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Avis du Centre pour l’Egalité des chances et la lutte contre le racisme destiné au Sénat de Belgique concernant la proposition de loi N° 5-2001/1 relative à l’internement des personnes déposée par M. Bert Anciaux et consorts le 21 février 2013 25 juin 2013 1

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Avis du Centre pour l’Egalité des chances et la lutte contre le racisme destiné au Sénat de Belgique

concernant la

proposition de loi N° 5-2001/1 relative à l’internement des personnes

déposée par M. Bert Anciaux et consorts

le 21 février 2013

25 juin 2013

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Table des matières

INTRODUCTIONLe Centre pour l’Egalité des chances et la lutte contre le racisme comme mécanisme indépendant pour la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH)

p. 3

I. MISE EN PERSPECTIVE DE LA PROBLEMATIQUEI.1. Contexte général p. 3

I.1.1. L’irresponsabilité à la base de la mesure d’internement p. 3I.1.2. La loi relative à l’internement des personnes atteintes d’un trouble

mental du 21 avril 2007 : préparation d’une loi réparatrice, dépôt de nouvelles propositions de lois

p. 4

I.1.3. Condamnation de la Belgique par la Cour européenne des droits de l’Homme et critiques propres à la mesure elle-même

p. 4

I.2. Internement : ‘What is this about ?’ p. 5I.2.1. Soin vs Peine : le dilemme de l’internement p. 5I.2.2. À la lumière des droits de l’Homme p. 5

II. ANALYSE DE LA PROPOSITION DE LOIII.1. Procédure juridique p. 7

II.1.1.

Expertise p. 7

II.1.2.

Mise en observation p. 8

II.2. Jugement : les droits de la défense p. 9II.3. Exécution p. 9

II.3.1.

Modalités d’exécution p. 9

La terminologie p. 10Le transfert des compétences de la commission de défense sociale vers le tribunal de l’application des peines

p. 10

La composition de la chambre de l’application des peines p. 10Compétences attribuées : octroi des modalités d’exécution de l’internement

p. 11

II.3.2.

Placement : ordonné et négocié p. 12

II.3.3.

Les condamnés internés p. 12

III. CONCLUSIONIII.1. Importance de la loi de principes au regard de la situation actuelle des

internésp. 14

III.2. Vers le respect des droits de l’Homme pour les personnes internées p. 14

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Code typographique :Dans la présente recommandation, le Centre a indiqué :- En caractères gras : les éléments de la proposition de loi qu’il souhaite saluer et/ou mettre en évidence ;- En caractères gras et italiques : les recommandations qu’il souhaite formuler.

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INTRODUCTIONLe Centre pour l’Egalité des chances et la lutte contre le racisme comme mécanisme indépendant pour la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH)Lors de la Conférence Interministérielle du 12 juillet 2011, l’État fédéral, les Communautés et les Régions ont décidé de confier le mandat de mécanisme indépendant1 au Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme2. Dans ce cadre, le Centre a pour mission de promouvoir les droits garantis par la Convention et d’assurer la protection des personnes handicapées et de leurs proches3. Il est également chargé du monitoring des politiques et législations mises en place par l’État en matière de handicap afin de vérifier la conformité de celles-ci avec les prescrits de la Convention.Les principes directeurs de la Convention sont l’égalisation des chances des personnes handicapées, leur autonomisation ainsi que leur pleine et entière participation à la vie sociale et politique. La logique sous-jacente est donc celle de l’inclusion et c’est pourquoi les Nations Unies promeuvent une définition systémique et évolutive4 du handicap : celui-ci est le résultat de l’interaction entre la(les) limitation(s) que peut présenter une personne et les obstacles développés par l’environnement à la participation sociale et citoyenne de cette personne. En ce sens, les personnes présentant des troubles psychiques et/ou un handicap cognitif sont bien en situation de handicap et bénéficient des droits garantis par la Convention, qu’il s’agisse des droits civils et politiques ou bien encore des droits économiques, sociaux et culturels.

I. MISE EN PERSPECTIVE DE LA PROBLEMATIQUEI.1. Contexte généralI.1.1. L'irresponsabilité à la base de la mesure d'internementL’internement est régi en Belgique par la loi du 1er juillet 19645. Cette mesure concerne les personnes jugées irresponsables. Bien que relevant du droit pénal, elle ne constitue pas à proprement parler une peine mais plutôt une mesure de sûreté, destinée à protéger la société tout en assurant un suivi thérapeutique pour les personnes ne pouvant être tenues, en raison de leur état mental, responsables des faits commis.6

La notion d’irresponsabilité varie d’une loi7, voire même d’un pays à l’autre (cf. par ex. modèle hollandais)8. Cette distinction sémantique permet d’emblée d’attirer l’attention sur la difficulté de

1 Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, art. 33, 2. Ce texte sera désigné dans ce qui suivra par l’acronyme suivant : « CDPH ».2 Ci-après : « Le Centre »3 Le Centre est tenu de fournir un avis et/ou une aide juridique à toutes les personnes estimant qu’une violation des droits des personnes handicapées a été commise.4 « [L]e handicap résulte de l’interaction entre des personnes présentant des incapacités et les barrières comportementales en environnementales qui font obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres […] » (CDPH, Préambule, e).5 Loi de défense sociale à l’égard des anormaux, des délinquants d’habitude et des auteurs de certains délits sexuels du 1 er

juillet 1964.6 Franchimont M., Jacobs A., Masset A., Manuel de procédure pénale, 4e édition, Bruxelles, Larcier, 2012, p. 1403.7 La loi du 1er juillet 1964 en vigueur donne la définition suivante de l’irresponsabilité : sont considérés comme irresponsables « les inculpés en état de démence, débilité ou déséquilibre mentaux ». La loi relative à l’internement des personnes atteintes d’un trouble mental de 21 avril 2007 évoque pour sa part toute personne qui « a commis un fait qualifié crime ou délit punissable d’une peine d’emprisonnement et qui, au moment du jugement, est atteinte d’un trouble mental qui abolit ou altère gravement sa capacité de discernement ou de contrôle de ses actes et pour lequel le danger existe qu’elle commette de nouvelles infractions en raison de son trouble mental » (art. 8). La proposition de loi déposée par le Sénateur Bert Anciaux utilise la même définition (art. 9).

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pouvoir approcher la question de l’internement avec un seul référentiel, qu’il s’agisse d’expertise, d’acteurs, de concepts ou de méthodologie.Ce dernier aspect de la question est d’autant plus crucial si l’on considère qu’en Belgique l’internement relève uniquement de la compétence du ministère de la Justice9 alors que la mesure inclut dans sa définition même un volet de santé publique et qu’en outre, l’exécution de la mesure fait intervenir des instances et des acteurs relevant de différents niveaux de pouvoir (l’État fédéral et les Régions).

I.1.2. La loi relative à l’internement des personnes atteintes d’un trouble mental du 21 avril 2007 : préparation d’une loi réparatrice, dépôt de nouvelles propositions de loisEn 2007, le gouvernement fédéral, dans la foulée de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe du détenu, soucieux d’adapter sa législation aux standards en vigueur en matière pénale, fait voter la loi du 21 avril 2007.Cette loi répond à la volonté de distinguer plus précisément le volet judiciaire du volet thérapeutique en transférant désormais les compétences des commissions de défense sociale en matière d’exécution des modalités de l’internement au tribunal d’application des peines, en vue de répondre aux principales critiques adressée à la loi du 1er juillet 1964 portant sur le caractère hybride des commissions de défense sociale et le manque d’harmonisation dans les décisions rendues d’une commission à l’autre.10 Ce texte n’est, à ce jour, pas encore entré en vigueur. 11 Les raisons sont multiples mais parmi celles-ci on compte notamment l’absence des arrêtés d’exécution nécessaires et les nombreuses questions et critiques formulées par les acteurs concernés laissées en suspens au moment de l’élaboration de la loi12.

I.1.3. Condamnation de la Belgique par la Cour européenne des droits de l’Homme et critiques propres à la mesure elle-mêmeAfin de répondre à ces critiques et surtout pour tenter de trouver une solution à la problématique de la présence des internés au sein des annexes psychiatriques des établissements pénitentiaires et la violation des droits fondamentaux des internés13 pour laquelle la Belgique a été condamnée, principalement sur base des articles 3 et 5 de la Convention européenne des droits de l’Homme 14, par

8 Meynen G., « Een juridische standaard voor ontoerekeningsvatbaarheid » in NederlandsJuristenblad, N°21, pp. 1384-1390.9 Dans les faits, des concertations sont organisées entre le ministère de la Justice et celui de la santé publique. L’organisation de ces concertations est laissée à la discrétion du Ministère de la Justice. Dans ce contexte, c’est donc la logique judiciaire qui a donc toujours potentiellement le dernier mot.10 Van Vlaenderen S., Beyens K., « De definitieve invrijheidstelling van geïnterneerden… a never ending story ? » in Fatik, N° 128, 2010, p. 920. 11 Cf. l’article 157 de la loi du 21 avril 2007 tel qu’il a été remplacé par l’article 31 de la loi du 27 décembre 2012 portant des dispositions diverses en matière de justice.12 Voir notamment à ce sujet : Conseil National des établissements hospitaliers, Avis concernant les réflexions sur la loi du 21 avril 2007 relative à l’internement des personnes atteintes d’un trouble mental, CNEH/D/PSY/424-2, 14 mars 2013.13 Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, Rapport au Gouvernement de la Belgique relatif à la visite effectuée en Belgique du 28 septembre au 7 octobre 2009 , 23 juillet 2010, pp. 56-67 ; Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, Rapport au Gouvernement de la Belgique relatif à la visite effectuée en Belgique du 23 au 27 avril 2012 , 13 décembre 2012, passim.14 La Cour énonce en effet de façon constante qu’il doit exister un lien entre le motif censé justifier la privation de liberté et le lieu et les conditions de la détention et rappelle à ce sujet qu’en principe, la détention d’une personne souffrant de troubles mentaux ne peut être considérée comme régulière que si elle s’effectue dans un hôpital, dans une clinique ou dans un autre établissement approprié. Le maintien en détention d’une personne internée pendant plusieurs années dans un établissement pénitentiaire où elle ne bénéficie pas de l’encadrement approprié à sa pathologie a pour effet de rompre le lien entre le but de la détention et les conditions dans lesquelles elle a lieu. Cf. CEDH, De Donder De Clippel c. Belgique, 6 décembre 2011, 8595/06 ; CEDH, L.B. c. Belgique, 2 octobre 2012, 22831/08 ; CEDH, Claes c. Belgique, 10 janvier 2013, 43418/09; CEDH, Dufoort c. Belgique, 10 janvier 2013, 43653/09 ; CEDH, Swennen c. Belgique, 10 janvier 2013, 53448/10.

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la Cour européenne de Strasbourg au cours des dernières années15, des initiatives sont prises par le politique. Le gouvernement travaille actuellement à la préparation d’une loi réparatrice pour la loi de 2007 et deux projets de loi ont été déposés à la Chambre16 et au Sénat17 à l’initiative de parlementaires.C’est dans le cadre de la proposition déposée par le Sénateur Bert Anciaux qu’il a été demandé au Centre de remettre un avis sur le texte proposé.En tant qu’institution nationale des droits de l’Homme et prenant appui sur son mandat de monitoring pour la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, le Centre se référera, dans ce qui suivra, aussi bien aux textes internationaux et à la littérature disponible en matière de droits de l’Homme qu’aux constats, questionnements et analyses transmis par les acteurs de terrain et les experts nationaux.

I.2. Internement : ‘What is this about ?’I.2.1. Soin vs Peine : le dilemme de l’internementLa difficulté inhérente à la nature même de l’internement est connue et fait l’objet de l’attention de nombreuses études et analyses, tant dans le champ clinique et psychiatrique que juridique, voire sociologique et anthropologique18.Que ce soit en Belgique ou au niveau international, l’articulation entre l’impératif de protéger la société et celui de fournir des soins à toute personne qui le nécessite fait débat. La question est de savoir comment Justice et Médecine peuvent ou doivent collaborer et ce, tant sur la manière que sur la possibilité de combiner les interventions, les méthodologies, les territoires, les déontologies des acteurs, que sur les questions de fond propres à l’internement : la place du risque, le concept de dangerosité, la question de la responsabilité, etc.

1.2.2. À la lumière des droits de l’HommeAfin de sortir de cette dialectique sans fin et des impasses potentielles que celle-ci peut présenter, le Centre propose une lecture de la proposition de loi déposée par B. Anciaux à la lumière des droits fondamentaux et du respect des droits personnes internées.Ainsi, lorsque l’on évoque la situation de ces dernières, l’argument le plus fréquemment utilisé pour pointer la violation dont les droits des internés font l’objet est l’accès au soin (article 25 CDPH), et ce, en raison même de la nature de la mesure à laquelle ils sont soumis. A y regarder de plus près 19, on s’aperçoit néanmoins qu’en raison même de son caractère ambigu, l’internement comporte des phases et des problématiques qui relèvent tantôt du volet médical, tantôt du volet judiciaire, et ce, tant au niveau de la législation que de la pratique.

15 La loi du 1er juillet 1964 prévoit que la mise en observation se déroule au sein de l’annexe psychiatrique d’un établissement pénitentiaire mais que si une mesure d’internement est prononcée, celle-ci doit s’exécuter au sein d’un établissement spécifiquement dédicacé à cet effet. Au sein des établissements de défense sociale, le nombre insuffisant de lits destinés à accueillir les personnes qui font l’objet d’une mesure d’internement entraîne d’emblée la présence de personnes internées dans les lieux de détention ordinaires, ce qui est contraire aux prescrits de la loi. La jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l’Homme fait état d’un délai d’attente de treize ans (CEDH, Swennen c. Belgique, 10 janvier 2013, 53448/10 ; CEDH, Dufoort c. Belgique, 10 janvier 2013, 43653/09).16 Chambre des Représentants de Belgique, Proposition de loi modifiant la loi du 21 avril 2007 relative à l’internement des personnes atteintes d’un trouble mental déposée par M. Stefaan De Clerck et Mme Sonja Becq, 53 2746/001, 16 avril 2013.17 Sénat de Belgique, Proposition de loi relative à l’internement de personnes déposée par M. Bert Anciaux et consorts , 5-2001/1, 21 février 2013.18 Voir notamment : Symposium « Schuld onder de schedel : een exploratie van brein en recht », Gent, 31 mei 2013 ; Seminaris « Oude uitdagingen, nieuwe kansen », Gent, 28 februari 2013 ; Cartuyvels Y., Champetier B., Wyvekens A., « La défense sociale en Belgique, entre soin et sécurité. Une approche empirique » in Déviance et société, 2010, vol. 34, N°10, pp. 615-645 ; Brandon I., Cartuyvels Y., Judiciaire et thérapeutique : quelles articulations ? Actes du colloque du 5 décembre 2003, Bruxelles, La charte, 2004.19 Cf. infra II.1. Procédure juridique, II.2. Jugement , II.3. Exécution.

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Le type de droits mobilisés par ces deux volets sont de deux ordres : il s’agit tantôt des droits civils et politiques (dans le cadre du volet judiciaire)20, tantôt des droits économiques, sociaux et culturels (dans le cadre du volet thérapeutique)21. Il faut resituer ces deux catégories dans la perspective historique propre aux droits fondamentaux de la distinction entre droits-libertés et droits-créances, l’exercice des premiers étant immédiat alors que la réalisation des seconds exigerait une intervention de la part de l’Etat et pourrait dès lors être considérée comme soumise à la progressivité22. On comprend mieux dès lors la difficulté de solutionner en une fois l’ensemble des problèmes propres à l’internement.Par ailleurs, si l’on se penche sur la situation concrète d’une grande partie des personnes internées (en 2012, le total des internés séjournant dans les prisons belges a atteint 1132 personnes, soit environ 10% de la population carcérale23), on constate alors la nécessité de prendre en considération les législations et règlementations en vigueur dans les lieux effectifs de résidence de celles-ci. Dans ce cadre, c’est alors la question du respect des droits fondamentaux des détenus qui doit être examinée, avec la nécessité d’envisager notamment les possibles adaptations de la loi du 12 janvier 200524 aux besoins spécifiques des internés.25

Au-delà de l’analyse principielle et du nécessaire rappel des normes, le Centre souligne néanmoins le fait qu’il présente ici une analyse basée sur l’intérêt supérieur de la personne internée 26, analyse qui soit propre à donner des indications concrètes concernant la conformité du texte analysé avec les standards préconisés par les droits fondamentaux.

II. ANALYSE DE LA PROPOSITION DE LOIDe manière générale, le Centre souligne les avancées contenues dans la proposition de loi au regard des droits de la personne handicapée, à savoir l’accent mis sur le volet thérapeutique et l’importance d’une meilleure identification des frontières entre soin et protection de la société.Certains éléments de la proposition continuent néanmoins à représenter de véritables difficultés au regard des droits fondamentaux des personnes.Le Centre a concentré son analyse sur certains éléments de la proposition présentant un enjeu en regard des droits fondamentaux. Cette analyse n’inclura des éléments techniques que dans la mesure où ceux-ci apportent véritablement un éclairage concernant une question de fond. Pour plus de clarté, les éléments présentés dans ce qui suit suivent la chronologie de l’internement (procédure, jugement et exécution).

20 Articles 13, 14 & 15 CDPH ; Convention européenne des droits de l’Homme (ci-après : « CEDH »), articles 5 & 6.21 Article 25 CDPH.22 Ce distinguo tend néanmoins à disparaître : la doctrine contemporaine en matière de droits fondamentaux tend plutôt à démontrer le caractère interdépendant et indivisible des droits issus de ces deux catégories.23 On parle ici de la population moyenne par jour au sein des établissements pénitentiaires belges. Il importe néanmoins de souligner que dans celle-ci sont compris les internés séjournant à l’Etablissement de Défense Sociale de Paifve (au nombre de 196 en 2012) puisque ce dernier entre sous le coup de la loi relative aux établissements pénitentiaires. Cf. Direction générale des Etablissements pénitentiaires, Rapport annuel 2012, pp. 101-117.24 Loi du 12 janvier 2005 relative aux principes concernant l’administration des établissements pénitentiaires ainsi que le statut juridique des détenus (cf. infra : IV.1. Importance de la loi du 12 janvier 2005 au regard de la situation actuelle des internés).25 De manière générale, le Centre souhaite également attirer l’attention du législateur sur la nécessité de prendre en compte le respect des détenus présentant un handicap, qu’il soit physique, sensoriel, mental ou psychique et d’intégrer dans ce cadre la notion d’aménagement raisonnables pour ces personnes.26 Entendue comme personne en situation de handicap.

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II.1. Procédure juridiqueII.1.1. ExpertiseL’importance et l’impact de l’expertise psychiatrique pour l’ensemble du parcours de l’interné ne doivent pas être sous-estimés étant donné que la mesure même de l’internement présente une procédure et une exécution profondément intriquées. C’est en effet sur base du diagnostic posé au cours de cette expertise que le parcours médico-légal de l’interné sera établi. La qualité de ce diagnostic et du rapport d’expertise a donc un impact direct sur le trajet de soin de l’interné et ultimement, sur ses chances de réinsertion27. Dans ce cadre, le législateur se doit de fournir un certain nombre de garanties concernant la qualité de l’expertise ainsi que son caractère contradictoire et il convient donc qu’il l’organise au sein de son dispositif législatif.Les acteurs de terrain et les experts mettent en évidence l’actuelle désorganisation de la phase d’expertise : c’est tant l’absence de normes d’accréditation harmonisées que l’inexistence d’une procédure officielle et standardisée par laquelle les juges peuvent faire appel à l’avis d’un expert qui sont pointées du doigt28. On souligne également l’impact négatif du peu de reconnaissance et la faible rémunération des experts sur la qualité des rapports fournis par ceux-ci et, par voie de conséquence, le manque d’experts formés.29

Le Centre salue donc le fait que la proposition de loi prenne en compte l’ensemble de ces difficultés en prévoyant l’établissement d’un arrêté d’exécution où seront précisés, en matière d’expertise, les conditions de accréditation, les droits et les devoirs, les éventuelles sanctions, de même que l’utilisation d’un modèle de rapport standardisé.Cet arrêté d’exécution devrait également prévoir l’organisation de la formation des experts, l’établissement des normes de qualité, la manière dont cette expertise se déroulera de même que l’attribution d’une rémunération suffisante.La proposition de loi actuelle prévoit également le caractère contradictoire de l’expertise en assurant la possibilité, pour le conseil de l’interné, de prendre connaissance du rapport provisoire de l’expert et de fournir ses éventuelles remarques et observations en vue de la rédaction du rapport final. Pour assurer le caractère véritablement contradictoire de l’expertise, cette possibilité doit également comprendre la participation du conseil de l’interné dès le début des délibérations, ceci pour éviter que celui-ci ne soit cantonné, lors de la phase d’expertise, dans un rôle de rédaction.30. En outre, en vue d’assurer complètement le respect des droits de la défense (article 13 CDPH et article 6 CEDH), le Centre préconise plutôt la possibilité, pour l’interné et/ou son conseil, de faire appel, dès le début de la procédure, à une contre-expertise31.

27 De Clercq M. & Vander Laenen F., « Gebruik van testinstrumenten in psychiatrische deskundigenverslagen bij internering; een exploratief dossieronderzoek in het gerechtelijk arrondissement Gent » in Tijdschrift voor psychiatrie, N°5, 2013, pp. 337-347 et Vander Laenen F. & De Cauwer B., « Just-care, justitie en zorg in dialoog over internering » in Panopticon, N°3, 2011, pp. 55-59.28 Collège National des Experts Judiciaires de Belgique, Le statut de l’expert juridique en Belgique. Recommandations de la conférence de consensus 2010-2011, 2011.29 Vandevelde, S., De Smet, S., Vanderplasschen, W., & To, W.T. (red.), Oude uitdagingen, nieuwe kansen! Over de behandeling van geïnterneerden, Gent, Academia Press, 2013 ; ANAHM, Similes, Centre pour l’égalité des chances, Livre Blanc. La politique des oubliettes : internement des personnes handicapées mentales et/ou malades mentales, Bruxelles, 2011.30 De Clerck A. & Van Steenbrugge W., « Het wetsontwerp internering : het lijden eindelijk verlicht ? » in Fatik , N°114, 2007, pp. 16-20. 31 Si dans les faits, le dispositif nécessaire à la désignation, selon une procédure standardisée, d’experts formés spécifiquement à cet effet et accrédités, est mis en place, L’expert peut être désigné au sein de ce pool. Si au contraire, rien n’est spécifié à ce sujet dans le texte final, il conviendra de mentionner que l’expert désigné pour contre-expertise doit relever du choix de la défense.

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A défaut, la proposition de loi doit ouvrir pour l’inculpé la possibilité de demander au juge d’instruction l’accomplissement d’une expertise complémentaire par le recours à l’article 61 quinquies du Code de procédure pénale.32

II.1.2. Mise en observationLa proposition de loi prévoit que la phase de mise en observation33 puisse se dérouler au sein de la section psychiatrique d’un établissement pénitentiaire ou au sein du centre de psychiatrie légale mais elle ne précise pas de manière explicite l’objectif de cette mesure. Le jeu de renvoi entre soin et justice dont il est question de façon récurrente supra apparaît également dans cet aspect de la procédure.Si l’on se situe d’un point de vue juridique, on peut considérer que la mise en observation constitue plutôt l’une des modalités possibles de l’expertise, expertise sur base de laquelle le juge fondera sa décision finale. Dans ce cas, la question de la qualité du diagnostic intervient alors comme l’un des éléments entrant en ligne de compte dans la procédure. Une mise en observation se déroulant dans un contexte pénitentiaire a un impact inévitable sur le fonctionnement général du prévenu ainsi que sur son état mental.34 Les conditions de détention et le fait de résider dans une annexe plutôt que d’être soigné au sein d’un établissement adapté ne sont dès lors pas à considérer comme un manquement à l’article 25 CDPH mais bien plutôt comme une étape intermédiaire en vue d’assurer (ou non) la conformité de la procédure avec les articles 13 CDPH et 6 CEDH.Une expertise qualitative et un diagnostic exact peuvent en revanche être aussi considérés comme la première étape du traitement. C’est le cas dans la proposition de loi qui énonce dans l’exposé des motifs que « [p]lus le diagnostic initial est correct, plus les perspectives sont bonnes pour le trajet de soins futur et, à terme, pour la réinsertion »35. La mise en observation et l’expertise sont alors de ce point de vue considérées comme partie intégrante du soin et déterminantes pour le circuit de soins et les chances de réinsertion de l’interné. Le fait de maintenir ce dernier en prison au cours de la phase de mise en observation constitue donc dès lors une violation de l’article 25 CDPH puisqu’un établissement pénitentiaire ne dispose ni de l’infrastructure clinique ni de l’encadrement nécessaire (en termes de personnel formé) pour procéder à une observation psychiatrique adéquate. L’apport de l’expert peut être alors considéré davantage comme « externe » plutôt que comme une véritable intervention.36 Le diagnostic qui pourra être fait et le trajet de soins établi en conséquence seront donc probablement eux aussi biaisés par l’incarcération.On le voit : la mise en observation, qu’elle soit considérée d’un point de vue judiciaire ou thérapeutique, ne peut donc en aucun cas avoir lieu dans un contexte pénitentiaire si l’on souhaite garantir la qualité du diagnostic posé et du rapport d’expertise. Envisager de faire intervenir la mise en observation dans un centre de psychiatrie légale peut être vu comme une avancée en regard des prescrits de l’article 25 CDPH mais il convient de souligner 32 Le Centre avance cette possibilité à titre subsidiaire dès lors que le juge d’instruction peut rejeter la demande de l’inculpé conformément à l’article 61 quinquies §3 du Code de procédure pénale et que cette demande ne peut intervenir que dans le cas d’une expertise requise par une juridiction d’instruction.33 Pour la loi du 1er juillet 1964, la mise en observation de l’inculpé est une mesure d’instruction préparatoire apparentée à la détention préventive pouvant intervenir à tous les stades de la procédure avant toute condamnation définitive. Elle ne peut intervenir que dans les trois conditions cumulatives suivantes :« - Il y a des indices sérieux permettant de croire que l’individu est l’auteur d’un crime ou d’un délit ;- Il y a des raisons de croire qu’il est, soit en état de démence, soit dans un état grave de déséquilibre mental ou de débilité mentales le rendant incapable du contrôle de ses actions ;- L’infraction dont cet individu est soupçonné être l’auteur constitue une infraction pour laquelle la loi autorise la détention préventive ». (Franchimont M., Jacobs A., Masset A., Op. cit., p. 1403)34 De Clercq M. & Vander Laenen F., Op. cit.. et Vander Laenen F. & De Cauwer B., Op. cit..35 Sénat de Belgique, Proposition de loi relative à l’internement de personnes déposée par M. Bert Anciaux et consorts , 5-2001/1, 21 février 2013. 36 Heimans H., « Is er opnieuw hoop voor de geïnterneerden? » in Fatik, 2007, N° 114, pp. 10-15.

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qu’outre le fait que ces centres n’ont pas pour vocation première d’effectuer des expertises37, ils se retrouveraient rapidement engorgés (452 lits disponibles pour les FPC38 de Gand et Anvers) par le nombre de prévenus pour lesquels une expertise psychiatrique serait requise. Cela est d’autant moins souhaitable au regard de la population des internés qui se trouve actuellement en détention.Le Centre se montre donc plutôt partisan de la mise en place de centres d’observation spécifiques, à l’instar de ce qui est prévu dans l’Arrêté Royal du 19 avril 1999 portant création et érection en établissement scientifique de l'Etat du Centre Pénitentiaire de Recherche et d'Observation Clinique. Cet arrêté prévoit en effet un personnel, des moyens et une méthodologie adaptés aux buts de l’expertise et garantit de ce fait la qualité de l’évaluation effectuée et du diagnostic qui serait posé. L’ouverture d’un tel centre permettrait en outre de disposer d’un centre de formation et d’expertise scientifique en matière d’observation clinique.

II.2. Jugement : les droits de la défenseLa proposition de loi tout comme la loi du 21 avril 2007 maintient la prérogative actuelle laissée aux juridictions d’instruction de prononcer l’internement à l’issue de l’instruction, sauf dans le cas où il s’agit d’un crime ou d’un délit politique ou de presse. La juridiction d’instruction statue alors comme juridiction de jugement.Au regard des droits de la défense, le commentaire de l’ article 13 de la proposition de loi énonce la nécessité d’adapter l’article 11 de la loi de 2007 en ce qui concerne la possibilité pour la chambre du conseil d’ordonner la comparution personnelle des parties et de rendre une ordonnance réputée contradictoire à défaut de comparution d’une partie, ce en vue de rendre cette possibilité compatible avec l’obligation pour les juridictions de ne statuer sur une demande d’internement que si la personne est assistée ou représentée par un conseil. A ce sujet, la formulation de l’article 13, 3 de la proposition de loi laisse apparaître une contradiction certaine39. Afin d’assurer un exercice effectif des droits de la défense tels qu’ils sont consacrés par la CEDH et d’assurer un accès à la justice40 tel que consacré par la CDPH, le texte de l’article 13 de la proposition de loi devrait être formulé de façon suffisamment claire et précise pour qu’aucune ambiguïté ne subsiste quant à l’assistance ou la représentation obligatoire de l’interné par un conseil.

II.3. ExécutionII.3.1. Modalités d’exécutionAfin d’éviter toute discrimination, le législateur a eu le souci de calquer autant que possible les modalités de l’exécution de l’internement et la procédure applicable en matière d’exécution de l’internement sur celles de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe du détenu. Toutefois, force est de constater que compte tenu des spécificités de l’internement (état mental de la personne concernée et durée indéterminée de la mesure), le statut externe de l’interné a subi quelques adaptations.41

37 En tenant compte à nouveau du caractère ambigu de l’expertise : puisqu’on peut considérer que celle-ci a pour objectif de fournir une aide à la décision juridique mais sur base d’observations cliniques et de tout autre élément de test utilisé en psychiatrie (échelles, etc.).38 FPC : acronyme utilisé pour l’expression néerlandophone « Forensisch psychiatrisch centrum ». 39 L’article dispose en effet que « [L’]inculpé est toujours assisté d’un conseil. La chambre du conseil peut néanmoins ordonner la comparution personnelle des parties. […] Si ladite partie ne comparaît pas, la chambre du conseil statue et l’ordonnance est réputée contradictoire. » Si l’on est soucieux de respecter le prescrit de l’article 91 de la proposition de loi selon lequel « les juridictions ne peuvent statuer sur les demandes d’internement qu’à l’égard des personnes concernées qui sont assistées ou représentées par un conseil », il convient de supposer que le législateur entend limiter aux seules parties civiles la possibilité d’une comparution personnelle. 40 L’accès effectif à la justice consacré par l’article 13 CDPH présuppose l’obligation faite aux États de faciliter la participation effective, directe ou indirecte, des personnes handicapées à toutes les procédures judiciaires. 41 Vandermeersch D., Op. cit.

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Vu les compétences attribuées au tribunal de l’application des peines par la loi du 17 mai 2006 instaurant les tribunaux de l’application des peines, il était logique de regrouper l’ensemble des compétences décisionnelles en matière d’exécution de l’internement entre les mains du tribunal de l’application des peines. Pareil transfert de compétences de la commission de défense sociale vers le tribunal de l’application des peines a l’avantage de confier les décisions en matière d’internement à une véritable juridiction et de séparer théoriquement les mandats des instances entre judiciaire et thérapeutique.Si l’institution de chambres spécialisées exclusivement compétentes en matière d’internement au sein du tribunal de l’application des peines permet de répondre aux spécificités de la mesure de l’internement, il n’empêche que certaines préoccupations demeurent. Parmi celles-ci, on compte notamment les éléments ci-après.

La terminologieLa dénomination « chambre de l’application des peines » entretient la confusion selon laquelle l’internement est perçu comme une peine et non comme une mesure de sûreté.

Le transfert des compétences de la commission de défense sociale vers le tribunal de l’application des peinesA l’inverse des commissions de défense sociale, le tribunal de l’application des peines est un organe professionnel et permanent favorisant de la sorte l’harmonisation des décisions rendues et partant, la sécurité juridique.Toutefois, organe de l’ordre judiciaire, toute saisine du tribunal de l’application des peines impose le respect rigoureux de règles de procédure judiciaire. La souplesse qui caractérisait les relations avec la commission de défense sociale est donc largement compromise.De plus, avec la suppression de la commission supérieure de défense sociale, le législateur a exclu la possibilité pour l’interné de faire appel de la décision rendue par la commission de défense sociale. Il s’agit incontestablement d’un pas en arrière par rapport à la situation régie par la loi de défense sociale qui prévoit un droit de recours de certaines décisions devant la commission supérieure de défense sociale42. Cette suppression des commissions de défense sociale se justifie par le parallélisme que le législateur de 2007 a voulu établir avec le statut externe des condamnés et par le fait que le tribunal de l’application des peines est appelé à réexaminer périodiquement la situation de l’interné. Ce faisant, tant la loi de 2007 que la présente proposition de loi perdent de vue que l’internement est une mesure coercitive à durée indéterminée et qu’il est dès lors primordial que l’interné se voie reconnaître le droit de soumettre l’examen au fond de sa cause à un autre juge dans le cadre du double degré de juridiction.43

La composition de la chambre de l’application des peinesLa chambre de l’application des peines est composée d’un juge et de deux assesseurs. La proposition de loi ne prévoit pas la présence d’un médecin psychiatre en son sein. Or, les décisions de la chambre de l’application des peines doivent nécessairement tenir compte de l’état de santé des personnes internées de même que de ses intérêts thérapeutiques. L’absence de psychiatre au sein de la chambre de l’application des peines prive cette dernière d’un éclairage complémentaire de celui des juges qui la composent 44 et risque de compromettre l’adéquation entre les décisions rendues en

42 S’il est vrai que, stricto sensu, les possibilités d’appel semblent restreintes, dans les faits, la commission supérieure de défense sociale élargit parfois sa saisine en se prononçant sur des mesures demandées à titre subsidiaire par l’interné : cf. Berthe E., Berwart J.-L., Nève M., Pevée C., Op. cit.., p. 643 S’il est vrai qu’en revanche la plupart des décisions de la chambre de l’application des peines sont susceptibles d’un pourvoi en cassation par le ministère public et par le conseil de l’interné, un engorgement de la Cour de Cassation est à craindre compte tenu de l’absence d’appel. (Vandermeersch D., Op cit., p.125)44 Ibid.

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matière d’exécution de l’internement et les besoins thérapeutiques de la personne. Le droit à la santé tel qu’il est consacré par l’article 25 CDPH est ainsi mis en péril.Tout au plus, l’article 33 de la proposition de loi prévoit la possibilité pour la chambre de l’application des peines « d’ordonner un examen psychiatrique et/ou psychologique médico-légal complémentaire afin de faire en sorte que les modalités nécessaires au traitement de l’interné puissent être prises en meilleure connaissance de cause ».Afin de rencontrer les prescrits de l’article 25 CDPH, la présence d’un médecin psychiatre en qualité d’assesseur au sein de la chambre de l’application des peines (soit dans le cadre d’une composition du tribunal à trois juges, soit à cinq juges) offrirait une réponse adéquate.A défaut, la proposition de loi devrait mettre en place une procédure de concertation obligatoire (et non facultative) du psychiatre par la chambre de l’application des peines avant de rendre toute décision relative à une modalité d’exécution de l’internement. Toutefois, cette formule comporte la faiblesse que l’expertise externe n’est pas éclairée par les discussions qui ont eu lieu en cours d’audience.

Compétences attribuées : octroi des modalités d’exécution de l’internementLa proposition de loi abandonne l’octroi graduel des modalités d’exécution de l’internement, favorisant de la sorte le respect des articles 1445 et 25 CDPH46. En effet, dans le respect de l’article 14 CDPH, l’abandon de l’octroi des modalités d’exécution suivant un mode progressif offre dès le départ la possibilité d’une prise en charge de la personne internée dans le circuit de soins ambulatoire ou résidentiel, permettant ainsi d’éviter le séjour de l’interné en milieu carcéral et, par voie de conséquence, les effets iatrogènes de la détention, de même que l’obligation de résider dans un lieu inadapté à ses besoins spécifiques.Par ailleurs, dans le respect de l’article 25 CDPH, l’abandon de l’octroi des modalités d’exécution suivant un mode progressif permet également d’adapter le parcours d’internement à l’évolution de l’état de santé de la personne internée et de prononcer une modalité d’exécution qui réponde aux « intérêts thérapeutiques » de la personne.Toutefois, en contradiction avec ce principe de l’abandon de l’octroi graduel des modalités d’exécution et des objectifs poursuivis par ce principe tels qu’ils sont énoncés dans l’exposé des motifs, le commentaire de l’article 28 de la proposition de loi ne prévoit la possibilité pour l’interné de bénéficier d’une libération à l’essai que s’il a déjà bénéficié auparavant de la permission de sortie, du congé, de la détention limitée ou de la surveillance électronique. Pareille condition préalable à la libération à l’essai ne permet pas de tenir compte de l’impérative souplesse dont le tribunal de l’application des peines doit faire preuve dans l’octroi des modalités d’exécution.47

II.3.2. Placement : ordonné et négociéAfin de proposer une solution au problème structurel que constitue l’accueil des internés au sein des institutions de soin, la proposition de loi prévoit, outre le placement ordonné48, la possibilité de négocier celui-ci avec des structures issues du secteur régulier de la santé mentale et de la

45 Selon l’article 14, 1 CDPH, « Les États Parties veillent à ce que les personnes handicapées, sur la base de l’égalité avec les autres Jouissent du droit à la liberté et à la sûreté de leur personne ; Ne soient pas privées de leur liberté de façon illégale ou arbitraire ; ils veillent en outre à ce que toute privation de liberté soit conforme à la loi et à ce qu’en aucun cas l’existence d’un handicap ne justifie une privation de liberté. »46 Aux termes de l’article 25 CDPH, « les États Parties reconnaissent que les personnes handicapées ont le droit de jouir du meilleur état de santé possible sans discrimination fondée sur le handicap. Ils prennent toutes les mesures appropriées pour leur assurer l’accès à des services de santé qui prennent en compte les sexospécificités, y compris des services de réadaptation. »47 L’impératif de souplesse est lié notamment à l’hypothèse où une place se libère dans un centre, une institution ou un hôpital susceptible d’accueillir adéquatement un interné. A l’heure actuelle, la commission de défense sociale peut autoriser le séjour de la personne internée dans ce lieu , soit dans le cadre d’un placement en vertu de l’article 14 de la loi du 9 avril 1930 soit dans le cadre d’une libération à l’essai : cf. Berthe E., Berwart J.-L., Nève M., Pevée C., Op. cit.., p. 9. Par ailleurs, les files d’attente pour pouvoir bénéficier du bracelet électronique auront nécessairement et injustement pour corollaire de postposer l’octroi d’une libération à l’essai.

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psychiatrie. Le législateur formalise cette option dans un dispositif instaurant une concertation entre la juridiction chargée d’assurer les modalités d’exécution de l’internement et les structures de soin.49

Cette initiative est soutenue par le Centre qui estime en effet qu’il est nécessaire, si l’on souhaite assurer la prise en charge des internés au sein du circuit de soin « civil », de veiller au respect de la mise en place d’une alliance thérapeutique entre le patient et le soignant, dans le cadre du projet thérapeutique de chaque structure de soins. La réticence des établissements de soins à accueillir des patients internés reste néanmoins grande, les arguments avancés pour justifier ce refus portant généralement sur le manque de moyens pour la prise en charge d’une population déclarée « à besoins spécifiques », la crainte de l’impact négatif d’un interné sur les autres patients, l’expérience de situations négatives antérieurement vécues, le peu d’informations disponibles. On le voit, c’est aussi le manque d’informations relatives aux rapports thérapeutiques, le caractère chronique de la pathologie des internés qui joue un rôle important.50 Tant l’article 14 de la loi du 1er juillet 1964 que l’article 121 de la loi du 21 avril 2007 prévoient l’octroi de subsides pour les institutions qui accepteraient la prise en charge des internés. Il faut néanmoins relever que ces dispositions ne font à ce jour l’objet d’aucun arrêté royal et que les budgets théoriquement disponibles n’ont donc pas été attribués.51

La proposition de loi ne mentionne quant à elle nulle part l’octroi de subsides pour l’accueil des personnes internées. Le Centre pense pour sa part que pareils financements pourraient jouer le rôle d’incitants pour l’accueil des internés au sein du secteur civil et résoudre ainsi graduellement le problème de la présence des internés en prison et recommande donc au législateur d’étudier cette possibilité et recommande d’envisager cette option au sein du dispositif juridique mis en œuvre en matière d’internement.

II.3.3. Les condamnés internésLa proposition de loi, en son article 76, règle la question du « condamné interné » qui, en cours de peine, constitue une menace grave pour la vie ou l’intégrité d’autrui. Lorsque l’internement est prononcé, la personne est désormais uniquement soumise à la loi relative à l’internement, ce qui permet de mettre fin au statut hybride de la personne condamnée internée qui était organisé par la loi de 200752.Cette application automatique de la législation relative à l’internement au condamné interné n’est toutefois pas sans susciter de critiques, notamment au regard du système mis en place par la loi de 2007. En effet, une fois le délai de la peine expiré, la loi de 2007 transférait le pouvoir de décision

48 A l’heure actuelle, seuls les établissements de défense sociale de Tournai et de Paifve accueillent des patients sur base contrainte. Ces établissements ne peuvent donc refuser l’hospitalisation d’un patient et sont donc confrontés à une patientèle diversifiée (notamment en termes de niveau de risque). Les listes d’attentes pour ces établissements sont considérables et l’obligation de prise en charge de ces deux établissements ne suffit pas à absorber l’ensemble des internés qui se trouvent actuellement en détention.Le Centre de Recherche en Défense Sociale de Tournai a pour sa part intégré cette problématique de l’évaluation qualitative et quantitative des flux sortants dans la 3e phase de son programme de recherche afin de pouvoir notamment identifier les trajets de soins des internés.49 Le Centre salue à cet égard l’initiative prise par l’État en instaurant, dans le cadre de la réforme de l’article 107 de la loi du 10 juillet 2008 sur les hôpitaux, la mise en place d’un dispositif de coordination Internement composé de coordinateurs CSEI et TSI destiné à faciliter le passage des internés dans le circuit de soin général cf. Plan pluriannuel de l’autorité fédérale en vue de la mise en place du trajet de soins pour patients psychiatriques médico-légaux. Contribution à la suite de la concrétisation de la deuxième phase de ce plan et Directives pour l’extension du nombre de prises en charge thérapeutiques des internés porteurs d’un handicap mental ou et présentant un problème d’assuétudes.50 Vansteenkiste A., Doorverwijzing van geïnterneerden vanuit een forensisch psychiatrische afdeling , Verhandeling ingediend voor de graad van Licentiaat in de Criminologische wetenschappen bij Katholieke Universiteit van Leuven, 2002-2003.51 Rekenhof, Maatregelen tegen de overbevolking in de gevangenissen, 2011.52 La personne était alors soumise à la fois à loi relative à l’internement et à la loi relative au statut externe du condamné.

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concernant la prise en charge de l’interné du tribunal de l’application des peines vers le juge de paix, passant ainsi d’une procédure pénale à une procédure civile53.S’il est donc vrai que la loi de 2007 accroît les pouvoirs du juge de paix au détriment du psychiatre chef de service, elle a cependant le mérite de sortir la personne condamnée internée du domaine carcéral pour l’introduire dans le circuit thérapeutique, plus adapté à son état de santé, favorisant ainsi le respect des articles 25 CDPH et 5,1 CEDH.54

Le Centre souligne néanmoins la nature foncièrement inéquitable de la disposition prévue à l’art. 76 de la proposition de loi dans la mesure où elle prévoit qu’une condamnation s’assortissant d’une peine à durée déterminée soit commuée en une mesure d’internement à durée indéterminée susceptible de dépasser la durée de la peine prononcée, sur base uniquement du niveau de risque que présente le détenu au cours de la période d’exécution de sa peine. Or, s’il l’on s’accorde pour dire que les conditions actuelles d’incarcération occasionnent des effets iatrogènes pour le détenu et contribue grandement à la détérioration de la santé mentale de celui-ci, on ne peut que mettre en évidence que d’une part, cette disposition viole l’article 14 CDPH, d’autre part qu’elle se heurte à l’autorité de la chose jugée résultant de la condamnation prononcée 55 et enfin qu’elle s’inscrit dans les difficultés résultant de l’évolution contemporaine des mesures privatives de liberté de sécurité.

III. CONCLUSIONOn l’a vu, dans ce qui précède, bien que la proposition de loi relative à l’internement des personnes comporte certains éléments qu’il conviendrait de revoir afin d’assurer la conformité de ce texte avec les standards en vigueur en matière de droits de l’Homme, celle-ci met à la fois l’accent sur l’aspect « soin » de la mesure d’internement - en regard de la loi de 2007 qui développait surtout l’aspect répressif - et poursuit la tentative entreprise par la loi de 2007 de concrétiser dans un dispositif juridique particulier une séparation claire entre le volet judiciaire et le volet thérapeutique de cette mesure. En ce sens, elle constitue bien une avancée. Dans le présent avis, le Centre a néanmoins souhaité examiner ces principes et éléments à la lumière de deux axes directeurs.C’est tout d’abord une lecture de la proposition de loi à la lumière des droits de l’Homme qui a été effectuée et ce, afin de sortir de la dialectique aporétique entre Justice et Santé.Le Centre, dans le présent avis, a également voulu aborder la problématique de l’internement dans une perspective de réalisation progressive, en insistant sur la nécessité de prendre en compte la situation actuelle des internés, afin de proposer des réponses différenciées à court, moyen et long terme pour l’ensemble des questions qui se posent en matière d’internement.

III.1. Importance de la loi de principes56 au regard de la situation actuelle des internésLa présence des internés dans les prisons constitue une infraction à différentes législations en matière de droits de l’Homme et la Belgique fait l’objet de condamnations régulières à ce sujet. Sont en cause l’inadéquation des établissements pénitentiaires avec l’impératif de soins (articles 25 CDPH 53 Application d’une forme adaptée de la loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux.54 Dans son arrêt du 20 février 2003 contre le Royaume-Uni, la Cour européenne des droits de l’Homme a jugé qu’il devait exister un lien entre le motif censé justifier la privation de liberté et le lieu et les conditions de la détention. Elle rappelle à ce sujet qu’en principe, la détention d’une personne souffrant de troubles mentaux ne peut être considérée comme régulière aux fins de l’article 5, 1 e CEDH que si elle s’effectue dans un hôpital, dans une clinique ou dans un autre établissement approprié . (CEDH, Hutchison Reid c. Royaume-Uni, 20 février 2003, 50272/99 ).55 La proposition de loi prévoit en effet que la peine initialement prononcée soit remplacée par une autre mesure (d’internement). Cette substitution pose la question de savoir si la décision d’internement ne se heurte pas à l’autorité de la chose jugée résultant de la condamnation prononcée.56 Loi du 1er février 2005 relative aux principes concernant l’administration pénitentiaire ainsi qu’au statut juridique des détenus.

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et 5,1 CEDH) de l’internement, les effets iatrogènes de la détention et la réduction des chances de réinsertion des internés.Malgré cela, la situation perdure et, au vu des raisons structurelles en cause, il est malheureusement probable qu’une solution immédiate ne puisse être apportée au problème. Il convient donc d’envisager cette question de manière pragmatique en examinant immédiatement comment aménager les conditions de détentions des internés afin de prendre en compte certains de leurs besoins spécifiques. Et ce, dans un contexte où, malgré l’avancée remarquable que constitue la loi de principes au regard des droits de l’Homme57, les problèmes structuraux en milieu carcéral sont plus importants que jamais58 : surpopulation carcérale, conditions de travail pour les agents pénitentiaires, conditions de détention, etc. et ne permettent pas d’amorcer un changement significatif par rapport à l’ancienne législation.Il faut même ajouter qu’en raison de certains événements marquants intervenus au cours des dernières années au sein d’établissements pénitentiaires surpeuplés dont les conditions de détention peuvent donner lieu à un risque accru de manifestations de violence, la politique disciplinaire a connu une évolution allant notamment dans le sens d’une simplification administrative et d’un renforcement en matière de sanctions, ces deux aspects augmentant le pouvoir discrétionnaire des gardiens et/ou des chefs d’établissements. Un projet de loi a d’ailleurs été déposé en ce sens le 11 avril 2013 et est actuellement en discussion59. Dans ce cadre, le Centre recommande vivement que tous les aménagements raisonnables nécessaires soient envisagés de manière structurelle et fassent l’objet d’une mention au sein du nouveau projet de loi. Le Centre insiste également sur le fait que ceci n’exonère en rien l’État de l’obligation de légiférer en matière d’internement d’une manière conforme au droit international.

III.2. Vers le respect des droits de l’Homme pour les personnes internéesAu vu de ce qui est exposé supra, le Centre, en tant qu’institution nationale des droits de l’Homme et dans le cadre de son mandat de mécanisme indépendant pour la CDPH, s’interroge sur les éléments suivants :Comment envisager l’internement et la notion d’irresponsabilité d’une manière qui soit conforme aux prescrits des droits de l’Homme et s’inscrive dans une logique inclusive ?Comment articuler au sein d’un plan d’action les différents standards auxquels doit répondre cette mesure, qu’il s’agisse de droits civils et politiques (non-discrimination, droit à un procès équitable, liberté et sécurité, droit de ne pas être soumis à la torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants) ou de droits économiques, sociaux et culturels (droit à la santé, accès aux soins), et ce en termes de priorités, de calendrier, d’actions à entreprendre, de dispositifs à mettre en place, de budgets à attribuer, etc. ?Pour éclairer ces questions et faire un choix législatif adéquat, il convient de donner la parole aux experts et intervenants de terrain afin d’identifier les pierres d’achoppement et de proposer des solutions concertées, basées sur une approche réaliste des acteurs de terrain. Ainsi par exemple, si l’on perçoit assez rapidement l’engorgement des annexes psychiatriques de prisons comme étant le premier problème à résoudre, il convient d’apporter des solutions co-construites par les acteurs de la justice et de la santé. Si la culture de travail et les valeurs de chacun 57 Certains arrêtés d’exécution doivent encore être pris afin de permettre une entrée en vigueur complète de cette loi.58 Direction générale des Etablissements pénitentiaires, Rapport annuel, 2012.59 Chambre des Représentants de Belgique, Projet de loi modifiant certains articles de la loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l’administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus, 11 avril 2013, 2744/001. Dans un tel cadre, le Centre souligne donc que le risque d’atteinte aux droits des internés, détenus plus vulnérables, est réel. Que le directeur d’établissement et le personnel pénitentiaire soient plus enclins à la compréhension et susceptibles de porter une attention plus grande aux besoins des détenus internés ne change malheureusement rien au risque d’interprétation littérale du règlement qu’il est toujours possible d’évoquer dans de tels contextes.

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doivent être prises en considération, il convient aussi d’accepter de reprendre les problèmes à la source et à nouveaux frais afin de tenter de voir ce qui peut être résolu et ce qui ne le peut pas.Ce travail ne peut être fait que sur base d’informations actualisées, harmonisées et commensurables, disponibles pour l’ensemble du territoire, tant en Flandre, qu’à Bruxelles ou en Wallonie.Au vu de l’enjeu que représente l’aspect budgétaire de la question, le Centre recommande également que l’ensemble des aspects budgétaires de la question soient abordés de manière concomitante.60 Comme le soulignent les Nations Unies, afin de mesurer adéquatement l’implication de l’État dans la réalisation de certains droits, il convient de passer en revue non seulement les législations et les politiques mises en œuvre mais aussi les budgets qui sont alloués à celles-ci, de même que la manière dont ils sont concrètement attribués61.Le Centre recommande donc qu’un enregistrement systématique des procédures et décisions concernant les internés soit effectué, de même qu’un travail approfondi de cartographie afin de détailler les flux entrants et sortants, des éléments d’épidémiologie, de même qu’une analyse systématique des circuits de soins des internés62. Sur le plan politique, il convient que le législateur soit également attentif à légiférer d’une manière conforme aux engagements pris précédemment en regard du droit international, tant concernant la CEDH et de la CDPH que vis-à-vis des autres textes en vigueur en matière de droits de l’Homme. Il conviendra surtout de faire en sorte que le texte finalement promulgué puisse être conforme dans les faits aux droits de l’Homme. En d’autres termes, il s’agira concrètement pour le législateur d’examiner avec attention et avec l’aide des experts pertinents si, comment et dans quelle mesure une loi relative à l’internement basée sur l’irresponsabilité des personnes peut être réalisée de manière conforme aux prescrits des droits de l’Homme.A cette fin, le Centre se tient, dans le cadre de ses missions précitées, à la disposition du législateur afin de concourir à la réalisation d’une législation relative à l’internement en conformité avec les prescrits des droits de l’Homme.

60 Rekenhof, « Hoofdstuk 8 : Alternatieve opvang van geïnterneerden » in Maatregelen tegen de overbevolking in de gevangenissen, Op. Cit., 2011.61 Office of the United Nations, High Commissioner for Human Rights, Frequently Asked Questions on Economic, Social and Cultural Rights, Fact Sheet N°33, 2008.62 Le Centre salue le fait que cette opération ait été entamée à l’occasion de la mise en œuvre du Masterplan Internement et dans le cadre de la réforme de l’article 107 de la loi du 10 juillet 2008 sur les hôpitaux et autres établissements de soins.

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