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5 La réciprocité dans l’accès à la commande publique européenne : un enjeu de politique industrielle Étienne MULLER, professeur de droit public, université de Strasbourg – IRCM (UR 3399) A u-delà de la question récemment médiatisée des autorisations d’exportation de vaccins contre la Covid-19, la notion de réciprocité suscite actuel- lement un intérêt croissant, qui s’inscrit dans une réflexion plus générale sur les interactions entre politique de concurrence et politique industrielle (V. B. Deffains, O. d’Ormesson, Th. Perroud, Politique de concurrence et politique industrielle. Pour une réforme du droit européen : Questions d’Europe n° 543, Fondation Schuman, 20 janv. 2020). Plusieurs acteurs collectivités publiques soucieuses de réindustrialiser leurs territoires ou entreprises confrontées à des barrières à l’accès à certains marchés étrangers – s’interrogent sur le manque de réciprocité qu’ils perçoivent dans les rapports de l’Union européenne, dont l’accès aux contrats publics est facilité par l’harmonisation des règles de passation et dont le droit des aides d’État limite fortement le soutien aux entreprises, avec certains États tiers à la réglementation moins transparente et dont les standards environnemen- taux et sociaux plus bas, voire un soutien franc et massif à leurs entreprises, permettent à celles-ci de mener des politiques commerciales très agres- sives. Cette question doit être appréhendée non seule- ment sous l’angle de la nationalité des entreprises candidates mais encore de l’origine des produits et services utilisés pour l’exécution des contrats. Les réponses qui peuvent lui être apportées doivent bien évidemment prendre en compte, au-delà de l’égalité de traitement qui prévaut au sein de l’Union européenne, celle devant être garantie aux entreprises ressortissantes d’États tiers ayant conclu des accords avec l’Union portant sur l’ouverture réciproque de l’accès aux contrats de la commande publique, qu’il s’agisse de l’accord sur les marchés publics conclu au sein de l’OMC (AMP) ou d’autres instruments internationaux. Il serait certes injuste de reprocher au droit de la commande publique d’être sourd à ces préoccu- pations ; mais se satisfaire des réponses qu’il leur apporte serait excessivement optimiste. Si l’on excepte les marchés de défense et de sécurité, pour lesquels est affirmé le principe d’une véritable préférence européenne (CCP, art. L. 2353-1) facilitée par le fait qu’ils sont généralement exclus ou exemptés des accords internationaux conclus par l’Union, les disposi- tions adoptées en ce sens peuvent paraître timides et sont, en tout cas, difficiles à mettre en œuvre. L’une, énoncée à l’article L. 2112-4, procède justement de l’extension par l’ordonnance n° 2015-899 du 25 juillet 2015 relative aux marchés publics d’un dispositif d’abord introduit pour les seuls marchés de défense et de sécurité par le décret n° 2011-1104 du 14 décembre 2011 (CMP 2006, art. 194, 5°) : elle vise à permettre à l’acheteur de prévoir dans les condi- tions d’exécution du marché que « les moyens utilisés pour exécuter tout ou partie d’un marché, pour maintenir ou pour moderniser les produits acquis soient localisés sur le territoire des États membres de l’Union européenne afin, notam- ment, de prendre en compte des considérations environnementales ou sociales ou d’assurer la sécurité des informations et des approvisionne- ments ». Mais cette disposition, qui n’évoque pas Suite page 2 CONTRATS ET MARCHÉS PUBLICS - N° 5 - MAI 2021 - © LEXISNEXIS SA 1 Repère « Il serait certes injuste de reprocher au droit de la commande publique d’être sourd à ces préoccupations ; mais se satisfaire des réponses qu’il leur apporte serait excessivement optimiste »

La réciprocité dans Cette question doit être appréhendée

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5 La réciprocité dansl’accès à la commandepublique européenne :un enjeu de politiqueindustrielle

Étienne MULLER,professeur de droit public,université de Strasbourg – IRCM (UR 3399)

A u-delà de la question récemmentmédiatisée des autorisationsd’exportation de vaccins contre la

Covid-19, la notion de réciprocité suscite actuel-lement un intérêt croissant, qui s’inscrit dans uneréflexion plus générale sur les interactions entrepolitique de concurrence et politique industrielle(V. B. Deffains, O. d’Ormesson, Th. Perroud,Politique de concurrence et politique industrielle.Pour une réforme du droit européen : Questionsd’Europe n° 543, Fondation Schuman, 20 janv.2020).Plusieurs acteurs – collectivités publiquessoucieuses de réindustrialiser leurs territoires ouentreprises confrontées à des barrières à l’accès àcertains marchés étrangers – s’interrogent sur lemanque de réciprocité qu’ils perçoivent dans lesrapports de l’Union européenne, dont l’accès auxcontrats publics est facilité par l’harmonisationdes règles de passation et dont le droit des aidesd’État limite fortement le soutien aux entreprises,avec certains États tiers à la réglementation moinstransparente et dont les standards environnemen-taux et sociaux plus bas, voire un soutien franc etmassif à leurs entreprises, permettent à celles-cide mener des politiques commerciales très agres-sives.

Cette question doit être appréhendée non seule-ment sous l’angle de la nationalité des entreprisescandidates mais encore de l’origine des produitset services utilisés pour l’exécution des contrats.Les réponses qui peuvent lui être apportéesdoivent bien évidemment prendre en compte,au-delà de l’égalité de traitement qui prévaut ausein de l’Union européenne, celle devant êtregarantie aux entreprises ressortissantes d’Étatstiers ayant conclu des accords avec l’Unionportant sur l’ouverture réciproque de l’accès auxcontrats de la commande publique, qu’il s’agissede l’accord sur les marchés publics conclu ausein de l’OMC (AMP) ou d’autres instrumentsinternationaux.Il serait certes injuste de reprocher au droit de lacommande publique d’être sourd à ces préoccu-pations ; mais se satisfaire des réponses qu’il leurapporte serait excessivement optimiste.Si l’on excepte les marchés de défense et desécurité, pour lesquels est affirmé le principed’une véritable préférence européenne (CCP,art. L. 2353-1) facilitée par le fait qu’ils sontgénéralement exclus ou exemptés des accordsinternationaux conclus par l’Union, les disposi-tions adoptées en ce sens peuvent paraîtretimides et sont, en tout cas, difficiles à mettre enœuvre.L’une, énoncée à l’article L. 2112-4, procèdejustement de l’extension par l’ordonnancen° 2015-899 du 25 juillet 2015 relative auxmarchés publics d’un dispositif d’abord introduitpour les seuls marchés de défense et de sécuritépar le décret n° 2011-1104 du 14 décembre2011 (CMP 2006, art. 194, 5°) : elle vise àpermettre à l’acheteur de prévoir dans les condi-tions d’exécution du marché que « les moyensutilisés pour exécuter tout ou partie d’un marché,pour maintenir ou pour moderniser les produitsacquis soient localisés sur le territoire des Étatsmembres de l’Union européenne afin, notam-ment, de prendre en compte des considérationsenvironnementales ou sociales ou d’assurer lasécurité des informations et des approvisionne-ments ». Mais cette disposition, qui n’évoque pas

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CONTRATS ET MARCHÉS PUBLICS - N° 5 - MAI 2021 - © LEXISNEXIS SA

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Repère

« Il serait certesinjuste dereprocher audroit de lacommandepublique d’êtresourd à cespréoccupations ;mais se satisfairedes réponses qu’illeur apporteseraitexcessivementoptimiste »

les accords internationaux conclus par l’Union,manque tellement de clarté qu’on peine àcomprendre ce qu’elle apporte de plus parrapport au cas plus général des clauses delocalisation justifiées par leur lien avec l’objet dumarché.Restent deux possibilités introduites par lesarticles L. 2153-1 et L. 2153-2.La première permet aux acheteurs d’introduiredans les documents de la consultation des critèresou des restrictions qui portent sur la nationalitédes opérateurs ou sur l’origine des prestationscomposant les offres et peuvent jouer dans toutesles situations où l’égalité de traitement n’est pasimposée en vertu du droit de l’Union ou d’unaccord international auquel l’Union et partie. Cemécanisme a cependant quelque chose d’un peubrutal, dans la mesure où il vise indistinctementtous les États n’ayant pas conclu d’accords inter-nationaux avec l’Union ; en outre – et c’est saprincipale limite – il ne permet pas d’appréhen-der le problème de l’absence de réciprocitéeffective découlant du non-respect de leurs enga-gements par les États parties à de tels accords,dont l’appréciation paraît d’ailleurs relever de lacompétence exclusive de l’Union.Cela n’a pourtant pas empêché le législateur del’Union de prévoir, à l’article 85 de la directive2014/25/UE, un second mécanisme, transposépar l’article L. 2153-2 du Code de la commandepublique, qui permet à une entité adjudicatricede rejeter une offre lorsqu’une part majoritaire dela valeur totale des produits qui la composent estconstituée de produits originaires de pays tiersnon liés avec l’Union par un accord « assurant unaccès comparable et effectif ». Cette dispositionne saurait toutefois être comprise comme habili-tant les autorités nationales, et moins encore lesacheteurs, à apprécier eux-mêmes cette effecti-vité. Mais surtout, le champ d’application de cemécanisme est très limité puisqu’il concerne lesseuls marchés de fournitures passés pour lesbesoins d’une activité d’opérateur de réseaud’eau, d’électricité, de gaz, de transport ou deservices postaux.Enfin, la mise en œuvre de l’une comme l’autrede ces deux dispositions est rendue difficile parl’absence d’une cartographie précise et actuali-sée du champ d’application des accords interna-tionaux conclus par l’Union en matière d’accèsaux marchés publics. On note, à ce propos, quel’arrêté ministériel devant répertorier les pays etsecteurs couverts par ces accords et censé êtreannexé au Code de la commande publique (CCP,art. R. 2153-2 et R. 2153-5) n’a toujours pas étéadopté. Il faut dire que l’exercice est assezfastidieux : outre la pluralité des accords, les

secteurs, mais aussi les catégories d’acheteurs etd’autorités concédantes et même les montantsdes contrats varient selon les États parties.Faut-il pourtant se résoudre à un constatd’impuissance ?Les appels à une politique européenne plus fermen’ont pas été ignorés par la Commission. Par deuxfois, celle-ci a proposé l’adoption d’un règlementvisant lui permettre d’enquêter sur d’éventuellesbarrières à l’entrée appliquées par un État tiers etde prendre, le cas échéant, des mesures derétorsion pouvant consister par exemple à impo-ser une surévaluation du prix des produits etservices qui en sont issus (Prop. 21 mars 2012,[COM(2012) 124 final]. – Prop. 29 janv. 2016[COM(2016) 34 final]). Mais ces initiatives sesont heurtées à la réticence de certains Étatsmembres à fermer leurs marchés et à leur souci deménager quelque partenaire influent (V. J.-B.Chastand, Comment la Hongrie devient la tête depont de la Chine en Europe : Le Monde, 23 janv.2021. – M. Johnson, Italy endorses China’s Beltand Road Initiative : Financial Times, 23 mars2019).Toutefois, comme la Commission le suggère dansune communication du 13 août 2019 (JOUEn° 2019/C 271/02), des solutions potentielle-ment efficaces résident dans des dispositions deportée plus générale, en particulier celles quipromeuvent le développement durable.La prescription d’exigences environnementalesou sociales élevées, notamment par la mentionde labels dans les conditions d’exécution dumarché (CCP, art. R. 2111-15) ou des critères dechoix prenant en compte par exemple les émis-sions de gaz à effet de serre ou le coût du cycle devie de la prestation (CCP, art. R. 2152-9),permettent de lutter contre les stratégies dedumping environnemental et social. Le contrôledes offres anormalement basses joue d’ailleurs àce titre un rôle particulièrement important,l’acheteur étant obligé de rejeter l’offre dont ilétablit, dans le cadre de ce contrôle, qu’ellecontrevient aux prescriptions environnementalesou sociales imposées par le droit français, le droitde l’Union européenne ou des accords interna-tionaux énumérés à l’annexe 10 du code (CCP,art. R. 2152-4).Comme ceux de la lutte contre le réchauffementclimatique, les enjeux industriels apparaissentainsi comme les objectifs légitimes d’une véri-table politique de la commande publique, dont ledroit fournit désormais des outils. Il reste à s’ensaisir pleinement, ce qui ne se concilie pastoujours aisément avec la limitation des dépensespubliques.

© LEXISNEXIS SA - CONTRATS ET MARCHÉS PUBLICS - N° 5 - MAI 2021

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Repère

« Des solutionspotentiellementefficaces résidentdans desdispositions deportée plusgénérale, enparticulier cellesqui promeuvent ledéveloppementdurable »

● Focus23 Modèle de règlement de concours de maîtrise

d’œuvreSource : www.architectes.org/modele-de-reglement-de-concours-de-maitrise-d-œuvre

L’Ordre des architectes propose un nouveau modèle de règlementde concours de maîtrise d’œuvre, à adapter (le document proposedes options), peut-être même contredire, mais qui constitue un bondépart dans l’organisation toujours délicate de cette consultation.

Principales rubriquesLa phase candidature comporte les rubriques habituelles (présenta-

tion de l’acheteur public, de l’opération, rappel du régime juridiquedu concours, exposé du futur marché de maîtrise d’œuvre attribué àl’issue du concours, ainsi que du dossier de consultation, rappel desconditions de participation).

On y retrouvera également, le comité technique (p. 9), instanceayant autrefois donné lieu à quelques débats doctrinaux car nonprévu dans la règlementation, mais qui s’est imposée dans lapratique. Loin d’alourdir la procédure, cette instance réunissantessentiellement des techniciens est en réalité destinée à alléger lestravaux du jury (examen des candidatures, puis évaluation desprojets).

Les propositions seront pré-examinées, non seulement afin devérifier leur conformité au règlement du concours, mais égalementsoumis « à une analyse factuelle des projets en vue de leurprésentation au jury » (Id.), toujours afin de faciliter une meilleureappréhension des projets, sans se substituer pour autant à sonappréciation, d’où le qualificatif « factuel » (Id.).

Fonctionnement du juryLes propositions de l’Ordre des architectes dépassent le seul cadre

du concours et présentent, à notre sens l’intérêt d’une possibletransposition dans d’autres domaines de l’achat, en imposant (ourappelant) des règles destinées, non pas aux candidats, mais auxmembres de l’instance collégiale (commissions ad hoc constituéespour attribuer les marchés à procédure adaptée, ou commissiond’appel d’offres).

La question de la forme de la délibération dans ces instances, jamaistranchée, est organisée comme suit « le jury peut valablementdélibérer si au moins la moitié des membres à voix délibérativerégulièrement convoqués est présente », et surtout « en l’absence deconsensus, le jury délibère à la majorité des membres présents et àbulletin secret. En cas d’égalité des voix, la voix du président du juryest prépondérante » (V. art. 9.2.1). Manière élégante de dire enfinque les décisions sont prises par consensus, et non pas nécessaire-ment par votes successifs, et encore moins à bulletins secrets. Aucunerègle n’ayant jamais été imposée en la matière, dès lors qu’unprocès-verbal constatant la méthode utilisée est établi, cette proposi-tion mérite d’être étudiée...

Échanges préalable à l’établissement des offresOn peut être plus dubitatif sur la possibilité d’organiser une réunion

avec « l’ensemble des participants pour leur présenter l’opération etle programme », étant précisé que « cette réunion sera assortie d’uneséance de questions-réponses et d’une visite du site » (art. 13.2).Cette proposition mérite d’être débattue. Bien entendu, recevoir

séparément les concurrents constitue une charge nécessairementplus lourde pour l’acheteur. On retrouve ici, la problématique desvisites collectives de site, certes plus commodes, mais susceptibles degénérer des ententes...

Respect de l’anonymatL’organisation, dans le règlement de consultation lui-même, de

garanties de préservation de l’anonymat, présente un double intérêt :celui de rassurer les concurrents, celui de fixer un cadre interne surcette question afin de sensibiliser les agents et représentants del’acheteur public. Le modèle propose d’identifier un agent (voire unhuissier) chargé d’en assurer l’effectivité (art. 15).

Autre originalité, qui mériterait d’être reconsidérée au regard de lanotion contentieuse d’intérêt lésé : « Toute violation de la règle del’anonymat par un participant qui ne peut pas être supprimée parl’acheteur entrainera la non-conformité du dossier de projet etconduira à son élimination par le jury » (Id.).

Critères d’évaluation des projetsBien entendu, le modèle aborde la question sensible des critères

d’évaluation des projets, en formulant la proposition suivante :« La qualité de la réponse au programme apprécié selon les

éléments suivants :– la qualité de la réponse architecturale : appréciée au regard de la

relation au site, de son esthétique générale, de ses qualités d’usage ;– l’adéquation au programme en termes notamment de maitrise des

dimensionnements, de qualité d’organisation et de respect desattentes fonctionnelles et techniques ;

– la qualité de l’approche environnementale : appréciée au regardde la démarche environnementale d’ensemble du projet du point devue de son approche architecturale et dans ses dimensions tech-niques.

La compatibilité du projet avec l’enveloppe prévisionnelle affectéeaux travaux : appréciée au regard de l’approche financière présentéepar le participant » (art. 16.1).

On trouvera encore une trame d’avis du jury, notamment sur lesdemandes d’éclaircissement à envisager (art. 16.2), le contenu dumémoire technique (art. 16.1), les modalités du dialogue avec lescandidats (art. 16.4), celles de la remise des offres et de leurnégociation (art. 17), ainsi que l’idée originale, mais plus douteusedu point de vue de l’accord des concurrents de la publication de leursprojets : « Les participants restent propriétaires de l’intégralité desdroits de propriété intellectuelle associés à leurs prestations. Ilspermettent toutefois à l’acheteur d’utiliser leurs prestations dans lecadre d’une exposition publique des projets, soit dans le cadre d’unediffusion physique, soit dans le cadre d’une diffusion numérique,après la publication des résultats du concours » (art. 19).

Au final, ce nouveau modèle constitue un salutaire rappel métho-dologique qui permettra aux acheteurs de gagner du temps, àcondition d’accepter d’en perdre préalablement en examinant préa-lablement les différentes options procédurales qui lui sont offertes.JurisClasseur : Contrats et Marchés publics, fasc. 69-10 Florian LINDITCH

Rubrique coordonnée par Florian LINDITCH,professeur à Aix-Marseille Université,avocat au barreau de Marseille

en collaboration avec Isabelle HASQUENOPH,maîtresse de conférences en droit public,université Paris I

CONTRATS ET MARCHÉS PUBLICS - N° 5 - MAI 2021 - © LEXISNEXIS SA

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ALERTES

● VeilleÀ LA COUR DES COMPTES24 Parution du rapport annuel de la Cour des

comptesSource : www.ccomptes.fr/fr/publications/le-rapport-public-annuel-2021

La Cour des comptes a publié son rapport annuel 2021. La premièrepartie est consacrée aux « premiers enseignements » de la crise liée àl’épidémie de Covid-19. Elle débute par une sous-partie intitulée« faire face aux conséquences de la crise », qui analyse l’aide auretour des Français retenus à l’étranger par la pandémie, la contribu-tion du service public du numérique éducatif à la continuité scolaire,l’hébergement et le logement des personnes sans domicile pendant lacrise sanitaire, la réanimation et les soins, l’impact de la crise sur lesétablissements publics de santé. La seconde sous-partie décrit lagestion des conséquences de la crise : les fonds de solidarité mis enplace à destination des entreprises, le déficit de l’assurancechômage ; le rapport analyse également le modèle économique de laSNCF face à la crise sanitaire, notant que ce modèle économique estfragilisé.

La seconde partie intitulée « les politiques et la gestion publique »,propose, plus classiquement, un échantillon représentatif des travauxde la Cour comme des chambres régionales. C’est principalementdans cette partie que l’on trouvera des éléments intéressant le droitdes contrats publics. À propos de l’éclairage public communal, laCour note que les communes externalisent souvent le financementdes investissements par le biais de contrats de longue durée que lescommunes maîtrisent mal et dont le coût peut se révéler élevé. Ellerecommande de mieux planifier les investissements et de renforcer lerôle des intercommunalités et syndicats d’énergie. Le rapportexamine également les relations entre casinos et collectivités territo-riales, et formule des recommandations relatives à l’élaboration descontrats de délégations de service public ainsi qu’à l’évaluation desretombées de la présence du casino en matière de développement duterritoire, à l’occasion de l’examen du rapport du délégataire prévu àl’article L. 1411-3 du CGCT. Le rapport s’intéresse également auxactivités de la CACG, société d’économie mixte chargée d’assurerl’aménagement hydraulique de certaines régions agricoles en rive dela Garonne. Il formule des recommandations à la SEM (s’assurer del’existence d’un contrat justifiant ses interventions, se doter desmoyens pour prévenir les risques juridiques et financiers liés à sonactivité), aux actionnaires de la SEM, et aux acteurs concernés par letransfert des concessions aux régions. On peut enfin noter que desrecommandations sont faites au ministère des armées à propos desinvestissements publics à réaliser dans l’innovation de défense.JurisClasseur : Contrats et Marchés publics, fasc. 14 I. H.

À L’ADCF25 Baromètre de la commande publiqueSource : www.adcf.org/articles-presentation-des-resultats-2020-de-la-commande-publique/barometre-adcf-banque-des-territoires-5911

L’ADCF – Intercommunalité de France et la Banque des territoirespublient leur « Baromètre de la commande publique 2021 » présen-tant les résultats de la commande publique de l’année 2020.

Le baromètre montre que la commande publique a été fortementimpactée par la crise sanitaire de 2020. La commande publiqueaffiche une perte de 16 milliards d’euros par rapport à 2019, soit unebaisse de 18 %. Représentant désormais à 3 % du PIB, elle est à sonniveau le plus bas depuis 10 ans.

Au sein des donneurs d’ordres, ce sont les collectivités locales etleurs groupements qui ont été les plus affectés, et notamment lescommunes dont les achats chutent de 31 %. En revanche la part de lacommande publique des intercommunalités et syndicats progressefortement, notamment dans le domaine des marchés d’ingénierie : en2020, les intercommunalités concentrent 31 % de ces marchés, lessyndicats 15 %.

S’agissant de la destination de la commande publique, le baromètrerelève que les bâtiments publics restent la destination principale,tandis que l’aménagement connaît la plus forte baisse. S’agissant dela nature de la commande publique, la commande publique de

travaux est la plus affectée avec un recul de 7 milliards d’euros. Lesmarchés de services à l’inverse occupent une place croissante : leurpoids dans l’ensemble de la commande publique est passé de 28 %en 2012 à 41 % en 2020.

D’un point de vue géographique, la baisse qui affecte la commandepublique concerne tout le territoire, mais plus particulièrement l’axeEst.

Le baromètre souligne tout de même un redémarrage de lacommande publique au second semestre de 2020.JurisClasseur : Contrats et Marchés publics, fasc. 14 I. H.

AU MÉDIATEUR DES ENTREPRISES26 Remise du rapport d’évaluation pour le

développement du Label « Achats responsables »Source : www.economie.gouv.fr/files/2021-03/Rapport_MDE_Achats_Responsables_0.pdf

À la fin de l’année 2020, la Secrétaire d’État chargée de l’Économiesociale, solidaire et responsable avait donné au Médiateur desentreprises la mission de rédiger un rapport destiné à accompagner ledéveloppement du Label « Achats responsables ».

Ce rapport, remis le 31 mars 2021, rappelle que « l’approche de laRSE via la fonction Achat des acteurs économiques publics et privésest de nature à contribuer à la diffusion de la performance dans leschaînes d’approvisionnement ». Le label « relations fournisseurs etachats responsables », initialement créé en 2012, s’est depuis imposéen tant que dispositif permettant d’aider les organisations à structurerleurs démarches en matière d’achats responsables. Les auditionsmenées dans le cadre de l’élaboration du rapport ont confirmél’intérêt des parties prenantes pour un déploiement rapide et à largeéchelle de ce label, dans le contexte de la relance de l’économie suiteà la crise sanitaire.

Le rapport formule 39 recommandations pour accompagner ledéveloppement du Label « Achats responsables », qui pourront sedévelopper graduellement d’ici 2022. On trouve parmi ces recom-mandations : organiser le lancement de la nouvelle Charte Relationsfournisseurs et achats responsables (RFAR), engager dès 2021 tous lesministères dans la démarche de labellisation, engager également lesecteur hospitalier dans cette démarche, inciter les acheteurs publicsvia cette labellisation à valoriser les considérations sociales, environ-nementales ou de performance économique dans les conditionsd’attribution des marchés... On relèvera tout particulièrement troisrecommandations phares, mises en exergue par le communiqué depresse : viser l’objectif de 80 % des achats de l’État labellisés d’ici fin2022 (Prop. n° 3) ; intégrer dans les dossiers de consultation uneclause d’information à caractère incitatif promouvant le parcours dela Charte RFAR auprès des candidats et titulaires des marchés de l’État(Prop. n° 7) ; mettre à disposition des entreprises et des organisationspubliques un outil d’autodiagnostic en ligne afin de les inciter às’engager dans la démarche de labellisation (Prop. n° 20).JurisClasseur : Contrats et Marchés publics, fasc. 57 I. H.

AU CNRC27 Publication d’un Guide pratique pour un

approvisionnement durable et de qualitéSource : https://agriculture.gouv.fr/marches-publics-pour-la-restauration-collective-en-gestion-directe-un-guide-pratique-pour-un

Le Conseil national de la restauration collective a publié, en mars2021, un « Guide pratique pour un approvisionnement durable et dequalité » à destination des acheteurs de restaurations collectives engestion directe.

La restauration collective, avec environ 80 000 lieux de restaura-tion et 4 milliards de repas servis par an, est considérée comme unlevier pour garantir l’accès à tous à une alimentation de qualité etaccélérer la transition « agro-écologique ». Adoptée le 30 octobre2018, la loi n° 2018-938 dite « Egalim » comporte des mesuresconcernant la restauration collective publique comme privée. Elleprévoit notamment que, d’ici le 1er janvier 2022, les repas servis enrestauration collective devront comporter une part d’au moins 50%de produits de qualité et durables, dont au moins 20 % de produitsbiologiques (C. rur., art. L. 230-5-1).

© LEXISNEXIS SA - CONTRATS ET MARCHÉS PUBLICS - N° 5 - MAI 2021

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ALERTES

Ce Guide pratique pour un approvisionnement durable et dequalité a vocation à accompagner les acheteurs publics de larestauration collective en gestion directe dans la mise en œuvre deces dispositions. Il vise à leur proposer des pistes de réflexion pourdéfinir les stratégies et techniques d’achat intégrant ces obligations dela loi Egalim.

Le guide commence par rappeler le cadre juridique des achatsalimentaires pour la restauration collective publique. Il détaille dansune deuxième partie les préalables à la démarche d’achat : connaîtreles produits ciblés par la loi Egalim, connaître son besoin (réaliser undiagnostic du fonctionnement de la restauration collective),connaître l’offre disponible (réaliser un sourcing). La troisième partieporte sur la définition de la stratégie d’achat : définir une nomencla-ture interne, définir la procédure d’achat. Le guide détaille ensuite lesétapes de formalisation des marchés (allotissement des marchés,définition de la durée des marchés, vérification des seuils, simula-tions). Il propose en cinquième partie des pistes pour la rédaction despièces du marché : le guide décrit les différentes pièces du dossier deconsultation des entreprises et propose des exemples de « clausesspécifiques Egalim ».

Enfin, le guide insiste en conclusion sur l’importance du suivi de lamise en œuvre du marché, une fois ce dernier rédigé et attribué.JurisClasseur : Contrats et Marchés publics, fasc. 57

À L’OECP28 Chiffres 2019 du recensement économique de la

commande publiqueSource : https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/oecp/recensement/ppt-recensement%20chiffres%202019.pdf

L’Observatoire économique de la commande publique (OECP)publie chaque année les chiffres du recensement économique de lacommande publique, dans les conditions fixées par un arrêté du22 mars 2019.

Les chiffres pour l’année 2019 révèlent plusieurs tendances.D’abord, les statistiques du recensement pour l’année 2019 se

caractérisent par une amélioration très nette des données collectéespour les collectivités locales : l’OECP note une hausse de 52% parrapport à l’année 2018, tout en soulignant que ces donnéesnécessitent encore un redressement statistique.

L’augmentation du montant des marchés publics recensés estensuite souligné, montant qui s’élève à plus de 110 milliards d’eurosHT. Cette augmentation s’explique notamment par un redressementstatistique plus efficient.

Par ailleurs, la part des PME dans la commande publique est enhausse par rapport aux deux exercices précédents : elle s’élève à62 % en nombre et 32 % en valeur (ces parts étaient respectivementde 57,5 % et 29,4 % en 2017).

Enfin, l’OECP relève une amélioration de la qualité des donnéesconcernant les clauses sociales et environnementales. Les chiffresprésentés témoignent d’une progression des clauses sociales (àhauteur de 12,5 % en nombre et 17,3 % en valeur) et environnemen-tales (à hauteur de 15,8 % en nombre et 18,6 % en valeur) dans lescontrats déclarés par les acheteurs, par rapport à 2018.JurisClasseur : Contrats et Marchés publics, fasc. 14

BIBLIOGRAPHIE29 Code de l’expropriation 2021Source : boutique.lexisnexis.fr/10450-code-de-l-expropriation-2021

Dans la collection Codes bleus, LexisNexis publie la 18e édition duCode de l’expropriation, commenté par René Hostiou et disponibledepuis mars dernier.

Le code commenté :

La procédure d’expropriation autorise lapuissance publique à acquérir, indépendam-ment du consentement de leur propriétaire etmoyennant le paiement d’une indemnité quidoit être « juste et préalable », les biensimmobiliers indispensables à la réalisation dedivers objectifs, proclamés préalablementcomme étant d’utilité publique.

À travers le Code de l’expropriation, ce sontles relations, par essence, conflictuelles, entre

le droit de propriété, « inviolable et sacré », et les exigences propres àl’action publique, qui sont ici directement évoquées.

Touchant à la fois au droit de l’urbanisme et de l’aménagement, audroit des biens, au droit rural, au droit de l’environnement, au droitdu contentieux administratif et judiciaire, cet ouvrage s’adresse auxadministrations de l’État ainsi qu’aux collectivités locales, auxjuridictions administratives et judiciaires, aux professionnels du droit,aux étudiants, et, de manière générale, à tous ceux qui s’intéressentaux questions foncières et immobilières.

Cette 18e édition recouvre l’ensemble des sources du droit del’expropriation. Outre le Code de l’expropriation pour cause d’utilitépublique dans sa version issue de l’ordonnance n° 2014-1345 du6 novembre 2014 et du décret n° 2014-1635 du 26 décembre 2014,intégrant les dernières modifications législatives et réglementairesintervenues depuis cette dernière date, on y trouvera les différentstextes (lois, décrets, circulaires) qui complètent et actualisent ce codede même que les références aux décisions jurisprudentielles (Conseilconstitutionnel, Conseil d’État, Cour de cassation, Cour européennedes droits de l’homme) ainsi que les analyses doctrinales indispen-sables à la compréhension et l’interprétation de ce droit.

L’auteur :René Hostiou est agrégé des facultés de droit, professeur émérite de

l’université de Nantes.30 Code de la construction et de l’habitation 2021Source : boutique.lexisnexis.fr/10448-code-de-la-construction-et-de-l-habitation-2021

Dans la collection Codes bleus, LexisNexispublie la 26e édition du Code de la construc-tion et de l’habitation, commenté par Jean-Michel Berly et Pascal Gareau, et disponibledepuis mars dernier.

Le code commenté :Cette 26e édition du Code de la constructionet de l’habitation intègre notamment :– le décret du 24 décembre 2020 relatif àl’harmonisation et à la simplification despolices des immeubles, locaux et installa-tions ;

– l’ordonnance du 16 septembre 2020 relative à l’harmonisation età la simplification des polices des immeubles, locaux et installations ;

– le décret du 20 juillet 2020 relatif au système d’automatisation etde contrôle des bâtiments non résidentiels et à la régulationautomatique de la chaleur ;

– l’arrêté du 10 avril 2020 relatif aux obligations d’actions deréduction des consommations d’énergie finale dans des bâtiments àusage tertiaire ;

– le décret du 6 février 2020 relatif aux modalités de règlement duprix et à l’information du maître d’ouvrage de l’achèvement et de labonne exécution des éléments préfabriqués en cas de constructiond’une maison individuelle avec fourniture de plan et préfabrication ;

– l’ordonnance du 29 janvier 2020 relative à la réécriture des règlesde construction et recodifiant le livre Ier du Code de la construction etde l’habitation.

Les auteurs :Jean-Michel Berly est Senior Expert Real Estate Law, LEGAL

BNP-PARIBAS et professeur honoraire à l’ICH (CNAM).Pascal Gareau est directeur juridique et fiscal, membre de la

Délégation générale, Union nationale des fédérations d’organismesHLM, professeur à l’ICH (CNAM).

CONTRATS ET MARCHÉS PUBLICS - N° 5 - MAI 2021 - © LEXISNEXIS SA

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ALERTES

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1 Dossier spécial :réforme des CCAG

A la suite de la publication des nouveaux CCAGau Journal officiel du 1ier avril 2021, la revueIT/Contrats et Marchés publicsrevient, dans son

dossier spécial de mai, sur cette réforme au travers d’entre-tiens et d’articles pratiques pour chaque cahier des clausesadministratives générales

Les 6 nouveaux CCAG sont d’ores et déjà utilisables parles acheteurs publics. Une période transitoire est prévuejusqu’au 1ier octobre 2021, permettant de continuer à seréférer aux CCAG de 2009 en l’absence de précisionquant à la version applicable.

Gabriel ECKERT, Les nouveaux CCAG : perspectives générales : article 2

Entretien avec Laure BÉDIER, Réalisé par Hélène HOEPFFNER, Entretien avec Laure Bédier (DAJ Bercy) :article 3

Entretien avec Camille ROUX, Réalisé par Hélène HOEPFFNER, Entretien avec Camille Roux (FNTP) : article 4

Frédérique STÉPHAN, CCAG-Travaux 2021 : simplification ou complexité ? : article 5

Éric NIGRI, CCAG-FCS 2021 : un point d’étape entre mise à jour et réforme ? : article 6

Audrey MAUREL, Nouveau CCAG-TIC : une avancée vers plus de clarté et de sécurité dans l’exécution desmarchés : article 7

Claire IFFLI, CCAG-PI : article 8

Marie-Laure COLIN, Réforme du CCAG-MI : une confirmation du régime propre aux marchés industrielscomplété par de nouvelles clauses communes à plusieurs CCAG : article 9

Jean CORONAT, CCAG Maîtrise d’œuvre : une véritable nouveauté ? : article 10

Sylvia ISRAEL, Anne-Claire VIALA, Le régime des droits de propriété intellectuelle dans les nouveaux CCAG :article 11

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CONTRATS ET MARCHÉS PUBLICS - N° 5 - MAI 2021 - © LEXISNEXIS SA Dossier

2 Les nouveaux CCAG : perspectivesgénérales

Gabriel ECKERT,professeur de droit public,directeur de l’Institut de recherche Carré de Malberg

« Au bout de la patience, il y a le ciel », dit un proverbe toua-reg. Si la réforme des cahiers des clauses administratives géné-rales des marchés publics (CCAG) ne constitue qu’un trèsmodeste ciel, force est de constater qu’elle aura nécessité biende la patience. Engagée il y a plus de 2 ans, elle a abouti à l’adop-tion de six arrêtés ministériels, le 30 mars 2021, qui procèdentà la rénovation des cinq CCAG actuels, à savoir les CCAG-Travaux, Fournitures courantes et services, Techniques de l’infor-mation et de la communication, Prestations intellectuelles etMarchés industriels, et ajoutent un nouveau CCAG pour lesmarchés de maîtrise d’œuvre 1.

Soucieux de préserver l’entrée en vigueur des nouvelles dispo-sitions, fixée au 1er avril 2021, et cela malgré leur publication auJournal officiel du même jour, le Gouvernement a ajouté, dansce même numéro du Journal officiel, un décret autorisant, sur lefondement de l’article 1er du Code civil, leur « entrée en vigueurimmédiate à compter de leur publication ». En tout état de causeet pour laisser le temps nécessaire aux acteurs de la commandepublique de s’approprier les nouveaux textes, les arrêtésprécisent, sauf dans le cas du nouveau CCAG des marchés demaîtrise d’œuvre 2, que « les marchés publics qui se réfèrent aucahier des clauses administratives générales des marchés publics[...], pour lesquels une consultation est engagée ou un avisd’appel à la concurrence envoyé à la publication entre 1er avril2021 et le 30 septembre 2021, sont réputés faire référence aucahier des clauses administratives générales dans sa rédaction

antérieure au présent arrêté, sauf s’ils font expressément réfé-rence au présent arrêté » 3.

Les CCAG du 30 mars 2021 trouvent leur fondement dansl’article R. 2112-2 du Code de la commande publique, lequelrappelle qu’ils « fixent les stipulations de nature administrativeapplicables à une catégorie de marchés » et qu’ils sont « approu-vés par arrêté du ministre chargé de l’économie et des ministresintéressés ». D’origine réglementaire et constituant des actessusceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir 4,les CCAG ne constituent des pièces contractuelles que si lemarché s’y réfère expressément et dans la limite des dérogationsapportées par les pièces propres à ce contrat et notamment parson cahier des clauses administratives particulières 5.

L’instauration de tels documents-types, peu fréquente en droitdes concessions, est traditionnelle dans le domaine des marchéspublics. Elle remonte au « cahier des clauses et des conditionsgénérales imposées », élaboré en 1811 par le service des Pontset Chaussées, pour les marchés publics de travaux de l’État. À lafin des années 1970, quatre cahiers des charges, portant respec-tivement sur les marchés de travaux, les fournitures courantes etservices, les prestations intellectuelles et les marchés industriels,ont été adoptés par décrets 6. Modifiés à plusieurs reprises, cestextes ont fait l’objet d’une vaste réforme durant l’année 2009 quia conduit à l’adoption d’une nouvelle version des CCAG exis-tants et à l’ajout d’un nouveau CCAG dans le domaine des tech-niques de l’information et de la communication 7.

Ces réformes s’inscrivent plus dans un processus continu quedans une logique de rupture. Les CCAG font régulièrement

1. A. 30 mars 2021 portant approbation du cahier des clauses administrativesgénérales des marchés publics de fournitures courantes et de services : JO1er avr. 2021, texte n° 18. – A. 30 mars 2021 portant approbation du cahierdes clauses administratives générales des marchés publics de travaux : JO1er avr. 2021, texte n° 19. – A. 30 mars 2021 portant approbation du cahierdes clauses administratives générales des marchés publics industriels : JO1er avr. 2021, texte n° 20. – A. 30 mars 2021 portant approbation du cahierdes clauses administratives générales des marchés publics de prestationsintellectuelles : JO 1er avr. 2021, texte n° 21. – A. 30 mars 2021 portantapprobation du cahier des clauses administratives générales des marchéspublics de techniques de l’information et de la communication : JO 1er avr.2021, texte n° 22. –A. 30 mars 2021 portant approbation du cahier desclauses administratives générales des marchés publics de maîtrise d’œuvre :JO 1er avr. 2021, texte n° 23. V. également DAJ, Réforme des CCAG 2021,avr. 2021.

2. Pour ceux-ci l’entrée en vigueur du CCAG-MOE est immédiate puisquel’article 2 de l’arrêté du 30 mars 2021 énonce que les nouvelles dispositions« sont applicables aux marchés pour lesquels une consultation a été enga-gée ou un avis d’appel à la concurrence envoyé à la publication à compterde cette date » (1er avr. 2021).

3. Art. 3 des arrêtés portant approbation des CCAG. Les anciens CCAG ne sontdonc abrogés qu’à compter du 1er octobre ainsi qu’il ressort de l’article 2 desarrêtés précités.

4. CE, ass., 2 juill. 1982, n° 16692, Ordre national des architectes : Lebon,p. 255.

5. CE, 22 mars 1974, Banque A. de Saint-Phalle : Lebon, p. 211. – CE, sect.,27 mars 1998, n° 144240, Sté d’assurances La Nantaise et l’Angevineréunies : BJCP 1998, p. 100 ; RFDA 1998, p. 732, concl. C. Bergeal et obs.A. Bourrel. – V. également l’article 1er des différents CCAG.

6. IT/D. n° 76-87,21 jan. 1976 approuvant le CCAG applicable aux marchéspublics de travaux. – D. n° 77-699,27 mai 1977 approuvant le CCAG appli-cable aux marchés publics de fournitures courantes et de services. –D. n° 78-1306, 26 déc. 1978 approuvant le CCAG applicable aux marchéspublics de prestations intellectuelles. – D. n° 80-809, 14 oct. 1980 approu-vant le CCAG applicable aux marchés industriels.

7. IT/A. 19 jan. 2009 portant approbation du CCAG-FCS. – A. 8 sept. 2009portant approbation du CCAG-Travaux. – A. 16 sept. 2009 portant appro-bation du CCAG-PI. – A. 16 sept. 2009 portant approbation du CCAG-TIC.– A. 16 sept. 2009 portant approbation du CCAG-PI.

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l’objet de modifications et d’adaptations et, surtout, les diffé-rentes réformes sont menées au nom des mêmes objectifs etselon des modalités proches. Ainsi, en 2009 déjà, la réforme,menée en concertation avec les professionnels, ambitionnait« de simplifier et de rééquilibrer le dispositif contractuel » et, enparticulier, de soutenir les PME dans l’exécution des marchés 8.

La réforme de 2021 n’est donc, pour l’essentiel, que la conti-nuation des précédentes. Elle s’en singularise cependant parl’accent mis sur les ambitions politiques qu’elle porte, non seule-ment en terme de soutien aux PME, mais aussi, et plus encore,en matière de développement durable. Elle s’inscrit dans lesévolutions profondes du droit de la commande publique 9, ceque reflètent les modalités de la réforme et, plus encore, lecontenu des nouveaux textes.

1. Les modalités de la réformeQuelque peu bousculée par l’épidémie de Covid-19 et la mise

en place, en urgence, d’un droit spécial de la commandepublique, la préparation de la réforme s’est inscrite sur unepériode d’environ 2 ans. Plus encore que lors de la réforme de2009, elle a été marquée par le recours à une méthode « colla-borative et consensuelle » 10et par une certaine ambitioncommunicationnelle.

La réforme des CCAG a débuté au printemps 2019 comme unesuite logique de l’entrée en vigueur du nouveau code de lacommande publique. En effet, le travail de rénovation du droitde la commande publique devait être prolongé au sein des docu-ments contractuels types, pour des raisons de forme – commel’adaptation des anciennes références à la loi MOP ou à la loi surla sous-traitance – et pour des raisons de fond tenant à l’amélio-ration de l’efficacité de la commande publique. Elle a commencépar l’envoi d’un questionnaire à plus de trois cents acteurs de lacommande publique, acheteurs publics, entreprises, associa-tions d’élus, instances de conciliation, avocats et universitairesafin de susciter la réflexion sur l’intérêt des CCAG et de tracer despistes d’évolutions de leur architecture et de leur contenu. Cetteapproche des besoins de la pratique a été complétée par la priseen compte des travaux de l’Observatoire économique de lacommande publique (OECP) sur les achats innovants 11 etl’accès des PME à la commande publique 12 ou encore par laconsultation de la cellule d’information juridique sur l’achatpublic (CIJAP) qui conseille les acheteurs publics locaux. Cettepremière phase a permis de confirmer l’opportunité de laréforme et a d’emblée établi un consensus à propos de la créa-tion d’un nouveau CCAG Maîtrise d’œuvre et de l’introductiondans l’ensemble des CCAG de stipulations relatives à la propriétéintellectuelle et aux modes alternatifs de règlement des diffé-rends.

La réforme des CCAG ambitionnait cependant d’aller plus loindans la mesure où, comme la doctrine l’a souligné, elle tend à« penser les CCAG comme de véritables outils de politique

publique » 13 ou encore comme des « instruments de politiquepublique » 14. C’est dans cette perspective que s’inscrit la feuillede route tracée par la Secrétaire d’État auprès du ministre del’Économie et des Finances et chargée de l’Industrie, MadameAgnès Pannier-Runacher, lors de la conférence de lancement desgroupes de travail constitués en vue de la préparation de laréforme. Elle a mis l’accent sur des objectifs techniques, commela sécurisation des relations juridiques, ou traditionnels, à l’instardu rééquilibrage des rapports contractuels, mais aussi plus stra-tégiques et innovants, comme la promotion de la dématérialisa-tion de l’exécution des marchés ou le renforcement de la priseen compte des préoccupations de développement durable 15.

Dans ce cadre, les réflexions des groupes de travail, composésde praticiens et d’experts de l’achat public, ont porté, toutd’abord, sur des thèmes transversaux tenant notamment àl’architecture des CCAG, à la clause de propriété intellectuelle,à l’exécution financière des marchés, à leur dématérialisation età la prise en compte du développement durable. Puis desgroupes de travail ont été organisés sur les problématiquespropres à chaque CCAG. L’objectif de publication des résultatsde ces travaux au printemps 2020 a dû être repoussé dans lecontexte de la pandémie de Covid-19.

Ce n’est donc qu’au début de l’année 2021 qu’a été lancéel’ultime phase de ce processus de réforme, à savoir l’organisa-tion d’une vaste consultation électronique, sur le fondement del’article L. 131-1 du Code des relations entre le public et l’admi-nistration 16. Cette consultation s’est déroulée du 15 janvier au5 février 2021 et a permis le dépôt de 245 contributions, prove-nant essentiellement d’acheteurs publics (65 %) et, plus secon-dairement, d’opérateurs économiques (21 %) 17.

Les six nouveaux CCAG ont alors été approuvés par des arrê-tés du ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance etdes ministres intéressés en date du 30 mars 2021. Leur adoptionle même jour tend à marquer l’importance et l’unité de cetteréforme du régime d’exécution des marchés publics.

2. Le contenu des nouveaux CCAGLes six nouveaux CCAG sont marqués par un réel effort

d’amélioration des textes et, plus encore, par leur volonté destimuler l’engagement des acheteurs publics au soutien des poli-tiques publiques économiques, sociales et environnementales.En cela, elle s’inscrit pleinement dans les nouvelles orientationsdu droit de la commande publique.

A. - Les améliorations techniques des nouveauxCCAG

Bien que moins ambitieuses au plan politique, les améliora-tions introduites par les nouveaux CCAG n’en sont pas moinsessentielles, dans la mesure où elles contribuent à faciliterl’exécution des marchés publics ce qui est, rappelons-le, l’objec-tif premier de ces documents-types. Elles consistent dans l’enri-

8. IT/V. not. DAJ, Fiche Technique, CCAG applicable aux marchés de travaux,17 févr. 2011 – G. Clamour, Publication des CCAG-Travaux, MI, PI, TIC :Contrats-Marchés publ. 2009, comm. 345.

9. G. Eckert et P. Soler-Couteaux, La commande publique 20 ans après : d’uneexigence à l’autre ? : Contrats-Marchés publ. 2020, repère 10. – B. Koebel,Vers un achat public impérativement durable : Contrats-Marchés publ. 2021,repère 4.

10. B. Dingremont, Réforme des CCAG : 3 questions à... : Contrats-Marchéspubl. 2019, entretien 1.

11. OECP, Guide pratique de l’achat public innovant, mai 2019.12. IT/OECP, Guide pratique pour faciliter l’accès des TPE/PME à la commande

publique, juin 2019.

13. C. Frackowiak et C. Demas, Pour une révision ambitieuse des clauses admi-nistratives générales : BJCP 2019, p. 307.

14. E. Spitz, Que faut-il attendre de la réforme des CCAG ? : Contrats publ. 2020,p. 69.

15. Lettre de la DAJ, Les groupes de travail sur la réforme des CCAG sont lancés,26 sept. 2019, n° 280. – DAJ, Groupes de travail, Méthodologie et feuille deroute, sept. 2019.

16. Lettre de la DAJ, Lancement d’une consultation publique relative à la révi-sion des cinq CCAG et la création d’un sixième CCAG applicable auxmarchés de maîtrise d’œuvre, 28 janv. 2021, n° 310. – DAJ, Note de présen-tation, janv. 2021.

17. IT/DAJ, Synthèse de la consultation publique sur les projets de CCAG, avr.2021.

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CONTRATS ET MARCHÉS PUBLICS - N° 5 - MAI 2021 - © LEXISNEXIS SA Dossier

chissement des contenus et dans une meilleure adaptation àl’évolution des contextes.

1° L’enrichissement des contenus. – Bien que la simplificationdes règles constitue un objectif de toute réforme publiquecontemporaine, elle ne passe pas toujours par une réduction duvolume de celles-ci. C’est ce qu’illustre la révision des CCAG quia conduit à l’adoption d’un nouveau CCAG relatif aux marchésde maîtrise d’œuvre. Cette évolution était largement souhaitéepar les praticiens, jusqu’à présent contraints de renvoyer auxCCAG PI tout en accompagnant celui-ci de très nombreusesdérogations. Les discussions avaient également porté sur l’éven-tualité d’un CCAG propre aux marchés de conception-réalisation ou aux marchés globaux. Le débat a été tranché parle biais du nouveau préambule des CCAG, lequel autorise doré-navant, en cas de marché global, de faire référence à plusieursCCAG, tout en veillant à la mise en cohérence de ces différentsrenvois 18.

De même, tous les CCAG gonflent en volume passant de 51 à55 articles, dans le cas du CCAG-Travaux, ou de 39 à 46, pourle CCAG FCS. Mais la rédaction de nombre de ces clauses tendà être largement harmonisée, constituant ainsi un « tronccommun » des CCAG, ce qui en facilite l’utilisation et l’interpré-tation. C’est le cas des articles communs du chapitre 1er desCCAG, intitulé « Généralités », largement standardisés 19. Dansce cadre, les nouveaux CCAG reprennent, en la consacrant dansleur article 1er, la règle selon laquelle « le dernier article duCCAP, ou de tout autre document qui en tient lieu, contient laliste récapitulative des articles du présent CCAG auxquels il estdérogé » 20. La question de savoir si une dérogationnon-récapitulée dans le cahier des clauses particulières doit êtreréputée non-écrite a fait l’objet de prises de positions opposéesentre les opérateurs économiques et les acheteurs publics lors dela préparation des CCAG, lesquels n’ont, finalement, pas reprisexpressément une telle solution. Il n’est pas certain que cesilence suffise à trancher les hésitations jurisprudentielles sur laportée de telles dérogations 21.

D’autres clauses communes reflètent l’accent mis sur despréoccupations contemporaines. C’est le cas des nouvellesclauses de propriété intellectuelle, partagées entre tous les CCAGsauf celui relatif aux marchés de maîtrise d’œuvre, et visent àrépondre au constat selon lequel de telles questions se posentdans tous les contrats d’achat public 22. Il en est de même del’introduction dans tous les CCAG de dispositions portant sur lesmodes alternatifs de règlement des différends 23, à l’instar de laplace qui leur est donnée dans le code de la commandepublique 24. Or, jusqu’à présent, les CCAG ne comportaient quedes dispositions très limitées, se contentant le plus souvent derappeler la possibilité de saisir le comité consultatif de règlement

amiable 25. Les nouvelles dispositions indiquent que les parties« privilégient le recours à un comité consultatif de règlement àl’amiable, à la conciliation, à la médiation, notamment auprès dumédiateur des entreprises, ou à l’arbitrage, dans les hypothèseset les conditions prévues par le code de la commandepublique ». Il reste que le recours à de tels modes alternatifs derèglement des différends n’est pas sans poser de difficultés 26,tout particulièrement en cas de clause de conciliation ou demédiation obligatoire 27.

2° L’adaptation aux contextes. – Les améliorations techniquesapportées aux CCAG visent également à mieux les adapter auxcontextes dans lesquels ils s’inscrivent.

Au plan juridique, cela conduit à un toilettage des CCAG afinde tenir compte de l’entrée en vigueur du Code de la commandepublique et, plus largement, à l’intégration de certaines solutionsjurisprudentielles afin de renforcer la lisibilité des documents-types. C’est, par exemple, le cas de la clarification des liens entreles réserves émises lors de la réception des travaux et l’établis-sement du décompte du marché 28, de la notion de différend 29

ou encore des précisions apportées au contenu du mémoire enréclamation 30.

Au plan économique, la prise en compte des conséquences dela crise sanitaire a conduit les nouveaux CCAG à mettre l’accentsur l’anticipation et le traitement des conséquences résultant decirconstances imprévisibles, renforçant une nouvelle fois lesoutils mis à la disposition des acheteurs publics et des entreprisespour faire face à de telles situations 31. Il est notamment prévu,en cas de suspension décidée par l’acheteur public, que, « dansun délai adapté aux circonstances et qui ne saurait excéderquinze jours à compter de la décision de suspension des presta-tions, les parties conviennent des modalités de constatation desprestations exécutées et, le cas échéant, du maintien d’une partiedes obligations contractuelles restant à la charge du titulairependant la suspension » et que « dans un délai raisonnable, lesparties conviennent également des modalités de reprise del’exécution et, le cas échéant, des modifications à apporter aumarché et des modalités de répartition des surcoûts directementinduits par ces événements » 32. De même, les CCAGcomportent dorénavant une clause de réexamen du marché quidispose qu’« en cas de circonstance que des parties diligentes nepouvaient prévoir dans sa nature ou dans son ampleur et modi-fiant de manière significative les conditions d’exécution du

18. Les préambules des différents CCAG énoncent les règles suivantes : « Parprincipe, un marché ne peut se référer qu’à un seul CCAG. Toutefois, pardérogation à ce principe, en cas de marché global au sens de l’articleL. 2171-1 du Code de la commande publique, le maître d’ouvrage peut faireréférence à plusieurs CCAG. Dans ce cas, il devra veiller à assurer la parfaitecohérence entre les différentes clauses auxquelles il se réfère ».

19. Mais le CCAG-Travaux ne comprend pas de disposition générale sur la répa-ration des dommages équivalente à l’article 8 des autres CCAG.

20. IT/Conformément au CCP, art. R. 2112-3.21. IT/Sur les hésitations jurisprudentielles quant au traitement d’une telle déro-

gation, V. comm. sous CCP, art. R. 2112-3 du code commenté de lacommande publique : LexisNexis, 2e éd., 2021. –S’agissant de ce mêmedébat lors de l’adoption des CCAG de 2009, V. CCAG, V. Catherine Bergealrépond aux acheteurs publics : Contrats-Marchés publ. 2010, alerte 7.

22. CCAG-Travaux, art. 45 à 48. – CCAG-FCS, art. 34 à 37. – CCAG-TIC, art.42à 44. – CCAG-MI, art. 37 à 40. – CCAG-PI, art. 32 à 35.

23. Il s’agit d’un paragraphe du dernier article de chaque CCAG et not. art. 55.2CCAG-Travaux, art. 46.4 CCAG-FCS ou art. 35.4 CCAG-MOE.

24. CCP, art. L. 2197-1 à L. 2197-7

25. IT/V., par ex., art. 37 de l’ancien CCAG-PI. Dans l’ancien CCAG-FCS, celane figure que dans le comm. art. 37.3. Seul l’ancien CCAG-Travauxcomporte des dispositions plus détaillées faisant également référence aurecours à la conciliation et à l’arbitrage (art. 50.4 et 50.5).

26. IT/À propos de l’absence d’effet suspensif de la saisine du CCRA en cas derecours en contestation de la décision de résiliation d’un marché, CAAMarseille, 15 mars 2021, n° 20MA01853 : JurisData n° 2021-003545.

27. IT/À propos du pouvoir d’émission d’un titre de recette (CE, 28 janv. 2011,n° 331986, Dpt des Alpes-Maritimes : JurisData n° 2011-000725 ; Lebon T.,p. 1013 ; Contrats-Marchés publ. 2011, comm. 119, obs. P. Devillers. – RJEP2011, p. 30, concl. N. Boulouis. – CE, 12 oct. 2020, n° 431903, Cne Antibesc/ Sté Vert Marine : JurisData n° 2020-016203 ; Contrats-Marchés publ.2020, comm. 334, obs. G. Eckert ; BJCP 2021, p. 48, concl. M. Le Corre).

28. IT/CCAG-Travaux, art. 12.4.2.29. IT/CCAG-MOE, art. 35.1. – CCAG-FCS, art. 46.1. – CCAG-TIC, art. 54.1. –

CCAG-MI, art. 49.1. – CCAG-PI, art. 43.1.30. IT/CCAG-Travaux, art. 55.1.1. – CCAG-MOE, art. 35.2. – CCAG-FCS,

art. 46.2. – CCAG-TIC, art. 54.2 – CCAG-MI, art. 49.2. – CCAG-PI, art. 43.2.– V. not. CE, 26 avr. 2018, n° 407898, Communauté d’agglomérationToulon Provence Méditerranée : JurisData n° 2018-007171 ; Contrats-Marchés publ. 2018, comm. 158, obs. P. Devillers.

31. IT/V., plus largement, CCP, art. 2711-1 et issus de la L. n° 2020-1525, 7 déc.2020 d’accélération et de simplification de l’action publique.

32. CCAG-Travaux, art 53.3. – CCAG-MOE, art. 25.2. – CCAG-FCS, art. 24.2.– CCAG-TIC, art. 26.2. – CCAG-MI, art. 24.2. – CCAG-PI, art. 24.2.

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marché, les parties examinent de bonne foi les conséquences,notamment financières, de cette circonstance » 33.

Enfin, au plan technique, les nouveaux CCAG cherchent àfavoriser la dématérialisation de l’exécution des marchés, dansla prolongation de la dématérialisation de leur passation 34 et dela facturation des prestations 35. Ainsi, il est prévu que « la noti-fication des décisions, observations, ou informations qui fontcourir un délai est faite par tout moyen matériel ou dématéria-lisé permettant de déterminer de façon certaine la date et, le caséchéant, l’heure de sa réception » 36. Dans ce cadre et pour assu-rer le respect du règlement général sur la protection desdonnées 37, les CCAG rappellent que « chaque partie au marchéest tenue au respect des règles, européennes et françaises, appli-cables au traitement des données à caractère personnel éventuel-lement mis en œuvre aux fins de l’exécution du marché » etprécisent les informations que les documents particuliers dumarché doivent comporter lorsque le titulaire met en œuvre untraitement de données pour le compte de la personnepublique 38. Cette volonté d’inscrire l’exécution des marchésdans l’ère numérique illustre les ambitions politiques assignéesaux nouveaux CCAG.

B. - Les ambitions politiques des nouveaux CCAG

La prise en compte par les CCAG des politiques publiques quianiment la commande publique n’est pas nouvelle mais elle estcertainement plus marquée dans les nouveaux documents-types.Ceux-ci reflètent, en effet, la volonté, d’une part, d’équilibrer lesrelations contractuelles et de soutenir les PME et, d’autre part, defavoriser le développement durable.

1° Équilibrer les relations contractuelles et soutenir lesTPE/PME. – Les nouveaux CCAG modifient sur plusieurs pointsles règles relatives à l’exécution financière des marchés publicsafin d’améliorer la situation des opérateurs économiques.Certaines n’ont pas été sans susciter le débat, voire l’inquiétudedes acheteurs publics.

La première modification porte sur l’exigence de valorisationdes ordres de service ayant une incidence financière. C’est ainsique le CCAG-Travaux a été modifié 39 pour tenir compte desnouvelles exigences du Code de la commande publique, selonlequel « les prestations supplémentaires ou modificatives deman-dées par l’acheteur au titulaire d’un marché public de travaux quisont nécessaires au bon achèvement de l’ouvrage et ont une inci-dence financière sur le marché public font l’objet d’une contre-partie permettant une juste rémunération du titulaire ducontrat » 40. Surtout, la réforme des CCAG a fait le choixd’étendre cette garantie à l’ensemble des marchés, au-delà desexigences légales propres aux marchés de travaux. Il est doncaffirmé, de manière générale, que « le titulaire n’est pas tenu dese conformer à un ordre de service... lorsque cet ordre de service

n’a fait l’objet d’aucune valorisation financière » 41. Il reste que,pour les marchés autres que de travaux, les clauses particulièresdu contrat peuvent déroger à ces stipulations.

Une deuxième série de modifications concerne le régime despénalités. Il s’est notamment agi, sans revenir sur le caractère deplein droit des pénalités de retard, d’introduire une procédurecontradictoire permettant au titulaire de discuter des retardsinvoqués et de leur imputabilité dans un délai qui ne peut êtreinférieur à 15 jours 42 ou encore de limiter l’exigibilité del’ensemble des pénalités au cas où leur montant total est supé-rieur ou égal à 1 000 €. L’aspect le plus controversé de laréforme réside dans le plafonnement des pénalités, souhaité parle Gouvernement et fortement critiqué par les acheteurs publics,inquiets de voir leur pouvoir de sanctions pécuniaires érodé alorsqu’il a déjà été placé sous le contrôle du juge administratif quis’autorise à moduler le montant de ces pénalités s’il s’avéraitexcessif 43. La réitération de ces réserves lors de la consultationpublique a conduit les auteurs des nouveaux CCAG à limitercette réforme aux seules pénalités de retard. Les nouveaux CCAGdisposent dorénavant que « le montant total des pénalités deretard appliquées au titulaire ne peut excéder 10 % du montanttotal hors taxes du marché, de la tranche considérée ou du bonde commande » 44. À l’inverse, les nouveaux CCAG étendent lespossibilités pour les marchés de comporter des clauses incita-tives. C’est ainsi que le marché « peut prévoir des primes pourréalisation anticipée, soit de l’ensemble des prestations, soit decertaines parties des prestations ou d’ouvrages faisant l’objet dedélais particuliers ou de dates limites fixés dans le marché » 45.

En troisième lieu, les nouveaux CCAG incitent les acheteurspublics à soutenir les opérateurs économiques en favorisant lerecours aux avances afin de faciliter la trésorerie des petitesentreprises 46. Rappelons que l’acheteur public doit accorderune avance au titulaire lorsque le montant initial du marché estsupérieur à 50 000 € hors taxes et dans la mesure où le délaid’exécution est supérieur à 2 mois 47. Dans ce cas, l’acheteurpeut choisir entre deux options, étant entendu qu’en cas desilence du marché, c’est la première option qui trouve à s’appli-quer : l’option A prévoit un taux d’avance d’au minimum 20 %pour les PME et de 5 % pour les autres entreprises ; l’option Bprévoit l’application des taux minimaux prévus par le Code dela commande publique ou d’un taux supérieur fixé par lemarché. L’option A est une obligation pour l’État en applicationdes règles fixées par le Code de la commande publique 48. Elleest, par contre, une faculté pour les autres acheteurs publics ettémoigne de leur soutien à l’accès des petites entreprises à lacommande publique 49.

33. CCAG-Travaux, art. 54. – CCAG-MOE, art. 26. – CCAG-FCS, art. 25. –CCAG-TIC, art. 27. – CCAG-MI, art. 25. – CCAG-PI, art. 25.

34. IT/CCP, art. L. 2132-2.35. IT/CCP, art. L. 2192-1 et s., issus de L. n° 2019-486, 22 mai 2019 relative

à la croissance et la transformation des entreprises. – Sur la mise en œuvrede la facturation électronique, V. not. CCAG-Travaux, art. 12.6. – CCAG-FCS, art. 11.8. – CCAG-MOE, art. 11.10.

36. CCAG, art. 3.1.1.37. PE et Cons. UE, règl. (UE) 2016/679, 27 avr. 2016, relatif à la protection des

personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère person-nel et à la libre circulation de ces données : JOUE n° L 119, 4 mai 2016, p. 1.

38. CCAG, art. 5.2.39. IT/CCAG-Travaux, art. 13.1 et 13.6.40. IT/CCP, art. L. 2194-3 issu de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à

la croissance et la transformation des entreprises.

41. IT/CCAG-FCS, art. 23.4. – CCAG-MOE, art. 14.3. – CCAG-FCS, art. 25.4. –CCAG-PI, art. 13.4. – CCAG-MI, art. 23.4.

42. IT/CCAG-Travaux, art. 19.2.4. – CCAG-FCS, art. 14.1.1. – CCAG-MOE,art. 16.2.4. – CCAG-TIC, art. 14.1.1. – CCAG-PI, art. 14.1.1. – CCAG-MI,art. 15.1.1.

43. IT/CE, 29 déc. 2008, n° 296930, Office public d’habitations à loyer modéréde Puteaux : JurisData n° 2008-074702 ; Contrats-Marchés publ. 2009,comm. 40, obs. G. Eckert ; BJCP 2009, p. 123, concl. B. Dacosta.

44. IT/CCAG-Travaux, art. 19.2. – CCAG-FCS, art. 14.1.2. – CCAG-MOE,art. 16.2.2. – CCAG-TIC, art. 14.1.2. – CCAG-PI, art. 14.1.2. – CCAG-MI,art. 15.1.2.

45. CCAG-Travaux, art. 19.4.2. – CCAG-FCS, art. 15.2. – CCAG-MOE, art. 17.2.– CCAG-TIC, art. 15.2. – CCAG-MI, art. 16.2. – CCAG-PI, art. 15.2.

46. CCAG-Travaux, art. 10.1. – CCAG-MOE, art. 11.1. – CCAG-FCS, art. 11.1.– CCAG-TIC, art. 11.1. – CCAG-MI, art. 12.1. – CCAG-PI, art. 11.1.

47. CCP, art. R. 2191-3.48. CCP, art. R. 2191-7.49. Rappelons que la catégorie des micro, petites et moyennes entreprises (PME)

est constituée des entreprises qui occupent moins de 250 personnes et dontle chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros ou dont le totaldu bilan annuel n’excède pas 43 millions d’euros (art. 2 de la Recomman-dation de la Commission du 6 mai 2003 concernant la définition des micro,

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2° Favoriser le développement durable. – Reflets des préoccu-pations contemporaines qui animent de plus en plus fortementla commande publique, les nouveaux CCAG mettent l’accentsur le développement durable et, plus particulièrement, sur sesdimensions sociales et environnementales.

Les nouveaux CCAG comportent, tout d’abord, des disposi-tions très détaillées tendant à inciter et à faciliter la mise à lacharge du titulaire d’une action d’insertion permettant l’accès oule retour à l’emploi de personnes rencontrant des difficultéssociales et/ou professionnelles 50. Les CCAG précisent les moda-lités de mise en œuvre de ces actions et déterminent les publicsconcernés. Pour aider à la mise en œuvre de la démarched’insertion, ils prévoient que le titulaire peut bénéficier del’accompagnement d’un facilitateur identifié dans les pièces dumarché. Afin de garantir la bonne exécution de ces missions, ilest disposé que le titulaire désigne un correspondant opération-nel pour le suivi des actions d’insertion professionnelle et queleur exécution fait l’objet d’un contrôle, tout au long de l’exécu-tion des prestations. Ainsi, le titulaire, ou le cas échéant le faci-litateur, rédige un bilan final dans le mois précédant la fin del’exécution du marché. Enfin, en cas de non-respect de la claused’insertion sociale, le titulaire se voit appliquer une pénalitéforfaitaire, dont le montant est fixé par les documents particuliersdu marché, après mise en demeure restée infructueuse.

Les nouveaux CCAG comportent également une « clause envi-ronnementale générale » 51. Elle prévoit que « les documentsparticuliers du marché précisent les obligations environnemen-tales du titulaire dans l’exécution du marché » et que « ces obli-gations doivent être vérifiables, selon des méthodes objectives,et faire l’objet d’un contrôle effectif ». Soucieux de garantirl’effectivité de ces obligations environnementales, les CCAGajoutent que « le titulaire s’assure du respect par ses sous-traitantsdes obligations environnementales fixées par le marché » et,qu’en cas de non-respect de celles-ci, « le titulaire se voit appli-quer pour chaque manquement, après mise en demeure restéeinfructueuse, une pénalité dont le montant est fixé par les docu-ments particuliers du marché ». Les commentaires inclus dans

les CCAG précisent que les documents particuliers du marchépeuvent prendre en compte, sur l’ensemble du cycle de vie desproduits, ouvrages ou services, la réduction des prélèvementsdes ressources ; la composition des produits et notamment leurcaractère écologique, polluant ou toxique ; les actions en faveurdu réemploi, de la réutilisation, du reconditionnement, de l’inté-gration de matières recyclées et du recyclage ; les économiesd’énergie et le développement des énergies renouvelables ; laprévention de la production des déchets et leur orientation versdes filières de valorisation ; les pratiques environnementalesappliquées aux modalités d’exécution des prestations et, parti-culièrement, les politiques de réduction des émissions de gaz àeffet de serre et d’amélioration de la qualité de l’air ; la réduc-tion des impacts sur la biodiversité ou encore la sensibilisationdes intervenants aux problématiques environnementales liées àl’exécution du marché.

Il reste qu’en l’état actuel du droit de la commande publique,ces clauses environnementales et sociales doivent être en liensuffisamment direct avec l’objet ou les conditions d’exécutiondu marché 52. Cette exigence est, très certainement, amenée àévoluer, au moins sur le plan environnemental, dans le cadre del’adoption du projet de loi portant lutte contre le dérèglementclimatique et renforcement de la résilience face à ses effets 53,lequel prévoit notamment que « les conditions d’exécutionprennent en compte des considérations relatives à l’environne-ment » 54.

Bien que les nouveaux CCAG contribuent à préparer une tellemutation, le futur cadre législatif ne devrait entrer en vigueur quedans un délai qui pourra aller jusqu’à 5 ans. Il n’est pas certainque ce nouvel effort de patience augure d’un ciel dégagé des gazà effet de serre. ê

Mots-Clés : CCAG - Présentation de la réforme

petites et moyennes entreprises – (2003/361/CE) – n° C(2003) 1422 àlaquelle renvoie CCP, art. R. 2151-13).

50. CCAG-Travaux, art. 20.1. – CCAG-MOE, art. 18.1. – CCAG-FCS, art. 16.1.– CCAG-TIC, art. 16.1. – CCAG-MI, art. 17.1. – CCAG-PI, art. 16.1.

51. CCAG-Travaux, art. 20.2. – CCAG-MOE, art. 18.2. – CCAG-FCS, art. 16.2.– CCAG-TIC, art. 16.2. – CCAG-MI, art. 17.2. – CCAG-PI, art. 16.2.

52. CE, 25 mai 2018, n° 417580, Nantes Métropole : JurisData n° 2018-008660 ; Contrats-Marchés publ. 2018, comm. 155, obs. J.-P. Pietri.

53. Projet de loi n° 3875, rectifié, déposé devant l’Assemblée nationale le 10 févr.2021. – V. également le texte n° 3995, adopté par la commission spéciale,sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renfor-cement de la résilience face à ses effets.

54. Art. 15 du projet de loi modifiant l’alinéa 2 de l’article L. 2112-2 du Code dela commande publique. Au plan social, il est simplement prévu, par la mêmedisposition, que les conditions d’exécution du marché « peuvent égalementprendre en compte des considérations relatives à l’économie, à l’innovation,au domaine social, à l’emploi ou à la lutte contre les discriminations ».

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3 Entretien avec Laure Bédier (DAJ Bercy)Entretien avecLaure BÉDIER,directrice des affaires juridiques du ministère de l’Économie,des Finances et de la Relance

Réalisé parHélène HOEPFFNER,professeur à l’université Paris I – Panthéon-Sorbonne,membre du comité de rédaction de la revueContrats et Marchés publics

Quels sont les objectifs de la réforme des différents CCAG ?La réforme des CCAG poursuit plusieurs objectifs, à la fois defond et de forme. Les précédents CCAG datant de 2009, denombreuses adaptations étaient devenues nécessaires. Ainsi, ils’agissait à la fois d’actualiser les anciens CCAG vis-à-vis dudroit positif, pour prendre en compte les évolutions norma-tives, tant du droit national que du droit européen, intervenuesdepuis 2009 (on pourra notamment citer la mise en œuvre duRèglement général sur la protection des données – le RPGD –et l’entrée en vigueur du Code de la commande publique)mais également de mieux adapter les CCAG aux enjeuxactuels de l’achat public. À cet égard, de nouvelles stipula-tions ont été introduites pour faciliter la prise en compte despréoccupations sociales et environnementales, la dématériali-sation des échanges, renforcer la protection des donnéespersonnelles et instaurer un meilleur équilibre en faveur desentreprises, dans une période où elles ont été durablementtouchées par la crise, sans pour autant remettre en cause lesprérogatives des acheteurs au service de l’intérêt général.Si le calendrier de la réforme a été perturbé par la crisesanitaire, celle-ci a mis en évidence les limites des textes et desthéories jurisprudentielles pour faire face aux circonstancesimprévisibles, et la nécessité d’introduire, dans les documentscontractuels, des outils pour anticiper ces difficultés et faciliterle dialogue entre les parties sur les conséquences financièresde ces événements.

Quelles sont les principales modifications et innovationsintroduites par la réforme ?

Il faut différencier d’un côté les clauses « transversales »,c’est-à-dire les clauses, nouvelles ou modifiées, qui seretrouvent dans tous les CCAG et, de l’autre, les clausesspécifiques à chaque catégorie de marché. Sans entrer dans ledétail, parmi les innovations du côté des clauses « transver-sales », on peut citer la nouvelle disposition sur les avances,dont l’objectif est de renforcer l’attractivité des marchéspublics pour les TPE-PME, le plafonnement des pénalités deretard à 10 % du montant du marché, la réforme et lagénéralisation de la clause de propriété intellectuelle – àl’exception du CCAG maîtrise d’œuvre – la nouvelle clauserelative au développement durable, tant dans sa dimensionsociale qu’environnementale, ou encore les clauses desuspension et de réexamen en cas circonstances exception-nelles.Mais les clauses spécifiques ne sont pas en reste et proposentégalement des innovations importantes, telles le renforcementde la sécurité informatique dans les marchés d’informatique etde télécommunications, l’introduction du BIM dans le CCAGtravaux ou encore la reprise des jurisprudences sur la mentiondes réserves dans le décompte général et définitif ou sur lecontenu du mémoire en réclamation. En tout état de cause, lesacheteurs auront le temps de découvrir et de s’approprier cesnouveautés, puisqu’il est prévu une période transitoire

permettant aux acheteurs de continuer à se référer aux CCAGde 2009 jusqu’au 1er octobre 2021.

Les règles contenues dans les CCAG permettent-elles, dans leprolongement du Code de la commande publique, d’utiliserla commande publique comme un levier pour l’actionpublique ?

Compte tenu de son poids dans l’économie, la commandepublique constitue un levier privilégié pour atteindre desobjectifs de politique publique. On l’a vu dans le cadre desdébats parlementaires sur le projet de loi relatif à la lutte contrele dérèglement climatique et sur le projet de loi confortant lerespect des principes de la République. Le Code de lacommande publique met à disposition des acheteurs denombreux outils permettant d’inscrire leurs marchés dans despolitiques plus globales en matière d’innovation, d’emploi,d’insertion, ou d’environnement. Les CCAG ne pouvaientrester à l’écart de cette dynamique. À l’occasion du lancementdes groupes de travail en septembre 2019, la ministre avaitd’ailleurs fait du développement durable un axe majeur de lafeuille de route de ce chantier. Ainsi, les nouveaux CCAGcomplètent la boîte à outils des acheteurs pour un achat publicplus responsable et soucieux de son impact sur le tissuéconomique local.

Dans quelle mesure la formation de groupes de travailregroupant des acheteurs, des entreprises, des avocats et desadministrations a-t-elle contribué à influencer le contenu dela réforme ?

Il était très important pour nous d’associer étroitement tous lesacteurs concernés, acheteurs, entreprises, fédérations profes-sionnelles et experts. L’objectif était d’obtenir un outil, in fine,consensuel et efficace. La concertation a été le moteur de cechantier, à toutes ses étapes : après avoir envoyé un question-naire à nos interlocuteurs traditionnels destiné à recueillir lesbesoins des praticiens, nous avons constitué des groupes detravail ouverts à tous ceux qui souhaitaient s’investir dans laréforme et chargés de faire des propositions tant sur les thèmestransversaux que sur les clauses spécifiques aux différentescatégories de marchés. Le fruit de ces travaux a ensuite faitl’objet d’une consultation publique du 15 janvier au 5 février.Les 250 contributions reçues ont montré que ces nouveauxCCAG étaient très attendus par l’ensemble des partiesprenantes.Ces échanges ont été essentiels pour rédiger des clausesopérationnelles et adaptées aux besoins du terrain. Ainsi, lesclauses relatives à l’insertion, à la propriété intellectuelle, à laprotection des données à caractère personnel ou encore cellesur les circonstances imprévisibles tiennent pour beaucoup auretour d’expérience de ceux qui ont vocation à les mettre enœuvre. ê

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CONTRATS ET MARCHÉS PUBLICS - N° 5 - MAI 2021 - © LEXISNEXIS SA Dossier

4 Entretien avec Camille Roux (FNTP)Entretien avecCamille ROUX,directrice des affaires juridiques et européennes,Fédération nationale des travaux publics

Réalisé parHélèneHOEPFFNER,professeur à l’université Paris I – Panthéon-Sorbonne,membre du comité de rédaction de la revueContrats et Marchés publics

L’adoption du nouveau CCAG-Travaux répond-elle à uneattente des acteurs du secteur des travaux publics ?

À titre liminaire, il me semble utile de rappeler que laFédération nationale des travaux publics (FNTP) rassembleprès 8 000 entreprises et plus de 300 000 salariés. La part de lacommande publique dans le secteur des travaux publics est del’ordre de 70 %, ce qui fait du CCAG-Travaux un outil deréférence pour nos entreprises, qui le maîtrisent relativementbien.C’est en cela qu’il aurait pu être critiquable de le réviser, d’enmodifier quelque peu l’architecture et de fait la numérotationde ses articles.Aussi, la période transitoire du 1er avril 2021 au 1er octobre2021 prévue dans l’arrêté approuvant les CCAG s’avèreraessentielle.

Cette réforme vous paraît-elle, ainsi que cela est annoncé,rééquilibrer les relations contractuelles au profit des cocon-tractants de l’Administration ? Quels sont les points surlesquels la réforme aurait pu, selon vous, aller plus loin ?

Parmi les objectifs annoncés de cette réforme, était en effet misen exergue une volonté de rééquilibrer les relations contrac-tuelles en faveur des entreprises.Certaines mesures et dispositions en sont l’illustration même,dont celles ayant trait entre autres au dispositif par options miten place en matière d’avances, au plafonnement des pénalitésde retard, à l’introduction du contradictoire dans le cadre del’application des pénalités, aux acomptes sur approvisionne-ments, à la rémunération des travaux supplémentaires, auxnouvelles hypothèses de prolongation de délais. Il s’agissait làde propositions que la FNTP portait et défendait de longuedate.Par ailleurs, les nouveaux articles 53.3 (suspension du marchépour « circonstances imprévisibles ») et 54 (clause de réexa-men) sont accueillis très favorablement par la profession, dansun contexte sanitaire qui, depuis plus d’un an, déstabilisefortement nos entreprises. Ces dispositions, réclamées par lesecteur des travaux publics depuis la publication de l’ordon-nance n° 2020-319 du 25 mars 2020 sur la commandepublique, devraient permettre plus aisément le dialogue entreles opérateurs économiques et les acheteurs lors d’arrêts dechantier motivés par une interdiction ou une restriction depoursuite de l’activité et dans le cadre des discussions sur laprise en charge des surcoûts induits par ces circonstancesimprévisibles. L’année 2020, sur ces deux points, n’a pasréellement fait la démonstration de bonnes pratiques, côtémaîtrise d’ouvrage, en la matière, même si les situations ontété particulièrement hétérogènes d’un chantier à un autre, oud’une région à une autre.

Pour autant, ces nouvelles dispositions favorables aux entre-prises risquent d’être contrebalancées par la possibilité main-tenue pour les acheteurs de déroger à certaines dispositions duCCAG. Nous avions sollicité le maintien de la liste récapitula-tive des dérogations en fin de CCAP, la nullité de toutedérogation non récapitulée ainsi qu’un socle de dispositionsauxquelles il n’aurait pas été possible de déroger, à savoir lemécanisme de DGD tacite, le plafonnement des pénalitésainsi la « juste rémunération » des prestations supplémen-taires. Seule la liste récapitulative est maintenue... Il aurait étéjudicieux d’aller plus loin.Les pouvoirs publics auront donc un rôle prépondérant dansl’accompagnement des acheteurs et des opérateurs écono-miques. Le guide méthodologique attendu devrait en ce sensinviter les donneurs d’ordre à limiter les dérogations et à lesjustifier, ce qui serait de nature à limiter les abus en la matière.De l’avis de la FNTP, certains mécanismes, quant à eux,complexifient davantage la fluidité des échanges. Notamment,le nouveau processus d’émission des ordres de services,pouvant émaner du maître d’œuvre mais aussi dorénavant dumaître d’ouvrage, et la validation préalable de certains ordresde service du maître d’œuvre par le maître d’ouvrage, sans quel’on sache précisément le formalisme associé, sont autant denouveautés que nos entreprises devront appréhender. Endernière ligne droite, nous avions milité pour que l’entreprisene soit contrainte de notifier ses observations sur un ordre deservices qu’à celui qui l’avait émis (copie l’autre partie), c’estainsi que l’article 3.8 modifié est élaboré.Enfin, les nouvelles prescriptions de l’article 20 en matière dedéveloppement durable (clause d’insertion sociale et clauseenvironnementale), théoriques et peu opérationnelles,peuvent être perçues comme de nouvelles contraintes, voiremême des freins à l’innovation, et seront dans leur mise enœuvre, y compris par les acheteurs, sources de difficultés.

L’adoption d’un CCAG-Maîtrise d’œuvre vous paraît-elleopportune ?

Il était régulièrement reproché au CCAG-Travaux de ne passpécifier précisément le rôle et les missions dévolues au maîtred’œuvre. L’entreprise, étant étrangère aux relations contrac-tuelles entre le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre, ilapparaissait en effet utile que sa mission puisse être mieuxdéfinie.Nous avons fait part de notre déception lors de la premièreconsultation sur le CCAG-Maîtrise d’œuvre en ce qu’il selimitait à définir les prestations attendues du maître d’œuvresans la moindre articulation avec la CCAG-Travaux.Des correctifs ont été apportés, puisque la version définitivedu CCAG-Maîtrise d’œuvre rend contractuelles les disposi-tions du CCAG-Travaux « précisant le rôle du MOE dans lecadre de l’exécution des marchés de travaux ». ê

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5 CCAG-Travaux 2021 : simplification oucomplexité ?Frédérique STÉPHAN,juriste – Service Marchés,Fédération française du bâtiment

Les importantes évolutions intervenues depuis 2009 imposaient une mise en adéquation entre les CCAG etles directives européennes, le Code de la commande publique (CCP), la jurisprudence, les conditionsenvironnementales, l’insertion sociale, la facturation électronique, les droits de propriété intellectuelle, laprotection des données personnelles et même les crises sanitaires. Le but était aussi de créer uneuniformisation des articles entre les six CCAG précités et d’arriver à un équilibre entre les intervenants.

1 - La dernière réforme des cahiers des clauses administrativesgénérales (CCAG) Travaux, Prestations intellectuelles, Fourni-tures courantes et services, Marchés industriels, Techniques del’information et de la communication, datait de 2009.

Eté 2019, le ministère de l’Économie a lancé la refonte des cinqCCAG existants et en a créé un sixième pour les marchés demaîtrise d’œuvre, le CCAG Prestations intellectuelles s’avérantsouvent inadapté.

Un important travail de concertation a été mené avec lesmaîtres d’ouvrage, les fédérations professionnelles, les autresministères, les associations d’élus locaux, avant une consultationtous publics entre le 15 janvier et le 5 février 2021.

1. Publication des CCAG 20212 - L’arrêté du 30 mars 2021 portant approbation du cahier des

clauses administratives générales des marchés publics detravaux 1 prévoit plusieurs dates d’entrée en vigueur :

- ses dispositions entrent en vigueur le 1er avril 2021 et sontapplicables aux marchés pour lesquels une consultation estengagée ou un avis d’appel à la concurrence envoyé à la publi-cation à compter de cette date ;

- toutefois, les marchés publics qui se réfèrent au cahier desclauses administratives générales des marchés publics detravaux, pour lesquels une consultation est engagée ou un avisd’appel à la concurrence envoyé à la publication entre 1er avril2021 et le 30 septembre 2021, sont réputés faire référence aucahier des clauses administratives générales dans sa rédactionantérieure au présent arrêté, sauf s’ils font expressément réfé-rence au présent arrêté ;

- les marchés publics qui se réfèrent au cahier des clausesadministratives générales applicables aux marchés publics detravaux, pour lesquels une consultation a été engagée ou un avisd’appel public à la concurrence envoyé à la publication avantle 1er avril 2021, demeurent régis, pour leur exécution, par lesstipulations du cahier des clauses administratives générales danssa rédaction antérieure au présent arrêté 2 ;

- l’arrêté du 8 septembre 2009 modifié portant approbation duCCAG-Travaux 2009 est abrogé à compter du 1er octobre2021 3.

Les six arrêtés paraissant au Journal officiel du 1er avril 2021,jour de leur application, le ministère de l’Économie a dû déca-ler leur application.

Les maîtres d’ouvrage pourraient être tentés de conserver laréférence au CCAG-Travaux 2009 dans leurs documentscontractuels jusqu’au 30 septembre 2021. C’est une complexitésupplémentaire et une source de difficultés pour les entreprisesqui devront jusqu’au 30 septembre 2021 vérifier le texte quis’applique pour diverses dispositions (OS, actualisation des prix,insertion, déchets, etc.) et éviter les nouvelles forclusions duCCAG 2021.

2. Les dispositions générales du CCAG-Travaux

A. - Préambule3 - Le préambule, nouveauté pour le CCAG-Travaux, rappelle

dans son premier paragraphe qu’« il appartient au maîtred’ouvrage qui souhaite faire référence à un cahier des clausesadministratives générales (CCAG) de choisir celui qui est lemieux adapté aux prestations objet de son marché, et de faireexpressément référence à ce CCAG dans les documents particu-liers de son marché ».

Le préambule du CCAG-Travaux prévoit qu’il s’applique auxmarchés de travaux de l’article L. 1111-2 du CCP :

« Un marché de travaux a pour objet :1° Soit l’exécution, soit la conception et l’exécution de travaux

dont la liste figure dans un avis annexé au présent code ;2° Soit la réalisation, soit la conception et la réalisation, par

quelque moyen que ce soit, d’un ouvrage répondant auxexigences fixées par l’acheteur qui exerce une influence détermi-nante sur sa nature ou sa conception.

Un ouvrage est le résultat d’un ensemble de travaux de bâti-ment ou de génie civil destiné à remplir par lui-même une fonc-tion économique ou technique ».

Il est précisé que le CCAG n’est pas adapté aux maîtresd’ouvrage privés ; en pratique, lorsque le maître d’œuvre fait uncopié-collé de cahier des clauses administratives particulières(CCAP), cela entraîne des difficultés d’application et d’interpré-tations. On peut s’interroger sur la portée juridique de cettemention et donc de son utilité.

Le maître d’ouvrage ne peut se référer qu’à un seul CCAG saufen cas de marchés globaux de l’article L. 2171-1 du CCP(marchés de conception-réalisation, globaux de performance,globaux sectoriels).

1. A. 30 mars 2021 : JO 1er avr. 2021.2. A. 30 mars 2021, art. 3.3. A. 30 mars 2021, art. 2.

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CONTRATS ET MARCHÉS PUBLICS - N° 5 - MAI 2021 - © LEXISNEXIS SA Dossier

Le ministère de l’Économie a refusé un CCAG spécifique pourles marchés globaux, préférant que les maîtres d’ouvrage fassentréférence à plusieurs CCAG, en s’assurant « de la parfaite cohé-rence entre les différentes clauses auxquelles il se réfère ». Celan’est pas sans danger pour les acheteurs et les entreprises, car lerisque est grand d’écrire des dispositions contradictoires etd’oublier certaines autres nécessaires pour le chantier.

Mais « Dans le cas où certaines prestations secondaires doiventêtre régies par des stipulations figurant dans un autre CCAG quecelui désigné dans le marché, ce dernier doit reproduire, dans lecahier des clauses administratives particulières (CCAP) ou danstout autre document qui en tient lieu, les stipulations retenues,sans référence au CCAG dont elles émanent ».

Le nouveau CCAG rappelle que les commentaires figurant dansle CCAG n’ont pas valeur contractuelle, ce qui est depuis 2009la position du ministère de l’Économie.

B. - Champ d’application (art. 1)4 - Conformément au CCAP, le CCAG s’applique aux marchés

qui s’y réfèrent expressément et peut « déroger à certaines stipu-lations ». Le CCAG ne précise pas quelles sont celles auxquellesle maître d’ouvrage peut déroger et celles auxquelles il ne peutpas. Cela dépendra de leur nature d’ordre public ou pas.

Ces stipulations doivent- figurer dans le CCAP ou dans tout autre document qui en tient

lieu ;- préciser à quels articles du CCAG elles dérogent ;- être récapitulées dans le dernier article du CCAP, ou de tout

autre document qui en tient lieu.L’article 51 du CCAG-Travaux 2009 « Liste récapitulative des

dérogations au CCAG » est supprimé et intégré dansl’article 1er du CCAG.

La mention selon laquelle la dérogation qui n’aurait pas étédéfinie comme telle et récapitulée au dernier article du CCAPserait « réputée non écrite », a disparu du CCAG-Travaux en2009 et n’a pas été réintégrée : il n’est pas prévu de sanctions encas de non-récapitulation dans le dernier article du CCAP ou« dans tout autre document qui en tient lieu ».

C. - Dispositions communes aux six CCAG5 - Afin de sécuriser l’interprétation des CCAG, les clauses des

différents CCAG font l’objet d’une rédaction harmonisée pourla valorisation des ordres de service, les avances, la date de fixa-tion du prix de l’actualisation et de la révision des prix, la protec-tion intellectuelle, les modalités de remplacement du mandatairedu groupement d’opérateurs économiques défaillant dans sonrôle de mandataire, le plafonnement des pénalités de retard, leversement des primes, les difficultés rencontrées en cas de surve-nance de circonstances imprévisibles, la procédure du décomptegénéral et définitif tacite, le règlement des différends.

Cette harmonisation simplifiera le travail du maître d’ouvragevoulant faire référence à plusieurs CCAG : les stipulationscommunes ne seront pas contradictoires et il ne devra être atten-tif qu’aux autres.

D. - Modification de vocabulaire6 - Un des objectifs de modification des CCAG était de prendre

en compte des changements de vocabulaire intervenus lors dela transposition des directives européennes de 2014 (not. PE etCons. UE, dir. 2014/24/UE, 26 févr. 2014 sur la passation desmarchés publics).

« Pouvoir adjudicateur » est remplacé par « maître d’ouvrage »pour les CCAG-Travaux et Moe, « tranches conditionnelles » par« tranches optionnelles », « marchés à bons de commandes »par « accords-cadres à bons de commande », « décompte deliquidation » par « décompte de résiliation ». La notion de récep-

tion, procédure spécifique et importante, a été conservéeuniquement pour le CCAG-Travaux.

Le vocabulaire peut être un frein pour les PME et les TPE et uneharmonisation, voire sa simplification, ne peut que les aider dansl’exécution des prestations.

E. - Définitions (art. 2)7 - L’ordre de service est modifié pour tenir compte de la

nouvelle procédure sur l’établissement et l’objet de l’ordre deservice à l’article 3.8 : « l’ « ordre de service » est la décision dumaître d’œuvre ou du maître d’ouvrage qui précise les modali-tés d’exécution de tout ou partie des prestations qui constituentl’objet du marché ».

Le CCAP et le CCTP sont définis ainsi que le « cahier descharges BIM » et la « convention BIM ».

F. - Ordre de priorité (art. 4.1)8 - Apparaissent l’offre technique du titulaire (est-ce le

mémoire technique qui est ici visé ?) la contractualisation, sil’opération fait l’objet d’une démarche BIM, du cahier descharges BIM du maître d’ouvrage et de la convention BIM et sesévolutions successives.

G. - Protection des données à caractère personnel(art. 5.2)9 - Pour tenir compte des règles introduites par le règlement

(UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égarddu traitement des données à caractère personnel et à la librecirculation de ces données (RGPD), le CCAP doit préciser leséléments suivants dès lors que le titulaire met en œuvre un trai-tement de données à caractère personnel (art.5.2) :

- la finalité, la description et la durée du traitement ;- les obligations du maître d’ouvrage et du titulaire ;- les modalités de prise en compte du droit à l’information et

des autres droits des personnes concernées, dont l’exercice doitêtre facilité ;

- les mesures de sécurité mises en œuvre pour garantir l’inté-grité, la confidentialité et la disponibilité des données, ainsi queles conditions de notification des violations de données à carac-tère personnel ;

- la durée et les modalités de conservation des données et lesort de celles-ci au terme de l’exécution du marché.

Deux sanctions sont prévues :- les documents particuliers du marché précisent les pénalités

applicables au titulaire en cas de méconnaissance de la régle-mentation.

- le maître d’ouvrage peut résilier le marché pour faute en casde manquement par le titulaire ou son sous-traitant, à ses obli-gations légales et contractuelles relatives à la protection desdonnées personnelles.

3. Obligations des partiesA. - Ordres de service (art. 3.8)10 - Trois grands changements sont opérés dans cet article :- les ordres de service ne sont plus signés : pour le ministère de

l’Économie, il s’agit d’une mesure de simplification qui s’appli-quait déjà aux bons de commande (art. 3.7.1 du CCAG 2009repris en 2021) ;

- ils peuvent être émis par le maître d’œuvre et le maîtred’ouvrage (art. 2 et 3.8.1) ;

- « une validation préalable par le maître d’ouvrage » est exigépour les OS émis par le maître d’œuvre « entraînant une modi-fication des conditions d’exécution du marché notamment en

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termes de délai d’exécution, de durée et de montants »(art. 3.8.1, al. 2).

Un accord du maître d’ouvrage est notamment requis :- pour la détermination des prix nouveaux retenus pour le

règlement des travaux supplémentaires ou modificatifs(art. 13.4) ;

- la détermination des mesures à prescrire pour permettre dedéceler les vices de construction présumés (art. 39.1).

Lorsque le titulaire estime que les prescriptions d’un ordre deservice appellent des observations de sa part, il doit les notifierau maître d’œuvre et au maître d’ouvrage, dans un délai dequinze jours, à compter de la réception de l’ordre de service,sous peine de forclusion.

Si les observations, dûment motivées, notifiées par le titulairevisent à informer le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre qu’unordre de service présente un risque en termes de sécurité, desanté ou qu’il contrevient à une disposition législative ou régle-mentaire à laquelle le titulaire est soumis dans l’exécution desprestations objet du marché, le délai d’exécution de l’ordre deservice est suspendu jusqu’à la notification de la réponse dumaître d’ouvrage. En l’absence de réponse de ce dernier dans undélai de quinze jours, le titulaire n’est pas tenu d’exécuter l’ordrede service (art. 3.8.2).

La loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance etla transformation des entreprises (loi « Pacte ») a introduitl’article L. 2194-3 dans le CCP pour une valorisation des ordresde service en cas de prestations supplémentaires ou modifica-tives, et donc l’interdiction des OS à zéro euro.

Le CCAG reprend ces dispositions dans son article 3.8.6 (etdans les autres CCAG).

Le titulaire n’est pas tenu de se conformer à un ordre de servicementionné à l’article 13.1 lorsque cet ordre de service n’a faitl’objet d’aucune valorisation financière (art. 13.6).

Un tel refus d’exécuter opposé par le titulaire n’est toutefoisrecevable que s’il est notifié par écrit, avec les justificationsnécessaires, au maître d’œuvre, dans le délai de quinze jourssuivant la notification de l’ordre de service prescrivant les pres-tations. Une copie de la lettre de refus est adressée au maîtred’ouvrage.

B. - Assurance (art. 8)11 - Les assurances obligatoires ou facultatives à souscrire sont

détaillées pour le titulaire (art. 8.1) et le maître d’ouvrage(art. 8.2). S’agissant des assurances qui font l’objet d’une sous-cription par le titulaire, l’article 8.1.3 précise notamment lesattestations à fournir et les délais dans lesquelles elles doiventintervenir.

Sont clarifiées la souscription du contrat collectif de responsa-bilité décennale (CCRD) pour les gros chantiers (de plus de 15millions d’euros) et l’obligation d’informer l’entreprise du coûtprévisionnel total de l’opération de construction, honorairescompris (art. 8.1.2 dernier al.).

C. - Propriété intellectuelle12 - On pourra s’étonner du nombre impressionnant d’articles

sur ce sujet dans un CCAG-Travaux, mais uniformisation declauses l’exige (V. art. sur la clause PI : Contrats-Marchés publ.2021, dossier 8).

4. Clauses environnementalesA. - Clause d’insertion sociale (art. 20.1)13 - Le CCP prend en compte l’insertion des personnes éloi-

gnées de l’emploi tant au niveau des critères pour le choix del’offre économique la plus avantageuse (CCP, art. R. 2152-7)que dans l’exécution des prestations (CCP, art. L. 2112-2).

Le CCAG-Travaux introduit pour la première fois des clausesrelatives à l’insertion sociale pour l’exécution des prestations quidéterminent :

- le public éligible ;- les modalités de mise en œuvre de l’action d’insertion profes-

sionnelle du titulaire ;- les interventions du facilitateur ;- les cas d’exonération de l’application de la clause pour le titu-

laire ;- la globalisation des heures d’insertion dans un même bassin

d’emploi.Il est aussi prévu une pénalité forfaitaire dans trois cas

(art. 20.5) :- le titulaire se voit appliquer une pénalité forfaitaire dont le

montant est fixé par les documents particuliers du marché aprèsmise en demeure restée infructueuse. Lorsque le titulaire ainformé le maître d’ouvrage de difficultés dans la mise en œuvrede la clause en application de l’article 20, la pénalité nes’applique pas à la part des heures d’insertion initialementprévues pour lesquelles le maître d’ouvrage ou le facilitateur nesont pas parvenus à trouver un moyen pour le titulaire d’y recou-rir ;

- en cas d’absence injustifiée à une réunion de suivi de l’exécu-tion de la clause sociale d’insertion le titulaire se voit appliquer,après mise en demeure restée infructueuse de justifier sonabsence, une pénalité forfaitaire dont le montant est fixé par lesdocuments particuliers du marché ;

- en cas de non-transmission, ou transmission partielle, ouretard de transmission des documents et attestations propres àpermettre le contrôle de l’exécution de l’action d’insertionprofessionnelle (notamment justificatifs d’éligibilité des publicset justificatifs des missions confiées et heures réalisées), le titu-laire se voit appliquer, pour chaque manquement, et après avoirété mis en demeure d’y remédier, une pénalité forfaitaire dontle montant est fixé par les documents particuliers du marché.

B. - Clause environnementale générale (art. 20.2)14 - Les documents particuliers du marché (CCAP, CCTP etc.)

doivent préciser les obligations du titulaire en matière environ-nementale dans l’exécution du marché (art. 20.2.1).

Ces obligations doivent être vérifiables selon des méthodesobjectives et faire l’objet d’un contrôle effectif.

En commentaire de cet article, figure une liste non exhaustived’éléments que les acheteurs peuvent prendre en compte(composition des produits, la réduction des impacts sur la biodi-versité, les politiques de réduction des émissions de gaz à effetde serre et d’amélioration de la qualité de l’air, la gestion desdéchets...).

Il est également prévu que le titulaire doit s’assurer du respectde ces obligations par son sous-traitant.

Des pénalités pourront être appliquées, en cas de non-respectdes obligations environnementales. La mise en œuvre de cespénalités est néanmoins laissée à l’appréciation de l’acheteur,qui doit le préciser dans les documents particuliers du marché(art. 20.2.3).

C. - Gestion des déchets : contrôle et traçabilitérenforcés (art. 36.2)15 - L’article 36.2 du CCAG-Travaux de 2009 stipulait déjà que

le titulaire communiquait au maître d’ouvrage les élémentspermettant la traçabilité des déchets et les constats d’évacuationdes déchets ainsi que les bordereaux de suivi conformes à laréglementation pour les déchets dangereux.

Le CCAG 2021 maintient cette disposition, et impose au titu-laire de communiquer au maître d’ouvrage, pendant la périodede préparation du marché ou au plus tard deux mois à compter

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de la notification de celui-ci, un schéma d’organisation et degestion des déchets (SOGED) devant préciser la méthode miseen place par l’entreprise pour prévenir la production desdéchets ; la méthode de tri ; les installations de valorisation, detraitement et d’élimination des déchets entre autres.

Si l’entreprise ne produit pas l’ensemble des documentspermettant la traçabilité des déchets, elle pourra se voir appli-quées, après mise en demeure, des pénalités qui doivent êtreprévues dans les documents particuliers du marché.

5. Clauses financièresA. - Variation des prix (art. 9.4)16 - Avec l’essor des procédures négociées (négociation ou

dialogue compétitif) dans le CCP et donc la remise de plusieursoffres successives, le CCAG précise que la date à laquelle lecandidat a remis son prix dans l’offre est la date de remise del’offre finale par le titulaire.

Dorénavant, l’actualisation se fait en appliquant des coeffi-cients établis à partir d’un index, d’un indice ou d’une combi-naison d’entre eux correspondant à l’objet du marché, définisdans les documents particuliers du marché.

Contrairement au CCAG 2009, le CCAG-Travaux 2021 prévoitdésormais l’application de l’index lié à l’objet du marché à déter-miner par voie d’avenant dans le silence du contrat.

En cas de disparition de l’indice ou index de référence, celui-cipeut être remplacé par un autre indice ou index équivalent parvoie d’avenant.

B. - Avances (art. 10.1)17 - Le maître d’ouvrage a le choix entre deux options pour

fixer du montant de l’avance qui sera versée au titulaire lorsque,au regard du montant et de la durée du marché, le versementd’une avance est obligatoire (CCP, art. R. 2191-3).

L’option A prévoit l’application d’un taux d’avance de 20 %pour les PME et d’un taux d’avance correspondant au minimumréglementaire (soit 5 % du montant du marché) pour les autresentreprises, ou d’un taux supérieur fixé dans les documents parti-culiers du marché.

L’option B prévoit l’application des taux d’avances minimumsfixés par le CCP, ou des taux supérieurs fixés par les documentsparticuliers du marché. Si les documents particuliers du marchéne mentionnent pas l’option retenue, l’option A s’applique pardéfaut.

Pour les marchés passés par l’État, l’option A devra être choi-sie, puisque les PME ont un taux majoré minimal de 20 % (CCP,art. R. 2191-7).

C. - Approvisionnements (art. 10.4)18 - L’article 12.1.2 prévoit que le projet de décompte mensuel

comprend en tant que de besoin, les approvisionnements.« Chaque acompte reçu dans les conditions de l’article 11.2

comprend, s’il y a lieu, une part correspondant aux approvision-nements constitués en vue de travaux », et ne renvoie plus,comme le CCAG 2009, à la condition que les documents parti-culiers du marché prévoient les modalités de leur règlement.

Les approvisionnements « désignent les matériaux, produits oucomposants de construction constitués par le titulaire pourl’exécution des travaux objet du marché et dont la date decommande est postérieure à la notification du marché ».

De plus, « à l’appui de tout projet de décompte mensuelcomportant des approvisionnements, le titulaire produit :

- tout document justificatif mentionnant au minimum la date dela commande, la description précise des approvisionnements, lesquantités livrées ;

- les références des prix unitaires ou des prix forfaitaires concer-nés ».

Le titulaire est responsable de leur bonne garde, quel que soitle lieu de stockage, et prend les mesures adéquates pour s’assu-rer qu’ils ne seront pas endommagés, ni affectés à un autre usage.À défaut, il s’engage à constituer de nouveaux approvisionne-ments équivalents à ses frais et risques.

D. - Rémunération en cas de groupementd’opérateurs économiques (art. 10.7)19 - Les dispositions du CCAG 2009 sont inversées :- quel que soit la nature du groupement d’opérateurs écono-

miques conjoint ou solidaire, chaque membre du groupementperçoit directement les sommes se rapportant à l’exécution deses propres prestations ;

- toutefois, les documents particuliers du marché peuventprévoir, en cas de groupement solidaire, que le paiement esteffectué sur un compte unique ouvert au nom des membres dugroupement ou du mandataire.

E. - Demande de paiement final (art. 12.5)20 - L’article sur le décompte général tient compte de la juris-

prudence du Conseil d’État 4 :« Si des réserves émises à la réception des travaux ne sont pas

levées ou si le maître d’ouvrage a connaissance d’un litige oud’une réclamation susceptible de concerner le titulaire aumoment de la signature du décompte général, celui-ci est assortid’une mention indiquant expressément l’objet des réserves, dulitige ou de la réclamation. Cette mention n’est pas nécessaire-ment chiffrée et est sans incidence sur les éléments composantle décompte général. À défaut, lorsque le décompte général seradevenu définitif, le maître d’ouvrage ne pourra réclamer au titu-laire les sommes nécessaires à la levée des réserves ni appeler cedernier à le garantir des condamnations qui pourraient êtreprononcées à son encontre dans le cadre d’une procédurecontentieuse au titre des litiges ou réclamations dont il avaitconnaissance au moment de l’établissement du décompte. ».

F. - Facturation électronique (art. 12.6)21 - Lorsque le titulaire ou son sous-traitant admis au paiement

direct est tenu, en application du CCP, de transmettre lesdemandes de paiement sous forme électronique il les transmetselon les modalités prévues par ce même code. Les modalitéspratiques d’exécution sont prévues dans les documents particu-liers du marché.

La demande de paiement peut être refusée par le maîtred’ouvrage lorsque celle-ci méconnait les obligations de déma-térialisation des demandes de paiement à la charge du titulaireet de ses sous-traitants admis au paiement direct. Au préalable,le maître d’ouvrage doit avoir informé le titulaire et les sous-traitants admis au paiement direct, dans les conditions prévuesà l’article 3.1, de l’obligation à sa charge de transmission desdemandes de paiement sous forme électronique et l’avoir invitéà s’y conformer.

Lorsqu’un tiers au titulaire du marché est habilité à recevoir desdemandes de paiement, il est tenu, pour l’exercice de cettemission, de s’intégrer et de se conformer au portail de factura-tion utilisé par le maître d’ouvrage lorsque ce portail le permet.Les modalités pratiques d’habilitation des tiers pour accéder auxoutils ministériels sécurisés sont prévues dans les documentsparticuliers du marché.

4. CE, 12 juin 2019, n° 420031 : JurisData n° 2019-009989.

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G. - Pénalités de retard (art. 19.2)22 - Trois nouveautés apparaissent dans le CCAG 2021 :- le montant total des pénalités appliquées au titulaire ne peut

excéder 10 % du montant total hors taxes du marché, de latranche considérée ou du bon de commande (art. 19.1.2). ;

- lorsque le maître d’ouvrage envisage d’appliquer les pénali-tés de retard, constatées par le maître d’œuvre, il invite, par écrit,le titulaire à présenter ses observations dans un délai qui ne peutêtre inférieur à quinze jours. Le maître d’ouvrage précise lemontant des pénalités susceptibles d’être appliquées, le ou lesretards concernés ainsi que le délai imparti au titulaire pourprésenter ses observations. À défaut de réponse du titulaire, lemaître d’ouvrage applique les pénalités de retard (art. 19.2.4) ;

- si le maître d’ouvrage considère que les observations formu-lées par le titulaire en application du premier alinéa nepermettent pas de démontrer que le retard n’est pas imputableà celui-ci, les pénalités pour retard s’appliquent et sont calculéesà compter du lendemain du jour où le délai contractuel d’exécu-tion des prestations est expiré.

Le CCAG-Travaux instaure une incitation au dialogue : lesentreprises devront être attentives à cette nouvelle possibilité.

H. - Les mesures « Covid-19 » (art. 9.1.1 et 53.1)23 - En mars 2020, les entreprises ont dû arrêter les chantiers

et faire face aux nouvelles obligations législatives ou réglemen-taires dues à la pandémie : des ordonnances ont pallié unmanquement dans les dispositions existantes et sont « transpo-sées » dans le CCAG :

- la poursuite des travaux avec une évaluation de l’impactfinancier (art. 9.1.1) :

« En cas de modification imprévisible de la législation ou régle-mentation applicables en cours d’exécution du marché ayant unimpact sur les coûts, les parties conviennent de se rencontrerpour évaluer l’impact financier de cette modification et le caséchéant formaliser par voie d’avenant la modification renduenécessaire » ;

- la suspension des travaux avec les mesures pour le constat destravaux exécutés et la répartition des surcoûts entre l’entrepriseet le maître d’ouvrage (art. 53.3) :

« Lorsque la poursuite de l’exécution du marché est renduetemporairement impossible du fait d’une circonstance que desparties diligentes ne pouvaient prévoir dans sa nature ou dansson ampleur ou du fait de l’édiction par une autorité publique demesures venant restreindre, interdire, ou modifier de manièreimportante l’exercice de certaines activités en raison d’une tellecirconstance, la suspension de tout ou partie des travaux ou desprestations est prononcée par le maître d’ouvrage. Lorsque lasuspension est demandée par le titulaire, le maître d’ouvrage seprononce sur le bien-fondé de cette demande dans les meilleursdélais.

Dans un délai adapté aux circonstances et qui ne saurait excé-der quinze jours à compter de la décision de suspension destravaux ou des prestations, les parties conviennent des modali-tés de constatation des ouvrages, des parties d’ouvrages exécu-tées, des matériaux approvisionnés et des immobilisations dematériels et de personnels ainsi que, le cas échéant, du maintiend’une partie des obligations contractuelles restant à la charge dutitulaire pendant la suspension. Dans un délai raisonnable, lesparties conviennent également des modalités de reprise del’exécution et, le cas échéant, des modifications à apporter aumarché du fait de la suspension et des modalités de répartitiondes surcoûts directement induits par cette suspension.

À défaut d’accord entre les parties, le titulaire est tenu, à l’issuede la suspension, de reprendre l’exécution des prestations dans

les conditions prévues par le marché et le désaccord est réglédans les conditions mentionnées à l’article 55 ».

I. - Clauses de réexamen (art. 52)24 - Cette clause est introduite dans le CCAG.En cas de circonstance que des parties diligentes ne pouvaient

prévoir dans sa nature ou dans son ampleur et modifiant demanière significative les conditions d’exécution du marché, lesparties examinent de bonne foi les conséquences, notammentfinancières, de cette circonstance.

Le cas échéant, les parties conviennent, par avenant, des moda-lités de prise en charge, totale ou partielle, des surcoûts directe-ment induits par cette circonstance sur la base de justificatifsfournis par le titulaire. Il est tenu compte, notamment :

- des surcoûts liés aux modifications d’exécution des presta-tions ;

- des conséquences liées à la prolongation des délais d’exécu-tion du marché.

Le titulaire est tenu de demander en temps utile qu’il soitprocédé à des constatations contradictoires pour permettre aumaître d’ouvrage d’évaluer les moyens supplémentaires effec-tivement mis en œuvre.

Sont exclues de cette évaluation, les augmentations de prixprises en compte dans les index ou indices utilisés pour la révi-sion des prix du marché.

Les surcoûts pris en charge par le maître d’ouvrage peuventfaire l’objet d’une avance dans les conditions fixées par les docu-ments particuliers du marché ou dans l’avenant conclu en appli-cation du présent article

6. Règlement des différends et deslitiges (art. 55)

25 - Deux modifications pour le règlement des litiges :- Le contenu du mémoire en réclamation est précisé :« Tout différend entre le titulaire et le maître d’œuvre ou entre

le titulaire et le maître d’ouvrage doit faire l’objet, de la part dutitulaire, d’un mémoire en réclamation exposant les motifs dudifférend et indiquant, le cas échéant, pour chaque chef decontestation, le montant des sommes réclamées et leur justifica-tion. Ce mémoire est notifié au maître d’ouvrage et adressé encopie au maître d’œuvre ».

Le CCAG-Travaux prend en compte la jurisprudence duConseil d’État 5.

- Le maître d’ouvrage et l’entreprise sont fortement incités àavoir recours à un mode alternatif de règlement des différends :

« Lorsque le maître d’ouvrage et le titulaire ne parviennent pasà régler le différend à l’issue de la procédure décrite àl’article 55.1, ils privilégient le recours à un comité consultatif derèglement à l’amiable, à la conciliation, à la médiation, notam-ment auprès du médiateur des entreprises, ou à l’arbitrage, dansles hypothèses et les conditions prévues par le code de lacommande publique ».

Les dispositions du CCAG-Travaux 2021 assurent un meilleuréquilibre entre les parties, à condition que les maîtres d’ouvrage,du fait de la liberté contractuelle, n’y dérogent pas systématique-ment et que les entreprises restent vigilantes face aux nouveauxdélais de contestation. ê

Mots-Clés : CCAG - CCAG-Travaux

5. CE, 26 avr. 2018, n° 407898, Communauté d’agglomération ToulonPrévence Méditerranée : JurisData n° 2018-007171 ; Contrats-Marchéspubl. 2018, comm. 158, note P. Devillers.

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6 CCAG-FCS 2021 : un point d’étape entremise à jour et réforme ?

Éric NIGRI,avocat à la Cour

Après une longue période d’application de plus de 10 ans, le temps était venu de mettre à jour la version de2009 du CCAG-FCS. À côté des adaptations rendues nécessaires par l’évolution du cadre juridique de lacommande publique, le travail préparatoire a fait émerger aussi la nécessité d’introduire de nouvellesdispositions notamment pour répondre à des enjeux ciblés, parfois tirés de la crise sanitaire. À l’échelle duCCAG-FCS, la révision est cependant mesurée pouvant donner le sentiment d’un inachevé sur desthématiques persistantes ou plus actuelles.

1. Une mise à jour attendue par lesacteurs de la commande publiqueconfrontés à un environnement enévolution constante

1 - Le nouveau cahier des clauses administratives généralesapplicables aux marchés de fournitures courantes et de servicesa été approuvé par arrêté ministériel du 30 mars 2021 qui a faitl’objet d’une publication au Journal officiel le 1er avril 2021.

En substance, ce CCAG-FCS version 2021 :- effectue une actualisation pour intégrer les modifications

intervenues dans le droit de la commande publique (directivesUE sur les marchés publics de 2014, Code de la commandepublique du 1er avril 2019, jurisprudence administrative la plusrécente), et ;

- intègre par ailleurs de nouvelles dispositions, en nombrelimité, dont les finalités sont diverses : meilleure recherche d’unéquilibre entre les parties, approche plus intégrée notamment enmatière de développement durable, prise en compte des difficul-tés tenant à la période Covid).

Entrée en vigueur. – Les dispositions de l’arrêté du 30 mars2021 ont pris effet au 1er avril 2021 1. Elles sont applicables auxmarchés pour lesquels une consultation est engagée ou un avisd’appel à la concurrence envoyé à la publication à compter decette date. Toutefois, une période transitoire est fixée pour lesacteurs intéressés : entre le 1er avril et le 30 septembre 2021, lesmarchés publics qui se réfèrent au CCAG-FCS sont réputés faireréférence au CCAG dans sa version antérieure de 2009, sauf s’ilsfont expressément référence au nouveau CCAG-FCS. Pendantcette période d’adaptation de six mois, les acheteurs pourrontdonc continuer à avoir recours au CCAG-FCS 2009 s’appliquantpar défaut.

Champ d’application matériel. – Le CCAG-FCS 2021s’applique aux marchés publics de fournitures courantes ou deservices passés par les acheteurs publics soumis au Code de lacommande publique. Son nouveau préambule précise qu’il n’estpas adapté aux acheteurs privés. À la suite des contributions

reçues dans le cadre de la consultation publique, il définit queles fournitures courantes sont celles « pour lesquelles l’acheteurn’impose pas de spécifications techniques propres au marché »(CCP, art. R. 2112-10). Entrent notamment dans cette catégorieles fournitures standards, normalisées ou achetées sur catalogue.Il est rappelé classiquement que l’application du CCAG(document-type) est facultative : il appartient aux acheteurs, pourle marché considéré, de s’y référer ou pas. Dans le préambule,il est aussi maintenu d’une part, le principe de référence à un seulCCAG (sauf exception pour les marchés globaux) et d’autre part,l’obligation de faire figurer la liste des dérogations éventuellesau CCAG au sein du dernier article du CCAP du marché public 2.

Enfin, le préambule apporte la précision utile que les« commentaires » figurant dans les articles du CCAG-FCS 2021n’ont aucune valeur contractuelle (alors même que le CCAP dumarché se référerait au nouveau CCAG-FCS).

Actualisation de notions-clé. – Dans le travail de mise à joursouligné plus haut, la nouvelle version du CCAG utilise désor-mais les termes d’« acheteur » pour désigner le pouvoir adjudi-cateur 3 et remplace les termes « tranches conditionnelles » par« tranches optionnelles » 4 ou « marchés à bons decommandes » par les termes « accords-cadres à bons decommande » 5. Il ne s’agit que d’ajustements rédactionnels sansimpact sur le fond au regard de la pratique actuelle.

Mise en cohérence avec la jurisprudence administrative. –Plus substantiellement, le CCAG-FCS 2021 s’adapte aux évolu-tions récentes des décisions du Conseil d’État. Tel est le cas enparticulier :

- s’agissant des droits à indemnisation pour l’entreprise titu-laire d’un accord-cadre sans minimum. – La jurisprudenceadministrative a posé le principe selon lequel dans l’hypothèseoù le montant minimum garanti dans les documents contractuelsn’est pas atteint, le titulaire peut prétendre à être indemnisé dela perte du bénéfice net dont il a été privé sur les commandes

1. A. 30 mars 2021, art. 3.

2. CCAG-FCS, art.1.3. CCAG-FCS, art. 2.4. CCAG-FCS, art. 10.1.2 ; art. 13.1.3.5. CCAG-FCS, art. 3.7.5.

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manquantes pour atteindre ce minimum 6. En d’autres termes,dans cette forme de marchés publics, le manque à gagner pourl’entreprise ne revêt un caractère certain qu’en ce qu’il porte surce minimum garanti.

L’article 3.7.5 du nouveau CCAG-FCS rappelle ces principesgénéraux d’indemnisation en cas d’accord-cadre à bons decommande (mono-attributaire) en cas de non-atteinte du mini-mum. Pour plus de clarté, il a été préféré les termes de « margenette » à ceux de « marge bénéficiaire » figurant dans l’ex-article38 du CCAG-FCS 2009. Il incombe à l’entreprise d’apporter àl’acheteur public les justificatifs, notamment comptables,permettant de déterminer cette marge nette ;

- concernant la notion de différend dans le cadre de la réso-lution des litiges. – La définition de cette notion est importantecar l’apparition du différend constitue le point de départ du délaiimparti au titulaire pour présenter à l’acheteur son mémoire enréclamation, sous peine de forclusion. En effet, le non-respect parl’entreprise de cette formalité rend son recours juridictionnel irre-cevable 7. Dans une décision du 22 novembre 2019 8, le Conseild’État a précisé que : « L’apparition d’un différend... résulte, enprincipe, d’une prise de position écrite, explicite et non équi-voque émanant de l’acheteur et faisant apparaître le désaccord.Elle peut également résulter du silence gardé par l’acheteur à lasuite d’une mise en demeure adressée par le titulaire du marchél’invitant à prendre position sur le désaccord dans un certaindélai. En revanche, en l’absence d’une telle mise en demeure, laseule circonstance qu’une personne publique ne s’acquitte pas,en temps utile, des factures qui lui sont adressées, sans refuserexplicitement de les honorer, ne suffit pas à caractériser l’exis-tence d’un différend au sens des stipulations précédemmentcitées ». En cohérence avec cette jurisprudence récente,l’article 46.1 du CCAG-FCS 2021 reprend donc cette définitionen indiquant qu’au sens de cet article, l’apparition du différendrésulte selon le cas, soit d’une prise de position écrite, expliciteet non équivoque émanant de l’acheteur et faisant apparaître ledésaccord, soit du silence gardé par l’acheteur à la suite d’unemise en demeure adressée par le titulaire l’invitant à prendreposition sur le désaccord dans un délai qui ne saurait être infé-rieur à 15 jours, soit (cas particulier) de l’absence de notificationdu décompte de résiliation dans le délai mentionné àl’article 43.5 du CCAG.

En commentaire, il est donc mentionné qu’en l’absence d’unetelle mise en demeure, la seule circonstance que l’acheteur nes’acquitte pas, en temps utile, des factures qui lui sont adressées,sans refuser explicitement de les honorer, ne suffit pas à carac-tériser l’existence d’un différend au sens des stipulations préci-tées du CCAG-FCS.

Ainsi, en cas d’impayés, il est important d’envoyer à l’acheteurune mise en demeure préalable avec un délai de régularisationd’au moins 15 jours. À l’échéance, faute de règlement, l’exis-tence d’un différend pourra alors être caractérisée. Il appartien-dra à l’entreprise de transmettre à l’acheteur, dans les 2 moissuivant l’apparition de ce différend, son mémoire en réclama-tion 9 avant d’engager le cas échéant une procédure de référé-provision en l’absence de contestation sérieuse sur le montantdes factures impayées.

L’absence de décision de l’acheteur dans le délai de 2 moissuivant la réception du mémoire en réclamation vaut rejet decelle-ci 10.

Par ailleurs, le nouveau CCAG précise davantage le contenudu mémoire en réclamation afin de sécuriser l’entreprise. Dansla version de 2009, l’article 37.2 mentionne qu’il doit exposerles motifs et indiquer s’il y a lieu le montant des sommes récla-mées. Désormais, aux termes de l’article 46.2 du nouveauCCAG-FCS, le mémoire doit exposer « précisément les motifs(du) différend » et indique le cas échéant « pour chaque chef decontestation, le montant de sommes réclamées et leur justifica-tion ». Cette exigence est constante, et le Conseil d’État l’arappelé récemment à propos d’une réclamation au sens duCCAG-PI : « Considérant qu’un mémoire du titulaire d’unmarché être regardé comme une réclamation (au sens de ceCCAG) que s’il comporte l’énoncé d’un différend et expose defaçon précise et détaillée les chefs de la contestation en indiquantd’une part les montants des sommes dont le paiement estdemandé et d’autre part les motifs de ces demandes, notammentles bases de calcul des sommes réclamées » 11 ;

- concernant le régime de l’exécution par défaut. L’exécutionaux frais et risques du titulaire (l’achat pour compte dans lesmarchés publics hospitaliers) est la sanction coercitive parlaquelle, en cas de défaillance du titulaire, décide de faire exécu-ter le contrat par un tiers (le plus souvent un concurrent). Ilincombe au titulaire défaillant de supporter le différentiel de prixéventuel résultant du marché de substitution passé avec le tiersdépanneur.

L’article 45 (ex-art. 36) du CCAG-FCS 2021 met à jour cepouvoir exorbitant de l’acheteur pour se conformer à la décisionrécente rendue par le Conseil d’État 12. Il est jugé notamment quela conclusion de marchés de substitution, destinée à surmontercette défaillance, est possible même en l’absence de toute stipu-lation du contrat le prévoyant expressément, en raison de l’inté-rêt général qui s’attache à l’exécution des prestations. Cette sanc-tion coercitive peut être mise en œuvre en dehors de toutemesure préalable de résiliation du marché avec l’entreprisedéfaillante et pas seulement en cas de résiliation. Le Conseild’État a ajouté que cette règle de l’exécution aux frais et risquesrevêt le caractère d’une règle d’ordre public 13.

Ainsi, le CCAG-FCS prévoit que lorsque le titulaire n’a pasdéféré à une mise en demeure de se conformer aux stipulationsdu marché ou aux ordres de service, ou en cas d’inexécution parce dernier d’une prestation qui, par sa nature, ne peut souffriraucun retard, l’acheteur public peut décider de recourir àl’exécution par défaut. Cette décision de faire exécuter tout oupartie des prestations par un tiers doit être notifiée au titulaire parl’acheteur 14. S’il y a lieu, le titulaire peut être autorisé par ordrede service de l’acheteur à reprendre l’exécution du marché s’iljustifie des moyens nécessaires à cette fin dans le délai prévu parle CCAP ou, à défaut, dans le délai de 3 mois suivant la notifi-cation de la décision d’exécution aux frais et risques. S’il n’a pasété autorisé à reprendre l’exécution du marché dans ce délai, ilest indiqué que le marché est de plein droit résilié pour faute dutitulaire. Il semble regrettable d’avoir prévu un délai maximal de3 mois seulement pour régulariser la situation ainsi qu’une rési-

6. V. not. : CE, 10 oct. 2018, n° 410501, Sté du Docteur Jacques Franc : Juris-Data n° 2018-017392 ; Contrats-Marchés publ. 2018, comm. 266, noteW. Zimmer. – Pour un rappel plus récent, V. les concl. de S. Roussel sur CE,11 déc. 2020, n° 427816, Sté COPRA Méditerranée.

7. V. not. : CE, 16 déc. 2009, n° 326220, Sté d’architecture Groupe 6 : Juris-Data n° 2009-016881 ; Contrats-Marchés publ. 2010, comm. 88, note J.-P.Pietri.

8. CE, 22 nov. 2019, n° 417752, Éts Paris La Défense : JurisData n° 2019-021112 ; Contrats-Marchés publ. 2020, comm. 44, note J. Dietenhoeffer.

9. CCAG-FCS, art. 46.2.

10. CCAG-FCS, art. 46.3.11. CE, 26 avr. 2018, n° 407898, Sté EMTS et Envéo Ingénierie : JurisData

n° 2018-007171 ; Contrats-Marchés publ. 2018, comm. 158, noteP. Devillers.

12. CE, 18 déc. 2020, n° 433386, Sté Treuils et Grues Labor : JurisData n° 2020-020571 ; Contrats-Marchés publ. 2021, comm. 74, note H. Hoepffner.

13. Pour plus de détail : V. la Fiche Pratique professionnelle du même auteur,L’achat « pour compte » en questions ? : Contrats-Marchés publ. 2021, prat.3.

14. CCAG-FCS, art. 45.1.

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liation automatique du marché à cette échéance, là où les partiesauraient pu encore discuter pour décider de la meilleure marcheà suivre en fonction de la situation. Dans tous les cas (résiliationpréalable ou non du marché), il aurait été souhaitable dementionner que l’exécution par défaut n’est pas applicable encas de circonstances extérieures exceptionnelles. L’article 45.2nouveau du CCAG-FCS ajoute que le marché de substitutionpeut avoir pour objet de commander des prestations « équiva-lentes », lorsqu’il n’est pas possible à l’acheteur de se procurer,dans des conditions acceptables, des prestations exactementconformes à celles du marché initial. Enfin, le CCAG introduit,en cohérence avec la décision précitée du Conseil d’État, que lemarché de substitution doit être transmis « pour information » autitulaire défaillant 15. Il est cependant dommage que le CCAG-FCS ne soit pas allé plus loin en prévoyant les modalités opéra-tionnelles garantissant un suivi effectif du marché de substitutionavec le tiers dépanneur, mais aussi en amont de la conclusiondudit marché afin que l’acheteur s’assure que le prix qu’il aaccepté pour la fourniture de remplacement demeure raison-nable.

Dispositions nouvelles. – Le CCAG-FCS 2021 comprend enfinune série de modifications nouvelles au terme des 18 moins deconcertation avec les acteurs de la commande publique. Ellessont cependant limitées.

Respect de la protection des données à caractère personnel.– L’article 5.2 du CCAG-FCS 2021 s’adapte aux modificationsintervenues en matière de règlementation sur le traitement dedonnées à caractère personnel. L’objectif est d’assurer la mise encohérence avec les exigences découlant du règlement (UE)2016/679 du 27 avril 2016 dit « RGPD ». Il est rappelé, à ce titre,que l’acheteur est considéré comme « le responsable du traite-ment » au sens du RGPD en tant qu’autorité publique détermi-nant les finalités et les moyens du traitement de données. Le titu-laire du marché est généralement considéré comme le « sous-traitant » au sens du RGPD en tant que personne traitant desdonnées à caractère personnel pour le compte de l’acheteur.Lorsqu’il y a lieu (car un marché de fournitures proprement ditne peut donner lieu à sous-traitance en principe), le sous-traitantdu marché est considéré comme le « sous-traitant ultérieur » ausens du RGPD en tant que personne à qui le titulaire peut faireappel pour mener des activités de traitements spécifiques.

Plafonnement des pénalités de retard. – Compte tenu dusurcoût engendré pour le titulaire pouvant rencontrer des diffi-cultés temporaires d’exécution, cette mesure était attendue desopérateurs économiques. L’article 14.1.2 du CCAG-FCS 2021indique désormais que le montant total des pénalités de retardne peut excéder 10 % du montant total hors taxes du marché, dela tranche considérée ou du bon de commande. En outre, auxtermes de l’article 14.1.3 suivant, le titulaire est exonéré despénalités dont le montant total ne dépasse pas 1 000 € pourl’ensemble du marché. Il est souhaitable que les acheteurs nedérogent pas à ce mécanisme de plafonnement. Une procédurecontradictoire est aménagée avant la fixation définitive des péna-lités de retard : l’article 14.1.1 prévoit que lorsque l’acheteurenvisage d’appliquer des pénalités de retard, il invite par écrit letitulaire à présenter ses observations dans un délai de 15 jours.L’invitation doit préciser le montant des pénalités susceptiblesd’être appliquées, le ou les retards concernés ainsi que le délaiimparti au titulaire pour présenter ses observations.

Primes pour réalisation anticipée des prestations. – L’article15 du CCAG-FCS 2021 est clarifié concernant le versement deces primes au profit du titulaire. Le marché public peut prévoirun intéressement sous forme de primes en cas de réalisation anti-

cipée soit de l’ensemble des prestations soit de certaines desprestations faisant l’objet de délais particuliers ou de dateslimites. Dans ces cas, le CCAP doit préciser « les conditionsd’attribution ainsi que les modalités de calcul et de verse-ment » 16. Le CCAG-FCS aurait pu prévoir d’autres formes d’inté-ressement, par exemple des primes à la performance financièreou technique.

À cet égard, il est rappelé que le Code de la commandepublique n’a pas repris les dispositions précédentes du décretn° 2016-360 du 25 mars 2016 qui prévoyaient des clauses inci-tatives plus larges 17.

Plus de développement durable. – Le CCAG-FCS 2021 se metici au service du développement durable pour renforcer lesenjeux environnementaux et sociaux dans l’exécution desmarchés publics 18. Pour l’essentiel, des clauses environnemen-tales sont introduites notamment pour fixer des obligations (dontles manquements peuvent être sanctionnés par des pénalités) enmatière de transport, d’emballage et de gestion des déchets 19.Une clause d’insertion sociale est aussi insérée, dont la finalitéest de permettre aux acheteurs d’associer plus facilement lespersonnes éloignées de l’emploi à l’exécution des prestations desmarchés publics 20.

Prestations supplémentaires ou modificatives. – L’article 23 dunouveau CCAG-FCS prévoit un dispositif, plus sécurisé pour letitulaire, en cas de prescription par ordre de service de l’ache-teur de prestations supplémentaires ou modificatives en cours demarché. Il est organisé un système de valorisation financière deces nouvelles prestations par « prix provisoires » avec davantagede contradictoire auprès de l’entreprise. Lorsque le marché n’apas anticipé de prix pour ces prestations supplémentaires oumodificatives demandées par l’acheteur, l’ordre de service fixeprovisoirement les prix nouveaux pour le règlement de ces pres-tations. Ces prix provisoires, arrêtés par l’acheteur après« consultation du titulaire », doivent permettre une juste rému-nération de ce dernier 21. Le titulaire est réputé avoir accepté lesprix provisoires si dans les 30 jours suivant l’ordre de serviceprescrivant les prestations en cause et lui indiquant ces prix, iln’a pas présenté d’observations à l’acheteur en mentionnant, touten le justifiant, les prix qu’il propose. En cas de désaccord,l’acheteur règle provisoirement les sommes qu’il admet 22. Sil’ordre de service précité n’a fait l’objet d’aucune valorisationfinancière par l’acheteur, le titulaire n’est pas tenu de s’y confor-mer. En commentaire, il est précisé que ces modificationsdemandées par l’acheteur ne peuvent ni changer l’objet dumarché, ni modifier substantiellement les caractéristiques tech-niques de l’offre présentée par le titulaire lors de la mise enconcurrence.

Difficultés en temps de crise. – Les perturbations rencontréesdans l’exécution des marchés durant la crise de la Covid-19 ontmis en évidence la nécessité de prévoir des clauses permettantaux parties d’anticiper la conduite à tenir en cas d’apparition de« circonstances imprévisibles » rendant impossible ou plusonéreuse l’exécution du marché. Tel est l’objet des clauses énon-cées à l’article 24 du nouveau CCAG-FCS, qui envisagent lesmodalités de suspension ou de poursuite des prestations en cescirconstances particulières et prévoient aussi les conditions deréexamen des conséquences financières en découlant.

15. CCAG-FCS, art. 45.3.

16. CCAG-FCS, art. 15.1.17. CCAG-FCS, art. 17.18. CCAG-FCS, art. 16.19. CCAG-FCS, art. 20.20. CCAG-FCS, art. 16.1.21. CCAG-FCS, art. 23.3.22. CCAG-FCS, art. 23.3.

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Cette nouvelle clause vient donc compléter les outils déjà exis-tants dans la commande publique en pareilles situations :

- les mesures spéciales de l’ordonnance n° 2020-319 du25 mars 2020 prise lors de la première période de confinement,qui sont toujours mobilisables le cas échéant « pour les contratsen cours ou conclus jusqu’au 23 juillet 2020 inclus » 23, et ;

- les dispositions pérennes introduites dans le Code de lacommande publique à la suite de la loi Asap, permettant pardécret (sur le modèle des mesures spéciales de l’ordonnanceprécitée) de mettre en œuvre un dispositif d’adaptation des règlesdes marchés publics en cas de « circonstances exceptionnelles »(CCP, art. L. 2711-1 à L. 2711-8).

Fixation d’un délai de recours contentieux. – Enfin,l’article 46.5 du nouveau CCAG-FCS introduit, pour les récla-mations auxquelles a donné lieu le solde du marché, un délai derecours de 2 mois, à compter de la notification de la décisionexpresse prise par l’acheteur sur son mémoire en réclamation oude la décision implicite de rejet le cas échéant, pour porter sondifférend devant le juge administratif compétent. Passé ce délaide 2 mois, le titulaire est réputé avoir accepté la décision del’acheteur.

2. Une réforme à « demi-mesure »laissant des problématiques ensuspens

2 - Si elle intègre des avancées à saluer, la révision du CCAG-FCS semble encore timide. Des autres difficultés pratiques netrouvent pas d’écho dans les nouvelles dispositions publiées. Ilest possible que ces problématiques soient en cours de réflexionou n’aient pas fait l’objet d’un consensus suffisant à ce stade. Iln’est pas exclu aussi qu’elles trouvent leur place dans les dispo-sitions générales du Code de la commande publique, et ne sesituent pas nécessairement dans le ressort de l’arrêté ministérielapprouvant le CCAG. Ce dernier point serait toutefois discutable.

Encadrement de l’évolution du périmètre de l’acheteur public.– L’accord-cadre est un système dit « fermé ». Du côté de l’ache-teur public, cela signifie que seul ce dernier désigné dans lemarché peut en principe bénéficier des termes et conditions del’accord-cadre, et par conséquent son extension à d’autres ache-teurs n’est autorisée que sous réserve de respecter les conditionsposées par la CJUE 24 :

- un acheteur peut rejoindre un accord-cadre déjà conclu s’ila été « clairement désigné » comme bénéficiaire potentiel dansla mise en concurrence ;

- l’acheteur doit annoncer les quantités prévisionnelles de sonaccord-cadre, y compris celles concernant ses bénéficiairespotentiels.

Cependant, il arrive que des centrales d’achat intervenantnotamment dans le secteur des produits de santé fixent dans lescahiers des charges des modalités très générales permettantl’extension d’un accord-cadre à tout nouveau bénéficiaire adhé-rant à la centrale et cela sans nécessairement préciser aux opéra-teurs intéressés une estimation des besoins globaux de lacentrale. Trop souvent encore, les quantités estimatives rensei-gnées comportent une quantité de « 1 » voire « 0 » dans certainscas, sans lien avec les besoins réels de la centrale (y incluant sesbénéficiaires potentiels). Ces pratiques contribuent à fragiliser lescapacités potentielles de l’entreprise alors qu’il n’y a pas demontant maximum fixé ni un plafonnement des volumes suscep-

tibles de commander les bénéficiaires potentiels de la centraleau-delà duquel le titulaire est autorisé à refuser.

L’article 2 du CCAG-FCS 2021 définit l’« acheteur » comme le« pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice qui conclut lemarché avec le titulaire ». Il aurait pu être saisi l’occasion d’enca-drer davantage les contours de la partie publique au contrat, etles conditions de l’évolution éventuelle de son périmètre encours de marché, dans le respect de la jurisprudence précitée dela CJUE.

Règles d’attribution des bons de commande entre pluri-attributaires. – Le Code de la commande publique énonce que :« L’émission des bons de commande s’effectue sans négociationni remise en concurrence préalable des titulaires, selon desmodalités prévues par l’accord-cadre » (CCP, art. R. 2162-14).Les pratiques des acheteurs ne sont pas uniformes. Il arrive queles modalités d’attribution des commandes soient définies soitde manière succincte laissant un pouvoir discrétionnaire àl’acheteur, soit sur la base d’une méthode n’éliminant pas lerisque d’arbitraire ou discutable sur le plan des règles de concur-rence. Comme le CCAP d’un accord-cadre pourra se référer auCCAG-FCS version 2021, ce dernier aurait pu, dans le butd’harmoniser et de se sécuriser les pratiques, définir lui-mêmedes modalités répondant aux critères de transparence, d’objec-tivité et de non-discrimination. La ou les méthodes retenues–conformes à ces critères– pouvaient prendre la forme d’options.

Refus d’exécuter une commande irrégulière. – Le principegénéral est que : « Le titulaire se conforme aux bons decommande qui lui sont notifiés, que ceux-ci aient ou non faitl’objet d’observations de sa part » 25. Il semble donc que si le titu-laire estime que le bon de commandes reçu est irrégulier, il doit,pour protéger ses droits, transmettre à l’acheteur ses observationsdans les 15 jours de la réception de la commande, mais il n’estpas pour autant dispensé de l’exécuter. Il ne devrait en allerautrement que lorsque le CCAG-FCS prévoit explicitement le casoù le refus d’exécuter est légitime, comme par exemple en casd’ordre de service sans aucune valorisation financière des pres-tations supplémentaires ou modificatives demandées par l’ache-teur 26. Il est regrettable que les auteurs du CCAG n’aient pasclairement mentionné que les bons de commande engagent« sous réserve de leur régularité » la responsabilité contractuelledu titulaire opposant un refus d’exécuter.

Impayés. – Le paiement du prix constitue l’obligation princi-pale de l’acheteur, en contrepartie de la fourniture reçue. Cepen-dant, il découle des règles générales applicables aux contratsadministratifs que le titulaire doit poursuivre l’exécution, mêmesi l’acheteur refuse de payer la facture ou est en retard de paie-ment. Lorsque les impayés sont importants, cela peut mettre endifficulté l’entreprise même si elle peut engager une procédurede référé-provision en l’absence de contestation sérieuse. Afinde protéger les droits des entreprises, le CCAG-FCS 2021 auraitpu s’inspirer de la clause prévue à l’article 53 du nouveauCCAG-Travaux prévoyant la possibilité d’une interruption destravaux après deux acomptes successifs impayés.

Enjeux de souveraineté nationale. – Après la Covid-19, l’indé-pendance, la souveraineté et la sécurisation des approvisionne-ments en France ont été érigées comme l’une des priorités duPrésident de la République dans son quinquennat, comme larelocalisation des productions en France ou dans l’Union euro-péenne. On aurait pu s’attendre à ce que le nouveau CCAG sesaisisse de cette thématique pour introduire des mesures en cesens dès lors que les marchés de fournitures peuvent être lesupport à des productions ou approvisionnements intéressant

23. V. Rép. min. n° 34737 : JOAN 23 févr. 2021, p. 1704 ; Contrats-Marchéspubl. 2021, comm. 129, obs. B. Koebel.

24. CJUE, 19 déc. 2018, aff. C-216/17 : Contrats-Marchés publ. 2019,comm. 79, note W. Zimmer.

25. CCAG-FCS, art. 3.7.3.26. CCAG-FCS, art. 23.4.

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des biens essentiels ou des intérêts stratégiques. Si l’articleL. 2112-4 du Code de la commande publique permet aux ache-teurs d’« imposer que les moyens utilisés pour exécuter tout oupartie d’un marché, pour maintenir ou pour moderniser lesproduits acquis soient localisés sur le territoire des États membresde l’Union européenne afin, notamment,...d’assurer la sécuritédes approvisionnements », ces dispositions générales pouvaientfaire l’objet dans le CCAG de modalités pratiques aux fins desatisfaire les objectifs d’intérêt général énoncés.

Régulation du prix des marchés de substitution. – L’exécutionaux frais et risques expose sérieusement le titulaire défaillant 27.

En particulier, la pratique de l’achat pour compte dans le secteurhospitalier fait peser un risque financier important pour l’entre-prise défaillante : les prix facturés par les fournisseurs ayantconclu un marché de substitution peuvent représenter jusqu’à30 fois le prix du marché. Ces situations peuvent être sources decontestations de la part du défaillant. Aucun mécanisme decontrôle a priori du prix appliqué par le tiers dépanneur n’a étéprévu. Un plafonnement de ce prix semble être une voie à privi-légier pour éluder le risque de prix anormal ou excessif. ê

Mots-Clés : CCAG - CCAG-FCS

27. CCAG-FCS, art. 45 nouveau.

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7 Nouveau CCAG-TIC : une avancée vers plusde clarté et de sécurité dans l’exécutiondes marchés

Audrey MAUREL,avocate

La refonte du CCAG-TIC a été guidée par plusieurs objectifs parmi lesquels l’insertion de dispositionsinnovantes permettant à la fois de renforcer la sécurité informatique dans les marchés publics, de stabiliserles relations entre les parties et d’harmoniser le cadre contractuel général applicable aux marchés publics.Cette réforme tient ainsi compte des évolutions juridiques propres au droit de la commande publique maiségalement des nouveaux besoins des acheteurs dans le domaine informatique et des télécommunications.

1 - Qu’on le rappelle, le CCAG-TIC issu de l’arrêté du16 septembre 2009 s’est imposé au regard de la spécificité desmarchés suivants : fournitures de matériels informatiques ou detélécommunication, fournitures de logiciels commerciaux,études et de mise au point de logiciels spécifiquement conçuset produits pour répondre aux besoins particuliers d’un acheteurpublic, élaboration de systèmes d’informations, prestations demaintenance, de tierce maintenance applicative et d’infogé-rance ; marchés traités auparavant dans le CCAG-FCS maisinadapté au domaine des technologies, de l’information et descommunications (TIC).

2 - Le CCAG-TIC avait alors pris le soin d’apporter un certainnombre de définitions propres au secteur concerné, parmilesquelles l’usage du terme « logiciel », lui-même décliné enlogiciels « standards » et « spécifiques », ou encore du terme« application », faisant référence à un ensemble de logicielsnécessaires pour l’exécution d’une tache donnée 1.

3 - Aujourd’hui, le CCAG-TIC a été réformé avec l’objectifd’améliorer la sécurité des systèmes d’information et prévoit desinnovations permettant de mieux adapter la clause de propriétéintellectuelle aux résultats qui sont des logiciels, de mieux défi-nir certains concepts utilisés dans les marchés de TIC, et de préci-ser la liste des documents du marché 2.

4 - Il ressort en effet de la synthèse de la consultation publiquesur les projets de CCAG publiée par la DAJ de Bercy que lescontributeurs ont souhaité une modernisation du CCAG-TIC,afin de le rendre plus opérationnel et de tenir compte decertaines problématiques, tels les projets complexes, la cyber-sécurité, ou encore le cloud computing.

5 - Néanmoins, avant de s’arrêter sur certaines clauses propresau CCAG-TIC, on notera que celui-ci a été impacté par uncertain nombre de dispositions nouvelles communes à d’autresCCAG et sur lequel il faut s’arrêter.

1. Des modifications communes auxautres CCAG pour une meilleureharmonisation des règlesapplicables aux acheteurs

6 - En premier lieu, si le Code de la commande publique (CCP)n’impose plus de fixer la hiérarchie des pièces contractuelles, lenouveau CCAG-TIC (comme le nouveau CCAG-Travaux ouMaîtrise d’œuvre) précise toujours l’ordre de priorité des piècesen n’abordant cette fois l’offre financière du titulaire que sousl’angle de l’annexe à l’acte d’engagement et non en fin dehiérarchie des pièces (art. 4). De même, la dématérialisation desfactures – obligatoire depuis 2018 – est désormais insérée à deuxreprises à l’article 11.8 pour rappeler la réglementation relativeà la facturation électronique et précise ainsi que « la demandede paiement peut être refusée par l’acheteur lorsque celle-ciméconnait les obligations de dématérialisation des factures à lacharge du titulaire et de ses sous-traitants admis au paiementdirect ». Il est donc conseillé aux acheteurs de bien indiquer lesmodalités pratiques de mise en place de la facturation électro-nique et les préalables techniques dans le CCAP du marché.

7 - En second lieu, le CCAG-TIC a fait l’objet d’une actualisa-tion sur la base du droit positif. Ainsi, et conformément auxdispositions de l’article L. 2111-1 du CCP qui imposent auxacheteurs de prendre en compte « des objectifs de développe-ment durable dans leurs dimensions économique, sociale et envi-ronnementale » au stade de la détermination de la nature et del’étendue des besoins à satisfaire, l’article 16 du CCAG introduitune clause d’insertion sociale et une clause environnementaleque l’acheteur pourra préciser dans le CCAP ou le CCTP dumarché.

8 - En troisième lieu, et afin d’assurer un meilleur équilibre desrelations contractuelles, le mécanisme de pénalités de retardprévu à l’article 14.1 du CCAG a été revu avec un plafonnementà 10 % du montant du marché, de la tranche considérée ou dubon de commande. À cela s’ajoute le fait que « le titulaire estexonéré des pénalités dont le montant total ne dépasse pas1 000 € pour l’ensemble du marché ». Toutefois et afin de

1. RLDI 1er avr. 2010, n° 59.2. V. présentation de la réforme des CCAG publiée par la Direction des affaires

juridiques de Bercy en avril 2021.

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renforcer le dialogue entre les parties et de limiter la survenancede différends, l’article 14.1.1 impose le contradictoire à l’ache-teur lorsque ce dernier envisage d’appliquer des pénalités deretard, avec un délai de réponse de quinze jours accordé au titu-laire. À noter toutefois que s’il s’agit là d’une précision nouvelledans le document, rare étaient en pratique les cas où les ache-teurs sanctionnaient leur cocontractant de manière arbitrairesans tenter de comprendre les raisons du manquement constaté.

Toujours dans cette même optique, l’article 25 du CCAG exigedésormais un ordre de services prescrivant des prestationssupplémentaires et modificatives, avec l’obligation de fixerprovisoirement les prix nouveaux retenus pour le règlement deces prestations. L’article 55.5 rappelle quant à lui l’ensemble desmodes alternatifs de règlement des différends, prenant ainsi encompte différents apports jurisprudentiels relatifs (i) à la défini-tion de la notion de « différend » issue de l’arrêt du Conseil d’Étatdu 22 novembre 2019 3 ou encore (ii) au contenu du mémoireen réclamation décrit par l’arrêt du Conseil d’État du 3 octobre2012 4, afin de garantir la recevabilité de tout recours juridiction-nel. Un délai de recours contentieux de deux mois pour les récla-mations auxquelles a donné lieu le solde du marché permet parailleurs de sécuriser les relations contractuelles.

9 - Quatrièmement, et alors que le CCAG-TIC de 2009prévoyait, en cas de défaillance du mandataire du groupementd’opérateurs économiques et en l’absence de désignation d’unnouveau mandataire par les autres membres du groupement,que le membre du groupement figurant en deuxième positiondans l’acte d’engagement se substituait au mandataire défaillant,l’article 3.5 du nouveau CCAG remédie à ce dispositif quiemportait le risque de voir désigner un membre du groupementayant déjà fini de réaliser ses prestations et prévoit désormaisqu’en l’absence de désignation d’un remplaçant au mandatairedéfaillant par les autres membres du groupement c’est le cocon-tractant dont la part financière des prestations restant à exécu-ter est la plus importante qui deviendra le nouveau mandataire 5.

10 - Enfin, la refonte des CCAG a été l’occasion de tirer lesenseignements de la crise sanitaire et de ses effets sur l’exécutiondes marchés publics. L’article 27 du CCAG-TIC prévoit ainsi uneclause de réexamen « En cas de circonstance que des parties dili-gentes ne pouvaient prévoir dans sa nature ou dans son ampleuret modifiant de manière significative les conditions d’exécutiondu marché », afin que les parties examinent les conséquences,notamment financières de ces circonstances. Une adaptationnécessaire au contexte qui permettra de contractualiser lesrisques et les modalités de leur prise en charge, et in fine, destabiliser davantage les relations contractuelles.

2. De nouvelles clauses visant àsécuriser les relations entrel’acheteur et le titulaire

11 - Les contributeurs à la consultation publique sur lenouveau CCAG-TIC avaient également souhaité une plus grandeadaptation aux marchés relatifs aux logiciels, ainsi que l’ajout oula précision de certaines définitions. En conséquence, plusieursclauses ont été modifiées s’agissant, par exemple, du devoir deconseil, de la définition des informations confidentielles, de la

destruction des données ou, de manière propre aux logiciels, dutraitement des obsolescences et les correctifs de sécurité.Plusieurs évolutions s’en sont suivies.

Ainsi donc, un devoir de conseil et de mise en garde à la chargedu titulaire a été introduit à l’article 3.9 du nouveau CCAGcomme une obligation permanente pour les matériels, logicielset prestations fournies à l’acheteur. Dans ce cadre, le titulairecommunique notamment à l’acheteur toute information permet-tant d’améliorer le niveau de sécurité du système d’informationet signale les difficultés et risques que certains choix peuvententraîner dès lors que cette information relève des prestationsobjet du marché. Dans l’hypothèse où le titulaire ne respecte pascette obligation, il ne peut se prévaloir d’une incohérence dansle marché pour s’exonérer de sa responsabilité.

12 - En second lieu, et afin de veiller au respect des règlesapplicables au traitement des données à caractère personneléventuellement et d’éviter, notamment, toute transmission dedonnées à des tiers, l’article 5 du CCAG-TIC donne une nouvelledéfinition de ce qu’il faut entendre par « information confiden-tielle ». Celle-ci doit ainsi s’entendre comme « toute informationde quelque nature (y inclus la méthodologie, la documentation,les informations ou le savoir-faire), sous quelque forme que cesoit (y inclus sous forme orale, écrite, magnétique ou électro-nique), sur tout support dont l’acheteur est propriétaire ou titu-laire, et qui est communiquée au titulaire, ou obtenue de touteautre façon par ce dernier dans le cadre de ses relations avecl’acheteur ». Le bénéfice de cette évolution supposera toutefoispour les parties d’avoir signalé l’information comme présentantun caractère confidentiel. À noter par ailleurs que l’articleL. 2132-1 du CCP permet également à l’acheteur d’imposer auxopérateurs économiques des exigences visant à protéger la confi-dentialité des informations qu’il communique dans le cadre dela procédure de passation d’un marché.

13 - En troisième lieu, l’article 22 du CCAG-TIC donne unedescription plus précise des éléments que la documentationlivrée avec un logiciel devrait inclure. Ainsi, et alors que laversion de 2009 se contentait de dire que la documentation tech-nique doit donner la composition et les caractéristiques du maté-riel ou du logiciel, ainsi que leurs procédures courantes d’utili-sation, la nouvelle version du CCAG indique que « Ladocumentation est un ensemble d’informations relatives au logi-ciel, qui peut être, en tout ou partie, une connaissance antérieurequ’il s’agisse d’un logiciel diffusé sous une licence éditeurpropriétaire ou publié sous le régime de la licence libre, et quicontient tout ou partie des [9] éléments suivants (...) ».

14 - Enfin, l’article 38.3 du nouveau CCAG a redéfini lesnotions de « réversibilité » et de « transférabilité » d’un logicieldéjà existantes en ne les limitant plus aux seuls marchés d’info-gérance comme c’était le cas auparavant. S’agissant plus préci-sément de la phase de réversibilité, le CCAG désigne celle-cicomme les opérations de retour de responsabilité, par lesquellesl’acheteur ou un tiers désigné reprend les prestations qu’il avaitconfiées au titulaire arrivant à terme. Les modalités organisation-nelles et techniques de la réversibilité figurent dans le plan deréversibilité qui doit être annexé au CCAP.

3. Des dispositifs propres à renforcer lasécurité des systèmes d’information

15 - Concernant les problématiques de sécurité, il est apparunécessaire, à la lecture des contributions à la consultationpublique sur les nouveaux CCAG, qu’une clarification decertains termes et concepts était nécessaire, notamment pour lacompréhension de ce que recouvre la notion de « données ».Plusieurs dispositifs ont été ainsi introduits à cet égard.

3. CE, 22 nov. 2019, n° 417752, Établissement Paris La Défense : JurisDatan° 2019-021112 ; Contrats-Marchés publ. 2020, comm. 44, note J. Dieten-hoeffer ; JCP A 2019, act. 766.

4. CE, 3 oct. 2012, n° 349281, Sté Valterra : JurisData n° 2012-022199 ;Contrats-Marchés publ. 2012, comm. 308, note W. Zimmer.

5. D. Giampaoli et K. Picavez, CCAG 2021 : une actualisation raisonnée : JCPA 2021, act. 232.

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16 - En premier lieu, on notera l’insertion d’une clause relativeaux informations touchant à la vulnérabilité des systèmes d’infor-mation (art. 5.4). Ainsi « pour les prestations, produits et servicesfournis dans le cadre du marché, le titulaire met à disposition undispositif d’information dédié à la sécurité informatique (notam-ment flux RSS/ATOM, liste de diffusion par courriel ou autre). Cedispositif vise à tenir l’acheteur informé des événements et chan-gements impactant la sécurité, notamment liés à la connaissanced’une vulnérabilité impactant le système (annonce de correctif,attaque en cours, violation de données à caractère personnel sile traitement de données est sous-traité au titulaire), et desmesures correctives ou conservatoires à appliquer ». Il fait ainsibénéficier celui-ci d’un canal dédié à la sécurité informatiquedans ses échanges avec le titulaire du marché.

17 - En second lieu, l’article 14.3 du nouveau CCAG prévoitdésormais une pénalité spécifique pour violation des obligationsde sécurité ou de confidentialité prévues à l’article 5.1. En pareilcas, le titulaire s’expose aux pénalités suivantes : (i) en cas denon-respect des règles de sécurité et de protection des informa-tions confidentielles n’impliquant pas des données à caractèrepersonnel : application d’une pénalité égale à 0,5 % du montantexécuté du marché public à la date de constatation du fait géné-rateur ; (ii) en cas de non-respect des règles de sécurité et deprotection des informations confidentielles impliquant desdonnées à caractère personnel : application d’une pénalité égaleà 2 % du montant exécuté du marché public à la date de consta-tation du fait générateur.

18 - En troisième lieu, l’article 24 du nouveau CCAG a intro-duit la possibilité de conduire un audit de sécurité auprès du titu-laire ou des sous-traitants de celui-ci, afin de s’assurer du respectdu niveau de sécurité requis par l’acheteur. Le titulaire estinformé quinze jours à l’avance (date de l’audit, modalités finan-

cières pour l’acheteur et le titulaire, etc.). L’acheteur, ou l’orga-nisme mandaté à cette fin, peut, pendant une période de six moisà compter du terme de l’exécution du marché ou de sa résilia-tion, exercer un contrôle dans les locaux du titulaire et, le caséchéant, dans ceux de ses sous-traitants afin de vérifier que lesdispositions en matière de destruction des données ont été effec-tivement appliquées.

19 - Enfin, le CCAG a inséré en son article 40, une clause surles obligations relatives à la maintenance en condition de sécu-rité, comprenant (i) le traitement des obsolescences et (ii) les obli-gations relatives à la livraison des correctifs de sécurité. Sur lepremier point, le CCAG prévoit que le titulaire n’utilise que descomposants logiciels que l’éditeur s’engage à maintenir pendantla durée du marché. Si la durée du marché dépasse la duréependant laquelle un éditeur s’engage à maintenir un composantlogiciel, le titulaire maintient, livre et respecte une feuille deroute de migration vers des systèmes maintenus. Le titulaireélabore, tient à jour et met en œuvre une procédure de maintienen condition de sécurité de toutes les ressources dont il a lacharge. Sur le second point, il est prévu qu’une vérificationd’aptitude (VA) ou une vérification de service régulier (VSR) peutêtre refusée si des composants ne sont pas à jour des correctifsde failles de sécurité publiés par l’éditeur depuis un délai supé-rieur à trois mois. L’acheteur définit les fréquences des livraisonsen coordination avec les équipes d’exploitation, en fonction desdifférentes criticités des vulnérabilités concernées. Le titulaires’assure que l’application des correctifs de sécurité ne modifiepas les performances du système, en modifiant si besoin et à sesfrais le système pour maintenir le niveau de performance malgrél’application du correctif. ê

Mots-Clés : CCAG - CCAG-TIC

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8 CCAG-PIClaire IFFLI,adjointe au chef du bureau de la réglementationde la commande publique de la DAJ de Bercy

La refonte du CCAG « prestations intellectuelles » (CCAG-PI) est avant tout constituée par la révision de laclause de propriété intellectuelle, pièce maîtresse de ce CCAG. Elle présente également d’autres innova-tions particulièrement importantes dans le domaine des prestations intellectuelles, comme le nouveaumécanisme de protection des informations confidentielles ou la clause « RGPD ».

1 - La réforme des CCAG poursuit plusieurs objectifs ; toutd’abord, il s’agissait d’actualiser les CCAG par rapport aux évolu-tions législatives et règlementaires intervenues depuis 2009. Ellesétaient, bien évidemment, nombreuses ! Du nouveau code dela commande publique au règlement général sur la protectiondes données personnelles (RGPD) en passant par des évolutionsjurisprudentielles, il était temps de remettre à jour les CCAG ; cesévolutions ont donc naturellement bénéficié au CCAG-PI. Parailleurs, cette réforme a été l’occasion d’une réflexion plusapprofondie à la fois sur les clauses existantes et sur le besoin denouvelles stipulations ; l’existence d’une volonté politique fortea notamment orienté les travaux dans le sens d’un rééquilibre desrelations contractuelles. Les modifications opérées dans leCCAG-PI sont des modifications « transversales » et touchenttous les CCAG, bien que l’impact de ces modifications diffèreselon les CCAG ; ainsi, si le CCAG PI est concerné au premierchef par la nouvelle clause de propriété intellectuelle ainsi quepar le mécanisme de protection des informations confidentielleset enfin par la clause « RGPD », il est beaucoup plus secondai-rement touché par la clause « achats verts ». Cet article a doncvocation à présenter les principales évolutions touchant leCCAG-PI et d’expliquer quels impacts ces modifications aurontsur les achats de prestations intellectuelles.

1. Stipulations ayant fait l’objet d’unerefonte : les principales évolutionsportant sur les clauses déjàexistantes dans le CCAG de 2009

2 - Puisque les prestations couvertes par le CCAG-PI sont desprestations intellectuelles qui, de fait, sont fortement impactéespar les conditions de cession des droits d’auteur afférents,l’évolution la plus notable de ce CCAG consiste en la suppres-sion des anciennes options « A » et « B » et leur remplacementpar une clause de propriété intellectuelle qui est, au demeurant,commune à tous les CCAG.

3 - Effectivement, dans le domaine des prestations intellec-tuelles, le système des deux options A et B (cession à titre exclu-sif et concession) présentait un inconvénient majeur : non seule-ment les acheteurs étaient obligés d’effectuer un choix, maisencore une partie de ceux-ci, par peur de ne pas faire assez,préféraient choisir l’option qui leur semblait être la plus protec-trice, c’est-à-dire systématiquement une cession à titre exclusifpour la durée des droits d’auteur et pour le monde entier.

4 - Ce réflexe, d’autant plus compréhensible que le droitd’auteur est une matière peu connue des acheteurs et pas forcé-ment très accessible, avait néanmoins des conséquences trèsnégatives sur certains secteurs dans lesquels l’exclusivité accor-dée à l’acheteur n’est pas pertinente et où la possibilité laisséeau titulaire d’exploiter le résultat favorise la diffusion de l’inno-vation et le développement économique (par exemple uneformation qui peut intéresser d’autres clients) ; c’était égalementle cas de certains auteurs dont la rémunération de l’œuvre atendance à être structurellement faible, et qui ont impérative-ment besoin que les acheteurs permettent une cession simple,leur assurant de fait une rémunération plus acceptable pour leurœuvre. C’était aussi un enjeu pour les acheteurs qui payaient unprix pour acquérir des droits dont ils n’avaient que rarementl’utilité ! La réforme limite l’exclusivité par défaut aux seuls résul-tats pour lesquels une exclusivité pour l’acheteur est nécessairecomme par exemple, la réalisation du logo de l’entité publique.Le lecteur pourra donc utilement se référer à l’article spécifiqueconcernant la clause de propriété intellectuelle, innovationmajeure du CCAG PI et commune à tous les CCAG hormis leCCAG Maîtrise d’œuvre.

5 - Outre ces nouvelles stipulations relatives à la propriétéintellectuelle, le CCAG-PI contient de nombreuses modifica-tions, parfois simplement rédactionnelles, et parfois de fond. Onnotera que l’essentiel de ces modifications concerne, dans lesfaits, tous les CCAG (travaux, MOE, MI, FCS et TIC), puisqu’il aégalement été procédé à un travail d’harmonisation de rationa-lisation des clauses communes ; on citera par exemple les stipu-lations relatives au développement durable, au RGPD, à la factu-ration...

6 - Ainsi donc, en sus de quelques changements rédactionnelsde modernisation (substitution du terme « pouvoir adjudicateur »par « acheteur », du terme « cotraitance » par les termes « grou-pement d’opérateurs économiques », etc.), les modificationsessentielles des clauses existantes du CCAG-PI portent sur lerenforcement de la confidentialité des données, les avances etles pénalités de retard.

7 - Concernant le renforcement de la confidentialité desdonnées transmises dans le cadre du marché, la logique passeici d’une nécessité de pointer les informations confidentielles àcelle d’une confidentialité par défaut des informations fourniespar l’acheteur (art. 5.1.2). Cet inversement de logique ne devraitguère poser de problème pour l’exécution des contrats, puisqueseule l’utilisation de ces informations dans un cadre autre queles prestations est interdite ; le titulaire peut bien évidemment

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utiliser ces informations confidentielles autant que nécessairesdans le cadre du marché. Par ailleurs, pour les situations parti-culières, on ne manquera pas de constater que les tempérancesde l’article 5.1.4 permettent à tout moment à l’acheteur de« lever » la confidentialité par défaut en les signalant comme« non confidentielles ». C’est un point d’importance pour leCCAG-PI puisque celui-ci a vocation à régir notamment desprestations d’études, expertises ou conseil pour lesquelles lamatière première du marché est souvent constituée de donnéesfournies par l’acheteur ! Si, dans les faits, la plupart des ache-teurs, conscients des enjeux, intégraient dans les documentsparticuliers une « clause renforcée » de confidentialité notam-ment dans les cas où l’étude commandée portait sur des sujetsparticulièrement sensibles, il était tout de même nécessaire derenforcer la confidentialité dans ces marchés pour les acheteursles moins rodés à l’exercice. Il est enfin important de noter quele renforcement de la protection des données s’accompagne dela mise en place d’une pénalité nouvelle, applicable en cas deviolation des obligations de sécurité ou de confidentialité(art. 14.2) : en cas de manquement aux obligations de protec-tion des informations n’impliquant pas de données à caractèrepersonnel, la pénalité applicable est égale à 0,5 % du montantexécuté du marché ; ce taux est porté à 2 % lorsque le manque-ment porte sur des données à caractère personnel. Ces disposi-tions (renforcement de la protection des données confidentielles)sont à articuler avec les dispositions nouvelles de l’article 19.3qui permet à l’acheteur de procéder ou de faire procéder à unaudit de sécurit auprès du titulaire ou de ses sous-traitants, afinde s’assurer de la protection effective des données qui lui ont étéconfiées. Ainsi, dans la mesure où cet audit peut intervenirjusqu’à 6 mois après la fin du marché, il peut notammentpermettre à l’acheteur de vérifier qu’une éventuelle obligationde suppression des données personnelles dès la fin de la presta-tion a bien été mise en œuvre. Ce nouveau dispositif, quicombine le renforcement de la protection par défaut desdonnées, l’application d’une sanction contractuelle et la mise enplace des possibilités de contrôle devrait s’avérer dissuasif pourles titulaires qui seraient tentés d’exploiter les données confiéesdans un cadre autre que celui des prestations, et notamment pouren tirer un avantage personnel... Une modification bienvenue,alors que les acheteurs en général et les administrations en parti-culier prennent peu à peu conscience de la valeur des donnéesqu’elles possèdent... Tandis que les entreprises, quant à elles, ontsouvent pris le virage de la monétisation des données depuisbien longtemps !

8 - Pour ce qui concerne les avances (art. 11.1), l’acheteur adésormais le choix entre deux options (A et B) ; lorsque le verse-ment d’une avance est obligatoire conformément à l’articleR. 2191-3 du Code de la commande publique (ou R. 2391-1pour les marchés de défense et de sécurité), un acheteur autreque l’État (pour qui l’option A sera, en tout état de cause, obli-gatoire puisque l’article R. 2191-7 du Code de la commandepublique prévoit l’application d’un taux majoré minimal de20 % pour les PME) pourra choisir entre l’application d’un tauxd’avance de 20 % du montant du marché pour les PME et d’untaux d’avance de 5 % pour les autres entreprises (option A) etentre l’application des taux d’avance minimum fixés par le Codede la commande publique (option B). En tout état de cause,l’acheteur reste libre de déroger à ces stipulations afin de prévoirune avance supérieure. On notera que si les documents particu-liers du marché ne mentionnent pas l’option retenue, c’estl’option A qui s’applique par défaut.

9 - Enfin, concernant les pénalités de retard (art. 14.1),plusieurs modifications importantes sont à signaler. – D’unepart, la nouvelle clause prévoit une procédure contradictoirependant laquelle le titulaire peut présenter des observations pour

justifier de son retard ou en constater la réalité. Par ailleurs, Lemontant des pénalités de retard pouvant être appliqué estplafonné à 10 % du montant du marché ou du bon decommande (art. 14.1.2). De plus, le seuil en deçà duquel le titu-laire est exonéré du paiement des pénalités de retard est porté à1 000 € (art. 14.1.3). Il a un temps été envisagé d’appliquer leplafonnement des pénalités sur l’ensemble des pénalités dumarché, et pas seulement les pénalités de retard ; sur ce point,il a été nécessaire de trouver un consensus entre les acheteurs etles entreprises, les premiers estimant que cette mesure en faveurdes entreprises risquait de déséquilibrer les rapports contractuels.Ce plafonnement a été maintenu, mais porte uniquement sur lespénalités de retard. En tout état de cause, on pourra constater, surce point relatif aux pénalités de retard, la marque de la volontépolitique de rééquilibrer les relations contractuelles dans uncontexte troublé et souvent marqué par l’existence de situationset de circonstances exceptionnelles... En revanche, la formulede calcul reste inchangée.

10 - Si la réforme des CCAG a donc été l’occasion d’opérer uneprofonde refonte de clauses existantes (principalement lesclauses relatives aux pénalités de retard, aux avances et à laprotection de la confidentialité des données – dans ce derniercas, le renforcement étant tel qu’on peut considérer qu’il s’agitd’un dispositif complet et entièrement nouveau – et enfin biensûr la clause de propriété intellectuelle), elle a également donnélieu à quelques innovations qu’il convient d’examiner.

2. Stipulations nouvelles : lesprincipales innovations de la réforme

11 - Sujet incontournable sur lequel la réforme des CCAG nepouvait faire l’impasse, la protection des données à caractèrepersonnel fait l’objet d’un article nouveau (art. 5.2). – La réformea donc permis d’introduire une « clause RGPD ». Il convientd’emblée, cependant, de préciser que cet ajout ne pourradispenser l’acheteur de réfléchir à la mise en œuvre du RGPDdans son marché, du fait de la nécessaire adaptation à chaquesituation. De fait, la clause RGPD offre un cadre général qui,pour l’essentiel, rappelle les obligations relatives au RGPD. LeCCAG étant un document général ayant vocation à pouvoirs’adapter à toutes les situations, il n’était pas possible d’entrerdavantage dans le détail et de prendre en compte toutes les situa-tions car les obligations respectives de l’acheteur et du titulairedépendent du type de prestations commandées et de la façondont les rôles sont répartis entre acheteur et titulaire. Si l’ache-teur a naturellement vocation à être le responsable de traitementet le titulaire son sous-traitant, cette situation (prévue par lanouvelle clause RGPD) peut connaître des exceptions. En effet,pour que l’acheteur puisse être qualifié de « responsable de trai-tement », il doit « déterminer les finalités et les moyens du trai-tement » ; pour que le titulaire soit « sous-traitant » au sens duRGPD, il doit traiter les données pour le compte, sur instructionet sous l’autorité d’un responsable de traitement. Ainsi donc,prenons plusieurs exemples : dans le cas d’une administrationqui commande une prestation de formation (pour ses agents oupour des personnes extérieures) et confie à l’organisme de forma-tion le soin de contacter les stagiaires, collecter leurs donnéespersonnelles et d’effectuer leur suivi, il ne fera guère de douteque l’acheteur détermine les finalités (mettre en œuvre uneaction de formation) et les moyens du traitement, le titulaire secontentant de mettre en œuvre le traitement en établissant la listedes stagiaires et en utilisant les données dans le cadre de la pres-tation, en suivant les instructions du responsable de traitement(lequel lui aura par exemple interdit de partager ces données oude contacter les stagiaires pour tout autre raison que l’organisa-

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tion du stage, de les supprimer à l’issue de la prestation, etc.).Dans ce cas, il est peu douteux que l’acheteur est le responsabledu traitement en question et que le titulaire est son sous-traitantau sens du RGPD. En revanche, certaines situations se trouve-ront dans une zone grise et, pour déterminer le rôle de chacun,il sera nécessaire d’établir une analyse au cas par cas. Parexemple, quid de la qualité du prestataire lorsque l’acheteurcommande une étude portant sur le fonctionnement d’unguichet à destination du public, et que le prestataire, laissé librede déterminer les items étudiés, décide en cours d’exécution dumarché de faire une enquête de satisfaction auprès des utilisa-teurs via un sondage qu’il met en place ? Il sera nécessaire, pourconnaître les responsabilités de chacun, de vérifier dans lecontrat quel est le niveau d’instruction donné par l’acheteur autitulaire, le degré de contrôle sur cette prestation, etc. On pourranotamment, à titre d’indice, vérifier si le sondage est fait au nomde l’Administration et en utilisant son logo ou, au contraire, aunom de l’entreprise. L’ensemble de ces indices permettra dedéterminer quelles sont les responsabilités de chacun, en fonc-tion de la qualification de responsable de traitement/sous-traitant. En tout état de cause, cette clause devrait permettre desécuriser les acheteurs et de donner de la clarté sur les obliga-tions du titulaire, mais ne devrait pas dispenser les acheteursd’une réflexion sur le rôle de chacun dans le traitement desdonnées personnelles utilisées dans le cadre du marché. Lesdocuments particuliers devraient donc toujours s’attacher aumoins à déterminer le rôle de l’acheteur et du titulaire, ainsi queles pénalités en cas de manquement aux obligations qui endécoulent.

Par ailleurs, il est inséré deux dispositions relatives au dévelop-pement durable (art. 16.1 et 16.2) : il s’agit d’une clause socialeet d’une clause environnementale « renforcée » par rapport aumaigre dispositif existant depuis 2009. La clause sociale présentel’avantage de définir précisément les publics éligibles dans lecadre des obligations d’insertion sociale, ce qui devrait permettreaux acheteurs de mettre plus facilement en œuvre leurs clausesd’insertion sociale grâce à cet outil « clés-en-mains ». On pourraespérer que ces nouvelles facilités donneront aux acheteursl’envie de se saisir plus souvent de cette possibilité, les achats deprestations intellectuelles étant un domaine particulièrementcompatible avec le recours à ce type de clause... Si la clauseenvironnementale générale (déjà existante dans le CCAG de2009) renvoie essentiellement aux documents particuliers dumarché, des dispositions nouvelles, bien plus précises, sontégalement insérées à l’article 21 et introduisent une obligationde recycler les emballages, d’assurer la gestion des déchets et deprivilégier les modes de transport les moins polluants pour lalivraison. Néanmoins, ces dispositions, communes à tous lesCCAG, devraient peu impacter ce CCAG-PI qui est essentielle-ment utilisé pour des prestations dématérialisées ; elles devrontdonc être comprises comme des dispositions de base, quidevront être complétées par des dispositions plus spécifiquesdans les documents particuliers du marché, pour les acheteurssoucieux de mettre en œuvre une politique d’achats durables.

12 - Il est également introduit une exigence de valorisation desordres de services prescrivant des prestations supplémentaireset modificatives, via un dispositif de prix provisoires (art. 23).Cette clause découle de la nécessaire prise en compte desapports de la loi Pacte 1. Il a donc été procédé à une régularisa-tion des CCAG sur la question de la juste rémunération des pres-tations supplémentaires ou modificatives ; le nouvel articleprévoit ainsi de facto l’interdiction des ordres de services libel-lés à zéro euro. L’acheteur devra faire un travail d’estimation des

coûts de l’ordre de service supplémentaire ou modificatif, enconsultant le titulaire, afin de fixer un prix provisoire. Cette solu-tion, qui se trouvait déjà dans le CCAG travaux, est donc éten-due au CCAG-PI. Elle permettra de rétablir l’équilibre contrac-tuel sur ce point, le titulaire étant par ailleurs en capacité derefuser l’ordre de service qui n’a pas fait l’objet d’une estimation.

13 - Situation sanitaire oblige, une « clause Covid » fait sonentrée dans les CCAG (art. 24). – Les nombreuses questions quiont été soulevées lors de la crise sanitaire tant par les entreprisesque par les acheteurs ont largement démontré la nécessité deprévoir, au niveau contractuel, l’insertion d’une clause « Covid »qui s’appliquera en cas de circonstances imprévisibles. Onnotera que, dans cette rédaction, il est aussi possible de prendreen compte le cas où l’exécution des prestations est rendueimpossible du fait des mesures prises pour faire face à la crise.La clause prévoit les conditions dans lesquelles les partiesdoivent se rapprocher pour convenir des dispositions à prendredurant la suspension totale ou partielle du marché, pour lareprise des prestations et pour s’accorder sur les modalités derépartition des surcoûts liés aux circonstances imprévisibles. Àcette clause est assortie une clause de réexamen, applicablelorsque des circonstances imprévisibles affectent significative-ment les conditions d’exécution du marché sans pour autant faireobstacle à la poursuite des prestations (art. 25). Cette clauseimpose aux parties d’examiner les conséquences, notammentfinancières, de ces circonstances. Si les prestations intellectuellesont tendance, par rapport à d’autres secteurs comme la construc-tion, à être moins souvent impactées par des circonstancesexceptionnelles, ce dispositif devrait néanmoins contenter à lafois les acheteurs et les entreprises, lesquels ont unanimementréclamé des lignes directrices sur la conduite à tenir en cas decirconstances imprévisibles.

14 - Enfin, l’attention du lecteur est attirée sur des dispositionsnouvelles variées mais dont l’impact est très nettement secon-daire par rapport aux nouvelles et modificatives qui ont étédétaillées plus haut. Il s’agit notamment :

- de la mention, dans le préambule, du principe de la référenceà un seul CCAG. Une tolérance est accordée pour les marchésglobaux. Dans le cas où l’acheteur commande des prestationssecondaires ou accessoires sont commandées et semblent devoirse rattacher à un CCAG différent du CCAG utilisé pour les pres-tations principales, l’acheteur devra donc reproduire dans soncahier des clauses particulières les clauses du CCAG « acces-soire » (préambule) ;

- de la modification des règles applicables en cas de défaillancedu mandataire des membres d’un groupement ; alors que, dansla version 2009, si les membres du groupement n’étaient pas encapacité de désigner un mandataire, l’acheteur désignait l’entre-prise désignée en deuxième position sur l’acte d’engagement, lesnouvelles dispositions prévoient dorénavant que l’acheteurdésigne « le cocontractant exécutant la part financière la plusimportante à réaliser d’ici la fin du marché à la date de cettemodification » (art. 3.5.4) ;

- de l’obligation de motivation des décisions de rejet (art. 29) ;- de l’obligation de destruction des données qui ont été

confiées par l’acheteur au titulaire, à l’issue de sa prestation(art. 31) ;

- de la définition du « différend », lequel ne peut résulter qued’une prise de position écrite, explicite et non équivoque del’acheteur ou du silence gardé pendant 15 jours par l’acheteurà la suite d’une mise en demeure du titulaire l’invitant à prendreposition sur le désaccord (art. 43) et l’invitation à privilégier lesrecours à l’amiable en cas d’incapacité à régler le différend ;

- de l’instauration d’un délai de deux mois à compter de la noti-fication de la décision de l’acheteur pour contester cette déci-1. CCP, art. L. 2194-3.

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sion devant le juge administratif. Passé ce délai, le titulaire estréputé avoir accepté cette décision (art. 43.5).

15 - Enfin, au niveau des dispositions transitoires pour la miseen œuvre des nouveaux CCAG, on notera que les arrêtésauxquels sont annexés les CCAG prévoient une période de tran-sition qui permettra aux acheteurs de s’approprier les nouvellesdispositions en douceur ; l’ensemble des nouveaux CCAG entre-ront en vigueur, de façon simultanée, au 1er avril 2021. Les ache-teurs qui sont en capacité d’y avoir recours immédiatement pour-ront donc le faire s’ils le souhaitent. Toutefois, les CCAG, dansleur version de 2009, pourront être utilisés par les acheteursjusqu’au 30 septembre 2021. Il convient de préciser que,pendant la période transitoire du 1er avril 2021 au 30 septembre2021, en l’absence de précision expresse dans les documentsparticuliers du marché sur la version à laquelle le marché fait

référence, ce sera bien l’ancienne version de 2009 qui s’appli-quera par défaut. Dans les deux cas, préciser la version à laquelleon se réfère, pendant la période transitoire entre le 1er avril et le30 septembre, sera toujours préférable afin d’éviter les ambiguï-tés et de faciliter la compréhension des candidats (et des titu-laires !).

16 - Enfin, la Direction des affaires juridiques de Bercy a déjàannoncé la parution prochaine d’un guide d’utilisation desnouveaux CCAG, lequel portera notamment sur les thèmes quiont été le plus souvent commentés lors de la consultationpublique, ou qui ont fait l’objet de questions ou d’interpréta-tions. ê

Mots-Clés : CCAG - CCAG-PI

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CONTRATS ET MARCHÉS PUBLICS - N° 5 - MAI 2021 - © LEXISNEXIS SA Dossier

9 Réforme du CCAG-MI : une confirmationdu régime propre aux marchés industrielscomplété par de nouvelles clausescommunes à plusieurs CCAGMarie-Laure COLIN,juriste à la direction des affaires juridiques du CNRS

La réforme du CCAG-MI confirme le régime juridique propre aux marchés industriels. Par ailleurs, leCCAG-MI est augmenté de clauses communes à plusieurs CCAG : d’une part, de clauses techniquesréécrites et d’autre part, de clauses thématiques tenant compte des nouveaux enjeux transversaux de lacommande publique tels que la protection des données personnelles, le respect de l’environnement,l’insertion sociale, ou encore la dématérialisation.

1 - Créé en 1965 1, modifié dans son ensemble à deux reprisesen 1980 2, puis en 2009 3, le cahier des clauses administrativesgénérales des marchés publics industriels (ci-après CCAG-MI)fait l’objet d’une refonte qui ne modifie guère ses clauses spéci-fiques. Ce nouveau CCAG-MI est entré en vigueur le 1er avril2021. Les marchés publics se référant au CCAG-MI et pourlesquels une consultation est engagée ou un avis d’appel à laconcurrence est envoyé entre le 1er avril 2021 et le 30 septembre2021 sont réputés faire référence au cahier dans sa rédactionantérieure, sauf référence expresse à cette nouvelle version 4. Parailleurs, le champ d’application du CCAG-MI, et de l’ensembledes autres CCAG, est désormais expressément circonscrit auxmarchés industriels passés par les acheteurs publics. Le préam-bule précise en effet que les clauses du CCAG-MI ne sont pasadaptées aux marchés conclus par des acheteurs privés.

1. Les clauses particulières du CCAG-MI : un régime juridique spécifiqueconfirmé

2 - La spécificité des marchés publics industriels est confirméepar le maintien d’un CCAG dédié et d’un régime juridique parti-culier, inchangé par la réforme.

A. - La spécificité des marchés publics industrielsréaffirmée

3 - Les marchés publics industriels ne font pas l’objet d’unedéfinition dans le Code de la commande publique (ci-aprèsCCP), à la différence de l’ancien Code des marchés publics 5.Cette définition demeure pertinente. Il s’agit d’un type particu-lier de marché de fournitures, portant sur l’acquisition d’équipe-

ments ou de prototypes conçus et réalisés spécialement pourrépondre aux besoins de l’acheteur, qui détient le plus souventdes droits de propriété intellectuelle sur l’équipement à dévelop-per. Ces marchés recouvrent des catégories hétéroclites 6 : parexemple, des marchés industriels de fabrication, de conception-réalisation de démonstrateurs, de conception-fabrication avecétudes et mise en industrie, ou encore des marchés globaux, àobjet composite, intégrant d’une part, des prestations d’études,de recherche et développement et de fourniture d’un équipe-ment ou prototype et d’autre part, des prestations de mainte-nance, d’entretien voire de recyclage des biens objet du marché.

4 - Le CCAG-MI n’est pas le CCAG le plus utilisé par les ache-teurs publics, son application étant même particulièrementmarginale en comparaison avec les CCAG-Travaux, Fourniturescourantes et services (ci-après CCAG-FCS) ou Propriété intellec-tuelle (ci-après CCAG-PI).

5 - La réforme confirme néanmoins tout l’intérêt d’un CCAGdédié aux marchés publics industriels en réaffirmant leurs spéci-ficités dans le paysage contractuel. Les caractéristiques particu-lières des marchés publics industriels soumis au CCAG-MIdemeurent identiques et sont rappelées dans le préambule : desprestations exécutées selon les spécificités propres de l’acheteur,des prix déterminés sur devis et une surveillance de la fabrica-tion dans les établissements du titulaire.

6 - Depuis 2009 et la dernière refonte des CCAG, certainesévolutions du droit de la commande publique ont pu interrogerl’intérêt du recours au CCAG-MI, notamment pour les achats defournitures innovantes. En particulier, il convient de relever lacréation du partenariat d’innovation en 2014 7, type de marchépublic sui generis dont l’objet est parfois très proche de certainsmarchés publics industriels 8. Lorsque le partenariat d’innova-tion porte sur des fournitures innovantes, les clauses duCCAG-MI peuvent constituer un socle de référence approprié.Dès lors, l’introduction de ce partenariat a pu redonner un

1. D. n° 65-611, 5 juill. 1965.2. D. n° 80-809, 14 oct. 1980.3. A. 16 sept. 2009.4. A. 30 mars 2021 portant approbation du CCAG-MI, art. 3.5. CMP, art. 112 ancien : « Un marché industriel est un marché ayant pour

objet la fourniture d’équipements ou de prototypes conçus et réalisés spécia-lement pour répondre aux besoins du pouvoir adjudicateur ».

6. E. Pourcel, Fiche pratique n° 3180 : CCAG Marchés industriels.7. D. n° 2014-1097, 26 sept. 2014.8. Un contrat de partenariat d’innovation se compose de prestations de

recherche et développement et de l’acquisition de la solution innovante quien résulte, sans remise en concurrence entre ces deux étapes.

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certain intérêt au CCAG-MI. Cet intérêt est d’ailleurs renforcédepuis que la réforme intègre une clause spécifique à l’utilisa-tion des résultats aux articles 37 à 40 du CCAG-MI. En effet, lecontrat de partenariat d’innovation doit impérativement régir larépartition des droits de propriété intellectuelle (CCP,art. R. 2172-25). Le régime juridique de ce partenariat étant fixépar le CCP 9, il s’impose de droit à toutes les clauses contrairesdu CCAG-MI. L’acheteur qui choisit le CCAG-MI pour un parte-nariat d’innovation doit veiller à adapter avec précision les docu-ments particuliers de son marché aux spécificités du partenariat(et notamment l’exécution par phases).

7 - Toutefois, les marchés industriels ne se limitent pas auxpartenariats d’innovation, ces derniers étant soumis à des condi-tions de recours encadrées. Le CCAG-MI conserve donc égale-ment son intérêt pour les marchés publics industriels portant surdes fournitures non courantes et ne répondant pas nécessaire-ment à la définition des achats innovants du CCP (CCP,art. R. 2124-3).

8 - En pratique, eu égard à leur objet et spécificités, les marchésindustriels concernent le plus souvent des achats liés aux acti-vités de recherche, de défense ou de sécurité des opérateurspublics. S’agissant des achats de défense et sécurité, la réformeintègre désormais les références du code de la commandepublique au régime des marchés publics de défense ou de sécu-rité (ci-après MPDS). Toutefois, les termes propres à ces MPDStelles que les notions d’informations classifiées et de sécurité desapprovisionnements ne sont pas définis par le CCAG-MI à sonarticle 2. Il demeure donc utile d’inclure ces définitions dans lesdocuments particuliers du marché.

B. - Les clauses propres au CCAG-MI inchangées9 - Les clauses constituant la spécificité du CCAG-MI ne font

pas l’objet de modifications de fond. Les changements de formeopérés visent à actualiser les termes, les commentaires et les réfé-rences de ce clausier aux évolutions du droit de la commandepublique et notamment à l’entrée en vigueur du CCP en 2019.Le pouvoir réglementaire pérennise ainsi le régime juridique desmarchés industriels issu de la dernière réforme de 2009.

10 - Le CCAG-MI se caractérise par des clauses permettant àl’acheteur d’imposer au titulaire des obligations spécifiques. Euégard à l’objet même des achats industriels, la relation acheteur-titulaire est particulièrement étroite et relève plus du partenariatque de la simple commande. En effet, l’acheteur détient biensouvent des droits de propriété intellectuelle sur les équipementsobjets du marché et entend assurer un contrôle poussé sur ledéveloppement et la fabrication de ceux-ci par le titulaire.L’expérience et les acquis de l’Administration dans ces domainesspécifiques sont également précieux pour le titulaire.

11 - Au titre des spécificités du CCAG-MI inchangées par laréforme et constituant tout l’intérêt de ce CCAG, il est possiblede relever les clauses suivantes :

- le régime des marchés de matériel de guerre, confirmant ainsil’utilité du CCAG-MI pour les MPDS de conception et de déve-loppement d’armements (art. 8) ;

- la documentation technique mise à la disposition du titulairepour la réalisation des prestations (art. 18) ;

- les moyens mis à la disposition du titulaire tels que desmoyens de production ou des approvisionnements (art. 19) ;

- les modalités d’assurance des moyens de production mis à ladisposition du titulaire et appartenant à l’acheteur (art. 20) ;

- la surveillance de l’exécution des prestations par l’acheteursur les lieux d’exécution, aussi bien chez le titulaire que chez sessous-traitants (art. 22) ;

- lorsque le marché est scindé en plusieurs parties techniques,le droit pour l’acheteur d’arrêter l’exécution des prestations à lafin d’une partie entraînant ainsi la résiliation du marché sansindemnité (art. 26) ;

- l’aménagement des locaux appartenant à l’acheteur en vuede l’installation de matériel pour l’exécution des prestations(art. 27) ;

- si les documents particuliers du marché le prévoient, l’obli-gation du titulaire d’assurer l’entretien et le maintien en l’état,pendant un délai déterminé, des moyens de production utiliséspour l’exécution du marché après l’achèvement des prestations(art. 31) ;

- lorsque le marché s’y réfère expressément, les clauses rela-tives aux marchés de réparation et de modification (art. 50 à 55).

12 - Si la réforme confirme le régime antérieur et permet ainsiune continuité juridique pour les acheteurs, certaines précisionsauraient néanmoins pu être apportées. À titre d’exemple, laréforme n’intègre aucune référence à la maintenance préventivedes équipements fabriqués (hormis dans la clause relative àl’utilisation des résultats), le CCAG-MI n’évoquant que lesmarchés de réparation. Pourtant, les biens issus d’un marchéindustriel doivent le plus souvent faire l’objet d’une mainte-nance, qu’elle soit curative ou préventive, qui ne se confond pasavec les garanties contractuelles.

13 - L’acheteur a également tout intérêt à intégrer la mainte-nance de ces équipements dans le marché initial pour desraisons tant budgétaires que techniques, dans une démarched’achat optimisée. Dès lors, pour la maintenance et l’entretiendes biens développés et fabriqués dans le cadre d’un marchéindustriel, l’acheteur aurait donc probablement intérêt àreprendre les clauses du CCAG-FCS 10 en les adaptant dans lesdocuments particuliers du marché, étant entendu qu’il ne peutpas se référer à deux CCAG distincts dans un même marché (saufpour les marchés globaux au sens de l’article L. 2171-1 duCCP 11.

2. Les clauses communes à plusieursCCAG : une actualisation nécessairetant technique que thématique

14 - Le CCAG-MI est complété par des clauses techniques etdes clauses thématiques tenant compte des nouveaux enjeux dela commande publique en tant qu’outil de politique publique.Le présent article commente les nouveautés les plus marquantessans toutefois prétendre à l’exhaustivité 12.

A. - Des clauses techniques réécrites pour une plusgrande sécurité juridique

15 - L’un des apports majeurs de la réforme est d’inclure dansle CCAG-MI une clause relative à l’utilisation des résultats et àla propriété intellectuelle (art. 37 à 40). Cet ajout contribue àrenforcer la sécurité juridique des relations acheteur-titulairedans le cadre d’un marché industriel pour l’exécution duquel leprestataire se verra, le plus souvent, concéder des droits depropriété intellectuelle temporaires et limités à l’objet dumarché.

16 - Ensuite, le CCAG-MI fait l’objet d’une réécriture s’agissantdes sanctions contractuelles à la disposition de l’acheteur en casde difficultés d’exécution : d’une part, les pénalités de retard

9. CCP, art. R. 2172-23 et s. et R. 2372-17 pour les MPDS.

10. Not. CCAG-FCS, art. 32.11. CCAG-MI, préambule.12. Pour un aperçu d’ensemble de la réforme des CCAG : K. Picavez et D. Giam-

paoli, CCAG 2021 : une actualisation raisonnée : JCP A 2021, act. 232.

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(art. 15) et d’autre part, l’exécution aux frais et risques du titu-laire (art. 48). En pratique, l’application de ces mesures, inter-venant dans un contexte d’exécution dégradé, est source deréclamations, voire de contentieux. Ces précisions de rédactionpermettront de sécuriser juridiquement leur application parl’acheteur et d’informer le titulaire de la procédure suivie et desmoyens dont il dispose pour présenter ses observations.

17 - La clause relative aux pénalités de retard fait l’objet d’uneréécriture dans l’ensemble des CCAG. En ce qui concerne leCCAG-MI, celle-ci est relativement brève et circonscrite auxpénalités de retard. Deux nouveautés sont à relever.

18 - D’une part, la mise en demeure préalable à l’applicationdes pénalités de retard est désormais la règle (art. 15.1). L’appli-cation est subordonnée au déroulé d’une procédure contradic-toire entre l’acheteur et le titulaire. L’acheteur est tenu d’inviterle titulaire à présenter ses observations dans un délai de quinzejours en précisant le montant des pénalités susceptibles d’êtreappliquées, le ou les retards concernés et le délai imparti. Le suivid’une phase contradictoire avant l’application des pénalités deretard n’est pas une nouveauté dans la pratique des acheteurs.Ces derniers pourront toutefois déroger à cette obligation s’ils lajugent inefficiente ou trop contraignante à l’usage.

19 - D’autre part, il est instauré un plafonnement des pénali-tés de retard et uniquement de celles-ci, les autres pénalitéséventuellement prévues par l’acheteur n’étant pas visées parcette mesure. Le montant des pénalités de retard ne peut désor-mais dépasser 10 % du montant total hors taxes du marché, dela tranche considérée ou du bon de commande.

20 - Cette mesure a fait l’objet de plusieurs observations formu-lées par les contributeurs à la consultation publique lancée parla Direction des affaires juridiques de Bercy 13. Pour certains, ceplafonnement s’avère trop peu protecteur des intérêts des ache-teurs pour lesquels le respect des délais d’exécution est essen-tiel particulièrement lorsque celui-ci constitue un critère d’appré-ciation des offres. Le caractère inapproprié d’un telplafonnement en marchés publics industriels a également étésoulevé. Sur ce point, la version définitive conserve un plafondde 10 %, tout en permettant à l’acheteur d’y déroger. D’autresont relevé l’imprécision du montant du marché à prendre encompte, notamment en matière d’accord-cadre conclu sansminimum, ni maximum. À ce propos, la version définitiveapporte une précision importante, tant pour les acheteurs quepour les opérateurs économiques qui ont besoin d’une visibilitéau moment de la remise de leur offre sur le montant des péna-lités susceptibles d’être appliquées.

21 - Dans le chapitre relatif à la résiliation, la réforme préciseégalement la procédure d’exécution de la prestation aux frais etrisques du titulaire (art. 48), mesure coercitive régulièrementsource de contestations, voire de contentieux.

22 - Au préalable, il convient de relever que l’application d’unetelle procédure peut être délicate dans le cadre d’un marchéindustriel, particulièrement lorsque celui-ci intègre une phased’études ou de recherche et développement. En effet, leCCAG-MI prévoit que le titulaire défaillant est tenu de fournirtoutes les informations recueillies et les moyens mis en œuvredans le cadre de l’exécution du marché initial et qui seraientnécessaires à l’exécution du marché de substitution (art. 48.3).Le titulaire de substitution est donc susceptible d’avoir accès àdes informations sensibles relatives par exemple à l’offre tech-nique du titulaire défaillant ou aux études et développementsréalisés par celui-ci et couverts par le secret des affaires 14. Or,il existe désormais un risque que le titulaire initial sanctionné

conteste la communication potentielle de certaines de ses infor-mations stratégiques protégées au titulaire de substitution, dansle cadre du nouveau référé en matière de secret des affaires prévupar l’article R. 557-3 du Code de justice administrative 15.

23 - Désormais, l’exécution de la prestation aux frais et risquespar un tiers est possible en marchés industriels sans que les docu-ments particuliers du marché n’aient à le prévoir. Sur ce point,la réforme codifie la jurisprudence du Conseil d’État s’agissantdu caractère d’ordre public de la passation d’un marché de subs-titution aux frais et risques du titulaire par un acheteur public defournitures, dans le silence du contrat 16.

24 - Par ailleurs, l’exécution aux frais et risques peut doréna-vant porter sur tout ou partie des prestations objet du marchéindustriel. Ainsi, l’acheteur peut prévoir une mise en régiepartielle sur des prestations préalablement identifiées, donnantlieu à des difficultés d’exécution.

25 - Le déroulement de la procédure d’exécution aux frais etrisques est précisé et simplifié. Elle est possible dans deux cas :

1° lorsque le titulaire n’a pas déféré à la mise en demeure dese conformer au marché ou aux ordres de services ou en casd’inexécution par ce dernier d’une prestation qui ne peut souf-frir d’aucun retard. Dans ce cas, la décision de faire exécuter auxfrais et risques est notifiée par l’acheteur au titulaire. La reprisede l’exécution du marché par le titulaire est possible dès lors quele tiers ne les a pas entièrement exécutées et seulement si le titu-laire justifie auprès de l’acheteur qu’il dispose des moyens néces-saires pour les achever. En revanche, si le titulaire n’est pas auto-risé par l’acheteur à reprendre l’exécution des prestations, lemarché est résilié pour faute ;

2° lorsque le marché est résilié pour faute du titulaire et ce,seulement si la décision de résiliation le mentionne expressé-ment. Dans ce second cas, l’exécution aux frais et risques est unemodalité de la résiliation pour faute du titulaire.

Par ailleurs, il convient de souligner que le marché de substi-tution conclu aux frais et risques du titulaire doit désormais êtretransmis pour information au titulaire défaillant, à l’instar de laprocédure de suivi déjà prévue par le CCAG-Travaux et réguliè-rement réaffirmée par le juge 17.

26 - La réforme ne mentionne toutefois pas les modalités deconstatations contradictoires des prestations déjà réalisées etcelles restant à faire au titre du marché. Ces constatations sontpourtant nécessaires pour identifier les prestations qui doiventêtre exécutées dans le cadre du marché de substitution. L’ache-teur aurait donc intérêt à intégrer, dans les documents particu-liers de son marché, des constatations contradictoires préalablesà la décision d’exécution aux frais et risques, en s’inspirant parexemple des clauses du CCAG-Travaux plus précises sur cepoint 18.

27 - En outre, la réforme ne précise pas l’articulation entrel’exécution du marché de substitution et la notification dudécompte de résiliation. L’article 46.5 prévoit que la notificationdu décompte de résiliation doit être réalisée au plus tard 2 moisaprès la date d’effet de la résiliation du marché, le non-respectde ce délai étant constitutif d’un différend. Or, en cas d’exécu-tion aux frais et risques, le décompte de résiliation ne peut êtreétabli qu’après le règlement définitif du marché de substitution,

13. Synthèse de la consultation publique sur les projets de CCAG – DAJ de Bercy.14. Tel que défini par C. com., art. L. 151-1 et s.

15. Pour une étude du référé en matière de secret des affaires : K. Picavez etD. Giampaoli, L’acheteur public et le défi du référé en matière de secret desaffaires : JCP A 2020, 2176.

16. Récemment : CE, 18 déc. 2020, n° 433386 : JurisData n° 2020-020571 ;Contrats-Marchés publ. 2021, comm. 74, note H. Hoepffner.

17. En marché public de travaux : CE, 9 juin 2017, n° 399382, St EntrepriseMorillon Corvol Courbot (SEMCC) : JurisData n° 2017-010958 ; Contrats-Marchés publ. 2017, comm. 209, note P. Devillers.

18. Not. CCAG-Travaux, art. 52.3.

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qui n’interviendra que rarement dans ce délai de 2 mois. Àdéfaut, le supplément de dépenses occasionné par ce marché etmis à la charge du titulaire ne pourra être intégré dans cedécompte. Il est donc conseillé à l’acheteur d’indiquer expres-sément qu’en cas de résiliation pour faute aux frais et risques dutitulaire, le décompte de résiliation n’est établi qu’après règle-ment définitif du marché de substitution et de prévoir un délaiassocié.

28 - Enfin, s’agissant du règlement des différends, certainesprécisions viennent également renforcer la sécurité juridique decette phase et concernent notamment la notion d’apparition dudifférend entre les parties (art. 49.1), le contenu du mémoire enréclamation et ses mentions obligatoires (art. 49.2), les moda-lités d’interruption du délai de recours contentieux en cas derecours à la médiation ou à la conciliation (art. 49.4) ou encorele délai d’introduction d’une réclamation portant sur le solde dumarché (art. 49.5).

B. - De nouvelles clauses pour répondre aux enjeuxtransversaux de l’achat public

29 - La réforme actualise enfin le CCAG-MI en intégrant denouvelles clauses thématiques traduisant les enjeux transversauxde l’achat public tels que l’accès des petites et moyennes entre-prises (PME) à la commande publique, la protection des donnéespersonnelles, la dématérialisation, le développement durable ouencore la gestion des conséquences de la crise sanitaire.

30 - Tout d’abord, l’un des apports majeurs de la réforme estd’introduire dans tous les CCAG de nouvelles dispositionsconcernant la protection des données personnelles 19 afin detenir compte de l’entrée en vigueur du règlement général sur laprotection des données (RGPD) le 25 mai 2018.

31 - En outre, s’agissant de l’exécution financière, la refonte desCCAG intègre deux régimes alternatifs d’avances, l’option A etl’option B, la première s’appliquant par défaut (art. 12.1). Cesdeux options diffèrent quant aux modalités de calcul du montantde l’avance et du taux maximal qui peut être appliqué. Plus parti-culièrement, l’option A est favorable aux PME en fixant pourcelles-ci un taux d’avance à 20 % du montant du marché ou àun taux nécessairement supérieur. L’État sera tenu de choisircette option dès lors que le CCP l’oblige à prévoir un taux de20 % pour les PME (CCP, art. R. 2191-7). Ce nouveau systèmes’inscrit dans la droite ligne du décret n° 2020-1261 du15 octobre 2020 qui supprime le plafonnement des avances à60 % du montant TTC du marché, dans l’objectif d’ouvrir pluslargement l’accès des PME à la commande publique, notammentdans le contexte de la crise sanitaire. En pratique, si l’accès desPME aux marchés publics industriels est un objectif louable,celui-ci est particulièrement difficile à atteindre, ces achats spéci-fiques mobilisant bien souvent de grandes entreprises indus-trielles ou des entreprises de taille intermédiaire.

32 - Concernant la dématérialisation, est ajouté un nouvelarticle de simplification administrative relatif à la facturationélectronique et la transmission des demandes de paiement sousforme électronique (art. 12.8) lorsque celle-ci est imposée parle CCP. Sur ce point, l’acheteur a la possibilité de refuser lademande de paiement lorsque celle-ci méconnaît les obligationsde dématérialisation des factures. En pratique, l’intérêt de cetteincise est double : inciter les titulaires et les sous-traitants admisau paiement direct à utiliser la facturation électronique etpermettre la suspension du délai de paiement pour l’acheteur etégalement l’application des intérêts moratoires, le cas échéant.

33 - Le chapitre relatif à l’exécution du marché industriel estcelui faisant l’objet du plus grand nombre d’ajouts et de préci-sions.

34 - Tout d’abord, est insérée une clause visant à favoriserl’insertion sociale par le biais de la commande publique, parti-culièrement détaillée concernant les publics éligibles à de tellesmesures (art. 17.1). Si l’intérêt et l’objectif de cette clause socialene sont pas discutables, la traduction pratique de celle-ci s’agis-sant des marchés publics industriels reste à démontrer.

35 - Ensuite, une clause générale relative à la protection del’environnement est introduite à l’article 17.2. La version défi-nitive tient compte des remarques soulevées lors de la consul-tation publique et précise que le titulaire s’assure du respect parses sous-traitants des obligations environnementales fixées parle marché. Outre cette clause générale, plusieurs incises visentà la prise en compte renforcée de l’impact environnemental dansles modalités d’exécution de l’achat public, tant concernant lesemballages et contenants (art. 29.2.) que la gestion des déchets(art. 29.4) ou encore la livraison et les modes de transport(art. 30.1).

36 - En marchés industriels, au vu de leur objet très spécifique,il n’est pas rare que les titulaires soient des entreprises situées endehors de l’Union européenne. Dès lors, imposer des obligationsenvironnementales strictes et vérifiables à ces prestataires,susceptibles d’être moins sensibilisés à cet enjeu de l’achatpublic, est particulièrement pertinent.

37 - Par ailleurs, en complément de ces obligations environ-nementales imposées au titulaire lors de l’exécution du marché,il convient de rappeler que l’acheteur peut prévoir des critèresenvironnementaux de sélection des offres en application del’article R. 2152-7, 2° du CCP 20.

38 - Il est à noter également que des pénalités peuvent êtreappliquées en cas de non-respect de la clause d’insertion socialesi celle-ci est prévue au marché (art. 17.1.5) et en cas denon-respect des obligations environnementales mises à la chargedu titulaire (art. 17.2.3). Toutefois, l’efficience de ces clausessociales et environnementales ne peut être mesurée à ce stadeet sera démontrée par les retours d’expérience des acheteurs etdes opérateurs économiques après quelques années de pratiquesous le régime du nouveau CCAG-MI.

39 - Le chapitre relatif à l’exécution intègre plusieurs clausespermettant à l’acheteur de faire face à l’imprévu lors de l’exécu-tion du marché, ce qui se justifie tout particulièrement dans lecontexte de la crise sanitaire de la Covid-19.

40 - Concernant la commande de prestations supplémentaireset modificatives (art. 23), la réforme abandonne le terme de« modifications de caractère technique en cours d’exécution »du CCAG-MI de 2009. Le champ d’application de cet article setrouve donc étendu en ce qu’il ne se limite plus aux modifica-tions de caractère strictement technique et inclut désormais lacommande de prestations supplémentaires. En particulier, il estinstauré un mécanisme contradictoire de fixation du prix de cesprestations. Ce sujet étant régulièrement source de différendsentre l’acheteur et le titulaire, l’objectif est d’éviter toutecommande de prestations supplémentaires ou modificatives sansvalorisation financière et ce, dans la droite ligne des modalitésinsérées par la loi Pacte 21 à l’article L. 2194-3 du CCP concer-nant les marchés publics de travaux. Cet objectif est particuliè-rement louable en marchés industriels, au vu du montantsouvent conséquent de ceux-ci.

19. CCAG-MI, art. 5.2.

20. Ou CCP, art. R. 2352-5 pour les MPDS évoquant les caractéristiques envi-ronnementales de l’offre.

21. L. n° 2019-486, 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation desentreprises, art. 193 : JO 23 mai 2019.

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41 - Lorsque le marché n’a pas prévu de prix pour ces presta-tions supplémentaires ou modificatives, l’acheteur arrête, parordre de service, des prix provisoires après consultation du titu-laire.

42 - La procédure d’acceptation des prix provisoires par le titu-laire est la suivante :

- le titulaire a trente jours pour produire des observations aprèsréception de l’ordre de service notifiant ces prix provisoires enindiquant le cas échéant les prix qu’il propose ;

- en l’absence d’observations dans ce délai, le titulaire estréputé avoir accepté les prix provisoires fixés par l’acheteur.Dans ce cas, l’acceptation du titulaire est tacite et aucun avenantne doit être signé. Le titulaire doit donc être particulièrement vigi-lant sur le respect du délai ;

- en cas de désaccord, l’acheteur règle provisoirement lessommes qu’il admet ;

- en cas d’accord sur les prix définitifs, l’acheteur et le titulaireconcluent un avenant.

43 - Le titulaire peut également refuser d’exécuter un ordre deservice prescrivant des prestations supplémentaires ou modifi-catives sans valorisation financière. Toutefois, ce refus, pour êtreopposable, devra être notifié par écrit à l’acheteur dans un délaide 15 jours suivant la notification de cet ordre de service. Àdéfaut de contestation dans ce délai, le titulaire reste tenud’exécuter l’ordre de service exécutoire sans valorisation finan-cière.

44 - Enfin, la réforme intègre deux nouvelles clauses permet-tant notamment de remédier aux difficultés d’exécution rencon-trées par les acheteurs au début de la crise sanitaire et dont larédaction s’inspire du droit spécial édicté durant celle-ci 22.

45 - Premièrement, est insérée dans tous les CCAG une clauserelative à la suspension des prestations en cas de circonstancesimprévues (art. 24). Cet ajout est particulièrement notable enmarchés industriels puisque les CCAG (autres que le CCAG-Travaux et le régime de l’ajournement) ne prévoyaient pas deleviers à la disposition de l’acheteur pour suspendre l’exécutiondes prestations, hors cas de force majeure avérée. La suspensionprononcée par l’acheteur peut ne concerner qu’une partie desprestations, si celles-ci sont dissociables et ne sont pas affectéesavec la même intensité par la circonstance imprévue. Certainesobligations contractuelles peuvent donc être maintenues à lacharge du titulaire durant la suspension.

46 - Deuxièmement, une clause de réexamen est insérée pourorganiser les conséquences notamment financières d’unecirconstance imprévue (art. 25). Les parties conviennent, paravenant, de la prise en charge totale ou partielle et de la répar-tition des surcoûts directs induits par cette circonstance. Le titu-laire doit fournir les justificatifs adéquats permettant de prouverla réalité des surcoûts effectivement supportés. À la différence dela clause de réexamen de l’article R. 2194-1 du CCP, la clausede réexamen du CCAG-MI n’a pas à être prévue initialementdans les documents particuliers du marché.

47 - En conclusion, si le CCAG-MI n’est pas modifié en profon-deur et que ses spécificités restent inchangées, il n’en demeurepas moins que cette nouvelle version s’inscrit dans unedémarche notable d’harmonisation de l’ensemble des CCAGpermettant l’actualisation de ces clausiers aux évolutions du droitde la commande publique ainsi qu’aux nouveaux enjeux etpratiques de l’achat public. ê

Mots-Clés : CCAG - CCAG-MI

22. Et not. Ord. n° 2020-319, 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adap-tation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contratssoumis au Code de la commande publique et des contrats publics qui n’en

relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de Covid-19. – Ainsique de Circ. n° 6177/SG du Premier ministre, 9 juin 2020 en matière demarchés publics de travaux conclus par l’État.

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10 CCAG Maîtrise d’œuvre : une véritablenouveauté ?

Jean CORONAT,avocat associé,avocat au barreau de Bordeaux, SCP AVOCAGIR

Les acteurs de la commande publique attendaient avec curiosité depuis 2019 ce nouveau CCAG. Le CCAGMaîtrise d’œuvre a été publié le 1er avril 2021 au Journal officiel n° 0078 par un arrêté du 30 mars 2021 1.

1. L’adaptation aux particularités desprestations de maîtrise d’œuvre

1 - Le CCAG-MOE est entré en vigueur le 1er avril 2021. Lesdispositions de l’arrêté du 30 mars 2021 sont applicables auxmarchés pour lesquels une consultation a été engagée ou un avisd’appel à la concurrence envoyé à la publication à compter decette date. Toutefois, le CCAG-PI dans sa version de 2009,ancêtre du CCAG-MOE, pourra être utilisé par les acheteursjusqu’au 30 septembre 2021. Pendant cette période transitoire,en l’absence évidente de renvoi possible à ce nouveau CCAGdans les documents particuliers du marché, l’ancienne versiondu CCAG-PI de 2009 s’applique par défaut.

2 - Ce nouveau CCAG intègre les spécificités des prestationsde maîtrise d’œuvre. Il pourra s’appliquer aux marchés publicsde maîtrise d’œuvre apportant une réponse architecturale, tech-nique et économique au programme élaboré par un maîtred’ouvrage dans le cadre d’une opération de construction neuveou de réhabilitation pour la réalisation d’un ouvrage de bâtimentou d’infrastructure. Les stipulations du cahier des clauses admi-nistratives générales (CCAG) commenté s’appliquent auxmarchés qui s’y réfèrent expressément (art 1.1). Si ce documentest inclus dans les pièces du marché, il acquiert un caractèrecontractuel et s’impose alors aux cocontractants. Selonl’article 1.2 un marché peut prévoir de déroger à certaines de cesstipulations. Ces exceptions doivent figurer dans le cahier desclauses administratives particulières (CCAP), ou dans tout autredocument qui en tient lieu, et préciser à quels articles du présentCCAG elles dérogent. Le dernier article du CCAP, ou tout autredocument qui en tient lieu, contient la liste récapitulative desarticles du présent CCAG auxquels il est dérogé. Pour autant cetinventaire n’est pas prescrit à peine de nullité des stipulationscontractuelles dérogatoires, ainsi qu’il est jugé par la Haute Juri-diction 2 malgré l’opposition de certaines cours 3. Il appartientau maître d’ouvrage qui souhaite faire référence à un cahier desclauses administratives générales (CCAG) de choisir celui qui est

le mieux ajusté aux prestations objet de son marché, et de faireexpressément référence à ce CCAG dans les documents particu-liers de son marché. Ainsi qu’il est énoncé dans son préambule,le CCAG-MOE n’est pas adapté aux marchés de maîtrised’œuvre de droit privé 4. Par principe, un marché ne peut se réfé-rer qu’à un seul CCAG. Toutefois, par dérogation à ce principe,en cas de marché global au sens de l’article L. 2171-1 du Codede la commande publique, le maître d’ouvrage peut faire réfé-rence à plusieurs CCAG. Dans ce cas, il devra veiller à assurerla parfaite cohérence entre les différentes clauses auxquelles ilse réfère ce qui évidemment devrait s’avérer un exercice decompilation particulièrement délicat. Dans le cas où certainesprestations secondaires doivent être régies par des stipulationsfigurant dans un autre CCAG que celui désigné dans le marché,ce dernier doit reproduire, dans le cahier des clauses adminis-tratives particulières (CCAP) ou dans tout autre document qui entient lieu, les stipulations retenues, sans référence au CCAG dontelles émanent.

3 - Certaines stipulations intéressent les marchés de maîtrised’œuvre d’un point de vue organisationnel.

4 - Le CCAG-MOE crée des stipulations relatives à lacotraitance qui n’existaient pas dans le CCAG-PI dans sa versionde 2009 et qui se rapprochent dans leur rédaction du CCAG-Travaux 2009. L’article 3.5 du CCAG-MOE renforce ainsi etdétaille les stipulations portant sur la cotraitance et la sous-traitance fréquentes dans la pratique. La rédaction des articles3.5.1 à 3.5.3 est similaire à celle des autres CCAG. Par compa-raison avec l’ancien article 3.5 du CCAG-PI, l’article 3.5.4 estcomplété concernant la défaillance du mandataire dans ses obli-gations de représentation et de coordination ou dans la réalisa-tion de ses prestations. Ainsi, dans le cas particulier où le manda-taire du groupement ne se conforme pas à ses obligations, lemaître d’ouvrage le met en demeure d’y satisfaire. Si cette miseen demeure reste sans effet, le maître d’ouvrage invite lesmembres du groupement à désigner, dans un délai de trentejours, un autre mandataire parmi eux. À défaut, et à l’issue dudélai de trente jours courant à compter de la notification del’invitation du maître d’ouvrage d’y procéder, le cocontractantexécutant la part financière la plus importante à réaliser d’ici lafin du marché à la date de cette modification devient le nouveaumandataire. Cette substitution fait l’objet d’un avenant précisant

1. A. 30 mars. 2021, portant approbation du cahier des clauses administrativesgénérales applicables aux marchés publics de travaux.

2. CE, 31 juill. 1996, n° 124065, Canac : JurisData n° 1996-050710.3. CAA Nancy, 9 juin 2016, n° 15NC01477, SA Marwo c/ Dpt du Bas-Rhin :

JurisData n° 2016-013973 ; Contrats-Marchés publ. 2016, comm. 200, noteP. Devillers. – CAA Bordeaux, 31 oct. 2013, n° 12BX03201, Sté construc-tions guyanaises : JurisData n° 2013-028752 ; Contrats-Marchés publ. 2014,comm. 2, obs. M. Ubaud-Bergeron.

4. V. également en ce sens : Acheteurs à statut privé : se référer aux CCAGmarchés publics, une fausse bonne idée ! : Le Moniteur n° 5981, 29 juin2018, note Tenailleau et Tantardini.

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notamment la nouvelle organisation du groupement ainsi que lanouvelle répartition des prestations et la rémunération afférente.En matière de sous-traitance, le CCAG-MOE est adapté etindique en son article 3.6.1 que le maître d’œuvre, qui envisagede sous-traiter une partie du marché, à l’exception des tâchesessentielles évoquées à l’article L. 2193-3 du Code de lacommande publique et identifiées dans les documents particu-liers du marché et des prestations insusceptibles d’être sous-traitées en vertu de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’archi-tecture, demande au maître d’ouvrage d’accepter chaque sous-traitant et d’agréer ses conditions de paiement.

5 - Le CCAG présentement commenté, en son article 4.1,consacré à l’ordre de priorité des pièces contractuelles, fait figu-rer des pièces supplémentaires par comparaison avec leCCAG-PI dans sa version de 2009. Ces pièces composentfréquemment le dispositif contractuel des marchés de maîtrised’œuvre : programme et enveloppe financière prévisionnelle,pièces écrites et graphiques remises par le maître d’ouvrage lorsde la consultation, pièces relatives à la démarche BIM, offre tech-nique et financière du maître d’œuvre (composée de piècesécrites et éventuellement graphiques, y compris les complé-ments apportés en cas de négociation ou de mise au point),CCAG-MOE évidemment, mais également CCAG-Travauxprécisant le rôle du maître d’œuvre dans le cadre de l’exécutiondes marchés de travaux. Il est à noter que ce dernier documenta été rajouté par comparaison avec le projet de CCAG MEFR/DAJ/SD1/1A publié par la DAJ le 15 janvier 2021, évitant unelacune sur ce point. En matière de rémunération des groupe-ments d’opérateurs économiques notamment, le CCAG prévoit,quelle que soit la forme du groupement (solidaire ou conjoint),que chaque membre du groupement perçoit directement lessommes se rapportant à l’exécution de ses propres prestations 5.Toutefois, les documents particuliers du marché pourront prévoirle versement sur un compte unique pour les groupements soli-daires 6.

6 - Le CCAG-MOE prévoit, lorsque le maître d’œuvre signalequ’un ordre de service présente un risque en termes de sécuritéet de santé ou de non-respect d’une disposition législative ouréglementaire 7, que le délai d’exécution de cet ordre de serviceest suspendu jusqu’à la notification d’une réponse du maîtred’ouvrage. À défaut de réponse de ce dernier dans un délai de15 jours, le maître d’œuvre n’est pas tenu d’exécuter l’ordre deservice. Cette stipulation est sujette à interrogation. Doit-oncomprendre que le maître d’œuvre devra exécuter l’ordre deservice dans l’hypothèse d’une simple réponse du maîtred’ouvrage pourtant insatisfaisante ? L’hypothèse serait lasuivante : le maître d’ouvrage réplique mais de manière nonmotivée ou selon une motivation factuellement ou textuellementdiscutable. Et il est nécessaire de rappeler l’impossibilité de saisirla juridiction administrative de cette question en cas de litigeentre les parties, le juge du contrat n’ayant pas le pouvoir d’annu-ler les mesures prises par l’Administration dans le cadre del’exécution des contrats administratifs 8. Le CCAG met en place,sans néanmoins en mesurer les conséquences, un mécanismequi peut s’avérer bloquant pour un chantier in fine.

7 - Les praticiens noteront que la notion d’ajournement 9 n’estpas définie de la même manière que dans le CCAG-Travaux.

8 - Certaines stipulations relatives au volet financier desmarchés de maîtrise d’œuvre doivent être soulignées.

9 - Ce nouveau CCAG prévoit ainsi des stipulations relativesau caractère provisoire des prix du marché 10 : ainsi le passageau prix définitif s’opère par l’intermédiaire d’une clause de réexa-men qui doit être définie dans le CCAP ou tout autre documenten tenant lieu.

10 - L’article 13.1 rappelle, de manière surabondante, que lesmodalités de prise et de contrôle des engagements du maîtred’œuvre, ainsi que les seuils de tolérance prévus aux articlesR. 2432-2 et suivants du Code de la commande publique,doivent être prévus dans les documents particuliers du marché.À défaut, et c’est un élément essentiel, l’article 13.2 stipule leseuil de tolérance applicable au premier engagement sur le coûtprévisionnel des travaux à 5 % pour les opérations de construc-tion neuve et 10 % pour les opérations de réhabilitation. Le seuilde tolérance, applicable au coût définitif des travaux associé audeuxième engagement du maître d’œuvre, est porté à 3 % pourla construction neuve et 5 % pour la réhabilitation.

11 - Le CCAG-PI prévoyait précédemment que les prix étaientréputés fermes. Désormais, il convient de distinguer en fonctionde la durée d’exécution du marché : si elle est inférieure ou égaleà trois mois, les prix demeurent fermes. Toutefois, si elle est supé-rieure à trois mois, les prix sont réputés révisables pour tenircompte de la durée relativement longue des marchés de maîtrised’œuvre. Une formule de révision fondée sur l’indice ING estprévue dans le silence du marché pour pallier toute omission 11.Le régime d’actualisation des prix fermes est également décrit àl’article 10.1.2.

12 - La procédure de règlement financier, instituée aux articles11.7 et 11.8 du CCAG-MOE, est complexifiée par rapport à celleprévue au CCAG-PI dans sa version de l’arrêté de 2009, etreprend clairement les mêmes délais et phases (décompte final,décompte général et décompte général définitif) contenus dansle CCAG-Travaux. Nous noterons quelques différences notablescependant. Cette procédure ne débutera qu’à compter de la noti-fication par le maître de l’ouvrage de la dernière décisiond’admission des prestations ou, en l’absence d’une telle notifi-cation, à la fin du délai fixé à l’article 20.2, et non à compter datede la notification de la décision de réception des travaux commedans le CCAG-Travaux. On remarquera également l’absence detoute référence à un tiers (comme c’est le cas du maître d’œuvredans le cadre de la procédure prévue au CCAG-Travaux) quiparticipe à la procédure de règlement financier. Enfin, la rédac-tion et l’articulation des clauses entre le CCAG présentementcommenté et le CCAG-Travaux ne sont pas similaires.

13 - Clause commune à tous les CCAG, l’article 17 vientcompléter et détailler le régime des primes du précédent CCAG-PI. Il comporte toutefois un alinéa complémentaire àl’article 17.2, puisque le marché peut également prévoir desprimes de performance financière, intégrées au calcul de larémunération définitive, ou associées au contrôle des engage-ments du maître d’œuvre, et fixées par une clause de réexamendans les documents particuliers du marché.

2. Les adaptations aux spécificités desopérations de travaux

14 - L’article 9 impose la souscription d’une assurance deresponsabilité civile professionnelle et d’une assurance deresponsabilité civile décennale. Nous rappellerons que les loca-teurs d’ouvrage, dans le cadre des marchés publics, ne peuventvoir leur responsabilité recherchée que sur le fondement de la

5. CCAG-MOE, art. 10.7.1.6. CCAG-MOE, art. 12.1.7. CCAG-MOE, art. 3.8.8. CE, 9 janv. 1957, n° 23954, Daval. – CE, 24 sept. 1972, n° 84054, Sté des

ateliers de nettoyage, teinture et apprêts de Fontainebleau.9. CCAG-MOE, art. 2.

10. CCAG-MOE, art. 10.2.1.11. CCAG-MOE, art. 10.1.1.

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garantie décennale, biennale ou de la garantie contractuelle,sauf pour l’architecte qui n’est pas débiteur de cette garantiecontractuelle 12. La jurisprudence administrative exclut parailleurs la théorie des désordres intermédiaires reconnue par lajurisprudence civile 13. Néanmoins, les maîtres d’œuvre peuventvoir leur responsabilité recherchée pour différents manquementsà leur mission, sur le fondement de la responsabilité contrac-tuelle dans le cadre de leur obligation de conseil, à l’occasionde l’établissement du décompte général 14, ou lors de l’assis-tance du maître de l’ouvrage au moment de la réception destravaux 15. D’une part, cette obligation d’une assurance deresponsabilité civile décennale apparaît surabondante au regardde l’obligation légale découlant déjà de l’article L. 241-2 duCode des assurances pour les ouvrages autres que ceux mention-nés à l’article L. 243-1-1 du même code. Une obligation d’assu-rance décennale est par ailleurs mise à la charge des maîtresd’œuvre pour les ouvrages mentionnés par l’article L. 243-1-1du Code des assurances (dont la réalisation est coûteuse), qui vacontractuellement au-delà de la couverture d’assurance légaleimposée par le même code. Les montants de garantie, s’ils sontfixés, sont adaptés aux limites du marché de l’assurance. À lanotification du marché, le maître d’ouvrage communique aumaître d’œuvre le coût prévisionnel total de l’opération deconstruction, honoraires compris. D’autre part, l’obligation desouscription d’une assurance de responsabilité civile profession-nelle est également surabondante pour les architectes au regardde l’article 16 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architec-ture, mais pertinente pour les OPC, BET et autres économistesde la construction, pour qui cette assurance est facultative auregard de la loi. Le niveau des garanties exigées par le maîtred’ouvrage est adapté aux risques relatifs à l’opération deconstruction objet du marché.

15 - Le CCAG maîtrise d’œuvre indique en son article 11.8.1que le maître d’ouvrage doit mentionner, sous forme de réservesdans le décompte général, les litiges ou les réclamations dont ilaurait connaissance à ce moment-là, et qui sont susceptibles deconcerner le maître d’œuvre. À défaut, en cohérence avec lajurisprudence administrative 16, le maître d’ouvrage ne pourraplus, dans le cadre d’une procédure contentieuse, appeler le titu-laire en garantie au titre des litiges ou réclamations (dommagedes travaux publics, éviction illégale d’un candidat...) dont ilavait connaissance avant qu’il n’établisse le décompte généraldu marché. Cette mention, figurant sur le décompte général,n’est pas nécessairement chiffrée et n’a pas d’incidence sur leséléments composant le décompte général. Nous pouvons néan-moins nous poser la question de la pertinence d’un tel rappeldans le CCAG.

16 - Le CCAG-MOE impose la passation d’un avenant lorsquele montant cumulé des ordres de service prescrivant au maîtred’œuvre des prestations supplémentaires ou modificatives atteint10 % du montant hors taxe du marché. À défaut, le maître

d’œuvre peut refuser d’exécuter l’ordre de service tant qu’aucunavenant n’a été régularisé (article 14.2). Ainsi, un chantier pour-rait être totalement arrêté, ou voir son phasage modifié, en raisondu désaccord technique et financier qui opposerait les deuxparties. L’issue de ce litige paraît devoir être résolue dans le cadrede l’article 35 du CCAG relatif au règlement des différends entreles parties, et il sera nécessaire pour le maître d’œuvre de noti-fier son refus, et d’exiger par mise en demeure accompagnéed’un mémoire en réclamation l’obtention d’un avenant. Lerecours à l’article 35 risque néanmoins d’être insuffisant en casde blocage dur.

17 - Dans un souci d’équilibre des relations contractuelles,l’article 15.3 prévoit des cas de prolongation des délais d’exécu-tion. Une procédure est prévue afin d’obtenir cette prolongation,mais nous remarquerons que l’article 15.3.5 n’impose auxparties de se rencontrer et d’étudier les conséquences financièressur les missions du marché de maîtrise d’œuvre qu’en casd’augmentation de plus de 10 % de la durée du chantier. Acontrario, en dessous de ce seuil, cette clause n’a pas vocationà fonctionner. À l’origine, dans le CCAG mis en consultation, ilétait inscrit 10 % de la durée du marché de maîtrise d’œuvre :cela a donc été modifié. Les modalités de cette clause derevoyure ne sont en outre pas précisées. Le contenu de cetteclause pourra être précisé dans le CCAP ou alors il appartiendranotamment à l’une et/ou l’autre partie, en cours d’exécution, demettre en œuvre ce rapprochement et d’en déterminer le cadreet le contenu : réunion spécifique, établissement d’un compterendu ou échange de correspondances. Aucune sanction n’estattachée au non-respect d’une telle clause, dont le succès repo-sera sur la bonne volonté des parties. En cas d’échec, il seraimpératif d’adresser une mise en demeure accompagnée d’unmémoire en réclamation du maître d’œuvre au maître d’ouvrageafin d’initier la procédure de règlement des différends entre lesparties, prévue à l’article 35 du CCAG.

18 - L’article 25.1 du CCAG-MOE permet au maître d’œuvre,à l’instar de l’article 53.2 du CCAG-Travaux, d’interrompre lesprestations pour retard de paiement, dans un délai et selon uneprocédure qui lui sont propres néanmoins. Ainsi, lorsque leversement d’un acompte n’intervient pas dans un délai de troismois à compter du point de départ du délai de paiement, lemaître d’œuvre peut notifier au maître d’ouvrage son intentiond’interrompre les prestations au terme d’un délai de 30 jours.Lorsque les prestations sont interrompues dans ces conditions,les délais d’exécution des prestations sont prolongés de pleindroit du nombre de jours compris entre la date d’interruption desprestations et celle du paiement des acomptes en retard. Si leversement de l’acompte n’est pas intervenu dans le délai de 6mois suivant l’interruption effective des prestations, le maîtred’œuvre est en droit de ne pas les reprendre et de demander parécrit la résiliation du marché.

3. Des clauses communes à tous lesCCAG

19 - On retrouve les différents objectifs de la réforme desCCAG dans le CCAG-MOE : actualisation des clauses desCCAG, amélioration de leur lisibilité, renforcement de la sécu-rité juridique durant la phase d’exécution des marchés publics,amélioration de l’équilibre des relations contractuelles, adapta-tion des CCAG à l’ère du numérique et de l’ouverture desdonnées, transformation des CCAG en un instrument de poli-tique publique au service de l’accès des PME aux marchéspublics et des achats durables. Nous reviendrons sur quelquesclauses emblématiques dans les paragraphes suivants.

12. CAA Nancy, 4 déc. 1997, n° 94NC01590 et 94NC01591, SA Ronzat et Cie

et Mayer : RD imm. 1998, p. 247, obs. F. Llorens et Ph. Terneyre. – CAANantes, 8 févr. 2017, n° 15NT01019, Synd. intercnal d’alimentation en eaupotable (SIAEP) : JurisData n° 2017-006260 ; Contrats-Marchés publ. 2017,comm. 97, obs. H. Hoepffner.

13. CE, 11 déc. 2013, n° 364311, Cne Courcival : JurisData n° 2013-028684 ;Contrats-Marchés publ. 2014, comm. 52, note P. Devillers ; Lebon T.,p. 699.

14. CE, sect., 6 avr. 2007, n° 264490, Centre hospitalier général de Boulogne-sur-Mer : JurisData n° 2007-071731 ; Contrats-Marchés publ. 2009,comm. 173, note J.-P. Pietri.

15. CE, 30 avr. 1948, Ali Tur : Lebon, p. 192. – CE, 15 déc. 1965, Min. Construc-tion c/ Sté générale d’études techniques ind. et a. : Lebon, p. 690.

16. CE, 6 mai 2019, n° 420765, Sté Icade Promotion : JurisData n° 2019-007363 ; Lebon T. ; Contrats-Marchés publ. 2019, comm. 226, noteP. Devillers.

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20 - Ainsi, le CCAG-MOE comporte des articles relatifs audéveloppement durable. Il détaille 17 les caractéristiques mini-mum qu’une clause d’insertion sociale doit respecter dans le casoù les documents particuliers du marché en prévoient une. Cetarticle, au regard des publics éligibles, de la nature intellectuellede la prestation de maîtrise d’œuvre revêtant plusieurs aspects(d’une part, la conception du projet architectural, urbain oupaysager et d’autre part, la conduite de la mise en œuvre d’unprojet) ainsi que des niveaux de qualification requis dans lesentreprises de maîtres d’œuvre (ingénieurs, architectes...), seraextrêmement délicat à mettre en œuvre en l’état et il devra néces-sairement y être dérogé.

21 - Le nouveau CCAG impose le principe d’une clause envi-ronnementale 18 dont il définit aussi les conditions. Son exécu-tion devra être contrôlée, et les manquements sanctionnés pardes pénalités à prévoir. Le CCAG-MOE, dans sa version ouverteà concertation, confiait en outre au maître d’œuvre la responsa-bilité de la valorisation ou de l’élimination des déchets créés lorsde l’exécution des prestations pendant la durée du marché dansle cadre d’un article 16.2.3. Cette clause avait fait l’objet decritiques en raison de ses difficultés d’interprétation : concernait-elle uniquement les déchets du maître d’œuvre ou alors lagestion de l’ensemble des déchets du chantier (CCAG-MOE : « Ilfaut espérer que le plafond des pénalités à 10 % soit conservé »,selon Syntec-Ingénierie-Le Moniteur en ligne du 4 février 2021) ?Néanmoins, cette clause est supprimée dans le CCAG publié.

22 - À souligner également, au titre des ajouts similaires dansl’ensemble des CCAG, un plafonnement arithmétique dumontant des pénalités de retard à 10 % du montant hors taxes dumarché 19, ainsi que le respect d’une procédure contradictoireavant que des pénalités de retard puissent être appliquées aumaître d’œuvre 20. Il s’agit d’une modulation contractuelle despénalités de retard à l’instar de celle pratiquée judiciairement parla Haute Juridiction qui, en visant les « principes dont s’inspirel’article 1152 du code civil », a admis que le juge administratifpouvait, à l’instar du juge judiciaire, procéder à la modulationdes pénalités de retard 21 afin de modérer ou d’augmenter lespénalités de retard lorsque celles-ci atteignent « un montantmanifestement excessif ou dérisoire eu égard au montant dumarché ». Le Conseil d’État précisera ultérieurement la grilled’analyse que le juge administratif doit appliquer lorsqu’il estsaisi. Il appartient ainsi au titulaire du marché « de fournir au jugetous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pourdes marchés comparables ou aux caractéristiques particulièresdu marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure cespénalités présentent selon lui un caractère manifestement exces-sif ; qu’au vu de l’argumentation des parties, il incombe au jugesoit de rejeter les conclusions dont il est saisi en faisant applica-tion des clauses du contrat relatives aux pénalités, soit de recti-fier le montant des pénalités mises à la charge du titulaire dumarché dans la seule mesure qu’impose la correction de leurcaractère manifestement excessif. ». L’évaluation du juge se faitdonc in concreto et non de manière arithmétique 22. Néanmoins,il a été jugé que le montant des pénalités de retard ne représen-

tant que 6 %, ou 10 % 23, ou 22 % 24, voire 24 % 25 du montantdu marché n’était pas excessif. L’obtention de cette modulationdes pénalités de retard est donc judiciairement incertaine. Auregard de la jurisprudence administrative, l’application de cetteclause purement automatique apparaît donc favorable au maîtred’œuvre. Il est néanmoins nécessaire de rappeler qu’une déro-gation pourra toujours être prévue au CCAG, rendant alors plei-nement applicable la jurisprudence dégagée par le Conseild’État, dans l’hypothèse par exemple où le montant des pénali-tés de retard réclamé serait supérieur à 10 %.

23 - Prenant acte des conséquences de la pandémie deCovid-19 et contractualisant la théorie de l’imprévision,l’article 25.2.1 est institué : « Lorsque la poursuite de l’exécutiondu marché est rendue temporairement impossible du fait d’unecirconstance que des parties diligentes ne pouvaient prévoir danssa nature ou dans son ampleur ou du fait de l’édiction par uneautorité publique de mesures venant restreindre, interdire, oumodifier de manière importante l’exercice de certaines activitésen raison d’une telle circonstance, la suspension de tout ou partiedes prestations est prononcée par le maître d’ouvrage. Lorsquela suspension est demandée par le maître d’œuvre, le maîtred’ouvrage se prononce sur le bien-fondé de cette demande dansles meilleurs délais. ». Cet alinéa suscite deux observations denotre part : aucun mécanisme contractuel n’est prévu lorsque lemaître d’ouvrage refuse de répondre favorablement à lademande du maître d’œuvre de suspendre ses prestations, et ildemeure impossible de saisir la juridiction administrative decette question, comme évoqué supra. Nous pensons donc queles conséquences financières de ce type de situation se réglerontau travers de l’article 35 du CCAG. Des stipulations 26 sontensuite créées afin d’organiser la suspension des travaux dans undélai de 15 jours à compter de la décision la prononçant pourconstater les prestations exécutées et, le cas échéant, maintenirune partie des obligations contractuelles restant à la charge dumaître d’œuvre pendant la suspension. Dans un délai raison-nable (à préciser à notre sens dans le CCAP), les partiesconviennent également des modalités de reprise de l’exécutionet, le cas échéant, des modifications à apporter au marché et desmodalités de répartition des surcoûts directement induits par cesévénements. À défaut d’accord entre les parties, le maîtred’œuvre est tenu, à l’issue de la suspension, de reprendrel’exécution des prestations dans les conditions prévues par lemarché, et le désaccord est réglé dans les conditions mention-nées à l’article 35.

24 - La clause de réexamen, prévue à l’article 26 du CCAG, etcommune dans sa rédaction à tous les CCAG, ne nous paraît paspertinente telle qu’elle est rédigée à l’alinéa 4. Il est ainsi prévuque « le maître d’œuvre est tenu de demander, en temps utile,qu’il soit procédé à des constatations contradictoires pourpermettre au maître d’ouvrage d’évaluer les moyens supplémen-taires effectivement mis en œuvre ». Si cette rédaction est adap-tée à un marché travaux, comment justifier de ces moyenssupplémentaires dans le cadre de prestations intellectuelles :s’agira-t-il de démontrer que les effectifs du maître d’œuvre sontaugmentés sur une base vie ou dans les locaux du maître

17. CCAG-MOE, art. 18.1.18. CCAG-MOE, art. 18.2.19. CCAG-MOE, art. 16.2.2.20. CCAG-MOE, art. 16.2.4.21. CE, 29 déc. 2008, n° 296930, OPHLM Puteaux : JurisData n° 2008-

074702 ; publié au Recueil Lebon ; Contrats-Marchés publ. 2009,comm. 40, note G. Eckert ; BJCP 2009, p. 123, concl. B. Dacosta.

22. CE, 19 juill. 2017, n° 392707, Centre hospitalier interdépartemental depsychiatrie de l’enfant : JurisData n° 2017-014576 ; Contrats-Marchés publ2017, comm. 229.

23. CAA Marseille, 11 févr. 2019, n° 17MA04879, Sté BDM Architectes : Juris-Data n° 2019-004837 ; Contrats-Marchés publ. 2019, comm. 151, noteW. Zimmer.

24. CAA Douai, 11 juin 2015, n° 13DA01909, Sté SMAC : JurisData n° 2015-016496 ; Contrats-Marchés publ 2015, comm. 209, note M. Ubaud-Berge-ron.

25. CAA Bordeaux, 7 janv. 2014, n° 10BX00160, SA Vinci Construction : Juris-Data n° 2014-002284 ; Contrats-Marchés publ. 2014, comm. 88, obs.M. Ubaud-Bergeron.

26. CCAG-MOE, art. 25.2.2.

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d’œuvre, que de nouveaux plans ont été réalisés ou visés, quedes réunions de chantier supplémentaires ont été organisées ?

25 - Le CCAG comporte deux options concernant lesavances 27 : l’option A fixe le taux à un minimum de 20 % pour

les TPE/PME et l’option B renvoie aux taux minima prévus auxarticles R. 2191-7 et R. 2391-4 du Code de la commandepublique. Afin de tenir compte de la durée longue des marchésde maîtrise d’œuvre, l’option A apparaît plus intéressante pouroffrir un montant d’avance adéquat au maître d’œuvre. ê

Mots-Clés : CCAG - CCAG-MOE27. CCAG-MOE, art. 11.1.

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11 Le régime des droits de propriétéintellectuelle dans les nouveaux CCAG

Sylvia ISRAEL,chef de projet propriété intellectuelle,Mission APIE de la DAJ de Bercy

Anne-Claire VIALA,chef de projet propriété intellectuelle,Mission APIE de la DAJ de Bercy

Une clause de propriété intellectuelle est désormais prévue dans tous les CCAG, pour prendre en compte lefait que l’acheteur peut avoir besoin de droits d’utilisation dans tous les marchés, notamment pour lesprestations intellectuelles commandées à titre principal ou accessoire. Cette clause vise la plupart dessituations courantes (hors CCAG-MOE qui dispose d’une clause ad hoc). Elle prévoit un régime simplifié etallégé par rapport aux CCAG-PI et CCAG-TIC de 2009, notamment par la suppression du choix entre option Aet option B. Ce régime a été conçu pour être à la fois souple et autoporteur, visant un équilibregagnant-gagnant entre les intérêts de l’acheteur, des prestataires et du service public.

1 - Dans le cadre de ses prestations, le titulaire d’un marchépublic est susceptible de livrer des créations ou innovationsprotégeables par des droits de propriété intellectuelle (droitd’auteur, brevet, marque, etc.) : par exemple, un logo, un logi-ciel, des photographies, un support de formation, le fruit d’uneR&D, etc.

2 - Le paiement du prix de la prestation commandée ne permetpas automatiquement à l’acheteur d’avoir « tous les droits » surles livrables : il est en effet très différent d’utiliser une illustrationen couverture d’un rapport d’activité ou de la diffuser sous formede cartes postales.

3 - L’objet de la clause de propriété intellectuelle est d’organi-ser les conditions dans lesquelles l’acheteur pourra utiliser ce quilui est livré pour son besoin opérationnel, de même que les droitsdont pourra bénéficier le titulaire pour réutiliser certains livrablespour d’autres clients.

4 - Chaque projet est différent et une clause de propriété intel-lectuelle ne peut être conçue comme une clause administrative« standard ». Rédiger une clause de propriété intellectuelle peuts’avérer complexe et la nécessité d’être explicite tend à alourdirles documents particuliers du marché.

5 - C’est pourquoi les CCAG proposent un régime « pardéfaut » pré-rédigé, destiné à couvrir une majorité de situationscourantes, et élaboré pour atteindre un équilibre gagnant-gagnant entre les besoins des acheteurs, l’intérêt des entrepriseset du service public.

6 - La réforme des CCAG, conçue sur la base du retour d’expé-rience des CCAG de 2009, vise à :

- généraliser la présence d’une clause de propriété intellec-tuelle dans tous les marchés publics pour tenir compte du faitque des prestations intellectuelles peuvent être réalisées danstous les marchés, y compris à titre accessoire, et que des livrablessur lesquels l’acheteur a besoin d’obtenir des droits d’utilisationsont susceptibles d’être fournis dans tous types de marchés (ex.logiciel embarqué) y compris en dehors du CCAG-PI et duCCAG-TIC (ex. formation) ;

- proposer une clause rédigée de façon uniforme pour couvrirdifférents types de livrables, et une clause spécifique pour leCCAG-MOE ;

- simplifier et alléger le régime afin qu’il soit à la fois souple etle plus autoporteur possible.

7 - Afin de bien en comprendre le fonctionnement de cettenouvelle clause, nous rappellerons les enjeux des clauses depropriété intellectuelle dans les marchés publics, le régimenouveau et le rôle de l’acheteur.

1. Les enjeux d’une clause de propriétéintellectuelle dans un marché public

A. - Les particularités des droits de propriétéintellectuelle

8 - Les droits de propriété intellectuelle ont la particularité deconférer à leur titulaire un droit exclusif lui permettant d’auto-riser par contrat l’utilisation de sa réalisation protégée (selon lescas, la reproduire, la diffuser, la fabriquer, l’apposer sur desproduits etc.) et de faire sanctionner les utilisations non autori-sées.

9 - On distingue au sein de la propriété intellectuelle :

- la propriété littéraire et artistique (essentiellement le droitd’auteur) qui protège les œuvres de l’esprit sans nécessité dedépôt ;

- la propriété industrielle qui protège des réalisations faisantl’objet d’un dépôt comme le brevet, la marque ou encore ledessin ou modèle.

10 - Il est donc important d’intégrer, dans une stratégie d’achat,les exigences propres aux différents droits de propriété intellec-tuelle et plus généralement, de garder à l’esprit la nécessaire priseen compte de la valeur créée ou apportée à l’occasion de l’achat.

1° L’impact du droit d’auteur

11 - La notion d’œuvre de l’esprit protégée par le droit d’auteurdépasse le champ des « beaux-arts » pour viser une large variété

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de créations intellectuelles, sans considération de qualité ou definalité 1.

12 - L’œuvre est protégée dès sa création, sans nécessité dedépôt et appartient à son auteur.

13 - L’auteur peut transmettre à un tiers des droits pour l’utili-ser mais le seul fait d’être lié par un contrat de prestation deservices n’emporte pas transfert automatique de droits au profitdu client selon l’article L. 111-1 du Code de la propriété intel-lectuelle (le CPI) 2.

14 - C’est pourquoi il est nécessaire d’encadrer contractuelle-ment l’utilisation des œuvres de la prestation dans le cadre d’unmarché public.

2° Les enjeux des titres de propriété industrielle

15 - La particularité de ces droits est de faire l’objet d’un dépôtcréateur de droits : dépôt de marque pour réserver un signe(dénomination, logo) visant à distinguer des produits ou servicesde ceux d’autres acteurs, dépôt de brevet ou de certificat d’utilitépour protéger une invention technique.

16 - L’enjeu est donc de déterminer qui va être titulaire du droitde propriété industrielle et qui pourra l’utiliser (l’apposer sur desproduits, fabriquer, donner des licences, etc.).

17 - Ces matières techniques, empreintes d’un certain forma-lisme et de démarches administratives (dépôts, inscriptions,transmissions) en France voire à l’international, doivent êtreprises en compte dans certains marchés tels que la réalisationd’identités ou la R&D par exemple.

18 - Pour les entreprises ou les instituts de recherche, la préser-vation de leurs brevets notamment ou la perspective d’en dépo-ser peut s’avérer stratégique car cela représente d’importantsactifs immatériels.

B. - Le rôle de la clause de propriété intellectuelledans les CCAG : un régime « par défaut » visant unéquilibre gagnant-gagnant

19 - La clause de propriété intellectuelle des CCAG consiste enun régime pré-rédigé permettant d’éviter à l’acheteur de devoirélaborer une clause complète dans les documents du marché ;il peut néanmoins y déroger et l’adapter en fonction notammentdes enseignements de son sourcing.

20 - Ce régime « par défaut » a été conçu pour atteindre unéquilibre entre les intérêts des acheteurs, des titulaires et duservice public :

- pour les acheteurs, l’enjeu principal est de disposer des droitsnécessaires à leur besoin opérationnel et de préserver l’intérêt duservice public ;

- pour les entreprises co-contractantes des entités publiques,l’enjeu de la propriété intellectuelle est essentiel car il touche aucœur du modèle économique et de la valeur liée à leurs activi-tés.

21 - Ces droits permettent en effet aux acteurs économiquesde :

‰ préserver les actifs incorporels (ex. brevet) portant sur leursproduits et services, et en obtenir d’autres,

‰ s’assurer d’une rémunération correspondant à la valeur trans-mise,

‰ valoriser et réutiliser leur expérience acquise pour d’autresclients ;

‰ pour l’intérêt du service public, il est également nécessairede favoriser les conditions de remise en concurrence et de tenircompte de l’importance croissante des logiciels sous licenceslibres/open-source 3.

22 - Dans le contexte de la politique de relance, la commandepublique est un instrument puissant au service du développe-ment du numérique, de la diffusion de l’innovation, et plus géné-ralement du développement de l’activité notamment desTPE/PME.

23 - Les entités publiques ne sont pas seulement clientes, ellesportent également des objectifs de politique publique : c’est dansce contexte que la réforme des CCAG s’inscrit.

2. La clause de propriété intellectuelledans les nouveaux CCAG

A. - Les objectifs de la réforme

1° Expliciter les régimes applicables aux différentséléments composant les livrables (résultats,connaissances antérieures et connaissancesantérieures standards)

24 - Différentes catégories d’éléments sont susceptibles decomposer un livrable : résultats, connaissances antérieures etconnaissances antérieures standards.

25 - Le résultat d’une prestation intellectuelle est généralementle livrable attendu de l’achat, réalisé spécifiquement par le titu-laire pour répondre aux besoins de l’acheteur : étude, brochure,développement d’un logiciel spécifique, création d’un logo,création d’éléments identitaires, etc.

26 - Dans certains cas, le livrable peut être composite et inté-grer des éléments qui n’ont pas été développés spécifiquementpas le prestataire mais qui ont été réalisés dans un cadre extérieurau marché. Il peut s’agir par exemple de briques de code déve-loppées par un prestataire informatique pour un autre client oud’éléments que l’acheteur met à disposition du titulaire.

27 - Il s’agit alors des connaissances antérieures qui peuventappartenir au titulaire du marché, à l’acheteur ou à des tiers, quidoivent pouvoir librement continuer à les utiliser.

28 - Or, il n’est pas toujours aisé de les séparer des « résultats »,ce qui peut générer une insécurité juridique tant pour l’acheteurque pour le titulaire.

1. Le CPI ne définit pas ce qu’est une œuvre de l’esprit mais propose une listenon limitative à l’article L. 112-2 complétée par l’article L. 112-3. On noteraparticulièrement :– les livres, brochures et autres écrits littéraires, artistiques et scientifiques ;– les conférences, allocutions, sermons, plaidoiries et autres œuvres de mêmenature ;– les œuvres de dessin, de peinture, d’architecture, de sculpture, de gravure,de lithographie ;– les œuvres graphiques et typographiques ;– les œuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analo-gues à la photographie ;– les illustrations, les cartes géographiques ;– les plans, croquis et ouvrages plastiques relatifs à la géographie, à la topo-graphie, à l’architecture et aux sciences ;– les logiciels, y compris le matériel de conception préparatoire ;– les bases de données.

2. « L’existence ou la conclusion d’un contrat de louage d’ouvrage ou de servicepar l’auteur d’une œuvre de l’esprit n’emporte pas dérogation à la jouissancedu droit reconnu par le premier alinéa [...] »

3. L’article 16 de la loi pour une République numérique dispose que : « Lesadministrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300-2 du codedes relations entre le public et l’administration veillent à préserver la maîtrise,la pérennité et l’indépendance de leurs systèmes d’information.Elles encouragent l’utilisation des logiciels libres et des formats ouverts lorsdu développement, de l’achat ou de l’utilisation, de tout ou partie, de cessystèmes d’information. Elles encouragent la migration de l’ensemble descomposants de ces systèmes d’information vers le protocole IPV6, sousréserve de leur compatibilité, à compter du 1er janvier 2018 ».

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29 - La définition des connaissances antérieures couvre désor-mais sans ambiguïté tous les éléments « qui ont été réalisés dansun cadre extérieur et indépendamment du marché » qu’ilsappartiennent au titulaire, à l’acheteur ou à un tiers.

30 - Certaines connaissances antérieures peuvent être « stan-dards » en ce qu’elles ont été conçues « pour être fournies àplusieurs clients en vue de l’exécution d’une même fonction ».Ces connaissances antérieures standards sont généralementdiffusées sous un régime juridique prédéfini dans le cadre d’unelicence.

31 - Ce type de connaissance antérieure peut appartenir à untiers (ex. éditeur de logiciel, de musique au mètre, de banqued’images) de sorte que ni l’acheteur ni le titulaire n’ont la maîtrisedes conditions de licence.

32 - Par exemple, lorsqu’un titulaire propose pour répondreaux besoins de l’acheteur de lui donner accès à un logiciel qu’ilcommercialise, il ne va pas nécessairement s’agir de lui donnerle code source dudit logiciel, si le modèle économique decelui-ci est « propriétaire ».

33 - Seul le CCAG-TIC de 2009 prévoyait un régime spéci-fique, limité aux logiciels standards. La réforme a généralisé cettenotion à d’autres éléments qui ont un régime similaire (ex. typo-graphies sous licence, musique au mètre, photographies debanques d’images, etc.).

34 - La clause de PI prévoit donc des régimes juridiques diffé-rents selon qu’il s’agit de résultats, de connaissances antérieures« simples » ou de connaissances antérieures standards. Il estindispensable qu’acheteurs et prestataires soient en mesured’identifier ces différentes composantes d’un livrable.

2° Simplifier et alléger la clause de propriétéintellectuelle avec la suppression des options A et Bpour les résultats

35 - La réforme a visé une simplification et un allègement dela clause telle que prévue dans les CCAG-PI et CCAG-TIC de2009, tout en maintenant l’essentiel de sa structure et des notionsqu’elle comportait pour en faciliter la prise en mains.

36 - Les CCAG-PI et TIC de 2009 proposaient deux options auxacheteurs pour définir le régime des droits de propriété intellec-tuelle afférents aux résultats du marché.

37 - La distinction entre les options A et B était parfoiscomplexe à appréhender pour les acheteurs, focalisait l’attentionet poussait souvent les acheteurs à recourir à l’option B qu’ilscroyaient plus protectrice alors même qu’elle privait les presta-taires (designer, photographes, etc.) de la possibilité de pouvoirréutiliser/commercialiser auprès d’autres clients les résultats dumarché.

38 - La réforme a supprimé ce système d’options pour ne rete-nir qu’une rédaction unique mais adaptée à divers types de pres-tations pour tenir compte de leurs particularités.

3° Favoriser la réutilisation par le titulaire desrésultats du marché39 - Le régime proposé permet à l’acheteur de pouvoir utiliser

les résultats pour ses besoins, sans exclusivité, pour permettre,par principe, au titulaire de pouvoir réutiliser les résultats, ycompris commercialement, dans d’autres contextes (ex. intégrerde nouvelles fonctionnalités à la feuille de route de son logiciel,réutiliser une formation).

40 - Lors de la consultation publique, les contributeurs ontconsidéré cette faculté laissée au titulaire comme indispensableà l’équilibre contractuel et de nature à favoriser l’innovation.

41 - Dans l’hypothèse d’une exploitation commerciale desrésultats par le titulaire du marché, le principe d’une redevanceest maintenu dans les CCAG avec renvoi aux documents dumarché pour en déterminer les modalités, lorsque c’est pertinent.

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B. - Le contenu de la réforme : les régimes prévuspour les résultats, connaissances antérieures etconnaissances antérieures standards

1° Le régime des résultats

42 - Pour permettre l’adaptation de la clause à des prestationstrès diverses livrées dans le cadre des marchés, la réformepropose un cadre général et des dispositions spécifiques selonque le résultat est susceptible d’être protégé par des droits depropriété littéraire et artistique ou par des titres de propriétéindustrielle (brevet, certificat d’utilité) pour les résultats consti-tuant des connaissances et inventions techniques.

43 - Afin de déterminer les finalités d’utilisation par l’acheteurdes résultats, les CCAG prévoient que « le titulaire accorde [...]les droits nécessaires pour utiliser ou faire utiliser les résultats [...]pour les besoins et finalités d’utilisation exprimés dans les docu-ments particuliers du marché et en toute hypothèse pour lesbesoins d’utilisation découlant de l’objet des prestationscommandées dans le cadre du marché ».

44 - Certaines finalités courantes d’utilisation des résultats parl’acheteur sont prévues par la clause, à savoir la possibilité pourl’acheteur de :

- publier et utiliser les résultats consistant en des documentspréparatoires, tels que plans, études préalables ou spécifications,pour la mise en œuvre des besoins auxquels ils répondent ;

- évaluer ou faire évaluer par tout tiers à tout moment les résul-tats ;

- pouvoir procéder aux opérations d’archivage public ;- permettre à tout service au sein de la même personne morale

que l’acheteur de pouvoir utiliser les résultats dans les mêmesconditions et finalités d’utilisation ;

- assurer ou faire assurer par tout tiers l’évolution de tous résul-tats, en ce compris réaliser ou faire réaliser par tout tiers, la main-

tenance (corrective, préventive, adaptative et évolutive) desrésultats consistant en des logiciels ;

- transférer les droits sur les résultats à tout tiers bénéficiaired’un transfert de compétences de l’acheteur.

45 - Pour les résultats qui sont des logiciels, les besoins d’utili-sation comprennent en outre, la possibilité de rétrocéder toutdroit à tout tiers à quelque titre que ce soit, et à quelques condi-tions que soit, ainsi que la possibilité pour l’acheteur de pouvoirles diffuser sous une licence libre/open source. Cette faculté a étéretenue afin de favoriser l’ouverture des données publiques 4.

46 - S’agissant du détail des droits transmis à l’acheteur, laclause distingue les résultats susceptibles de protection par ledroit d’auteur ou par les droits relatifs à des inventions ou desconnaissances techniques.

a) Régime des résultats susceptibles de protection par ledroit d’auteur

47 - L’article L. 131-3 du CPI détaille les éléments que doitcomporter une clause de transmission des droits de l’auteur 5. Cedispositif apporte la sécurisation juridique nécessaire au bon

4. Le décret n° 2017-638 du 27 avril 2017 relatif aux licences de réutilisationà titre gratuit des informations publiques et aux modalités de leur homolo-gation liste les licences que les administrations peuvent utiliser pour diffuserles informations publiques qui revêtent la forme d’un logiciel.

5. CPI, art. L. 131-3 « La transmission des droits de l’auteur est subordonnée àla condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distinctedans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soitdélimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à ladurée ».

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déroulement des relations entre l’acheteur et le titulaire dumarché.

48 - C’est pourquoi la clause prévue dans la réforme prévoitpar défaut les paramètres essentiels de la cession 6 au profit del’acheteur :

- la liste des droits cédés (reproduction, représentation, adap-tation) ;

- une durée correspondant à la durée légale des droits d’auteurou des droits voisins du droit d’auteur ;

- le territoire correspondant au monde entier pour anticipernotamment les utilisations sur Internet ;

- le principe d’une non-exclusivité au bénéfice de l’acheteur 7.49 - Quant aux finalités et modes d’exploitation, ils sont

communs à tous les résultats y compris couverts par des droitsde propriété industrielle 8.

b) Exclusivité résiduelle accordée à l’acheteur

50 - Si, par principe, le titulaire peut réutiliser les résultats, il estnécessaire de prendre en compte certains types de prestationsdans lesquelles l’exclusivité au profit de l’acheteur est nécessaire.

51 - La cession est prévue à titre exclusif pour les résultats quiont vocation à être des signes distinctifs c’est-à-dire ayant pourobjet de distinguer l’identité propre de l’acheteur et/ou de sesservices ou produits par rapport aux autres entités, services ouproduits (tels que dénominations, logos, slogans, chartesgraphiques) ou pour les résultats qui ont pour objet de promou-voir l’acheteur ses produits et services et plus généralement sesmissions de service public (telles que campagnes de promotion,ou de communication).

52 - En effet, ces créations n’ont pas vocation à être utilisées parle titulaire pour d’autres clients.

53 - Lorsque l’acheteur commande la réalisation de signesdistinctifs (ex. nom/logo d’une entité, d’une politique publique,d’un label, d’un service public, etc.), il est d’usage de pouvoirdéposer/réserver des marques, noms de domaine, comptes deréseaux sociaux et plus généralement utiliser ces résultats à titrede tels signes distinctifs y compris pour réaliser des produits déri-vés. Le CCAG le prévoit donc expressément.

54 - L’exclusivité au profit de l’acheteur est également prévuepour les résultats confidentiels qui n’ont pas vocation à êtreexploités par le titulaire, comme par exemple des logiciels spéci-fiques sur des fonctionnalités classées « confidentiel défense »,dont la circulation suppose un contrôle de l’acheteur.

c) Régime spécifique aux résultats constituant desconnaissances et inventions techniques susceptibles deprotection par un titre de propriété industrielle (brevet,certificat d’utilité)

55 - Pour les résultats constituant des connaissances et inven-tions techniques susceptibles de protection par un titre depropriété industrielle (brevet, certificat d’utilité), la difficulté tientà la question de savoir qui va être titulaire de ces titres.

56 - Lorsque l’acheteur commande des prestations susceptiblesde porter sur ce type de réalisations (ex. R&D), il est fortementrecommandé de concevoir une clause ad hoc qui assure une

répartition des droits de propriété intellectuelle correspondantau contexte précis de l’achat.

57 - Cette clause ad hoc est d’autant plus importante notam-ment dans l’achat innovant lorsque les parties prennent desrisques et s’apportent mutuellement de la valeur, par exempledans le cadre des partenariats d’innovation 9.

58 - Il n’y a pas de modèle unique de répartition des droitsentre titulaire et acheteur car chaque projet est différent et doitêtre conçu en tenant compte des apports et des besoins des diffé-rents acteurs, en effet :

- la solution peut avoir été co-créée par l’acheteur et le titulairedu marché en phase de R&D ou de prototypage, qui aurontchacun apporté savoir-faire et/ou droits de propriété intellec-tuelle antérieurs ;

- la R&D de la solution peut avoir été cofinancée par l’acheteuret le titulaire du marché ;

- la solution peut être issue d’une innovation pour laquellel’achat public sera l’occasion d’un test « grandeur nature »,d’une preuve de concept (POC) lui apportant une légitimité, unperfectionnement ;

- la solution peut être initialement une innovation publique surlaquelle l’acheteur dispose de droits de propriété intellectuelle(par exemple d’un brevet) et pour laquelle l’achat innovantconsistera à la concrétiser puis l’industrialiser ;

- la solution peut être confidentielle, ce qui serait incompatibleavec un dépôt de brevet/certificat d’utilité.

59 - Le régime prévu dans les CCAG est conçu à défaut d’uneclause idoine. Afin de favoriser la diffusion de l’innovation, il aété privilégié, comme le propose la Commission européenne 10,de laisser aux acteurs économiques le pilotage de tels actifs, àcondition d’informer l’acheteur et de lui accorder une licencenon exclusive pour les besoins d’utilisation applicables aumarché.

2° Le régime des connaissances antérieures(standards ou non)

60 - À l’instar de ce qui était prévu en 2009, chaque partie restepropriétaire de ses connaissances antérieures.

61 - Dans les CCAG de 2009, le titulaire avait l’obligationd’identifier les « connaissances antérieures » au sein des docu-ments particuliers du marché.

62 - Dans le cadre de la réforme, il est prévu que le titulaires’engage à ce qu’elles soient identifiées dans son offre ou entoute hypothèse au fur et à mesure de l’exécution du marché,avant toute intégration et/ou utilisation d’une connaissance anté-rieure ou d’une connaissance antérieure standard non prévuedans l’offre.

63 - En effet, le titulaire ne sait pas forcément dès l’offre (afortiori dans un accord-cadre) s’il utilisera des connaissancesantérieures.

64 - Pour ce qui concerne les connaissances antérieures nonstandards, le titulaire autorise l’acheteur à utiliser les connais-sances antérieures pour les mêmes droits, durée, territoire et fina-lités d’utilisation que ceux prévus dans le régime applicable auxrésultats.

65 - Dans l’hypothèse où l’acheteur souhaiterait disposer d’unecession à titre exclusif sur les résultats (par dérogation au régimegénéral des résultats), cette exclusivité ne porterait pas, pardéfaut, sur les connaissances antérieures.

6. Contrairement à la propriété industrielle qui distingue formellement« cession » et « licence », le CPI n’emploie que le terme de « cession » pourle droit d’auteur, terme qui a été conservé pour la rédaction de clause unique.

7. Il est expressément mentionné que l’acheteur autorise l’utilisation des résul-tats par le titulaire, y compris à titre commercial, pour les mêmes droits. Pourinterdire cette utilisation, l’acheteur doit déroger au CCAG et imposer uneexclusivité à son profit.

8. V. infra.

9. Publication de l’APIE « Partenariat d’innovation : la stratégie de propriétéintellectuelle ».

10. Communication de la Commission européenne « Orientations sur la passa-tion de marchés de solutions innovantes », 15 mai 2018 C (2018) 3051 final.

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66 - Afin de préserver les droits de l’acheteur sur ses connais-sances antérieures, les CCAG rappellent que le titulaire ne peutles utiliser que dans le cadre de l’exécution du marché.

67 - À défaut d’identification expresse en tant que connais-sance antérieure (standard ou non) dans l’offre ou en coursd’exécution, tout élément livré en exécution du marché estréputé être un résultat. Dans cette hypothèse, le titulaire peutchoisir de remplacer l’élément concerné à ses frais afin qu’il soitcompatible avec le régime des résultats.

68 - S’agissant des connaissances antérieures standards, unrégime particulier est prévu pour tenir compte de leurs spécifi-cités.

69 - Les droits d’utilisation sont définis dans les licences appli-cables, telles qu’acceptées par l’acheteur, afin de tenir comptedu fait que le titulaire peut être lui-même lié par la licence de laconnaissance antérieure standard appartenant à un tiers (ex.éditeur de logiciel) 11. Le CCAG prévoit que l’acheteur soit misen capacité d’accepter ou non leur intégration et dispose pource faire d’un certain nombre d’informations telles que l’éditeuret les conditions de licence.

70 - Le nouveau régime prévoit par défaut que le prix de lalicence est compris dans le prix du marché et pour la durée dumarché.

3° Exercice des droits

71 - Pour permettre à l’acheteur d’exercer les droits qui lui sontaccordés au titre du marché, les CCAG prévoient l’obligationpour le titulaire de livrer spontanément et au fur et à mesure del’exécution des prestations.

72 - Cela vise les fichiers sources et natifs et en ce qui concerneles logiciels, les codes exécutables et la documentation.

73 - S’agissant des codes sources des logiciels qui sont indis-pensables à la maintenance et l’évolution, il est prévu qu’ils sontlivrés pour les résultats et les connaissances antérieures ainsi quepour les connaissances antérieures standards lorsque leur licencele permet, ce qui est le cas par exemple pour les logiciels stan-dards sous licence libre/open-source.

74 - Pour certains logiciels standards dits « propriétaires »,l’accès au code source n’est pas permis par la licence. Dans lecas d’utilisation de tels logiciels pour lesquels une solution deremplacement est difficile à identifier, il est recommandé àl’acheteur de prévoir dans les documents du marché un régimede séquestre des codes sources pour les cas de défaillance del’éditeur.

3. Le rôle de l’acheteur : préciser sesbesoins dans les documentsparticuliers du marché

75 - La clause de propriété intellectuelle prévoit que les droitsd’utilisation des résultats sont accordés à l’acheteur pour « lesbesoins et finalités d’utilisation exprimés dans les documentsparticuliers du marché et en toute hypothèse pour les besoinsd’utilisation découlant de l’objet des prestations commandéesdans le cadre du marché ».

76 - Les documents particuliers du marché doivent permettred’identifier ces besoins d’utilisation en complément des finali-tés prévues par défaut dans la clause 12.

- si le marché a par exemple pour objet des prises de vues, lesdocuments doivent permettre de déterminer les exploitations deces photographies : s’agit-il d’illustrer des articles de son siteInternet ou de réaliser une campagne d’affichage ?

- pour une formation développée par un prestataire, s’agit-ild’une formation interne en présentiel ou d’un moduled’e-learning destiné à être diffusé au grand public ?

- etc.77 - Une attention particulière doit être portée par l’acheteur

à la définition dans ses spécifications techniques des élémentspermettant au titulaire de déterminer si une connaissance anté-rieure peut être proposée (ex. nombre d’utilisateurs ou autrescontraintes particulières).

78 - Il appartient au titulaire de veiller à ne proposer que desconnaissances antérieures standards compatibles avec le besoinde l’acheteur.

79 - Lorsque l’acheteur souhaite que l’ensemble du livrablesuive un régime juridique donné, par exemple pouvoir diffuserl’intégralité du système d’information sous une licence libre/open-source, il est important de le préciser. Ainsi, le titulaire nepourra pas proposer de connaissance antérieure standard incom-patible.

80 - Préalablement à la définition de ses besoins l’acheteurdevra s’assurer dans le cadre du « sourcing » 13 que le projet estréaliste au regard des modèles économiques des fournisseurs etdes pratiques sectorielles en termes de propriété intellectuelle,afin d’éviter notamment un marché infructueux.

81 - L’acheteur doit aussi tenir compte de ses propres réalisa-tions antérieures (provenant d’autres marchés ou élaborées eninterne) et de la valeur qu’il apporte au prestataire (financementd’une R&D, etc.). En base, les CCAG prévoient que le titulairene peut utiliser les connaissances antérieures de l’acheteur quedans le cadre de l’exécution du marché.

82 - Le facteur clé de réussite est le nécessaire dialogue entrel’acheteur, le prescripteur et le juriste. Un travail d’étude deconcertation est indispensable en amont de la procédure achatcar chaque projet est différent. ê

Mots-Clés : CCAG - Clause PI

11. L’utilisateur légitime d’un logiciel dispose en toute hypothèse de droits prévuspar l’article L. 122-6-1 du Code de la propriété intellectuelle et notamment :le droit de faire une copie de sauvegarde lorsque celle-ci est nécessaire pourpréserver l’utilisation du logiciel, le droit d’observer, étudier ou tester le fonc-tionnement ou la sécurité de ce logiciel afin de déterminer les idées et prin-cipes qui sont à la base de n’importe quel élément du logiciel lorsqu’elle effec-tue toute opération de chargement, d’affichage, d’exécution, de transmissionou de stockage du logiciel qu’elle est en droit d’effectuer, etc. ainsi que ledroit d’obtenir les informations nécessaires à l’interopérabilité d’un logicieldans certaines conditions.

12. Guide de mise en œuvre de la clause de PI dans les CCAG de 2021.13.

www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/dae/doc/

Guide_sourcing.pdf.

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CONTRATS ET MARCHÉS PUBLICS - N° 5 - MAI 2021 - © LEXISNEXIS SA Dossier

TEXTES

Guylain CLAMOUR,professeur à l’université de Montpellier,doyen de la faculté de droit et science politique

Marchés publics

LOI ASAP

134 Modifications élémentaires de la partieréglementaire

Pris en application de la loi Asap du 7 décembre 2020, ledécret n° 2021-357 du 30 mars 2021 :– abroge les dispositions réglementaires du Code de lacommande publique relatives aux services juridiques ;– fixe à 10 % la part de l’exécution des marchés publicsglobaux devant être confiée à des petites et moyennesentreprises ou à des artisans.Il reformule également les hypothèses de dispense dejury pour l’attribution des marchés globaux et intègredans le code le point de départ du délai de paiement dusolde des marchés publics de maîtrise d’œuvre précisédans le nouveau CCAG.

D. n° 2021-357, 30 mars 2021 portant diverses dispositions en matière decommande publique : JO 1er avr. 2021, texte n° 17

NOTE : Portant diverses dispositions en matière de commandepublique, le décret du 30 mars 2021 modifie des dispositions régle-mentaires du Code de la commande publique en applicationd’évolutions issues de la loi Asap (L. n° 2020-1525, 7 déc. 2020d’accélération et de simplification de l’action publique : JO 8 déc.2020 ; Contrats-Marchés publ. 2021, comm. 1, note G. Clamour) etde l’adoption du CCAG « Maîtrise d’œuvre », toutes égalementapplicables aux marchés publics conclus par l’État ou ses établis-sements public dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie fran-çaise, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarc-tiques françaises.

1. Abrogation des dispositions réglementaires relativesaux services juridiques

Renonçant à la surtransposition, la loi Asap du 7 décembre2020 a ajouté à la liste des services juridiques relevant des« autres marchés publics » (CCP, art. L. 2512?5) et des « autrescontrats de concession » (CCP, art. L. 3212?4) :

- d’une part, les services juridiques de « représentation légaled’un client par un avocat dans le cadre d’une procédure juridic-tionnelle, devant les autorités publiques ou les institutionsinternationales ou dans le cadre d’un mode alternatif de règle-ment des conflits » ;

- d’autre part, les services de « consultation juridique fournispar un avocat en vue de la préparation de toute procédure » ou« lorsqu’il existe des signes tangibles et de fortes probabilitésque la question sur laquelle porte la consultation fera l’objetd’une telle procédure ».

En conséquence, le décret n° 2021-357 du 30 mars 2021 abrogeles dispositions de la partie réglementaire du Code de lacommande publique relatives à la procédure de passation desmarchés de services juridiques de représentation en justice parun avocat et de consultation juridique qui se rapportent à uncontentieux. Sont ainsi modifiés les articles R. 2123-1 et R. 2123-1qui listaient ces services au titre de la procédure adaptée, etabrogés l’article R. 2123-3 ainsi que la section jusqu’alors consa-crée aux « règles particulières aux services juridiques » (CCP,art. R. 2123-8).

2. Part de l’exécution des marchés publics globauxdevant être confiée à des petites et moyennesentreprises ou à des artisans

Reprenant la solution temporaire posée par l’ordonnance du17 juin 2020 (Ord. n° 2020-738, 17 juin 2020 portant diversesmesures en matière de commande publique : JO 18 juin 2020,texte n° 14 ; Contrats-Marchés publ. 2020, comm. 193 noteG. Clamour), la loi Asap a pérennisé l’obligation, en marchépublic global, de confier une part de l’exécution à des petites etmoyennes entreprises ou à des artisans (L. n° 2020-1525, 7 déc.2020 d’accélération et de simplification de l’action publique). Ausein des règles générales relatives au choix de l’offre économi-quement la plus avantageuse, le Code de la commandepublique indique depuis que « l’acheteur tient compte parmi lescritères d’attribution des marchés globaux mentionnés à l’articleL. 2171-1 de la part d’exécution du marché que le soumission-naire s’engage à confier à des petites et moyennes entreprisesou à des artisans » (CCP, art. L. 2152-9). De manière plus spéci-fique, le code contient, au titre des « règles applicables à certainsmarchés globaux », une section intitulée « part d’exécution desmarchés globaux réservée aux petites et moyennes entreprises »au sein de laquelle il est prescrit que tout marché globalconcerné (c’est-à-dire marché de conception-réalisation,marché global de performance et marchés globaux sectoriels)doit prévoir « la part minimale de l’exécution du contrat que letitulaire s’engage à confier à des petites et moyennes entreprisesou à des artisans », étant précisé que cette part minimale « estétablie dans des conditions prévues par voie réglementaire »(CCP, art. L. 2171-8).

Le décret rapporté fixe à 10 % du montant prévisionnel dumarché la part minimale que le titulaire d’un marché global, quin’est pas lui-même une PME ou un artisan, s’engage à confier,directement ou indirectement, à une PME ou à un artisan (CCP,art. R. 2171-23)

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3. Dispense de jury pour l’attribution des marchésglobaux

Pour la passation des marchés publics globaux, les acheteurssoumis aux règles de la maîtrise d’ouvrage publique doiventdésigner un jury (CCP, art. R. 2171-16). Il n’en va autrement quedans les cas prévus à l’article R. 2171-16 que le décret n° 2021-357du 30 mars 2021 vient de réécrire afin de mettre ces hypothèsesen cohérence avec celles de dispense de concours pour l’attri-bution des marchés de maîtrise d’œuvre.

Ainsi, il n’est possible de déroger à cette obligation ques’agissant :

‰ des marchés de conception-réalisation relatifs à- la réutilisation ou à la réhabilitation d’ouvrages existants

ou à la réalisation d’un projet urbain ou paysager,- à des ouvrages réalisés à titre de recherche, d’essai ou

d’expérimentation,- à des ouvrages d’infrastructures,- à des ouvrages de bâtiment réalisés par les organismes et

sociétés d’économie mixte d’habitations à loyer modéré quepar les CROUS ;

‰ des marchés globaux de performance passés par lespouvoirs adjudicateurs pour ces quatre mêmes hypothèses,ainsi que dans le cas où le marché ne confie aucune mission deconception au titulaire ;

‰ des marchés de conception-réalisation et des marchésglobaux de performance passés par les entités adjudicatricesselon la procédure de dialogue compétitif ou selon la procédureavec négociation.

4. Point de départ du délai de paiement du solde desmarchés publics de maîtrise d’œuvre

Le nouveau cahier des clauses administratives générales(CCAG) applicables aux marchés publics de maîtrise d’œuvreposant un mécanisme de décompte général et définitif, ledécret rapporté modifie l’article R. 2192-16 du Code de lacommande publique afin de préciser que, pour le paiement dusolde des marchés de maîtrise d’œuvre conclus par l’État, sesétablissements publics ayant un caractère autre qu’industriel etcommercial, les collectivités territoriales et leurs établissementspublics, le délai de paiement court à compter de la date deréception par le maître de l’ouvrage du décompte général etdéfinitif établi dans les conditions fixées par le CCAG.

Guylain CLAMOUR

Mots-Clés : Commande publique - Loi ASAPJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 14Autres publications LexisNexis : Contrats-Marchés publ. 2021,comm. 1, note G. Clamour

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JURISPRUDENCEMarchés publics

NOTION

135 Les contrats de titres de paiement sontdes marchés publics

Solution. – Un contrat de services de titres de paiementne transférant pas de risque réel lié à l’exploitation duditservice est un marché public.Impact. – La valeur estimée d’un tel marché prend encompte la valeur faciale totale des titres, complétée parune estimation des frais de gestion versés par la collec-tivité.

CE, 4 mars 2021, n° 438859, Dpt de la Loire c/ Sté Edenred

NOTE : Un département a souhaité confier à un opérateuréconomique l’émission et la distribution de chèques emploi-service, de titres cadeaux et de titres restaurant destinés à diversagents publics sous la forme d’un accord-cadre composé de 6 lots.En raison du faible montant de cinq des lots, il a décidé de lespasser sans publicité ni mise en concurrence et a invité la sociétéEndered à présenter une offre pour ces cinq lots. Celle-ci, estimantque la procédure était entachée d’irrégularité, a refusé et a saisi lejuge du référé précontractuel pour en demander l’annulationqu’elle a obtenue. Pour déterminer si la procédure pouvait léga-lement être conclue sans procédure de dévolution concurren-tielle, il revenait au juge de calculer la valeur estimée du contrat et,par suite, à titre préalable, de déterminer si un tel contrat deservice est un marché public ou un contrat de concession. Saisi encassation, le Conseil d’État les qualifie de marchés publics deservices puis précise les règles d’estimation du montant de ce typede besoin. Il apporte également d’utiles précisions sur les règlesrelatives à la lésion.

1. Soulevant au préalable un moyen d’ordre public quant auchamp d’application de la loi, le Conseil d’État commence parqualifier ces contrats de titres de paiement de marchés publics.

Après avoir rappelé les articles L. 1111-1 et L. 1121-1 du Code dela commande publique définissant respectivement le marchépublic et le contrat public, le Conseil d’État reprend sa jurispru-dence aux termes de laquelle « un contrat par lequel un acheteurpublic confie l’exécution de travaux ou la gestion d’un service à unou plusieurs opérateurs économiques ne constitue un contrat deconcession que s’il transfère un risque réel lié à l’exploitation del’ouvrage ou du service et si le transfert de ce risque trouve sacontrepartie, au moins partiellement, dans le droit d’exploiterl’ouvrage ou le service » (CE, 25 mai 2018, n° 416825, Sté PhilippeVédiaud publicité : JurisData n° 2018-008653 ; Contrats-Marchéspubl. 2018, comm. 165, note G. Eckert). Si la notion de risque estdélicate à définir (Th. Pez, Le risque, les concessions et lesmarchés : RFDA 2016, p. 237), on sait toutefois désormais que lerisque d’exploitation « réel » est un risque « potentiel » (et nonsurvenu) et qu’il ne s’apprécie pas seulement au regard de sonimportance. Ce qui est déterminant aussi bien aux termes de ladirective 2014/23/UE que de l’article L. 1121-1 du Code de lacommande publique, c’est que le contrat implique « une réelleexposition aux aléas du marché, de sorte que toute perte poten-tielle supportée par le concessionnaire ne doit pas être purementthéorique ou négligeable ». Le considérant 18 de ladite directive,même s’il est dépourvu de force obligatoire, mérite à ce titre d’êtrerappelé. Il souligne que le risque d’exploitation est constitué parle fait pour son titulaire de ne pas être assuré « d’amortir les inves-tissements effectués et les coûts supportés lors de l’exploitation

des travaux ou services attribués dans des conditions d’exploita-tion normales, même si une partie du risque continue d’êtresupportée par le pouvoir adjudicateur ».

Il applique ensuite ces règles aux contrats de titres de paiement.Pour ceux-ci, la question du transfert d’un risque d’exploitationpouvait être posée dès lors que les entreprises fournissant cesservices tirent leur rémunération à la fois des sommes versées parl’acheteur (ici le département qui finance les titres) et des commis-sions rétrocédées par les affiliés (pour les titres restaurants ou leschèques cadeaux) ou les intervenants (pour les CESU) qui sont lescommerçants ou, pour les CESU, l’employé ou le service social,acceptant ces modes de paiement pour les prestations qu’ilsrendent aux salariés bénéficiaires.

Le Conseil d’État considère toutefois qu’ils ne transfèrent pas derisque (ou du moins qu’il est insuffisant) permettant de caractéri-ser un contrat de concession. Leurs titulaires, parce qu’ilsprélèvent une commission à l’occasion du remboursement deschèques aux personnes les ayants acceptés en paiement ouplacent les sommes versées par le département durant le laps detemps précédant leur remboursement, avant de les verser à leursbénéficiaires finaux, ne supportent aucun risque d’exploitationd’abord parce que le coût de l’émission des titres et de leur distri-bution est intégralement payé par le département et ensuite parceque le cocontractant bénéficie, à titre de dépôt, des fonds néces-saires pour verser leur contre-valeur aux personnes physiques oumorales par lesquelles les titres seront utilisés (pt 3 de l’arrêt). Lerapporteur public M. Pichon de Vendeuil (concl. sur ArianeWeb)ajoute que « s’il reste un risque commercial pour ce dernier, tenantà ce que les affiliés seraient en nombre insuffisant pour accepterles titres ou refuseraient les conditions tarifaires liées aux commis-sions, un tel risque est parfaitement résiduel vu l’organisation dumarché, qui est structuré depuis longtemps, alors, au demeurant,que l’incitation à user de leurs titres est très forte pour les bénéfi-ciaires, ce qui est de nature à garantir le maintien d’un solideréseau d’affiliés et donc des commissions qui les accompagnent ».

2. Par voie de conséquence, le Conseil d’État poursuit en appli-quant les articles R. 2121-1 à R. 2121-9 du Code de la commandepublique relatifs au calcul de la valeur estimée du besoin dans lesmarchés publics, afin de déterminer si le département était ou nonen droit de procéder à l’attribution du contrat litigieux sans lemettre en concurrence. Il applique en particulier l’article R. 2121-1du Code de la commande publique qui fait référence au« montant total » que les acheteurs doivent inclure dans la valeurde leur besoin des montants qui ne seraient qu’éventuels(tranches, options, primes versées aux candidats...). Compte tenude la spécificité de l’objet de ces contrats de titres de paiement, ladétermination de leur montant n’était pas évidente. Le départe-ment soutenait que ce montant devait être estimé sur la base desseuls frais de gestion versés par l’acheteur au prestataire. Selon lui,il n’y avait pas lieu d’inclure la valeur faciale des titres de paiement.Si cette position se justifiait par le fait qu’in fine, l’acheteur ne payeà son prestataire que le coût du service qui lui est rendu, c’est-à-dire les commissions versées au titre des frais de gestion, elleaurait eu pour conséquence, en raison des pratiques en la matière,d’exclure la majorité des marchés de titre de paiement des obliga-tions de dévolution concurrentielle. Le Conseil d’État ne suit doncpas cette position. Il confirme celle, plus globale, du juge des réfé-rés du tribunal administratif et celle retenue par la DAJ de Bercydans une note du 7 juin 2011 (« le montant payé par le pouvoiradjudicateur correspond à une somme égale au nombre de titresémis multiplié par leur valeur faciale, augmentée des frais degestion et moyens de rémunération appliqués par l’émetteur oudiminuée de rabais ou autres ristournes consenties grâce auxcommissions perçues par l’émetteur sur les enseignes »). Il juge

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que pour déterminer le montant du marché, l’acheteur est tenu deprendre en compte la valeur faciale totale des titres, complétéepar une estimation des frais de gestion à verser par la collectivité(« l’acheteur doit prendre en compte, outre les frais de gestionversés par le pouvoir adjudicateur, la valeur faciale des titressusceptibles d’être émis pour son exécution, somme que lepouvoir adjudicateur doit payer à son cocontractant en contrepar-tie des titres mis à sa disposition ») (pt 5). Si cette solution conduit« à faire rentrer le plus de marchés des collectivités dans le champdes procédures formalisées », c’est aussi celle qui évite le plusd’incertitudes sur le montant potentiel du contrat.

3. Enfin, le Conseil d’État était appelé à préciser si une entrepriseinvitée à présenter une offre mais s’y étant refusée par peur d’êtreaffectée par une irrégularité de la passation est susceptible d’êtrelésée par celle-ci. Certes, il est admis que des candidats potentielsexerçant une activité correspondant à l’objet du contrat que laviolation des obligations de publicité et de mise en concurrencea empêché ou dissuadé de soumissionner sont recevables à exer-cer un référé précontractuel (CE, 29 avr. 2015, n° 386748, SYVADE :JurisData n° 2015-009620 ; Contrats-Marchés publ. 2015, comm. 137,note M. Ubaud-Bergeron). Mais il n’était pas évident qu’une entre-prise invitée à remettre une offre, qui n’a donc pas à proprementparler été exclue de la procédure de passation, soit considéréecomme ayant été « dissuadée » d’y participer. C’est pourtant cetteinterprétation souple de la lésion que retient le Conseil d’État. Iljuge qu’en dépit du fait qu’elle ait été invitée à remettre une offre,l’entreprise requérante en avait bien été dissuadée en raison del’irrégularité substantielle dont elle considérait que la procédureétait entachée. Cette solution s’inscrit dans le prolongement decelle aux termes de laquelle le recours erroné à une procédurenégociée est susceptible d’avoir lésé une entreprise, y compriss’agissant des lots pour lesquels elle avait été retenue (CE, 14 déc.2009, n° 330052, Dpt du Cher : JurisData n° 2009-016877 ; Contrats-Marchés publ. 2010, comm. 58, note W. Zimmer).

Hélène HOEPFFNER

Mots-Clés : Notion de contrat administratif - Titres de paiementJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 10

PASSATION

136 Précisions sur la distinction entrerecettes publiques et recettescommerciales perçues par lecocontractant

Solution. – Les recettes de billetterie perçues par letitulaire d’un marché public de transports ont le carac-tère de recettes commerciales et non de recettespubliques.Impact. – La perception de ces recettes commercialespeut être organisée par le contrat sans méconnaissancede la compétence exclusive des comptables publicsdans le recouvrement des recettes publiques.

CAA Lyon, 25 févr. 2021, n° 19LY04314, Dpt Isère : JurisData n° 2021-003350

NOTE : À la suite d’une procédure d’appel d’offres, le dépar-tement de l’Isère a conclu en 2012 un marché public alloti deservices réguliers de transports publics non urbains. Pour l’un deslots attribués, un candidat évincé, dont l’offre avait été classée endeuxième position, a saisi le tribunal administratif de Grenobled’un recours en contestation de validité du contrat tendant àl’annulation du marché et à l’indemnisation de son préjudice. Letribunal a rejeté sa demande par un jugement confirmé en appelpar la cour administrative d’appel de Lyon : l’arrêt de cettedernière a ensuite fait l’objet d’une annulation par le Conseil d’État

(CE, 22 nov. 2019, n° 418461 : JurisData n° 2019-020724 ; Contrats-Marchés publ. 2020, comm. 40, note M. Ubaud-Bergeron) qui arenvoyé l’affaire à la cour pour qu’elle statue à nouveau.

Parmi les nombreux moyens soulevés par la société requérante,deux méritent plus particulièrement de retenir l’attention. Il étaittout d’abord soutenu que le marché est entaché d’irrégularité aumotif qu’il implique une gestion de fait pour le cocontractant, enraison des recettes perçues auprès des usagers du service publicen contrepartie de la prestation, recettes ayant la qualité de« recettes publiques » selon la requérante. Il est en effet constantque le recouvrement des recettes publiques ne peut être exercéque par un comptable public : à l’exception des cas où le législa-teur prévoit lui-même une dérogation à ce principe (V. not. pourles collectivités territoriales : L. n° 2014-1545, 20 déc. 2014, art. 40,codifié à l’article L. 1611-7-1 du CGCT), ce principe a une portéeabsolue et a notamment pour effet de prohiber toute délégationcontractuelle à un tiers de cette compétence (CE, avis, 13 févr.2007, n° 373788 : EDCE 2008, p. 228. – CE, sect., 6 nov. 2009,n° 297877, Sté Prest’action : JurisData n° 2009-013485 ; Contrats-Marchés publ. 2009, comm. 384, note G. Eckert).

Toutefois, la difficulté d’une telle solution tient dans l’appréhen-sion de la notion même de « recettes publiques » (V. à cet égard :B. Schmaltz, Sens et portée de la redéfinition des « recettespubliques » : RFDA 2016, p. 1263), dans la mesure où une partieimportante des contrats administratifs ont pour effet de permettreau titulaire de retirer une rémunération de l’exploitation de l’acti-vité. La jurisprudence s’est donc attachée à préciser la distinctionexistante entre les contrats ayant pour objet de faire recouvrir parle cocontractant des sommes présentant le caractère de denierspublics, et ceux dans lesquels les sommes perçues par lui sont desressources issues de l’exploitation commerciale d’une activitépropre du cocontractant. C’est ainsi que le Conseil d’État a pupréciser que seul était interdit le recouvrement par un cocontrac-tant « de sommes dues par des tiers en contrepartie de biens ouservices » fournis par une personne publique, ces dernières ayantle caractère de recettes publiques, mais qu’en revanche, dans lecadre d’un contrat confiant à une entreprise une mission de pros-pection publicitaire pour un journal municipal, « les recettes [...]perçues auprès des annonceurs lors de la vente des encarts publi-citaires, constitutives des recettes commerciales de la sociétérequérante dans le cadre de ce marché de services, ne pouvaientêtre qualifiées de recettes publiques au sens des dispositionsprécitées du décret du 29 décembre 1962, seules revêtant une tellenature les sommes ensuite versées à la commune en vertu ducontrat, fixées en l’espèce en fonction d’un pourcentage desrecettes commerciales de la société avec un montant minimalgaranti » (CE, sect., 6 nov. 2009, n° 297877, Sté Prest’action). Cetteméthode d’analyse a été systématisée par le Conseil d’État dansune décision ultérieure jugeant que « pour déterminer si lesrecettes perçues par un cocontractant de l’administration sontsusceptibles de caractériser une gestion de fait, il appartient aujuge des comptes de rechercher si, au regard de l’objet du contratet de l’action du cocontractant, les recettes que ce dernier perçoitpeuvent recevoir la qualification de recettes publiques. Tel est lecas lorsque l’administration a entendu confier à un organismepublic ou privé l’encaissement de produits ou de revenus corres-pondant à la fourniture d’un bien ou d’un service par l’administra-tion elle-même, un tel encaissement ne pouvant alors être orga-nisé que dans les conditions prévues par la loi. En revanche, nepeuvent être qualifiées de recettes publiques les sommes corres-pondant au produit que le cocontractant tire de son activité propred’exploitation d’un bien ou d’une prestation de services » (CE,26 juin 2019, n° 417386, Ville de Paris : JurisData n° 2019-011016 ;Contrats-Marchés publ. 2019, comm. 322, note J. Dietenhoeffer),affaire dans laquelle la Haute Juridiction a estimé que les sommesperçues par une association du fait de la sous-location d’une salleappartenant au domaine public communal ne constituent pas desrecettes publiques dans la mesure où elles correspondent auxrevenus que le cocontractant tire de son activité propre. Dans laligne de cette jurisprudence, la présente affaire vient apporter elleaussi une précision sur la notion de recettes publiques en esti-mant que « le contrat conclu par la société Cars Philibert ne lui

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confiait pas le recouvrement de sommes dues par des tiers encontrepartie de biens ou services fournis par le département del’Isère mais la chargeait du service régulier de transport public nonurbain de personnes par voie terrestre à titre onéreux. Les recettesde billetteries découlant de l’activité de la société titulaire ducontrat sont des recettes commerciales de cette société dans lecadre du marché de services et ne peuvent être qualifiées derecettes publiques » (§ 8).

Par ailleurs, la cour est amenée également à se prononcer ànouveau sur la procédure même de mise en concurrence, lasociété requérante reprochant au pouvoir adjudicateur la mise enœuvre d’une méthode de notation des offres illégale, puisque cedernier avait retenu pour l’un des critères une méthode d’auto-évaluation de l’offre par le candidat lui-même, celle-ci ayant justi-fié la censure du Conseil d’État (CE, 22 nov. 2019, n° 418461) : lacour, en conséquence, juge que, « en retenant une telle méthodede notation, le département de l’Isère doit être regardé commeayant renoncé à apprécier la valeur des offres et come ayant, parsuite, privé de portée utile le sous-critère en cause, cette note nepouvant donner lieu à vérification au stade de l’analyse desoffres ». Néanmoins, dans le cadre de son office du juge de la vali-dité du contrat, la cour estime qu’un tel vice n’est pas de nature àjustifier l’annulation du marché. Marion UBAUD-BERGERON

Mots-Clés : Appel d’offres - Recettes publiquesJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 61-10

EXÉCUTION

137 Mise en jeu de la caution personnelle etsolidaire

Solution. – La caution personnelle et solidaire ne peututilement opposer ni l’absence de déclaration de lacréance dans le cadre de la procédure collective ni lasous-traitance d’une partie des prestations garanties, ni,lorsque le décompte de résiliation est devenu définitif,un document du maître de l’ouvrage justifiant de la levéedes réserves.Impact. – L’arrêt illustre la mise en jeu de la cautionpersonnelle et solidaire devant la juridiction administra-tive.

CAA Versailles, 18 févr. 2021, n° 18VE00526 : JurisData n° 2021-003356 ;inédit au Recueil Lebon

NOTE : Dans le cadre d’un marché de travaux passé avec unoffice public de l’habitat (OPH), un entrepreneur avait souscritune caution personnelle et solidaire auprès d’un établissement decrédit. Après que l’ouvrage a été réceptionné avec réserves,l’entrepreneur a été placé en liquidation judiciaire et son marchéa été résilié. Le maître de l’ouvrage a alors recherché la responsa-bilité de la caution.

Rendu sous l’empire du Code des marchés publics, l’arrêt de lacour administrative d’appel de Versailles, statuant sur la requêtede l’OPH, conserve sa pertinence sous l’empire des dispositionséquivalentes du Code de la commande publique et illustre la miseen jeu de la caution devant la juridiction administrative.

À titre liminaire, on sait que la retenue de garantie prélevée parfraction sur les paiements au titulaire peut être remplacée par unegarantie de substitution, qui peut notamment consister en unecaution personnelle et solidaire (CCP, art. R. 2191-36).

Comme la retenue de garantie, cette caution personnelle et soli-daire a pour seul objet de couvrir les réserves formulées à laréception des prestations du marché et, le cas échéant, cellesformulées pendant le délai de garantie lorsque les malfaçonsn’étaient pas apparentes ou que leurs conséquences n’étaient pasidentifiables au moment de la réception (CCP, art. R. 2191-32).Ainsi, l’Administration ne peut donc actionner la caution au titrede sommes présentant un autre objet (CAA Paris, 15 juin 2010,

n° 08PA05801, CH Sainte Anne : JurisData n° 2010-016487 ;Contrats-Marchés publ. 2010, comm. 338, obs. F. Llorens).

Surtout, pour mettre en jeu la caution, l’acheteur doit, comme lerappelle l’arrêt commenté, justifier qu’il détient une créancecertaine et exigible (CE, 17 mars 1972, Figaroli : Lebon, p. 224. – CE,19 févr. 1988, n° 64320, Banque de Baecque : RDP 1988, p. 1434).

L’établissement caution opposait donc plusieurs moyens à lademande de l’OPH.

En premier lieu, selon le défendeur, le délai de garantie de parfaitachèvement s’était écoulé sans que l’acheteur ne mette en œuvrela sûreté. Or, les établissements ayant accordé leur caution sontlibérés 1 mois au plus tard après l’expiration du délai de garantie,à moins que des réserves n’aient été notifiées pendant ce délai autitulaire et à la caution (CCP, art. R. 2191-42). Toutefois, la courrelève que la réception avec réserves était intervenue moins d’unan avant que la caution ne soit mise en jeu, de sorte que le délai degarantie n’était pas expiré.

Cette solution apparaît d’autant plus justifiée que, mêmelorsqu’il s’est abstenu de prendre une décision de prolongationdu délai de la garantie de parfait achèvement, le maître d’ouvragepeut rechercher la responsabilité contractuelle de l’entrepreneurà raison de réserves émises lors de la réception, après l’expirationde ce délai et jusqu’à la levée de ces réserves (CE, 26 janv. 2007,n° 264306 : JurisData n° 2007-071345 ; Contrats-Marchés publ. 2007,comm. 70, note J.-P. Pietri). Or, le refus de libération de la cautionest justifié lorsque son maintien est nécessaire pour garantir lesdettes contractuelles demeurant à la charge de l’entrepreneur (CE,sect., 19 nov. 1971, Sté nationale de construction c/ OPHLM de laVille du Havre : Lebon, p. 696). Il en est ainsi aussi longtemps queles réserves à la réception des travaux n’ont pas été expressémentlevées (CAA Bordeaux, 5 févr. 2009, n° 07BX02404, Sté Gatineau :Contrats-Marchés publ. 2009, comm. 128, note J.-P. Pietri).

En second lieu, l’établissement caution contestait le caractèrecertain et exigible de la créance au motif que des pièces permet-tant de regarder les réserves comme levées avaient été transmisespar l’OPH. Toutefois, ce moyen se heurte en l’occurrence aucaractère définitif du décompte de résiliation, dont les élémentsne peuvent plus être modifiés ni contestés (CE, sect., 22 oct. 1965,Cne Saint-Lary : Lebon, p. 546). La signature sans réserve dudécompte de résiliation par le liquidateur équivalait évidemmentà une acceptation expresse du décompte, lui conférant son carac-tère définitif. À cet égard, la notification tardive du décomptegénéral définitif n’était pas de nature à lui ôter son caractère intan-gible.

En troisième lieu, la caution faisait valoir que l’OPH n’avait pasdéclaré sa créance dans le cadre de la procédure collectiveouverte à l’encontre de l’entrepreneur. Confirmant une jurispru-dence constante, la cour administrative d’appel de Versaillesrappelle néanmoins que l’action du maître de l’ouvrage ne tendpas à la détermination des modalités de règlement des créancesde l’entrepreneur, mais vise à la constatation de l’existence d’uneobligation propre de la caution qui ne disparaît pas du fait de lamise en redressement ou en liquidation judiciaire de l’entreprisedéfaillante. Ainsi, le garant n’est pas libéré au seul motif que lemaître de l’ouvrage n’aurait pas déclaré sa créance ni demandé àêtre relevé de forclusion (V. parmi une jurisprudence abondante :CE, 14 juin 2000, n° 199585, Banque Rhône-Alpes : JurisDatan° 2000-060755 ; Contrats-Marchés publ. 2000, comm. 14, noteF. Llorens ; BJCP 2000, p. 410, concl. C. Bergeal. – CE, 10 juill. 2013,n° 361122, Banque calédonienne d’investissement : JurisDatan° 2013-014529 ; Lebon T., p. 698 ; Contrats-Marchés publ. 2013,comm. 249, obs. G. Eckert ; BJCP 2013, p. 425, concl. G. Pellissier).

Enfin, la cour écarte l’argument selon lequel le titulaire dumarché avait sous-traité une partie des travaux à plusieurs entre-prises. Elle relève évidemment que cette circonstance n’est pas denature à exonérer l’entrepreneur de sa responsabilité (V. parmiune jurisprudence constante : CE, 10 déc. 1982, n° 27068, Min. Éduc.– CE, 8 août 1990, n° 72060, SA Camandona : JurisData n° 1990-044487 ; RD imm. 1990, p. 490, obs. F. Llorens et Ph. Terneyre). Parsuite, la caution, qui répond des obligations du titulaire, ne peut

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se prévaloir de la sous-traitance pour échapper à la condamnationque lui inflige la cour administrative d’appel de Versailles aprèsavoir annulé le jugement entrepris. Jérôme DIETENHOEFFER

Mots-Clés : Marché de travaux - Caution personnelle et solidaireJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 150Autres publications LexisNexis : Fiche pratique n° 2676 : Mettre enœuvre des garanties financières

138 Contestation tardive du décomptegénéral

Solution. – Le délai de réclamation contre le décomptegénéral n’est pas un délai franc. La réclamation doit êtrereçue par le maître d’ouvrage avant l’expiration de cedélai, et n’est admise au-delà par le juge que lorsque saréception tardive découle d’un acheminement postalanormalement long.Impact. – Est ainsi tardive une réclamation envoyée lejour même de l’expiration du délai et reçue le lendemain.

CAA Nantes, 4e ch., 19 févr. 2021, n° 20NT00068 : JurisData n° 2021-003354 ; inédit au Recueil Lebon

NOTE : Dans le cadre de l’opération de construction de l’Écolenationale supérieure d’ingénieurs de Bretagne Sud, dont lasociété d’économie mixte d’aménagement et d’équipementSembreizh assurait la maîtrise d’ouvrage sur délégation de lacommunauté d’agglomération du Pays de Lorient, la sociétéArmor Isolation s’est vu confier, en 2010, la réalisation des travauxdu lot n° 6 « cloisons plafonds doublages ». Le 22 novembre 2013,à la suite de la réception des travaux, la Sembreizh lui a notifié ledécompte général du marché correspondant à ce lot. Par un cour-rier et un mémoire du 6 janvier 2014, la société Armor Isolation acontesté ce décompte, dans lequel elle déplorait tant l’absence deprise en compte de travaux supplémentaires et d’une indemnisa-tion au titre des perturbations et allongements de chantier, que laprésence de pénalités. Cette réclamation est restée lettre morteet la communauté d’agglomération du Pays de Lorient a maintenule décompte en l’état en dépit d’un avis du CCIRA de Nantes plutôtfavorable à la société. Cette dernière a alors saisi le tribunal admi-nistratif de Rennes qui, par un jugement du 7 novembre 2019 (TARennes, 7 nov. 2019, n° 1705128), a rejeté sa demande comme irre-cevable en raison de la tardiveté de sa réclamation.

La cour administrative d’appel de Nantes confirme la solution etle raisonnement du tribunal, après les avoir analysés au titre de larégularité du jugement (l’irrecevabilité de la demande retenue àtort entachant la régularité, et non le bien-fondé du jugement : V.par ex., CE, 10 mai 1957, Dlle Tampucci : Lebon, p. 300. – CE, 9 mars1988, n° 30281, Weber).

L’article 13.44 du CCAG-Travaux de 2009, que les parties avaientrendu applicable à leur marché, prévoit qu’à défaut de l’avoircontesté dans le délai de 45 jours à compter de sa notification, letitulaire est réputé avoir accepté le décompte général. Et commeon le sait bien, le caractère définitif ainsi acquis par le décomptea pour effet d’interdire aux parties toute réclamation ultérieure àson sujet (par ex. : CE, 18 juin 1947, Ville de Toulouse : Lebon,p. 271. – CE, 22 oct. 1965, Cne Saint-Lary : Lebon, p. 565).

La société faisait valoir le caractère franc de ce délai, qui auraitainsi expiré le 7 janvier, date à laquelle la Sembreizh avait récep-tionné sa réclamation, et non le 6 janvier à minuit, comme l’avaitretenu le tribunal. Mais sauf texte contraire, seuls les délais deprocédure juridictionnelle sont francs (CE, 30 déc. 2009, n° 314972,

Konté : JurisData n° 2009-017486), tandis que les délais de procé-dure administrative ne le sont pas (par ex. : CE, 20 oct. 1993,n° 146136, Paré : Lebon, p. 297). Cet argument était donc inopérant,ce explique peut-être que la cour, qui le vise, retienne la mêmedate que le tribunal sans y répondre.

La société avait, ce 6 janvier 2014, procédé à deux envois de saréclamation : un envoi postal, que la Sembreizh a donc reçu lelendemain, et un autre, à 19 heures 50, par courrier électronique.Ces envois ont donc été faits avant l’expiration du délai de récla-mation, mais c’est la date de réception de cette dernière queretient la jurisprudence en la matière.

S’agissant de l’envoi postal, la cour applique une jurisprudenceclassique, admettant la recevabilité d’un recours parvenu horsdélai à son destinataire, dès lors que cette réception tardivedécoule d’un acheminement postal anormalement long, utiliséeaussi bien dans les procédures contentieuses (par ex. : CE, 17 févr.1978, n° 08188, Min. Défense c/ Dame veuve Castaing-Tailleur :publié au Recueil Lebon), que dans les procédures administra-tives, et notamment en matière de contestation du décompte (parex. : CAA Bordeaux, 10 déc. 2019, n° 17BX02409, Sté Buildtec : Juris-Data n° 2019-024110 ; Contrats-Marchés publ. 2020, comm. 53, noteÉ. Muller. – CAA Nancy, 29 sept. 2015, n° 14NC00362, Centre hospi-talier Geneviève de Gaulle-Anthonioz : JurisData n° 2015-022480.– CAA Lyon, 17 oct. 2019, n° 17LY02069, Sté Babylone AvenueArchitectes : JurisData n° 2019-021533 ; Contrats-Marchés publ.2020, comm. 7, note É. Muller), le caractère anormal du délaid’acheminement s’appréciant, le cas échéant, compte tenu descirconstances particulières de nature à rendre prévisible sonallongement (par ex. : CAA Bordeaux, 17 oct. 2017, n° 17BX00807,Région Nouvelle Aquitaine).

En l’espèce, il va de soi qu’un envoi postal effectué le jour mêmede l’expiration du délai ne pouvait pas bénéficier de cette jurispru-dence.

Quant au courrier électronique, la cour considère qu’il était irré-gulier : l’article 3.1 du CCAG prévoit que « les conditions d’utilisa-tion des moyens dématérialisés ou des supports électroniquessont déterminées dans les documents particuliers du marché », ceque ces dernières ne faisaient pas en l’espèce. La cour lève aupassage une équivoque dans la rédaction des stipulations de cetarticle. En effet, si elles évoquent des « échanges dématérialisés ousur supports électroniques », elles ne visent que « la notificationau titulaire des décisions ou informations du pouvoir adjudicateurqui font courir un délai » ; si on les prend au pied de la lettre, onpeut se demander si elles sont applicables à des courriers électro-niques émis par le titulaire, à tout le moins lorsqu’il ne s’agit pasde réponses à des courriers de notification ou d’information dupouvoir adjudicateur (auquel cas leur rattachement à un« échange » avec ce dernier est plus aisé). La cour, qui sauf erreurest la première à trancher cette question, y répond expressémenten faveur de l’application de ces stipulations à tout échange entrele titulaire et le pouvoir adjudicateur nécessitant d’attester de laréception exacte de cet échange.

On ajoutera que le CCAG-Travaux de 2021 règle lui-même cettequestion : son article 3.1 reprend les mêmes règles, mais toilettéesde l’équivoque et stipulées au titre des obligations générales desparties, pour toute notification des décisions, observations, ouinformations qui font courir un délai, et non plus seulement pourles notifications du seul maître d’ouvrage. Philippe REES

Mots-Clés : Décompte général et définitif - Contestation tardiveJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 145Autres publications LexisNexis : Fiche pratique n° 3023 : Contesterle DGD dans les marchés publics de travaux

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À noter également139 Le dépassement du montant estimatif du

marché ne rend pas l’offre irrecevableTA Versailles, ord., 11 mars 2021, n° 2101439, SAS HR PathSoftware

Observations : Le fait, pour un pouvoir adjudicateur, de rappeler, enréponse à une question posée par un candidat, que le montant du marchéindiqué dans les documents de la consultation revêt un caractère estimatifet de préciser à cette occasion que le dépassement de ce montant ne rendpas les offres irrecevables ne vicie pas la procédure de passation dès lorsque cette réponse, « communiquée à l’ensemble des candidats, permet-tait à chaque candidat de disposer d’informations, non seulement enta-chées d’aucune contradiction, mais également suffisamment précisespour leur permettre de présenter une offre ». En outre, le dépassement dece montant estimatif ne rend pas les offres inacceptables dans la mesureoù elles ne dépassent pas les crédits alloués au marché (CCP, art. L. 2152-3). Étienne MULLER

Mots-Clés : Appel d’offres - Montant estiméJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 61-10

140 Liberté de l’acheteur de solliciter l’avis d’unpanel d’utilisateurs dans le cadre de la nota-tion des offresCAA Versailles, 18 févr. 2021, n° 17VE02351 – 17VE02480, StéMajencia : JurisData n° 2021-003357 ; inédit au Recueil Lebon

Observations : Sous réserve des principes fondamentaux de la commandepublique, dont le respect implique qu’elle ne fausse pas la concurrence enprivant un critère de sa portée ou en neutralisant sa pondération, laméthode de notation des offres est librement déterminée par l’acheteur etn’a pas à être rendue publique. C’est ce que rappelle la Cour administratived’appel de Versailles à propos de la sollicitation pour avis, au stade del’analyse des offres dans le cadre de la passation d’un marché demobiliers de bureau, d’une commission technique interne comprenant unpanel d’agents utilisateurs : « il était loisible à l’administration, libre dedéfinir sa méthode de notation, de solliciter de tels avis, lesquels nerelèvent pas de l’appréciation proprement dite des offres des candidats » ;en outre, « la circonstance que ces sollicitations internes n’ont pas étépréalablement portées à la connaissance des candidats n’est pas [...] denature à entacher d’irrégularité la procédure de passation ». É. M.

Mots-Clés : Appel d’offres - Notation des offresJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 61-10

141 Le retard d’exécution du marché n’ouvre pasdroit à l’augmentation de la rémunération dumaître d’œuvreCAA Versailles, 4 mars 2021, n° 18VE00055, Sté Valorisation dupatrimoine immobilier ingénierie : JurisData n° 2021-003346 ;inédit au Recueil Lebon

Observations : Un retard d’exécution d’un marché de travaux ne sauraitouvrir droit à l’augmentation de la rémunération du maître d’œuvre. Enraison du caractère forfaitaire de celle-ci, seules ont un tel effet lesprestations supplémentaires qui, soit découlent d’une modification duprogramme ou des prestations décidées par le maître de l’ouvrage, soit,lorsqu’elles sont exécutées spontanément par le maître d’œuvre, sontindispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art ourésultent de sujétions imprévues. En l’espèce, s’il est établi que laréception des travaux est intervenue avec 13 mois de retard, le maîtred’œuvre requérant échoue à démontrer qu’il en soit résulté une augmen-tation de sa charge de travail ou que le maître d’ouvrage lui ait imposé desmissions complémentaires excédant « le cadre de ses obligations contrac-tuelles dont la rémunération est assurée par un prix forfaitaire ». Rappe-lons, d’ailleurs, que même une prolongation conventionnelle de lamission du maître d’œuvre n’ouvre pas droit à rémunération si elle nes’accompagne d’une modification impliquant des prestations supplémen-taires (CE, 10 févr. 2014, n° 365828, Sté Arc Ame : JurisData n° 2014-002256 ; Contrats-Marchés publ. 2014, comm. 139, note W. Zimmer).

É. M.

Mots-Clés : Marché de travaux - Délais d’exécutionJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 110

142 Non-respect du minimum contractuel deprestations : indemnisation des dépensesutilement engagées pour l’acquisition d’unmatériau non réutilisableCAA Versailles, 4 mars 2021, n° 18VE04041, Sté Robin Marieton :JurisData n° 2021-003344 ; inédit au Recueil Lebon

Observations : Le titulaire d’un marché à bons de commande dont leminimum contractuellement prévu n’a pas été respecté par l’administra-tion est fondé à réclamer à cette dernière l’indemnisation du préjudicequ’il a subi de ce fait. En rappelant que cette indemnité ne correspond« pas nécessairement » à la rémunération qui aurait dû lui être versée si leminimum avait été atteint, cet arrêt montre qu’il n’en est pas moins hâtif del’assimiler à la seule marge bénéficiaire et qu’elle peut inclure, danscertaines conditions, des dépenses utilement engagées pour l’exécutiondu marché. Le requérant faisait valoir qu’il avait dû, pour confectionnerl’équipement commandé par l’administration, acquérir un matériau spéci-fique dont tant la composition que la teinte faisaient obstacle à saréutilisation pour satisfaire les besoins d’un autre client. Sur la based’expertises produites en appel, la Cour fait droit à sa demande d’indem-nisation de la dépense correspondante. É. M.

Mots-Clés : Marché à bons de commande - Seuil minimalJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 120

143 Un document adressé antérieurement à laréception ne peut être regardé comme unprojet de décompteCAA Bordeaux, 3 mars 2021, n° 20BX02107, Sté Kalitec GénieClimatique et sté Delagrave : JurisData n° 2021-003348 ; inédit auRecueil Lebon

Observations : La procédure d’établissement du décompte prévue par leCCAG Travaux démarre « après l’achèvement des travaux » (CCAG-Travaux,art. 13.3.1). Il en découle, comme cet arrêt l’indique, que le projet dedécompte adressé par le titulaire antérieurement à la réception « [n’est]pas de nature à déclencher la procédure d’établissement du décomptegénéral ». En l’espèce, l’entreprise requérante soutenait que le projet dedécompte qu’elle avait adressé au maître d’ouvrage et auquel celui-cin’avait pas donné suite était, de ce fait, devenu le décompte définitif. Or, ilappert que le maître d’ouvrage avait, dans les 30 jours suivant la date duprocès-verbal du maître d’œuvre (CCAG-Travaux, art. 41.3), manifesté sonrefus de prononcer la réception ; celle-ci ne peut, par conséquent, êtreregardée comme intervenue tacitement comme le soutenait le requérant. Ils’ensuit que le document dont se prévaut l’entreprise, transmis au maîtrede l’ouvrage avant la réception, « ne peut être regardé ni comme le projetde décompte final au sens des articles 13.3.3 et 13.3.2 [...] du CCAG Travauxni comme le décompte général et définitif au sens de l’article 13.4.4 duCCAG Travaux qui serait intervenu tacitement et ne peut à ce titre donnerlieu à règlement ». É. M.

Mots-Clés : Décompte général et définitif - ÉtablissementJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 145

144 Prescription quadriennale des créances néesdes marchés de travauxCAA Douai, 18 févr. 2021, n° 19DA01544 : JurisData n° 2021-003355 ; inédit au Recueil Lebon

Observations : Cet arrêt comporte deux aspects intéressants relatifs à laprescription quadriennale des créances nées des marchés de travaux.L’une concerne la date d’acquisition des droits au paiement par le titulaire,dont dépend le point de départ de la prescription quadriennale qui court àcompter du premier jour de l’année suivante (L. n° 68-1250, 31 déc. 1986,art. 1er).Alors qu’on aurait pu penser que prévaudrait la notification du décomptegénéral définitif, dans la mesure où celui-ci fixe la créance de l’entrepriseet constitue d’ailleurs le point de départ du délai de paiement (V. P.Devillers, Le décompte général et définitif dans les marchés de travaux(état des lieux – juin 2014) » : Contrats-Marchés publ. 2014, étude 9), laCour, étendant une solution adoptée pour les marchés de maîtrise d’œuvre(CE, 11 févr. 2005, n° 249211, Desnoes : JurisData n° 2005-068010 :Contrats-Marchés publ. 2005, comm. 111, note J.-P. Pietri), considère que« les droits au paiement d’un marché à rémunération forfaitaire sont

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acquis lors de l’établissement du projet de décompte par le titulaire et nonlors de celui du décompte général du marché par le maître d’ouvrage ».D’autre part, l’arrêt rappelle que l’effet interruptif d’un recours juridiction-nel vaut quel que soit l’auteur du recours (L. n° 68-1250, 31 déc. 1986,art. 2).En l’espèce, la prescription quadriennale était invoquée par un maîtred’ouvrage relevant appel de sa condamnation, prononcée plus de 13 ansaprès l’établissement du projet de décompte, à indemniser un sous-traitant du préjudice subi du fait d’un retard d’exécution. Mais entre-temps, le titulaire du marché avait lui-même agi au titre des préjudicessubis par le sous-traitant, puis la Cour avait, sur appel du maîtred’ouvrage, annulé le jugement faisant droit à cette prétention. « Le faitgénérateur de l’obligation de réparation sur lequel s’est fondé [le titulaire]étant identique à celui de l’obligation invoquée [par le sous-traitant] », cepremier recours avait bien interrompu la prescription quadriennale et lenouveau délai n’avait commencé à courir, conformément à la loi, qu’àcompter de la date à laquelle l’arrêt de la Cour était passé en force de chosejugée. É. M.

Mots-Clés : Marché de travaux - CréancesJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 140

145 La solidarité des membres du groupements’étend à leur responsabilité contractuelleCAA Bordeaux, 8 mars 2021, n° 19BX01138, Sté Colas Sud-Ouest :JurisData n° 2021-003340 ; inédit au Recueil Lebon

Observations : Engagés financièrement pour la totalité du marché (CCP,art. R. 2142-20), les membres d’un groupement solidaire sont aussi,comme le rappelle ici la cour administrative d’appel de Bordeaux, solidai-rement responsables des manquements dans l’exécution de leurs obliga-tions contractuelles envers le maître d’ouvrage, à moins qu’une répartitiondes travaux entre les membres du groupement soit fixée par une conven-tion à laquelle le maître d’ouvrage lui-même est partie (CE, 11 juill. 2008,n° 275289, Sté Norpac et a. : JurisData n° 2008-074014 ; Contrats-Marchés publ. 2008, comm. 201 à 203, obs. F. Llorens). Tel n’est pas lecas, en l’espèce, d’un tableau annexé à l’acte d’engagement qui « seborne à préciser » les sommes devant être perçues par chaque membre dugroupement. L’appelant ne pouvait donc faire valoir qu’il n’avait pas prispart aux travaux à l’origine des désordres pour échapper à sa condamna-tion à indemniser le préjudice subi par le maître d’ouvrage. É. M.

Mots-Clés : Marché de travaux - Groupement solidaireJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 120

146 Exonération partielle de l’entrepreneurappelé en garantie pour des dommagescausés aux tiersCAA Versailles, 4 mars 2021, n° 18VE03890, Sté GRTgaz : JurisDatan° 2021-003345 ; inédit au Recueil Lebon

Observations : Si la personne responsable des dommages de travauxpublics causés aux tiers est le maître de l’ouvrage, des clauses du marchépeuvent prévoir que l’entrepreneur doit l’en garantir totalement ou partiel-lement, même après que la réception a été prononcée. En l’espèce, destravaux de forage commandés par SNCF Réseau avaient endommagé unecanalisation de gaz appartenant à un opérateur tiers. Les clauses etconditions générales applicables aux marchés passés par SNCF Réseauprévoyaient que l’entrepreneur supportait seul les conséquences indem-nitaires des dommages causés aux tiers par l’exécution du marché maispouvait s’exonérer en démontrant que ces dommages sont imputables aumaître de l’ouvrage. Elles stipulaient également qu’il appartenait à l’entre-preneur d’établir, au moyen d’un repérage effectué contradictoirementavec le gestionnaire des ouvrages et installations, l’emplacement de cesderniers, ce qu’il avait négligé de faire en l’espèce. Toutefois, la cour faitpartiellement droit à la demande d’exonération de l’entrepreneur en sefondant sur le Code de l’environnement, en vertu duquel SNCF Réseauaurait dû, en tant que « responsable de projet », adresser une déclarationaux exploitants d’ouvrages en service (C. envir., art. R. 554-20). Est doncconfirmée la condamnation de l’entrepreneur à garantir le maîtred’ouvrage à hauteur de 75 % seulement des condamnations prononcéescontre lui. É. M.

Mots-Clés : Marché de travaux - Dommages aux tiersJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 170

147 Inscription au décompte des conséquencesde désordres ou malfaçons relevant de lagarantie de parfait achèvementTA Besançon, 25 févr. 2021, n° 1600645, SA Léon Grosse AlsaceFranche-Comté

Observations : Le titulaire d’un marché de travaux contestait le décomptegénéral et demandait à être indemnisé au titre de travaux supplémen-taires. Le maître d’ouvrage a alors demandé par voie reconventionnelleque des postes correspondant à la reprise de certaines malfaçons soientinscrits au décompte général. Le tribunal fait droit à cette demande au titrede la garantie de parfait achèvement. En principe, les malfaçons etdésordres ayant fait l’objet de réserves lors de la réception ou apparuspendant le délai d’un an à compter de celle-ci fondent le maître d’ouvrage,d’une part, à décider le prolongement de la garantie de parfait achève-ment, d’autre part, à mettre l’entreprise titulaire du marché en demeure deprocéder aux travaux de reprise nécessaires, faute de quoi ils serontconfiés à ses frais et risques à une entreprise tierce. Cependant, le tribunalestime que le maître d’ouvrage « peut également décider, notammentdans le cas où l’entreprise conteste être responsable de ces désordres oumalfaçons et refuse de procéder à des travaux de reprise, d’établir undécompte général incluant, au passif de cette entreprise, les sommescorrespondant aux conséquences de ces désordres ou malfaçons ou, s’iln’est pas en mesure de chiffrer ces conséquences avec certitude, d’assortirla signature du décompte général de réserves relatives à ces consé-quences ». É. M.

Mots-Clés : Décompte général et définitif - Garantie de parfaitachèvementJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 145

148 Interruption du délai de garantie de parfaitachèvement en cas d’expertise ordonnée enréféréCAA Nantes, 19 févr. 2021, n° 20NT01602, Sté Chaze TP : JurisDatan° 2021-003353 ; inédit au Recueil Lebon

Observations : Suite à un sinistre dû à la défectuosité d’une citerne dont ilavait prononcé la réception sans réserve, un maître d’ouvrage public saisitle juge des référés d’une demande d’expertise 10 jours avant l’échéancedu délai d’un an de garantie de parfait achèvement. Près de 5 ans plustard, le titulaire lui oppose en appel la prescription de cette garantie. Cettefin de non-recevoir est écartée par la cour par application des dispositionsdu Code civil qui prévoient, d’une part, qu’une demande en justice, mêmede référé, interrompt le délai de prescription jusqu’à l’extinction del’instance (C. civ., art. 2241 et 2242) et d’autre part, que lorsque le juge faitdroit à une demande de mesure d’instruction avant dire droit, cetteordonnance interrompt le délai de prescription qui ne recommence àcourir qu’au jour où la mesure a été exécutée pour une durée qui ne peutêtre inférieure à 6 mois (C. civ., art. 2239). En l’espèce, le délai avait doncété suspendu d’abord lors de la demande d’expertise jusqu’au jour del’ordonnance, puis, le juge ayant fait droit à cette demande, une secondefois jusqu’à l’échéance d’un délai de 6 mois suivant le dépôt du rapportpar l’expert, délai durant lequel le maître d’ouvrage avait engagé uneaction indemnitaire recherchant la responsabilité contractuelle de l’entre-prise. La Cour prend cependant soin de préciser que l’interruption du délaide garantie en application de l’article 2239 du Code civil est dotée d’uneffet relatif : elle tend à préserver les droits de la partie ayant sollicité lamesure en référé jusqu’à son exécution « et ne joue qu’à son profit, et non,lorsque la mesure consiste en une expertise, au profit de l’ensemble desparties, sauf pour ces parties à avoir expressément demandé à êtreassociées à la demande d’expertise et pour un objet identique ». É. M.

Mots-Clés : Décompte général et définitif - Garantie de parfaitachèvementJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 145

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Concessions et délégations de service public

PASSATION

149 Méconnaissance du principed’impartialité et annulation du contrat

Solution. – Le principe d’impartialité est méconnulorsque le dirigeant de deux entreprises a participé à laprocédure l’attribution d’une concession et s’est parailleurs vu attribuer des prestations dans le cadre d’uncontrat de sous-traitance.Impact. – La méconnaissance du principe d’impartialitéjustifie l’annulation du contrat, alors même que celui-cin’a connu aucun début d’exécution et a été résilié.

CAA Bordeaux, 22 févr. 2021, n° 18BX03381 : JurisData n° 2021-003351 ;inédit au Recueil Lebon

NOTE : Le Grand port maritime de Bordeaux (GPMB) et laconvention de terminal du Verdon sont connus des lecteurs de larevue : c’est déjà la même requérante, la société Sea-InvestBordeaux, qui avait saisi le juge administratif d’un référé contrac-tuel afin de contester, dans le cadre d’un référé contractuel, la vali-dité d’un contrat de mise en régie (conclu en 2016) de laditeconvention (conclue en 2014). On se souvient que ce recours avaitdonné l’occasion au Conseil d’État (CE, 14 févr. 2017, n° 405157,Grand Port Maritime de Bordeaux : JurisData n° 2017-002461 ;Contrats-Marchés publ. 2017, comm. 99, note G. Eckert et Contrats-Marchés publ. 2017, repère 4, F. Llorens et P. Soler-Couteaux ; BJCP2017, p. 153, concl. G. Pellissier ; Dr. adm. 2017, comm. 16, noteL. Richer) de qualifier pour la première fois un contrat de conces-sion de service « ordinaire » en droit français.

Dans la présente affaire, le juge administratif était saisi par lamême requérante de la question de la validité de la convention determinal originelle. En 2013 en effet, le GPMB a lancé une procé-dure d’attribution de la convention de terminal du Verdoncomprenant une phase de sélection des candidatures puis desoffres des deux candidats retenus, la société Sea-Invest Bordeauxet la société Europorte. Informée par courrier du 19 mai 2014 queson offre était rejetée, la première a exercé une action en contes-tation de validité du contrat signé le 19 décembre 2014. Celle-ciayant été rejetée, elle interjette appel.

La cour apporte d’abord une précision sur le délai de recoursapplicable au recours dit « Tarn et Garonne ». Celui-ci est rece-vable dans un délai de 2 mois à compter de l’accomplissement desmesures de publicité appropriées, c’est-à-dire « notamment aumoyen d’un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat etles modalités de sa consultation dans le respect des secrets proté-gés par la loi ». Certes, le juge ne retient pas une conception rigo-riste de la mesure de publicité appropriée : il admet en effet quele délai de forclusion commence à courir, « y compris lorsquel’avis ne mentionne pas la date de conclusion du contrat et necomporte, en guise d’information sur les modalités de consulta-tion du contrat, que les coordonnées du service responsable » (CE,3 juin 2020, n° 428845, CH d’Avignon : JurisData n° 2020-008432 ;Contrats-Marchés publ. 2020, comm. 243, note J. Dietenhoeffer ;BJCP 2020, p. 355, concl. G. Pellissier). Mais pour que le délaicommence courir, il convient quand même de respecter un mini-mum de formes. En l’espèce, le GPMB s’est contenté d’informerle requérant évincé du rejet de son offre par courrier (19 mai 2014)et de diffuser, sur son site internet, un relevé de conclusions indi-quant que la convention de terminal était « en cours de finalisa-tion ». La société requérante n’a en réalité eu connaissance de laconvention de terminal en cause que le 22 mars 2016 à la suite dela saisine de la CADA sur cette demande de communication de laconvention. C’est donc à juste titre, nous semble-t-il, que la Courconsidère que « ces simples courrier et mention ne sauraient être

regardées comme des mesures de publicité appropriées de natureà faire courir le délai de recours contentieux de deux mois danslequel pouvait être exercée la contestation de la validité ducontrat » et que la demande de la requérante en date du 20 mai2016 n’était pas tardive.

La cour fait ensuite application de la jurisprudence classique duConseil d’État aux termes de laquelle « au nombre des principesgénéraux du droit qui s’imposent au pouvoir adjudicateur commeà toute autorité administrative figure le principe d’impartialité,dont la méconnaissance est constitutive d’un manquement auxobligations de publicité et de mise en concurrence » (CE, 14 oct.2015, n° 390968, Région Nord-Pas-de Calais : JurisData n° 2015-022864 ; Contrats-Marchés publ. 2015, comm. 279, note G. Eckert ;BJCP 2016, p. 34, concl. N. Boulouis) qui permet au juge de sanc-tionner les procédures dans le cadre desquelles un agent ayantune influence réelle sur le processus décisionnel aurait un intérêtpersonnel ou une connaissance d’un candidat de nature à fairecraindre qu’il serait susceptible de l’avantager ou de le défavori-ser (CE, 12 sept. 2018, n° 420454, SIOM Vallée de Chevreuse : Juris-Data n° 2018-015727 ; Contrats-Marchés publ. 2018, comm. 241,note M. Ubaud-Bergeron).

En l’espèce, elle relève que M. A., par le biais de la société CTSqu’il dirige, a été chargé par le GPMB de plusieurs missions rela-tives au port du Verdon : l’assistance à l’élaboration du projet stra-tégique (2012), l’assistance à la maîtrise d’ouvrage pour la conclu-sion de la convention de terminal (2013), l’étude stratégique desflux logistiques et des gains associés à la mise en place d’un termi-nal (2014). Ayant participé à l’élaboration des documents de laconsultation et à l’analyse des offres des candidats, il a été suscep-tible d’influencer l’issue de la procédure litigieuse. Or, Europorte,société attributaire de la convention de terminal, a sous-traité lamajeure partie des prestations dont elle avait la charge du fait deladite convention à la société SMPA laquelle est également dirigéepar M. A. Certes, Europorte n’a effectivement sous-traité ces pres-tations à la société SMPA que le 30 juillet 2015. Mais Europorte etla SMPA, en cours de création pour les besoins de l’opération,s’étaient accordées sur cette sous-traitance alors même que laconvention de terminal n’était pas encore signée. La Cour endéduit que le GPMB a méconnu ses obligations de publicité et demise en concurrence et que compte tenu de la gravité du viceentachant le contrat, il y a lieu d’en prononcer l’annulation.

Hélène HOEPFFNER

Mots-Clés : Concessions - Principe d’impartialitéJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 421

150 Appréciation des offres et contrôle dujuge

Solution. – La cour contrôle le respect par l’autoritédélégante des critères d’appréciation des offres et effec-tue sur leur notation un contrôle de l’erreur manifested’appréciation.Impact. – L’arrêt illustre une jurisprudence dorénavantbien établie qui s’assure du respect des critères desélection des offres, non sans laisser à l’autorité délé-gante une grande liberté de décision.

CAA Lyon, 11 févr. 2021, n° 19LY01900, Sté Les petits chaperons rouges –collectivités publiques : JurisData n° 2021-003360

NOTE : L’arrêt commenté illustre le contrôle du juge adminis-tratif sur le choix de l’offre par l’autorité délégante.

Relatif à une procédure engagée au début du mois de février2016, quelques mois avant l’entrée en vigueur le 1er avril del’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats deconcession (D. n° 2016-86, 1er févr. 2016, art. 55), il rappelle que les

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critères de sélection des offres doivent être rendus publics maisque l’autorité délégante « n’est pas tenue d’informer les candidatsdes modalités de mise en œuvre de ces critères » (cons. 6. – Et CE,23 déc. 2009, n° 328827 et 330054, Éts publ. du musée et du domainenational de Versailles : JurisData n° 2009-017405 ; Contrats-Marchéspubl. 2010, comm. 83, note Ph. Rees ; Dr. adm. 2010, comm. 36, noteG. Eckert ; AJDA 2010, p. 500, obs. J.-D. Dreyfus ; BJCP 2010, p. 103,note B. Dacosta ; CP-ACCP 2010, n° 96, p. 16, obs. J.-P. Jouguelet).L’arrêt rappelle également que lorsque la collectivité a choisid’informer les candidats des modalités de mise en œuvre descritères de sélection des offres, elle ne peut les modifier sansméconnaître le principe de transparence des procédures depassation des délégations de service public, sauf à en informerl’ensemble des candidats en temps utile (CE, 30 juill. 2014,n° 369044, Sté Lyonnaise des Eaux France : JurisData n° 2014-018682 ; Lebon T., p. 739 ; Contrats-Marchés publ. 2014, comm. 269,note G. Eckert ; BJCP 2014, p. 398, concl. G. Pellissier).

Ces règles continuent à s’appliquer aux concessions relevant durégime simplifié (CCP, art. L. 3126-1) et notamment à cellesportant, comme en l’espèce, sur la gestion de services sociaux(CCP, art. R. 3126-1). Dans ce cas, l’article R. 3124-5 du Code de lacommande publique, qui impose que « l’autorité concédante fixeles critères d’attribution par ordre décroissant d’importance », n’estpas applicable (CCP, art. R. 3126-10).

En l’espèce, la Cour s’assure du respect des critères que l’auto-rité délégante avait choisi de hiérarchiser dans les documents dela consultation et de l’absence de modification de ceux-ci lors deleur mise en œuvre pour classer les offres définitives. Elle conclutà l’absence de méconnaissance des principes fondamentaux de lacommande publique et d’erreur manifeste d’appréciation dans lanotation des offres.

Elle juge, en particulier, que l’erreur commise par l’autorité délé-gante quant au nombre de salariés prévus dans l’offre de la requé-rante n’a pas lésé celle-ci eu égard à son faible impact et au fait« que c’est surtout le nombre de personnel encadrant qui a dépar-tagé les offres » (cons. 4). De même, l’appréciation globale dessous-critères du critère relatif à la valeur financière de l’offre n’apas conduit à la neutralisation de celui-ci (cons. 7).

La Cour considère enfin que ne porte pas atteinte à l’égalité detraitement des soumissionnaires le fait d’avoir rejeté la proposi-tion de constitution d’une société dédiée pour gérer le service,présentée par la requérante, alors qu’elle a été admise dans le casde l’attributaire. Elle juge de la sorte dans la mesure où il ne ressortpas de l’instruction que cela « ait eu une incidence déterminantesur le choix de l’attributaire » et qu’« au contraire, il ressort desattestations des élus membres de l’instance qui a auditionné lescandidats au stade des négociations que l’hypothèse de la mise enplace d’une structure dédiée pour assurer l’exécution du servicedélégué n’a pas fait l’objet des discussions menées dans le cadredes auditions » (cons. 5).

Bien qu’il soit difficile d’apprécier la portée de ces solutions, ilsemble que le contrôle opéré par le juge administratif sur le choixde l’offre reste empreint d’une grande prudence. Gabriel ECKERT

Mots-Clés : Concessions - Appréciation des offresJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 420

EXÉCUTION

151 Aide d’État incompatible etindemnisation du préjudice subi par lesconcurrents du délégataire de servicepublic

Solution. – Dans le cadre de la délégation du servicepublic du cabotage maritime entre le port de Marseille etla Corse, la cour condamne l’autorité délégante, quiavait accordé au délégataire des aides illégales etincompatibles avec le droit de l’Union européenne, àréparer le préjudice commercial subi par une entreprise

concurrente du fait de la concurrence déloyale permisepar l’octroi de ces aides.Impact. – Le montant de l’indemnité accordée – plus de86 millions d’euros en principal – conduit à attirerl’attention des autorités délégantes sur les risquespouvant découler du non-respect des aides d’État, enparticulier en matière de compensation des obligationsde service public.

CAA Marseille, 22 févr. 2021, n° 17MA01582 et 17MA01583, Collectivitéde Corse c/ Sté Corsica Ferries France : JurisData n° 2021-003352 ; inéditau Recueil Lebon

NOTE : L’arrêt rendu par la cour administrative d’appel deMarseille est venu condamner la collectivité de Corse au paiementd’une indemnité de plus de 86 millions d’euros, en principal, enréparation du préjudice subi par la société Corsica Ferries Francesuite à la concurrence déloyale que lui a faite la Société nationaleCorse Méditerranée, délégataire du service public du cabotagemaritime entre le port de Marseille et la Corse pour la période 2007à 2013, en raison des aides illégales et incompatibles avec le droitde l’Union européenne que l’autorité délégante lui avait consen-ties au titre de prétendues compensations d’obligations de servicepublic.

Rappelons que le contrat prévoyait le versement de subventions,non seulement pour le service de base, mais également pour leservice complémentaire, à savoir le renforcement de la dessertede la Corse durant la période estivale. Ces dernières subventionsont été au cœur d’un contentieux portant sur leur compatibilitéavec le droit de l’Union européenne – et plus précisément àl’égard du régime de compensation des obligations de servicepublic – et, par conséquent, sur la régularité de la convention dedélégation de service public.

Dans ce cadre, la cour administrative d’appel de Marseille avaitjugé que « la conclusion en l’espèce de la délégation de servicepublic... et l’imposition d’obligations de service public pour four-nir aux usagers des services de transports devaient... être justifiéespar l’insuffisance des services de transport régulier » et, plus préci-sément, qu’en l’absence d’une telle carence durant la période esti-vale, « le niveau des obligations de service public instauré pour leservice complémentaire a constitué une restriction non justifiée àla libre prestation de service » (CAA Marseille, 7 nov. 2011,n° 08MA01604, Sté Corsica Ferries : JurisData n° 2011-025816 ; AJDA2011, p. 2508, obs. S. Nicinski ; Dr. adm. 2012, comm. 13, obs.S. Ziani ; BJCP 2012, p. 138). Le Conseil d’État, saisi d’un pourvoi encassation, a cassé cet arrêt et jugé que les règles européennes « nefont pas obstacle à ce que le besoin réel de service public soitapprécié globalement pour chaque ligne ou trajet sur l’ensemblede la période d’exécution du contrat ou sur les périodes qu’ildistingue, sans qu’il y ait lieu de rechercher si ce besoin est justi-fié en permanence au cours de cette période » (CE, 13 juill. 2012,n° 355616, 355622 et 358396, Cie méridionale de navigation et Sténationale Corse Méditerranée : JurisData n° 2012-015734 ; AJDA2012, p. 1428 ; Contrats-Marchés publ. 2012, comm. 287, noteG. Eckert ; BJCP 2012, p. 355, concl. B. Dacosta ; Dr. adm. 2012,comm. 86, obs. S. Ziani).

Dans le même temps, la Commission européenne s’est pronon-cée sur le respect du droit des aides d’État par ladite convention(Comm. UE, 2 mai 2013, n° C(2013)1926 concernant l’aide d’Étatmise à exécution par la France en faveur de la Société NationaleCorse Méditerranée et de la Compagnie Méridionale de Naviga-tion : JOUE n° L 220, 17 août 2013, p. 20). Elle a estimé que lesmesures en cause constituent des aides illégales, dans leurensemble, et surtout que les compensations prévues au titre duservice complémentaire sont incompatibles avec le droit del’Union européenne. S’agissant de ces dernières, la Commissioneuropéenne énonce « qu’aucune preuve de la carence de l’initia-tive privée concernant ce service complémentaire n’a été établiepar les autorités françaises » (pt 161). Dès lors, seul le service debase « correspondait à un service d’intérêt économique généralbien défini » (pt 193) et les aides versées à ce titre sont compatiblesavec le droit de l’Union européenne, sur le fondement de

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l’article 106, § 2 du Traité sur le fonctionnement de l’Union euro-péenne (pt 213). Par contre, en l’absence de carence du marchés’agissant de la fourniture du service complémentaire, celui-ci nepeut être qualifié de service public et les aides versées à ce titre nesauraient constituer des compensations d’obligations de servicepublic. Cette décision a été confirmée par le Tribunal de l’Unioneuropéenne (Trib. UE, 1er mars 2017, aff. T-366/13 et T-454/13, Répu-blique française et SNCM c/ Comm. : JurisData n° 2017-007122 ;Europe 2017, comm. 191, note L. Idot).

Statuant sur renvoi de l’arrêt du Conseil d’État, la cour adminis-trative d’appel de Marseille, tenant compte de la décision de laCommission européenne et, plus largement, des exigences juris-prudentielles régissant la notion de compensation d’obligationsde service public (CJCE, 24 juill. 2003, aff. C-280/00, Altmark Trans :JurisData n° 2003-400042 ; Rec. CJUE, p. I-7747) a annulé la conven-tion de délégation de service public conclue pour la période 2007à 2013 (CAA Marseille, ch. réunies, 6 avr. 2016, n° 12MA02987, StéCorsica Ferries : JurisData n° 2016-009983 ; Contrats-Marchés publ.2016, comm. 160, note G. Eckert).

Se plaçant alors sur le terrain indemnitaire, la société CorsicaFerries a demandé la réparation du préjudice subi en raison de sonéviction irrégulière de ces procédures de passation et, surtout, dufait du préjudice commercial résultant de la concurrence déloyaledu délégataire de service public permise par l’octroi de l’aided’État illégale et incompatible avec le droit de l’Union euro-péenne. Le tribunal administratif de Marseille a fait droit à cesréclamations et accordé une indemnité d’environ 84 millionsd’euros, en principal (TA Bastia, 23 févr. 2017, n° 1500375 et 1501123,Sté Corsica Ferries France). Saisie en appel, la cour de Marseille aconfirmé que « la collectivité territoriale de Corse a commis unefaute de nature à engager sa responsabilité en subventionnant ceservice », tout en ordonnant une expertise sur l’appréciation dupréjudice et en décidant de surseoir à exécution du jugement depremière instance sur le fondement de l’article R. 811-17 du Codede justice administrative (CAA Marseille, 12 févr. 2018,n° 17MA01582 et 17MA01583, Collectivité territoriale de Corse). Auterme de l’expertise sollicitée, l’arrêt commenté est venu seprononcer sur l’étendue du préjudice subi par la société CorsicaFerries France et fixer le montant de l’indemnité due par la collec-tivité de Corse.

Avant cela, l’arrêt commence par écarter la demande de sursis àstatuer et de question préjudicielle à la Cour de justice de l’Unioneuropéenne présentée par la collectivité délégante. Celle-cis’interrogeait sur le point de savoir si l’indemnité sollicitée par larequérante ne constituait pas un transfert de subvention suscep-tible de relever de la qualification d’aide d’État. Après avoir rappeléla définition de la notion d’aide d’État (TFUE, art. 107, § 1. – Et CJCE,27 sept. 1988, aff. C-106 à 120/87, Asteris AE c/ République hellé-nique), la Cour rejette cette demande en considérant que l’indem-nité vise uniquement « à obtenir réparation du préjudice corres-pondant notamment à la perte des bénéfices (que la requérante)aurait pu tirer d’un surcroît de clientèle, en l’absence d’institutiondu service complémentaire au cours de la période 2007-2013 » (pt2). Il semble donc, même si l’arrêt n’est que peu explicite, que lacour considère que l’indemnité en cause ne peut constituer uneaide dans la mesure où, se contentant de réparer un préjudiceantérieur, elle ne comporte pas d’avantage pour son bénéficiaire.

L’essentiel de l’arrêt consiste alors, de manière très argumentée(cons. 10 à 36), à répondre aux critiques portées à l’encontre de laméthodologie de l’expertise et par lesquelles la collectivité deCorse tentait de démontrer le caractère disproportionné del’indemnité allouée.

Pour déterminer cette indemnité, la cour administrative d’appelde Marseille commence par établir le nombre de passagers rele-vant, sur la période contractuelle, du service complémentaire.Pour ce faire, elle rejette la méthodologie proposée par la collec-tivité de Corse, fondée sur la soustraction des capacités réelles duservice de base au nombre total de passagers transportés (cons.

14). Elle se fonde sur les pièces contractuelles pour considérer quele service complémentaire est celui assuré, dans son ensemble,par certains des navires mobilisés par la SNCM (cons. 11 à 13). Lacour retient donc, au titre du service complémentaire, le chiffre de2,3 millions de passagers, correspondant à l’expertise et auxdonnées issues de l’Observatoire régional des transports de laCorse, même s’il est notablement plus élevé que celui qui figuraitdans les rapports d’activité du délégataire (cons. 15).

La cour recherche ensuite dans quelle proportion l’offre detransport de la société Corsica Ferries France était substituable àcelle du service complémentaire de la SNCM. Elle admet unesubstituabilité complète pour la liaison entre Toulon et la Corse,« eu égard à la faible distance entre ces deux ports (Marseille etToulon), à la durée sensiblement égale de la traversée, à la simili-tude des heures d’accostage des navires en Corse et à la quasi-équivalence des prix pratiqués » (cons. 18). Elle reconnaît, parcontre, que la substituabilité est beaucoup plus réduite pour lestraversées au départ de Nice (cons. 19) et tient compte de reportspossibles, pour les voyageurs sans voiture, vers le trafic aérien(cons. 20). À l’inverse, elle rejette la possibilité pour la SNCMd’offrir, au moins pour partie, une prestation similaire au départde Marseille, même en l’absence de subvention. Il en est ainsidans la mesure où « il résulte de l’instruction que l’exploitation duservice complémentaire mis en place par la SNCM était défici-taire » ce dont la cour déduit que « cet opérateur n’aurait pas offertce service aux usagers en l’absence de compensation par lessubventions de la collectivité de Corse » (cons. 22).

Le nombre de passagers que la société Corsica Ferries Franceaurait pu transporter est alors déterminé en fonction des capaci-tés d’absorption de ses navires. La cour fait l’hypothèse que lasociété requérante n’aurait pas augmenté ses capacités mais seserait contentée de remplir intégralement les navires déjà en acti-vité. À ce titre, elle rejette le caractère prétendument irréalisted’un taux de remplissage des navires à 100 % retenu par l’exper-tise (cons. 24). Il en résulte que la société Corsica Ferries aurait étéen capacité d’accueillir 1 399 873 passagers supplémentaires (cons.28).

La cour poursuit en indiquant que ces passagers auraient généréun chiffre d’affaires supplémentaire (prix du billet et dépensesmoyennes par passager à bord des navires) de plus de 96 millionsd’euros (cons. 29). Il convient cependant de déduire de celui-cides charges variables pour un montant d’environ 9,9 millionsd’euros (cons. 31 à 34). À l’inverse, en l’absence d’accroissementdes capacités de transport, aucune charge fixe supplémentaire nedoit être ajoutée (cons. 30). Il en résulte un montant total d’indem-nité de 86 299 183 €, en principal.

La cour rejette, enfin, l’ultime critique formulée par la collectivitéde Corse tenant au fait que cette indemnité, rapportée au chiffred’affaires manqué du fait de la concurrence déloyale, conduit à untaux de rentabilité marginale de près de 90 %, ce qui serait mani-festement excessif. En effet, tenant compte de l’absenced’augmentation des coûts fixes et d’une augmentation réduite descoûts variables du fait du transfert de passagers, la cour juge qu’« iln’apparait pas irréaliste qu’un surcroit de clientèle permettant uneaugmentation significative du nombre de passagers par navireengendre une amélioration notable de la marge d’exploitation del’opérateur » (cons. 36).

Nul doute que cette méthodologie et ces appréciations serontsoumises au Conseil d’État. Il reste que, dès à présent, cette affaireillustre les risques qui peuvent peser sur les autorités délégantesen cas de méconnaissance du régime européen de compensationdes obligations de service public. Gabriel ECKERT

Mots-Clés : Concessions - Aides d’ÉtatJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 430Autres publications LexisNexis : Fiche pratique n° 4448 : Compati-bilité des aides économiques au droit de l’UE

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152 Communication des documentsadministratifs et d’informations relativesà l’environnement en vue la passationd’un contrat

Solution. – Les documents administratifs ou les informa-tions relatives à l’environnement devant conduire à laconclusion d’un contrat ne sont communicables ques’ils sont achevés ou que le contrat a été conclu.Impact. – Lorsqu’il apprécie le caractère communicabled’un document administratif, il appartient au juge de seplacer à la date à laquelle il statue.

CE, 1er mars 2021, n° 436654

NOTE : Par une délibération en date du 25 octobre 2013, lacommunauté urbaine de Strasbourg (devenue depuis l’Euromé-tropole de Strasbourg) avait approuvé le dossier de création d’uneZAC à Eckbolsheim afin d’y réaliser un « écoquartier ». Un grou-pement d’aménageurs avait, par une décision en date du 8 janvier2016, été sélectionné, mais le contrat d’aménagement de la zonen’avait finalement pas été conclu. Le conseil de l’Eurométropoleavait d’ailleurs, finalement, par des délibérations en date des29 novembre 2019 et 20 novembre 2020, décidait de l’abandon duprojet. Des particuliers avaient cependant, après la sélection dugroupement d’aménageurs, sollicité la transmission d’un nombreimportant de documents préparatoires à la décision d’attributiondu contrat. S’étant heurtés à un refus de communication de la partde la collectivité, ils avaient saisi le tribunal administratif de Stras-bourg. Celui-ci avait par un jugement en date du 27 mars 2019rejeté leur demande et ils s’étaient alors pourvus en cassation.

Les requérants avaient sollicité la communication des docu-ments sur deux fondements différents en fonction de leur nature.Ils invoquaient tout d’abord logiquement les dispositions de droitcommun de l’article L. 311-1 du Code des relations entre le publicet l’administration (CRPA) pour l’ensemble des documentsdemandés à l’exception toutefois des documents comportant desinformations environnementales. S’agissant de ces derniers, lesrequérants se fondaient sur les dispositions spécifiques desarticles L. 124-1 et L. 124-2 du Code de l’environnement transpo-sant les articles 1 et 2 de la directive 2003/4/CE du Parlement euro-péen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant l’accès du publicà l’information en matière d’environnement. À l’occasion de sadécision, la Haute Juridiction va apporter deux importantes préci-sions concernant la communication de ces documents.

Concernant, en premier lieu, l’obligation de communication desdocuments administratifs que l’on pourrait qualifier d’ordinaires,l’on sait qu’aux termes mêmes des dispositions de l’article L. 311-2du CRPA, elle ne concerne que les documents achevés et que, parconséquent, ne sont pas communicables les documents prépara-toires. Le Conseil d’État va à cet égard considérer que l’annulationpar un arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy de l’arrêtépréfectoral déclarant d’utilité publique les acquisitions et travauxnécessaires à la création de la ZAC Jean-Monnet n’avait fait perdreaux documents demandés leur caractère préparatoire car le motifd’annulation retenu par la cour ne contraignait pas à l’Eurométro-pole de Strasbourg à abandonner son projet de ZAC. Par ailleurs,les délibérations des 29 novembre 2019 et 20 novembre 2020

actant l’abandon du projet par la collectivité elle-même étantintervenues postérieurement à sa saisine, elles ne pouvaient êtreinvoquées pour la première fois en cassation et devaient être écar-tées. Les documents sollicités étaient donc regardés commepréparatoires.

Mais le principal apport de la décision de la Haute Juridictionconcernant la communication des documents administratifs surle fondement des articles L. 311-1 et L. 311-2 du CRPA réside dansle fait que celle-ci va juger pour la première fois qu’en la matière,par dérogation à la règle de base en recours pour excès de pouvoirselon laquelle le juge, en principe, apprécie la légalité d’un acteadministratif à la date de son édiction, eu égard à la nature desdroits en cause et à la nécessité de prendre en compte l’écoule-ment du temps et l’évolution des circonstances de droit et de fait,et afin de conférer un effet pleinement utile à son intervention, ilappartient au juge de se placer à la date à laquelle il statue.

Concernant les informations relatives à l’environnement,celles-ci bénéficient d’un régime particulier de communicationprévues par les articles L. 124-1 et suivants du Code de l’environ-nement. À la différence de l’article L. 311-2 du CRPA, les disposi-tions du Code de l’environnement ne font pas expressément réfé-rence au caractère préparatoire de ces informations, ce qui laisseà penser que sont donc potentiellement communicables toutesles informations pouvant entrer dans le champ de la définition« d’information relative à l’environnement » indépendamment deleur caractère préparatoire ou achevée. En effet, ce qui est icicommunicable ce ne sont pas des documents, mais des informa-tions, quel qu’en soit le support, ayant pour objet l’état deséléments de l’environnement décrits au point 5 du 1° et du 2° del’article L. 124-2 du Code de l’environnement. Au cas particulier,les requérants demandaient la communication de documentsémanant des candidats et notamment d’une note explicitant leurparti pris environnemental pour la mise en œuvre du projet. LeConseil d’État va considérer que les informations contenues parces documents sont bien des informations relatives à l’environne-ment car elles sont susceptibles d’avoir des incidences sur l’étatdes éléments de l’environnement au sens des dispositions dupoint 5 du 2° de l’article L. 124-2 du Code de l’environnement.Toutefois, la Haute Juridiction va considérer qu’au cas particuliertant que le contrat avec l’aménageur n’avait pas été conclu, « [...]les informations relatives à l’environnement qu’ils contiennent nesauraient, à ce stade, être regardées comme ayant pour objet desdécisions ou des activités susceptibles d’avoir des incidences surl’état des éléments de l’environnement, au sens des dispositionscitées au point 5 du 2° de l’article L. 124-2 du code de l’environne-ment ». Dans ces conditions, les documents dont la communica-tion était sollicitée ne pouvaient être regardés comme contenantdes informations relatives à l’environnement au sens de cet articleL. 124-1 du Code de l’environnement et le pourvoi est rejeté. Sansfaire référence au caractère préparatoire de ces informations, leConseil d’État introduit néanmoins une restriction concernant lesconditions de communication des informations relatives à l’envi-ronnement tendant à les rapprocher de la communication desdocuments administratifs ordinaires. Willy ZIMMER

Mots-Clés : Concessions - Concession d’aménagementJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 616Autres publications LexisNexis : Fiche pratique n° 3104 : Passerune concession d’aménagement

À noter également153 Refus de requalification de contrats de vente

de terrains en concession d’aménagementCAA Paris, 5 mars 2021, n° 19PA01307, D. : JurisData n° 2021-003343 ; inédit au Recueil Lebon

Observations : Un projet d’urbanisme ne caractérise un contrat de lacommande publique que s’il fait l’objet des obligations réciproques desparties, d’où les potentialités de l’appel à projet dont cet arrêt donne unenouvelle illustration. La cour rejette comme irrecevable car dépourvue

d’objet la demande d’annulation d’une « convention tacite d’aménage-ment » que la requérante, membre du conseil municipal d’une commune,reprochait à celle-ci d’avoir illégalement conclue. Après avoir approuvépar délibération un « projet d’aménagement » identifié dans le plan locald’urbanisme, la commune avait engagé une « consultation informelle »sur la base d’un document qui « mentionnait les objectifs d’aménagementrecherchés par la commune, définissait les prescriptions des dossiers decandidature et informait les éventuels candidats du prix des terrainsdevant être acquis par eux », lesquels appartenaient en partie à la

CONTRATS ET MARCHÉS PUBLICS - N° 5 - MAI 2021 - © LEXISNEXIS SA

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commune et en partie à un syndicat mixte dont elle est membre. En outre,la délibération portant choix de l’opérateur cessionnaire en avait explici-tement approuvé le projet. D’ailleurs, la cour ne nie pas que cet acte« matérialise la volonté de la commune de confier l’opération d’aménage-ment litigieuse à la société Expansiel promotion ». Mais il n’en reste pasmoins que les contrats conclus par le promoteur avec la commune d’unepart et le syndicat mixte d’autre part ne sont que des contrats de vente qui,« en l’absence d’obligations réciproques des parties ou d’actes matériali-

sant des opérations d’aménagement qui révèleraient l’exécution [...]d’engagement contractuels », ne permettent pas de déduire que « les

parties auraient tacitement conclu une convention d’aménagement ».

Étienne MULLER

Mots-Clés : Concessions - Concession d’aménagementJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 400

Conventions domaniales

DOMAINE PUBLIC

154 La responsabilité découlant de laconclusion illégale d’un bail commercialsur le domaine public

Solution. – La conclusion d’un bail commercial sur ledomaine public est susceptible d’engager la responsabi-lité pour faute de la personne publique.Impact. – Le cocontractant a le droit d’être indemnisédes préjudices directement imputables à cette faute,parmi lesquels peut figurer, par exception, l’indemnitépour perte du fonds de commerce dans la mesure oùcelui-ci avait cédé par la commune elle-même.

CAA Marseille, 5 mars 2021, n° 18MA05006 et 18MA04994 : JurisDatan° 2021-003342 ; inédit au Recueil Lebon

NOTE : Une petite commune a installé dans un immeuble luiappartenant, et qui abritait auparavant sa mairie, un commerce derestaurant-bar-boulangerie-épicerie et location de chambresmeublées. Elle a conclu avec un particulier, à qui a succédé ulté-rieurement une société, un contrat de concession de bienscommunaux en 1975 lui permettant d’exploiter ce bien tout en luiimposant le respect d’un cahier des charges. En 1984, l’occupanta acquis le fonds de commerce, et exploité l’activité sous la formed’une auberge, en bénéficiant d’un bail à loyer commercial, dontle terme arrivait à échéance en 2012. Par une délibération adoptéeen 2015, la commune a constaté que l’occupant était désormaissans droit ni titre et lui a demandé la libération des locaux. Aprèsune demande préalable infructueuse, la société a saisi le tribunaladministratif de Nice afin que la commune soit condamnée à luiverser une indemnité en réparation du préjudice subi suite auxfautes de la commune.

La société invoquait en premier lieu la faute de la commune dufait de la qualification erronée des locaux en dépendances dudomaine public. Après avoir rappelé le principe denon-rétroactivité du Code général de la propriété des personnespubliques qui veut que « en l’absence de toute disposition en cesens, l’entrée en vigueur de ce code n’a pu, par elle-même, avoirpour effet d’entraîner le déclassement de dépendances qui appar-tenaient antérieurement au domaine public et qui, depuis le1er juillet 2006, ne rempliraient plus les conditions désormais fixéespar l’article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnespubliques » (CE, sect., 28 déc. 2009, n° 290937, Brasserie duThéâtre : JurisData n° 2009-017290 ; Contrats-Marchés publ. 2010,comm. 190, note L. Touzeau ; BJCP 2010, p. 125, n° 69, concl.L. Olléon. – CE, 3 oct. 2012, n° 353915, Cne Port-Vendres : JurisDatan° 2012-022283 ; AJDA 2013, p. 471, note E. Fatôme), le juge estamené à faire une application classique des critères jurispruden-tiels de la domanialité antérieurs au code : l’immeuble, qui consti-tue une propriété de la commune, était affecté auparavant auxservices de la mairie en bénéficiant à cette fin d’un aménagementspécial, et, suite au changement d’affectation, il apparaît que les

biens mis à disposition du cocontractant tout comme les obliga-tions pesant sur lui, révèlent que la commune « a entendu affec-ter ce bâtiment à une activité de service public à l’intention de seshabitants, leur permettant un approvisionnement en produits depremière nécessité en vue de pallier l’absence d’initiative privéeainsi qu’un accès aux services postaux qui n’étaient pas assurés parles opérateurs nationaux, ledit bâtiment étant spécialementaménagé à cet effet par la présence de divers équipements néces-saires à son exploitation ». En l’absence de mesure de déclasse-ment, le bien continue donc à relever du domaine public, et lacommune n’a donc pas commis une faute de nature à engager saresponsabilité en retenant une telle qualification, dès lors quel’appartenance au domaine public est une donnée objective quis’impose tant à la personne publique qu’à ses cocontractants.

Était ensuite invoquée la faute de la commune tirée de l’erreursur la nature du bail consenti et sur l’existence d’un fonds decommerce. La cour rappelle que « en raison du caractère précaireet personnel des titres d’occupation du domaine public et desdroits qui sont garantis au titulaire d’un bail commercial, un tel bailne saurait être conclu sur le domaine public. Lorsque l’autoritégestionnaire du domaine public conclut un « bail commercial »pour l’exploitation d’un bien sur le domaine public ou laisse croireà l’exploitant de ce bien qu’il bénéficie des garanties prévues parla législation sur les baux commerciaux, elle commet une faute denature à engager sa responsabilité. Cet exploitant peut alorsprétendre, sous réserve, le cas échéant, de ses propres fautes, àêtre indemnisé de l’ensemble des dépenses dont il justifie qu’ellesn’ont été exposées que dans la perspective d’une exploitationdans le cadre d’un bail commercial ainsi que des préjudicescommerciaux et, le cas échéant, financiers qui résultent directe-ment de la faute qu’a commise l’autorité gestionnaire du domainepublic en l’induisant en erreur sur l’étendue de ses droits. / Si, enoutre, l’autorité gestionnaire du domaine met fin avant son termeau bail commercial illégalement conclu en l’absence de toutefaute de l’exploitant, celui-ci doit être regardé, pour l’indemnisa-tion des préjudices qu’il invoque, comme ayant été titulaire d’uncontrat portant autorisation d’occupation du domaine public pourla durée du bail conclu. Il est à ce titre en principe en droit, sousréserve qu’il n’en résulte aucune double indemnisation, d’obtenirréparation du préjudice direct et certain résultant de la résiliationunilatérale d’une telle convention avant son terme, tel que la pertedes bénéfices découlant d’une occupation conforme auxexigences de la protection du domaine public et des dépensesexposées pour l’occupation normale du domaine, qui auraient dûêtre couvertes au terme de cette occupation » (§ 9 et 10), faisant iciapplication de la solution déjà retenue par le Conseil d’État (CE,24 nov. 2014, n° 352402, Sté des remontées mécaniques lesHouches-Saint Gervais : JurisData n° 2014-028920 ; Lebon, p. 350 ;Contrats-Marchés publ. 2015, comm. 12, note P. Devillers ; Dr. adm.2015, comm. 21, note G. Eveillard ; JCP A 2015, 2106, note E. Lange-lier). La responsabilité pour faute de la commune dans le cas de laconclusion d’un bail commercial sur le domaine public estcompréhensible compte tenu du fait que, plus largement, unepersonne publique engage sa responsabilité pour faute en casd’illégalité commise dans la conclusion d’un contrat sous réservequ’un lien de causalité directe existe entre la faute et le préjudice

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(CE, sect., 10 avr. 2008, n° 244950, Sté JC Decaux : JurisData n° 2008-073381 ; Lebon, p. 151, concl. B. Dacosta ; Contrats-Marchés publ.2008, comm. 128, note J.-P. Pietri ; BJCP 2008, p. 280, n° 59, concl. etnote R. S. ; AJDA 2008, p. 1092, chron. J. Boucher et B. Bourgeois-Machureau. – CE, 6 oct. 2017, n° 395268, Sté Cegelec Sud-Ouest :Contrats-Marchés publ. 2017, n° 285, note M. Ubaud-Bergeron),lien de causalité qui est établi en cas de conclusion d’un bailcommercial sur le domaine public. Plus originale est la reconnais-sance du droit à indemnité consécutif à la résiliation du contrat,dès lors qu’elle consiste à aligner le droit à indemnité du cocon-tractant irrégulier sur celui de l’occupant régulier du domainepublic, mais cette solution est justifiée lorsque l’occupant n’acommis aucune faute (la solution pourrait d’ailleurs se fonder surle principe de bonne foi) et qu’il n’en résulte pas une sur-indem-nisation : après tout, étant occupant du domaine public, son « bailcommercial » requalifié devrait être rangé dans la catégorie descontrats administratifs, ce qui implique pour lui un droit à indem-nisation en cas de résiliation unilatérale.

La cour, en revanche, écarte le droit à indemnisation de perte dufonds de commerce en jugeant que « eu égard au caractère révo-cable et personnel, déjà rappelé, d’une autorisation d’occupationdu domaine public, celle-ci ne peut donner lieu à la constitutiond’un fonds de commerce dont l’occupant serait propriétaire. Si laloi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux trèspetites entreprises a introduit dans le code général de la propriétédes personnes publiques un article L. 2124-32-1, aux termes duquel« Un fonds de commerce peut être exploité sur le domaine publicsous réserve de l’existence d’une clientèle propre », ces disposi-tions ne sont, dès lors que la loi n’en a pas disposé autrement,applicables qu’aux fonds de commerce dont les exploitantsoccupent le domaine public en vertu de titres délivrés à compterde son entrée en vigueur. Par suite, l’exploitant qui occupe ledomaine public ou doit être regardé comme l’occupant en vertud’un titre délivré avant cette date, qui n’a jamais été légalementpropriétaire d’un fonds de commerce, ne peut prétendre àl’indemnisation de la perte d’un tel fonds », ce qui constitue làencore un rappel de la jurisprudence précitée du Conseil d’État(CE, 24 nov. 2014, n° 352402, Sté des remontées mécaniques lesHouches-Saint Gervais), et une application logique du principe denon-rétroactivité des lois et de leur non-application, en principe,aux contrats en cours.

Faisant application de ces principes au litige, la cour estime quela commune a commis une faute en consentant pendant plusieursannées à la conclusion de « baux commerciaux » et qu’elle engageà ce titre sa responsabilité. La cour accepte de retenir l’indemni-sation de la perte du fonds de commerce, mais uniquement enraison de la circonstance particulière à l’affaire tenant au fait quela société a acquis celui-ci auprès de la commune elle-même etnon de l’ancien titulaire. Elle écarte en revanche le droit à indem-nisation pour la perte de bénéfices ainsi que pour le préjudicerésultant de la fermeture de l’établissement, compte tenu du faitque le contrat n’a pas été résilié avant son terme mais simplementnon reconduit à l’arrivée de son terme normalement prévu par lecontrat, ainsi que l’indemnité de remploi puisqu’elle ne peut seprévaloir de l’obligation de reconstitution d’un fonds decommerce qu’elle n’a jamais détenu. Marion UBAUD-BERGERON

Mots-Clés : Domaine public - Fonds de commerceJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 510Autres publications LexisNexis : Fiche pratique n° 2303 : Occupa-tion privative du domaine public

155 La mise à disposition de transats et deparasols à destination de sa clientèle parun établissement hôtelier réalise uneoccupation privative de la plage contiguë

Solution. – La mise à disposition d’accessoires de plageà destination des usagers n’excède pas le droit d’usagede cette dépendance.

Impact. – Même réalisée dans le cadre d’une activitécommerciale, cette mise à disposition ne constitue pasune occupation privative si le matériel est utilisé sous laresponsabilité des tiers.

CE, 12 mars 2021, n° 443392, Sté Hôtelière d’Exploitation de laPresqu’île : mentionné dans les tables du recueil Lebon

NOTE : Une société exploitant un établissement hôtelier deprestige sur la commune de Porto-Vecchio mettait à dispositionde ses clients du matériel de plage – transats et parasols – sur laplage située au droit de l’établissement. N’étant titulaire d’aucundroit d’occupation, elle avait fait l’objet de plusieurs condamna-tions pour contravention de grande voirie qui n’avaient manifes-tement pas été dissuasives, compte tenu de la modicité de leurmontant rapportée au standing de l’établissement. Le préfet adonc changé de stratégie et sollicité du juge des référés l’expul-sion de la société du domaine public maritime en raison d’uneoccupation sans titre, sur le fondement de l’article L. 521-3 duCode de justice administrative (référé mesures utiles). Ce change-ment de stratégie – qui n’exclut ni les poursuites sur le terrain dela contravention de grande voirie (CE, 26 juin 2002, n° 231807 :JurisData n° 2002-064057 ; Lebon, p. 225), ni la recherche d’uneindemnisation à raison de l’occupation irrégulière du domaine(CE, 16 mai 2011, n° 317675, Cne Moulins : JurisData n° 2011-008873 ; Lebon, p. 242 ; Dr. adm. 2011, comm. 68, note F. Melleray ;RJEP 2011, comm. 56, concl. C. Legras ; AJDA 2011, p. 1848, noteN. Ach ; JCP G 2011, act. 375, obs. J.-G. Sorbara ; JCP A 2011, 2224,note Ph. Yolka. – CE, 13 févr. 2015, n° 366036, Voies navigables deFrance c/ Dupuy : JurisData n° 2015-002233 ; mentionné aux tablesdu Recueil Lebon ; Contrats-Marchés publ. 2015, comm. 99, noteM. Ubaud-Bergeron ; Contrats-Marchés publ. 2016, chron. 2, § 43,F. Llorens et P. Soler-Couteaux, Un an de droit de la propriété despersonnes publiques ; Dr. adm. 2015, comm. 42, note G. Eveillard ;AJDA 2015, p. 1701, note N. Foulquier) – a conduit la société à faireévoluer, facilement au moins – et tout l’intérêt de l’arrêt est là – lesconditions de mise à disposition de ses clients du matériel deplage. On comprend qu’au lieu de l’installer et de le retirer elle-même, elle se limitait à le mettre gratuitement à leur disposition,à charge pour eux de procéder à son installation et à son range-ment, sans l’aide du personnel. La clientèle était également infor-mée qu’aucun service de boissons ou de nourriture ne seraitassuré sur la plage, là encore à charge pour elle de se fournir aubar ou au restaurant. Ces nouvelles conditions d’exploitationavaient été portées à la connaissance des clients par un panneauapposé au pied des marches de l’hôtel conduisant à la plage2 heures avant la clôture de l’instruction de l’affaire devant le jugedes référés. En considération de ces dispositions, la société faisaitvaloir fort habilement qu’elle ne réalisait elle-même aucunel’occupation du domaine qui était en réalité utilisé par ses clientsconformément à sa destination. En effet, l’article L. 2124-4 duCGPPP dispose que « l’accès des piétons aux plages et leur usagelibre et gratuit par le public sont régis par les dispositions del’article L. 321-9 du code de l’environnement », selon lequel« l’accès des piétons aux plages est libre sauf si des motifs justifiéspar des raisons de sécurité, de défense nationale ou de protectionde l’environnement nécessitent des dispositions particulières.L’usage libre et gratuit par le public constitue la destination fonda-mentale des plages au même titre que leur affectation aux activi-tés de pêche et de cultures marines ». Cette présentation de lasituation n’a cependant pas convaincu le juge des référés du tribu-nal administratif de Bastia.

À hauteur de cassation, toute la question était donc de savoir si,dans les conditions dans lesquelles la société avait organisé lamise à disposition de matériel pour la fréquentation de la plagesituée au droit de l’établissement, il pouvait lui être imputé uneoccupation privative du domaine public, irrégulière faute d’auto-risation, rendant utile – au sens de l’article L. 521-3 du CJA – leprononcé d’une mesure d’expulsion. On sait que la situationd’occupation privative n’est pas toujours aisée à caractériser (CE,29 oct. 2012, n° 341173, Cne Tours c/ EURL Photo Josse : JurisData

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n° 2012-024329 ; Lebon, p. 368 ;Contrats-Marchés publ. 2012,comm. 342, note P. Devillers ; Contrats-Marchés publ. 2013, chron.6, P. Soler-Couteaux et F. Llorens ; Dr. adm. 2012, comm. 96, noteS. Ziani ; AJDA 2013, p. 111, note N. Foulquier ; JCP A 2012, 2390,note S. Carpi-Petit ; JCP A 2012, 2391, note C. Vocanson. – CE,31 mars 2014, n° 362140, Cne Avignon : JurisData n° 2014-006609 ;Lebon T., p. 652-653 ; Contrats-Marchés publ. 2015, chron. 2,F. Llorens et P. Soler-Couteaux ; Dr. adm. 2014, comm. 36, note J.-F.Giacuzzo ; AJCT 2014, p. 388 ; RJEP 2014, comm. 36, concl.N. Escaut ; AJDA 2014, p. 709 et 2134, note N. Foulquier ; JCP A 2014,2236, note Ph. Lohéac-Derboulle. – CAA Marseille, 19 mai 2016,n° 14MA03832 : JurisData n° 2016-009517 ; Contrats-Marchés publ.2017, chron. 2, F. Llorens et P. Soler-Couteaux ; RFDA 2016, p. 1126,S. Deliancourt ; AJDA 2016, p. 1456, note J.-F. Giacuzzo). La diffi-culté était en l’espèce d’autant plus grande qu’il n’était évidem-ment pas question de restreindre le droit d’usage qui est reconnuà tous sur la dépendance du domaine public maritime qu’est laplage, d’autant que l’arrêt précise que ce droit emporte celuid’utiliser à titre précaire et temporaire des accessoires de plage etqu’il vaut alors même que le matériel ne serait pas la propriété desusagers concernés et aurait été mis à leur disposition par des tiersdans l’exercice d’une activité commerciale. Du moins en est-ilainsi dès lors qu’il est utilisé sous leur responsabilité, pour la seuledurée de leur présence sur la plage et qu’il est retiré par eux aprèsutilisation (cons. 4). À partir de là, la voie était étroite pour parve-nir à identifier une occupation privative dans l’organisation que lasociété avait mise en place.

Le Conseil d’État ne s’y est cependant pas arrêté qui valide leraisonnement suivi par le juge des référés qui n’a ni dénaturé lesfaits, ni commis d’erreur de droit. Celui-ci est le suivant : commecela résulte du considérant 4 précité, un professionnel peut, dansle cadre d’une activité commerciale, mettre à la disposition desusagers du matériel de plage sans que cela excède le droit d’usagedes plages reconnu à tous. Mais la situation particulière del’établissement en cause va au-delà de ce droit d’usage conformeà la destination de la dépendance concernée. D’une part, la plagese trouve à proximité immédiate de l’établissement hôtelier.D’autre part, le matériel de plage n’est pas mis à la disposition detous, mais à celle exclusive de la clientèle de l’hôtel pour uneoccupation dont on peut penser qu’une fois celle-ci installée, ellesera permanente. En outre, cette mise à disposition intervient àtitre gratuit, comme un complément et comprise dans l’activitéhôtelière. Ces deux éléments cumulés placent les clients de l’hôteldans une situation privilégiée du point de vue de l’accès à ladépendance domaniale. Et cette situation privilégiée constitueincontestablement un élément d’attraction pour l’activitécommerciale qui s’en trouve substantiellement valorisée. Autre-ment dit, la proximité de la plage et la facilitation de son accès dansdes conditions optimales de confort pour les seuls clients del’hôtel constituent un avantage pour l’établissement caractérisantune occupation privative d’une plage dont il faut indiquer que,selon les conclusions du rapporteur public, M. Romain Victor, elleest constituée d’une étroite bande de sable clair, dont la largeurest de 7 mètres au maximum et 2 mètres par endroit, le tout dansun espace remarquable du littoral, autant dire un bien rare, enréalité rendu largement inaccessible aux usagers autres que lesclients de l’hôtel. Autrement dit, ce n’est pas tant le fait quel’établissement hôtelier tire profit de la proximité de la plage quiréalise l’occupation privative, que la circonstance que l’exploita-tion qui en est faite en limite, voire en supprime l’accès aux autresusagers dans son seul intérêt commercial. Cela revient à dire quela plage est privatisée de fait. Or, c’est l’exclusion des autresusagers du domaine qui caractérise l’occupation privative (CAAMarseille, 9 avr. 2013, n° 11MA02622, Cne Lavandou : Contrats-Marchés publ. 2013, chron. 6, P. Soler-Couteaux et F. Llorens ; JCPA 2013, 2181, concl. S. Deliancourt). De ce point de vue, la solutionse justifie parfaitement. Mais nul doute que le contexte généraldans lequel l’affaire se présentait a pu la conforter, sinon la déter-miner. Car d’une part, le juge a sans doute voulu signifier qu’iln’était pas dupe de la transfiguration opérée par la société dansses conditions d’exploitation que le rapporteur public présentaitcomme un « subterfuge ». D’autre part, ainsi que l’y incitait

R. Victor, il a sans doute eu à cœur d’envoyer un signal fort tant auxexploitants d’établissements commerciaux sur le littoral de laCorse qu’aux services de l’État, mais plus généralement à tousceux qui œuvrent pour sa protection. Pierre SOLER-COUTEAUX

Mots-Clés : Domaine public - Occupation irrégulièreJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 520Autres publications LexisNexis : Fiche pratique n° 4447 : Conces-sion de plage

CONCESSION D’AMÉNAGEMENT

156 Le juge judiciaire est seul compétent pourconnaître d’une demande d’annulationdu contrat conclu entre une SPL et unepersonne privée

Solution. – La SPL n’est pas une entité transparente.Impact. – Application à une SPL de la jurisprudence duTribunal des conflits sur l’identification dans uneconcession d’aménagement d’un contrat de mandat.

CE, 4 mars 2021, n° 437232, Sté Socri Gestion c/ SA 3M : JurisDatan° 2021-003347 ; inédit au Recueil Lebon

NOTE : L’arrêt reproduit tranche des questions intéressantes.Il ne sera néanmoins pas publié, sans doute parce qu’il fait appli-cation de solutions classiques.

L’affaire se présentait dans des conditions particulières. Àl’origine, la communauté d’agglomération de Montpellier – deve-nue Montpellier Méditerranée Métropole – a confié la réalisationd’une ZAC à la SPL d’aménagement dont elle est l’actionnairemajoritaire. Dans le cadre de sa mission de vente de lots, la SPL a,après avoir consulté neuf opérateurs commerciaux, retenu lasociété IF Ecopôle et conclu avec elle une promesse synallagma-tique de vente. Se plaignant de n’avoir pas été mise en mesure dese porter candidate, la société Socri Gestion a attaqué laditepromesse mais a vu sa requête rejetée successivement par letribunal administratif, puis la cour administrative d’appel, cettedernière ayant considéré qu’elle était portée devant une juridic-tion incompétente pour en connaître. La question posée au jugede cassation était ainsi celle de savoir quel est le juge compétentpour connaître d’un contrat conclu entre deux personnes privéesdont l’une est une SPL.

La cause pouvait cependant paraître être entendue. On sait eneffet que les litiges nés de l’exécution de marchés de travauxpublics et opposant des participants à l’exécution de ces travauxrelèvent de la compétence de la juridiction administrative. Toute-fois, une convention d’aménagement qui confie au concession-naire à la fois la réalisation d’infrastructures et d’équipementspublics destinés à être remis dès leur achèvement au concédantou à d’autres personnes publiques et la commercialisation desterrains viabilisés en les cédant, les concédant ou les louant à leursdivers utilisateurs n’a pas comme seul objet de faire réaliser pourle compte du concédant des ouvrages destinés à lui être remis dèsleur achèvement. Il en résulte que le contentieux relatif auxmarchés passés par le concessionnaire avec d’autres personnesprivées ne relève pas de la compétence du juge administratif (CE,11 mars 2011, n° 330722, Cté agglo. Grand Toulouse : JurisDatan° 2011-003196 ; Lebon T., p. 843 ; Contrats-Marchés publ. 2011,comm.130, note P. Devillers ; BJDU 2011, n° 198, concl.N. Boulouis ; Constr.-Urb. 2011, comm. 67, obs. X. Couton ; JCP A2011, 2205, note Cl. Deves ; RJEP 2011, étude 4, F. Llorens. – CAAMarseille, 18 févr. 2013, n° 10MA02530, Sté lyonnaise de démoli-tion : JurisData n° 2013-004134 ; Contrats-Marchés publ. 2013,comm. 98, obs. M. Ubaud-Bergeron). En l’espèce toutefois lademanderesse au pourvoi cherchait à exploiter les circonstancesparticulières du dossier pour soutenir la thèse de la compétence

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du juge administratif. Elle invoquait à ce titre trois séries d’argu-ment.

1. Sur la qualification de contrat de concession de travauxpublics

En premier lieu, elle suggérait que le contrat conclu entre laSPL et la société IF Ecopôle n’était pas un simple contrat devente, mais devait recevoir, une autre qualification, en réalitécelle de contrat de concession de travaux publics. De fait, d’unepart, la promesse portait sur une superficie de 12 ha à rapporteraux 36 ha de la totalité de la ZAC. D’autre part et surtout, lecontrat mettait à la charge du cocontractant la réalisation d’unepartie importante des aménagements prévus dans la ZAC. Onpouvait légitimement considérer qu’il procédait ainsi à unesous-traitance de la mission d’aménagement. En dépit de cetobjet, le contrat ne pouvait cependant pas recevoir la qualifica-tion de concession de travaux. En effet, il ne répond pas à ladéfinition qu’en donnait l’article 1er de l’ordonnance du15 juillet 2009 relative aux contrats de concession de travauxpublics applicable à l’époque des faits. Aux termes de laditeordonnance, « les contrats de concession de travaux publicssont des contrats administratifs dont l’objet est de faire réalisertous travaux de bâtiment ou de génie civil par un concession-naire dont la rémunération consiste soit dans le droit d’exploiterl’ouvrage, soit dans ce droit assorti d’un prix ». Cette définitionétait conforme à celle de la directive 2004/18/CE du 31 mars 2014relative à la coordination des procédures de passation desmarchés publics de travaux selon laquelle une concession detravaux publics est « un contrat présentant les mêmes caractéris-tiques qu’un marché public de travaux, à l’exception du fait quela contrepartie des travaux consiste soit uniquement dans ledroit d’exploiter l’ouvrage, soit dans ce droit assorti d’un prix »(art. 1er, § 3). Et désormais, l’article L. 1121-1 du Code de lacommande publique définit le contrat de concession en généralcomme « un contrat par lequel une ou plusieurs autoritésconcédantes soumises au présent code confient l’exécution detravaux ou la gestion d’un service à un ou plusieurs opérateurséconomiques, à qui est transféré un risque lié à l’exploitation del’ouvrage ou du service, en contrepartie soit du droit d’exploiterl’ouvrage ou le service qui fait l’objet du contrat, soit de ce droitassorti d’un prix / La part de risque transférée au concessionnaireimplique une réelle exposition aux aléas du marché, de sorteque toute perte potentielle supportée par le concessionnaire nedoit pas être purement théorique ou négligeable. Le conces-sionnaire assume le risque d’exploitation lorsque, dans desconditions d’exploitation normales, il n’est pas assuré d’amortirles investissements ou les coûts, liés à l’exploitation de l’ouvrageou du service, qu’il a supportés. ». Le contrat de concession detravaux met donc en relation deux protagonistes dont l’un a lapropriété de l’ouvrage et confère à l’autre le droit de l’exploiter.Tel n’est évidemment pas le cas du contrat litigieux conclu entrela SPL et son cocontractant. En effet, son objet principal portesur la vente des terrains concernés à ce dernier. Il en résulte quela SPL perdant tout droit de propriété sur lesdits terrains parl’effet de la vente, l’objet du contrat ne pouvait porter surl’octroi d’un droit d’exploitation au profit d’IF Ecopôle encontrepartie des prestations effectuées par elle au profit de laSPL. Pour le dire autrement, la première tire le droit d’exploiterles terrains cédés, ainsi que les biens qu’elle y fera édifier,exclusivement du droit de propriété acquis par elle. La qualifica-tion de concession de travaux publics s’en trouve donc excluesans surprise (cons. 5).

2. Sur la circonstance que la SPL aurait agi commemandataire du concédant

En deuxième lieu, la demanderesse au pourvoi soutenait lacompétence du juge administratif en faisant valoir que la SPLavait agi comme mandataire du concédant. Là encore, la messesemblait être dite. Il est jugé en effet que le titulaire d’uneconvention d’aménagement conclue avec une collectivitépublique pour la réalisation d’une opération d’aménagement nesaurait être regardé par principe comme mandataire de cettecollectivité (T. confl., 11 déc. 2017, n° 4103, Cne Capbreton :JurisData n° 2017-025565 ; Lebon, p. 416 ; Contrats-Marchés publ.2018, comm. 30, note M. Ubaud-Bergeron ; RD imm. 2018,p. 1222, obs. M. Revert. – T. confl., 15 oct. 2012, n° 3853, SARL Portcroisade c/ SA Seeta : JurisData n° 2012-024264 ; publié au RecueilLebon ; Contrats-Marchés publ. 2013, comm. 17, note G. Eckert. –Et dans la même affaire : Cass. 1re civ., 13 mars 2013, n° 09-15.448 :JurisData n° 2013-004354 ; CP-ACCP 132/2013, p. 22). Il n’en vaautrement que s’il résulte des stipulations qui définissent lamission du cocontractant de la collectivité publique ou d’unensemble de conditions particulières prévues pour l’exécutionde celle-ci, tels que le maintien de la compétence de la collecti-vité publique pour décider des actes à prendre pour la réalisa-tion de l’opération ou la substitution de la collectivité publique àson cocontractant pour engager des actions contre lespersonnes avec lesquelles celui-ci a conclu des contrats, que laconvention doit en réalité être regardée, en partie ou en totalité,comme un contrat de mandat, par lequel la collectivité publiquedemande seulement à son cocontractant d’agir en son nom etpour son compte, notamment pour conclure les contrats néces-saires (T. confl., 11 déc. 2017, n° 4103, Cne Capbreton : Lebon,p. 416). Pour le déterminer, le juge doit procéder à une analyseglobale des stipulations de la convention (Cass. 1re civ., 14 nov.2018, n° 17-28.613 : JurisData n° 2018-020129). En l’espèce, dans lecadre de son appréciation souveraine des dispositions de laconcession d’aménagement, c’est sans commettre d’erreur dedroit que, faisant application de la jurisprudence précitée, laCour en avait déduit que le concessionnaire ne pouvait êtreregardé comme agissant pour le compte du concédant (cons. 6et 7).3. Sur la notion d’entité transparente

Prima facie, « une SPL présente les caractères de l’entitétransparente, personne privée créée à l’initiative d’une ou deplusieurs personnes publiques qui en contrôle l’organisation etle fonctionnement et qui lui en procure l’essentiel de sesressources » (CE, 21 mars 2007, n° 281796, Cne Boulogne-Billancourt : JurisData n° 2007-071622 ; Lebon, p. 130 ; Contrats-Marchés publ. 2007, comm. 137, note G. Eckert. – T. confl., 6 juill.2020, n° 4191, Sté Huet Location c/ Éts public Cité de la Musique– Philarmonie de Paris : mentionné aux tables du Recueil Lebon).Néanmoins, les SPLA (L. 13 juill. 2006) puis les SPL (L. 28 mai2010) ne sont pas tant créées à l’initiative des collectivitésterritoriales que celles-ci s’inscrivent dans un cadre légal (C.urb., art. L. 327-1) mis en place dans le prolongement de l’excep-tion de in house ouverte par la CJUE depuis l’arrêt Teckal du18 novembre 1999 (CJUE, 18 nov. 1999, aff. C-107/98). Cetteconsidération a paru déterminante au juge de cassation pour nepas leur faire application de la théorie de l’entité transparentequi est en réalité mise en œuvre dans un tout autre cadre et quia une fonction bien déterminée, tout à fait étrangère auxrelations entre une SPL et ses cocontractants personnes de droitprivé (cons. 9). Pierre SOLER-COUTEAUX

Mots-Clés : Convention domaniale - Compétence juridictionnelleJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 616Autres publications LexisNexis : Fiche pratique n° 2522 : Réaliserune ZAC

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À noter également157 Intégration à l’assiette de la CFE due par

l’occupant d’un bien dont il n’est pas l’utili-sateur exclusifCAA Bordeaux, 11 févr. 2021, n° 19BX00532, SA La BerrichonneFootball : JurisData n° 2021-003359 ; inédit au Recueil Lebon

Observations : Un club de football professionnel ayant fait l’objet d’unerectification de la base d’imposition au titre de la cotisation foncière desentreprises (CFE) contestait l’intégration à l’assiette de cette taxe du stademis à sa disposition par la commune propriétaire dans le cadre d’uneconvention d’occupation du domaine public. L’article 1467 du CGI subor-donne cette intégration à la double condition que les biens concernéssoient placés sous le contrôle du redevable et qu’il les utilise matérielle-ment pour la réalisation des opérations qu’il effectue. Si, en l’espèce, lesecond critère n’était pas discuté, il en allait autrement du premier, le clubfaisant valoir qu’il n’avait pas l’utilisation exclusive du stade. La courestime qu’un telle exclusivité n’est pas une condition nécessaire aucontrôle évoqué par l’article 1467 du CGI, dont elle établit l’existence àl’aide d’un faisceau d’indices résultant de l’analyse de la conventiond’occupation : d’abord le club « dispose [...] de manière habituelle d’uneutilisation prioritaire et quasi exclusive », son utilisation par la communeou par des tiers étant marginale et subordonnée au respect du calendrierdes compétitions que le club a le pouvoir de modifier ; ensuite, laconvention lui confère le droit « d’exploiter commercialement le stade » etlui impose d’assurer lui-même « le contrôle du bon usage de l’ensembledes équipements » et de « veiller au respect des règles relatives à lasécurité du public » ; enfin, le club a la possibilité de réaliser des travauxde transformation et d’amélioration après accord de la commune.

Étienne MULLER

Mots-Clés : Convention domaniale - CFEJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 500

158 De simples prescriptions généralesn’entraînent pas la requalification d’unevente de terrains en contrat de la commandepubliqueCAA Douai, 1re ch., 9 févr. 2021, n° 19DA02146 : JurisData n° 2021-003361 ; inédit au Recueil Lebon

Observations : Les contrats de la commande publique ont pour objet derépondre aux besoins des acheteurs et autorités concédantes en matièrede travaux, de fournitures ou de services (CCP, art. L. 2). Il en découle,comme cet arrêt l’illustre, que les dispositions d’une délibération d’unconseil municipal imposant à l’acquéreur de parcelles du domaine privéde la commune de simples « orientations générales dépourvues de toutcaractère détaillé », même accompagnées de spécifications plus précisesconcernant une liaison piétonne à réaliser et le classement des voiesinternes du projet dans la voirie communautaire, « ne sont pas suffisantspour requalifier [le contrat de vente des parcelles] en marché public detravaux destiné à mettre en œuvre une politique sociale de l’habitat » ni,

plus généralement, en « opération relevant de la commande publique ».

É. M.

Mots-Clés : Convention domaniale - CessionJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 500

Procédure contentieuse

RÈGLEMENT AMIABLE DES DIFFÉRENDS

159 Reprise des relations contractuelles etCCIRA

Solution. – La saisine du comité consultatif de règle-ment amiable des différends ou litiges relatifs auxmarchés publics (CCIRA) n’a pas pour effet d’interromprele délai du recours de plein contentieux contestant lavalidité de la résiliation et tendant à la reprise desrelations contractuelles, car ce litige ne relève pas de lacompétence de ce comité, limitée aux différends finan-ciers relatifs à l’exécution des marchés publics.Impact. – Que cette solution soit ou non confirmée, enpratique, pour obtenir la reprise des relations contrac-tuelles, il est toujours préférable de saisir directement lejuge.

CAA Marseille, 15 mars 2021, n° 20MA01853 : JurisData n° 2021-003545

NOTE : Dans le cadre d’une opération d’extension et de réha-bilitation du lycée Dominique Villars à Gap, dont la maîtrised’ouvrage était assurée par l’agence régionale d’équipement etd’aménagement (AREA) de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur,sur délégation de cette dernière, la maîtrise d’œuvre avait étéconfiée à un groupement conjoint par un marché du 5 février2014. Le 1er mars 2018, l’AREA PACA a prononcé la résiliation pourfaute de ce marché. Dans un premier temps, le 27 avril 2018, lemandataire du groupement a saisi le comité consultatif de règle-ment amiable des différends ou litiges relatifs aux marchés publicsde Marseille (CCIRA), qui le 5 juin 2019 a rendu une décision de

non-lieu compte tenu du refus de la région PACA de participer àune procédure de règlement amiable. Anticipant cette décision,le mandataire a, le 31 mai 2019, saisi le tribunal administratif deMarseille d’une demande tendant à ce qu’il ordonne la reprise desrelations contractuelles. Par un jugement du 31 mars 2020 (TAMarseille, 31 mars 2020, n° 1905090, C+), le tribunal a rejeté cettedemande comme étant irrecevable en raison de sa tardiveté.

La cour administrative d’appel de Marseille, dont l’arrêt est égale-ment classé C+, confirme la solution du tribunal. Comme cedernier, elle considère que la saisine du CCIRA, bien qu’interve-nue dans le délai de 2 mois du recours de plein contentieuxcontestant la validité de la résiliation et tendant à la reprise desrelations contractuelles (CE, sect., 21 mars 2011, n° 304806, CneBéziers : JurisData n° 2011-004285 ; Lebon, p. 117 ; Contrats-Marchés publ. 2011, comm. 150, note J.-P. Pietri), n’a pas eu poureffet d’interrompre ce délai, dès lors que ce différend ne relèvepas de la compétence de ce comité.

La saisine du comité, qui à l’époque de l’affaire qui nous inté-resse était mentionné par l’article 142 du décret n° 2016-360 du25 mars 2016 relatif aux marchés publics, et régi par le décretn° 2010-1525 du 8 décembre 2010 (désormais codifiés : CCP,art. L. 2197-3 et R. 2197-1 et s.), a pour effet d’interrompre notam-ment les délais de recours contentieux (CCAG 2009, art. 50.4.1évoquait leur simple suspension, discordance fâcheuse que leCCAG de 2021 corrige à son article 55.2.3). Le lien entre la compé-tence du comité et les effets de sa saisine apparaît parfaitementlogique, mais la jurisprudence sur l’articulation entre la procéduredevant ce dernier et la procédure contentieuse n’est pas spécia-lement fournie, et c’est semble-t-il la première fois que cetteévidence est confirmée.

L’intérêt de la solution ne se limite toutefois pas à cela, il résideégalement dans ses motifs.

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Alors que le tribunal avait surtout fondé l’incompétence ducomité sur la nature même du recours en cause (on trouve aupoint 3 une citation expresse du considérant de principe écartantson interruption par l’exercice d’un recours gracieux, ainsi qu’uneréférence transparente aux conclusions de N. Escault sur : CE,30 mai 2012, n° 357151, SARL Promotion de la restauration touris-tique : JurisData n° 2012-011571 ; Lebon, p. 237 ; Contrats-Marchéspubl. 2012, comm. 227, note J.-P. Pietri), la cour, sans ignorer cetangle de raisonnement (V. son « en tout état de cause » sur la parti-cularité de ce recours qui commande que le juge du contrat soitsaisi « dans les meilleurs délais »), s’appuie plus fortement sur lesmissions dévolues au comité. Selon elle, la compétence du comitése borne à la formulation de propositions de solutions amiablesaux différends financiers relatifs à l’exécution des marchéspublics, et ne s’étend pas aux litiges portant exclusivement sur lacontestation de la régularité ou du bien-fondé d’une mesure derésiliation en vue d’obtenir la reprise des relations contractuelles.

La cour fait ici une lecture plutôt restrictive des dispositions rela-tives à la compétence des comités, laquelle est simplement défi-nie par la possibilité d’y recourir « en cas de différend concernantl’exécution des marchés publics » (D. n° 2016-360, 25 mars 2016,art. 142) : vaste programme. Or, la résiliation a toujours été quali-fiée de « mesure d’exécution du contrat » (CE, 25 mai 1992,n° 91326, Dpt Hérault : mentionné aux tables du Recueil Lebon. –CE, 14 oct. 2005, n° 255179, Cne Pagny-sur-Moselle : JurisDatan° 2005-069077 ; mentionné aux tables du Recueil Lebon), et mêmesi une décision postérieure à 2011 semble opposer les deuxnotions (CE, 27 mars 2015, n° 372942, Gyurenka : JurisData n° 2015-006460 ; mentionné aux tables du Recueil Lebon, indiquant que ladécision en cause « doit être regardée comme une mesured’exécution du contrat et non comme une résiliation »), une déci-sion plus récente les confond à nouveau (CE, 21 nov. 2018,n° 419804, Sté Fêtes Loisirs : JurisData n° 2018-020818 ; mentionnéaux tables du Recueil Lebon ; Contrats-Marchés publ. 2019,comm. 67, obs. E. Muller, évoquant au sujet de la résiliation laportée « d’une telle mesure d’exécution »). À l’oreille au moins, undifférend relatif à la résiliation d’un marché semble bien serapporter à son exécution. Ajoutons que selon le I de l’article 5 dudécret n° 2010-1525 du 8 décembre 2010, « La saisine est faite parune note détaillée exposant les motifs du différend et, le caséchéant, la nature et le montant des réclamations formulées », cequi suggère qu’il peut ne pas être toujours question de montantsen jeu, et par suite que cette saisine peut porter sur un différendautre que financier, et qu’en outre, un tel différend peut tout aussibien faire l’objet de la recherche des éléments de droit ou de faiten vue d’une solution amiable et équitable qui entre dans lesmissions du comité (D. n° 2016-360, 5 mars 2016, art. 142). À cetégard, la portée du motif retenu par la cour déborde même ducadre du litige, puisqu’il peut s’appliquer à d’autres différendsnon-financiers concernant l’exécution des marchés publics.

Dans le même temps, la lecture de la cour est pragmatique. Eneffet, en matière d’exécution des marchés publics, les différendsstrictement dépourvus de tout caractère financier ne sont paslégion (le cas de la réception étant désormais réglé par le CCAG,ne restent guère que la résiliation à la demande du titulaire, lalevée de réserves, et éventuellement la mainlevée de la cautionbancaire ou de la garantie à première demande), la procéduredevant le comité débouche sur un simple avis que l’autre partien’est pas tenue de suivre, et la durée de cette procédure, souventsupérieure aux 6 mois prévus par la réglementation (CCP,art. D. 2197-21), n’est guère propice à l’attente d’une mesured’exécution du contrat. L’intérêt de faire intervenir le comité pourun différend non-financier est donc, de fait, fort réduit. Cela estvrai à plus forte raison s’agissant d’un litige portant sur la reprisedes relations contractuelles, où il est spécialement importantd’obtenir rapidement une décision puisque, d’une part, cettereprise peut être contrariée par l’attribution du contrat à un tiersentre-temps, et d’autre part, ce litige perd son objet lorsque leterme stipulé au contrat est dépassé (CE, 23 mai 2011, n° 323468,Sté d’aménagement d’Isola 2000, Sté de gestion d’Isola 2000 : Juris-Data n° 2011-009543 ; Lebon T., p. 1012 à 1017 ; Contrats-Marchéspubl. 2011, comm. 305, note J.-P. Pietri). Bref, l’intervention des

comités apparaît bien mieux appropriée pour des différendsd’ordre financier, et même si ce n’est pas vérifiable en l’absencede recensement de leurs saisines, on ne serait guère surprisd’apprendre qu’en pratique, exception faite de notre affaire, lescomités n’ont à connaître que de différends de cette nature.

Philippe REES

Mots-Clés : Procédure contentieuse - Reprise des relations contrac-tuellesJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 195Autres publications LexisNexis : Fiche pratique n° 2246 : Régler àl’amiable des litiges

RÉFÉRÉS

160 Suspension de l’exécution d’uneconcession par le juge des référés

Solution. – Dès lors que le requérant démontre que sonéviction est susceptible de lui faire perdre l’intégralité duchiffre d’affaires qu’il tirait de la concession et qu’iljustifie de la méconnaissance d’obligations de transpa-rence et du principe d’égalité de traitement, susceptiblede conduire à la cessation de l’exécution du contrat ou àson annulation, la suspension peut être prononcée.Impact. – La décision précise les modalités de suspen-sion d’un contrat faisant par ailleurs l’objet d’un recoursen contestation de validité.

CE, 15 févr. 2021, n° 445488 : JurisData n° 2021-003358 ; inédit auRecueil Lebon

NOTE : À la suite de la conclusion du contrat de concession del’exploitation du Zénith par la commune de Toulon, un concurrentévincé avait saisi le juge des référés d’une demande de suspensionde l’exécution de ce contrat. Après que le tribunal administratifeut ordonné cette suspension, la commune et le concessionnaires’étaient pourvus en cassation.

Le recours de plein contentieux que les concurrents évincéspeuvent exercer en vue de contester la validité du contrat peutêtre assorti, depuis sa création par la jurisprudence « Tropictravaux », d’un référé suspension sur le fondement de l’articleL. 521-1 du Code de justice administrative. Cette voie de recoursa été ultérieurement ouverte à tous les tiers lésés (CE, ass., 4 avr.2014, n° 358994, Dpt Tarn-et-Garonne : JurisData n° 2014-006635 ;Lebon, p. 70 ; Contrats-Marchés publ. 2014, étude 5, Ph. Rees ; JCPA 2014, 2152, note J.-F. Sestier).

Le référé suspension dirigé contre le contrat présente ainsi laparticularité de s’inscrire dans un paysage contentieux dense, auxcôtés des référés précontractuels et contractuels (CJA, art. L. 551-1et s.), et d’étendre aux contrats des dispositions applicables àl’origine aux seuls actes unilatéraux. Ces spécificités expliquent larareté des demandes de suspension abouties.

En principe, le recours en référé suspension dirigé contre uncontrat se voit appliquer les conditions de recevabilité et de fondénoncées par l’article L. 521-1 du Code de justice administrative.Accessoire d’une demande au fond, la requête en référé doit ainsijustifier d’une urgence et d’un moyen propre à créer, en l’état del’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l’acte. La déci-sion commentée apporte à cet égard d’intéressants éclairages tantsur la condition d’urgence que sur celle afférente à la légalité ducontrat.

En premier lieu, il est de jurisprudence constante que la condi-tion d’urgence « doit être regardée comme remplie lorsque la déci-sion administrative contestée préjudicie de manière suffisammentgrave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérantou aux intérêts qu’il entend défendre » (CE, sect., 19 janv. 2001,n° 228815, Confédération nationale des radios libres : JurisDatan° 2001-061706 ; Lebon, p. 100 ; Contrats-Marchés publ. 2001,comm. 101, note J.-P. Pietri ; RFDA 2001, p. 378 ; AJDA 2001, p. 146).

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Dans le cadre particulier de la demande de suspension formépar le candidat évincé, cette appréciation paraît empreinte d’unerigueur particulière (V. cependant, dans le cas très particulier d’uneméconnaissance d’une ordonnance du juge du référé précontrac-tuel permettant de présumer l’urgence à suspendre le contrat : CE,6 mars 2009, n° 324064, Sté Biomérieux : JurisData n° 2009-075039 ;Contrats-Marchés publ. 2009, comm. 144, note J.-P. Pietri ; Contratspubl. 2009, p. 105).

C’est ainsi que certaines juridictions ont pu regarder cette condi-tion d’urgence comme non établie lorsque le requérant ne justi-fiait pas d’une perte suffisante de chiffre d’affaires en raison de sonéviction (TA Versailles, 19 mars 2008, n° 0801326, Sté CAC SA et StéClichy-Dépannage : Contrats-Marchés publ. 2008, comm. 111, noteJ.-P. Pietri. – TA Châlons-en-Champagne, 28 août 2008, n° 0801856,CIBC c/ ANPE : JCP A 2008, 2228, comm. M.-P. Mazet). Certainesjuridictions ont pu en déduire que seules des conséquences surla pérennité étaient de nature à démontrer l’urgence.

En l’occurrence, la Haute Juridiction procède à une appréciationconcrète de la gravité de l’atteinte à la situation du requérant enrelevant que ce dernier tirait précédemment l’intégralité de sonchiffre d’affaires de l’exploitation de la salle désormais concédéeà un tiers. Ainsi, la perte de l’intégralité du chiffre d’affaires suffit-elle à justifier de l’urgence.

Par ailleurs, il a été jugé que l’urgence à suspendre n’était pasjustifiée si l’entreprise était dépourvue de toute chance d’obtenirle contrat, celui-ci ne préjudiciant pas de manière immédiate auxintérêts du requérant (TA Versailles, 19 mars 2008, n° 0801326, StéCAC SA et Société Clichy-Dépannage : Contrats-Marchés publ.2008, comm. 111, note J.-P. Pietri).

Sur ce dernier point, la décision commentée précise que lacirconstance que la société évincée n’avait qu’une chance d’obte-nir le contrat ne fait pas, par obstacle, à ce que son attribution à untiers lui porte une atteinte grave et immédiate. Le Conseil d’Étatécarte ainsi l’application d’un raisonnement fondé sur la perte dechance sérieuse, qui est seule de nature à ouvrir droit à l’indem-nisation du manque à gagner (CE, 18 juin 2003, n° 249630, Groupe-ment d’entreprises solidaires ETPO Guadeloupe : JurisDatan° 2003-065666 ; Lebon T., p. 865 ; Contrats-Marchés publ. 2003,comm. 171, note F. Olivier). Toutefois, il ne peut en être déduitqu’une entreprise dépourvue de toute chance d’obtenir le contratpourrait justifier d’une urgence à en obtenir la suspension.

En deuxième lieu, si la suspension d’un acte suppose qu’undoute sérieux existe sur sa légalité, le particularisme du recours encontestation de validité marque là aussi le référé suspension.

En effet, dans le cadre du recours en contestation de validité, lejuge du contrat ne prononce l’annulation qu’en présence d’uncontenu illicite, d’un vice de consentement ou de tout autre viced’une particulière gravité que le juge doit relever d’office. Quantà la résiliation du contrat, elle ne peut être prononcée que si lecontrat ne peut être régularisé compte tenu de la nature du vice(CE, 3 déc. 2014, n° 366153, Sté Bancel : JurisData n° 2014-031098 ;Contrats-Marchés publ. 2015, comm. 55, obs. M. Ubaud-Bergeron).L’interprétation restrictive des pouvoirs du juge conduit à neprononcer la résiliation ou l’annulation que dans des cas limités(V. par ex. : CE, 15 mars 2019, n° 413584, Sté anonyme gardienned’économie mixte : JurisData n° 2019-003863 ; publié au RecueilLebon ; Contrats-Marchés publ. 2019, comm. 210, note J. Dieten-hoeffer).

Il ne serait par suite pas cohérent de suspendre l’exécution d’uncontrat dont les vices allégués ne seraient en toute hypothèse passusceptibles d’entraîner la résiliation ou l’annulation. Aussi, sans

exiger que l’illégalité invoquée puisse entraîner l’annulation ducontrat, le Conseil d’État considère qu’il ne peut être fait droit à lademande de suspension que s’il est fait état d’un moyen propre àfaire naître un doute sérieux quant à la légalité de ce contrat etconduire à la cessation de son exécution ou à son annulation (CE,14 oct. 2015, n° 391183, région Réunion : JurisData n° 2015-022766 ;Contrats-Marchés publ. 2015, comm. 297, note M. Ubaud-Bergeron). Sont ainsi visés les vices d’une particulière gravité denature à emporter l’annulation et ceux qui pourraient, comptetenu notamment de leur caractère irrégularisable, justifier sa rési-liation.

En l’espèce, le premier vice retenu par le juge des référés tenaitaux modalités d’appréciation du critère des conditions écono-miques et financières de la concession. En effet, pour évaluer lesoffres, la commune avait tenu compte de l’estimation du montantdu chiffre d’affaires pendant toute la durée de la délégation, ens’appuyant sur les seules déclarations des candidats.

Or, il appartient au pouvoir adjudicateur de contrôler effective-ment l’exactitude des informations fournies par les candidatsconcernant un critère technique (CJCE, 4 déc. 2003, aff. C-448/01,EVN AG, Wienstrom GmbH c/ République d’Autriche : Contrats-Marchés publ. 2004, comm. 28, note Ph. Delelis. – CE, 22 juill. 2016,n° 396597, Communauté d’Agglomération Centre Littoral : Juris-Data n° 2016-014212 ; JCP A 2016, act. 672). En outre, un critèrereposant sur les seules déclarations des soumissionnaires sansengagement contractuel de leur part et sans possibilité pour lepouvoir adjudicateur d’en contrôler l’exactitude est irrégulier. Telest le cas d’un critère tiré de l’estimation du chiffre d’affaires d’uneconcession, celui-ci ne pouvant, par construction, pas êtrecontrôlé (CE, 8 avr. 2019, n° 425373, Cne Cannes : JurisData n° 2019-005598 ; Contrats-Marchés publ. 2019, comm. 203, note G. Eckert).

En l’espèce, le vice tiré de l’irrégularité de la méthode de nota-tion est considéré comme de nature à faire naître un doute sérieuxquant à la validité du contrat.

Il en allait de même du second moyen retenu par le juge desréférés. Selon l’ordonnance en litige, la commune avait créé unerupture d’égalité entre les candidats en fournissant des informa-tions imprécises sur la subvention susceptible d’être allouée aufutur concessionnaire.

En effet, le régime fiscal des subventions versées au concession-naire dépend de leur nature (V. not. CE, 10 juin 2010, n° 301586, StéCarilis. – CAA Versailles, 3 oct. 2019, n° 16VE01073, Sté Tilos : Juris-Data n° 2019-019181 ; Contrats-Marchés publ. 2019, comm. 381,note J. Dietenhoeffer). Or, le principe d’égalité de traitementimpose de fournir aux candidats à l’attribution d’une concessiondes informations suffisantes pour permettre à toutes les entre-prises admises à déposer une offre d’être informées de leurs obli-gations (V. not. en matière de reprise des personnels : CAABordeaux, 1er juill. 2013, n° 12BX00425, Cie des Eaux de Royan).

En n’informant pas suffisamment les candidats, la commune deToulon avait donc pu contribuer à fausser l’évaluation des offressur le critère relatif aux conditions économiques et financières.

En l’absence de motif d’intérêt général s’y opposant, le Conseild’État considère donc que le juge des référés avait pu, à bon droit,prononcer la suspension du contrat litigieux.

Jérôme DIETENHOEFFER

Mots-Clés : Procédure contentieuse - Référé-suspensionJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 30Autres publications LexisNexis : Fiche pratique n° 193 : Introduireun référé suspension

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À noter également161 Conditions et effets d’une transaction dans

un litige né de l’exécution d’un marché publicde travauxCAA Versailles, 25 févr. 2021, n° 18VE00996, Sté Parenge :JurisData n° 2021-003349 ; inédit au Recueil Lebon

Observations : La cour administrative d’appel de Versailles apporte par leprésent arrêt deux précisions intéressantes concernant le recours à latransaction pour régler les litiges nés de l’exécution de marchés publics detravaux.L’une est d’ordre général ; elle concerne la preuve de l’échange desconsentements des parties. La cour estime que la circonstance que lapartie à l’origine de la transaction n’ait pas signé la convention aprèsqu’elle l’a adressée à l’autre partie et que celle-ci la lui a retournée signée« ne fait pas obstacle à ce qu’elle soit regardée par le juge, en raison de lasignature apposée sur le courrier initial de transmission de sa proposition,comme ayant effectivement consenti à la transaction ». En revanche, leconsentement des parties suppose bien évidemment que celle à laquellele projet d’accord a été envoyé l’ait accepté ; c’est pourquoi il est jugé, enl’espèce, que l’entreprise qui n’a pas accepté la proposition de transactionadressée par le maître d’ouvrage n’est pas fondée à en demanderl’exécution.L’autre est plus particulière et concerne l’articulation de la transaction etde la procédure de règlement des différends prévue par le CCAG-Travaux.L’entreprise faisait valoir que le maître d’ouvrage qui avait proposé unetransaction devait en conséquence être regardé comme ayant renoncé à seprévaloir de l’irrecevabilité des demandes indemnitaires de l’entreprisedécoulant de ce qu’elle avait négligé, suite au rejet implicite de ses

mémoires en réclamation, de réitérer ses réclamations dans le délai prévupar le CCAG-Travaux. Cette argumentation est rejetée par la Cour, quiestime que « la circonstance que le département ait par la suite fait uneproposition de transaction n’est pas de nature à relever [les] demandes dela forclusion qui les frappe ». Étienne MULLER

Mots-Clés : Procédure contentieuse - TransactionJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 195

162 Irrecevabilité d’un syndicat d’architecte àagir en contestation de la validité d’unmarché de conception-réalisationCAA Paris, 5 mars 2021, n° 19PA00109, Cne de Moret-Loing-et-Orvanne : JurisData n° 2021-003341 ; inédit au Recueil Lebon

Observations : Les missions d’entreprise et de maîtrise d’œuvre devantêtre en principe dévolues à des opérateurs distincts (CCP, art. L. 2431-1), lerecours aux marchés de conception-réalisation doit être justifié parcertains motifs d’ordre technique (CCP, art. R. 2171-1). Selon le présentarrêt, il ne s’ensuit cependant pas que des syndicats d’architectes sontrecevables à contester la réalité de ces motifs en exerçant un recours encontestation de la validité du contrat ; la cour estime en effet que la seulepassation d’un tel marché « ne saurait être regardée comme susceptiblede léser de façon suffisamment directe et certaine les intérêts collectifs »dont ils ont la charge. É. M.

Mots-Clés : Procédure contentieuse - Recours en contestation de validitéJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 31-1

DOCTRINE ADMINISTRATIVEBruno KOEBEL,administrateur territorial,directeur adjoint en charge des achatset de la commande publique,Ville et Eurométropole de Strasbourg

Marchés publics

PASSATION

163 Crise sanitaire et prise en compte duchiffre d’affaires

Rép. min. n° 35934 : JOAN 30 mars 2021, p. 2815 (Q. 2 févr. 2021,M. Patrice Anato)

Réponse : Les dispositions de l’article 3 de l’ordonnance n° 2020-738 du 17 juin 2020 portant diverses mesures en matière decommande publique ont pour objet de neutraliser l’impact éventuelde la crise sanitaire sur le chiffre d’affaires des entreprises soumis-sionnaires lors des procédures d’attribution des contrats de lacommande publique. Ces dispositions tirent les conséquences ducaractère soudain et inédit de cette crise en préservant les entreprisesaffectées. Cependant, une telle mesure ne peut avoir qu’une duréelimitée d’application, qui correspond au moment le plus aigu de lacrise. Il s’agit en effet d’une mesure radicale qui peut avoir des effetsnégatifs à moyen terme. Elle est radicale en ce qu’elle impose auxacheteurs une interdiction de tenir compte de la baisse du chiffred’affaires des entreprises pour juger de leur capacité financière, et

restreint donc considérablement la liberté d’appréciation des ache-teurs. Elle peut avoir des effets négatifs à moyen terme, car laprolonger dans le temps aboutirait à ne plus permettre aux acheteursd’évaluer la situation des entreprises candidates à leurs marchés, etde se prémunir contre les risques de défaillance en cours d’exécu-tion. Or cette évaluation est nécessaire pour garantir la sécurité desprojets et des achats. En outre, la fluctuation du chiffre d’affaires nedépend pas uniquement des impacts de la crise. En tout état decause, la fin de l’interdiction de prise en compte du chiffre d’affairesn’aura pas pour effet de conduire les acheteurs à rejeter systémati-quement les offres des entreprises impactées par le contextesanitaire. Ceux-ci, dans le cadre de leur pouvoir d’appréciation,devront faire preuve de discernement pour ne pas pénaliser lesentreprises soumissionnaires dont le chiffre d’affaires aurait étésensiblement affecté par la crise sanitaire. Il n’est donc, à ce stade,pas prévu d’étendre la mesure d’interdiction de la prise en comptedu chiffre d’affaires.

Observations : La crise sanitaire emporte des conséquencessur l’activité économique qui peuvent se traduire par le placementen redressement judiciaire d’opérateurs économiques ou, dansune moindre mesure, par une baisse substantielle du chiffre

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d’affaires des entreprises impactées par ces circonstances excep-tionnelles. Or, ce dernier constitue un des éléments d’apprécia-tion des candidatures aux marchés publics, voire une condition àlaquelle leur recevabilité est subordonnée.

Afin d’atténuer les effets de la crise sur la possibilité pour lesopérateurs économiques de soumissionner aux marchés publics,l’ordonnance n° 2020-738 du 17 juin 2020 portant diverses mesuresen matière de commande publique a introduit plusieurs disposi-tions protectrices des entreprises :

- l’interdiction d’exclure des procédures de passation desmarchés publics et concessions les entreprises au seul motif deleur placement en redressement judiciaire, dès lors qu’elles béné-ficient d’un plan de redressement (article 1er, applicable jusqu’au10 juillet 2021) ;

- l’obligation pour le titulaire d’un marché global de confierdirectement ou indirectement à des PME ou des artisans au moins10 % de son montant prévisionnel, sauf lorsque la structureéconomique du secteur concerné ne le permet pas (article 2,également applicable jusqu’au 10 juillet 2021) ;

- l’interdiction pour l’acheteur ou l’autorité concédante, lorsquela capacité économique et financière des opérateurs écono-miques nécessaire à l’exécution du marché ou du contrat deconcession est appréciée au regard du chiffre d’affaires, de tenircompte de la baisse du chiffre d’affaires intervenue au titre du oudes exercices sur lesquels s’imputent les conséquences de la crisesanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 (article 3, applicablejusqu’au 31 décembre 2023).

Ces dispositions, qui visent à protéger la capacité des opérateurséconomiques à accéder aux contrats de la commande publique,ne peuvent, selon la présente réponse ministérielle, être quetemporaires. En effet, prolonger leur application au-delà de la crisesanitaire restreindrait abusivement la liberté d’appréciation desacheteurs publics. Aussi, le Gouvernement n’envisage-t-il pas àl’heure actuelle d’étendre l’application de ces dispositions au-delàde leur terme précité. Pour autant, les acheteurs publics sont invi-tés, même après l’expiration de ces mesures conjoncturelles, àfaire preuve de discernement dans l’appréciation du chiffred’affaires des soumissionnaires pour tenir compte des impacts dela crise sanitaire, tout en prévenant les risques de défaillance dansl’exécution des contrats publics.

Mots-Clés : Commande publique - Covid-19JurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 5

164 Crise sanitaire et mesures dérogatoires

Rép. min. n° 34735 : JOAN 23 févr. 2021, p. 1703 (Q. 8 déc. 2020, M. Jean-François Parigi)

Réponse : Les mesures spéciales prévues par l’ordonnancen° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adapta-tion des règles de passation, de procédure ou d’exécution descontrats soumis au code de la commande publique et des contratspublics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaire née del’épidémie de Covid-19 peuvent toujours être mises en œuvre pourles contrats en cours ou conclus jusqu’au 23 juillet 2020 inclus (envertu de l’ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délaisapplicables à diverses procédures pendant la période d’urgencesanitaire). Le Gouvernement n’envisage pas, dans les circonstancesactuelles, de prendre de nouvelles mesures spécifiques d’adaptationpour les contrats conclus après le 23 juillet 2020. Pour ces contrats,le code de la commande publique contient en effet d’ores et déjà desdispositions pérennes efficaces mobilisables afin d’adapter la passa-tion et l’exécution des marchés publics aux difficultés qui pourraientsurvenir dans les circonstances actuelles. Il permet notamment deréduire les délais minimaux de réception des candidatures et desoffres dans le cadre de procédures formalisées lorsqu’une situationd’urgence dûment justifiée rend ces délais impossibles à respecter(articles R. 2161-1 à R. 2161-20). Il prévoit la possibilité de passerun marché sans publicité ni mise en concurrence préalableslorsqu’une urgence impérieuse résultant de circonstances exté-rieures que l’acheteur ne pouvait pas prévoir ne permet pas derespecter les délais minimaux exigés par les procédures formalisées

(articles L. 2122-1 et R. 2122-1). Le code de la commande publicpropose également des outils adaptés en matière de modificationdes contrats en cas de circonstances imprévues ou si des prestationssont devenues nécessaires en cours d’exécution, en application desarticles R. 2194-5 et R. 2194-2. En outre, compte tenu de lanécessité de soutenir les entreprises dans l’exécution des marchésdans un contexte économique particulièrement difficile, le décretn° 2020-1261 du 15 octobre 2020 relatif aux avances dans lesmarchés publics a pérennisé les dispositions introduites parl’article 5 de l’ordonnance du 25 mars 2020 précitée, en supprimantle plafonnement des avances à 60 % du montant du marché, ainsique l’obligation, pour les acheteurs, d’imposer aux titulaires demarchés publics de constituer une garantie à première demandepour bénéficier d’une avance supérieure à 30 % du montant dumarché public. Afin de faciliter la reprise des chantiers, qui ontsouvent été retardés durant la période d’état d’urgence sanitaire, laloi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simpli-fication de l’action publique prévoit que les marchés de travaux demoins de 100 000 euros HT peuvent être passés sans publicité nimise en concurrence jusqu’au 31 décembre 2022 inclus. Enfin, dansl’hypothèse d’une aggravation de la situation sanitaire, qui nécessi-terait la mise en place de nouvelles mesures venant contraindregravement les conditions de passation et d’exécution des marchéspublics, la loi du 7 décembre 2020 précitée prévoit la faculté demettre en œuvre par décret un dispositif d’adaptation des règles de lacommande publique applicable en cas de circonstances exception-nelles, inspiré des mesures de l’ordonnance du 25 mars 2020 etreprenant notamment les dispositions relatives à la possibilité deprolonger les contrats arrivant à échéance durant la période decirconstances exceptionnelles. Alors que le contexte sanitairedemeure incertain, ce nouveau dispositif pourra être rapidementmobilisé par le Gouvernement en cas de nécessité, afin que lesacheteurs et les opérateurs économiques disposent à nouveau desoutils dont l’efficacité a été démontrée durant le premier confine-ment.

Observations : Le Code de la commande publique s’est misau diapason de la crise sanitaire, plus d’un an après sa survenance :plusieurs nouvelles dispositions, notamment issues de la loin° 2020-1525 du 7 décembre 2020 dite « loi Asap », y ont ainsi étéintroduites : l’objectif est tout à la fois de soutenir l’économie etd’enrichir la palette du droit de la commande publique en péren-nisant plusieurs mesures de simplification mises en œuvrependant l’état d’urgence sanitaire, notamment :

- le relèvement temporaire à 100 000 € HT, jusqu’au 31 décembre2022, du seuil déclenchant l’obligation de mettre en concurrenceles marchés de travaux ;

- l’introduction d’une dispense de mise en concurrence pourmotif d’intérêt général ;

- la création d’un dispositif dédié aux circonstances exception-nelles, dont la mise en œuvre rapide peut être décidée par décret :il permet, comme pendant l’état d’urgence sanitaire, de dérogerexceptionnellement aux règles de passation et d’exécution desmarchés publics ;

- la protection des entreprises placées en redressement judi-ciaire, interdisant notamment la résiliation du marché ou de laconcession au seul motif que leur titulaire serait placé en redres-sement judiciaire ;

- l’obligation de prévoir, dans les marchés globaux, une partminimale d’exécution confiée à des PME ou à des artisans ;

- la possibilité de réserver un marché ou un lot tout à la fois auxentreprises adaptées, aux établissements et services d’aide par letravail et aux structures d’insertion par l’activité économique.

Cet arsenal de mesures inspirées par la crise sanitaire est décritavec précision dans une fiche technique proposée par le ministèrede l’économie, des finances et de la relance qu’il est recommandéde consulter (www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/conseil_acheteurs/fiches-techniques/crisesanitaire/Fiche-technique-Loi-ASAP.pdf).

Il conforte la vocation stratégique de la commande publique etconfirme le rôle de levier que doit jouer cette dernière pouratteindre les deux objectifs essentiels du moment que sont l’inté-

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gration renforcée du développement durable dans les contratspublics et la nécessaire relance de l’économie.

Mots-Clés : Commande publique - Covid-19JurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 5

165 Schéma de promotion des achatssocialement et écologiquementresponsables (SPASER)

Rép. min. n° 32954 : JOAN 9 mars 2021, p. 2051 (Q. 13 oct. 2020, M. Jean-Marc Zulesi)

Réponse : La loi prévoit que le schéma de promotion des achatspublics socialement et écologiquement responsables détermine lesobjectifs de politique d’achat comportant des éléments à caractèresocial visant à concourir à l’intégration sociale et professionnelle detravailleurs handicapés ou défavorisés ainsi que des éléments àcaractère écologique et qu’il contribue à la promotion d’uneéconomie circulaire. Sont concernés les acheteurs dont le montanttotal annuel des achats est supérieur à 100 millions d’euros HT, detelle sorte que leur panel de marchés soit suffisamment étendu etvarié pour pouvoir élaborer une véritable stratégie d’achats publicssocialement responsables. Sont ainsi essentiellement concernésl’État et de grandes collectivités territoriales ou groupements decollectivités. La feuille de route pour l’« économie circulaire »(FREC) du 23 avril 2018 a, dans sa mesure 44 intitulée « Faire de lacommande publique et du dispositif « administration exemplaire »un levier pour déployer l’économie circulaire », retenu l’objectifd’abaisser ce seuil. En 2018, le Conseil économique, social etenvironnemental, dans son étude « Commande publique respon-sable, un levier insuffisamment exploité », a préconisé de définir un« cadrage plus précis » des schémas de promotion des achatssocialement et écologiquement responsables autour des finalitéssuivantes : – un objectif en volume et montant de marchés orientésvers les très petites entreprises et petites et moyennes entreprises etles structures de l’économie sociale et solidaire ; – une évaluation dudéploiement des pratiques de sourçage ; – un suivi du pourcentagedes clauses sociales et environnementales mises en œuvre ; – uneprise en compte des critères « hors prix » et leur pondération ; – uneimplication des parties prenantes à la définition et la réalisation desobjectifs. Les débats lors de l’adoption de la loi n° 2020-105 du10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économiecirculaire ont également montré que l’enjeu qui s’attache à laprécision du contenu de ces schémas. Dans ce contexte, l’élabora-tion du 3ème plan national d’action pour des achats publicsdurables (2021-2025) piloté par le commissariat général au dévelop-pement durable, dont la publication devrait intervenir début 2021,semble être le cadre privilégié pour les acteurs de la commandepublique de mener une réflexion d’ensemble sur l’organisation deces schémas, et d’envisager tant la pertinence de l’extension dudispositif par l’abaissement du seuil fixé à l’article D 2111-3 du codede la commande publique, que la définition de nouveaux outilspropres à permettre le suivi et le contrôle des objectifs fixés par unschéma, lorsqu’il a été adopté.

Observations : Créé par la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014relative à l’économie sociale et solidaire, le schéma de promotiondes achats socialement et écologiquement responsables (SPASER)a vu son périmètre élargi aux achats écologiquement respon-sables par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transitionénergétique pour la croissance verte. L’article L. 2111-3 du Codede la commande publique vient codifier ces dispositions en dispo-sant que « ce schéma, rendu public, détermine les objectifs depolitique d’achat comportant des éléments à caractère socialvisant à concourir à l’intégration sociale et professionnelle detravailleurs handicapés ou défavorisés et des éléments à caractèreécologique ainsi que les modalités de mise en œuvre et de suiviannuel de ces objectifs. Ce schéma contribue également à lapromotion d’une économie circulaire ». L’adoption d’un SPASERn’est, en l’état actuel des textes, rendue obligatoire (sans toutefoisque cette obligation soit assortie de sanction) que pour les seuls« grands » acheteurs publics effectuant des achats pour unmontant annuel supérieur à 100 millions d’euros. Au demeurant,

seule une minorité d’entre eux s’est pour l’instant acquittée del’élaboration d’un tel schéma. L’abaissement de ce seuil est envi-sagé au titre des travaux actuels portant sur le nouveau plan natio-nal d’action pour des achats publics durables (2021-2025) afind’élargir le nombre d’acheteurs publics soumis à l’obligationd’élaborer un SPASER. Bien que cette perspective soit encoura-geante, le caractère non contraignant de l’exigence de disposerd’un SPASER mériterait également d’être réinterrogé à cette occa-sion, afin de donner à ce document le caractère incontournablequ’il devrait revêtir dans le contexte d’un achat public qui devientpar essence durable. Ainsi, subordonner l’octroi de certains finan-cements à l’adoption d’un SPASER pourrait générer l’effet d’entraî-nement souhaité. Il nous semble enfin que l’ensemble des ache-teurs publics devrait, au regard de l’importance prise par lesclauses environnementales et sociales dans les marchés publics,disposer d’un tel schéma, fût-il sommaire et/ou basé sur unmodèle simplifié. Les plus petites communes pourraient quant àelles faire converger leurs pratiques d’achat autour d’un SPASERintercommunal, l’échelon des établissements de coopérationintercommunale apparaissant pertinent pour engager et déployerune stratégie d’achat durable adaptée aux enjeux de chaque terri-toire.

Mots-Clés : Achat public - SPASERJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 57

166 Référentiels sectoriels RSE et marchéspublics

Rép. min. n° 29645 : JOAN 9 mars 2021, p. 2047 (Q. 19 mai 2020,Mme Stéphanie Kerbarh)

Réponse : Au niveau national comme européen, les entreprisessont encouragées à prendre davantage en considération les effets deleur activité sur la société en intégrant volontairement les préoccu-pations sociales et environnementales dans leurs activités et leursrelations avec leurs parties prenantes. La France s’est progressive-ment dotée d’un cadre législatif et réglementaire en matière deresponsabilité sociétale des entreprises (RSE) reposant notammentsur un dispositif de reporting extra financier des entreprises. La loiPACTE du 22 mai 2019 a encore renforcé la RSE en prévoyant quetoute société doit être gérée dans son intérêt social en prenant enconsidération les enjeux sociaux et environnementaux de sonactivité et en introduisant la possibilité pour une société de précisersa raison d’être ainsi qu’un ou plusieurs objectifs sociaux etenvironnementaux qu’elle se donne pour mission de poursuivredans le cadre de son activité. Parallèlement, la plateforme nationaled’actions globales pour la responsabilité sociétale des entreprisesréunit depuis 2013 un large éventail de parties prenantes (entre-prises, partenaires sociaux, organisations de la société civile,réseaux d’acteurs, chercheurs et institutions publiques). Elle consti-tue une plateforme nationale de dialogue et de construction depropositions qui entend notamment promouvoir la RSE tant à traversles politiques publiques qu’à travers le soutien aux initiativesvolontaires des acteurs privés, valoriser les pratiques exemplaires etfavoriser la concertation des parties prenantes en amont et en appuiaux négociations de normes internationales. Afin de mobilier etencourager les entreprises dans leurs démarches de responsabilitésociétale, pour étayer son diagnostic et formuler des propositions, laplateforme a en particulier lancé une expérimentation de labelssectoriels adaptés aux très petites entreprises, aux petites etmoyennes entreprises et aux entreprises de taille intermédiaire. Dansce cadre, les donneurs d’ordres privés disposent d’une grande libertéd’initiative et d’action pour prendre en compte, le cas échéant ens’appuyant sur ces travaux, les enjeux relevant de la RSE dans leursappels d’offres. Les possibilités en la matière pour les acheteurspublics font pour leur part l’objet d’un encadrement plus contraint.La directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du26 février 2014 sur la passation des marchés publics, transposée autravers du code de la commande publique, impose que lesspécifications techniques (article 42) et les critères d’attributions(article 67) soient liés à l’objet du marché ou à ses conditionsd’exécution. De même, les critères de candidature en matièresociale et environnementale fixés par l’acheteur et auxquels les

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opérateurs économiques doivent satisfaire ne peuvent concernerque leur capacité à exécuter correctement le marché ou viser àvérifier qu’ils respectent les législations fiscales et sociales qui leursont applicables. Le second alinéa du considérant (97) de cettedirective précise ainsi que « [...] la condition de l’existence d’un lienavec l’objet du marché exclut les critères et conditions relatifs à lapolitique générale de l’entreprise, qui ne peuvent être considéréscomme un élément caractérisant le processus spécifique de produc-tion ou de fourniture des travaux, produits ou services achetés. Lespouvoirs adjudicateurs ne devraient dès lors pas être autorisés àexiger des soumissionnaires qu’ils aient mis en place une politiqueparticulière de responsabilité sociale ou environnementale del’entreprise. » Un acheteur ne peut donc prévoir, pour attribuer unmarché public, un critère portant sur la politique générale desentreprises en matière de RSE. Le Conseil d’État a ainsi jugé qu’iln’est pas possible d’utiliser un critère relatif à la politique généralede l’entreprise en matière sociale, apprécié au regard de l’ensemblede son activité et indistinctement applicable à l’ensemble desmarchés de l’acheteur, indépendamment de l’objet ou des condi-tions d’exécution propres au marché en cause (CE, 25 mai 2018,n° 417580). Le code de la commande publique permet toutefois deprendre en considération les objectifs de RSE. L’article L. 2111-1 ducode de la commande publique impose en effet à l’acheteur,lorsqu’il détermine la nature et l’étendue de ses besoins, de prendreen compte « les objectifs de développement durable dans leurdimension économique, sociale et environnementale ». Il peut dèslors recourir à des critères portant sur des considérations sociales etenvironnementales, pour autant qu’il soit en mesure de justifier dulien entre ces critères et l’objet du marché. Le Conseil d’État a ainsiprécisé, dans l’arrêt précité, que « l’acheteur peut, pour sélectionnerl’offre économiquement la plus avantageuse, mettre en œuvre descritères comprenant des aspects sociaux, [...] à la condition,notamment, qu’ils soient liés à l’objet du marché ou à ses conditionsd’exécution ; qu’à cet égard, des critères à caractère social, relatifsnotamment à l’emploi, aux conditions de travail ou à l’insertionprofessionnelle des personnes en difficulté, peuvent concernertoutes les activités des entreprises soumissionnaires, pour autantqu’elles concourent à la réalisation des prestations prévues par lemarché » Enfin, à noter que l’article 15 du projet de loi Climat etRésilience, issu des propositions de la Convention citoyenne pour leclimat, impose aux acheteurs publics de prendre en compte lesconsidérations liées aux aspects environnementaux dans les critèresde choix des offres et dans les conditions d’exécution des marchés,en l’étendant aux clauses des marchés. Ainsi les objectifs environ-nementaux seront obligatoirement pris en considération à tous lesstades de la vie d’un marché : au moment de la préparation dumarché et de l’expression des besoins, au moment du choix del’offre et au moment de l’exécution du contrat. Le nouveau plannational d’action pour les achats publics durables, pour la période2021-2025, qui sera adopté en début d’année prochaine, permettrad’intégrer plusieurs propositions de la Convention citoyenne etsurtout de donner aux acheteurs les moyens de remplir les obliga-tions rappelées ci-dessus. Les Cahiers des clauses administrativesgénérales vont prochainement être révisés afin d’inciter davantageles acteurs à intégrer des clauses sociales et environnementales.

Observations : La présente réponse ministérielle rappelleque le droit de la commande publique national comme européenexige que les critères de jugement des offres soient en rapportavec l’objet du marché ou ses conditions d’exécution. Dès lors,l’utilisation d’un critère de jugement des offres portant sur la poli-tique générale de l’entreprise en matière de RSE n’est pas autori-sée. En effet, cette dernière n’est, par définition, pas propre àl’exécution d’un marché public défini, mais s’applique àl’ensemble des activités de l’entreprise qui la poursuit, indépen-damment des contrats qu’elle se voit successivement attribuer.

Démarche d’amélioration continue, la responsabilité sociétaledes entreprises est décrite par la norme ISO 26000 : elle représenteles impacts de l’organisation, de ses activités et de ses décisionssur l’environnement et sur la société. Elle porte donc sur sagouvernance, ses pratiques, ses conditions de travail, ou encoresur l’environnement dans lequel elle s’inscrit.

S’engager dans une démarche de certification représente uncoût et un investissement en temps considérables pour une entre-prise. Bien que ne pouvant être prise en compte en tant que telle

dans l’examen des offres remises au titre d’une procédure depassation de marché public, la démarche RSE menée par un opéra-teur économique peut toutefois « imprégner » l’ensemble de saproposition technique et se voir valorisée, non pas en tant quedémarche, mais au regard des techniques et modalités de mise enœuvre du contrat qu’elle permet d’enrichir.

Ainsi, les acheteurs publics sont autorisés à prévoir dans ledossier de consultation, dès lors qu’ils sont liés à l’objet ou auxconditions d’exécution du marché :

- un critère de jugement des offres portant sur les performancessociales et/ou environnementales de ces dernières ;

- un mémoire technique ou environnemental, dans lequelchaque soumissionnaire devra détailler les caractéristiques etmodalités d’exécution de sa proposition technique et environne-mentale, laquelle pourra s’appuyer sur la méthodologie issue dela démarche RSE menée par l’entreprise.

En d’autres termes, si une démarche RSE ne peut être elle-mêmevalorisée lors de l’analyse des offres, sa déclinaison dans l’offretechnique et environnementale, strictement liée au marchéconcerné, peut en revanche être prise en compte.

Mots-Clés : Achat public - RSEJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 57Autres publications LexisNexis : Fiche pratique n° 2722 : Clausessociales et marchés publics

EXÉCUTION

167 Délais de paiement

Rép. min. n° 18105 : JOAN 16 mars 2021, p. 2334 (Q. 26 mars 2019,M. Olivier Gaillard)

Réponse : Le Gouvernement a fait de la maîtrise des délais depaiement et de la lutte contre les retards de paiement l’un des axesmajeurs de sa politique en matière d’amélioration de la compétiti-vité des entreprises. Le rapport de mars 2019 de l’Observatoire desdélais de paiement note, sur la base des données comptablescollectées par la Banque de France d’une part et des données de ladirection générale des finances publiques (DGFiP) d’autre part, unestabilité de ces délais de paiement. Dans le secteur privé, ces délaisont peu évolué en 2017 et se situent en moyenne à 44 jours dechiffre d’affaires pour les délais clients et 51 jours d’achats pour lesdélais fournisseurs. Également stable, le délai global de paiement dela commande publique des services de l’État s’établit en 2018 à 21,4jours soit à un niveau très nettement inférieur à la moyenne dusecteur privé. Concernant les délais de paiement des collectivitéslocales et des établissements publics locaux et hospitaliers, le délaiglobal de paiement moyen reste également stable, même si desdisparités par catégorie de collectivités et d’établissements sont àsouligner. Pour 2018, l’exploitation d’autres sources de données parAltares confirme également cette stabilité. S’agissant de la luttecontre les retards de paiement, la direction générale de la concur-rence, de la consommation et de la répression des fraudes a renforcéses contrôles dans le secteur privé et, en 2018, a engagé 377procédures d’amende administrative. Dans le secteur public, en casde retards de paiement, le système informatique comptable etfinancier de l’État calcule désormais automatiquement les intérêtsmoratoires dus à ses fournisseurs. Plus généralement, l’État semobilise depuis plusieurs années pour le respect des délais depaiement. Ainsi, les comptables de la DGFiP et les gestionnairesministériels sont sensibilisés aux difficultés des entreprises etœuvrent pour régler les factures des fournisseurs dans les délais lesplus rapides. Les efforts déjà entrepris ont permis de réduireconsidérablement les délais globaux de paiement et d’atteindre cetobjectif. Les délais de paiement de l’État sont passés entre 2011 et2018, de 36 jours à 16,3 jours pour l’ensemble des dépenses, et de45,1 jours à 21,4 jours pour la commande publique soit à un niveautrès nettement en dessous du délai réglementaire de paiement de30 jours. Si ce constat est satisfaisant, le Gouvernement souhaitenaturellement encore renforcer sa politique de maîtrise des délais depaiement et de lutte contre les retards de paiement et étudieplusieurs mesures nouvelles. Ainsi, le plan d’action pour la crois-sance et la transformation des entreprises (PACTE), adopté par le

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Parlement le 11 avril 2020, ambitionne de donner aux entreprisesles moyens d’innover, de se transformer, de grandir et de créer desemplois. Parmi ces mesures figure l’affacturage inversé collaboratif,une solution de financement visant à réduire les délais de paiementet à sécuriser la trésorerie des entreprises. Dans ce cadre, leGouvernement missionnera prochainement le médiateur des entre-prises pour favoriser et accélérer le développement de l’affacturageinversé collaboratif en promouvant les pratiques vertueuses desacteurs privés et publics les plus matures sur l’utilisation de ce typede financement. Concernant les délais de paiement des collectivitéslocales et des établissements publics locaux et hospitaliers, la DGFiPse mobilise pleinement en partenariat avec les ordonnateurs locauxpour réduire les délais de paiement aux fournisseurs. Cettedémarche s’inscrit également dans l’objectif partagé d’une dématé-rialisation totale des échanges entre les ordonnateurs locaux et leurscomptables publics. Ainsi, l’obligation de dématérialisation desmandats et des pièces justificatives, qui vise à fluidifier et à sécuriserles échanges d’informations entre les ordonnateurs, leurs comp-tables et leurs partenaires est effective pour les métropoles depuis le1er janvier 2017. Sa généralisation au 1er janvier 2019 aux régions,aux départements, aux établissements publics de coopération inter-communale à fiscalité propre de plus de 10 000 habitants, auxoffices publics de l’habitat de plus de 20 millions d’euros de recettescourantes figurant à leurs comptes 2014, aux établissements publicslocaux et aux établissements publics de santé de plus de 20 millionsde recettes en section de fonctionnement, permettra de réduiredavantage les délais de paiement. Enfin, la généralisation progres-sive de la facturation électronique depuis le 1er janvier 2017 apermis d’accélérer les paiements publics tout en améliorant l’infor-mation des fournisseurs. La facturation électronique est ainsi obliga-toire depuis le 1er janvier 2017 pour les grandes entreprises etpersonnes publiques, depuis le 1er janvier 2018 pour les entreprisesde taille intermédiaire et 1er janvier 2019 pour les petites etmoyennes entreprises. Elle s’est achevée le 1er janvier 2020 avec lesmicroentreprises.

Observations : Les retards de paiement de marchés publicspeuvent avoir, plus encore en période de crise économique, desconséquences irrémédiables pour les entreprises, en particulierles plus petites et fragiles d’entre elles. La présente réponse minis-térielle rappelle les évolutions importantes intervenues cesdernières années en matière de délais de paiement et de dématé-rialisation de la chaîne comptable de traitement des factures, qui

ont permis d’améliorer considérablement ces délais, désormaisnettement inférieurs dans le secteur public à ceux observés dansle secteur privé. Une grande partie du mérite revient au déploie-ment à l’échelle nationale de CHORUS PRO, outil de traitementdes factures dont l’utilisation a été généralisée.

Le non-respect des délais réglementaires de paiement (30 jourspour l’État, les collectivités territoriales et leurs établissementspublics respectifs) génère de plein droit, au profit des opérateurséconomiques lésés, l’application d’intérêts moratoires et le verse-ment d’une indemnité forfaitaire de 40 €. La pratique sembletoutefois révéler que ces indemnisations ne seraient pas systéma-tiquement versées, sauf à ce que les entreprises concernées enfassent la réclamation.

Or, la qualité de l’achat passe par l’équilibre économique desrelations contractuelles et l’existence d’un lien de confiance entrel’acheteur et ses fournisseurs, lequel repose notamment sur unemaîtrise des délais de paiement des titulaires de marchés.

La lecture du guide pratique intitulé « faciliter l’accès desTPE/PME à la commande publique » (www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/oeap/publications/documents_ateliers/pme_commande_publique/guide_de_bonnes_pratiques.pdf) est recommandée afin derappeler cet enjeu d’importance et, pour les acheteurs, d’identi-fier et de mettre en œuvre les bonnes pratiques permettant d’opti-miser les délais de paiement des titulaires de marchés (fiche n° 13,p. 33).

Poursuivre la réduction des délais de paiement reste nécessaireen dépit des progrès déjà constatés ces dernières années, en parti-culier dans le contexte actuel. Certaines initiatives méritent ainsid’être encouragées, telles que la sensibilisation des agents publicsà la réalité du monde de l’entreprise, l’organisation de tempsd’échanges avec les chambres consulaires et les fédérationsprofessionnelles pour favoriser une meilleure connaissance réci-proque ou encore des actions de formation à CHORUS PRO desti-nées aux opérateurs économiques.

Mots-Clés : Achat public - Délai de paiementJurisClasseur : Contrats et marchés publics, fasc. 150Autres publications LexisNexis : Fiche pratique n° 2245 : Paiementd’un marché public

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