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CONTACTS · phoses directement inspirées des motifs islamiques, ou Emergences (2014) et Only the Ocean is Pacific (2015)

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CONTACTS

PHILIPPE LAVANCHYPrésident de l’Associationl’Hospitalité artistique à Saint-FrançoisAvenue de Rumine 501005 Lausanne021 312 16 50

[email protected]

JEAN-FRANÇOIS RAMELETPasteur de « l’esprit sainf, une oasis dans la ville »Ch. de Clair-Joly 331093 La Conversion078 935 43 30021 331 56 [email protected]

L’HOSPITALITÉ ARTISTIQUE À ST-FRANÇOIS1003 LausanneCompte BCV : Z 5297.60.58, clearing bancaire 767IBAN : CH75 0076 7000 Z529 7605 8

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9.5 SUR L’ÉCHELLE

DE LUTHER

À SAINT - FRANÇOIS

JUIN – OCTOBRE 2017

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SOMMAIRE

RÉSUMÉ 4Echelles calcinées et magma de vitrail

L’HOSPITALITÉ ARTISTIQUE 5 Le comité

PROJET 2017: 9.5 SUR L’ÉCHELLE DE LUTHER 6 L’échange comme méthode

500e anniversaire de la Réforme, un événement européenLausanne ville de la Réforme

L’ARTISTE 9Sandrine Pelletier

INSTALLATION 10Descriptif du projetEntretien avec l’artiste Esquisses

RÉSONNANCES THÉOLOGIQUES 14Réforme, ruptures et brûluresSola gratia et sola fideEcclesia reformata quia semper reformandaFragilité institutionnelle

VITRAIL 17Origine du projetIntentions de l’artisteProcessus de créationEsquissesRésonnances théologiques

PRÉCÉDENTS PROJETS DE L’HOSPITALITÉ ARTISTIQUE 222012 La Nativité selon Burland2014 Un jardin à Saint-François

BUDGET PRÉVISIONNEL ET PLAN DE FINANCEMENT

STATUTS DE L’ASSOCIATION (tirés à part)

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RÉSUMÉ 

Une installation d’avant-garde et des vitraux audacieux de Sandrine Pelletier, une artiste contemporaine lausannoise, tel est le projet de l’Association l’Hospitalité artistique pour fêter les 500 ans de la Réforme.

« Coup de poing ». Une nef dépouillée de ses bancs. Nue comme dans un déménagement et qui invite au déplacement. Une nef habitée par 95 échelles calcinées de toutes les tailles réparties dans l’espace.95 échelles pour les 95 thèses de Luther contre les indulgences. « Coup de poing » pour rap-peler que la Réforme s’origine dans la colère d’un homme face à la marchandisation du salut.Le terme hébreu « Hen » pour désigner la grâce signifie « se pencher vers quelqu’un pour lui manifester de l’attention ». Dire le salut par la grâce, c’est dire que c’est Dieu seul qui se penche sur l’homme, contre toute prétention à l’élévation graduelle.Les échelles calcinées et brisées exprimeront ce puissant retournement. L’homme ne s’élève pas à Dieu, c’est Dieu qui se met à hauteur d’homme.

L’artiste travaille le bois brûlé, mais aussi le verre. Dans une église réputée pour ses vitraux modernes (Clément Heaton, Alexandre Cingria, Ernest Biéler, Pierre Chevalley), il est apparu évident qu’il fallait confier à Sandrine Pelletier les quatre remplages encore vierges des fe-nêtres nord.Son projet à nouveau s’ajuste au propos et à l’esprit de la Réforme et se veut résolument nova-teur quant à la technique et au traitement du verre.

Pas de figuration. Pas « d’à plat » si usuel dans le vitrail figuratif ou non (voir les vitraux de Pierre Soulages à Conques); mais de l’épaisseur, du relief, du mouvement. Des vitraux incan-descents qui couleraient, comme de la lave en fusion s’échappant d’une éruption. La coulée vitrifiée a emporté sur son tracé toute image, toute représentation biblique ou mys-tique. La seule rémanence de l’image se laisse deviner dans les couleurs en coulures coagu-lées, telles des scories. Le vitrail en magma, fait écho à l’interdit biblique de l’image qui est avant tout interdit de la représentation idolâtrique, que les réformateurs ont estimé nécessaire de rappeler en leur temps.

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L’HOSPITALITÉ ARTISTIQUE À SAINT-FRANÇOIS

Au cœur de la ville, le vaisseau de Saint-François tient « la place » et tient « sa place » !L’église témoigne d’un riche passé artistique : les grandes orgues (Scherrer-Kuhn 1777), les peintures décoratives d’époque, les vitraux de Clément Heaton, d’Alexandre Cingria, d’Ernest Biéler, de Pierre Chevalley ; la monumentale porte en bronze illustrant le tétramorphe.Dans le cadre de cette église, « l’esprit sainf - une oasis dans la ville » y a été aménagée pour accueillir les hôtes de passage souhaitant, qui un temps de repos, qui un temps de prière et de recueillement.

L’Association de l’hospitalité artistique s’inscrit dans l’héritage artistique repérable à Saint-François et veut offrir dans l’église, un espace où la théologie et la spiritualité protestantes d’une part, et la culture contemporaine sous toutes ses formes (arts plastiques, musique, danse, littérature …) d’autre part, se rencontrent, dialoguent, se questionnent et s’enrichissent récipro-quement.Elle poursuit ses activités dans un esprit d’ouverture, sans prosélytisme ni repli identitaire.

Le comité

M. Philippe Lavanchy Président Ancien chef de service à l’État de Vaud

Mmes Noémie Arnold Historienne de l’art Alexandra Droguet Réflexologue, comptable et trésorière Florence Grivel Historienne de l’art, journaliste RTS

MM. Jean-Patrice Cornaz Pilote de ligne et théologien Daniel Marguerat Professeur honoraire de Nouveau

Testament à l’Université de Lausanne Danilo Mondada Architecte Jean-François Ramelet Pasteur, responsable de l’esprit sainf – une oasis dans la ville

Benjamin Righetti Organiste de Saint-François, professeur HEMU

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PROJET 2017: 9.5 SUR L’ÉCHELLE DE LUTHER

L’échange comme méthode

Le comité de l’Association ne passe pas commande auprès de l’artiste, mais dès les prémices du projet, entre en dialogue avec elle. Moments de partage autour de textes, dialogues, par-tages alimentent le projet depuis ses débuts.Pour le projet 2017, l’Association a invité pour deux soirées l’historien et professeur de théo-logie genevois Olivier Fatio.

Infusée par ces moments de partage, l’artiste a carte blanche pour proposer son projet.

S. Pelletier, «Oscar», Emergences, Bex & Arts 2014, Bois, eau teintée, (800 x 500 x 90 cm).

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500e anniversaire de la Réforme, un événement européen

L’année 2017 verra la célébration des 500 ans de la Réforme. Ce jubilé sera l’occasion de nombreuses manifestations dans le monde entier. Mais la commémoration de la Réforme ne saurait être d’abord une célébration tournée vers le passé. Elle doit au contraire s’interroger sur le sens de la Réforme pour aujourd’hui et sur l’avenir du protestantisme héritier de la Réforme. Cette commémoration ne s’adresse pas uniquement ou en priorité aux fidèles des Églises protestantes; elle veut au contraire faire prendre conscience que les convictions issues de la Réforme sont présentes de nombreuses façons dans le monde et la culture modernes et inviter ainsi chacun à s’interroger sur la signification de la Réforme pour le présent.

S. Pelletier, «Composition 3», Musée des Beaux-Arts du Locle, 2015, Bois brûlé.

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Lausanne ville de la Réforme

Soixante villes européennes ont été labélisées « ville de la Réforme » pour leur rôle dans l’émergence de la Réformation, dont Lausanne qui doit ce label au rôle clé qu’a joué l’église Saint-François.En mai 1536, c’est à Saint-François que le Réformateur Pierre Viret prêche pour la première fois à Lausanne.Pendant la dispute de Lausanne du 1er au 8 octobre 1536, c’est donc logiquement à Saint-François que se rassemblaient les réformateurs, parmi lesquels Farel, Calvin, Caroli et Viret. Ils y affûtaient leurs arguments avant de monter à la Cathédrale et y affronter les chanoines dans la dispute.

Il est vite apparu que cette commémoration serait l’occasion idéale pour l’Association l’hospitalité artistique de proposer son troisième projet artistique.

S. Pelletier, réalisation de «The Deserted», Biennale off du Caire 2015, galerie Darb 17-18, Verre fondu et bois brûlé, (installation de sept socles 38 x 38 x 120 cm).

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L’ARTISTE

Sandrine Pelletier

À l’horizon 2009-2010, le travail de Sandrine Pelletier, jusqu’alors concentré sur le dessin et la broderie, prend un tournant décisif. Délaissant aiguille et crayon, elle s’arme désormais d’un briquet et se confronte aux arts du feu : céramique, verre et bois brûlé.

En véritable pyromane des poncifs techniques et esthétiques, Sandrine Pelletier pousse chacun de ses nouveaux médiums à leurs points de ruptures. De l’expérience de ces derniers va se dégager un élément désormais crucial pour elle : l’accident. Bois calciné, verre fondu et brisé ou sur le point de l’être, céramique noircie vont développer le langage de l’artiste dans des directions qui ne feront l’impasse ni sur la figuration ni sur l’abstraction et le conceptuel.

L’atelier qu’elle occupe au Caire en 2012, juste après le printemps arabe qui a bouleversé le pays, a sans aucun doute lui aussi eu un impact durable sur sa manière de travailler et sur ses références. De nouvelles muses surgissent en la jeunesse alternative cairote. De cette rencontre avec des codes inattendus dans un pays arabe vont surgir bon nombre de dessins au fusain qui sont regroupés dans un ouvrage produit et relié en Egypte. Toute la nouvelle grammaire de l’artiste y figure. On y trouve ainsi des références aux rituels, aux légendes et à l’exotisme mais aussi un intérêt nouveau pour la métamorphose, l’éphémère et l’accidentel. Ses constructions urbaines en bois réunissent ces nouveaux intérêts. La fragilité et la patine du temps cohabitent dans ces nouvelles architectures calcinées tels Nafas (2012), anamor-phoses directement inspirées des motifs islamiques, ou Emergences (2014) et Only the Ocean is Pacific (2015).

C’est que Sandrine Pelletier n’est pas une artiste éponge, elle n’absorbe pas le monde qui l’entoure, non, elle le scrute avec acuité et le métamorphose dans ses œuvres. Lorsqu’elle est invitée à participer, en 2014, au Vent des forêts, dans la Meuse, elle n’hésite pas à construire son propre four pour verrier en torchis et terre réfractaire en pleine forêt et à projeter, encore en fusion, la matière transparente, sur des constructions de bois brûlé. Les fils de verre, traces des gestes de projection désormais figés, tissent ici une toile d’araignée monumentale à la couleur ambre.

La spatialisation de son travail s’est ainsi considérablement développée. Elle crée en forêt, dans le désert, et même son dessin s’est libéré de la feuille pour gagner les murs, certaines fois de grandes dimensions comme son intervention lors de son exposition éponyme Only the Ocean is Pacific au Musée du Locle en hiver 2015.

Marco Costantini, conservateur au Mudac

et commissaire d’exposition

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INSTALLATION

Descriptif du projet

Si la précédente installation de Rudy Decelière avait pris place dans l’avant-nef de l’église Saint-François, les échelles de Sandrine Pelletier, investiront le volume entier du monument. Posées à même le sol, des échelles de toute taille, mesurant parfois près de dix mètres, s’élanceront vers les ogives.

Près d’une centaine d’échelles joueront avec les murs et traverseront les différents espaces de l’église, puisque le nombre de thèses placardées par Luther en 1515 sera repris par l’artiste. L’œuvre formera ainsi une dense forêt de 95 échelles carbonisées, odorantes et en partie consumées, présentant encore les stigmates des brûlures que la plasticienne leur aura minutieusement infligées.

Pour laisser place à l’installation des échelles, l’ensemble des bancs sera évacué. Dès son entrée dans l’église, le visiteur sera plongé au cœur de la vaste installation, sans recul possible, mais variant à son gré les points de vue sur ce chaos d’échelles noircies. Au milieu de cet enchevêtrement à la fois fragile et imposant, le regard du visiteur se dirigera vers les voûtes, guidé par le rythme irrégulier des échelons. De même, selon les déplacements du visiteur au coeur de l’installation, les points de vue différents feront parfois apparaître des anamorphoses ou des motifs géométriques aléatoires.

«Diorama», Vent des Forêts 2014, Bois, verre, four verrier (12 m ø).

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Entretien avec l’artiste

- Tu as l’habitude de confronter ton travail à des lieux variés, en plein air, en forêt, sur des murs de musée, de galeries, sur une scène..., quand on te propose de travailler pour une église, dans une église, quelle est ta première réaction? Si c’est un défi, lequel? une transgression?

Ça n’est pas la première fois où je suis invitée à intervenir dans un lieu sacré, mais dans une église de cette taille, avec une thématique si importante et imposante, oui c’est un défi! La transgression, non, mais la volonté de transmettre, de passer des informations au public  sur « ce qu’est la réforme » sans toutefois donner d’indices sur mes convictions religieuses. Je ne suis que le passeur, le paysagiste…Et puis surtout, surtout le thème de la réforme est quelque chose d’assez sombre, violent, révolté dans lequel je n’ai aucune peine à me glisser. J’aime laisser planer le doute éventuel pour le public sur la question « est-elle profane ou protestante? » 

- L’Hospitalité artistique te propose un thème difficile et finalement assez conceptuel: Les 500 ans de l’impression des thèses de Luther, autrement dit il s’agit de Réforme. Quels souvenirs, images, lointains ou pas, as-tu de cet épisode historique?

La première image qui me vient à l’esprit sont des écritures, des caractères d’imprimerie et des textes gravés dans de la pierre, de l’encre et des hommes en noir avec qui il ne fallait pas plaisanter. Ou plutôt si: avec mes anciens collègues et amis enseignants de la HEAD de Genève, (j’y ai enseigné le design de 2010 à 2012), il y avait souvent des clins d’œil et des plaisanteries sur l’esprit calviniste de Genève.

S. Pelletier, réalisation de «Diorama».

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L’été dernier, après avoir été contactée par l’Esprit Sainf, je me suis penchée sérieusement sur le sujet de la Réforme que je connaissais à vrai dire peu et, Dieu merci, j’ai réparé cette erreur. 

- Qu’est-ce qui t’a frappé après que théologiens, historiens, etc. t’ont exposé à leur façon cet épisode?

C’est du pain béni pour la création! C’est une chance de pouvoir participer et être témoin de discussions si passionnantes, j’apprends sans cesse, je découvre et décortique au travers ces ping-pong d’anecdotes et ces joutes verbales généreuses et malicieuses. Finalement, à travers leurs témoignages et récits, la réforme m’a semblé bien moderne, comme si elle avait eu lieu il y a 30 ans.

- Quel lien as-tu tiré entre ton propre travail et certains axes de la Réforme qui t’ont touchée?

Je me suis facilement retrouvée dans certaines pratiques comme par exemple «  l’affichage sauvage » des 97 thèses de Luther, et plus globalement, dans la révolte contre l’autorité et les taxes imposées, comme les indulgences. Tout cela est finalement très universel et intemporel! Je dirai aussi, par rapport à mon travail, la déconstruction et la reconstruction sur des cendres encore chaudes.

- Pendant le développement du projet tu résidais au Caire, cet ancrage dans un ailleurs lointain des préoccupations de la Réforme a-t-il nourri tes réflexions, si oui, comment?

L’humain, les croyances, les rituels. Les prières… et les paysages. La liberté d’expression et la non liberté d’expression, surtout…Je suis aussi tombée sur une église au milieu du désert, encore couverte d’échafaudages de bois. J’ai été sensible à la silhouette de cette église se détachant du paysage, avec son corset de bois aux lignes droites. 

- Très vite le thème de l’échelle s›est imposé, peux-tu nous en dire plus? Que souhaites-tu activer? interroger?

J’ai été en premier dans une recherche «  technique » et esthétique à savoir, comment faire ressurgir mon travail dans un endroit si chargé-sans être baroque- qu’est l’église saint Francois. Le mot chantier a surgi rapidement de mon brainstorming, évoquant la construction et la déconstruction, l’élévation, l’ascension. J’étais partie sur des revêtements blancs de chaux, lorsque je suis tombée sur une gravure du 17ème siècle représentant une voûte d›église et une échelle bien trop haute pour être réaliste. J’ai eu alors cette envie de remplir l’église d’échelles, anamorphiques et géométriques, qui s’entrecroisent, se relient et se complètent dans l’espace, un peu comme du dessin en 3D, ou comme du « maquillage », en surlignant le lieu d’un trait de kôhl carbonisé.

Esquisses de l’installation dans la nef de l’église.

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- À l’œuvre qui investira le corps de l’église, s’ajoute la commande d’un vitrail. Un rêve pour toi, pourquoi? Là encore, comment lier ta pratique du verre, ton univers à celui de la Réforme, comment l’imagines-tu?

Comme un grand nombre d’artistes contemporains, avoir le privilège de réaliser un vitrail qui va perdurer, c’est merveilleux, une consécration pour les amoureux du verre et du savoir-faire historique comme moi. Le vitrail est un médium si fort, interactif, vivant et révélateur - j’ai d’ailleurs encore du mal à réaliser, pour le moment. La Réforme pour moi, c’est en partie faire abstraction de la figuration et des symboles religieux. J’ai eu donc l’idée de réaliser un vitrail en « bas relief » et non pas uniquement plat. Coulant, comme accidentel, qui aurait pour résultat une masse de verre aux couleurs qui s’entremêlent et qui coule autour et le long de sa structure de plomb. La fonte des images pour ne laisser que le vitrail blanc et dénudé. Le voile se déchirant... J’ai une grosse pression, mais je garde la foi... !

Propos recueillis par Florence Grivel, historienne de l’art et journaliste à la RTS,

février 2016

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RÉSONNANCES THÉOLOGIQUES

Réforme, ruptures et brûlures

Dès son entrée dans l’église Saint-François, le visiteur sera rapidement surpris par la vision que lui offrira l’installation de Sandrine Pelletier, celle d’une église en «chantier» où s’accumulent des échelles de bois calcinés ; aux échelons brisés et inutilisables.L’installation de Sandrine Pelletier rend un témoignage fort et puissant à ce qu’a pu être l’évé-nement historique lui-même : un mouvement de rupture, de protestation, de revendication ; avec ce que cela a pu avoir de violent et d’ardent.Lorsque nous parlons de la Réforme, nous enjolivons le plus souvent les faits, nous en faisons une lecture romantique; nous idéalisons les élans et les événements. Mais une attention fac-tuelle nous rappelle que la Réforme est d’abord une tragédie. Celle d’une Église qui se divise ; d’une Europe qui se fragmente ; de familles et d’amis qui se déchirent et ne se parlent plus ; de coups bas, de procès et de menaces, de bûchers, et d’excommunications de part et d’autre.Nul doute que les échelles calcinées de Sandrine Pelletier renverront le visiteur à l’évocation de ces heures sombres et qui rappelleront une triste actualité.

Sola gratia et sola fide

Mais la Réforme, c’est aussi des affirmations, des convictions pour lesquelles des hommes et des femmes ont risqué leur vie, comme Luther, banni de l’empire et menacé de mort pour avoir affirmé la grâce seule – sola gratia – contre toute les fausses sécurités religieuses que l’homme échafaude pour se rassurer devant Dieu. La pratique des indulgences faisait partie de ces « montages » que l’Église avait conçus pour apaiser le fidèle, angoissé par son salut, tout en récoltant au passage des sommes considé-rables pour construire Saint Pierre de Rome.Par ses oboles, dûment actées, le fidèle s’achetait des remises de peines célestes.Les échelles brûlées et «dépiautées» de Sandrine Pelletier, font résonner ce démontage radical de la Réforme contre toute tentative de l’homme à vouloir s’élever devant Dieu par sa pratique religieuse et ses mérites.

Esquisse de l’installation dans l’avant-nef de l’église.

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Ecclesia reformata quia semper reformanda

Disséminées dans l’église, les échelles en bois brûlés de Sandrine Pelletier lui donneront un aspect de chantier bien éloigné de l’aspect « religieusement correct » que nous aimons à don-ner à ces lieux que nous aimons à penser « sacrés ». Mais l’Église n’est pas un sanctuaire hiératique qui serait épargné du vacarme et des nau-frages du monde. Dans l’esprit des Réformateurs, l’Église est traversée par le tintamarre du monde, par ses tensions, par ses mouvements telluriques qui l’obligent à une certaine plasticité pour toujours se réformer afin de délivrer une Parole pertinente pour l’aujourd’hui du monde et de l’homme.C’est pourquoi en régime Réformé, sous l’impulsion de l’Esprit et celui de la Parole, l’Église n’est jamais installée, toujours en chantier, en perpétuel exode ; jamais aboutie, jamais à quai, toujours en mer. Il n’est pas insignifiant de rappeler qu’au Moyen-âge, une des portes de la Ville de Lausanne était adossée au chœur de Saint-François. L’Église était donc au seuil de la ville. D’un côté elle donnait sur le bourg et de l’autre elle dominait les champs et le lac.Cette relative quiétude est désormais révolue. Au centre de la ville, la nef de Saint-François offre désormais une caisse de résonnance au brouhaha de la place et donc du monde. Une rumeur qui s’infiltre comme un aiguillon pour nous rappeler toujours la nécessité de prendre en compte le monde et d’en être solidaire.

Fragilité institutionnelle

L’installation de Sandrine Pelletier exprimera également une fragilité institutionnelle toute pro-testante et d’actualité. Que ce soit dans le canton de Vaud et ailleurs dans le monde occi-dental, le protestantisme est vulnérable et c’est un euphémisme de dire qu’il se porte mal. L’Association l’Hospitalité artistique, bien que fermement convaincue de l’apport essentiel de la Réforme à l’émergence de notre monde moderne, ne souhaitait pas que le projet artistique évite cette fragilité, si souvent marouflée et déniée. Si les Eglises qui revendiquent l’héritage de la Réforme veulent continuer à faire résonner avec pertinence la Parole dans notre monde, il est impératif qu’elles sachent réinventer les structures obsolètes qui sont les leurs.

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VITRAIL

Origine du projet

Saint-François est une Église renommée pour la diversité de ses vitraux modernes et dus à des peintres et artiste de renom : Alexandre Cingria, Clément Heaton, Ernest Biéler, Pierre Chevalley. Les vitraux de St-François figurent parmi les plus beaux visibles à Lausanne et en Romandie.Par leur taille, leurs couleurs, ils sont audacieux.Depuis quelques années, Sandrine Pelletier intègre dans son œuvre, le travail du verre.Verre liquéfié, verre animé, verre en mouvement; vague sans écume, bavure incandescente, coulure et dégoulinade improbable. C’est ce travail qui a encouragé l’Association l’hospitalité artistique à demander à l’artiste d’intégrer dans son œuvre la création d’un vitrail, appelé à garnir le patrimoine déjà très riche de l’église Saint-François.Le projet de vitrail de Sandrine Pelletier s’inscrit dans l’audace repérable dans le patrimoine déjà visible à St François.Sandrine Pelletier ose ce que personne n’avait fait jusqu’à maintenant : sortir du cadre strict de la fenêtre pour laisser le vitrail « couler » sur le mur de la nef.L’artiste va donner à son vitrail un mouvement. Comme si le vitrail en magma tentait de se répandre dans la nef et les fidèles. Le mouvement ainsi imprimé par le verre en liquéfaction exprime un dévoilement, comme un délestage, une épuration. Le vitrail se retire pour laisser place à la seule lumière.

Intentions de l’artiste

« Le concept est de créer un vitrail avec de la matière, du mouvement, du volume. Le vitrail étant traditionnellement plat et sur un seul plan.On peut interpréter de différentes manières ce vitrail en volume; à la fois comme un rideau, un voile « déchiré » ou encore comme un vitrail traditionnel et figuratif qui aurait coulé acci-dentellement le long des baies, à travers le plomb horizontal, et coulé jusqu’à la pierre, en bas du vitrail. L’idée d’images coulantes et disparaissantes est très conceptuelle et représentative du pro-testantisme, qui vise à être dans la non représentation et dans la non idolâtrie iconique. On imagine volontiers ainsi un scénario de vitrail classique et figuratif existant qui s’est déchiré et dont les teintes se sont mélangées entres elles, créant ainsi un jeu abstrait de voile coloré dont les couleurs originelles se seraient mélangées entre elles. »

Sandrine Pelletier

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Processus de création

« La technique de mise en oeuvre est le laminage de verre fusionné coloré, produit dans notre atelier. La première étape sera l’écriture des compositions chimiques de chaque verre coloré suivie d’une phase empirique de fusion des verres pour ajuster les coloris jusqu›à satisfaction de l’artiste. Les cinq ou six coloris retenus, nous fusionnerons les verres dans nos fours, et les met-trons en forme, couleur après couleurs. Le principe du laminage consiste à déposer une masse de verre en fusion sous une presse qui vient former la vitre chaude. Contrairement à la technique traditionnelle, nous provoquerons la déformation de cette vitre par l’utilisation de contre-forme en bois ainsi qu›avec nos outils de souffleur de verre pour lui donner le volume et le mouvement dessinés par Sandrine Pelletier.Cette technique à la fois historique et expérimentale nous permettra d’allier la tradition et l›esthétique du vitrail tout en la renouvelant au service d›une demande contemporaine.Chaque forme produite sera découpée selon un carton modèle qui nous permettra leur cali-brage pour s’ajuster sur une structure en métal. Nous n’utiliserons pas forcément les lignes de plomb tel un vitrail traditionnel pour des raisons esthétiques, structurelles et mécaniques. Cette serrurerie en acier laqué sera fixée à des cadres maçonnés dans la pierre de l’édifice comme tout vitrail.Du côté extérieur de l’ouverture, nous préconisons la disposition d’un vitrage simple en verre feuilleté permettant l’isolation phonique et thermique. La fonction de celui-ci permettra également plus de liberté sur la mise en «volume» de l’oeuvre. » 

Stéphane Pelletier, verrier de l’artiste

S. Pelletier, réalisation de «Composition 2», Musée des Beaux-Arts du Locle, 2015, Verre.

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Résonnances théologiques

Le projet de vitrail de Sandrine Pelletier s’ajuste à la fois au propos et à l’esprit de la Réforme, mais aussi à celui de son installation.Il se veut résolument novateur quant à la technique et au traitement du verre.

Pas de figuration. Pas « d’à plat » si usuel dans le vitrail figuratif ou non; mais de l’épaisseur, du relief, du mouvement. Des vitraux incandescents qui coulent, comme de la lave en fusion qui s’échappe d’une éruption. La coulée vitrifiée a emporté sur son tracé toute image, toute représentation biblique ou mys-tique. La seule rémanence de l’image se laisse deviner dans les couleurs en coulures coagu-lées, telles des scories. Le vitrail en magma, fait écho à l’interdit biblique de l’image qui est avant tout interdit de la représentation idolâtrique, que les réformateurs ont estimé nécessaire de rappeler en leur temps.

Croquis des deux vitraux qui seront réalisés au nord de la nef.

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PRÉCÉDENTS PROJETS DE L’HOSPITALITÉ ARTISTIQUE

1. 2012: La Nativité selon Burland

Pour son premier projet, l’Hospitalité artistique à Saint-François avait fait appel à l’artiste François Burland qui avait réalisé sept gravures monumentales sur le thème de la Nativité, exposées dans le chœur de l’église Saint-François, tel un polyptique.

Un film documente la démarche et l’état d’esprit du projet. Il est visible à l’adresse:• vimeo.com/54246015

Le livre «Comète Suprême», documentant le projet sous la plume de Jean-François Ramelet et Florence Grivel est paru aux éditions Art&Fiction en décembre 2015:• http://www.artfiction.ch/magasin-238.php?1355504222

Demeurent également quelques résonnances médiatiques du projet :• RTS 1 - 20.12.12  Emission La puce à l’oreille : www.rts.ch/emissions/la-puce-a-l-oreille/4408946-faiseurs-de-secret-a-choeur-ouvert.html

• RTS 1 - 31.12 12 Emission Faut pas croire : www.rts.ch/emissions/religion/faut-pas-croire/

• RSR 1 - 25.12.12  Vertigo :

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www.rts.ch/la-1ere/programmes/vertigo/4497639-vertigo-du-25-12-2012.html

2. 2014: Rudy Decelière un Jardin à Saint-François

S’inscrivant en lien avec la manifestation «Lausanne Jardins», le deuxième projet de l’Association a présenté une installation de l’artiste Rudy Decelière. Léger, subtil et monumental à la fois, le Jardin suspendu a pris place dans l’avant-nef de l’église, entrant en interaction avec le lieu et le visiteur.

De nombreux évènements ont été organisés autour de l’oeuvre: visites guidées en présence de l’artiste, concerts, conférences, création d’un texte et lecture durant la Nuit des musées.

Le public et les médias ont réservé un accueil très favorable au projet:

• RTS - 19.06.2014 Les matinales d’espace 2 - Jardin suspendu à Saint-François : www.rts.ch/espace-2/programmes/matinales/5905676-les-matinales-d-espace-2-

• RTS - 28.07.2014 Vertigo - Rudy Decelière, installateur sonore: www.rts.ch/la-1ere/programmes/vertigo/5994640-rudy-deceliere-installateur- sonore-28-07-2014.html

• L’Hebdo « La Ronde des feuilles »• 24heures « A Saint-François, Rudy Decelière traduit le murmure des sens »• Le Courrier « Une église qui bruisse de mille feuilles »• Le Temps « Le miracle des feuilles de magnolia »

• Un film documentaire d’une dizaine de minutes a passé en boucle dans l’église durant l’exposition.

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