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BOUCHON Olivier L2 UED 2018/2019 Conflits dans le monde du travail Conflits dans le monde du travail Introduction : Le conflit est-il un dysfonctionnement ? 1 1) Définitions a) « Conflit » (lat. « conflictus » : « choc ») En première approximation le conflit est une lutte, un rapport de force, entre des individus, des groupes, des organisations, visant l’accès à des ressources rares. Mais il ne faut pas entendre « ressources » et « rareté » comme des mots relevant uniquement de l’économie. Ainsi, l’étude du conflit doit prendre en compte « les affrontements qui cherchent à préserver ou faire valoir toutes sortes d’intérêts, d’avantages, qui soient économiques, politiques, symboliques, imaginaires ou affectifs tels que propriété, argent, pouvoir, prestige, savoir… » Les conflits traduisent donc des rapports de force entre des exigences contradictoires, qui s’opposent de manière manifeste ou latente, directe ou indirecte : conflits intrapsychiques, interpersonnels, dans les groupes ou entre les groupes sociaux. 1 A ce sujet, n’hésitez pas à consulter les articles « conflit » et « travail » dans l’excellent Vocabulaire de psychosociologie (2002). - Article « conflit » : José Newton GARCIA DE ARAUJO et Teresa Cristina CARRETEIRO (p 94 à 107). - Article « travail : Dominique LHUILIER (p 275 à 286) 1

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BOUCHON Olivier L2 UED 2018/2019Conflits dans le monde du travail

Conflits dans le monde du travail

Introduction : Le conflit est-il un dysfonctionnement ? 1

1) Définitions

a) « Conflit » (lat. « conflictus » : « choc »)En première approximation le conflit est une lutte, un rapport de force, entre des individus, des groupes, des organisations, visant l’accès à des ressources rares.

Mais il ne faut pas entendre « ressources » et « rareté » comme des mots relevant uniquement de l’économie. Ainsi, l’étude du conflit doit prendre en compte « les affrontements qui cherchent à préserver ou faire valoir toutes sortes d’intérêts, d’avantages, qui soient économiques, politiques, symboliques, imaginaires ou affectifs tels que propriété, argent, pouvoir, prestige, savoir… »

Les conflits traduisent donc des rapports de force entre des exigences contradictoires, qui s’opposent de manière manifeste ou latente, directe ou indirecte : conflits intrapsychiques, interpersonnels, dans les groupes ou entre les groupes sociaux.

Différentes disciplines s’intéressent aux conflits, et la notion de « conflit » est au centre de beaucoup d’entre elles : La psychanalyse s’intéresse au conflit entre différentes instances du psychisme (par exemple chez Freud, les instances du ça – surmoi – moi), la sociologie s’intéresse aux conflits entre les classes sociales (par exemple chez Marx : bourgeoisie VS prolétariat). Il n’y a donc pas une discipline unique qui fait autorité sur la notion de conflit.

Pour être en conflit, les deux parties doivent appartenir au même système et doivent être interdépendantes : Comme le dit Dahrendorf, « il n’y aura jamais de conflit entre les femmes au foyer allemandes et les joueurs d’échecs péruviens ».

En sociologie, on peut considérer qu’il existe 2 conceptions du conflit : D’un côté, celle qui considère que le conflit est une perturbation d’un système social. De l’autre, celle qui considère que le conflit est inhérent et nécessaire à la dynamique sociétale. (Deux conceptions du « conflit » elles mêmes en conflit !). En effet, on peut considérer que l’état normal de toute chose c’est d’être en équilibre, en harmonie (donc sans conflit), et que le conflit est une perturbation de cet équilibre, un

1 A ce sujet, n’hésitez pas à consulter les articles « conflit » et « travail » dans l’excellent Vocabulaire de psychosociologie (2002).

- Article « conflit » : José Newton GARCIA DE ARAUJO et Teresa Cristina CARRETEIRO (p 94 à 107).

- Article « travail : Dominique LHUILIER (p 275 à 286)

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dysfonctionnement. Mais on peut aussi considérer que le conflit est souhaitable car il est la seule voie possible du changement et du développement.

En psychanalyse, c’est toute la dynamique psychique qui est sous-tendue par les conflits : Conflits entre le « ça » et le « surmoi », conflits entre la pulsion de vie et la pulsion de mort, conflits oedipiens, conflits entre désirs contraires… L’angoisse liée à ces conflits suscite le refoulement, mais elle perdure dans les rêves, les symptômes, les actes manqués etc.

En Histoire, et en anthropologie, on considère que le conflit est universel et en toute époque : Les sociétés ne se composent pas d’ensembles harmonieux, mais se développent, changent, à force de chocs idéologiques, économiques, politiques etc.

Dans la mythologie on retrouve des disputes entre dieux et démons, entre humains et dieux etc.

D’où vient l’universalité du conflit ? Différents philosophes se sont essayés à répondre :

Pour Sartre, c’est la notion de « rareté » qui est centrale : « Toute aventure humaine – au moins jusqu’ici – est une lutte acharnée contre la rareté ». Il ne s’agit pas seulement d’une lutte économique mais d’une lutte pour le prestige ou pour la reconnaissance.

Pour Hegel, les rapports de domination dépassent la lutte économique ou matérielle : Le désir doit porter sur un autre désir (« un autre vide avide »). On n’agit pas pour s’emparer de la chose, mais pour faire reconnaitre par un autre son droit sur cette chose. Conflit et désir sont donc intimement liés.

Pour Kant, c’est en raison de sa nature cupide, insociable que l’Homme est en permanence en conflit. Sans elle, tous les talents resteraient enfouis et les dispositions naturelles excellentes de l’humanité seraient restées en sommeil. Remercions la nature pour cette humeur peu conciliante, pour l’appétit de la possession et pour la vanité rivalisant dans l’envie : « L’Homme veut la concorde mais la nature sait mieux que lui ce qui est bon pour son espèce : elle veut la discorde ».

Pour Hobbes, la source du conflit tient à ce que « la nature a fait les hommes si égaux, quant aux facultés du corps et de l’esprit », qu’elle est inacceptable.

En psychosociologie, on peut distinguer deux approches : L’une interprète le conflit comme une pathologie, un dysfonctionnement (approche « fonctionnaliste »), l’autre considère qu’il est un phénomène inhérent à la structure sociale et à la réalité psychique (« approche clinique »).

- Approche fonctionnaliste : Si le conflit est un dysfonctionnement, la visée poursuivie est le rétablissement d’un fonctionnement optimum. Dans ce cas, on privilégie des approches visant à réduire le comportement source de perturbation (formation, psychothérapies, interventions sur la communication etc.) favorisant les attitudes fondées sur l’acceptation de l’autre. Cette approche rencontre parfois des dérives : Elle repose sur une conception aseptisée du conflit et minimise l’intensité ou la nature des conflits psychologiques et sociaux (lutte des classes, pulsions mortifères…). Parfois on assiste aussi à des formes de manipulation ou de répression du conflit : le conflit serait un mal qu’il faudrait éliminer.

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- Approche clinique (non fonctionnaliste) :  Si l’on considère que le conflit est « normal », il comporte autant de négatif que de positif. Dans la contradiction, dans les affrontements et même parfois dans la violence, il existe une part de positivité. L’approche non fonctionnaliste distingue l’expression manifeste du conflit de sa signification latente : Les conflits ouverts peuvent être vus comme des symptômes renvoyant à d’autres conflits latents, conscients ou inconscients. Le travail du clinicien est de permettre aux acteurs du conflit de se déprendre de lui, ainsi que de leurs significations cachées et de s’en dégager pour les faire évoluer. Tout conflit comporte une part irréductible et radicale visant l’anéantissement de l’autre et cette violence est parfois une étape nécessaire à un renouveau. Le clinicien n’est pas un défenseur de la violence et ne l’encourage pas. Néanmoins, il ne fait pas de distinction entre conflit « positif » et conflit « mortifère » : Le conflit est ambivalent. C’est en ce sens que l’approche clinique rompt avec toute idée de société harmonieuse, sereine etc.

b) « Travail » (lat. « tripalium » : un instrument de torture)

La question du travail ne se résume pas à celle du salariat. En effet, la notion de salariat ne recouvre pas tout le travail : Travail domestique, travail bénévole, travail syndical, travail politique…

Dans le travail, il y a une dimension de contrainte, d’effort, de mobilisation d’énergie, de but.

Le travail est nécessairement une activité sociale : Il est réalisé avec d’autres, pour d’autres, par d’autres, organisé, canalisé, géré… Puisqu’il est par nature social, il est l’objet d’affrontements et de conflits.

Il faut distinguer le travail « prescrit » (les procédures, les règles, ce que je « dois faire » et « comment je dois le faire ») du travail « réel » (ce que je fais, comment je le fais). Le travail c’est l’écart entre le travail prescrit et le travail réel : Si je ne fais que le travail réel, les choses ne fonctionnent plus et c’est l’arrêt de la production (l’exemple de la grève du zèle). On retrouve donc déjà un conflit dans la nature même du travail !

Le travail est une question importante du point de vue de l’identité : En tant que rapport à soi il est l’usage que l’on fait de soi même dans une quête d’accomplissement de soi. Il est difficile de s’accomplir sans travail. Le travail comme souffrance occulte le travail comme création.

D’un point de vue psychanalytique, le travail est l’endroit où l’on peut transférer des composantes narcissiques, agressives, érotiques de la libido. Il est donc indispensable pour pouvoir maintenir une existence dans la société. Le travail peut aussi avoir une fonction défensive : une fuite des conflits de l’angoisse intrapsychique (par exemple dans le cas de l’hyperactivité).

La souffrance au travail ou le plaisir au travail peuvent donc s’entendre comme un « mésusage de soi » ou comme un « usage satisfaisant aux exigences de l’affirmation d’une identité » (si l’on accepte que l’identité est un processus et non un produit). Travailler c’est se dégager de ses préoccupations personnelles pour s’engager dans une autre histoire que la sienne propre, et ainsi s’acquitter de ses obligations sociales. C’est ce qui permet de ne pas se vivre seul au monde, comme un inutile au monde. Le travail et la reconnaissance sont donc intimement liés.

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I) Conflits dans le monde du travail, perspective socio-économique.

1) Révolutions industrielles et capitalismes

Trois révolutions industrielles, chacune d’elle associant trois piliers fondateurs : Une nouvelle source d’énergie, une nouvelle forme de communication, une nouvelle organisation de la production (et donc des rapports au travail).

- Vers 1780 : L’imprimerie et la machine à vapeur. Bien que l’imprimerie ait été inventée par Gutenberg dès le XVe siècle, elle se développe surtout dans les années 1780 grâce aux innovations techniques (rotatives à vapeur). Il en résulte que pour la première fois de l’Histoire, livres et journaux peuvent être produits de manière industrielle. De nouvelles formes de communication apparaissent et les transports sont facilités (chemin de fer etc.). Les usines modernes (centralisées, hiérarchisées) apparaissent, l’urbanisation gagne du terrain et le monde paysan recule.

- Vers 1900 : Grace et à l’électricité et au pétrole, s’ouvre l’ère du capitalisme. Elle s’accompagne de nouvelles formes de communication : le téléphone, la radio puis la télévision. Apparaissent les camions, les voitures, les avions qui viennent révolutionner la logistique et les transports. Les usines sont de plus en plus centralisées et les firmes deviennent multinationales.

- Vers 2000, et suite aux problèmes environnementaux causés par les sources d’énergie précédentes (charbon, pétrole…) apparaissent les énergies vertes mais surtout une nouvelle forme de communication : Internet. La vie économique qui apparait devient postnationale, déhiérarchisée, décentralisée. C’est aussi la naissance de l’économie collaborative (Air bnb, Uber, Blablacar, le bon coin, wikipedia…) et l’essor des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). Fin du capitalisme ou ultra-libéralisme ? Est-ce la mort annoncée du travail ?

Du « capitalisme industriel » au « capitalisme financier » :

De manière très approximative, le capitalisme est un régime social fondé sur la propriété privée et la propriété des moyens de production (et éventuellement sur la recherche du profit).

Un des principes de base du capitalisme c’est la « destruction créatrice » (Schumpeter) : Les innovations technologiques permettent d’accroître la productivité et d’offrir sans cesse de nouveaux services, de nouveaux produits, en détruisant des emplois. Le pari est que les anciens emplois soient remplacés par d’autres, créés justement par innovation. Le capitalisme est un univers de déracinement permanent mais qui contribue au développement d’une société (ou tout du moins qui n’y est pas structurellement opposé).

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1er temps du capitalisme, le capitalisme industriel : Les dirigeants ont pour responsabilité première de trouver l’équilibre entre ce que peuvent produire les travailleurs et les exigences des propriétaires, des actionnaires.

2e temps du capitalisme : Dans les années 80, depuis la dérégulation et la déterritorialisation du capitalisme financier (terme lui-même polémique), les actionnaires réclament entre 10 et 20% de rentabilité annuelle : « Grow or die !», stagner n’est pas une option possible. La variable d’ajustement est le travail : Il faut faire des gains de productivité donc nécessairement produire plus avec moins. En découlent des conséquences importantes sur le travail et sur son organisation.

2) Evolutions dans le monde du travail (et son organisation)

Trois évolutions majeures dans la manière d’organiser le travail depuis la 2e révolution industrielle :

a) Le Taylorisme (Frederick Winslow Taylor (1856-1915))

A la fin du XIXe siècle, apparait l’organisation scientifique du travail.

- Principe de la division horizontale du travail (découper le travail en segments plus petits : les tâches). Le travail devient plus élémentaire, plus facile à réaliser mais aussi plus répétitif (Cf. Charlie Chaplin dans les Temps Modernes).

- Principe de la division verticale du travail : Les tâches d’exécutions sont séparées des tâches de décision. Les scientifiques s’occupent de trouver le « one best way »de travailler, les ouvriers n’ont pas à réfléchir.

Extrait de la définition du taylorisme (wikipedia), lui-même extrait du livre (« la direction scientifique des entreprises » de Taylor)

« La scène se passe aux États-Unis en 1898 dans une aciérie. Une équipe charge dans des wagons des gueuses de fonte. Chaque ouvrier prend une gueuse, pesant 40 kg chacune, avance sur un plan incliné qui conduit au wagon et jette sa charge dans le fond. Au bout de sa journée, il en a ainsi transporté treize tonnes.Un monsieur s'approche de l'un des ouvriers, un petit Hollandais [...].

- Vous gagnez un dollar quinze par jour, je crois, dit le monsieur. [...] Voulez-vous gagner désormais un dollar quatre-vingt-cinq ?- Que faudra-t-il faire ?- C'est tout simple. Quelqu'un viendra demain et vous ferez exactement ce qu'il vous dira toute la journée. Quand il vous dira de prendre une gueuse et de la transporter, vous le ferez. Quand il vous dira de vous asseoir et de vous reposer, vous le ferez. Sans discuter. Un bon ouvrier fait ce qu'on lui dit et ne discute pas. Nous verrons de quoi vous êtes capable.Le lendemain, les choses se passent exactement ainsi. Le petit Hollandais se met au travail ; toute la journée, l'homme qui se trouve auprès de lui, avec un chronomètre, lui dit : maintenant ramassez une gueuse et transportez-la ; maintenant asseyez-vous et reposez-vous... travaillez... reposez-vous.Le petit Hollandais obéit sans discuter. Et à cinq heures et demie, il touche en effet soixante-dix cents de plus que d'habitude.Il faut préciser que ce jour-là, il n'avait pas manipulé treize tonnes, mais cinquante. »

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b) Le Fordisme

Dans la continuité du Taylorisme, Henry Ford (1863-1947), propose deux mesures supplémentaires afin d’accroître la productivité : La standardisation des pièces et des produits (« tout le monde peut choisir la couleur de sa voiture pourvu que ce soit le noir ») et l’augmentation des salaires (« five dollars a day »). C’est le début de la consommation de masse.

c) Le Toyotisme

Au japon, dans les années 60-70, alors que le pays s’efforce de rejoindre les USA en matière de productivité, l’ingénieur Taichi Ono invente le toyotisme (chez Toyota) : Les principes du zéro délai, zéro gaspillage, zéro stock, zéro défaut, zéro papier, zéro panne permettent d’augmenter considérablement la production. On associe aussi tous les travailleurs à l’amélioration des processus de production. C’est l’âge d’or de la qualité.

3) La « révolution managériale », nouveau système de pensée.

Dans les années 80, apparait un nouveau rapport au travail : Le management par objectif, le management par projet, le management par la qualité etc. Ainsi que des outils pour rationaliser la gestion des hommes sur les mêmes paradigmes que la gestion des choses (gestion financière, gestion des stocks…) : « gestion des conflits », « gestion des ressources humaines ».

L’homme est mis au centre mais il est mis au centre en temps que moyen, comme une ressource au service du développement de l’entreprise (la finalité). L’entreprise n’est plus le moyen de développer l’humain mais l’humain est au service du développement de l’entreprise.

La « performance » est mesurée, la production est contrôlée. On passe plus de temps à mesurer ce que l’on fait, à dire ce que l’on fait, à valoriser ce que l’on fait, que de faire les choses. Apparaît ainsi une nouvelle maladie : La quantophrénie, qui consiste à mesurer tout ce que l’on fait, en s’appuyant sur des indicateurs plus ou moins pertinents.

La pensée managériale présente comme neutre idéologiquement, purement rationnelle. Elle vise à rendre les gens plus performants. Il est très séduisant de s’entendre dire que grâce à l’entreprise, « je vais devenir meilleur, plus performant, plus épanoui ». L’idéologie managériale s’appuie sur l’énergie et sur le narcissisme des hommes et des femmes.

Mais dans ce mode de pensée, les conflits sont reportés vers le soi : Au lieu de penser « je n’y arrive pas, on m’a fixé des objectifs trop élevés, je n’ai pas assez de moyens pour réaliser ce que je dois réaliser… » le travailleur retourne la culpabilité, la honte sur lui. « Si je n’arrive pas à remplir mes objectifs c’est que je suis nul ». On assiste à de nouveaux symptômes de souffrance au travail comme la dépression. Ce ne sont plus tant les corps qui sont contrôlés et qui souffrent comme lors de la révolution industrielle (quoi qu’on assiste à l’émergence des TMS) mais surtout les esprits. La souffrance peut aussi prendre la forme du clivage : Le moi est partagé entre le « moi de l’entreprise » et le « vrai moi ».

La révolution managériale s’accompagne d’une novlangue qui rend la conflictualité difficile : En changeant les mots on change la pensée, on rend la critique difficile.

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Celle-ci fonctionne par oxymore (dire le contraire de ce que ça veut dire), litote (dire quelque chose mais en l’atténuant), angliscismes (remplacer le mot français par son équivalent en anglais)…

- On ne dit plus « plan de licenciement » mais « plan de sauvegarde de l’emploi ». - On ne dit plus un « chômeur » mais un « demandeur d’emploi ». - On ne dit plus « il a été licencié » ou « il a été viré » mais « il a été remercié ».- On ne dit plus « récession » mais « croissance négative » - On ne dit plus « je vous envoie les documents » mais « je vous forwarde les slides ».

4) Conséquences sur les conflits dans le monde du travail : De la lutte des classes à la lutte des places ?

La lutte des classes selon Marx :

Pour Marx (philosophe et économiste allemand du XIXe siècle), l’histoire du monde est l’histoire de la lutte entre deux forces inégales et asymétriques : la classe dominante et la classe dominée. Dans l’Histoire, la classe dominante prend plusieurs figures : le grand propriétaire foncier, le grand industriel (ou le seigneur au moyen âge, le maître romain etc. Pour faire moderne on peut illustrer les figures dominées / dominantes actuelles par l’employé de Mc Donald’s et le trader de Wall Street…).

Selon Marx, le moteur de l’histoire c’est l’économie (c’est son présupposé). Le réel, c’est l’économique. Autrement dit, celui qui ne comprend pas l’économie ne comprend pas le réel. Ce sont les rapports économiques qui conditionnent l’ensemble des rapports humains. On se définit d’abord par une position sociale, puis ensuite par des conditions concrètes d’existence. L’ouvrier, de part son mode de vie, ne peut avoir que les idées de sa condition matérielle. Nous avons les idées de notre situation matérielle. Nous avons une pensée qui accompagne notre pratique. Ce n’est pas la conscience qui détermine l’être, c’est au contraire l’être social qui détermine la conscience.

Avec l’apparition de la bourgeoisie et du capitalisme à l’époque industrielle, nait la seule force capable de s’y opposer : le prolétariat ouvrier. La société se décompose donc en deux parties : la bourgeoisie dominante et le prolétariat ouvrier dominé. La lutte des classes sera l’affrontement entre les détenteurs du capital (qui fabriquent du profit sur le travail du prolétariat) et ce prolétariat (le prolétaire étant celui qui n’a plus que sa force de travail à vendre). Mais à la différence des anciennes classes dominées, le prolétariat moderne (de 1900) se trouve dans une situation exceptionnelle au regard de l’histoire, celle de pouvoir prendre conscience de son être comme classe dominée par la bourgeoisie, qui tire son bénéfice de son exploitation, le capitalisme fonctionnant sur le principe de l’extorsion de la plus-value. (On demande à un ouvrier de transformer une matière en un objet, par exemple du bois en table. La matière devenant un objet manufacturé, l’ouvrier perçoit un salaire, mais un salaire sans corrélation avec la valeur apportée par son travail. Le bourgeois capitaliste prélève directement son bénéfice tout en continuant de pouvoir disposer de la force de travail, la « main d’œuvre ».)

Ce n’est qu’en prenant conscience de son statut et de sa fonction dans l’histoire que le prolétariat pourra constituer une classe révolutionnaire, capable de s’organiser et de renverser la domination de la bourgeoisie, pour parvenir à l’abolition des classes sociales. Marx prévoit que l’abolition des

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classes est imminente, inévitable. Ce serait alors la fin de l’histoire. L’histoire aura fait la preuve qu’elle avait un sens, une destination, une finalité. L’histoire ne peut être autre que celle-ci : le triomphe du prolétariat sur la bourgeoisie au terme d’une lutte des classes prévue par l’histoire.

De la lutte des classes à la lutte des places ?

Aujourd’hui est-il toujours pertinent de parler de « lutte des classes » ? La « lutte des places » a-t-elle supplanté la « lutte des classes ? » Le sentiment d’appartenance à une classe sociale diminue tandis que l’individualisme augmente. Les jeunes d’aujourd’hui (générations Y et Z) témoignent 40% de moins d’empathie que leurs homologues il y a 20 ou 30 ans… Les mouvements sociaux se délitent, les gens se mobilisent pour améliorer leurs places respectives mais pas pour améliorer les conditions de leurs classes.

II) Conflits dans le monde du travail, perspective psycho-sociologique (= « de la psychologie sociale »)

La psychologie sociale est l’étude scientifique de la façon dont les gens se perçoivent, s’influencent, entrent en relation les uns avec les autres. Le psychologue social s’intéresse à l’individu – ce qu’il pense des autres, la façon dont il est influencé par les autres, son comportement à leur égard… Ainsi tout en s’intéressant aux groupes, les psychologues sociaux cherchent surtout à déterminer et à vérifier comment les groupes influencent les individus ou comment les individus influencent les groupes. Les psychologues sociaux s’appuient beaucoup sur des expériences au cours desquelles ils manipulent certains facteurs, dans le but d’en mesurer ou d’en voir l’influence.

La psychologie sociale est différente de la sociologie : Alors que le sociologue s’intéresse à la structure et au fonctionnement des groupes (jusqu’à l’échelle des sociétés), le psychologue social s’intéresse à l’individu.

La psychologie sociale n’est pas non plus de la psychologie de la personnalité ni de la psychologie clinique : Alors que le psychologue (clinicien) s’intéresse aux individus en tant qu’êtres uniques, privés, différents des autres, le psychologue social se concentre davantage sur leur humanité commune : comment fonctionnent-ils, agissent-ils, perçoivent-ils les autres en général.

Que dit la psychologie sociale des conflits dans le monde du travail ? A la fois beaucoup de choses et très peu de choses : Peu de choses car comme c’est une discipline scientifique qui s’appuie particulièrement sur des expériences de laboratoire, ses apports ou ses exemples ne concernent pas directement le monde du travail, mais plutôt le fonctionnement des personnes en situation sociale. Beaucoup de choses car en décrivant le fonctionnement humain en groupe et de manière générale, on peut facilement transposer ses apports aux cas particuliers du monde du travail.

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1) L’échelle des causes du conflit 

a) La théorie frustration-agression

De manière approximative on peut définir l’agression comme un comportement physique ou verbal qui vise à blesser quelqu’un. Les chercheurs ont tout fait pour trouver des manières appropriées d’étudier l’agression au moyen d’expériences en laboratoire. Ils évaluent habituellement l’agression en demandant aux gens de décider jusqu’à quel point ils blesseront quelqu’un, en leur faisant par exemple choisir l’intensité des électrochocs à administrer.

Ils distinguent généralement l’agression hostile (qui est issue de la colère et qui vise à blesser) de l’agression instrumentale (qui vise à blesser mais seulement en tant que moyen vers une autre fin). Bien des guerres ne furent pas entreprises dans le but de nuire mais dans le but d’obtenir de nouveaux territoires ou ressources (agression instrumentale). L’agression hostile est « chaude », passionnée, l’agression instrumentale est « froide », réfléchie.

En 1939 John Dollard et ses collègues de l’université de Yale proposent les axiomes suivants : « L’agression est toujours une conséquence de la frustration » et « la frustration conduit toujours à une forme ou à une autre d’agression ». L’une ne va pas sans l’autre. La frustration c’est l’écart entre les aspirations et les réalisations, autrement dit, elle est n’importe quoi qui empêche la réalisation d’un objectif : Une machine à boissons qui ne fonctionne pas, une secrétaire qui refuse de prendre votre dossier parce qu’il manque une feuille, un embouteillage à une sortie d’autoroute etc. La frustration est d’autant plus forte lorsque la motivation d’un individu à atteindre un objectif est très forte, lorsque l’individu s’attend à une gratification et lorsque le blocage est total (ne seriez-vous pas frustrés si votre ami(e) avait égaré le ticket gagnant de l’euro-million que vous lui auriez confié ? Selon la théorie frustration-agression, votre ami(e) devrait se méfier car vous seriez enclin à faire ou à dire quelque chose de blessant).

Cependant, il n’est pas nécessaire que l’énergie agressive se décharge sur sa source (l’ami, la machine à boisson, la secrétaire, l’autre automobiliste). Nous apprenons à déplacer nos hostilités vers des cibles moins dangereuses. C’est l’anecdote de l’homme venant d’être humilié par son patron et qui réprimande son épouse laquelle crie après son fils, qui donne un coup de pied au chien et qui mort le facteur.

Limites à la théorie frustration-agression :

Les tests en laboratoire ont montré des résultats contradictoires : La frustration augmente parfois l’agressivité et parfois elle ne l’augmente pas. Si la frustration est compréhensible (par exemple dans le cas où un compère dérange un groupe de résolutions de problèmes en simulant le dysfonctionnement d’un appareil auditif), l’agression n’augmente pas. Ainsi, la théorie frustration-agression est conçue pour expliquer l’agression hostile et non pas l’agression instrumentale.

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Différences entre frustration et privation :

Une personne est dite « privée » lorsqu’elle n’a pas une chose que les gens considèrent généralement comme désirable ou attirante, et elle est « frustrée » quand elle a déjà anticipé le plaisir de cet objet et qu’elle ne peut réaliser cette attente.

b) Facteurs environnementaux influençant l’agression

Hormis le sentiment de frustration, quelles sont les conditions qui provoquent nos actes d’agression ?

- Chaleur

En 1985, Rotton et Frey montrent que les mauvaises odeurs, la fumée de cigarette et la pollution de l’air étaient reliées à des comportements agressifs. Mais la variable environnementale la plus étudiée est la chaleur. Griffit et Veitch (1971) montrent que lorsque des étudiants remplissent des questionnaires dans une pièce ou la chaleur est étouffante (plus de 32 degrés), ils se disent plus fatigués, plus agressifs et se montrent plus hostiles envers un étranger qu’on leur avait demandé d’évaluer, que leurs homologues qui passent le questionnaire dans une pièce normalement chauffée. D’autres chercheurs ont montré que la chaleur provoque également des pensées agressives et des actes de vengeance. Statistiquement parlant il y a plus d’émeutes et de crimes lors des journées chaudes et au cours des étés les plus chauds, les gens klaxonnent plus etc.

- Bruit

A la différence du son, qui est un changement dans la pression de l’air détectable par l’oreille, le bruit est un son qui n’est pas voulu et qui est déplaisant. Trois caractéristiques déterminent si un son est un bruit ou non : Son volume, la possibilité de le prévoir et la possibilité de le maitriser . Un son dont le volume est fort, imprévisible et non maitrisable risque d’être perçu comme un bruit désagréable.

Outre qu’il fait baisser la performance, ou l’attention, le bruit influence les relations sociales. Quand on ajoute une variable « bruit » à une expérience comme celle de Milgram, la plupart des gens administrent des chocs électriques plus importants au compère. Lorsque les personnes peuvent maitriser le bruit, elles ne sont par contre pas plus agressives que dans les conditions normales.

- Territorialité et entassement

La notion de territoire a été étudiée chez les animaux, mais les psychologues se sont rendu compte que les comportements reliés à la territorialité se retrouvaient aussi chez les humains. Le territoire serait l’espace qu’un individu ou un groupe revendique comme étant le sien. De la même façon que les animaux marquent leur territoire (par exemple en urinant à ses frontières…), les humains ont aussi recours à des marqueurs pour délimiter leurs propres territoires : clôtures, haies, affiches, photo de famille sur le bureau etc. Lorsque la personne est présente, ces marqueurs peuvent être des comportements non-verbaux comme s’étendre sur une portion de l’espace pour bien marquer qu’il est le sien (celui qui étend ses jambes dans le train), lancer un regard courroucé au potentiel envahisseur etc. Néanmoins, dans le cas de l’envahissement du territoire, l’agression n’est pas le recours le plus utilisé.

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L’entassement (ou l’impression subjective de ne pas avoir assez d’espace) et l’augmentation de la densité sociale (densité qui augmente par l’addition de nouvelles personnes dans le même site) sont des variables paradoxales : Elles augmentent la probabilité d’agression, dans le cas où l’on n’aime pas les personnes avec qui on est entassés. Mais dans le cas où on est entassés avec des personnes que l’on aime, il a été montré que l’on aimait encore plus ces personnes et donc que c’était le contraire qui se produisait.

- Douleur :

Les chercheurs du début du siècle dernier ont mis en évidence la relation entre la douleur et l’attaque chez les animaux : En recevant un choc électrique ou un stimulus douloureux, la plupart des animaux attaquent automatiquement tout autre animal à sa portée. Ils s’attaquent à tout ce qui les environne, animaux de la même espèce ou pas, à des poupées en chiffon, des balles de tennis etc. Les chercheurs ont aussi expérimenté une forme de « douleur psychologique » (= frustration), par exemple en ne récompensant pas des pigeons affamés alors qu’ils venaient de réussir une épreuve pour laquelle ils avaient auparavant reçu de la nourriture en cas de succès. Chez les humains le fonctionnement serait similaire (difficile de reproduire beaucoup d’expériences sur le sujet en raison de l’éthique scientifique !). Les chercheurs comme Berkowitz qui défendaient la théorie de la frustration-agression ont ensuite pensé que c’était la douleur (ou stimulation désagréable) qui était à l’origine de l’agression hostile, plutôt que la frustration.

- Désindividualisation et conscience de soi affaiblie

Beaucoup de recherches ont montré que lorsque les personnes se retrouvent en groupe, la responsabilité individuelle se disperse et les inhibitions normales d’un individu peuvent s’abaisser. Il peut en résulter des actes d’allant d’une faible diminution de la retenue (huer un arbitre de football depuis les tribunes, hurler pendant un concert…) à l’autogratification impulsive (vandalisme de groupes, viols…) à des explosions sociales de destruction (lynchages, émeutes…). Ces comportements sont produits par la puissance du groupe (il est difficile d’imaginer quelqu’un en train de crier ou de délirer tout seul lors d’un concert privé). Cela viendrait du fait que dans les situations de groupe, les gens abandonnent leur réserve naturelle, le sens de leur individualité, ce que certains chercheurs (Festinger, Pepitone et Newcomb) ont appelé « désindividuation ».

Le fait d’être en groupe rend les gens non-identifiables. Plus une foule est nombreuse, plus les gens perdent conscience d’être eux-mêmes et deviennent disposés à se livrer à des atrocités. En tant normal, nos inhibitions viennent notamment de l’appréhension de l’évaluation (le fait de se demander comment les autres nous perçoivent). Dans une foule, l’appréhension de l’évaluation est presque nulle, et puisque « tout le monde le fait », chacun peut attribuer son comportement à la situation plutôt qu’à ses choix.

En 1967, 200 étudiants s’assemblèrent pour regarder un compagnon perturbé menaçant de sauter du haut d’un immeuble. Ils commencèrent à scander « saute ! saute ! ». L’étudiant sauta et se tua.

L’anonymat physique permet aussi la désindividuation : Dans une variante de l’expérience de Milgram, les expérimentateurs ont déguisé des femmes avec des manteaux et des capuches de sortes qu’on ne puisse pas les reconnaitre : celles-ci administrèrent deux fois plus d’électrochocs à des victimes sans défense que ne le firent les femmes qui étaient identifiables.

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- D’autres facteurs comme la sensation d’appartenir à un groupe ou comme la compétition augmentent significativement la probabilité d’agression (cf partie suivante).

2) L’échelle de la mécanique du conflit : l’exemple des colonies de vacances de Sheriff

En 1961, Sheriff et ses collaborateurs organisent des expériences permettant d’illustrer le conflit entre les groupes. Les participants sont des enfants, qui passent leurs vacances en colonies. Il s’agit d’enfants normaux du point de vue de leur comportement social et qui ne se connaissent pas entre eux.

Dès la première phase de vie commune, les expérimentateurs instaurent une nette séparation entre deux groupes. Des surnoms apparaissent spontanément et très vite, les rapports entre les uns ( les « Crotales »), et les autres (les « Aigles ») prennent l’allure de rapports entre bandes rivales. Les attaques se multiplient entre les groupes et les effets psychosociaux (identité de groupe, discrimination, biais de jugement…) vont être exacerbés par le conflit intergroupe.

Les rapports de compétition sont instaurés de la manière suivante : Au neuvième jour du camp, on expose devant les deux groupes les prix et les trophées qui seront offerts aux vainqueurs du tournoi de natation prévu pendant le séjour (des médailles et des couteaux de camping). Seuls les gagnants les possèderont. La situation est donc conflictuelle au sens où le conflit est une lutte pour quelque chose de rare (cf. introduction).

Après cette compétition, les sujets en échec (les perdants) se montrent hostiles à l’égard des membres du groupe concurrent. Les vainqueurs quant à eux font preuve d’une bienveillance égale à l’égard des sujets hors du groupe (ou très légèrement condescendants).

On assiste à une escalade dans les échanges entre les groupes selon la loi du talion (« œil pour œil, dent pour dent »). Ainsi, après qu’ils eurent été insultés par les Crotales, les Aigles brûlèrent le drapeau de leur rival. En représailles, les Crotales brûlèrent à leur tour le drapeau des Aigles, qui à leur tour jetèrent au feu le second fanion de leurs adversaires. (C’est le même principe qu’une émeute qui commence par des conflits mineurs et localisés avant de dégénérer en affrontement généralisé).

Conséquences du conflit :

Le conflit commencé, on assiste de la part des protagonistes en présence à la tentative de tracer entre chaque groupe des frontières claires et distinctes. En même temps, les membres de chaque équipe attribuent au groupe opposé des caractéristiques négatives et des intentions malveillantes. Ces attributions trouvent leurs fondements dans des interprétations fausses des faits et des intentions. Les chercheurs concluent que :

- Le conflit intergroupe conduit à une augmentation de la cohésion intragroupe, au rejet du hors-groupe et à la différenciation intergroupe.

- Le conflit intergroupe conduit à une perception erronée des motivations et des qualités des membres du hors groupe (fausses interprétations).

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Ils remarquent aussi que les affinités sont modifiées par les rapports intergroupes. Ainsi, avant les hostilités, les enfants avaient à peu près la même proportion de leurs amis dans chaque groupe, après les hostilités, 90% de leurs amis appartiennent au même groupe qu’eux.

Au fur et à mesure que le torchon brûle, les deux groupes définissent des normes de conduites qui les différencient les uns des autres : Les deux groupes demandent à prendre leurs repas à part, les Crotales jurent fréquemment, les Aigles décident de ne pas jurer, le camp est divisé en territoires séparés et des mots de passe secrets font leur apparition.

Dans les situations de conflits, les groupes minimisent leurs similitudes et accentuent leurs différences. Les perceptions intergroupes sont donc modifiées de façon patente. Cela conduit à :

- Une déshumanisation, une diabolisation de l’image de l’ennemi. (L’ennemi est étiqueté « barbare », « vendu »…)

- Les causes du comportement agressif sont déplacées et l’agresseur se pose souvent en victime (cf . Hitler et le « complot judéo-bolchévique »)

- L’image du groupe d’appartenance est moralisée, il arrive même que le groupe se réclame d’une protection divine.

L’expérience de Sheriff montre aussi que la situation de conflit inter-groupes provoque des biais de jugement importants : Les enfants furent invités à participer à un jeu de collecte de haricots avec pour perspective un gain de 5 dollars pour les vainqueurs : Il s’agit de ramasser le plus possible de haricots dispersés sur le sol, en une minute. Ceci fait, on dit aux joueurs que le nombre de haricots collectés par chaque équipe va être projeté sur un écran via rétroprojecteur. On demande aux membres des deux groupes (Aigles et Crotales) d’estimer la quantité de haricots recueillis par chaque équipe. Toutefois, en réalité, ce sont toujours 35 haricots qui sont projetés plusieurs fois sur l’écran mais dans des dispositions différentes. Le conflit de groupe induit des biais de jugement : Les Crotales et les Aigles surestiment leurs résultats et sous estiment ceux de leurs adversaires.

3) L’échelle des conflits à l’intérieur de la personne : les conflits de rôles.

A l’échelle de la personne, la psychologie sociale distingue 3 types de conflits, tous liés à la notion de rôle. Rappelons que dans cette approche, le rôle renvoie à un ensemble de normes, qui sont les attentes quant à la façon dont nous devrions nous comporter. Parfois ces attentes sont contradictoires, conflictuelles et génèrent des tensions à l’intérieur de la personne.

- Conflits entre la personne et le rôle

On les décrit comme étant la tension entre la personnalité ou les attitudes d’une personne et les attentes reliées au rôle qu’elle joue : Par exemple une personne habituellement effacée qui vient de se faire nommer responsable d’un service et dont on attend qu’elle en prenne le leadership. Ou le salarié qui désapprouve les pratiques et les valeurs de son entreprise. Les conflits entre la personne et le rôle sont monnaie courante chez les jeunes professionnels. Mais avec le temps, les attitudes et la personnalité se modifient, à tel point qu’on assiste souvent à une curieuse manière de résoudre le conflit entre la personne et le rôle : Ajuster ses traits de caractère et ses attitudes au rôle.

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- Conflits intra-rôles

Ce sont les tensions créées par les attentes contradictoires quant à la façon de jouer un rôle. Par exemple le professeur soucieux de satisfaire les intérêts de ses élèves et en même temps de respecter le programme. Les injonctions paradoxales chez les commerciaux en sont aussi un bon exemple (essayer de satisfaire le client et vendre à tout prix son produit). Les conflits intra-rôles sont difficiles à résoudre car il faut trouver un consensus, ou privilégier certaines attentes au détriment d’autres.

- Conflits inter-rôles

Ils sont la tension engendrée par les exigences de deux rôles qu’il faut jouer simultanément : Nous revêtons tous plusieurs rôles en permanence. Nous sommes à la fois parent, enfant, homme ou femme, mari ou épouse, professionnel, client, bénévole dans une association etc. Il arrive que les attentes de deux rôles soient difficilement conciliables entre elles. Par exemple, si vous êtes une mère d’enfants en bas âge, votre rôle vous invite à revenir tôt chez vous le soir pour vous occuper de votre famille. Mais si vous êtes aussi cadre en entreprise, votre rôle vous invite à ne pas compter vos heures de travail et à rester tard le soir. Lorsqu’il y a chevauchement des rôles, nous réglons habituellement le conflit en les maintenant à distance l’un de l’autre. Mais parfois c’est difficile.

Néanmoins, le fait de jouer plusieurs rôles comporte des bénéfices : Une personne occupant plusieurs rôles se sent habituellement moins menacée qu’une personne qui en joue peu lorsque des problèmes surviennent dans l’un ou l’autre secteur (face à un divorce, la personne pourra se dire « malgré mes problèmes conjugaux qui me fait sentir comme un mauvais mari, je suis un bon parent et un professionnel compétent »).

III) Conflits dans le monde du travail : perspectives psychologique et psychopathologique

Chaque année en France, 1 million de personnes sont touchées par les maladies et accidents du travail. Chaque pays de l’UE y consacre entre 3 et 4% de son PIB. Un quart des professionnels souffrent de détresse psychique en lien avec leur travail (15% des hommes et 33% des femmes). 10% des travailleurs consomment de l’alcool à cause du travail et 8% des actifs sont sous psychotropes. Ces 30 dernières années, de nouveaux symptômes et de nouveaux troubles psychologiques sont apparus. Les termes sont parfois nébuleux, polysémiques (« stress », « troubles psychosociaux »…) et ils ne font pas toujours l’unanimité.

1) Du « stress » au « burn-out » ?Du latin « stringere » (tendre), le stress a d’abord été considéré comme une réaction à un stimulus. Progressivement, l’attention a été portée sur le stimulus en tant que tel puis la recherche s’est finalement attachée à considérer l’interaction entre le stimulus et l’individu pour expliquer la réaction de stress. Sous entendue, la question a été de savoir si le stress devait être envisagé de manière objective ou subjective.

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Eustress et Distress

Le stress n’a pas toujours été considéré uniquement du côté pathologique. La notion d’ « eustress » (« eu » signifiant « bon, beau » en grec) montre en effet les vertus positives du stress : Meilleure adaptation à la situation, mobilisation optimale des ressources du sujet…

En revanche, le stress prend sa forme de « distress » lorsque celui-ci est nuisible pour le sujet tant au niveau de son ressenti que sur sa performance : L’important n’est donc pas ce qui nous arrive mais la manière dont on le sent. Le stress n’est pas en soi positif ou négatif, cela dépend de sa qualité et de son origine.

Le stress en tant que stimulus : les « stresseurs »

Une autre manière de comprendre le stress est de considérer l’élément stresseur indépendamment de la réaction qu’il suscite : Ces agents de stress sont naturellement appellés « stresseurs ». La rencontre avec les stresseurs fait partie intégrante de la vie des individus : Ils peuvent être « majeurs » (décès d’un proche, divorce…) ou « mineurs » (dispute conjugale, un chien qui vomit sur la moquette…) : les "daily hassles". Holmes et Rahe (1967) suggèrent que les changements dans la vie sont des stresseurs et proposent ainsi une échelle du stress permettant de prévenir le risque de maladies (par exemple : divorce = 73 points, modification des responsabilités professionnelles = 29 points, Noël = 12 points). Si dans les 24 derniers mois le score est inférieur à 150 points, le stress est modéré, entre 150 et 300 points, le stress est élevé et au-delà de 300 points il est très élevé et la probabilité d’apparition de troubles de la santé l’est également.

Le stress en tant que transaction entre l’environnement (Lazarus et Folkman)

Pour l’approche transactionnelle, l’analyse du stress passe avant tout par la compréhension de ce qui est perçu. Lindsay et Norman (1980) montrent en effet que dans une situation stressante, l’évaluation subjective faite par le sujet est plus importante que les faits objectifs. Le stress implique ainsi, à la différence des autres modèles, la perception d’une situation ainsi que son interprétation. Le modèle transactionnel cherche donc à décrire l’interaction entre les facteurs de stress et les mécanismes cognitifs du sujet.

Lazarus et Folkman (1984) décrivent le stress comme  « une relation particulière entre la personne et l'environnement qui est évaluée par la personne comme excédant ses ressources et menaçant son bien-être. »  Lazarus et Folkman fondent donc le modèle transactionnel sur l’idée que l’individu évalue en permanence sa relation à l’environnement dans le but d’identifier les conséquences que cela pourrait avoir sur son bien être personnel.

L’évaluation est dite cognitive puisqu’elle implique des processus complexes de raisonnement et de jugement. Chronologiquement l’étape d’évaluation se déroule en deux temps : Une évaluation primaire et une évaluation secondaire. Ces deux étapes sont rapides et inconscientes.

- Evaluation primaire

Lors de l’évaluation primaire le sujet évalue si la situation dans laquelle il se trouve présente une pertinence pour lui. Les situations peuvent être « non pertinentes », « bénignes positives » ou

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« pertinente et stressante ». Dans le cas de situation « non pertinente », l’individu n’y prêtera plus d’attention. Dans le cas de situation « bénigne positive », les conditions sont favorables à l’individu et/ou facilitent la réalisation de ses objectifs. Une situation « pertinente stressante » empêchera l’individu de réaliser ses buts ou présentera une menace pour lui.

- Evaluation secondaire

Lors de l’évaluation secondaire, le sujet se demande ce qu’il peut faire ou ce qu’il doit faire dans cette situation pour remédier à la perte, prévenir la menace ou obtenir le bénéfice. Il envisage alors différentes stratégies telles que la fuite, l’évitement, la quête d’informations etc.

Le « coping » (« to cope » = « faire face »)

Suite au processus d’évaluation de la situation, l’approche transactionnelle du stress propose l’idée que l’individu puisse mettre en place des stratégies pour réduire la charge de stress associée à chaque situation : L’individu ne reste pas passif face à une situation stressante il peut mettre en place des stratégies pour y faire face. Ces stratégies peuvent être orientées dans la direction de l’émotion ou de l’action.

- Coping centré sur l’émotion

Ces stratégies passives visent la diminution de la réaction de stress en agissant sur les réactions émotionnelles ou physiologiques. On y retrouve des processus destinés à réduire la détresse émotionnelle : évitement (relaxation, jeux…), fuite (alcool, médicaments, cigarette), des processus destinés à augmenter la détresse (auto accusation), des processus destinés à modifier la réalité perçue par l’individu (minimisation…) ainsi que des processus divers ayant pour effet de faire prendre une nouvelle signification à l’événement (recherche de soutien social, exercice physique…)

- Coping centré sur l’action

Ces stratégies actives et vigilantes visent la diminution de la réaction de stress en s’attaquant au problème posé par la situation stressante et en essayant d’y trouver des solutions. Elles permettent de mieux les prévenir et de mieux les contrôler.

Le « burn-out » comme conséquence du stress chronique ?

Selye (1956), quant à lui, décrit le stress comme un "syndrome général d'adaptation" (SGA), un syndrome comprenant trois phases : une réaction d'alarme, une phase de résistance ou d'adaptation, et enfin une phase d'épuisement pouvant aller jusqu'à la mort.

- La phase d’alarme correspond à un temps de préparation pour mobiliser toutes les ressources. Elle peut aussi être considérée comme « phase de choc » : potentiellement mortelle.

- La phase de résistance correspond à l’adaptation à l’agent stressant : Souvent triomphante- La phase d’épuisement survient ensuite quand les capacités d’adaptation de l’individu ont

atteint leurs limites. Des phénomènes d’épuisement apparaissent et ils peuvent déboucher sur la mort ou la maladie.

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Le « burn-out », ou épuisement professionnel serait donc cette fameuse 3e phase d’adaptation à une situation stressante : Après avoir été soumis à un stress important et continu, le corps fait face à ses limites. Le « burn-out » est la métaphore de la bougie qui se consume, et qui finit par s’éteindre.

2) Le syndrome de Karoshi (« mort subite au travail »)

Du japonais « Karo » (excès de travail) « Shi » (mort), il désigne au japon le décès brutal des cadres après une surcharge importante de travail. Le terme apparait dans les années 1970 et l’on ne peut manquer de le relier historiquement à l’émergence du toyotisme comme mode de management au Japon.

Quelques cas ont été médiatisés, de par leur caractère spectaculaire mais aussi parce qu’ils sont des symptômes importants des mutations dans le monde du travail. Les personnes atteintes de Karoshi ont parfois effectué 100 heures de travail supplémentaire par semaine, 20h de travail par jour et jusqu’à 17 mois de travail sans un seul jour de congé…

Dans un premier temps, le syndrome de Karoshi se manifestait par un épuisement physique total (proche de la 3e phase d’épuisement du SGA) qui conduisait à un décès brutal (AVC, crise cardiaque). Le corps étant ainsi conduit jusqu’à ses extrêmes limites.

On a par la suite reconnu le caractère psychologique de l’épuisement et les cas de suicides pour des raisons directement en lien avec le travail constituent maintenant aussi des cas de Karoshi.

Au Japon, il y aurait au moins 200 cas de crises cardiaques et AVC imputés au Karoshi et au moins 2000 suicides chaque année. Les chercheurs estiment que près de 25% des salariés le risqueraient.

Pour qu’un décès soit reconnu comme Karoshi, il faut que la personne ait travaillé 24h le jour précédent l’accident ou au moins 16h par jour durant toute la semaine précédente.

3) Le « Workaholism » (ou « workalcoholism »)

Contraction entre « work » (travail) et « alcoholism » (alcoolisme). Il s’agit d’une addiction comportementale au travail qui toucherait entre 5 et 30% des personnes en France. Il est évidemment très compliqué de distinguer le workaholism du travail consciencieux ou du travail acharné qui ne seraient pas pathologiques en eux mêmes. Pour le workaholic, le travail est une fin en soi, le comportement est de l’ordre de la compulsion.

Le workaholic traverse généralement 3 étapes dans le travail :

- Le travailleur est enthousiaste, il voit le travail comme un défi stimulant et met en place tous les moyens pour le relever. Une fois le but atteint, le workaholic en trouve un autre.

- Le travailleur s’épuise, le rendement est moindre, les relations personnelles et au travail s’en ressentent : il est extrêmement difficile de vivre ou de collaborer avec un workaholic.

- Le travailleur rentre en phase d’épuisement professionnel (Karoshi etc.)

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D’un point de vue psychologique, le workaholism serait une stratégie de défense (elle pourrait venir d’une faible estime de soi, d’une angoisse etc.). Notre culture de l’excellence, de la performance et du « toujours plus » engendrent et valorisent les comportements comme celui là. Les nouvelles technologies n’aident pas non plus à freiner l’investissement (ou le surinvestissement) dans le travail, car elles rendent la frontière entre la vie professionnelle et la vie professionnelle très poreuses : le smartphone et les mails, la numérisation des documents…

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