A PRENDRE OU A LAISSER

Jean-Marc FOUQUES

A PRENDRE OU A LAISSER

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PETIT, NE CONFONDS PAS

A mon percepteur. Petit ne confonds pas voleur et salopard, Le monte-en-l'air, le vrai, est d 'une race à part ; Il lui faut du courage, aussi de la malice Pour berner à la fois victimes et police, Surveillants en tous genres et systèmes d 'alarme Tout en se défendant d'utiliser une arme. De plus il ne se rend que chez les possédants, Ce qui, tu l'avoueras, par t d 'un bon sentiment ! Par contre méfie-toi du détrousseur pervers Qui viendra par le biais de prétextes divers Te réclamer tes sous et te faire un chantage : Tu payes ou en prison je t 'envoie faire un stage ! Je te laisse juger ces minables peureux Qui ne savent voler qu'avec la loi pour eux. Des grugeurs, des pillards, il y en a des tas, Mais le pire aigrefin, ce doit être l'Etat... Ça n'est pas sans raison que le vocable « fisc » Rime parfai tement avec « on vous confisque ».

POINT DE VUE

La vie vaut-elle, pour nous, vaincus, Vraiment la pein' d 'être vécue ? Je me demande, en vérité, Ce qui nous pousse à subsister. Dès la naissance on est feintés. Enregistrés, numérotés, Nos parents font des sacrifices Pour nous caser chez la nourrice. Dès qu 'on babille et qu'on rigole, On nous expédie à l'école, Afin qu 'au lieu d'être rebelles, On soit tous sur le même modèle. Quelques années s'écoulent ainsi, Sans grand espoir et sans soucis, Puis vient le jour où le boulot Fait de nous de gentils prolos. Dans un bureau pendant huit heures, En mourant d'envie d'être ailleurs ; Ou à l'usine ou n ' importe où,

Gagnant si peu, bossant beaucoup. Et nous dont la vie est volée, Nous disons pour nous consoler Que plus on a d'or et d'argent Et moins on est intelligent. Lorsqu'on s'arrête, on est foutus ; On a les yeux d'un chien battu. Tous les week-end et les congés A petit feu nous ont rongés ! Bien que l'on soit à la retraite, On doit toujours payer des traites ; Pour les impôts, pour la maison ; Il faut se faire une raison... Un jour, pourtant, le rêve est là : On a enfin sa p'tite villa (Dernier giron, but dérisoire, Puisqu'on y meurt un ani plus tard.) La vie vaut-elle, pour nous, vaincus, Vraiment la pein' d'être vécue ? Je me demande, en vérité, Ce qui nous pousse à subsister.

LE DINDON

Tandis qu'il est par monts par vaux A mettre des joujous dans vos Chaussures Sa femme est seule et il s'en fout Il fait là une erreur je vous L'assure. Pendant que tu fais le couillon Madame s'offre un réveillon Sais-tu Papa Noël dis méfie-toi Il se pourrait bien que tu sois Cocu.

SAINT-SEIN

Je passerais ma vie à caresser tes seins Tant j'aime en contourner le délicat dessin. Ta peau en cet endroit a la couleur de l'ambre Et attire mes doigts comme un feu en décembre. Je sais que cela met l'homme de bonne humeur De comparer les seins aux fruits et aux primeurs ; Il sera bien déçu dedans sa tradition : De melon ni de poire il ne sera question ! Tes seins sont deux fruits mûrs, dit-on à sa compagne, Mais si l'on se rendait souvent à la campagne, On verrait que l'on fait là piètre compliment Puisque les fruits à point tombent tous mollement. Tes seins à toi, chérie, sont bien chauds et bien durs, Garantis sans pépins, sans vilaine pelure. Je puis m'en régaler sans craindre l'urticaire Ni sans être soumis à la saison précaire. Ta poitrine, ma douce, n'envie rien aux agrumes, Elle ressemble à deux seins, tant pis pour la coutume. Deux beaux seins qui palpitent et aiment la caresse,

Deux seins qui sont heureux et dont les bouts se dressent. Mon dieu ce que je t 'aime et que j 'a ime la vie Quand ta poitrine est là, sous mes doigts pleins d'envie... Je suis comme un voleur qui couve son larcin ; Je passerais ma vie à caresser tes seins.

UN DE PLUS

Sur toi, mon vieux Paris, on a dit tant de choses, On a fait tant de toiles et l'on a tant écrit, Que, pauvre gribouilleur, c'est à peine si j 'ose Venir te célébrer à mon tour aujourd 'hui . Tu n'es pas une ville, tu es une chaumière ; On y entre un beau jour et l 'on s'y sent chez soi. On aime tes coins d 'ombre et tes trous de lumière, On te découvre à peine et tout nous plaît en toi. De la cave au grenier, chaque endroit a son charme, La cuisine est fameuse, les chambres pittoresques. Ta chaleur nous ravit, ta beauté nous désarme ; Tu es toute en contraste, petite et gigantesque. Au signal du printemps, la maison que tu es Lentement se dissout et se t ransforme en femme. Tu nous aguicheras sans te donner jamais Et l'on dira de toi : C'est une grande dame. Tu n'auras contre toi que certains misogynes Et autres demeurés dont il vaut mieux faire fi ; Les femmes t 'a imeront et te diront divine,

Vous vous complèterez et vous serez amies. Les mâles, pour leur part , t 'offriront une gamme De louanges sucrées et de mots enchanteurs, Tant il est vrai que l 'homme, pour honorer les dames, Use de la parole plus souvent que du cœur. Pour toi, mon vieux Paris, sur qui l 'on a tant dit, Je viens de faire encor quelques menus couplets. Me pardonneras-tu, je suppose que oui ; Un de plus, un de moins, tu n'es pas à ça près.