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Master recherche droit pénal et sciences criminelles Université Nantes : année 2004/2005 DROIT PENAL INTERNATIONAL M. Reynald OTTENHOF Dossier : EXTRADITION Sommaire : 1° partie [définition] : La notion d'extradition : une approche historique du fondement juridique comme enjeu de puissance entre les Etats-Nations. 2° partie [actualisation] : L'extradition concrètement : un état des lieux des conventions liant la France aux autres Etats ("le dessous des cartes" des relations extraditionnelles : un essai d'analyse géo-juridique). 3° partie [interrogation] : L'extradition et la notion de compétence universelle : élément de prospective universelle ou pragmatisme international ? (Ouverture sur le mandat d’arrêt européen). 1° partie / la notion d’extradition : une approche historique du fondement 1

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Master recherche droit pénal et sciences criminellesUniversité Nantes : année 2004/2005

DROIT PENAL INTERNATIONALM. Reynald OTTENHOF

Dossier   : EXTRADITION

Sommaire :1° partie [définition] : La notion d'extradition : une approche historique du fondement juridique comme enjeu de puissance entre les Etats-Nations.

2° partie [actualisation] : L'extradition concrètement : un état des lieux des conventions liant la France aux autres Etats ("le dessous des cartes" des relations extraditionnelles : un essai d'analyse géo-juridique).

3° partie [interrogation] : L'extradition et la notion de compétence universelle : élément de prospective universelle ou pragmatisme international ? (Ouverture sur le mandat d’arrêt européen).

1° partie   / la notion d’extradition   : une approche historique du fondement juridique comme enjeu de puissance entre les Etats-Nations

Avant propos :S’interroger sur la notion d’extradition est utile pour le juriste contemporain. En effet, les positivistes (que nous sommes avec tendance à brandir la règle pour le droit : « la  forme dicte sa loi au fond ») semblent tenir pour acquis la vision standardisée des relations internationales (au sens interétatiques) ; ainsi, si le fait de pouvoir extrader c’est reconnaître la souveraineté de l’autre, la contrepartie de pouvoir demander l’extradition (et l’obtenir) en est le corollaire stabilisant. C’est le principe de reconnaissance mutuelle qui fonde le relatif équilibre exprimé dans les conventions d’extradition. Chaque Etat cherche à protéger ou punir (donc à juger) ses propres citoyens où qu’ils se trouvent et les non nationaux ayant porté atteinte à l’intérêt de la Nation. Pour autant, la capacité (ou l’autonomie) de rendre une justice

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est liée directement à la conception nationale de l’ordre public. La notion d’extradition est donc au cœur même des interrogations sur l’idée de Justice. Entre « universalisme » et « relativisme » les discussions sont inévitables et nécessaires pour construire, demain, un ordre public mondial.

Définitions   :

1 / Source : http://dictionnaires.atilf.fr/dictionnaires/onelook.htm

Dictionnaire de L'Académie française, 5th Edition (1798)

EXTRADITION (Page 553) EXTRADITION. sub. f. Action de livrer, de remettre un criminel, un prisonnier à son Prince naturel. Il a été convenu qu'on se remettroit réciproquement les prisonniers; et l'extradition doien faire tel jour.

Dictionnaire de L'Académie française, 6th Edition (1832-5)

EXTRADITION. s. f. (Page 1:713) EXTRADITION. s. f. Action de livrer, de remettre un criminel, un homme prévenu de crime, au gouvernement étranger dont il dépend et qui le réclame. Il s'était réfugié en pays étranger; le gouvernement demanda son extradition.

Dictionnaire de L'Académie française, 8th Edition (1932-5)

EXTRADITION. (Page 1:515) EXTRADITION. n. f. Action d'extrader. Il s'était réfugié en pays étranger; le gouvernement demanda son extradition.

Il se dit aussi, par extension, de la Remise de pièces conservées au greffe d'un tribunal.

2 / Source : dictionnaire le petit Robert 1 (1986) :

EXTRADITION : n.f. (1763 ; de ex, et traditio « action de livrer »). Procédure permettant à un Etat de se faire livrer un individu poursuivi ou condamné et qui se trouve sur le territoire d’un autre Etat.

3 / Source :

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http://ledroitcriminel.free.fr/dictionnaire/lettre_e/lettre_e_expert_.htmJean-Paul DOUCET, ancien professeur des facultés de droit et ancien titulaire de la rubrique de Droit criminel à la Gazette du Palais

EXTRADITION. -  Caractère de l’institution. L’extradition est une procédure de caractère international, relative à des faits susceptibles de constituer une infraction pénale ou ayant déjà donné lieu à une condamnation pénale, par laquelle un « État requérant » demande à un « État requis » de lui livrer un l’individu, soit pour le juger, soit pour lui faire subir une peine.

- Cf : Enlèvement d’un justiciable à l’étranger*, Mandat d’arrêt européen*. Lombois (Droit pénal international) : L’extradition, accord entre État, est du domaine

des relations internationales. C’est dire que les conditions ne peuvent en être réglées unilatéralement par chaque État, et que la décision, de la demander comme de l’accorder, est de la compétence du pouvoir exécutif.üL’affaire Pinochet (Encyclopédie Microsoft Encarta). Le 16 octobre 1998, sur la base d’un mandat d’Interpol présenté par le juge espagnol Baltasar Garzón, le général Pinochet est arrêté par la police britannique à Londres. À l’issue d’une procédure de 17 mois, la demande d’extradition vers l’Espagne déposée par le juge espagnol afin de juger l’ancien chef de la junte militaire pour les crimes de « génocide, terrorisme et incitation à la torture » et « disparitions » est finalement rejetée par le ministre britannique de l’Intérieur Jacques Straw en mars 2000. Alléguant que l’« état de santé [de Pinochet] ne permettrait un procès équitable dans aucun pays », il rend sa liberté à l’ancien dictateur, âgé de 84 ans, qui rentre au Chili.

- Textes applicables. La procédure d’extradition peut être régie par une Convention internationale, telle la Convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957. Elle l’est à défaut par une loi interne du 10 mars 1927.á Voir : Loi du 10 mars 1927, sur l’extradition.

Cass.crim. 19 janvier 1982 (Bull.crim. n° 16 p.34) : Les traités d’extradition sont des actes de haute administration, intervenus entre deux puissances, que seules celles-ci peuvent, de concert, expliquer ou interpréter ; il n’appartient en aucune manière à l’autorité judiciaire de s’immiscer dans ces explications ou interprétations.

- Conditions de fond. Les conditions de l’extradition varient d’une convention à une autre. On peut principalement noter qu’en principe la France n’extrade pas ses nationaux, mais les juge elle-même.

Huet et Koering-Joulin (Droit pénal international) : Alors que l’État requérant peut réclamer la remise de toute personne, même de l’un de ses ressortissants, il est de tradition (au moins continentale) que l’État requis n’extrade pas ses nationaux.

Cass.crim. 2 octobre 1987 (Gaz.Pal. 1988 I somm. 85) : Méconnaît les dispositions de l’art. 124 C. nation., la Chambre d’accusation qui a rejeté l’exception prise de ce que la personne dont l’extradition était demandée aurait acquis la nationalité française en application de l’art. 44 C. nation., alors que selon l’art. 124 du même Code il s’agissait

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d’une question préjudicielle obligeant le juge à surseoir à statuer jusqu’à ce que la question ait été tranchée par la juridiction civile compétente.

- Les réfugiés, eux non plus, ne peuvent être extradés (Convention de Genève du 28 juillet 1951).

Cons. d’État 1er avril 1988 (Gaz.Pal. 1988 II 549) : Les principes généraux du droit applicables aux réfugiés font en obstacle à ce qu’un réfugié soit remis, de quelque manière que ce soit, par un État qui lui reconnaît cette qualité, aux autorités de son pays d’origine.

- L’extradition d’un étranger ne saurait être demandée que pour une infraction grave, incriminée par les deux États, et à condition qu’elle ne puisse être considérée comme un Délit politique*.

Cons. d’État 27 juillet 1979 (Gaz.Pal. 1979 II 686) : Il n’est pas besoin que les qualifications des infractions soient formulées de façon identique dans les législations des deux pays.

Cons. d’État 3 juillet 1996 (DS 1997 SC 45) rappelle le principe fondamental reconnu par les lois de la République, selon lequel l’État doit refuser l’extradition d’un étranger lorsqu’elle est demandée dans un but politique.

- Demande d’extradition. Si c’est la France qui est État requérant, la marche à suivre est la suivante : requête du Procureur de la République, transmission au procureur général, transmission motivée à la Chancellerie*, transmission au ministère des Affaires étrangères, transmission à l’État requis par voie diplomatique. La suite relève de l’État saisi.Si c’est la France qui est État requis, la demande nous parvient par la voie diplomatique ; elle est transmise par le ministère des Affaires étrangère au ministère de la Justice. A supposer la demande recevable, la personne réclamée est immédiatement arrêtée et placée sous écrou extraditionnel, le procureur de la République l’interroge, puis le procureur général saisit la Chambre de l’instruction aux fins de contrôle de la légalité d’une éventuelle extradition.

Cass.crim. 3 mai 1994 (Bull.crim. n° 162 p. 370) : La demande d’extradition est authentifiée par la transmission du ministre des Affaires étrangères au Garde des Sceaux ; sa régularité ne peut donc être discutée.

Cass.crim. 16 janvier 2001 (Bull.crim. n° 9 p.19) : Une personne placée sous écrou extraditionnel ne peut soutenir qu’elle n’aurait pas été informée dans le plus court délai des raisons de son arrestation, dès lors que, le jour même de son incarcération, le procureur de la République lui a notifié le mandat d’arrêt pour l’exécution duquel son extradition a été demandée.

- Procédure judiciaire d’extradition. La procédure devant la Chambre de l’instruction est de caractère accusatoire, et assure donc la protection des droits de la personne réclamée. Cette juridiction ne statue pas au fond mais rend un « avis » (susceptible de pourvoi en cassation).Si cet avis est négatif, la demande d’extradition se trouve par là même rejetée de manière définitive. Si l’avis est positif au regard de la légalité, c’est au Gouvernement qu’il appartient de prendre la décision du point de vue de l’opportunité (dans le cadre de la Convention applicable).

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Cass.crim. 31 mai 1988 (Gaz.Pal. 1989 I somm. 183) : Il résulte de l’art. 14 de la loi du 10 mars 1927 que la procédure instituée devant la Chambre d’accusation en matière d’extradition est essentiellement contradictoire et doit être suspendue en l’absence de l’étranger.

Cass.crim. 30 mai 1995 (Gaz.Pal. 1995 II Chr.crim. 446) : En matière d’extradition, l’audience de la chambre d’accusation est publique, à moins qu’il n’en soit décidé autrement sur la demande du ministère public ou du comparant.

Paris (Ch.acc.) 2 juillet 1980 (Gaz.Pal. 1981 I 97) : Il appartient à l’autorité judiciaire de l’État requis de contrôler la légalité et la régularité de la demande d’extradition dont elle est saisie.

Cass.crim. 10 juillet 1952 (Bull.crim. n° 183 p.308) sommaire : La Chambre d’accusation, saisie d’une demande d’extradition, ne peut donner un avis défavorable que si elle estime que les conditions légales ne sont pas remplies ou s’il y a erreur évidente.

- Décision du Gouvernement. Quand le Gouvernement décide d’accorder l’extradition, il rend un décret motivé d’extradition, signé par le Premier ministre et contresigné par le ministre de la Justice. Ce décret, qui ne préjuge par de la responsabilité pénale de la personne réclamée, est parfois assorti de réserves et de conditions ; il peut faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’État.

Cons. d’État 23 juin 1999 (Gaz.Pal. 2000 J somm. 1270) : Il résulte tant des principes généraux du droit français en matière d’extradition que de la Convention européenne d’extradition que, sauf erreur évidente, il n’appartient pas aux autorités françaises, lorsqu’elles se prononcent sur une demande d’extradition, de connaître de la réalité des charges pesant sur la personne réclamée.

Cons. d’État 15 octobre 1993 (Gaz.Pal. 1994 I 104) : Si l’un des faits à raison desquels l’extradition est demandée aux autorités françaises est puni de la peine capitale par la loi de la partie requérante, cette extradition ne peut être légalement accordée pour ce fait qu’à la condition que la partie requérante donne des assurances suffisantes que la peine de mort encourue ne soit pas prononcée ou ne sera pas exécutée.

- Suites de l’extradition. Le décret d’extradition ordonne la remise de la personne réclamée à l’État requérant. Ce dernier pourra, selon les circonstances, soit lui faire purger sa peine si elle a déjà été condamnée, soit la juger mais sous les conditions prévues dans le décret et seulement pour les faits qui ont donné lieu à extradition (principe dit « de spécialité de l’extradition »).

Cass.crim. 12 juillet 1994 (Gaz.Pal. 1994 II Chr.crim. 705) : En vertu du principe de spécialité, l’individu qui aura été livré ne pourra être poursuivi ou jugé contradictoirement pour aucune infraction autre que celle ayant motivé l’extradition.

Cass.crim. 22 décembre 1969 (Gaz.Pal. 1970 I 91) : Le principe spécialité n’est pas applicable aux faits commis postérieurement à l’extradition.

- Lorsqu’il y a plusieurs États requérants, le délinquant est livré à celui contre lequel l’infraction était principalement dirigée. Le décret d’extradition peut alors prévoir une « réextradition » vers un État tiers pour être à nouveau jugé (sous réserve du principe « non bis in idem »).

Cons. d’État 15 juin 2001 (Gaz.Pal. 2002 J somm. 858) : Le Gouvernement, saisi de deux demandes d’extradition émanant l’une des autorités suisses, l’autre des autorités italiennes, a pu accorder l’extradition d’un ressortissant italien aux autorités suisses et italiennes, avec

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priorité au Gouvernement suisse et possibilité de réextradition ultérieure au profit du gouvernement italien.

4 / Source :

http://www.interpol.int/Public/ICPO/LegalMaterials/FactSheets/FS11fr.asp

Extradition - quelques repères 1. Définition2. Les sources du droit de l'extradition3. Les principes du droit de l'extradition4. La procédure d'extradition

 1. Définition

L'extradition est la remise par un Etat (l'Etat requis) d'un individu qui se trouve sur son territoire à un autre Etat (l'Etat requérant) qui recherche cet individu soit afin de le juger pour une infraction qu'il aurait commise, soit afin de lui faire subir la condamnation que ses tribunaux ont déjà prononcée à son encontre.

L'extradition se distingue :

de l'expulsion qui intervient pour des raisons (souvent administratives) internes à l'Etat qui expulse ;

du refoulement qui consiste à refuser à un individu d'entrer à la frontière ; du rapatriement qui se situe dans un contexte non pénal ; du transfert qui est une notion issue du Statut du Tribunal international chargé de juger

les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991 : il s'agit de transférer au Tribunal une personne poursuivie initialement par une juridiction nationale, en vertu du principe de la primauté du Tribunal sur les juridictions nationales pour la poursuite des crimes entrant dans sa compétence ;

de la remise telle que développée par l'Union européenne dans le cadre du mandat d'arrêt européen, qui vise à supprimer les procédures formelles de l'extradition en adoptant le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions pénales.

L'extradition suppose un acte de poursuite à l'encontre d'un individu : s'il est simplement recherché pour être entendu comme témoin, la question doit être réglée par une commission rogatoire et non par l'extradition.

 2. Les sources du droit de l'extradition

Outre la courtoisie internationale basée sur la réciprocité, les sources du droit de l'extradition sont de deux sortes : le droit international et la loi nationale.

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S'agissant des lois nationales sur l'extradition, leur contenu est très variable : elles peuvent par exemple fixer les règles de procédure d'extradition, définir les conditions devant figurer dans les traités d'extradition à venir.

Quant aux textes de droit international, ils peuvent être de plusieurs sortes : traités bilatéraux d'extradition (à noter que l'ONU a mis au point en 1990 un traité-type d'extradition constituant un cadre susceptible d'aider les Etats intéressés à négocier et à conclure des accords bilatéraux d'extradition) mais aussi conventions multilatérales d'extradition (ex : Convention européenne d'extradition, Commonwealth Scheme for the Rendition of Fugitive Offenders, Convention d'entraide judiciaire de la Ligue arabe, Convention interaméricaine d'extradition, Convention d'extradition de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest) ou conventions internationales qui, sans être des conventions d'extradition, comportent des dispositions ayant trait au droit d'extradition.

 3. Les principes du droit de l'extradition

Il existe une multitude de dispositions relatives à l'extradition et chaque affaire doit être considérée comme un cas d'espèce selon les dispositions qui s'appliquent. Il existe cependant 6 principes fondamentaux que l'on retrouve généralement dans le droit de l'extradition.

3.1 L'influence de la nationalité sur l'extradition :

Dans de nombreux pays, le principe est que l'Etat peut refuser d'extrader ses propres ressortissants. Dans ce cas, il s'engage à juger lui-même son ressortissant dans les conditions fixées dans sa propre législation. Il s'agit de l'application de l'adage : "Aut tradere, aut judicare" (soit remettre, soit juger).

3.2 La nature de l'infraction extradable :

Il est admis dans le droit international de l'extradition que les infractions politiques ne peuvent donner lieu à extradition. Aucune définition précise de l'infraction politique n'étant donnée par le droit international, c'est à l'Etat requis d'apprécier s'il est en présence ou non d'une infraction politique. Pour les infractions complexes (infractions de droit commun par nature mais à motivation politique), la tendance actuelle est de restreindre la portée de la notion d'infraction politique afin de permettre l'extradition (cf. par exemple, la Convention européenne pour la répression du terrorisme qui dresse une liste d'infractions qui, aux fins d'extradition, ne seront pas considérées comme des infractions politiques). Par ailleurs, alors que les traités plus anciens dressaient une nomenclature des infractions donnant lieu à extradition, les traités plus récents définissent les infractions extradables en termes généraux en fonction de leur gravité et de la peine encourue (par exemple, durée minimale de la peine d'emprisonnement).

3.3 Le principe de double incrimination :

Selon ce principe, l'infraction extradable doit être punissable dans l'Etat requérant et devrait être punissable dans l'Etat requis si elle avait été commise dans cet Etat. En vertu de ce principe, si la prescription est acquise dans l'Etat requis, l'extradition peut être refusée. Ce principe s'affaiblit progressivement.

3.4 Le principe "ne bis in idem" :

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En application de ce principe, l'extradition doit être refusée lorsque l'individu pour lequel l'extradition est demandée a déjà été jugé pour les mêmes faits. Cela dit, s'il a bénéficié d'une grâce, il peut, selon certains traités d'extradition récents, être rejugé.

3.5 Le principe de spécialité :

Ce principe signifie que l'individu pour lequel l'extradition a été demandée ne peut être poursuivi, jugé et détenu que pour les faits qui ont motivé l'extradition ou qui sont postérieurs à l'extradition. Si l'individu a été extradé en vertu d'une condamnation, seule peut être exécutée la peine prononcée par la décision pour laquelle l'extradition a été accordée. Le principe de spécialité veut que l'individu soit jugé pour les seuls faits visés dans la demande d'extradition et sous la qualification qui leur a été donnée. Si l'Etat requérant découvre postérieurement à l'extradition des agissements antérieurs à cette date qui paraissent devoir être poursuivis, il demande à l'Etat requis l'autorisation de poursuivre sur ces faits nouveaux (demande d'extension de l'extradition).

3.6 Le refus d'extrader en cas de peine capitale :

Si l'Etat requis n'inflige pas la peine capitale pour ses propres justiciables ou s'il n'exécute pas cette peine bien que l'ayant parmi les peines applicables, l'Etat requis peut refuser l'extradition lorsque l'individu pour lequel l'extradition est demandée encourt cette peine dans l'Etat requérant, sauf si ce dernier donne des assurances suffisantes que cette peine ne sera pas exécutée.

 4. La procédure d'extradition

La procédure d'extradition dans l'Etat requis peut être de 3 sortes :

soit cette procédure est purement administrative ; soit cette procédure est purement judiciaire ; soit cette procédure allie le judiciaire et l'administratif : c'est le cas le plus répandu.

Dans cette procédure, le refus de l'autorité judiciaire d'accorder l'extradition lie l'administration, tandis qu'en cas d'accord de l'autorité judiciaire, l'administration peut, au-delà de la simple question de légalité, examiner la question de la réciprocité ou de l'opportunité d'extrader.

Selon les législations sur l'extradition, on trouve 2 types d'examen :

un examen formel qui se fonde sur les pièces remises avec la demande d'extradition et qui a pour objet de vérifier si les conditions formelles de l'extradition sont réunies (système des pays de droit continental);

un examen matériel qui s'attache au fond de l'affaire et qui contrôle les preuves afin de vérifier si les soupçons sont suffisamment fondés (système anglo-saxon du "commitment for trial").

Historique   :

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Il s’agit donc ici d’approcher l’histoire de la notion d’extradition. Le choix a été fait de se référer à des ouvrages de la fin du XIX° siècle pour trois raisons principales.D’une part, la deuxième partie exposant un état des lieux du XX° siècle et une actualisation, le risque était de faire double emploi.D’autre part, la fin du XIX° siècle est pour le droit pénal international le point d’accélération des mouvements de puissance des Etats-Nations qui vont s’affronter tout le siècle suivant (et on sait avec quelles violences). En donnant naissance à une humanité juridique et non plus seulement symbolique ou naturelle. Evolution schématique : Droit Divin, Droit Naturel, Droit des Gens, Droits de l’Homme, Droit Humanitaire.Ce qui in fine, oblige à admettre certaines explications poltico-culturelles de notre Droit et être conscient si jamais l’Histoire ne se répète, elle peut toujours se renouveler…

Ainsi, il est vain de comprendre la problématique actuelle de l’extradition en oubliant le lien presque indissoluble qui la lie à la notion d’asile.En effet, il faudra bien attendre la fin du XIX° s et le début du XX° s pour que l’extradition devienne un enjeu universel de régulation des relations internationales. Et aujourd’hui même, les interrogations sur l’idée d’une compétence universelle traduisent cette complexité (et cette guerre juridique finalement) de la recherche de l’humanité à pouvoir reconnaître son Juge unique. Dès lors, dans cette lutte des Etats souverains à faire valoir sa propre conception du monde, dans le concert des nations le consensus reste fragile.

Nous ne pouvons nier que la construction de notre droit de l’asile s’est forgée en partie sur l’idée même que depuis toujours l’homme à chercher à se soustraire (par la fuite) à l’expiation de ses crimes et à la honte d’être reconnu coupable par les siens. Trouver refuge dans un lieu où le pouvoir du clan serait inopérant est la base même de la recherche de l’asile. Dans un monde vaste partiellement connu et faiblement peuplé l’exil est un moyen d’échapper à sa responsabilité individuelle [notion très récente] ou à l’autorité en place [théocratique ou démocratique]. Il est alors aisé de comprendre comment l’extradition en est le corollaire. N’oublions pas l’adage : "Aut tradere, aut judicare" (soit remettre, soit juger). Car chaque groupe humain constitué dans un territoire donné revendique de fait son autorité et donc de sa capacité de juger les crimes dont il serait victime. Or la tradition de l’hospitalité dans l’Antiquité (et chez tous les peuples) ne permet pas de refuser l’accueil par principe. Au final chaque Cité, puis chaque ville, chaque contrée va jalousement protéger son territoire comme un lieu sacré dévoué à la sûreté de ses habitants et de ses suppliants à l’exil.

Pour permettre l’ex tradition (littéralement mettre en dehors de sa tradition) il faudra donc s’attacher à trois impératifs. Premièrement, une reconnaissance politique (et une crainte militaire au final) du groupe humain lésé par l’un de ses membres que l’on vient d’accueillir. Deuxièmement, apprécier dans sa propre tradition le « crime » prétendu commis chez l’autre et s’interroger sur le fait de savoir si ce fait constitue un crime chez soi (c’est la base de la réciprocité). Troisièmement se déclarer incompétent pour juger soi même un crime ne relevant pas de notre propre juridiction. Sauf à considérer qu’il aurait tout de même heurté l’idée d’une humanité que nous pensons incarner et de par cette analyse devant être jugé par nous (c’est la question de la compétence universelle ; car il est bien connu que chaque peuple politiquement organisé détient une vision du monde qui s’impose par Dieu, par Nature ou par Raison (dont le culte il faut le dire confine lui aussi parfois à la folie meurtrière).

L’asile religieux aura permis la naissance de l’asile territorial. On ne revient pas ici sur la succession de la représentation du pouvoir politique qui passe (certainement en Europe) par le polythéisme projeté dans la Cité, le monothéisme comme transcendance du pouvoir, la

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séparation des pouvoirs temporels et spirituels, la personnalisation du pouvoir politique, le rationalisme d’Etat, la glorification de la Nation jusqu’à la chute de l’Etat Providence…

L’asile sacré fonctionne comme un rempart à l’arbitraire et chaque groupe humain respecte (ou craint) [rappel : timor en grec c’est à la fois la crainte et le respect] la capacité à défendre un territoire y compris dans lequel se trouve des criminels recherchés. L’asile territorial aura même été renforcé par l’usage général de l’exil et du bannissement longtemps considérés comme des peines équivalentes (et parfois supérieures) à la peine de mort. Dès lors il semble que dans l’Antiquité l’asile est un droit et l’extradition une exception ; car tant que l’on respecte les lois du Prince accueillant, seule une forte raison diplomatique pouvait soulever l’idée de rompre la tradition d’hospitalité. La demande d’extradition trouve souvent sa sanction dans la guerre. Et les traités ne s’engagent pas sur des procédures stables. Le droit de punir (ou pas) ou de faire punir (ou pas) demeurera longtemps une prérogative absolue de souveraineté de l’Etat. Pas de permanence, seules des ambassades spéciales se forment pour l’occasion. On soulignera que le droit de la guerre entretient par ces considérations un lien étroit avec l’asile et l’extradition.

Dès lors que les Princes vont s’attacher à élargir leur souveraineté, celle-ci va permettre non plus d’attacher l’asile à des lieux déterminés mais bien au territoire autonome et indépendant. La notion d’indépendance est alors fondamentale car elle va justifier la reconnaissance réciproque des puissances étatiques (futures nations). La France appliquera avec détermination l’idée selon laquelle chaque Prince ayant refusé sur son territoire l’asile à un national verrait ses ressortissants privés du même droit. Ainsi tout étranger accusé de quelque crime à l’étranger réfugié en France était protégé de toute poursuite extérieure ; sa personne était sacré. Dans la féodalité, le droit de faire justice est le lieu du pouvoir par excellence du Seigneur. Lorsque la royauté se voit investie du pouvoir de faire rechercher tout criminel elle affirme de facto et de jure son indépendance, sa puissance. La question de l’extradition dans cette réalité ne touche dès lors pratiquement jamais le « tout venant » fût-il criminel de sang, ces criminels communs ne gênaient pas vraiment l’établissement de l’autorité. Mais qu’un rebelle puissant soit accueilli par l’étranger soulevait souvent des tensions diplomatiques que la guerre parfois apaisait. L’intérêt d’une livraison (d’une extradition) était toujours d’ordre politique et jamais d’ordre social. Bien que, la fin de la féodalité et le développement de la diplomatie en Europe commençaient à changer la donne. En effet, lentement la royauté s’appuyait son autorité sur la notion de justice pour asseoir son droit de punir (dans l’intérêt d’une stabilité sociale donc politique) et renforçait son pouvoir diplomatique.

Doublé des réformes de procédures criminelles et la présence des tribunaux d’Inquisition, le XVI° s se construit autour d’une justice (se voulant) éternelle et universelle. La Renaissance pousse les nations européennes les unes vers les autres ce qui accélère les échanges diplomatiques. Les réflexions sur le droit naturel immuable (dont on connaît la source chrétienne en Europe) et donnant à tous les hommes la possibilité d’être jugés également où qu’il se trouve va se heurter à la difficulté de la réalité du droit des gens (droit secondaire pour les jus naturalistes) qui interprètent par leurs mœurs le fondement même de ce droit premier.

Au XVI° s, la tendance évolue vers des demandes d’Etat à Etat de non acceptation d’un asile territorial pour telle personne déterminée que l’on entendait punir. Plus « cordialement », l’Etat requis se limitait parfois à l’expulsion (une reconduite à la frontière) et non à l’extradition qui nécessite, on l’aura compris, un véritable partage de point de vue (et d’intérêt) ou une véritable crainte des représailles (sinon d’intrusions violentes sur le territoire). Dans les milieux diplomatiques on tente de faire de la morale l’idée stabilisatrice

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des relations. Une saine politique ne peut vouloir faire ce qui est prohibé par le droit des gens fondé sur la justice universelle. Nous y sommes. Le droit d’asile intérieur longtemps considéré comme de droit divin bascule au profit d’un droit de répression prérogative de l’Etat souverain. Etat qui étend son droit de punir et met parfois des limites à l’asile intérieur (Cf. Louis XII en 1545 abolissant par ordonnance le droit d’asile dans certaines églises de Paris). La livraison d’un criminel d’un juge à un autre du même Etat est acquise (simple problème de compétence). Celle à un juge d’un autre Etat demeure une question de Souveraineté que le Prince se réservait à discrétion.

En se référant à Jean BODIN [1529/1596] (p. 16) on comprendra mieux l’ensemble du processus et sur quelles conceptions philosophiques, politiques s’ouvrent le XX° s ; d’où va émerger rappelons une humanité juridique, consciente d’elle-même et qui continue de s’interroger au travers des relations diplomatiques de savoir comment fonder une justice universelle dans l’efficacité qui qualifie parfaitement notre temps (notamment à travers la mise en place du mandat d’arrêt européen véritable aboutissement).

Au XVII° s le jurisconsulte Grotius va fasciner des générations de juristes jusqu’à aujourd’hui. Car il va fonder le Droit dans la combinaison des nécessités sociales (notamment le droit à la sûreté) et la justice « pure » (divine donc universelle). La guerre est pour lui la sanction du droit. Tout homme qui viole le droit doit être puni pour l’injure faite à l’ordre naturel. Dès lors qu’une personne tente de se soustraire à sa juridiction en terre étrangère le souverain de ce territoire doit par solidarité contraindre le criminel à réparer (expier) sa faute. Avec Puffendorf la limitation possible par la crainte du châtiment qui serait réservé au coupable devait obliger les Etats dans la réciprocité et petit à petit à une harmonisation des peines (nous ne sommes pas loin des Lumières et des réflexions sur la nécessité et l’abolition des peines afflictives). Mais en réalité la guerre est permanente et chaque Prince entretient l’antique droit d’asile qui sert d’alibi à l’expression d’une souveraineté patriotique. Seuls les échanges communs de malfaiteurs fonctionnent bien.

L’idée d’une loi naturelle à l’extradition avait sans doute pour but de pousser les peuples d’Europe à une entente universelle. Jusqu’au XVII° s il n’y a pas de traité d’extradition proprement dit. Mais on peut déjà lire quelques stipulations dans certaines conventions bilatérales le plus souvent une alliance contre les criminels de lèse majesté (qui augure sans aucun doute le criminel politique). Par exemple : 1612 traité relatif aux mariages entre l’Espagne (Philippe III) et la France (Louis XIII) : assistance mutuelle contre ceux qui entreprendraient ou se révolteraient contre eux ou leur Etat ; livraison des criminels en sus.

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Ces possibilités d’extradition n’étaient bien sur fondées que sur l’intérêt politique. L’ordonnance de 1670 ne fait que confirmer l’abandon de l’asile territorial intérieur. Louis XIV ne pouvait tolérer des lieux exempts de son autorité, et se réserve donc l’extradition. Elle restait une discrétion du souverain. Ainsi sur fond de souveraineté absolue se développe lentement l’idée qu’au minimum et au vu de la fréquence des crimes et du risque social que fait encourir certains criminel pour le genre humain, la justice du territoire sur lequel se trouve le banni ou l’exilé pourra être jugé pour des faits commis hors du territoire. Vattel reprend les théories de Grotius et Puffendorf et insiste sur la nature des crimes (assassins, incendiaires…). Mais il va plus loin que ces prédécesseurs et valorise le chemin parcouru en pensant que l’extradition devient une réalité judiciaire qui s’inscrit aujourd’hui dans le droit des gens et n’est plus uns simple aspiration morale.

Les asiles territoriaux sont autant d’atteintes à la souveraineté de l’Etat et autant d’entraves à la réalisation de la justice sociale (au minimum à sa défense). Et Beccaria lui-même écrira dans son « délits et des peines » (§XXI) :

Ce qui inaugure l’avancée des Lumières comme moyen d’unification de l’idée d’extradition qui va se fonder tout autant sur l’intérêt de châtier les criminels que de le faire avec humanité donc en accord avec la tradition des pays qui s’en revendique inspirée.

On ne sera surpris d’apprendre que ce qui fera avancer le droit de l’extradition dans le courant du XVIII° s fût l’échange réciproque des criminels portants atteintes aux fondements de la Nation. Mais peut être surpris on sachant que ce sont les déserteurs militaires et les esclaves en fuite qui vont favoriser le rapprochement des Etats dans la formulation des traités bilatérales d’extradition… Exemple : 21 juillet 1767 entre Espagne et Danemark ; extradition d’esclaves dans l’année avec restriction de ne pas le punir de mort, de mutilation, de cachot à vie ni de peines presque mortelles…

La coutume du droit de la guerre va favoriser la reconnaissance par le droit des gens d’une fiction d’extraterritorialité, accordant aux ambassades, navires de guerre et camps des armées (par extension tout lieu ou le drapeau national flotte) un prolongement de l’empire de la souveraineté des Etats sur les territoires ou mers où ils se trouvent représentés. L’asile

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territorial « mobile » ne devant pas servir de refuge incessant pour les criminels obligent les Etats à engager des traités spécifiant des règles d’extradition de certains indésirables. Exemple : la France et la Russie traite les 31 septembre 1786 et 17 janvier 1787 et s’engage à ne pas donner asile aux déserteurs, contrebandiers, fugitifs quels qu’ils soient, criminels ou malfaiteurs et devront être livrés sans difficulté sur réquisition du gouvernement (art. XXI) ; le matelot déserteur sera livré après réquisition du maître ou patron d’équipage (art. XXIII).

Exemple : Traité France et Espagne 17 septembre 1765 (valable jusqu’en 1830) ;

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Traité qui sera étendu à d’autres délits comme la fausse monaie, mais limité par réciprocité de non application de la peine de mort et tout au plus aux galères.

Exemple : France Angleterre / 31 août 1787 livraison réciproquue des malfaiteurs aux Indes orientales.

Exemple : Etats-Unis d’Amérique / La Constitution empêchait la livraison facilité des personnes (terre d’immigration par excellence, l’objectif était une intégration économique pour un échange politique puissant) ; bien que le 17 novembre 1794 (ratification 28 octobre 1795) avec l’Angleterre : traité d’extradition comprenant les crimes de meurtre et de faux. En 1799 un citoyen américain est extradé vers l’Angleterre.

L’épisode de la Révolution de 1789 va isoler la France. L’immigration vers les autres pays d’une partie de la population (fuyant la terreur des assassinats politiques) suspend pour un temps les relations extraditionnelles (les gouvernement étranger voyaient une aubaine dans ces populations se réfugiant dans les royaumes menacés par les idées révolutionnaires françaises). La France est moralement mis au banc des Nations.

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Néanmoins certains épisodes vont permettre de clarifier quelque peu la portée des demandes extraditionnelles. Ainsi en 1791 l’Autriche fait demande à la France d’arrêter et d’extrader trois banquiers de Vienne accusés de fausse monnaie. La France par le biais de son comité diplomatique discutera la demande en établissant la distinction des infractions politiques et de droit commun que l’éternelle justice doit poursuivre quelque fût la constitution politique de l’Etat requérant ; en se basant sur des considérations d’ordre public et d’intérêt général et en vertu des lois de bon voisinage. Mais la discussion obligea à ce que le Prince (tyran voisin) établisse sa demande après confirmation d’un décret de prise de corps légalement formulé par un tribunal judiciaire… ceci pour éviter que tous les despotes (toute l’Europe à l’époque pour la France) ne puisse de façon arbitraire exiger l’extradition de tout personne parmi lesquelles se trouveront nécessairement des amis de l’humanité et de la liberté que la France doit protéger et accorder l’asile… Au final durant 7 années la France n’aura aucune relation extraditionnelle avec ses voisins en proclamant que un Etat libre ne peut se lier à un Etat despotique… Que tous les défenseurs de la liberté fussent-ils criminels en d’autres pays soient accueillis en terre libre. On regrettera que la Constituante de 1791 ne formule pas ce principe général de la distinction des délits politiques et de droit commun dans un traité général sur l’extradition.Le XIX° s sera donc celui de la confrontation des points de vue sur l’intérêt de la distinction.Ainsi : Danemark et Suède (1809) puis Norvège (1823) et Prusse, Russie, Autriche (1834) continuent d’extrader pour crime de lèse majesté ; a contrario : Angleterre (1815) reconnaît le droit d’asile aux réfugiés politiques, France et Belgique (1841) excluent tous les délits politiques dans l’extradition. Le XIX° s voit l’accélération des conventions bilatérales pour la stabilité des grandes puissances coloniales qui étendent et confrontent leur empire sur la planète et accélèrent les échanges commerciaux.

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Brièvement, au XX° siècle, seuls les crimes qui heurtent l’idée d’humanité (à l’époque et pour cause l’humanité c’est l’Europe (sic) semblent faire l’unanimité sur la question de l’extradition et se dessinent en parallèle la distinction des infractions politiques et de droit commun ; les premières par principe jamais sources d’extradition. L’extradition demeure un acte de souveraineté par essence. C’est alors qu’il s’engage soit par des conventions particulières soit par la loi pénale de droit commun qui en prévoit la mise en œuvre ; car l’extradition est (y compris dans sa fonction de délégation) toujours l’expression du droit de punir dévolue à l’Etat.

Bibliographie   sélective :

- BERNARD Paul, Traité théorique et pratique de l’extradition comprenant l’exposition d’un projet de loi universelle sur l’extradition, Paris, Arthur Rousseau éditeur, 1883, 434 pages. Tome premier : « Introduction historique », 702 pages. Tome deuxième : « Commentaire des lois et traités - projet d’un code international ».- FIELD DUDLEY David, Projet d’un code international proposé aux diplomates, aux hommes d’Etats et aux jurisconsultes du droit international contenant en outre l’exposé du droit international actuel sur les matières les plus importantes : Extradition, Naturalisation, Statuts personnels et réels, Droit de la guerre etc., Paris, Pédone-Lauriel éditeur, 1881, 862 pages.

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2° partie / Etat des lieux des conventions liant la France aux autres Etats   : un essai d'analyse géo- juridique. 1- L’extradition   : un état du droit positif.

La loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité abroge la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers, dont la teneur des dispositions est modernisée et codifiée aux articles 696 à 696-24 et 696-34 à 696-47 du code de procédure pénale.

Le législateur a également inséré dans le code de procédure pénale des dispositions devant permettre la mise en oeuvre des stipulations de la convention du 10 mars 1995 relative à la procédure simplifiée d'extradition entre les Etats membres de l'Union européenne et de celles du 27 septembre 1996 relative à l'extradition entre les Etats membres de l'Union européenne lorsque ces deux conventions seront applicables en France.

L'article 696 du code de procédure pénale réaffirme ce principe de subsidiarité de la loi interne par rapport aux instruments internationaux posé par la loi du 10 mars 1927 précitée : les dispositions législatives relatives à l'extradition ne sont applicables que dans le silence ou en l'absence de conventions internationales.

1. La procédure d'extradition de droit commun

La procédure d'extradition de droit commun s'applique à défaut de convention applicable et, en tant que de besoin, lorsqu'une convention n'en stipule pas autrement. Elle est définie par les articles 696 à 696-24 du code de procédure pénale. La majorité des dispositions visent à réglementer la procédure d'extradition engagée devant les autorités judiciaires françaises par un Etat étranger.

Comme sous l'empire de la loi du 10 mars 1927, la procédure d'exécution d'une demande d'extradition présentée par un autre Etat comprend une phase judiciaire devant la chambre de l'instruction, suivie d'une phase administrative qui s'achève, le cas échéant, par la signature d'un décret autorisant l'extradition par le Premier ministre.

1.1. Le champ d'application de la procédure d'extradition de droit commun

La procédure d'extradition de droit commun s'applique, à titre principal, aux demandes d'extradition émanant d'Etats ou adressées à des Etats non membres de l'Union européenne. Elle s'applique également, à titre résiduel, aux demandes de remise émanant d'Etats ou destinées à des Etats, membres de l'Union européenne, lorsque la procédure du mandat d'arrêt européen ne peut être mise en oeuvre.

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1.2. Les conditions de l'extradition de droit commun

Elles sont définies aux articles 696-1 à 696-7 du code de procédure pénale et demeurent identiques à celles fixées antérieurement par la loi du 10 mars 1927. Il est ainsi maintenu :

l'exigence de la double incrimination des faits ;

l'exigence de faits punis par la loi de l'Etat requérant soit de peines criminelles soit d'un maximum d'au moins deux ans d'emprisonnement ;

l'exigence en cas de condamnation d'une peine prononcée d'au moins deux mois d'emprisonnement ;

la possibilité de refuser l'extradition pour des motifs politiques ;

l'impossibilité d'accorder l'extradition de nationaux.

1.3. Les nouveautés de la procédure d'extradition de droit commun

Une transmission plus directe des demandes d'extradition émanant des Etats membres de l'Union européenne

La demande d'extradition émanant d'un Etat membre de l'Union européenne sera dorénavant adressée directement au ministre de la justice par les autorités compétentes dudit Etat et ne sera plus acheminée par la voie diplomatique.

Le régime juridique applicable à la personne appréhendée

La personne interpellée au titre d'une demande d'extradition ou suite à une demande d'arrestation provisoire, y compris lorsqu'elle est mineure, bénéficie des droits du code de procédure pénale relatifs à la garde à vue, soit notamment du droit d'être informée par un officier de police judiciaire de la nature de l'infraction qui lui est reprochée, de faire prévenir un membre de sa famille, d'être examinée par un médecin et de s'entretenir avec un avocat dès le début de son arrestation. Durant cette période, il appartient au procureur de la République de veiller au bon déroulement de cette mesure.

Dans un délai de 24 heures, la personne est présentée au procureur de la République qui procède à son placement sous écrou extraditionnel, à moins qu'il n'estime que sa représentation à tous les stades de la procédure est suffisamment garantie.

Si la demande formelle d'extradition et les pièces afférentes sont transmises aux autorités françaises préalablement à l'arrestation de la personne recherchée, la personne arrêtée comparaît devant le procureur général dans le délai de sept jours à compter de sa présentation au procureur de la République.

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Si la personne a été arrêtée au titre d'une simple demande d'arrestation provisoire, en l'absence de dispositions contraires de conventions internationales, l'Etat requérant dispose d'un délai de 30 jours pour transmettre la demande formelle et les pièces d'extradition. Dans cette hypothèse, il n'y a pas de délai pour la comparution de l'intéressé devant le procureur général.

Lors de la comparution de la personne intéressée devant le procureur général, celui-ci, après avoir notifié le titre en vertu duquel l'arrestation a eu lieu, informe l'intéressé de sa faculté de consentir à son extradition ainsi que des conséquences juridiques résultant d'un consentement à l'extradition.

Il l'avise également qu'il peut être assisté par un avocat de son choix ou, à défaut, commis d'office par le bâtonnier de l'ordre des avocats et s'entretenir immédiatement avec l'avocat désigné. Ce dernier pourra alors faire part de toute observation utile au procureur général.

La procédure applicable devant la chambre de l'instruction est modifiée

Les délais de comparution devant la chambre de l'instruction dépendent du consentement ou non de la personne interpellée à son extradition.

Lorsque la personne réclamée a déclaré consentir à son extradition, elle doit comparaître devant la chambre de l'instruction dans le délai de cinq jours ouvrables à compter de sa présentation au procureur général. Si elle confirme alors son consentement, la cour lui en donne acte par arrêt rendu dans le délai de sept jours à compter de la date de sa comparution devant elle.

Lorsque la personne réclamée a déclaré ne pas consentir à son extradition, elle doit comparaître dans le délai de dix jours ouvrables devant la chambre de l'instruction. La cour statue alors dans le délai d'un mois à compter de cette comparution.

La chambre de l'instruction peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, autoriser l'Etat requérant à intervenir à l'audience par l'intermédiaire d'une personne habilitée par lui à cette fin. Lorsque cet Etat est autorisé à intervenir, il ne devient pas partie à la procédure.

La chambre de l'instruction peut mettre la personne en liberté sous contrôle judiciaire. Une procédure d'arrestation est expressément prévue en cas de manquement aux obligations du contrôle judiciaire.

La loi consacre la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de pourvoi

En cas de consentement de la personne réclamée à son extradition, le pourvoi en cassation n'est pas possible.En l'absence de consentement, un pourvoi en cassation peut être formé sur d'éventuels vices de forme de nature à priver l'avis rendu des conditions essentielles de son existence légale.

Le délai de recours contre le décret d'extradition est réduit

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Contrairement à la procédure actuelle où le délai de droit commun de deux mois est applicable, le recours contre le décret autorisant l'extradition doit être formé dans le délai d'un mois. Ces nouvelles dispositions sont applicables aux recours formés contre les décrets d'extradition notifiés après la date de publication de la loi.

L'arrestation de la personne en liberté au moment de la mise à exécution du décret d'extradition est expressément organisée par la loi

Une procédure d'arrestation est expressément prévue lorsque l'intéressé se trouve en liberté lors de la mise à exécution du décret d'extradition devenu définitif. L'article 696-22 du code de procédure pénale permet de rechercher et d'arrêter l'intéressé et fixe à sept jours à compter de son arrestation le délai pour remettre ladite personne à l'Etat requérant.

2. La procédure simplifiée d'extradition entre les Etats membres de l'Union européenne

Cette procédure est visée aux articles 696-25 à 696-33 du code de procédure pénale.Elle consacre la faculté de recueillir le consentement de la personne réclamée à son extradition devant la chambre de l'instruction, sous certaines conditions, sur le fondement de la simple demande d'arrestation provisoire.

2.1. Le champ d'application de la procédure simplifiée d'extradition

Cette procédure n'est susceptible de s'appliquer qu'aux demandes de remise adressées à la France par un Etat partie à la convention du 10 mars 1995 relative à la procédure simplifiée d'extradition entre les Etats membres de l'Union européenne et à la condition, que la procédure du mandat d'arrêt européen ne soit pas applicable à la demande.

2.2. Les conditions de la procédure simplifiée d'extradition

Les conditions de la procédure simplifiée d'extradition sont les mêmes que celles de la procédure d'extradition de droit commun. Elles seront définies par les conventions internationales applicables (convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, convention d'application de l'accord de Schengen, convention du 10 mars 1995, convention du 27 septembre 1996).

2.3. Les particularités de la procédure simplifiée d'extradition

Le délai de notification du titre d'arrestation à la personne réclamée est plus court qu'en droit commun

La loi instaure une procédure spécifique afin de respecter les délais prévus par l'article 10 de la convention du 10 mars 1995 susvisée qui fixe un délai maximum de vingt jours entre la date à laquelle la personne réclamée a manifesté son consentement à l'extradition et la date de communication à l'Etat requérant de la décision de l'Etat requis.

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Le procureur général notifiera à la personne réclamée dans un délai de trois jours les pièces en vertu desquelles l'arrestation de l'intéressé est intervenue (signalement Schengen ou Interpol ou toute autre forme de demande d'arrestation provisoire).

Compte tenu de ce délai de trois jours, il y aura lieu de faire comparaître devant le procureur général toutes les personnes arrêtées sur le fondement d'une arrestation provisoire émanant d'un Etat de l'Union européenne dans ce délai de trois jours, lorsque la procédure d'extradition simplifiée pourra être mise en oeuvre.

La chambre de l'instruction pourra donner acte du consentement de la personne à son extradition sur le fondement d'une simple demande d'arrestation provisoire

La procédure simplifiée d'extradition sera également applicable si l'intéressé consent à son extradition, sur la base d'une demande formelle d'extradition accompagnée des pièces y afférentes, dans les conditions énoncées à l'article 696-33 du code de procédure pénale.

La personne réclamée, qui consent à son extradition, peut également renoncer au principe de spécialité. Dans le souci de s'assurer du caractère volontaire et éclairé de cette renonciation, la loi prévoit que la chambre de l'instruction doit informer l'intéressé des conséquences juridiques de celle-ci sur sa situation pénale.

La procédure simplifiée d'extradition en cas de consentement de la personne réclamée est entièrement judiciaire

L'arrêt de la chambre de l'instruction accordant la remise vaut titre d'extradition, le ministre de la justice étant simplement chargé de sa mise à exécution. Contrairement à la procédure d'extradition de droit commun, un décret n'est donc plus nécessaire.

Un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la chambre de l'instruction est toutefois possible. Son exercice vaut renonciation au consentement donné à l'extradition : si une demande d'extradition parvient ou est déjà parvenu aux autorités françaises, la procédure se poursuit alors, selon les règles applicables en cas de refus de consentement à l'extradition.

2.4. Dispositions diverses

L'article 696-40 du code de procédure pénale organise une procédure spécifique de renonciation au principe de spécialité par la personne déjà été extradée vers la France. Cette disposition a été prise pour l'application de l'article 10, paragraphe 1 d) de la convention du 27 septembre 1996 précitée, et ne peut être mise en oeuvre que dans le cadre de l'application de cette convention.

L'article 113-8-1 du code pénal, inséré par l'article 19 de la loi, détermine les conditions d'application en droit français de la règle " aut dedere, aut judicare " (extrader ou juger) lorsque que l'extradition de la personne réclamée a été refusée par les autorités françaises au

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motif, soit que le fait à raison duquel l'extradition avait été demandée est puni d'une peine ou d'une mesure de sûreté contraire à l'ordre public français, soit que la personne réclamée aurait été jugée dans l'Etat requérant par un tribunal n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense, soit que le fait considéré revêt le caractère d'une infraction politique.

Dans le but à la fois de respecter la souveraineté dudit Etat et de permettre aux autorités françaises d'apprécier l'opportunité d'engager des poursuites pénales en une telle circonstance, le dispositif retenu par le législateur prévoit notamment que la mise en mouvement de l'action publique est réservée au ministère public et doit être précédée d'une dénonciation officielle de l'autorité du pays où le fait a été commis et qui avait requis l'extradition.

2- L’extradition   : un essai d’analyse géopolitique

Après avoir tracé l’état du droit positif, que l’on peut qualifier de droit commun, puisqu’il résulte de la loi du 9 mars 2004 et trouve à s’appliquer dès lors qu’aucune convention particulière n’existe, il convient de se pencher sur les procédures d’extradition telles qu’elles résultent de conventions entre la France et des pays tiers.

Ce peuvent être des conventions bilatérales limitatives ou non, les plus anciennes, mais aussi multilatérales, comme la Convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957, ratifiée par la France en 1986, ou la Convention de Schengen de 1990, voire les conventions conclues dans le cadre de l’Union européenne sur la base de l’article K1 du Traité de Maastricht.

En effet, l’article 696 du CPP, qui ouvre le chapitre consacré à l’extradition, indique que « En l’absence de convention internationale en stipulant autrement, les conditions, la procédure et les effets de l’extradition sont déterminés par les dispositions du présent chapitre. Ces dispositions s’appliquent également aux points qui n’auraient pas été réglementés par les conventions internationales ». Ce qui signifie, a contrario, que le régime et les effets de l’extradition peuvent être intégralement réglés par voie conventionnelle.

1. L’extradition, une procédure diplomatico-judiciaire.

Il est de principe que seuls les gouvernements peuvent former une demande d’extradition. Ce principe ressort tant de l’article 9, alinéa 1, de la loi du 10 mars 1927 relative à l’extradition des étrangers, de la loi du 9 mars 2004, que de la grande majorité des traités.

Il est en effet habituellement stipulé que « la demande d’extradition devra toujours être faite par voie diplomatique » : Cf les conventions passées avec l’Algérie, la Belgique, le Bénin, le Burkina-Faso, le Cameroun, la République centrafricaine, la République populaire du Congo, la Côte-d’Ivoire, …

De même , la Convention européenne d’extradition prévoit que la requête sera présentée par la voie diplomatique, mais elle admet qu’une autre voie puisse être convenue par arrangement direct (art. 12-1)., et ce même si la France n’a jamais eu recours à une telle procédure.

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D’autres conventions, sans aller aussi loin, autorisent l’emploi de la voie consulaire : Libéria, Etats-Unis, San Marin, Equateur, …

C’est là le premier indice qui révèle que l’extradition se place en grande partie sur le plan du droit international public. Les circulaires de la Chancellerie ont par conséquent plusieurs fois rappelé qu’il n’est pas permis aux parquets de « s’entendre sous aucun prétexte avec les agents des puissances étrangères. »

A titre d’exemple, je citerai l’une des dernières conventions bilatérales signées par la France, celle qui la lie aux Etats-Unis. Il s’agit du Décret n° 2002-117 du 29 janvier 2002 portant publication du traité d’extradition entre la France et les Etats-Unis d’Amérique, signé à Paris le 23 avril 1996 et qui précise en son article 2 : « Le Premier ministre et le ministre des affaires étrangères sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française. »

Le préambule du texte est le suivant :

« T R A I T E D’EXTRADITION ENTRE LA FRANCE ET LES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE , Le Président de la République française, Le Président des Etats-Unis d’Amérique,  Rappelant la Convention d’extradition, avec Protocole, entre la République française et les Etats-Unis d’Amérique, signée à Paris le 6 janvier 1909 et la Convention additionnelle d’extradition, signée à Paris le 12 février 1970, avec échange de lettres des 2 et 11 juin 1970, notant que ces conventions sont toujours en vigueur entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d’Amérique jusqu’à l’entrée en vigueur du présent Traité ;  Désireux d’établir une coopération plus efficace entre leurs Etats en vue de la répression de la criminalité et afin de faciliter leurs relations en matière d’extradition par la conclusion d’un traité d’extradition ;  ont résolu de conclure un nouveau Traité d’extradition »

L’extradition met donc en présence deux Etats – l’Etat requérant et l’Etat requis – dont elle manifeste la collaboration. Collaboration, lorsqu’elle ne résulte pas du droit commun, tout d’abord manifestée par la signature d’une convention bilatérale, puis ensuite mise en œuvre lorsqu’elle est accordée ou non par l’Etat requis. L’extradition est donc une mesure d’entraide judiciaire, et plus précisément répressive, internationale. Elle ne constitue pas une mesure de police, ni une mesure d’éloignement, et n’est nullement liée au comportement ou à la situation de l’intéressé sur le territoire de l’Etat requis. La remise de l’individu réclamé implique que l’Etat requis prenne une décision dans l’exercice de sa souveraineté et explique que le droit de l’extradition soit celui de la collaboration entre Etats.

Cette nature hybride de la procédure d’extradition n’est pas sans conséquences sur son régime juridique : la procédure d’extradition fait intervenir une juridiction répressive, la chambre de l’instruction et la décision est prise par le Premier ministre, chef du gouvernement représentant la France dans ses rapports avec les Etats étrangers, sur la proposition du garde des Sceaux.

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L’extradition tend à la remise d’un individu par l’Etat sur le territoire duquel il se trouve à un autre Etat pour permettre à ce dernier de le juger ou de lui faire exécuter une condamnation. L’extradition a donc pour objet d’assurer l’exercice de la répression pénale, mais pas seulement.

En effet, l’extradition, comme tout acte mettant en jeu les relations interétatiques, sert les intérêts des deux parties, la réciprocité étant l’une des caractéristiques du droit international.

L’Etat requérant voit ainsi reconnaître son droit de punir, expression pure de la souveraineté, qui serait, à défaut, battu en brèche par le seul franchissement des frontières. Quant à l’Etat requis, il fait quitter son territoire à un individu susceptible d’y troubler l’ordre public ou d’y commettre des infractions, se débarrassant ainsi d’une menace potentielle à son ordre social et juridique.

Mais, en outre, l’Etat requis, en livrant à l’Etat requérant l’individu que celui-ci recherche, peut espérer obtenir de son partenaire qu’il lui accorde l’extradition de ses propres justiciables lorsqu’il le lui demandera.

Ainsi, aux avantages immédiats que les deux Etats peuvent tirer de l’extradition, s’ajoute le fait que celle-ci représente également pour eux, du fait qu’elle est une mesure de collaboration, un élément de leut politique internationale en même temps qu’un aspect de leur propre politique répressive.

La part que l’extradition occupe dans cette politique n’est pas négligeable. Outre que l’extradition est le moyen effectif d’exercer la répression de nombres d’infractions graves, il ne faut pas minimiser son caractère symbolique et l’arme psychologique qu’elle peut être dans certains secteurs particulièrement sensibles à l’opinion publique, tel le terrorisme international,

2. L’extradition, un outil géostratégique.

Les considérations développées ci-dessus font basculer les politiques d’extradition de la sphère du judiciaire dans celle du politique.

Dans un article publié sur Géopolia, Philippe Sibille-Lopez cherchait à définir ce qui conditionne la vision du monde des Etats-Unis, et partant sa stratégie, en distinguant ses quatre vecteurs tactiques : Le premier vecteur tactique est ancien, c’est l’action en faveur de la démocratie et des droits de l’homme, les trois autres sont plus récents: le combat contre le trafic de stupéfiants et autres mafias ; la guerre contre le terrorisme ; l’unilatéralisme en politique.

A partir de cette réflexion, on peut considérer que la politique en matière d’extradition, en ce qu’elle se relie à l’action en faveur de la justice, mais aussi à la lutte contre la grande criminalité s’inscrit également dans la géopolitique des Etats. En effet, la carte des accords inter-étatiques dessine aussi bien la sphère d’influence des Etats qui les passent, leurs alliances géostratégiques, mais aussi l’ensemble géopolitique dans lequel elles se situent.

Qu’en est-il de la France ? On peut distinguer 4 phases.

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Les traités bilatéraux d’extradition. Ce sont les instruments les plus nombreux et les plus anciens. Ces traités peuvent être classés en deux catégories.

Les plus anciens, conclu avant la deuxième guerre mondiale, comportent une énumération des infractions pouvant donner lieu à extradition. Cette énumération est réputée limitative et l’extradition ne peut donc être accordée pur des faits non expressément mentionnés par le traité applicable. Cette méthode présente le double inconvénient de ne viser que des infractions ne correspondant plus à la criminalité actuelle, et de poser des problème quant à l’identité des qualifications. On trouve dans ce type de traité des pays comme la Belgique : 1874 (1926, 1935), le Pérou : 1874, la Nouvelle-Zélande : 1876 (1896), le Libéria : 1897, la Lettonie : 1924, Cuba : 1925, San Marin : 1926 ou l’Equateur : 1935. Difficile de trouver une cohérence particulière à cette liste…

Les traités plus récents adoptent, à l’instar de la loi de 1927, le critère de la gravité de l’infraction : elle doit avoir un caractère criminel ou correctionnel et être punie d’une peine d’emprisonnement d’au moins un an ou deux ans selon les traités. Cette méthode présente l’avantage de s’adapter à l’évolution de la délinquance et de la législation des Etats parties. On trouve là les conventions avec le Maroc (1957), le Cameroun (1960), le Nigéria, le Bénin et la Côte d’Ivoire (1961), le Congo (1962), l’Algérie (1964) la République centrafricaine (1965), la Tunisie (1972), mais aussi avec Israël, l’Iran, la Bosnie Herzégovine, le Roumanie, la Hongrie, plusieurs pays d’Europe du Nord et d’Amérique latine jusque dans les années 90. En fait, on suit la carte de la décolonisation africaine, puis celle des intérêts français en Amérique latine ou en Europe centrale.

Les conventions multilatérales. Ce sont les instruments moins nombreux et plus récents.

Une place particulière revient à la Convention européenne d’extradition, signée à Paris le 13 décembre 1957 sous l’égide du Conseil de l’Europe et actuellement ratifiée par 26 Etats d’Europe continentale, centrale et du Nord ainsi que Chypre, Israël et la Turquie. Cette convention, que la France n’a ratifiée qu’en avril 1986, définit les infractions susceptibles de donner lieu à extradition par référence au quantum de la peine encourue, tout en permettant aux Etats d’exclure certaines infractions. On voit se dessiner là le nouveau contour du champ de l’extradition qui ne se limite plus à un Etat, la France, mais à un ensemble géopolitique de référence.

Certaines conventions relatives à la coopération répressive internationales ne portent pas exclusivement sur l’extradition mais comportent des stipulations qui s’y rapportent, ce sont notamment les conventions de La Haye en matière d’aviation civile (1970) et de Strasbourg (1977) sur le terrorisme. De même la convention d’application de l’accord de Schengen du 19 juin 1990, dont le chapitre IV du titre III est intitulé « Extradition ».

Les conventions conclues dans le cadre de l’Union Européenne.

Les Etats de l’Union européenne ont adopté deux conventions relatives à l’extradition, sur la base de l’article K1 du Traité de Maastricht qui considère cette matière comme une « question d’intérêt commun » dans laquelle le Conseil peut « établir des conventions dont il recommandera l’adoption par les Etats membres ».

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C’est dans ce cadre qu’ont été adoptées, le 10 mars 1995, la Convention relative à une procédure simplifiée d’extradition, et le 27 septembre 1996, la Convention relative à l’extradition entre les Etats membres de l’Union européenne. Ces deux conventions ont été intégrées dans notre droit national de par la loi du 9 mars 2004.

Le mandat d’arrêt européen.

Dernière étape de la collaboration pénale des Etats de l’Union européenne, le mandat d’arrêt européen se situe dans le contexte des suites des attentats du 11 septembre 2001 qui ont incité les Etats membres à développer cette collaboration afin de pouvoir lutter plus efficacement contre le terrorisme international et de pallier aux lenteurs du système extraditionnel classique.

C’est ce qui a conduit le Conseil européen a arrêter, dès le 21 septembre 2001, le principe du mandat d’arrêt européen, qui a donné lieu à une proposition de décision-cadre de la Commission, adoptée par le Conseil le 13 juin 2002. Elle complète l’arsenal de coopération judiciaire constituée par les Conventions de Schengen de 1990, ainsi que celles relatives à l’extradition de 1995 et 1996.

En conclusion, au travers de l’étude de l’évolution de la politique de la France en matière d’extradition, on voit se dessiner, dans un premier temps, la zone d’influence française, au travers de ses ex-colonies et de ses centres d’intérêts économico-stratégiques.

Dans un second temps, et ce mouvement s’est accentué avec le 11 septembre, la France intègre petit à petit un ensemble géostratégique européen, les conventions devenant multilatérales, avec au sein de cet ensemble, des procédures extrêmement simplifiées qui permettent un combat plus efficace contre la criminalité organisée, qu’elle soit terroriste ou non.

Troisième temps, la France au sein de l’Europe, développe, par le biais des institutions de coopérations européennes que sont Eurojust et Europol, mais pas seulement, des stratégies de coopération renforcée avec les Etats-Unis, qui peuvent se manifester par des opérations aussi juridiquement contestables que le « rapatriement » des détenus français de Guantanamo, dont on ne peut pas dire qu’ils aient fait l’objet d’une application rigoureuse de la convention franco-américaine de 2002

Textes   :

Circulaire Crim. n°2004-02 CAB/11-03-2004, NOR : JUSD0430039C de présentation des dispositions de la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité concernant le mandat d’arrêt européen et l’extradition (B.O.M.J. n°93 - 1er janvier au 31 mars 2004) Décret n°67-636 du 23 juillet 1967 portant publication de la convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 (J.O. du 4 août 1967, p.7809) Décret n° 86-736 du 14 mai 1986 portant publication de la convention européenne d’extradition, faite à Paris le 13 décembre 1957 (J.O. du 15 mai 1986, p.6343).

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Décret n°87-1024 du 21 décembre 1987 portant publication de la Convention européenne pour la répression du terrorisme, faite à Strasbourg le 27 janvier 1987 (J.O. du 22 décembre 1987, p.14954) Décret n° 91-386 du 17 avril 1991 portant publication du protocole additionnel à la convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959, fait à Strasbourg le 17 mars 1978 et signé par la France le 28 mars 1990 (J.O. n°98 du 25 avril 1991) Décret n° 2002-117 du 29 janvier 2002 portant publication du traité d’extradition entre la France et les Etats-Unis d’Amérique (J.O. n°25 du 30 janvier 2002, texte n°47) Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (J.O n° 59 du 10 mars 2004, page 4567, texte n° 1)

Bibliographie   sélective :

Pierre BERTHELET, « De Tampere à Séville : bilan de la sécurité européenne – L’impact des évènements du 11 septembre sur la création de l’espace de liberté, de sécurité et de justice », Cultures & Conflits, www.conflits.org/article.php3?id_article=603 (consulté le 3 mai 2005) Commission des libertés et des droits des citoyens, de la justice et des affaires intérieures, « La dimension extérieure de l’espace de liberté, de sécurité et de justice », Parlement européen (mise à jour : 15.01.05), www.europarl.eu.int/comparl/libe/elsj/zoom_in/42_fr.htm (consulté le 3 mai 2005) « Extradition », Dictionnaire permanent Droit des Etrangers, p.821 et s. (mise à jour au 1 er

janvier 2004) « Juridictions pénales internationales et diplomatie », Atelier Juridictions pénales internationales, Colloque organisé par l’Ecole nationale de la magistrature, 19 novembre 1999, www.enm.justice.fr/centre_de_ressources/syntheses/justice_penale/justice_penale.htm (consulté le 4 mai 2005) Georges LEVASSEUR, « Extradition », Juris-Classeur, Droit international, fascicules 405-B-6 et 7 (mise à jour en mars 1989) Zaki LAIDI, « La grande perturbation », Paris, ed. Flammarion, 2003, p.132 et suivantes , www.aprod.ch/4/CPI_Laidi.pdf (consulté le 5 mai 2005) Michel MASSE, « L’entraide judiciaire internationale, version française (Loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité) », R.S.C. 3/2004, p. 470 Michel MASSE, « L’entraide judiciaire internationale version française (suite) (loi n°2004-204 du 9 mars 2004) », R.S.C. 4/2004, p. 978

Principaux sites internet   consultés   :

www.diplomatie.gouv.fr www.doc.diplomatie.fr/BASIS/pacte/webext/bilat/SDF www.journal-officiel.gouv.fr/accueil.php www.justice.gouv.fr www.ladocumentationfrancaise.fr www.legifrance.gouv.fr www.monde-diplomatique.fr

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