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82 Beaux Quartiers Lyon – Été 2013 SAVEURS

À V O I RN T É E U SA V M A G A S I N A G E O B J E …Beaux Quartiers Lyon – Été 2013 • 85 À lire : Christian Têtedoie, cuisinier à Lyon, par Jean Serroy (photos de Véronique

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Page 1: À V O I RN T É E U SA V M A G A S I N A G E O B J E …Beaux Quartiers Lyon – Été 2013 • 85 À lire : Christian Têtedoie, cuisinier à Lyon, par Jean Serroy (photos de Véronique

82 • Beaux Quartiers Lyon – Été 2013

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Beaux Quartiers Lyon – Été 2013 • 83

Mousse exclu de l’école, il rentre à l’Elysée!Bon élève, Christian Têtedoie? Pas toujours… À 13 ans,l’école classique ne veut plus de lui mais son énergielui permet d’obtenir une dérogation pour commencerl’apprentissage. Et, comme pour prendre une premièrerevanche, il gagne en 1981 le concours de MeilleurApprenti de France (un élu par an, contrairement auMOF – meilleur Ouvrier de France – qui valide environ10 MOF tous les 4 ans). La particularité de ce concoursest qu’il ouvre la porte des cuisines de l’Élysée pour 2ans. On y sert une cuisine de prestige, dans la grandetradition française, et la base sur laquelle ChristianTêtedoie va fonder ses expériences culinaires. Après quelques mois avec Valery Giscard d’Estaing, ilœuvre, pour François Mitterrand, au rayonnementinternational de la cuisine française, avec l’équipe de15 personnes attachée aux cuisines du palaisprésidentiel. Ensuite, son parcours est assez classique.C’est la tournée des restaurants étoilés qui s’impose :

Paul Bocuse (3*), Le Moulin de Mougins (3*), L’oasis(3*), Georges Blanc (3*). À 24 ans, en 1985, ChristianTêtedoie est chef des Dromonts, (3*), à Avoriaz. En1989, Il crée son établissement à Lyon, quai JeanMoulin puis quai Pierre Scize où il restera 21 ans etobtiendra sa première étoile en 2000.

Un fameux trois mats…L’installation de Christian Têtedoie est un virageimportant dans sa trajectoire. Il y crée un écrincontemporain et ambitieux, plus en ligne avec sacuisine élaborée, moderne. Un vaisseau amiral auxtrois établissements installé sur le site de l’ancienhôpital de l’Antiquaille. Cette manœuvre hardie lui apermis d’atteindre la masse critique nécessaire au bonfonctionnement économique de son établissement. Ill’a appris au contact des plus grands: il est difficile detrouver un équilibre financier pour un restaurantgastronomique, sans hôtel, en dessous de 100 couverts.

À 52 ans, le chef a un visageenfantin, souriant,qui rappellevaguementJacques Perrindans lesDemoiselles deRochefort. Il nemanque qu’unecasquette à sonuniforme deMeilleur Ouvrier deFrance car, dans lavie, c’est un marin,un meneurd’homme qui saitmaintenir le capdans la tempête.Attentif, délicat,généreux,gourmand, il estavant tout rapide :dans son parcours,dans ses projets,presque expéditifdans sescollaborations et parfois mêmerapidement déçu…

EN CUISINE AVEC…CHRISTIAN TÊTEDOIECapitaine de vaisseau gastronomique

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C’est plus de deux fois ce volume que ChristianTêtedoie a atteint entre le gastro (110 couverts) et laTerrasse de l’Antiquaille (105 couverts). Trois mats, trois restaurants différents qui ont chacunleur raison d’être et leur positionnement pertinent. Sila signalétique et la circulation entre les différentsespaces restent confuses, on finit néanmoins parcomprendre le sens et la vision du chef au fil desvisites. Les ambiances sont différentes mais l’exigencereste là. L’hôtel quatre étoiles de l’Antiquaille va bientôtsortir de terre. Il sera inauguré en décembre 2014 etdevrait profiter au restaurant. Encore quelquesréglages et l’on se dit que ce sera tout à fait bien.Cette puissance de feu et ce volume de chiffre d’affaires(4,5 M€ en 2012) permettent la présence d’une trèsgrosse équipe en cuisine (22 personnes tout demême…). Une richesse accentuée par la volonté depolyvalence (les chefs passent d’une table à l’autre…)et de création de nouvelles recettes (un nouveau menutoutes les semaines).

Sus aux pirates de tous bords!La restauration implique parfois une navigation eneaux troubles. Christian Têtedoie l’a appris à sesdépens. Une succession de déboires l’a renforcée dansdeux convictions un peu contradictoires. Ensemble onest plus fort… mais mieux vaut choisir le bonpartenaire ! Les dernières années ont été celles dedéceptions à répétition. Ayant grimpé à Fourvière, sonrestaurant emblématique du quai Pierre-Scize oùChristian Têtedoie servait un menu magique autour deschampignons (jusqu’au dessert !) se transforme en unRyad marocain, le Royal Palace. Un entrepreneur enbâtiment malhonnête a malheureusement plombé ledépart du projet. Une action de promotion Groupon(vente collective des menus à prix discount, accessiblesà tarifs exceptionnels sur certains sites : -40 % sur lemenu gastronomie, par exemple…) a eu tellement desuccès que le restaurant s’est mis à vendre à perte…ce qui a coulé l’esquif déjà fragile. La Contretête, adossée à l’ancien restaurant gastro-nomique, a dû fermer elle aussi du fait d’un bailcontesté par le propriétaire des murs. C’est sans douteun peu pour cela que Christian Têtedoie souhaiteaujourd’hui racheter les murs de son restaurant àl’Antiquaille.Testa d’Oca a aujourd’hui changé de nom. Montée avecSimon Huet aux manettes, cette « Tête d’oie » a maltourné et les associés se sont séparés. Simon Huetaccompagne aujourd’hui le chef étoilé dans sondéveloppement.L’épisode le plus récent est peut-être aussi le plustriste. La reprise avec trois associés de la Rue Le Bec,abandonnée par Nicolas Le Bec, s’est révélée pluscompliquée que prévu : les 4 mousquetaires n’ont pasréussi à fonctionner ensemble. Le départ de ChristianTêtedoie fin janvier pour « vision non partagée » n’est

ni la cause de la fermeture, ni de sa reprise, mi-mars,par Jean-Christophe Larose du groupe Cardinal. Cen’était que le symptôme d’une mauvaise constitutionde l’équipage de départ.

A l’abordage?Aujourd’hui, le capitaine Têtedoie est parti à l’assautd’autres vaisseaux, grands et petits. Rachetée en 2012,la Voûte de Léa est pour lui comme un diamant brut,un potentiel encore inexploité de ce qu’il considèrecomme le dernier tenant de la cuisine traditionnellelyonnaise, pour ne pas dire française. Si sa filles’appelle Léa, ce n’est peut-être pas par hasard…En association avec un ancien de son équipe, HiroyukiWatanabe, il est également présent dans le Flair rue

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À lire: Christian Têtedoie,cuisinier à Lyon, par JeanSerroy (photos deVéronique Védrenne) auxEditions Glénat, 2013, 240 pages, 29 €. Un livre magique, commel’est la cuisine« contemporaine, maistoujours fidèle à sesbases » de ce chef étoiléqui y dévoile dans le détail– c’est rare ! – toutes sesrecettes.

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ENTRE LES TROIS, MON CŒUR BALANCE

Phosphore, Terrasse de l’Antiquaille, Christian Têtedoie : quelle ambiance,quelle cuisine choisir ? S’il fait assez beau et pour boire un verre en grignotant une tartine au saumon, lePhosphore est un bon choix. Le plus : la sélection des vins en aveugle. On dit cequ’on aime, on en goûte deux et l’on nous sert celui qu’on préfère tout en nousracontant son histoire… Le moins : la vue est moins belle qu’ailleurs dans le pôleTêtedoie.Si la soirée est belle et pour profiter au maximum de la vue, il vaut mieux viser letoit ! La Terrasse de l’Antiquaille est un endroit à couper le souffle. On y sert unecuisine à la plancha dans un menu obligatoirement (45 € le soir). Le plus : lesgarde-corps transparents qui donnent presque la sensation de voler au-dessus deLyon et la Burrata, épatante, en entrée. Le moins : le jeu de piste pour arriver aurestaurant depuis un parking grunge et sans voiturier (réservé au gastro)Pour le raffinement dans un cadre haut de gamme, il faut entrer dans l’écrin deChristian Têtedoie. Le menu affaires à midi en semaine est l’occasion de tester denouveaux parcours gastronomiques pour un prix très compétitif (46 euros aveceau, un café et un verre de vin)… Le plus : le service très précis mais sanspression et une cuisine très pointue au service des produits. Le moins : le cadreencore un peu froid malgré les nombreux œuvres d’art contemporain. PC

de la Charité et possède le Tête à tête dans le 3e arron-dissement, modeste bouchon de quartier.Aujourd’hui, Christian Têtedoie semble en pause,comme arrivé à bon port. Il peaufine son fier galionpour décrocher une seconde étoile Michelin. On esttoujours un peu surpris de cette fascination persistantequ’ont certains chefs pour cette distinction. Si elle a unimpact (de plus en plus faible) sur les chiffres d’affairesdes restaurants, ça n’est pas pour cette raison queChristian Têtedoie court après ses étoiles. Ce quil’intéresse, c’est d’être encore meilleur. Il reconnaît àMichelin un sérieux qui place la barre à un véritable

niveau d’exigence. Il sait le caractère arbitraire del’évaluation (une visite au mieux par an pour lesrestaurants étoilés) mais l’accepte. Il se bat chaque jouravec cet objectif en ligne de mire. Après les quelques tempêtes professionnelles qu’il atraversées depuis 3 ans, le chef retrouve son équipeinternationale et investie pour inventer de nouvellesexpériences à partager avec ses clients. Devenu Amiralde l’association des Maîtres Cuisiniers de France, ilguide actuellement toute une profession sur les flotstourmentés de la gastronomie. Pierre Carde

}Crédits photos Aline Périer