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Sur notre chemin, nous avons des anges gardiens, des per-
sonnes qui voient clair dans le livre de notre vie, mieux que
nous-mêmes. Mistinguett fut de ces rencontres miracu-
leuses… Je chante alors au Capitole de Lille, j’ai 17 ans. C’est
une belle soirée de première suivie d’un dîner auquel la toute
petite chanteuse que je suis alors n’est pas conviée. Mes chan-
sons achevées – à l’époque un répertoire réaliste à fendre les
pierres –, je m’apprête à quitter le théâtre quand on me prie
finalement d’assister au dîner. Mistinguett, présente, l’avait
exigé ! « Je veux la petite à côté de moi ! » ordonne-t-elle de sa
gouaille la plus parisienne et sonore tandis que l’on repense à
la hâte tout le plan de table.
À 70 ans, elle m’apparaît très vieille ; d’ailleurs je ne savais
même pas qui elle était ! « Petite, écoute bien ce que je vais te
dire.... Tu te trompes à vouloir interpréter ces chansons drama-
tiques ; moi, avec ces yeux-là, ce sourire, je te vois avec un oiseau
ici et un oiseau là, tandis qu’elle me montre ses bras, et encore
un autre là et puis là, en désignant sa tête et sa cambrure... » Ne
comprenant rien à ce qu’elle me raconte, je me contente de
répliquer « Ah bon !? » avant de filer. De retour à la maison, je
raconte à maman que la Miss me voit avec des oiseaux partout.
La gamine que j’étais l’avait franchement prise pour une folle !
Se passent trois ans. Je connais un immense succès avec Ma
cabane au Canada. Cette année 1950, je suis tête d’affiche à
l’ABC, l’Olympia de l’époque, quand Mistinguett vient me
saluer dans ma loge. Je suis fière, ma joie est pourtant de
courte durée… « C’est pas comme ça que je te vois, petite, me
répète-t-elle. Non, pas avec ces fossettes et ces yeux-là… Je te
vois avec des oiseaux… » Et voilà qu’elle recommence… Je ne
sais toujours pas de quoi elle me parle !
Quatre ans se passent encore, la Miss vient cette fois m’écou-
ter chanter au Moulin-Rouge, c’est alors une salle de spec-
tacle, pas du tout un lieu de revue tel que nous le connaissons
aujourd’hui. Rebelote, même avertissement en coulisses avec
T Préface
cette fois encore un peu plus d’insistance. « C’est la dernière
fois que je viens te voir, petite. Tu ne m’écoutes pas… Je te dis
pourtant depuis le début ce que tu dois faire… » Nous
sommes en 1954, Mistinguett mourra deux ans plus tard sans
que je l’aie jamais revue. Mais l’histoire ne se termine pas là…
J’achève une tournée européenne quand Henri Varna, le
patron du Casino de Paris, vient à Barcelone me proposer de
remettre au goût du jour l’art de la revue. Voici que je me lance
dans cette nouvelle aventure. Entre-temps, j’ai bien sûr
oublié Mistinguett et ses prédictions, d’autant que je suis
prise dans un tourbillon d’essayages, de répétitions. La prise
de risque était considérable, il me semblait que je repartais
de zéro dans ce métier…
Puis vient le 11 décembre 1959, le soir de la première, un de
ces instants que l’on n’oublie jamais. Je suis alors occupée à
descendre avec art l’escalier du premier finale, je compte
méthodiquement les marches tout en offrant mon plus beau
sourire ainsi que me l’a enseigné Joséphine Baker quelques
jours plus tôt quand arrive la douzième marche… Le passage
de la douzième à la onzième est l’instant crucial de la des-
cente d’escalier, la douzième marche est en effet plus haute
car elle dissimule le mécanisme par lequel se replie l’esca-
lier ; je dois donc m’y arrêter, prendre la pause face au public,
bras et cœur grands ouverts. Je me vois pour la première fois
applaudie en meneuse de revue, le corps cousu de plumes et
de strass, jambes nues – moi si pudique ! – quand je pense
soudain à Mistinguett. J’aurais voulu qu’elle me voie à cet ins-
tant, qu’elle sache combien elle avait vu juste.
Oui, Mistinguett était cette femme d’instinct. Elle avait pour
elle une personnalité puissante, un minois reconnaissable
entre mille, une gouaille et un humour naturel qui la ren-
daient irrésistible. L’on ressentait dans les plis de son visage
bien des malices, de la ruse et combien elle avait aimé la vie et
les hommes. Elle était la Miss. Pour toujours.
Mistinguett avait vu clair dans mon destin…
de L ine Renaud
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Sur notre chemin, nous avons des anges gardiens, des per-
sonnes qui voient clair dans le livre de notre vie, mieux que
nous-mêmes. Mistinguett fut de ces rencontres miracu-
leuses… Je chante alors au Capitole de Lille, j’ai 17 ans. C’est
une belle soirée de première suivie d’un dîner auquel la toute
petite chanteuse que je suis alors n’est pas conviée. Mes chan-
sons achevées – à l’époque un répertoire réaliste à fendre les
pierres –, je m’apprête à quitter le théâtre quand on me prie
finalement d’assister au dîner. Mistinguett, présente, l’avait
exigé ! « Je veux la petite à côté de moi ! » ordonne-t-elle de sa
gouaille la plus parisienne et sonore tandis que l’on repense à
la hâte tout le plan de table.
À 70 ans, elle m’apparaît très vieille ; d’ailleurs je ne savais
même pas qui elle était ! « Petite, écoute bien ce que je vais te
dire.... Tu te trompes à vouloir interpréter ces chansons drama-
tiques ; moi, avec ces yeux-là, ce sourire, je te vois avec un oiseau
ici et un oiseau là, tandis qu’elle me montre ses bras, et encore
un autre là et puis là, en désignant sa tête et sa cambrure... » Ne
comprenant rien à ce qu’elle me raconte, je me contente de
répliquer « Ah bon !? » avant de filer. De retour à la maison, je
raconte à maman que la Miss me voit avec des oiseaux partout.
La gamine que j’étais l’avait franchement prise pour une folle !
Se passent trois ans. Je connais un immense succès avec Ma
cabane au Canada. Cette année 1950, je suis tête d’affiche à
l’ABC, l’Olympia de l’époque, quand Mistinguett vient me
saluer dans ma loge. Je suis fière, ma joie est pourtant de
courte durée… « C’est pas comme ça que je te vois, petite, me
répète-t-elle. Non, pas avec ces fossettes et ces yeux-là… Je te
vois avec des oiseaux… » Et voilà qu’elle recommence… Je ne
sais toujours pas de quoi elle me parle !
Quatre ans se passent encore, la Miss vient cette fois m’écou-
ter chanter au Moulin-Rouge, c’est alors une salle de spec-
tacle, pas du tout un lieu de revue tel que nous le connaissons
aujourd’hui. Rebelote, même avertissement en coulisses avec
T Préface
cette fois encore un peu plus d’insistance. « C’est la dernière
fois que je viens te voir, petite. Tu ne m’écoutes pas… Je te dis
pourtant depuis le début ce que tu dois faire… » Nous
sommes en 1954, Mistinguett mourra deux ans plus tard sans
que je l’aie jamais revue. Mais l’histoire ne se termine pas là…
J’achève une tournée européenne quand Henri Varna, le
patron du Casino de Paris, vient à Barcelone me proposer de
remettre au goût du jour l’art de la revue. Voici que je me lance
dans cette nouvelle aventure. Entre-temps, j’ai bien sûr
oublié Mistinguett et ses prédictions, d’autant que je suis
prise dans un tourbillon d’essayages, de répétitions. La prise
de risque était considérable, il me semblait que je repartais
de zéro dans ce métier…
Puis vient le 11 décembre 1959, le soir de la première, un de
ces instants que l’on n’oublie jamais. Je suis alors occupée à
descendre avec art l’escalier du premier finale, je compte
méthodiquement les marches tout en offrant mon plus beau
sourire ainsi que me l’a enseigné Joséphine Baker quelques
jours plus tôt quand arrive la douzième marche… Le passage
de la douzième à la onzième est l’instant crucial de la des-
cente d’escalier, la douzième marche est en effet plus haute
car elle dissimule le mécanisme par lequel se replie l’esca-
lier ; je dois donc m’y arrêter, prendre la pause face au public,
bras et cœur grands ouverts. Je me vois pour la première fois
applaudie en meneuse de revue, le corps cousu de plumes et
de strass, jambes nues – moi si pudique ! – quand je pense
soudain à Mistinguett. J’aurais voulu qu’elle me voie à cet ins-
tant, qu’elle sache combien elle avait vu juste.
Oui, Mistinguett était cette femme d’instinct. Elle avait pour
elle une personnalité puissante, un minois reconnaissable
entre mille, une gouaille et un humour naturel qui la ren-
daient irrésistible. L’on ressentait dans les plis de son visage
bien des malices, de la ruse et combien elle avait aimé la vie et
les hommes. Elle était la Miss. Pour toujours.
Mistinguett avait vu clair dans mon destin…
de L ine Renaud
Q
LA FEMMEPUBLIQUE
« Pour réussir, le talent ne suffit pas. Je savais tout utiliser pour que l’on parle de moi. Je vivais au maximum, le pied poussé à fond sur l’accélérateur. Et tout tournait autour de moi comme
sur la piste d’un autodrome. C’est dur de jouer 24 heures sur 24.Je ne sais pas si j’étais heureuse dans le fond. Je jouais. »
F
En 1913, vingt ans avant Marlene Dietrich, Mistinguett adopte le style androgyne lancé par Colette en 1907.
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Q
LA FEMMEPUBLIQUE
« Pour réussir, le talent ne suffit pas. Je savais tout utiliser pour que l’on parle de moi. Je vivais au maximum, le pied poussé à fond sur l’accélérateur. Et tout tournait autour de moi comme
sur la piste d’un autodrome. C’est dur de jouer 24 heures sur 24.Je ne sais pas si j’étais heureuse dans le fond. Je jouais. »
F
En 1913, vingt ans avant Marlene Dietrich, Mistinguett adopte le style androgyne lancé par Colette en 1907.
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L e 11 août 1913, Comœdia, le quotidien des spectacles, titre : «On dit que… M. Mayol épouserait Mlle Mistinguett.»
La presse parisienne se jette aussitôt sur la nouvelle. Dès le lendemain,Le Matin annonce qu’il existe une photo des fiançailles à Deauville.Le 14 août, Comœdia publie la photo, assez peu compromettante :on y voit Mayol, appuyé sur sa canne, serrer contre lui Mistinguett ;tous deux regardent l’objectif en souriant, l’air complice. Et le journaliste de s’interroger : «C’est si beau qu’on se demandesi, malgré tout, il faut y croire...» Les attitudes de Mayol sur scènene faisant pas preuve d’une éclatante virilité, le duo avec Mistinguetten fait sourire plus d’un... Les démentis qu’elle fait bientôt paraîtreavec Mayol ne suffisent pas à calmer la presse : dès la rentrée, les chansonniers et auteurs de revues trouveront dans l’affaire une matière rêvée pour trousser d’humoristiques couplets. Mayolprétendra dans ses mémoires que le «coup », auquel il se prêtad’abord comme à une plaisanterie, était soigneusement monté parMistinguett, qui souhaitait que l’on parlât d’elle le plus possible.
page de gauche
La Miss (dansson propre rôle)
et Glorias (dans le rôle
de l'imitation)dans un sketch
de la revue satirique
‘En douce’ (première
du nom) à laComédie des
Champs-Elysées.
ci-contre et ci-dessus
L’article de Comœdia qui a déclenché ‘l 'affaire’ en août 1913… et son exploitation par Mistinguettdans une revue satirique dès le mois de septembre.
T Faux mar iage : un premier coup d ’éc lat U
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L e 11 août 1913, Comœdia, le quotidien des spectacles, titre : «On dit que… M. Mayol épouserait Mlle Mistinguett.»
La presse parisienne se jette aussitôt sur la nouvelle. Dès le lendemain,Le Matin annonce qu’il existe une photo des fiançailles à Deauville.Le 14 août, Comœdia publie la photo, assez peu compromettante :on y voit Mayol, appuyé sur sa canne, serrer contre lui Mistinguett ;tous deux regardent l’objectif en souriant, l’air complice. Et le journaliste de s’interroger : «C’est si beau qu’on se demandesi, malgré tout, il faut y croire...» Les attitudes de Mayol sur scènene faisant pas preuve d’une éclatante virilité, le duo avec Mistinguetten fait sourire plus d’un... Les démentis qu’elle fait bientôt paraîtreavec Mayol ne suffisent pas à calmer la presse : dès la rentrée, les chansonniers et auteurs de revues trouveront dans l’affaire une matière rêvée pour trousser d’humoristiques couplets. Mayolprétendra dans ses mémoires que le «coup », auquel il se prêtad’abord comme à une plaisanterie, était soigneusement monté parMistinguett, qui souhaitait que l’on parlât d’elle le plus possible.
page de gauche
La Miss (dansson propre rôle)
et Glorias (dans le rôle
de l'imitation)dans un sketch
de la revue satirique
‘En douce’ (première
du nom) à laComédie des
Champs-Elysées.
ci-contre et ci-dessus
L’article de Comœdia qui a déclenché ‘l 'affaire’ en août 1913… et son exploitation par Mistinguettdans une revue satirique dès le mois de septembre.
T Faux mar iage : un premier coup d ’éc lat U
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T Miss et la mode U
Entre 1910 et 1914, comme beaucoup de comédiennes, Mistinguett pose pour les modistes dont elle porte les créations pour des photos destinées à la presse artistique (Comœdia illustré,Le Théâtre).
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T Miss et la mode U
Entre 1910 et 1914, comme beaucoup de comédiennes, Mistinguett pose pour les modistes dont elle porte les créations pour des photos destinées à la presse artistique (Comœdia illustré,Le Théâtre).
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T La Miss Mißinguett U
88
En 1921, elle tente même de lancer sa marque de parfums de luxe : une aventure de courte durée.
T Publ ic i tés de luxe U
Dès lesannées 1910,Mistinguetta prisconsciencede l’importancede la publicité etdes revenusqu’elle peuten tirer…
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T La Miss Mißinguett U
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En 1921, elle tente même de lancer sa marque de parfums de luxe : une aventure de courte durée.
T Publ ic i tés de luxe U
Dès lesannées 1910,Mistinguetta prisconsciencede l’importancede la publicité etdes revenusqu’elle peuten tirer…
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E n vraie femme d’action, se rendant indispensable à l’actualité,Mistinguett est de toutes les innovations, de toutes
les expérimentations, pourvu que les photographes ou les camérassoient là… Les années 1920, marquées par l’émancipation de la femme, sont particulièrement propices à ce genre d’exhibitions.En 1925, à 50 ans, elle est plus dynamique que jamais et peut sans rire jouer à la garçonne intrépide. On raconte qu’elle n’hésitepas à se priver de sommeil pour aller piquer une tête à Deauville au petit matin, après sa représentation du samedi soir et avant la matinée du dimanche. Le groupe d’amis qui l’accompagnent en voiture n’ont pas toujours la même endurance !
page de droite
Sur les planchesde Deauville,
elle emprunteson engin à
un motocyclistedubitatif.
Un autre jour,elle fait
son baptêmed'hydravion.
T Miss et les spor ts U
ci-dessus et ci-contre
En 1917, elle participe à la premièrecourse de scooters.Plus tard, elle apporte son soutien à un sportif hors normes.
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E n vraie femme d’action, se rendant indispensable à l’actualité,Mistinguett est de toutes les innovations, de toutes
les expérimentations, pourvu que les photographes ou les camérassoient là… Les années 1920, marquées par l’émancipation de la femme, sont particulièrement propices à ce genre d’exhibitions.En 1925, à 50 ans, elle est plus dynamique que jamais et peut sans rire jouer à la garçonne intrépide. On raconte qu’elle n’hésitepas à se priver de sommeil pour aller piquer une tête à Deauville au petit matin, après sa représentation du samedi soir et avant la matinée du dimanche. Le groupe d’amis qui l’accompagnent en voiture n’ont pas toujours la même endurance !
page de droite
Sur les planchesde Deauville,
elle emprunteson engin à
un motocyclistedubitatif.
Un autre jour,elle fait
son baptêmed'hydravion.
T Miss et les spor ts U
ci-dessus et ci-contre
En 1917, elle participe à la premièrecourse de scooters.Plus tard, elle apporte son soutien à un sportif hors normes.
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Mistinguett a passé son permis de conduire dès 1917. La même Chrysler… quelques années plus tard.
Un concours d’élégance automobile dans les années 1930.Sa Chrysler, achetée dans les années 1920, attire l’attention.
T Miss et ses vo i tures U
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Mistinguett a passé son permis de conduire dès 1917. La même Chrysler… quelques années plus tard.
Un concours d’élégance automobile dans les années 1930.Sa Chrysler, achetée dans les années 1920, attire l’attention.
T Miss et ses vo i tures U
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En 1921, la Miss vend son image à une célèbreliqueur : Gesmar dessinera les publicités etelle modifiera sans vergogne ses sketches.
En mai 1923, Miss offre son image à la boutique ‘Au père la galette’, que son frère Marcel inaugure 52 boulevard Haussmann et qui fonctionnera durant vingt ans.
T La re ine de la réc lame U
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En 1921, la Miss vend son image à une célèbreliqueur : Gesmar dessinera les publicités etelle modifiera sans vergogne ses sketches.
En mai 1923, Miss offre son image à la boutique ‘Au père la galette’, que son frère Marcel inaugure 52 boulevard Haussmann et qui fonctionnera durant vingt ans.
T La re ine de la réc lame U
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E n 1921, une certaine Mismarguett fait son apparition sur les scènesparisiennes. En janvier 1923, se fondant sur une ressemblance
physique assez douteuse, Marion Delorme ira jusqu’à écrire à la vedette du Casino de Paris pour lui demander l’autorisation de se baptiser «sosie de Mistinguett». Une fin de non-recevoir ne l’arrêtera pas dans ses élans, puisqu’elle cherchera délibérémentà créer la confusion dans l’esprit du public. Le nom, le choix du répertoire et les attitudes de scène : tout lui sera bon pour récolterquelques miettes de succès.Elle profitera du séjour prolongé de Mistinguett aux États-Unis en 1924 pour se faire engager à son tour au Casino de Paris. Mistinguettmenace d’intenter un procès. Les échotiers se déchaînent et posent
la question des limites de la contrefaçonartistique. Le plus intéressant de cette affaire, c’est qu’elle meten relief la consécration définitivede la vedette : elle a créé un «genre», qu’il est devenupossible d’imiter.Avec le concours occasionnel de différents partenaires, la plagiaire persistera jusqu’aumilieu des années 1930. Mais la veine scandaleuse finira par s’épuiser : faute d’avoir su se diversifier, Mismarguettdisparaîtra des affiches parisiennes.
page de droite
Article de 1924(Mistinguett est à droite)
et programme de 1934.
ci-contre
Partition de 1925.
T Les poussières de la g lo i re U
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E n 1921, une certaine Mismarguett fait son apparition sur les scènesparisiennes. En janvier 1923, se fondant sur une ressemblance
physique assez douteuse, Marion Delorme ira jusqu’à écrire à la vedette du Casino de Paris pour lui demander l’autorisation de se baptiser «sosie de Mistinguett». Une fin de non-recevoir ne l’arrêtera pas dans ses élans, puisqu’elle cherchera délibérémentà créer la confusion dans l’esprit du public. Le nom, le choix du répertoire et les attitudes de scène : tout lui sera bon pour récolterquelques miettes de succès.Elle profitera du séjour prolongé de Mistinguett aux États-Unis en 1924 pour se faire engager à son tour au Casino de Paris. Mistinguettmenace d’intenter un procès. Les échotiers se déchaînent et posent
la question des limites de la contrefaçonartistique. Le plus intéressant de cette affaire, c’est qu’elle meten relief la consécration définitivede la vedette : elle a créé un «genre», qu’il est devenupossible d’imiter.Avec le concours occasionnel de différents partenaires, la plagiaire persistera jusqu’aumilieu des années 1930. Mais la veine scandaleuse finira par s’épuiser : faute d’avoir su se diversifier, Mismarguettdisparaîtra des affiches parisiennes.
page de droite
Article de 1924(Mistinguett est à droite)
et programme de 1934.
ci-contre
Partition de 1925.
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« Mes jambes sont sorties de ma tête…» Durant l’été 1919, pourson premier voyage de reconnaissance à New York, Mistinguett
parvient à monter en quelques jours une opération de promotion à coup de radiotélégrammes expédiés du paquebot France.
Dès son arrivée, tous les reporters de la presse américaine prennentd’assaut le transatlantique. Et pendant huit jours, à l’hôtel, elle devra laisser photographier ses jambes du matin au soir. Commeil était à prévoir, les reporters lui trouvent bientôt des concurrentesparmi les artistes de la ville, en particulier Ann Pennington, unepetite brune espiègle, vedette de la revue des George White Scandals,
qui prétend qu’elle a de plus belles jambes que Mistinguett ! Cette polémique anatomique remplit les journaux pendant des jours,aboutissant même à un vote des lecteurs. Car l’enjeu est de taille : il s’agit de la suprématie mondiale, rien de moins ! Un article
précise que Mistinguett a fait assurer ses jambes pour 500 000 francs.En 1924, lors de sa tournée américaine,la presse annoncera qu’elle a faitassurer ses jambes à Paris pour… 1 million de francs, soit le double de 1919. Peu soucieux de vérifier la monnaie dont il s’agit, les journaux ne tarderont pas à la sacrer «la femmeaux jambes d’un million de dollars».
page de droite
Mémorable séance
de photos à Chicago en
mars 1924.
T Des jambes en or U
ci-contre
Publicité dans la presse lors dela tournée américaine de 1924.
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« Mes jambes sont sorties de ma tête…» Durant l’été 1919, pourson premier voyage de reconnaissance à New York, Mistinguett
parvient à monter en quelques jours une opération de promotion à coup de radiotélégrammes expédiés du paquebot France.
Dès son arrivée, tous les reporters de la presse américaine prennentd’assaut le transatlantique. Et pendant huit jours, à l’hôtel, elle devra laisser photographier ses jambes du matin au soir. Commeil était à prévoir, les reporters lui trouvent bientôt des concurrentesparmi les artistes de la ville, en particulier Ann Pennington, unepetite brune espiègle, vedette de la revue des George White Scandals,
qui prétend qu’elle a de plus belles jambes que Mistinguett ! Cette polémique anatomique remplit les journaux pendant des jours,aboutissant même à un vote des lecteurs. Car l’enjeu est de taille : il s’agit de la suprématie mondiale, rien de moins ! Un article
précise que Mistinguett a fait assurer ses jambes pour 500 000 francs.En 1924, lors de sa tournée américaine,la presse annoncera qu’elle a faitassurer ses jambes à Paris pour… 1 million de francs, soit le double de 1919. Peu soucieux de vérifier la monnaie dont il s’agit, les journaux ne tarderont pas à la sacrer «la femmeaux jambes d’un million de dollars».
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Mémorable séance
de photos à Chicago en
mars 1924.
T Des jambes en or U
ci-contre
Publicité dans la presse lors dela tournée américaine de 1924.
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Tout au long des années 1930, Mistinguett entretiendra le mythe des jambes gainées de bas de soie.
En juillet 1941, La Semaine consacre une double page aux jambes de la Miss, alors âgée de 66 ans.
T Des jambes en or U
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Tout au long des années 1930, Mistinguett entretiendra le mythe des jambes gainées de bas de soie.
En juillet 1941, La Semaine consacre une double page aux jambes de la Miss, alors âgée de 66 ans.
T Des jambes en or U
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M iss est toujours restée proche du public populaire. Car c’est luiqui en définitive assure le succès durable des spectacles.
Se voulant omniprésente, elle participe à toutes sortes de manifestations publiques et de bienfaisance : gala de l’Union des artistes, bal des Petits Lits blancs, concours d’élégance, de costumes, de girls… Comme beaucoup d’artistes, mais sansdoute mieux que d’autres, elle sait astucieusement mêler l’actioncharitable et la mise en valeur de son image.
T Scènes de c i rconstance U
page de droite
Au printemps 1936, devant les grévistes :atelier de couture, usine d’automobiles,
grand magasin… Elle improvise un tour de chant dépouillé, sans plumes ni maquillage.
ci-dessous
La Miss en vendeuse au
profit d’œuvrescharitables… età la radio avec
le journaliste L.-R. Dauven.
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M iss est toujours restée proche du public populaire. Car c’est luiqui en définitive assure le succès durable des spectacles.
Se voulant omniprésente, elle participe à toutes sortes de manifestations publiques et de bienfaisance : gala de l’Union des artistes, bal des Petits Lits blancs, concours d’élégance, de costumes, de girls… Comme beaucoup d’artistes, mais sansdoute mieux que d’autres, elle sait astucieusement mêler l’actioncharitable et la mise en valeur de son image.
T Scènes de c i rconstance U
page de droite
Au printemps 1936, devant les grévistes :atelier de couture, usine d’automobiles,
grand magasin… Elle improvise un tour de chant dépouillé, sans plumes ni maquillage.
ci-dessous
La Miss en vendeuse au
profit d’œuvrescharitables… età la radio avec
le journaliste L.-R. Dauven.
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T Mondanités U
Le gala de l’Union des Artistes au Cirqued’Hiver en mars 1934.
Avec Jean Sablon, son partenaire au Casino de Paris en 1931, ami et compagnon de vacances.
Avec Fernandel vers 1936.
page de droite : au Balajo avec Marlene en mars 1938. Miss lui chantera ‘Mon homme’.104
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T Mondanités U
Le gala de l’Union des Artistes au Cirqued’Hiver en mars 1934.
Avec Jean Sablon, son partenaire au Casino de Paris en 1931, ami et compagnon de vacances.
Avec Fernandel vers 1936.
page de droite : au Balajo avec Marlene en mars 1938. Miss lui chantera ‘Mon homme’.104
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