages, comme pour faire plaisir. Il dira aussi, qu’il nous
« voulait pas sortir du ventre du chat, qu’il y était bien. »
Pendant le contage « des araignées », il a l’air d’écouter tout en gigotant beaucoup. Lorsque
A. (orthophoniste), énumère les différents membres de la famille, il ajoute « les parrains ».
Le conte du « chat et du perroquet » lui fait penser à Merlin l’enchanteur (fixation) et au
loup… Au moment du jeu, il parle de multiples fois de « pâtes », « ça fait du bien », dit-il.
Sixième séance : 11 Décembre 2001
Louis dit qu’il est allé avec son frère acheter la mobylette le vendredi 7 Décembre. Il y est
monté et dit « qu’il a un casque qui lui couvre le visage ». À la question : « Est qu’est-ce que
cela t’a fait de faire de la mobylette ? », il répond : « ça fait pas mal ». Louis répète la fin des
phrases des autres mais aussi des siennes. Nous avons une impression d’écho.
Il est assis au début entre A. et CH. qu’il touche très souvent. À un moment, il poussera A.
qui a failli tomber.
Quand les animatrices du groupe parlent, il leur met la main devant la bouche, comme pour ne
pas les entendre.
Louis donne l’impression que les choses ne prennent pas de sens pour lui, il parle en même
temps que les autres. Il ne se souvient pas du conte.
En ce qui concerne le jeu, il choisit d’être le canari mais il a du mal à rester dans sa cage. Il dit
2 ou 3 fois que « le canari va s’échapper de sa cage ». Il avait choisi le rôle du « chien » au
début puis à changé d’avis.
Il nous dit que la cage est en carton.
Après le jeu, il reproche à la servante (CH.), de ne pas lui avoir donné à manger de la pâtée, ni
à boire, ni de lui avoir nettoyé la cage. (En réalité que l’on ne s’est pas assez occupé de lui). Il
dira que le sapin était beau.
Il voudrait jouer Merlin l’enchanteur, il le redit deux ou trois fois, bien qu’on lui ait précisé
qu’on ne jouait que les contes racontés dans l’atelier.
Il reparle du « cochon » du conte « la fermière et le cochon » mais il est d’accord pour jouer
le rutabaga.
Pendant le contage du « petit sapin », Louis n’arrête pas de bouger et de manipuler les
coussins, il se cache souvent le visage. Il réclamera de jouer à l’espalier avant les vacances
alors que c’est interdit.
Septième séance : 18 Décembre 2001
Nous ne trouvons pas de changement par rapport à la semaine précédente. Il commence les
phrases « Des… », attend que les autres disent et il répète les phrases des autres sans y mettre
de sens. Il n’écoute pas et fait des interventions sans aucun rapport avec la discussion. Quand
il entre dans la pièce, il dit à A. « c’est un carré » en parlant d’un coussin en forme de carré.
Quand il veut évoquer la maraca, il dit « le trait et le rond ». Il repère les formes et non les
fonctions.
Il ne se souvient pas du conte « le petit sapin », il donne des éléments concernant le conte « la
visite des araignées ». Il est dissipé, bouge beaucoup, touche le banc.
Dans le jeu, Louis n’est pas dans son rôle, il est tourné vers les adultes et attend qu’on lui
souffle ; au lieu de s’adresser à l’interlocuteur.
On constate encore que Louis est très accès sur les chiffres : à la fin du jeu, il dit « j’en ai fait
4 ». On lui demande ce qu’il veut dire, il est incapable de répondre. Il parle en fait des rôles.
Lors de la discussion, nous parlons de l’hôpital, il dit qu’il y est allé une fois lorsqu’il a
accompagné son frère pour son genou « craqué ».
Dans le jeu, le premier rôle qu’il choisit est l’oiseau puis le vent, la neige et les enfants
malades.
Louis ne s’approprie pas le conte. Il n’est pas capable de raconter l’histoire. Il ne donne pas de
sens et reste dans l’imitation des autres enfants. Il dit un mot et attend que les autres fassent
des phrases pour pouvoir les répéter. Il se montre écholalique et ne peut construire des phrases
entières correctes. Son discours est confus, incohérent. Il veut toujours jouer le même rôle et
ainsi reste du côté du connu. Quand il ne veut pas que certaines paroles soient dites et en
particulier des reproches le concernant, il met sa main devant la bouche de l’adulte…
Ensuite, il réclame le jeu du rutabaga et désire être le chien .
À la fin, il nous parle « du trait et du rond », nous comprenons qu’il veut parler de la
maraca…
Huitième séance : 8 Janvier 2002
Lors de cette séance, Louis est un peu moins dans l’écholalie. Il répète cependant quelques
fois la fin de ses phrases. Mais dans l’ensemble, il répète moins ce que disent les adultes.
Il parle de ses vacances, des promenades en forêt, de la pêche de poissons et langoustines et
du travail scolaire (Français, maths et géométrie). Il dit que le père noël n’est pas passé chez
lui car il n’y était pas, il était chez Jean Luc ( ?) mais il ne nous l’explique pas ainsi.
En ce qui concerne le jeu, il choisit en premier rôle le rat puis Mathurin. À la fin, il ne tombe
pas et nous le fait remarquer. Cela lui semble important de ne pas tomber sur le sol.
Il demande à jouer Cendrillon (conte que l’on n’à jamais raconté). Entend- il ce qu’on lui dit ?
On lui demande s’il peut imaginer qui pourrait être les personnages du conte, il répond :
« Mathurin et Célestine, seraient des enfants », Mathurin : « le grand-frère ». Mathurine,
quant à elle, serait un adulte mais « pas la mère ». Louis est très agité pendant le contage du
« chat et chien ennemis ». Il parlera aussi du scrabble junior et du cochon « qui rit » qu’il a eu
pour Noël. Il dira aussi qu’inversement à Nabil, il aime bien recevoir des vêtements.
Neuvième séance :15 Janvier 2002
En arrivant, Louis veut me prendre par la main pour aller dans la salle. Puis, il dit qu’il
manque Shanda. Il parle de la galette des rois, il a eu trois fèves. Il a eu la fève d’Harry Potter.
Il dit que la galette, « il y avait du marron dessus et il fallait pas en manger ». Puis il raconte
qu’il n’en a pas mangé et se contredit finalement en disant que si. Son discours est confus. Il
ne met pas de sens sur les choses. On dirait qu’il apprend et répète mécaniquement. Il nous dit
que l’anneau, ça commence par la lettre A, il ne se souvient que de cela. Il est fixé sur une
lettre, non sur le sens. Il ne peut pas penser, élaborer. Il ne s’approprie pas ce qu’on lui dit.
Il est toujours dans une grande agitation corporelle. Il imite Nabil qui se met a genou sur le
sol. Il joue avec le banc, le pousse, se colle contre lui.
Il ne se souvient plus de l’histoire de l’anneau. Il dira qu’ils ont joué le rutabaga, puis le petit
sapin. Il finit ou répète la fin des phrases des adultes ou des enfants et également la fin des
mots. Il est toujours dans le collage avec les autres et n’est pas très attentif.
Lors du jeu, il veut jouer « le maître ». Puis dans le rôle, il ne sait pas. Il ne sait pas jouer le
rôle, où mettre l’anneau… Louis donne l’impression de ne pas avoir d’images mentales.
L’histoire ne prend pas sens pour lui. En outre, il donne l’impression que les mots
« glissent », ne sont pas « imprimés », il ne retient rien.
Dans le rôle du maître, il ne se met pas dans la peau du personnage : il regarde ailleurs,
n’écoute pas les conseils de CH.
Elle finit par le réprimander et il mettra sa main entre eux comme pour faire barrière et arrêter
les mots, comme pour annuler les réprimandes. Louis verrait le chien du conte en un caniche
marron et le chat serait un chat noir. Il parle pour les autres, on doit l’arrêter et lui rappeler
que chacun parle pour soi et qu’il n’est pas les autres !
Quand le chien revient mouillé à la maison, il fait le geste de le chasser avec la main et dit
« ça pue ! ». Lors du contage, il s’agite. A. Le soulève pour le placer près d’elle afin qu’il se
calme. Il prend un gros coussin carré et le met sur lui. Il continue malgré tout à bouger.
Dixième séance : 22 Janvier 2002
Pendant la discussion, il nous dit qu’il a eu la galette à l’école, puis il parle d’une sortie en
forêt. Louis n’est pas toujours très clair dans ce qu’il dit et Nabil se permet de rectifier ses
propos. Ils ont recherché des traces, des empreintes de sangliers et en ont fait des moulages.
Nous remarquons moins de gestes parasites dans l’envoi du coussin lors du bonjour. Louis a
moins l’occasion de prendre la parole aujourd’hui. Par rapport à ce que dit Sylvana sur sa peur
de dormir seule, il lui conseille de prendre un doudou pour ne pas avoir peur. Lui, il a un
pokémon. Louis dort dans sa chambre et ses parents ont la leur.
Il dit que lui aussi il a vomi une fois dans son lit, ou plutôt dans celui de ses parents. Il évoque
une lampe à sel qui n’éclaire pas et qui est utilisée contre l’allergie. Il l’achète dans un
« diététique » (à t’il voulu dire magasin diététique ?..). Au départ, il semblait que cette lampe
avait pour fonction de le rassurer quand il avait peur.
Il ne se souvient pas de l’histoire « d’Arthur et le château magique », mais il fait des
propositions sensées, clairement énoncées et non pas bafouillées ou en répétition avec ce qui
se dit.
Il choisit le rôle du Lion.
CH. Lui suggère de faire peur, mais il ne peut pas. Par contre, quand CH. effraie Nabil, il lui
dit : « t’as vu, on lui a fait peur ». Il reprend cela dans la discussion sur le conte et les
animatrices lui disent que « le lion n’était pas terrifiant ».
Il voudrait rejouer le conte et le rôle du dragon.
Onzième séance : 29 Janvier 2002
Il commence la discussion en disant qu’il a fait de la moto (mobylette) avec son frère puis ses
explications deviennent plus floues. Sa mère est parti chez le docteur donc Yann et lui sont
partis faire un tour. A priori, les parents étaient au courant.
Il dit que la piscine est ré-ouverte et qu’il y est allé. Il parle de la fermeture de la piscine, elle
« était fermée depuis 5 ans … puis… deux jours » ! Il raconte ce qu’il a fait dans l’eau avec le
club Nautique. Il aime mettre la tête sous l’eau. Louis est moins dans l’écholalie, il ajoute
après le discours de Nabil au lieu de répéter.
Dans un jeu, il a pu parler correctement, il était bien en phase avec le jeu. Par rapport au
thème de la peur, il dit qu’il avait peur des chiens, des chiens de chasse, il avait peur d’être
léché : « j’avais peur qu’on me lèche ».
À un moment, il dit « je comprends », comme CH. lui fait remarquer qu’il a peut-être peur de
ne pas comprendre. Il acquiesce.
Il enfreint les règles de l’atelier en sortant des billes plusieurs fois et des cartes qui seront
confisquées puis un mouchoir qu’il agite. Il touche également le sac et les coussins.
Louis donne l’impression de « se répandre ». Pour faire taire l’adulte quand ce dernier dit
quelque chose qui ne lui plait pas, il met sa main devant la bouche de l’autre à distance.
Il touche CH., touche ces pieds, les écrase. Nous pouvons nous poser la question des limites
corporelles.
Dans le jeu, il choisit en premier d’être le cheval. Il ne se souvient pas de ce qui se passe dans
le conte. Il y a un problème de rencontre de l’autre quand il part vers le marchand de queue : il
ne s’adresse pas à son interlocuteur.
À la fin, il dit que sa queue aussi « sont » belles et que le conte lui a plu.
Dans le conte « Arthur et le château magique », il choisit d’être en premier lieu le dragon. Il
n’est pas agressif dans son rôle.
En second lieu, il choisira le rôle du petit ours. Il joue bien son rôle, cette place lui convient
bien. Il a des paroles personnelles « tu veux que je te guide ». Il s’allonge à côté de Nabil
(Arthur).
Par rapport aux rôles, il dit « on n’a qu’à faire deux dragons » pour que les deux enfants qui
veulent jouer le rôle puissent le faire. Il peut y avoir multiplicité des personnages ! On note
que Louis évite les conflits.
5 Février 2002 : Louis est absent pour raison de santé.
Douzième séance : 5 Mars 2002 :
Louis s’assied sur le banc à côté de CH. Il veut aider Cassandra qui ne trouve pas le prénom
de CH., il imite l’adulte en disant « Ch…chan ».
Il dit « on est au premier Mars », « le 5 » et « On reprend l’école ». Dans la discussion, nous
parlons des œufs en chocolat de pâques et de qui les porte. Louis dit « Moi, c’est des pères
noël…c’est ma mère qui les achète ». Il compacte les mots quand il parle, il est très
difficilement compréhensible. Quand les autres parlent, Louis ramène toujours tout à lui et à
sa vie « et moi…et moi… », il a besoin d’intervenir en permanence.
Dans la discussion, il parle de la fête des grands-mères : « Le 3 Mars, on a fait la fête des
Grands-mères ». Il dit « on lui a acheté des fleurs , elle s’appelle Ginette Flari ».
Puis « C’est maman qui a payé et moi …on avait la carte, on a fait le code ». ( ?) La carte des
fleurs bancaire. On lui demande ce que c’est qu’une grand-mère, il répond : « le nom ou le
prénom ? »…
Il arrive à dire que cette grand-mère est la mère de sa maman et qu’il a deux mamies.
Il coupe souvent la parole aux autres pour répéter ce qu’il a déjà dit «Moi, j’ai deux mamies ».
Sylvana et Nabil parlent de leurs mamans, Nabil est triste et Sylvana se fait du souci car ses
parents se disputent. Louis se met au sol. Il dit « il existe des lois parce que…pour ; je sais
plus ». On lui demande s’il se fait du souci pour sa maman lui aussi, il répond que non.
Louis est agité, il va sur le pouf, il bouge beaucoup. Il s’y allonge un moment puis le prend
sur ses genoux. Ensuite il le met sur son dos. Il n’a pas l’air de se sentir concerné par la
conversation. Il dit au sujet des parents : « les miens, ils ne se disputent pas ».
Il répond à la place de Nabil quand on lui demande de dire à quelle école il va. On lui
demande s’il s’appelle Nabil…Il répond en donnant son nom de famille…Puis il raconte
qu’un monsieur et une dame ont un chien et qu’ils ont le même nom de famille que lui.
Il réclame le conte, il semble en avoir assez de la discussion. Il soulève la moquette.
Cassandra parle de mariage et Louis intervient pour dire que « le premier avril, ils vont se
marier mon papa et ma maman ». (ils sont déjà mariés !) Puis réclame : « on joue le conte ! »,
il se montre impatient. Il pose le pouf contre A. Il me regarde et me sourit mais fuit mon
regard quand il le croise. Il revient sur le banc (position de départ). Il se montre pertinent dans
la restitution du conte « la moufle », il corrige Cassandra qui dit que la fille a perdu une
chaussure. Il dit « sa moufle ». Nabil dit que c’est un gant. Louis commente : «Parce que c’est
comme un gant mais c’est pas pareil ».
Il se souvient qu’il y a un lapin et une souris dans ce conte. Il se colle à CH., on dirait qu’il a
du mal à se tenir seul. CH. essaie d’aider les enfants en leur donnant des pistes : « elle
va… » ; Louis au lieu de chercher répète « elle va… ». Quand Nabil arrive à retrouver
quasiment tout le cheminement de l’histoire, il dit « j’allais le dire presque ». Il se tortille. Il
veut être le canard, puis dit « je fais la fourmi ».
Il vient me voir et me dit « tu marques tout », mais n’attend pas de réponse et s’en va. Dans le
jeu, il joue correctement. Il se tient à distance des filles et à un moment rit beaucoup car A. le
touche. Alors que Nabil dit à Cassandra qu’il n’y a plus de place dans la moufle lorsqu’elle
veut y entrer, Louis dit « à côté de moi, tu peux venir ». Il a besoin d’être approuvé par
l’adulte, il dit en regardant A. « Moi j’avais dit que tu pouvais entrer parce que tu avais froid
aux pattes ». Quand on demande aux enfants comment ils étaient dans la moufle, Louis dit « il
faisait très bon, on avait allumé un petit feu ». Il est assis entre A. et C., il tord un coussin puis
attrape le sac avec la maraca. Puis, il imite Sylvana qui s’éloigne du groupe. Ensuite, il
s’assied sur le banc à côté d’A. au moment du contage alors qu’il sait qu’elle doit être
seule…On lui demande d’aller sur le matelas. Il se colle à Cassandra qui le repousse. Pendant
le contage, il est allongé, tape sur le matelas, bouge ses pieds, secoue ses jambes. Puis il
cherche de nouveau le contact : il touche le pied de CH. Il regarde ailleurs, me regarde, mais
semble tout de même écouter. À un moment il se relève, se colle contre CH. et pose sa tête sur
son épaule. Il se met en position fœtale et rit. Puis, il est à nouveau dans l’agitation corporelle
et se cogne la tête dans le mur. Il sourit quand il est dit que la sorcière veut manger les
enfants. Il dira « elle est longue » (en voulant sûrement parler de l’histoire).
Treizième séance : 12 Mars 2002 :
Louis et Nabil sont ensemble dans la salle d’attente. Je les entends parler. Louis est toujours
fixé sur les dates, les chiffres. Il est incohérent, il parle de revenir en CP. Lorsqu’il pénètre
dans la salle, il se saisit du sac où se trouve la maraca (ce qui est interdit) puis dit à Ariane qui
a froid « il faut allumer du feu dans la cheminée». Cet enfant fait hors réalité. En outre, il
n’est pas dans l’échange. Louis est la plupart du temps incohérent. Alors que Nabil a des
problèmes pour retrouver les prénoms des autres, lui dit : « moi, je sais ». Il tord le coussin
avant de le lancer, il contrôle mal, présente des gestes parasites. Sylvana est absente, Louis
émet des hypothèse : « peut –être elle est…elle est en retard ». Il a besoin de trouver des
raisons à l’absence.
Puis il ajoute : « on est 5 et 6 avec Aude ». Pendant que les enfants parlent de leur semaine,
Louis s’agite, il se lève, court, il est essoufflé. Une fois assis, il raconte que mercredi, il était
chez sa mamie car sa maman travaillait à 1H du matin et son père l’après-midi. Il a joué avec
ses cousines. Il est tellement dans l’agitation corporelle qu’il manque de tomber du banc ou il
est assis. Dans la discussion, Louis dit qu’il a une télévision et même un magnétoscope pour
regarder des cassettes. Il regarde Mister Bean. Il dit « J’adore quand il met…quand ça devient
vert et après il fait un bonhomme à la place de la mère ». Nous ne comprenons pas ce qu’il
veut dire. Il est assis en bout de banc, il ne tient pas en place, gigote, se gratte. Il a du mal à
exprimer sa pensée. Il saute du coq à l’âne : alors que Nabil parle de sa mère, il intervient
pour dire « qu’on est à l’euro maintenant on est plus en francs. Le 1er Janvier c’est l’euro et
en plus c’est 2002 et en plus on paie plus en francs ».
Il pose le pouf sur le banc. Alors que Nabil était en train de parler de ses vacances à la mer et
d’un phare, Louis dit « Je suis allé à la mer, on est resté quinze jours ». Il coupe souvent la
parole à Nabil : « Et moi, et moi » ; il a besoin de dire qu’il a fait comme l’autre. Il
ajoute : « Je l’ai visité, on a fait le tour et il fallait prendre l’île d’Oléron ».
Louis frotte ses pieds sur le sol. Il s’écartèle les jambes pour pouvoir toucher les deux pieds
du banc, on dirait qu’il a besoin de « s’arrêter » de trouver un objet buttoir. Il raconte que son
anniversaire est le 13 Mai. Les dates sont très importantes pour lui. Il se souvient de la
sorcière dans le conte et du four. Nabil raconte l’histoire comme il l’a vécu et Louis ne
supporte pas que Nabil n’ait pas entendu comme lui. On lui demande de raconter l’histoire
selon sa version. Il relate : « Ca parle d’or. Il y a des pièces d’or ». On lui demande de
préciser comment l’histoire commence. Il répond : « elle commence depuis le début ». Il
arrive à raconter l’histoire mais avec une aide soutenue. Lorsque Nabil raconte, il veut
anticiper sur ce qu’il dit et raconte n’importe quoi pour finir le premier. À la question qu’est
ce qu’un bûcheron, il répond : « il fait de la viande ». (a confondu avec boucher ?)
Louis est toujours dans l’agitation corporelle, il est assis sur le banc, en descend, se met à
genoux sur le sol. Il touche le banc, s’appuie contre le banc, s’en sert comme appui. Il veut
monopoliser la parole, il veut qu’on l’écoute. Dit toujours « je sais, je sais ». Il répond souvent
de façon incohérente aux questions. À la question : « que fait Jeannot pour tromper la
sorcière ? », il répond : « Ah oui ! elle le met dans le four ! ». Il revient toujours aux mêmes
idées, reste fixé sur « le four, les miettes de pain et faire cuire », il ne semble pas réfléchir. Il
répond correctement à certaines questions : « que montre Jeannot à la sorcière » ; il répond
« un doigt ». Quand Nabil raconte la fin de l’histoire : « la mère est morte de faim » ; Louis a
des propos totalement incohérents : « Ils vont acheter des nems ». Ramène t’il des choses de
sa réalité ? Il ne peut entendre que la mère est morte à la fin. Alors que Cassandra continue à
parler de mère morte, Louis ajoute : « Après elle achètera des samoussas ». Il arrive
cependant à dire que l’histoire est triste ; « parce qu’elle était morte de faim ». Puis il se place
au milieu de l’espace discussion et grimpe sur CH.
Pendant le jeu de « La moufle », Louis lève les bras au ciel et crie « ouais ! ».Il est allongé sur
la moquette ; il se souvient de tous les animaux du conte. Cassandra demande à jouer deux
rôles et lui aussi. Au moment de choisir, il a des difficultés à dire : « le le la le la
le….canard », il choisi aussi le rôle de la souris. Il veut prendre la couverture symbolisant la
moufle à Nabil. Il arrive à parler dans son rôle, mais quand il entre sous la couverture, il ne
cache que sa tête, tout son dos est apparent. Lorsque Nabil est avec lui sous la couverture, il se
colle à lui. Il laisse entrer facilement les autres. Pour finir, il vient se placer sur le banc, sourit.
Au moment de partir, il veut me toucher.
Quatorzième séance : 19 Mars 2002 :
Louis me voit et dit doucement « Aude… ». Au moment du bonjour, il envoie avec force le
coussin, le pétri. Il le lance fort même si la personne est à côté de lui. Il se permet de garder le
coussin quand il revient à lui et de dire « est ce que tout le monde à dit bonjour », il veut jouer
le rôle de l’adulte. Louis s’agite beaucoup, il tient ses jambes et les secoue. Nabil raconte qu’il
écrit une lettre pour sa maman mais qu’il ne l’a pas fini. Louis lui dit « tu l’as fini demain ! ».
(intrusion ?) Il dit à Nabil que le pull que sa maman lui a offert « est très joli » ; et ajoute « on
peut écrire je t’aime et on peut lui marquer c’est joli ». Puis il enchaîne sur une histoire le
concernant : « une fois, ma marraine, je lui ai envoyé un cadeau parce qu’elle m’a envoyé un
livre ». (Louis ramène tout à lui.)Il nous dit que sa marraine habite « très très très loin » et
« en plus c’était quoi, une paire de ciseau avec des arcs-en-ciel. Elle travaille à l’école ; dans
un pays, une école très très loin ». Puis il ajoute que « c’est à côté de Toulouse » ! Il a à son
tour envoyé un cadeau, il accumule les détails de l’histoire.
Il est assis sur le banc à côté d’A. et bouge beaucoup. Puis il saisit un mot ou une bribe de
phrase de Cassandra (qui dit que sa mère était enceinte quand elle lui a écrit) et il lui demande
« c’est une fille ou un garçon ? », ce qui n’est pas le propos de la discussion. Louis relate des
événements de vie sans aucun rapport avec la discussion : « Moi, une fois, j’ai dormi tout seul
avec mon frère. On était à Graulhet, chez mon tonton ? j’ai dormi tout seul. Y’avait que deux
places. ». Il raconte ensuite que son parrain lui a offert un « doudou », un « pokémon ».
On demande à Sylvana comment elle a vécu un séjour loin de ses parents, quel souvenir elle
en a gardé. Louis coupe la parole et veut répondre pour elle ! Il dit « un bon souvenir » On lui
rappelle qu’il n’est pas l’autre et qu’il n’en sait rien ! Il veut monopoliser la parole « Et
moi…et moi », il a toujours quelque chose à dire. Il se balance d’avant en arrière sur le banc.
Il répond aux questions de façon incohérente : quand on lui demande avec quoi il écrit à
l’école, il répond « quand je fais des fautes, j’ai le blanco ». Puis brusquement sans lien, il se
met à raconter que pendant les vacances il avait « la photo de la piscine de la natation et elle
était sur l’affiche ». Il se souvient de l’histoire de Jeannot et Margot mais à beaucoup de mal à
la mettre en mots, on dirait qu’il a de la bouillie dans la bouche quand il parle. Il se met à
genou contre le banc, appuie ses mains. Il donne l’impression de se tenir pour ne pas
« s’épancher ». (Ou sont ses limites ?). Il répète ce que dit l’autre. Il se rassied sur le banc,
mais dans une position inconfortable : les fesses dans le vide . Il regarde partout, ne se pose
pas (ni le corps, ni le regard). Il a un air hébété. Le contre-transfert est difficile avec Louis, A
et CH. le recadrent sèchement. Il s’assied lors de la discussion au centre de l’espace. Il se
cache derrière le coussin quand il est grondé ou met la main devant la bouche de l’autre.
Quand on lui demande de choisir un rôle, il désire être « les pièces d’or » ! Alors qu’A. cite
les rôles, il dit « Et le pain pour manger ». Il ne différencie pas les personnages des objets…
Il faut toujours qu’il touche. Il touche le banc avec sa jambe comme un buttoir qui
l’arrêterait.. Alors que nous parlons du jeu, il parle du fait que nous sommes « dans la pièce de
Anne » (la psychomotricienne). Puis Cassandra dévoile que Nabil et Louis se sont bagarrés
dans la salle d’attente avant le groupe. Nabil se plaint d’avoir mal à la joue où Louis l’a
frappé. Louis n’en dit rien. Il redemande à jouer les pièces d’or . Il jouera également le rôle du
bûcheron. Avant le jeu, il vient me voir et me demande « tu marques quoi ? » ; il n’attend pas
de réponse et pose aussitôt une autre question « elle est où la maison ? » .
Pendant le jeu, il tient beaucoup de propos hors jeu, il a du mal a entrer dans la fiction. Quand
il joue, il regarde l’adulte et non son interlocuteur. CH. joue la bûcheronne, il est tout de suite
d’accord avec ce qu’elle lui propose (abandonner les enfants), il ne pense pas par lui-même.
Il semble que Louis n’est pas compris l’histoire, il dit à un moment « On va à la forêt, on va
chercher du pain ». Il répète ce que dit Sylvana « c’est l’heure ». Il insiste beaucoup sur le
pain : « tenez du pain »(à Nabil et Cassandra ), vers la fin « y a du pain à manger ». Il reste
fixé sur certains éléments. Il s’appuie beaucoup contre le radiateur. Louis est dans le désir de
l’autre, il regarde les réactions de l’autre pour voir si ce qu’il fait est bien.
Il rira beaucoup à l’intervention d’A. qui dit « grigotti-grignotta ». Il se met face à face avec
Sylvana, très près de son visage comme pour partager son rire. Elle se pousse. Il reste collé
contre le radiateur. Il va au milieu du jeu alors que ce n’est pas à lui de jouer. Il dit « la
bûcheronne elle est morte. Elle avait faim, maintenant elle est morte. Des pièces d’or, on
pourra s’acheter beaucoup de choses. » Il court pour s’asseoir sur le banc et manque de
tomber car n’a pas fait attention que CH. était en train de le tirer ! Il se place sur le banc à côté
d’elle puis se cache la tête sous un gros coussin. Il trouve que c’est triste que la maman ne soit
plus à la maison. À la fin de la séance, Louis dit « pendant longtemps, on n’a pas joué les
histoires qu’on a racontées. Il voudrait le conte du rutabaga. Il agit comme un bébé. Il
demande : « on se dit au revoir » à la fin de la séance. Il veut toucher la barrette de Sylvana,
veut la lui mettre.
Quinzième séance : 26 Mars 2002 :
Avant la séance, Louis arrive vers moi en disant « Aude…Aude », s’approche comme pour
me toucher et puis s’en va. Il a de la sauce tomate plein le visage, on peut supposer qu’il
mange comme un bébé… Nabil émet des hypothèse sur le fait que Sylvana soit absente et dit
« peut être que… » ; Louis répète « peut être, peut être ». Après la supposition que Sylvana
soit absente à cause d’une panne de la voiture de sa maman, Louis intervient : « Moi quand on
est en panne, on vient à pied ». Pendant la discussion, il s’entoure de gros coussins puis en
soulève deux par les bouts et les secoue. Il a du mal à lancer le coussin jaune dans le cadre du
bonjour : il le chiffonne et lance fort et pas en direction des personnes.
Il s’agite beaucoup lorsqu’il est sur le matelas. En parlant du conte (de l’histoire) qui va être
raconté, il dit « ça va être une nouvelle, une plus jolie, ma préférée… ». Il parle très vite,
n’articule pas, on a beaucoup de mal à comprendre ce qu’il dit. Il évoque le conte « la
fermière et le cochon ». Il ne tient pas en place : s’assied par terre, soulève la moquette, se
tord en tous sens. Puis en parlant de l’orthophoniste qui est absente aujourd’hui, dit : « C’est
dommage qui a pas Ariane ; elle a pris un rendez-vous ? ».
Puis il raconte sa semaine : « Tu sais quoi, moi, pendant mercredi, je suis allé chez mamie
parce que papa et maman travaillaient. Il ajoute que sa mère finissait à 6H et son père à 20h.
Quand il parle, il utilise souvent l’expression « tu sais quoi ». il raconte que sa grand-mère fait
de la couture, lui aussi en fait avec sa maman et il aime cela.
Dans le jeu de « Jeannot et Margot » il choisit le rôle de Jeannot. Il fait des gestes qui n’ont
aucun sens dans le jeu : il met ses bras en l’air avec la paume des mains vers le ciel !
Dans son rôle, il ne finit pas ses phrases et ne les construit pas : « J’ai des cailloux pour…on
retrouve la maison ». Il est hagard, on a l’impression d’un enfant complètement perdu.
Lorsqu’il parle on dirait qu’il a de la bouillie dans la bouche : il n’articule pas. Louis a un
corps désarticulé, il fait « mou ». On se demande parfois s’il a bien compris l’histoire et s’il
n’a pas des problèmes au niveau de la temporalité…il n’est pas sensé savoir qu’on veut le
perdre ! Lorsqu’on lui dit de passer derrière le coussin qui symbolise la forêt, il ne comprend
pas. En outre, il se précipite alors que dans le jeu il doit rester derrière CH et Nabil. Il ne peut
se concentrer. À un moment donné, il veut prendre CH par la main. Il la regarde quand il parle
au lieu de regarder son interlocutrice dans le jeu. Quand il est censé manger dans le jeu, il
mime bien le geste de mâcher mais avec ses mains… Il regarde partout, à l’air perdu dans le
jeu. Il a un aspect pataud, les bras le long du corps, il semble ne pas savoir quoi faire de son
corps. Ensuite,il répond à la place des autres alors qu’on ne s’adresse pas à lui. Il se colle
corporellement à CH. Quand elle hausse la voix, il se bouche les oreilles en mettant ses mains
à distance de ses oreilles comme si cela allait arrêter le son ! À moment, il fait des
mouvements avec ses bras comme s’il jouait le rôle de l’oiseau alors que c’est C. qui le joue.
Nous avons la confirmation qu’il n’a pas compris l’histoire lorsqu’il dit spontanément : « je
suis Jeannot, le fils de Margot ». Il imite beaucoup C. dans le jeu. Quand on lui dit que la
mère (dans le conte) est morte, il dit « on est triste » et non « je ». Puis il ajoute que « comme
la mère est morte on pourra s’acheter des choses ». Il est dissipé et demande l’heure à CH.
Comme elle lui explique qu’il faut qu’il se mette dans la peau de son personnage lorsqu’il
joue, il s’enfonce sous les coussins. Dans la discussion, il dit trouver l’histoire triste car la
mère est morte. Puis ajoute : « avec les pièces d’or, ils vont pouvoir s’acheter des choses…ils
vont pouvoir prendre des boîtes pour manger ». Il dit que « c’est dommage pour la mère ».
Il veut rejouer le conte du rutabaga : « On l’a pas fait depuis longtemps ». Il répète un à un les
rôles énoncés par CH…Il est toujours dans l’écholalie. Il répète identiquement certaines
phrases des autres enfants et répond pour les autres.
En ce qui concerne le deuxième jeu, il souhaite jouer l’oiseau blanc et Jeannot. Il n’écoute pas
car Nabil a déjà choisi le rôle de Jeannot. Il pose des questions à Nabil : « tu ramènes des
cailloux ? ». Il a une attitude étrange, il fait de grands gestes avec les bras. Il regarde
beaucoup CH. Il manque de tomber en marchant puis tombe une fois en se prenant les pieds
dans un coussin. Le corps de Louis semble désarticulé. On remarque que Louis est fixé sur les
chiffres, les dates, le temps ; il répète plusieurs fois « 3 secondes ». Il bégaie et a des
difficultés à construire des phrases complètes : « on va…on va…on va vous…on va vous
amener du bois ». il s’appuie contre les éléments comme pour se tenir ( le sol, le mur, le
radiateur). Il répète toujours les derniers mots des phrases de CH. par exemple lorsqu’elle dit
« la nuit tombe ». Il répète « tombe ».
Seizième séance : 2 avril 2002:
Louis arrive en courant dans la salle et tombe. Lors du « bonjour », au bout d’un moment il
s’arrête pour demander si tout le monde a dit bonjour alors que c’est à l’adulte de faire ceci. Il
a besoin d’émettre des hypothèses sur l’absence de Cassandra : « peut être elle est malade »,
« peut être sa voiture, elle est en panne ». il ajoute « moi une fois la voiture elle est calée et
j’ai pas pu venir et peut être on a oublié de faire le code de la Xantia, sinon la voiture elle
démarre pas ».
Il est assis sur le banc à côté de CH. Il raconte qu’il a cherché les œufs de pâques les yeux
bandés, il dit « j’ai…j’ai…j’ai…j’ai …je les ai trouvés tous ». C’est sa mère qui les avait
cachés. Il est agité, a les fesses sur le banc et les mains sur le sol.
Il ne se souvient pas de l’histoire.
Pendant la reprise du conte « sans parole », il se colle a CH., la touche, l’envahit littéralement.
Il « s’écroule » de tout son poids sur elle, surtout au moment où il est question de la mort de la
mère. Il regarde partout sans poser son regard. CH. lui demande de s’appuyer contre le mur
avec un coussin ; il se jette sur Sylvana. Il est mal installé et se colle à Sylvana. Il est toujours
dans l’écholalie, il répète « texto » ce que dit CH, il commence ses phrases avec les propos de
CH.
Il dit ne pas se souvenir du tout du conte puis reprend plusieurs fois l’idée de la présence d’un
lapin alors qu’on lui a précisé qu’il n’y a pas de lapin dans le conte ! Louis a beaucoup de mal
à s’exprimer et à imaginer. Quand CH. lui fait des remarques, il essaie de toucher le coussin et
touche sa voisine. On lui demande d’imaginer le panier avec les mots dedans, il répond « il
n’y est pas ». Lorsqu’il évoque son goût pour le marché, il ne sait pas nous dire ce qu’il lui
plait. Il répète « peut être » cinq ou six fois avant de dire une phrase courte et correcte et
également « parfois ». Il finit par dire qu’il aime acheter des fleurs au marché et les décrit
interminablement avec énormément de détails. Puis il dit « j’aime le pain en cœur de la saint
valentin et parfois j’achète, peut être des pruneaux ». Il dit « j’achète » alors que c’est sa mère
qui achète…
Lorsqu’il lui est demandé « pourquoi le géant ne parle pas », il répond que c’est « parce qu’il
est timide » et il ajoute que lui aussi est timide.
Pour le jeu, Louis demande a faire le canard. Il arrive quand même à dire quelques mots dans
son rôle s’il est soutenu. Il répond pour Nabil. Quand il ne joue pas, il n’écoute pas les autres,
s’agite et s’appui contre la table ou le tableau blanc. Il contorsionne son corps et bouge sa tête
en tous sens, il ne se calme jamais ; il fait « démantibulé. » Vers la fin de la séance, il se
couche et se couvre de coussins un moment. Louis semble être dans un mode de
fonctionnement mécanique, il ne montre pas de ressenti et reste dans l’énumération des
choses. Par rapport à la discussion sur le conte et aux émotions, Il dit « qu’on ne le montre pas
quand on est triste » et « je le garde dans ma tête ». Louis semble n’avoir aucune image en
tête. Avant de quitter la salle, Louis vient vers moi et dit « Aude…Aude » et me touche la
main puis s’en va.
Dix-septième séance 23 Avril 2002 :
Louis et Nabil se sont disputés dans la salle d’attente. Louis voulait jouer et Nabil a refusé.
Louis semble s’être senti et rejeté. Il a pleuré et exhibe une oreille toute rouge. Il affirme que
Nabil lui a tiré les cheveux et à l’air très malheureux. On leur rappelle que l’on peut dire les
choses avec des mots au lieu de se battre et à cela il répond : « je le sais très bien ».
Puis, il veut parler de ses vacances. Il a fait du vélo, du foot et a joué aux billes. Il dit « une
fois on a fait du foot et on a arrêté, jusqu’à minuit on a arrêté ». Ces phrases ne sont pas
correctes. Il a gagné une bille « pokémon ». Louis raconte qu’il ne perd jamais. Il est dans
l’agitation corporelle : il essaie d’attraper le pouf. À l’attaque de Nabil qui lui dit qu’il
travaille mal et qu’il « va bientôt redoubler », il rétorque : « J’ai jamais redoublé de ma
vie ! ». On remarque une grande rivalité entre Louis et Nabil. Louis articule mal et confond
les pronoms personnels « nous » et « vous », il dit à un moment : « J’étais pas avec nous,
j’étais avec le directeur ».
Louis est toujours d’accord avec ce que dit l’adulte et répond toujours oui . À un moment
donné de la séance, il se touche le sexe. Son discours est plus cohérent que d’habitude malgré
le fait qu’il enclenche sur certains sujets sans liens. Il a besoin de se valoriser en disant qu’il a
eu « des très bien » à l’école. Il répète toujours plusieurs fois le début de sa phrase (en général
trois fois) avant de la terminer. Louis veut répondre à la place des autres, notamment à la
question que l’on pose à Cassandra concernant l’age de son frère, alors qu’il n’en sait
strictement rien. Quand on le réprimande en lui signifiant de parler pour lui et qu’il ne peut
pas savoir l’âge du frère de Cassandra, il met son pied en avant comme pour arrêter les
reproches (comme une barrière) et montrer son mécontentement.
Puis il se met à compter sur ses doigts… Il est assis inconfortablement, a moitié sur le matelas
et a moitié par terre. A-t-il des difficultés avec les repères temporels ou ne fait il pas
attention, il raconte : « la semaine dernière quand j’étais en CP, j’y allais le vendredi (en
psychomotricité). Il a toujours besoin de s’appuyer contre les objets : le mur, le radiateur… Il
reste dans le collage corporel : il touche les adultes, se pose contre elles ;il prend la main de
CH., lui caresse le pied.
Puis il se met à raconter : « je perds des calories, je les brûle avec des fruits pour mon
estomac parce que j’ai un problème». On lui demande lequel ? Il répond « je ne sais plus » ;
« il faut que je mange des agrumes pour brûler les calories ». Il a beaucoup de difficultés à
dire l’essentiel : qu’il est allé voir un médecin pour faire un régime. Cependant, il se souvient
du numéro de la rue « au 242 ». Louis nous dit qu’il a envie de maigrir car « il est le plus
lourd ». Et rajoute « le docteur, il dit qu’il faut me laisser vivre »…
Il veut jouer le conte du « Rutabaga ». il se souvient de tous les rôles dans ce conte. Il veut
jour la fourmi alors qu’un autre enfant a déjà choisi ce rôle. Alors il choisit de jouer le lapin.
Il dit adorer les lapins « car ils sont gris » et dit qu’il a six lapins tout en se tenant à CH. Il
emploie souvent l’adverbe parfois et répète « parfois, parfois ».
Dans le jeu concernant le Rutabaga il joue le rôle du rat. Il reste beaucoup à plat ventre sous le
bureau symbolisant le grenier. Il parle hors-jeu « on va avoir de la soupe. En plus j’aime ça ».
Il nous fait remarquer à la fin du jeu qu’il n’est pas tombé, cela semble important pour lui de
ne pas « s’effondrer ».
Dans le jeu du conte « la moufle », il se débrouille correctement. Cependant, il anticipe
beaucoup donc n’est pas dans la relation, son jeu n’est pas naturel, il semble « automatisé », il
joue de façon mécanique. Pendant le temps de contage de « Monsieur et Madame Lala», il
bouge beaucoup, mais est attentif. Il sourit et tape dans les mains quand on parle des cochons
et à certains moments de l’action. Il se laisse faire par A. qui l’appui sur un coussin et contre
le mur et cherche toujours le contact avec des objets. Il sourit beaucoup sans que l’on sache
pourquoi, désigne le plafond avec son index, fait tourner ses poignets. Il sourit et regarde A.
lorsqu’il est dit que la maison du gros cochon ne s’effondre pas. Il rit beaucoup à la fin
lorsqu’il est dit que le loup est « cuit, bouilli ».
Dix-huitième séance : 30 Avril 2002
Louis demande en arrivant à Sylvana où elle se trouvait car elle arrive avec moi. (Sylvana
bénéficie d’une prise en charge psychologique individuelle.) Louis est assis sur le pouf, il
pétrit le coussin jaune avant de l’envoyer. Cassandra ne se souvient pas du prénom d’Ariane,
alors Louis dit que lui il se rappelle bien du prénom d’Ariane et ajoute en s’adressant à elle :
« avant j’étais avec toi » (quand il était petit, il bénéficiait d’une prise en charge
orthophonique). Il se tape sur les jambes, tripote son short, le remonte. Quand les animatrices
demande aux enfants de parler de leur semaine, il veut parler des vacances alors que ce fut
chose faite la semaine précédente. Il raconte qu’il fait du vélo. On remarque que quand la
pensée est plus fluide chez Louis, il se rattache moins à des défenses obsessionnelles. Il
touche toujours l’autre : on dirait qu’il ressent le besoin de sentir l’autre comme pour sentir sa
propre limite.
Il veut monopoliser la parole et dit « A moi » pour s’approprier la parole ; il faut que l’on
s’intéresse à lui. Il raconte qu’il a fait du skate board avec son parrain. Louis se souvient des
trois cochons du conte « Monsieur et Madame Lala ». Il est toujours dans la répétition de ce
que dit l’adulte mais moins aujourd’hui par rapport à d’habitude. Quand une des animatrices
demande comment s’appellent les protagonistes du conte puis ajoute pour les aider
« Monsieur et madame…. »Louis répète « madame…madame …» . Il se positionne toujours
contre le matelas, contre l’adulte. Il touche les cheveux de CH., lui touche le cou puis cesse
assez rapidement. Il a besoin de s’exprimer et d’être écouté, il s’adresse en aparté à CH car
Ariane écoute Nabil qui a la parole. Cependant, il n’écoute pas l’autre. Il compare le conte de
« monsieur et madame lala » à celui des « petits cochons » et ajoute « je le sais ». puis il est à
nouveau dans le contact et dans le collage corporel : il caresse le bras d’Ariane, lui prend la
main, caresse sa chaussure. Il est à noter qu’il agit ainsi à un moment ou elle écoute Nabil.
Puis il se place au centre du lieu de parole. La conversation tourne autour des brûlures et il
dit : « il faut mettre de l’eau sur l’eau froide ». Il a du mal à construire des phrases correctes et
sensées. Puis il caresse à nouveau la jambe de CH., qui cherche à savoir pourquoi il ressent le
besoin de « toucher » comme cela. Louis change aussitôt de sujet en disant « j’ai perdu des
calories ». Est-ce de l’évitement ou de l’incohérence ? CH. réussit à recadrer la conversation
et il finit par dire qu’il « a besoin de sentir » mais ne peut rien en dire de plus. CH. lui
demande si c’est sentir qu’il y a quelqu’un près de lui dont il a besoin…il répond que oui…
Il choisit le rôle de la poule dans le jeu. Il est agité, rampe, veut faire deux rôles. Dans le jeu,
il ne sait pas se positionner, il donne l’impression d’être encombré par son corps et de ne pas
savoir qu’en faire. Lorsqu’on lui rappelle que la poule écoute ce que disent Monsieur et
Madame Lala, il tire fort sur son oreille comme pour montrer qu’il écoute. De même, quand
on lui dit de réfléchir dans sa tête en faisant le signe avec l’index qui tourne près de la tête, il
imite le signe de l’adulte mécaniquement. Louis a beaucoup de difficultés à penser et
lorsqu’il parle nous ne le comprenons mal car il n’articule pas. Il regarde l’adulte pour
chercher de l’aide voire à ce que ce soit l’autre qui dise pour lui afin de pouvoir répéter
mécaniquement. Il n’est pas autonome. Il a toujours besoin d’appui physique (table, chaise,
mur ou sol).
Pendant le temps de discussion, il ramène tout à son rôle« et la poule …et la poule ». Il se
met dans des positions très inconfortables sur le banc (les fesses dans le vide). Il semble être
content de lui. Il veut rejouer le conte et le même rôle (la poule). Dans le jeu, lorsqu’il se
trouve face au loup qui veut entrer pour manger les cochons, il ne peut tenir et ouvre. Quand
Dans le jeu , quand Louis fait des gestes pour dire qu’il ne sait pas où se trouvent les
cochons, ses gestes sont incoordonnés et on a l’impression que ses bras sont désarticulés.
Quand il a fini de jouer son rôle et doit rester à distance pour laisser les autres jouer, il ne le
supporte pas et se positionne tout près d’eux. On le rappelle à l’ordre, alors il vient contre moi
et me regarde puis s’en va. Il ne reste pas en place et touche-à-tout (la glace…).
Dans le troisième jeu, il joue le petit cochon. Il s’allonge sur le sol et touche les pieds de la
table . Il se met souvent sur le banc à côté de CH. À un moment donné, au lieu de dire « c’est
moi » dit « c’est nous ». La fin de la discussion portant sur les bêtises des frères et sœurs, on
ressent la rivalité fraternelle sous-jacente chez Louis : il nous dit « quand maman téléphone, je
lui dis pour qu’il soit privé d’ordinateur ». Je remarque que Louis n’accorde pas
d’importance à la délimitation des espaces car il est souvent hors espace. ( Dans l’espace
contage quand il joue et inversement). À la fin de la séance, une course de rapidité pour sortir
de la salle à lieu entre Nabil et Louis : ce dernier veut toujours être le premier.
Dix-neuvième séance : 7 Mai 2002 :
Louis raconte qu’il est allé manger au restaurant, seul avec son grand-père, pour l’anniversaire
de ce dernier. Il ne supporte pas que Cassandra aborde le sujet des disputes entre ses parents
et tente de clore la discussion : « on joue l’histoire ». Il y arrive la deuxième fois en parlant du
film qu’il est allé voir avec Nabil et l’école ce matin. C’est l’histoire d’une fée et d’une
sorcière avec un chien qui s’appelle toto. Dans ce film, ce qui lui a plu, « c’est la sorcière qui
brûle quand elle est sur le balai ». Quand est évoqué les différentes raisons de pleurer, il nie
les douleurs. Il dit une chose puis son contraire .
Il se rapproche physiquement de Cassandra et bouge beaucoup aujourd’hui. Il lance le
coussin n’importe comment : il ne maîtrise pas sa force et la direction qu’il veut donner à
l’envoi.
Dans le jeu, il joue « le gros cochon ». Il dit à un moment : »je le sais, je l’ai pensé dans ma
tête. Il joue correctement, mais anticipe et se sauve avant que la petite poule lui ait dit qu’il
était en danger ! Puis il dit « je sais qui tu es, tu es le loup.
Vingtième séance : 14 Mai 2002
On note toujours des gestes parasites dans le lancer du coussin pour le bonjour. Louis parle
très mal. Rapidement, Louis souhaite intervenir et prend la parole : « je veux parler, hier
c’était mon gâteau d’anniversaire » et « ma maîtresse ne voulait que des bonbons ». On
comprend qu’il a fêté son anniversaire à l’école car il est né le 13 Mai. Nous avons
l’impression qu’il n’a rien à raconter mais veut occuper le devant de la scène alors, il répète
plusieurs fois le début d’une phrase avant de compléter. Quand CH. lui demande de réfléchir
avant de parler, il réussit à dire une phrase complète bien construite : « l’anniversaire de mon
papi, on l’a fait à la maison avec mes parents et mon tonton ».
Assez vite, il se saisit de trois gros coussins et s’en couvre. Il bouge beaucoup et tripote sans
arrêt les coussins, qu’il met devant, derrière lui. Il s’enveloppe dans tous les sens du terme
(surpoids et coussins). Il dit à Nabil qui regrette de ne pouvoir fêter son anniversaire à l’école
« quand c’est Juillet ou Août, tu peux faire ton anniversaire à l’école car c’est fermé. Ces
propos sont souvent contradictoires et il ne s’en aperçoit pas…
Il veut répondre à la place de Cassandra sur sa date de naissance car elle ne la connaît pas :
« le premier juin », dit-il ; alors qu’il n’en sait rien et ajoute quand on demande à Cassandra
en quelle classe elle est : « en CE1 » alors qu’il ne le sait pas non plus (elle est en CP).
Louis lui connaît par cœur sa date de naissance, il nous dit « le 13 Mai 1994 ». On remarque
qu’il ignore les synonymes, il ne sait pas que « oncle »et « tonton » veulent dire la même
chose. Il a assez rapidement envie de jouer et réclame « l’histoire ». Il choisit le rôle du
« moyen cochon ».Il ne sait pas ce qu’il doit dire alors que le « petit cochon » a déjà joué. Il
s’approche extrêmement près du visage de Cassandra quand il lui parle. Il répète les mots un
par un quand CH. lui souffle : Tu peux souffler/ taper/cogner/ je ne/ t’ouvrirais/ pas.
Quand il doit partir en courant pour aller se cacher dans la maison de bois, il était sous la table
et en voulant passer sous une chaise, y reste coincé... Il est très « pataud ». Dans le jeu, il dit
« je me cache » et répète ce que lui soufflent les autres. Il dit que sa maison est en pierre alors
qu’elle est en bois, puis répète mot à mot ce que lui dit Nabil « la maison est en morceaux de
bois ». Dans la discussion, il dira ne jamais sucer le pouce et ne jamais avoir fait pipi au lit :
« jamais de ma vie ! ». Il ne s’approprie pas l’histoire et ne montre que des
automatismes : « je ne t’ouvrirais pas car tu es un loup ». Il est toujours dans le contact
corporel et touche l’épaule de Sylvana quand il s’adresse à elle. Louis a besoin d’aide de la
part de l’adulte et répète ce qu’on lui dit de dire.
À la fin du jeu, il se jette sur le matelas et saisi trois coussins dans ses bras, puis cinq. Il se
couvre entièrement, nous ne voyons plus que sa tête sui dépasse.
Comme remarque sur le jeu, il dira juste « c’était bien ». lorsqu’on lui fait des remarques, il
tord un coussin et dit toujours « oui ».
Il cherche mon regard et me sourit. Alors que CH commence sa phrase par « on va,
automatiquement, sans réfléchir, il dit « on va…se dire au revoir » alors que la séance n’est
pas finie …
Pendant le contage : du« Petit chaperon rouge », il pose un coussin sur sa tête et le fait
tourner, puis il s’allonge sous les coussins. Il bouge beaucoup et visiblement n’écoute pas. Il
rit à certains moments de l’histoire inopportuns…Notamment quand il est dit que la grand-
mère est malade. Il mordille le bout d’un coussin. Il est toujours en mouvement et imite
souvent les autres enfants. À la fin, il dit « je le connais ».
On note à cette séance que Louis s’enveloppe beaucoup de coussins et parallèlement on
remarque qu’il s’enveloppe corporellement : prise de poids…
À la fin du contage, il récite la ritournelle en même temps que la conteuse « et cric et crac
…mon conte entre dans le sac ». Puis quand la séance est finie, il se précipite en courant,
pour être le premier a passer la porte.
21eme séance : 21 Mai 2002
Louis est assis sur le pouf.. il semble mieux aujourd’hui. Il est plus clair dans ses propos et
plus posé. Il prend d’emblée la parole pour dire « lundi c’était bien, c’était jour férié ». Il finit
les phrases d’Ariane. Puis ajoute « quand c’est bleu, c’est férié et bientôt c’est le mois de
Juin ». Il raconte qu’il a fait du vélo. Il ne peut s’empêcher de parler même s’il n’a rien à
raconter, il faut qu’il parle. Il dit « et même moi j’ai fait une partie de pétanque ». Il arrive à
dire qu’il faut jouer avec deux boules et un cochonnet, « qu’il faut être un peu près du
cochonnet et même on peut pointer ». Il ne sait pourtant pas ce que veut dire pointer. Par
ailleurs, il relate qu’il a « regardé les VTT de Leclerc » et ajoute « il me faut du 20 ou 24 en
VTT ». Mais ne sait pas dire à quoi correspondent ces chiffres. En outre, Nabil parle de Vélo
et Louis le corrige en disant « non, ce sera un VTT », ne saisi t’il pas qu’il s’agit de la même
chose ?.. Puis « j’aurais tu sais combien de vitesses, 18 vitesses et il faut téléphoner car il
faudra bien réfléchir ». Ces phrases ne sont pas très claires. CH. lui demande de réfléchir, ce
qu’il semble l’aider car ensuite ses phrases sont plus claires.
Il dit qu’il aura son vélo « peut être au mois de juillet, peut être, peut être ». Il exhibe de
drôles de mouvements de poignets. Louis est agité, il tord son corps en tous sens et tape dans
ses mains sans raison.
Il cherche mon regard. Il confond les questions et les réponses. Il est moins agité que
certaines séances.
Il se souvient du petit chaperon rouge et de la grand –mère dans le conte du « petit chaperon
rouge ». Il revient toujours sur certains propos surtout quand les enfants restituent le conte. Il
est souvent couché sur le sol et secoue beaucoup sa casquette.
Il reprend certaines dates, hier, il n’y avait pas école, c’était le 20 Mai…
Il choisit d’être le chasseur. Il répète ce que dit Ariane alors qu’elle est en train d’organiser le
jeu et de symboliser les maisons par des coussins. Il répète « et la maison de …et la maison
du… ». Il a toujours besoin de toucher les éléments (la table, le tableau blanc). Il souffle,
gigote puis fait les 100 pas alors que les autres jouent. Il ne supporte pas d’être mis à l’écart et
soupire. Il marche sur le bord de la moquette en mettant un pied devant l’autre et regarde
partout, secoue sa tête. Son corps paraît désarticulé. Il ne tient pas en place. Il rit, fait des
gestes en mettant ses index près du visage.
Il prend un coussin et en remonte les quatre coins comme pour s’enrouler. Puis il s’assied sur
une chaise car on lui demande de se calmer. Il ne peut « se poser » plus de trente secondes et
tourne sur lui-même, fait des gestes avec ses bras.
Quand il doit jouer, il attend les consignes de l’adulte. Il semble content de son intervention
même s’il n’a rien fait tout seul : s’en rend t’il compte ?
Quand on lui demande ce qu’il doit mettre dans le ventre du loup, il parle de galette au lieu de
cailloux ! Il imite beaucoup Nabil dans son comportement (bouge les jambes).
Il voudrait rejouer le chasseur afin sûrement de rester dans le « connu ». Puis il choisit le rôle
de la mère et dit « j’adore être la mère ». Il trépigne pour commencer le jeu. Il a besoin d’aide
et répète ce que dit l’autre. Il ferme les yeux quand il veut réfléchir (effort ?). lorsqu’il joue
« la mère », il arrive à dire des choses et va à la fin manger la galette dans la maison de la
Grand-mère.
Quand les autres enfants jouent, il ne les regarde pas, ne les écoute pas et caresse le tableau
blanc, puis me regarde et me sourit. Il fait des interventions hors-jeu.
On lui demande d’arrêter de toucher à tout, mais il n’écoute pas et recommence, il semble
avoir un besoin compulsif de toucher. Quand le jeu est fini, il répète plusieurs fois « c’est la
fin de l’histoire » « fin ».
Quand on lui demande à quoi lui fait penser cette histoire, il répond : « qu’elle lui fait penser à
donner faim au loup ». Il a préféré jouer le chasseur car « il a sauvé tout le monde ».
Pendant le contage du « petit lapin », il n’écoute pas.
22eme séance : 21 Mai 2002 : Louis est absent
23 eme séance : 4 Juin 2002
Louis raconte qu’il s’est entraîné à jouer aux billes, qu’il a arrosé les fleurs de sa mère et
qu’elle lui a donné des pièces. Il dit qu’il aime faire le ménage mais qu’il n’aime pas passer la
serpillière car il a peur de glisser. Il dit se souvenir du conte de l’éléphant, la baleine et du
lapin. En fait, il ne se souvient de quasiment rien. Il n’a visiblement pas compris l’histoire, ce
qui est confirmé lorsqu’il joue le rôle du petit lapin et dit qu’il « va faire une vache » !
Il regarde CH. et A. comme si ce qu’il devait dire était écrit sur leur front… il est perdu.
À la fin de l’histoire, il dit que ce n’est pas fini, que le petit lapin n’a pas ri. Cela semble
important pour lui.
Pendant le contage, Il demande si le conte est long. À la fin, il dira que ce conte (la poule et
ses amis) l’a fait rire.
24 eme séance : 11 Juin 2002
Louis s’installe sur le pouf. Il s’agite énormément. Il se retourne pour me sourire (le pouf est
devant moi) et tord son cou en tous sens. Il veut décider de l’arrêt du coussin concernant le
rituel « du bonjour ». Il demande : « tout le monde a dit bonjour ? ». Il veut ainsi
s’approprier le rôle de l’adulte ? Louis est assis, ses poignets sont retournés derrière lui. Il se
balance, lève les bras au ciel : son comportement ne prend pas sens dans la séance (il n’imite
rien). Il met le coussin en boule avant de l’envoyer, le chiffonne. Puis, il tape sur le pouf,
soulève la moquette. Louis est toujours dans l’agir.
Il dit à propos du CE1 : « je vais redoubler peut être » et « il y a des choses très faciles en CE1
et parfois moyennes et aussi des difficiles ». On note toujours une grande rivalité entre Louis
et Nabil (Nabil est très taquin envers Louis, il lui dit qu’il va redoubler car il travaille mal).
Louis met un coussin sur sa tête, il malaxe et se couvre. Louis répète concernant le CE1 : « Il
y a des choses faciles et d’autres difficiles comme le français pour moi ».
Il aimerait passer au CE2. Il ne répond pas aux questions, il répond à côté… on lui parle du
CE1, il répond « mon frère, il y a de l’anglais ». On note une grande agitation corporelle.
Il caresse le sol, ses yeux sont hagards, son regard ne se fixe pas. Puis, il se met à tracer
comme « des cercles » virtuels dans l’air avec ses doigts.
Louis insiste sur le fait qu’il se souvient d’un chien dans le conte alors qu’il n’y en a pas. Il
fait une fixation : « si…un chien, je m’en rappelle !» . Il essaie de finir les phrases de A.
Du conte, il se souvient que la poule demande quelqu’un pour l’aider et du canard dans la
mare. Il anticipe trop sur l’histoire et en oublie une partie. Il insiste sur le fait de trouver un
moulin (2 fois). Il ne comprend pas que mettre de l’eau et arroser signifie la même chose. On
retrouve souvent cette non- compréhension de la polysémie chez Louis.
On remarque aussi que la succession dans le temps ne prend pas sens pour lui : il passe de la
graine à « et après ça devient de la farine ». Louis ne veut pas jouer lors du premier jeu, il
veut « aider ».
On note souvent une tentative d’inverser les rôles enfant - adulte chez Louis. La seconde fois,
il peut jouer avec du soutien et y arrive correctement. Il oublie cependant toujours de
demander aux autres s’ils veulent l’aider. Il touche le banc avec ses pieds et le matelas avec
ses épaules comme s’il était « calé ». Quand la première fois, il ne joue pas, il est assis sur le
banc, il se penche vers le matelas qui est un plus d’un mètre en pensant l’atteindre.
Il se lève, ne tient pas en place. Ensuite, il s’allonge sur le banc. Il répète mécaniquement ce
que dit CH. en parlant de la poule « elle est agaçante ». Il vient vers moi, me regarde et repars.
La deuxième fois, il joue le rôle de la poule. On remarque la présence de mouvements de
poignets « désarticulés ». il mime »faire le ménage » et secoue ses bras et jambes en même
temps. Ces mouvements sont étranges. Il gratte le matelas pur « planter », saute sur place. Il
dit « vous êtes des feinards » aux autres et secoue ses mains. Il est très agité. À la fin du jeu, il
dit « humm, il était bon le pain ».
Pendant le temps de contage, il se colle contre Sylvana et se cogne la tête contre le mur. Il a
aimé être la poule car elle a mangé le pain toute seule. Il raconte que chez lui, il aide car il
coupe le pain. Il caresse le mur, puis il demande si le conte va parler de prince. Il veut entrer
sous le gros coussin que Sylvana a sur elle... On note des rires étranges et incongrus pendant
le contage. Ces rires ne sont pas naturels et exagérés. Il se rapproche de Sylvana au point
d’avoir sa tête presque contre la sienne.Il lui touche le pied. Il secoue la tête, se balance de
droite à gauche et répète ce que dit CH. Louis répète la formulette de fin du conte.
25 eme séance : 18 Juin 2002
Dans la discussion, quand Nabil parle de ses dents, lui parle de ses chaussures neuves. Il parle
ensuite d’un vélo neuf, un VTT qui a des lumières.
Il coupe la parole pour parler de la piscine ouverte ce soir et dit « il y a un sandwich, c’est la
règle, on a pas le droit, mais aujourd’hui on peut en porter un ». Il se met à bafouiller, il est
incompréhensible.
Par rapport au conte, il se souvient du Rutabaga : c’est ce conte qu’il souhaite jouer. Il se
souvient également « du lapin » , c’est-à-dire du conte « la baleine et l’éléphant » et de « la
sorcière », c’est-à-dire le conte de « Jeannot et margot ».
Il dit que tout lui a plu. Il dira qu’être en groupe ou en individuel, peu lui importe.
Ensuite, dans la conversation, il raconte qu’il n’a jamais saigné du nez. Cependant, Nabil le
reprend en disant qu’une fois, il a pris un coup sur le nez et qu’il a saigné. Louis ajoutera :
« ce n’est pas grave qu’une fois ». Pour lui cela semble important de ne jamais saigner du nez.
Il est collé contre CH, lui caresse les bras, caresse la jambe de Cassandra qui en est très gênée.
Il est toujours dans le mouvement, il s’agite, se couvre…
Il dit que ce n’est pas difficile pour lui de parler de ses soucis…
Dans le jeu, il jouera en premier « le canard » dans le conte « la poule et ses amis ». Comme il
joue avec le groupe, le jeu se déroule à peu près correctement.
En second, il jouera le « singe ». Là, c’est beaucoup plus difficile car dans ce rôle, il faut
beaucoup parler. Il faut le doubler et on voit qu’il n’a pas compris le conte.
En effet, il pense que le dragon existe. On remarque toujours que Louis est désarticulé.Pour
lui, les histoires ne sont jamais compliquées alors qu’il ne les comprend pas.
2- Tableau des contes et rôles choisis par Louis au cours de
l’année
DATES
CONTE
ROLES CHOISIS
6 Novembre 2001 Le Rutabaga
Le Chien
Le Rutabaga 1- Mathurin
2- Le rat
3- Le rat
20 Novembre 2001 La fermière et le cochon
1- Le feu
2- La fermière
27 Novembre 2001 Le petit chat têtu
1- L’écureuil
2- Le corbeau
4 Décembre 2001 Le chat et le perroquet 1- L’éléphant
2- L’éléphant
11 Décembre 2001 La visite des araignées
Le canari
18 Décembre 2001 Le petit sapin
Les oiseaux
(vent/neige/ enfants malades)
8 Janvier 2002 Le rutabaga
1- Le rat
2- Mathurin
15 Janvier 2002 Yen Lu Le maître
22 Janvier 2002 Arthur et le château magique Le lion
29 Janvier 2002 Pourquoi les animaux ont des
queus ?
Arthur et le château magique
1- Le cheval
2- Le dragon
3- L’ours
5 Février 2002 Arthur et le château magique.
Pourquoi les animaux ont-ils
des queues ?
ABSENT
26 Février 2002 Le Rutabaga
1- Mathurin
2- Le rat
5 Mars 2002 La moufle
Le canard
12 Mars 2002 La moufle
1- La souris
2- Le canard
19 Mars 2002 Jeannot et Margot Le bûcheron
26 Mars 2002 Jeannot et Margot
1-Jeannot
2-Le bûcheron et
les oiseaux blancs
2 Avril 2002 Sans Parole
Le Canard
23 Avril 2002 La moufle
Le Rutabaga
1-Le lapin
2- Le rat
30 Avril 2002 Monsieur et Madame Lala
La poule noire
7 Mai 2002 Monsieur et Madame Lala 1- La poule noire
2- Le petit cochon
14 Mai 2002
Monsieur et Madame Lala 1-le gros cochon
2- le moyen cochon
21 Mai 2002 Le petit chaperon rouge
1- Le chasseur
2- La mère
28 Mai 2002 Le Lapin, l’éléphant et la
baleine
ABSENT
4 Juin 2002 Le lapin, l’éléphant et la
baleine
Le lapin
11 Juin 2002 La poule et ses amis
1-Ne veut pas jouer
2-La poule
18 Juin 2002 La poule et ses amis
Fiérot la trompe
1- Le canard
2- Le singe
25 Juin 2002
Pas de conte
ABSENT
La moufle Une fois, l’hiver fut plus froid que tous les hivers auparavant. Et le jour le plus froid de cet
hiver, une petite fille qui allait à l’école et qui était en retard, se dépêchant, perdit sa moufle
gauche. Elle tomba dans la neige. La petite fille ne remarqua rien et s’éloigna, laissant là sa
moufle.
Une souris passa en trottinant sur ses petites pattes glacées. Elle découvrit la moufle, s’y
glissa, se mit en boule et s’endormit. Peu après, un canard arriva et demanda : » Est-ce qu’il y
a une petite place de libre ?
La souris s’éveilla et pépia : « Si je me fais toute petite, ça pourra aller ! » . Ils étaient bien au
chaud tous les deux dans la moufle…
Bientôt, un lapin s’approcha à grands pas. » Mes pattes sont gelées, je vous en prie laissez-
moi entrez » dit le lapin…
Ils se poussèrent un peu pour laisser entrer le lapin. Maintenant, ils étaient trois dans la
moufle : la souris, le canard et le lapin.
Cela ne dura pas longtemps car un ours passa et bredouilla : -Oh ! Il doit faire bien chaud là-
dedans, non ? Poussez-vous, j’arrive !
Les animaux contestèrent, « tu es si gros, on va être trop serré ! »mais rien n’y fit et l’ours
vint s’installer dans la moufle ! Ils étaient bien serrés tous les quatre : la souris, le canard, le
lapin et l’ours.
Puis une petite fourmi vint à passer par là.. Puis-je entrez dit la fourmi, je suis toute petite et
j’ai très froid…
Oh, non, dirent les autres…il n’y a plus de place…
Personne ne vit que la minuscule petite fourmi se glissait au milieu d’eux… Et ce fut trop !
Boum ! La moufle éclata en morceaux. Tous roulèrent dans la neige glacée, sous la bise et ils
eurent froid à nouveau .
Pourquoi les animaux ont une queue ? (Conte carélien) Dans ce temps-là, les animaux n'avaient pas de queue. Pas plus le renard que le lapin, pas plus la belette que la souris. Un jour, le bruit se répandit qu'il allait y avoir une grande foire; une foire comme on n'en avait jamais vu et où des queues seraient vendues. Le renard courait vite. Il courut plus vite encore et arriva le premier à la foire. C'était vrai. I1 y avait là des tas de queues à vendre: des grosses, des minces, des longues, des courtes, des touffues, des râpées, de toutes lisses ou grenues et râpeuses... Le renard regarda partout, chercha bien et se choisit celle qui était la plus touffue et la plus belle. Tout fier, il s'en retournait chez lui quand il rencontra le chien.
- Reste-t-il encore des queues à vendre ? demanda le chien. - Oui, oui, dit le renard. Il en reste encore beaucoup, mais pas tout à fait aussi belle que la mienne... Mais le chien se trouva lui aussi, une queue qui le contenta. Il s'en retournait chez lui quand il rencontra le chat. - Reste-t-il encore des queues à vendre ? demanda le chat. - Oui, oui, répondit le chien. Il en reste encore beaucoup, mais pas tout à fait aussi belles que la mienne. Le chat, pourtant, se trouva une longue queue, joliment rayée et qui avait l'air de remuer toute seule. Il s'en retournait chez lui, quand il rencontra le cheval. - Reste-t-il encore des queues à vendre ? demanda le cheval.
- Oui, oui, dit le chat. Il en reste encore beaucoup, mais pas tout à fait aussi belles que la mienne. Le cheval trouva quand même une grande belle queue qui lui plut, avec de longs crins. Il s'en retournait chez lui, quand il rencontra la vache. - Reste-t-il encore des queues à vendre ? demanda la vache. - Oui, oui, il y en a encore, répondit le cheval. Mais les plus touffues, les plus poilues sont vendues et celles qui restent ne sont pas bien belles. Tu peux tout de même aller voir... La vache chercha longtemps et finit par dénicher une longue queue qui ressemblait à de l'herbe sèche. Longtemps après tout le monde, arriva enfin le petit cochon. - Y a-t-il encore une petite queue, grognait-il, y a-t-il encore une petite queue ? Il ne restait plus pour le cochon qu'une petite queue en tire-bouchon. Il la trouva très jolie et se l'attacha immédiatement. - J'ai une jolie petite queue, grognait-il, tout content, j'ai une jolie petite queue...Et il la regardait tout le temps. Mais nous, nous savons bien que c'est le renard qui avait choisi la plus belle... Et depuis ce temps-là, les bêtes ont toujours porté une queue...
L’énorme Rutabaga ( Conte russe) Un jour, le vieux Mathurin sema une petite graine. La petite graine germa, grandit, poussa, devint un grand, un gros, un énorme Rutabaga. Mathurin voulut l'arracher. Il le tira, tira, tira, par ses feuilles vertes.. . Sans résultat. Il alla chercher Mathurine. Mathurine tira Mathurin, Mathurin tira le grand, le gros, l'énorme Rutabaga. Ils tirent, tirent, tirent... Sans résultat. Mathurine va chercher la petite Célestine. Célestine tire sur Mathurine, Mathurine tire Mathurin, Mathurin tire sur le grand, le gros, l'énorme Rutabaga. Ils tirent, tirent, tirent... Sans résultat. Célestine va chercher le chien. Le chien tire sur la robe de Célestine, Célestine tire sur Mathurine, Mathurine tire Mathurin, Mathurin tire sur le grand, le gros, l'énorme Rutabaga. Le chien va chercher le chat. Le chat tire sur la queue du chien, le chien tire sur la robe de Célestine, Célestine tire sur Mathurine, Mathurine tire Mathurin, Mathurin tire sur le grand, le gros, l’énorme Rutabaga. Le chat va chercher le rat. Le rat tire sur la queue du chat, le chat tire sur la queue du chien, le chien tire sur la robe de Célestine, Célestine tire sur Mathurine, Mathurine tire Mathurin,
Mathurin tire sur le grand, le gros, l’énorme Rutabaga. Ils tirent, tirent, tirent. Ils tirent tous si bien, qu'ils l'arrachèrent et tombèrent tous par terre.
Le petit sapin Il y avait une fois un petit sapin, très mince et très élancé, mais tout petit, qui vivait dans la forêt au milieu de beaucoup d'autres, plus grands et plus forts. Le petit sapin se trouvait très malheureux de n'être pas aussi grand que les autres. Quand les oiseaux voletaient par la forêt, et se posaient sur les branches des grands arbres pour bâtir leurs nids, le petit sapin leur disait: _ Venez, venez, faites votre nid dans mes branches! Mais ils répondaient toujours: _ Non, non, tu es trop petit. Quand le vent soufflait et chantait à travers la forêt, il courbait le tronc des grands arbres et leur racontait des histoires. Alors, le petit sapin appelait le vent et lui disait: _ Oh ! je vous en prie, Monsieur le Vent, venez jouer avec moi ! Mais il répondait toujours: _ Oh! non; tu es trop petit, je te briserais. Pendant l'hiver, Madame la Neige laissait tomber doucement, doucement ses flocons, revêtant les grands arbres de paletots et de bonnets de fourrure blanche. Et le petit sapin disait: _ Oh! bonne Neige, donnez-moi aussi un bonnet et un paletot de fourrure! Mais la Neige secouait la tête et répondait: —Oh ! non,tes branches casseraient ;tu es trop petit ! Mais, le pire, c'était quand les hommes arrivaient dans la forêt avec des chevaux et des traîneaux. Ils venaient pour couper des arbres et les emporter à la ville. Quand un des arbres était parti, les autres penchaient leur tête et chuchotaient ensemble, et le petit sapin les écoutait. Ils disaient qu'il allait peut-être devenir le grand mât d'un beau vaisseau, et qu'il irait sur l'Océan et verrait beaucoup de choses merveilleuses, ou bien qu'il serait la maîtresse poutre d'une grande et belle maison et qu'il connaîtrait ainsi la vie des hommes. Le petit sapin désirait beaucoup connaître la vie des hommes, lui aussi, mais les bûcherons ne le regardaient même pas. Il était bien trop petit! Ainsi, bien du temps passa. Puis, un matin, les hommes revinrent avec un traîneau et des chevaux et,cette fois, ils ne coupèrent que des arbres de moyenne grandeur. Après, ils regardèrent çà et là, et l'un d'eux se mit à dire: _ Ils sont tous trop grands; il n'y en a point d'assez petit.
Oh ! comme le petit sapin se tint droit et redressa ses aiguilles en entendant cela! _ Bon! en voici un qui fera juste l'affaire, dit l'homme en le touchant. Le petit sapin était bien content; et même quand la grande hache l'entama, il ne s'évanouit pas. On le coucha sur le traîneau, et, quand il fut arrivé en ville, on le mit dans un tonneau et on le plaça en rang, avec beaucoup d'autres, tous petits, mais aucun aussi petit que lui. Et le petit sapin commença à connaître la vie des hommes. Les gens venaient regarder les arbres et les acheter. Mais ils secouaient toujours la tête devant le petit sapin: _ Celui-ci est vraiment trop petit. Jusqu'à ce que, finalement, deux enfants arrivèrent en se tenant par la main, et examinèrent les petits arbres. Dès qu'ils virent le petit sapin, ils crièrent: _ Voilà ce qu'il faut! il est juste de la bonne grandeur! Ils l'enlevèrent de son tonneau et l’emportèrent à deux. Le petit sapin se demandait pourquoi il était juste de la bonne grandeur. On n'allait donc pas faire de lui une poutre, ou un mât, puisque c'étaient des enfants qui l'emportaient ? Ils le firent entrer dans une grande maison et le plantèrent dans une caisse, avec de la terre, sur une table. Puis ils sortirent et revinrent bientôt après, portant une grande corbeille et suivis de jolies dames, avec de petits bonnets blancs sur leurs têtes et des tabliers blancs sur leurs robes bleues. Les dames et les enfants prirent des choses brillantes dans les corbeilles et commencèrent à jouer avec le petit sapin. Il en tremblait de joie, et, bientôt, il fut tout couvert de jolis objets: de longs fils d'argent, des noix et des pommes dorées, des oranges, des boules de verre et des étoiles; et toute une quantité de petites bougies roses et blanches furent plantées sur ses branches. Enfin, tout en haut, les enfants attachèrent un petit ange en cire avec des ailes! Le petit sapin ne respirait plus, tellement il était heureux. Quand tout fut fini, tout le monde s'en alla, et il resta seul. Il faisait sombre, et il entendait des bruits étranges. Il commençait à se sentir triste quand les portes se rouvrirent. Deux des jolies dames prirent la table et la portèrent doucement et rapidement hors de la chambre, le long d'un corridor, et puis la firent entrer dans une grande, grande salle. Là, le petit sapin vit qu'il y avait de chaque côté de la salle une rangée de petits lits blancs. Dans chaque petit lit, il y avait un petit enfant, non pas rose et frais comme ceux qu'il avait vus dans la rue, mais pâle et maigre. D'autres petits enfants étaient assis dans des fauteuils et quelques-uns couraient çà et là, mais aucun n'était fort et robuste, et le petit sapin s'en étonnait, car il ne savait pas qu'il était dans un hôpital. Mais déjà les jolies dames avaient allumé toutes ses bougies, et les enfants avaient poussé un cri d'admiration.
_ Oh ! oh ! oh ! oh. Comme il est Joli ! Comme il est brillant! Il comprit que c'était de lui qu'on parlait, car tous le regardaient et battaient des mains, et il se tint aussi droit qu'un mât de navire, toutes ses aiguilles tremblant de joie. Mais une toute petite fille dit tout haut: _ C'est le plus joli arbre de Noël que j'aie jamais vu ! _ Non, mais! cria un garçon, c'est la plus jolie sorte d'arbre qu'il y ait dans le monde! Et ainsi, à la fin, le petit sapin su qu'il était un arbre de Noël. Et il se sentit tout heureux d'être assez petit pour être la plus jolie sorte d'arbre qu'il y ait dans le monde. Sans paroles C’est l’histoire d’un homme qui était si grand, si large, qui avait des jambes si hautes et des bras si longs, que tout le monde pensait que c’était un géant. Pourtant c’était un homme tout simplement ; mais un homme triste, bizarre qui ne disait jamais un mot, même pas à sa petite fille avec laquelle il vivait, les gens du village le surnommaient : « Sans paroles ». Que son père ne lui parle pas, la petite fille en était très malheureuse et souvent le soir elle pleurait en se demandant pourquoi son père ne lui parlait jamais. Pourtant, elle en avait fait des choses : elle avait ramené de beaux bouquets de la forêt, des notes fantastiques de l’école, mais « Sans paroles » n’avait rien dit. Alors elle avait ramené des bouquets d’orties et des notes minables de l’école, mais « Sans paroles » n’avait toujours rien dit. Un matin, la petite fille décide d’aller voir Madame Alice, une vieille dame du village, et elle lui demande si elle sait pourquoi son père ne parle jamais : a t’il usé tous ses mots ? N’a-t-il jamais appris ? Mais la vieille dame lui raconte qu’avant son père aimait rire et parlait beaucoup et qu’il était devenu muet quand sa mère était morte, le jour où elle est née. Et la vieille dame ajoute : »On raconte dans le village que ce jour-là, il a mis tous ses rires et tous ses mots dans un panier d’osier et il l’a jeté dans l’eau de l’étang. Dès l’après-midi, la petite fille se met en chemin, bien décidée à récupérer le panier d’osier. Elle traverse le pré, au bout du pré, elle demande à un mouton noir attaché au piquet, le chemin de l’étang. Le mouton noir pense « : » c’est dangereux un étang pur une petite fille mais c’est la fille de ce méchant géant qui m’attache au piquet toute la journée, tant pis pour elle » ; et il lui indique le chemin. La petite fille marche un moment, arrivée au bord de l’étang, elle aperçoit un canard et lui demande= « Sais tu où se trouve un panier d’osier que mon père a jeté ? » Le canard pense « c’est dangereux un étang pour une petite fille, mais c’est la fille du méchant géant qui essaie de me tuer chaque année quand la chasse est ouverte, tant pis pour elle ». Et il lui indique le milieu de l’étang.
Alors la petite fille entre dans l’eau et se met à nager, mais l’étang est grand et quand elle parvient au milieu est a bout de souffle. Elle demande en haletant à une vieille carpe : « As-tu vu un panier d’osier que mon père a jeté ? » La carpe pense : »c’est dangereux un étang pur une petite fille mais c’est la fille du méchant géant qui pêche les poissons pour les manger, tant pis pour elle » et elle lui indique l’endroit où se trouve le panier, là…bien au fond de l’étang. Mais dès que la petite fille a disparu dans l’eau noire, la carpe regrette ce qu’elle a fait et vite, vite, elle nage jusqu’au bord de l’étang et elle appelle : « canard, canard, la fille du géant va se noyer, cours le prévenir ! ». Le canard regrette aussi, il s’envole à tire d’aile et il atterrit près du mouton : « mouton, mouton, va prévenir le géant, sa fille va se noyer ». » Le mouton ronge vite sa corde et lui aussi plein de remords, court vers la maison du géant :
« géant, géant, viens vite, ta fille se noie ».
Pendant ce temps-là, la petite fille poursuivi la descente, elle s’est emparée du panier d’osier,
et elle commence à remonter pleine de joie, mais avec ce panier, c’est difficile, elle n’a plus
qu’un bras pour dégager les roseaux qui s’emmêlent dans ses jambes et bientôt elle est si
fatiguée qu’au lieu de monter, elle se met à redescendre, bientôt elle est sur le point de
s ’évanouir quand elle sent quelque chose l’envelopper.
C’est le filet qu’a lancé Sans paroles. Quand la petite fille se retrouve allongée au fond de la barque et qu’elle ouvre les yeux, elle voit penché au-dessus d’elle, le visage de son père plein de larmes, mais il ne dit toujours rien . Alors, la petite fille ouvre vite le panier qu’elle tient toujours serré très fort contre elle. Tous les rires, tous les mots se précipitent dans le géant et elle entend une voix pleine de tendresse qui lui dit : « Ouf ! Heureusement que j’ai repêché ma petite fille ! Un peu plus et je restais tout seul. Et alors, a qui aurai-je pu parler ? » C’est que j’en ai des choses à lui raconter !
La fermière et le cochon
Le cochon demande à la fermière qu’elle l’amène se promener à la forêt pour manger des
glands. La fermière lui répond « Non cochon, je n’ai pas le temps », mais le cochon insiste
beaucoup et elle fini par céder.
Elle l’emmène manger des glands et quand elle lui demande de renter à la maison, le cochon
refuse.
Alors, la fermière va chercher le chien et lui demande de mordre le cochon, ce dernier refuse.
Elle va alors chercher le bâton et lui demande de frapper le chien . il ne veut pas non plus. La
fermière va donc demander au feu de brûler le bâton. Le feu ne voulant pas, elle va chercher
l’eau et lui dit d’éteindre le feu ! Mais l’eau refuse… Elle demande donc à la vache de boire
l’eau du ruisseau. Mais elle ne veut pas, elle n’a pas soif… La fermière demande alors au
boucher de tuer la vache mais ce dernier refuse !
La fermière se trouve dans une telle colère qu’elle donne une grande claque au boucher et
avant la seconde claque, le boucher accepte de tuer la vache, qui accepte de boire l’eau, qui
accepte d’éteindre le feu, qui accepte de brûler le bâton…
Enfin, le cochon poursuivi par le chien, rentre à la maison !
Arthur et le château magique
Il était une fois, un charmant petit garçon , Arthur, il avait sûrement ton âge. Il aimait
beaucoup rêver… or, une nuit, il rêva d’un pays extraordinaire… Et dans ce pays que vit-
il ?…Un château magique ! Arthur décida d’explorer le château.
« Je n’ai pas peur du tout » se dit-il en serrant ses poings très forts pour se donner du
courage ! Il suivit un long couloir et arriva devant une porte. Arthur retint son souffle, tourna
la poignée et ouvrit toute grande la porte; et là que vit–il ? Un énorme Paon ! Jamais il n’en
avait vu d’aussi grand. Le paon fit un peu peur à Arthur. Aussi Arthur se mit à courir, à
courir, à courir .
Il arriva à une autre porte. Que faire ? retourner d’où il vient, retrouver le paon ou ouvrir cette
nouvelle porte ?
Arthur retint son souffle tourna la poignée et ouvrit toute grande la porte; et là que vit –il ? Un
énorme Lion ! Jamais il n’en avait vu d’aussi grand. Le Lion fit peur à Arthur. Aussi Arthur
se mit à courir,à courir, à courir . Il arriva à une autre porte. Que faire ? retourner d’où il vient,
retrouver le paon et le Lion ou ouvrir cette nouvelle porte ?
Arthur retint son souffle tourna la poignée et ouvrit toute grande la porte; et là que vit –il ? Un
énorme géant. Le géant fit très peur à Arthur, aussi il se mit à courir, à courir, à courir….
Arthur arriva à une autre porte. Que faire ? Retourner d’où il vient, retrouver le géant, Lion, le
paon, ou ouvrir cette nouvelle porte ?
Arthur retint son souffle tourna la poignée et ouvrit toute grande la porte ; et là que vit –il ?Un
énorme dragon ! Jamais il n’en avait vu d’aussi grand. Le dragon fit très très peur a Arthur qui
se mit a courir, à courir !… Arthur arriva à une autre porte. « Que vais-je trouver
maintenant ? » se dit-il. On verra, je n’ai plus peur !
Arthur retint son souffle tourna la poignée et ouvrit toute grande la porte ; et là que vit –il ?
Un tout petit, tout petit ours en peluche. Arthur fut très surpris.
- Oh ! dit Arthur
- Oh !dit l’ours.
- Ouf, dit Arthur
- As tu eu peur dit l’ours ?
- N-n-n-non dit Arthur qui ne pu s’empêcher de bégayer de peur !
- Si tu veux sortir du château, je peux te montrer le chemin dit l’ours.
- Oh oui, s’il te plait, dit Arthur. J’ai laissé mon ours tout seul dans ma chambre et il
n’est pas très courageux !
Alors, ils se mirent à marcher, marcher….Et ils arrivèrent devant une nouvelle porte.
- Oh ! pense Arthur, j’ai peur. Arthur retient son souffle, tourna la poignée et là que vit-
il ?
Sa chambre, avec son lit et son ours à lui…Il se retourna dans son lit, serra Teddy très fort
contre lui et se rendormit… en rêvant, peut être !…
Fiérot le petit éléphant
Il était une fois, un petit éléphant qui se nommait Fiérot. Fiérot est petit, mais quand il
marche, il fait beaucoup de bruit et le sol tremble. Fiérot se croit le plus fort. Fiérot se croit le
plus beau. Il chante toujours : « Laissez passer l’éléphant extra super costaud, laissez passer
Fiérot , l’empereur des animaux.
Quand il se promène, il lance de l’eau en direction des oiseaux qui s’envolent en criant. Les
serpents rampent sous les pierres, les crocodiles se sauvent en claquant des dents.
Un jour qu’il se promène au bord de la rivière, il aperçoit Sam l’hippopotame qui prend son
bain. Tient lui dit il moi aussi j’ai envie de me baigner et l’ennui c’est que c’est ici mon coin
préféré, aller ouste pousse toi !
Sam veut protester mais Fiérot entre dans une grande colère, alors, Sam plonge effrayé et
diaprait dans l’eau en pensant : Cet éléphant est vraiment une sale bête !
Fiérot prend son bain, très fier de lui et reprend sa promenade dans la savane. Non loin de là,
il rencontre César le lion. César fait sa sieste, allongé dans l’herbe. Fiérot lui dit : je viens de
prendre un bon bain et j’ai justement envie de me sécher ici, laisse moi ta place, moi
l’empereur des animaux. César n’a pas envie de bouger et il de met à grogner. Alors, Fiérot
fouette l’air avec sa trompe et gronde : « Va ronfler plus loin moustique, sinon, je t’attrape par
la queue et je t’expédie dans les nuages ! Le pauvre César n’insiste pas et part poursuivre sa
sieste plus loin.
Fiérot se fait dorer un moment au soleil puis il continue sa promenade dans la forêt en
chantant : « Laissez passer l’éléphant extra super costaud, laissez passer Fiérot , l’empereur
des animaux. »
Puis relevant la tête, il aperçoit Bob le singe, il est perché sur un bananier. Eh ! Toi la haut ,
lui crie t’il, lance moi une banane bien mûre ! Je viens de prendre un bon bain, ça m’a donné
faim.
« Tu n’as qu’à les attraper toi même, tu es bien assez grand », lui répond Bob. Mais Fiérot
n’aime pas qu’on lui résiste, alors, il secoue le bananier à grands coups de trompe et il
gronde : « je vais t’apprendre à obéir » !
Les bananes se détachent de l’arbre et viennent s’écraser sur la tête de Fiérot. Bob éclate de
rire : « Voilà un empereur décoré avec des médailles en banane ! ». Fiérot n’aime pas que l’on
se moque de lui, il est furieux, il secoue l’arbre de plus belle, et au moment où il va craquer ,
Bob lui lance : « Tu te crois le plus fort des animaux Fiérot, tu te trompes, j’en connais un 100
fois plus fort que toi ! Fiérot n’en croit pas ses oreilles, il arrête de secouer le bananier. Bob
insiste devant l’animal : « si si, c’est vrai, un vrai dragon ». Eh bien dit Fiérot, va dire à ton
dragon que je l’attends pour lui flanquer une bonne raclée !
Vite Bob saute de branche en branche d’arbre, il va chercher Sam, l’hippopotame et ses 4
frères, puis César Le lion et ses 4 frères, il les conduit dans une caverne au pied d’une
montagne et il leur dit : « Fiérot la trompe est un gros prétentieux et nous allons lui faire un
bon tour et il leur explique son plan.
Bob rejoint Fiérot, il prend un air affolé : « Oh dit Fiérot, c’est affreux, je viens de voir le
dragon, quand je lui ai dit que tu voulais le rencontrer, il a dit quelque chose que je n’ose pas
te répéter, c’est horrible, tu vas te fâcher. » Fiérot insiste en promettant a Bob de ne lui faire
aucun mal. Alors Bob reprend , il m’a dit : « Va dire à ton éléphant que je ne me déplace pas
pour une bestiole comme lui, s’il veut il n’a qu’a venir chez moi, je n’en ferai qu’une
bouchée.
Quoi dit Fiérot vexé, il m’a traité de petite bestiole ? Conduis-moi tout de suite chez ce
dragon, il va regretter ses paroles. Bientôt, ils arrivent devant la caverne. Bob crie : Hola
grand dragon, Fiérot est venu te faire admirer sa force, veux-tu lui dire quelque chose ?
Au fond de la caverne, les 5 lions se mettent à rugir de toutes leurs forces, Fiérot n’a jamais
entendu un rugissement aussi puissant, des frissons montèrent de ses pattes jusqu’à sa trompe.
Alors, Bob crie de nouveau « HO HO ! grand dragon, sors de ta tanière et viens te battre
contre Fiérot, l’empereur des animaux.
Dans la caverne, les 5 hippopotames tapent des pieds tous ensemble. Un énorme grondement
se fait entendre et raisonne dans les montagnes et bientôt sort de la caverne un immense nuage
de poussière.
Bob le singe s’écrire : regarde Fiérot, le dragon crache de la fumée, il va bientôt cracher les
flammes !Fiérot sent son cœur qui bat fort, très fort, il n’a plus du tout envie de rencontrer un
animal qui fait trembler les montagnes et qui crache du feu. Il murmure : « Oh la la ! Il est
tard, la nuit va tomber, il faut que je rentre, excuse moi Bob, Fiérot fait demi tour et se sauve a
toute vitesse. Depuis ce jour, Fiérot est beaucoup plus gentil avec les autres animaux et ne se
croit plus le plus fort, le plus beau.
Le petit chat têtu
C’était un petit chat tout gris et très têtu, qui habitait chez une gentille petite fille. Un jour
qu’il était sorti pour se promener, la petite fille lui dit : - ne va pas trop loin, petit chat, tu te
perdras !
Mais il n’en voulu faire qu’à sa tête et partir dans le bois. C’était très amusant de courir après
les mouches, de jouer avec les scarabées, et de faire craquer les feuilles mortes… Le petit chat
s ‘amusa tant, qu’il perdit son chemin et, quand il voulu rentrer, il ne sut plus de quel côté se
tourner. Il courut à droite, il courut a gauche…mais il n’y avait que des arbres autour de lui :
des arbres, toujours des arbres, rien que des arbres …
Il faisait de plus en plus sombre, les oiseaux avaient cessé de chanter. Et tout à coup, dans le
silence de la nuit, une chouette hulula : Hou ! Hou !
Le petit chat, tout tremblant de peur, s’assit sur une souche et de mit à pleurer. Et voisi qu’un
lapin passa en courant près de la souche. Il aperçut le petit chat, s’arrêta.
-Que fais-tu donc là ? demanda t’il.
-j’ai perdu ma maison, répondit le chaton.
-Quelle aventure ! S’étonna le lapereau. Et qui es tu ?
-Je ne sais pas répondit le petit chat, je suis tout petit…
-Ca par exemple ! Mais tu as bien une maman ?
-C’est une petite fille qui me sert de maman…
Quelle drôle d’histoire, dit le petit lapin en riant. Puis, il s’assit dans l’herbe, près de la
souche, remua ses longues oreilles et de mit à réfléchir. Au bout d’un moment, il demanda :
-Est –ce que tu sais sauter ?
-Oh oui répondit le petit chat, je saute même très bien.
-Eh bien, alors, c’est simple, dit le lapin. Si tu sais sauter, c’est que tu es un lapinet, toi aussi,
voilà tout !Viens, je vais te conduire à la maison. Et ils se mirent en route. Après avoir franchi
un fossé, le petit lapin demanda : - Comment se fait-il que tu aies des oreilles si courtes ?
- Oh ! Tu m’ennuies avec tes questions, répondit le petit chat agacé. Et si j’ai les oreilles
courtes, j’ai la queue longue, tu vois bien !
- Bon, bon, ne te fâche pas, dit le lapereau. Allons plus loin. Et il l’emmena dans le
jardin potager où vivait sa famille.
- Maman, cria t’ilen entrant dans le terrier, j’ai trouvé un autre bébé lapin dans le bois.
- Très bien, dit la maman lapine, donne lui à manger et allez vous coucher, il est déjà
tard…
Le petit lapin prit une feuille de chou et la tendit au petit chat.
-Tiens, prends !
-C’est pour quoi faire ? demanda le petit chat.
-Pour manger, parbleu ! répondit le lapin.
Le petit chat pris la feuille de chou et se mit à pleurer : - je ne sais pas la manger, gémit il,
je suis trop petit !
-Quoi, trop petit, trop petit, se moqua le lapin. Moi aussi je suis petit et pourtant,
regarde … Il prit la feuille de chou et la grignota en un instant. Il n’en laissa qu’un tout
petit morceau avec lequel le petit chat s’essuya les yeux.
Maman lapine, qui les regardait depuis un instant, hocha la tête.
-Oh ! non, dit-elle, tu n’es pas un petit lapin. Et elle appela tous se voisins.
-Venez, disait-elle, venez tous voir la drôle de petite bête que mon fils a trouvé dans le
bois.
Tous les lapins du voisinage, réunis autour du petit chat, l’examinèrent, puis discutèrent
gravement sans pouvoir se mettre d’accord sur cet étrange animal. A ce moment, sortant
de dessous un noisetier, s’approcha clopin-clopant un vieux lapin boiteux.
-Ecartez-vous, ordonna t’il, et laissez moi voir ! Après avoir longuement observé le petit
chat :
-Dis moi un peu, sais tu grimper aux arbres ? lui demanda t’il.
-Bien sûr, que je sais, répondit le petit chat.
-Eh bien dans ce cas, viens avec moi. Je vais te reconduire chez toi, je sais qui tu es. Tu
es un petit écureuil. Regardez, vous autres : de petites oreilles et une longue queue
touffue, c’est clair ! C’est un écureuil !
- Il a raison ! Il a raison ! Crièrent tous les lapins en chœur. Comment n’avons-nous pas
deviné plus tôt ! Et le vieux lapin clopinant emmena le petit chat. Ils traversèrent un
pré, pénétrèrent dans le bois et s’approchèrent d’un vieux tronc. Là, dans le creux,
vivait un écureuil. Le lapin boiteux s’arrêta au pied du vieux tronc, s’assit sur ses
pattes de derrière et avec celles du devant tambourina sur l’écorce.
- Qui est là ? Cria d’en haut l’écureuil.
- Moi, le lapin boiteux. Je t’amène un bébé écureuil...
- Qu’il grimpe tout eul, répondit l’écureuil. Je n’ai pas le temps, je prépare mes
provisions pour l’hiver…
Non sans peine, le petit chat grimpa le long du tronc. Quand enfin, il fut arrivé au bout, il
se glissa dans le creux. L’écureuil lui donna une pomme de pin.
- Tiens, lui dit-il, mange !
Le petit chat se sentit offensé.
- Mange toi même ; grogna t’il et il jeta la pomme de pin dehors.
- Comment ! S’indigna l’écureuil, comment oses-tu jeter une pomme de pin ! Attends
un peu, je vais te corriger, tu vas voir !
Et il leva une patte, mais subitement il s’arrêta, regarda le petit chat et lui dit :
-Mais…tu n’es pas un écureuil !
-Je ne sais pas, répondit le chaton, j’ai faim !
- Qu’est-ce que tu veux manger, alors ? demanda l’écureuil
, aimes tu les champignons secs ?
- Non, répondit le petit chat. Je veux une souris.
- Tu n’es qu’un petit sot, dit l’écureuil en colère. Tu aurais pu me le dire plus tôt et
j’aurais compris que tu es un petit hérisson. Allez, dépêche-toi, je vais te conduire
chez toi. L’écureuil descendit de son arbre et conduisit le petit chat chez maman
hérisson.
- Tenez lui dit il, je vous ramène votre bébé hérisson. On l’a trouvé dans les bois.
- Qu’il aille avec ses frères et sœurs, répondit la maman hérisson. Il mangera une souris
pour son dîner et ira se coucher. Il est déjà tard !
Le petit chat dévora la souris puis se coucha avec les petits hérissons. Mais à peine s’était
il pelotonné contre eux qu’il bondit hors de leur coin.
- Aïe, aïe, criait t’il, c’est impossible , ils me piquent le dos !
Maman hérisson qui s’était réveillée, sortit du nid et dit :
- Que veux tu que je fasse de toi ? Si tu n’es ni un lapin, ni un écureuil, ni un hérisson…
Qui peux-tu bien être ?
- Mais je ne sais pas, dit le petit chat, je suis tout petit…
Maman hérisson bailla et retourna dans son nid, laissant le pauvre petit chat tout seul. Il se
réfugia sous un arbre où il passa le reste de la nuit à miauler plaintivement.
Au matin,quand le soleil se montra, au sommet de l’arbre, un corbeau se réveilla. Il aperçut le
petit chat tout transi et croassa :
- Crôa, Crôa, je sais qui tu es, moi !
- Eh bien, dis le ! demanda le petit chat.
- Tu n’es qu’un petit chat, tout simplement.
- Tu crois vraiment ? insista le petit chat.
- Non, mais…quelle insolence ! Tu imagines peut-être que je n’ai jamais vu de chaton
avant toi !
- Corbeau, eh !Dis donc, corbeau, demanda maman hérisson sortant de son nid, tu sais
peut être aussi où il habite ?
- Evidemment que je le sais !
- Alors, reconduit le chez lui !
- Crôa, crôa, croasse le corbeau, suis moi, petit chat.
Et il s’envola tandis que le petit chat le suivait en courant. Ils sortirent du bois et s’engagèrent
sur une route. Et , tout à coup, le petit chat aperçu sa maison. De joie, il redressa sa queue
toute droite et y courut de toute la vitesse de ses petites pattes. En arrivant, il déclara encore
tout essoufflé de sa course :
- Jamais, jamais plus je n’irai seul dans le bois…