26
4

082-105-CHAP 4 019 Chapitre 1 - Authentificationextranet.editis.com/it-yonixweb/images/OMN/art/doc/f/fb4d179a... · Je me vois pour la première fois applaudie en meneuse de revue,

Embed Size (px)

Citation preview

54

Sur notre chemin, nous avons des anges gardiens, des per-

sonnes qui voient clair dans le livre de notre vie, mieux que

nous-mêmes. Mistinguett fut de ces rencontres miracu-

leuses… Je chante alors au Capitole de Lille, j’ai 17 ans. C’est

une belle soirée de première suivie d’un dîner auquel la toute

petite chanteuse que je suis alors n’est pas conviée. Mes chan-

sons achevées – à l’époque un répertoire réaliste à fendre les

pierres –, je m’apprête à quitter le théâtre quand on me prie

finalement d’assister au dîner. Mistinguett, présente, l’avait

exigé ! « Je veux la petite à côté de moi ! » ordonne-t-elle de sa

gouaille la plus parisienne et sonore tandis que l’on repense à

la hâte tout le plan de table.

À 70 ans, elle m’apparaît très vieille ; d’ailleurs je ne savais

même pas qui elle était ! « Petite, écoute bien ce que je vais te

dire.... Tu te trompes à vouloir interpréter ces chansons drama-

tiques ; moi, avec ces yeux-là, ce sourire, je te vois avec un oiseau

ici et un oiseau là, tandis qu’elle me montre ses bras, et encore

un autre là et puis là, en désignant sa tête et sa cambrure... » Ne

comprenant rien à ce qu’elle me raconte, je me contente de

répliquer « Ah bon !? » avant de filer. De retour à la maison, je

raconte à maman que la Miss me voit avec des oiseaux partout.

La gamine que j’étais l’avait franchement prise pour une folle !

Se passent trois ans. Je connais un immense succès avec Ma

cabane au Canada. Cette année 1950, je suis tête d’affiche à

l’ABC, l’Olympia de l’époque, quand Mistinguett vient me

saluer dans ma loge. Je suis fière, ma joie est pourtant de

courte durée… « C’est pas comme ça que je te vois, petite, me

répète-t-elle. Non, pas avec ces fossettes et ces yeux-là… Je te

vois avec des oiseaux… » Et voilà qu’elle recommence… Je ne

sais toujours pas de quoi elle me parle !

Quatre ans se passent encore, la Miss vient cette fois m’écou-

ter chanter au Moulin-Rouge, c’est alors une salle de spec-

tacle, pas du tout un lieu de revue tel que nous le connaissons

aujourd’hui. Rebelote, même avertissement en coulisses avec

T Préface

cette fois encore un peu plus d’insistance. « C’est la dernière

fois que je viens te voir, petite. Tu ne m’écoutes pas… Je te dis

pourtant depuis le début ce que tu dois faire…  » Nous

sommes en 1954, Mistinguett mourra deux ans plus tard sans

que je l’aie jamais revue. Mais l’histoire ne se termine pas là…

J’achève une tournée européenne quand Henri Varna, le

patron du Casino de Paris, vient à Barcelone me proposer de

remettre au goût du jour l’art de la revue. Voici que je me lance

dans cette nouvelle aventure. Entre-temps, j’ai bien sûr

oublié Mistinguett et ses prédictions, d’autant que je suis

prise dans un tourbillon d’essayages, de répétitions. La prise

de risque était considérable, il me semblait que je repartais

de zéro dans ce métier…

Puis vient le 11 décembre 1959, le soir de la première, un de

ces instants que l’on n’oublie jamais. Je suis alors occupée à

descendre avec art l’escalier du premier finale, je compte

méthodiquement les marches tout en offrant mon plus beau

sourire ainsi que me l’a enseigné Joséphine Baker quelques

jours plus tôt quand arrive la douzième marche… Le passage

de la douzième à la onzième est l’instant crucial de la des-

cente d’escalier, la douzième marche est en effet plus haute

car elle dissimule le mécanisme par lequel se replie l’esca-

lier ; je dois donc m’y arrêter, prendre la pause face au public,

bras et cœur grands ouverts. Je me vois pour la première fois

applaudie en meneuse de revue, le corps cousu de plumes et

de strass, jambes nues – moi si pudique ! – quand je pense

soudain à Mistinguett. J’aurais voulu qu’elle me voie à cet ins-

tant, qu’elle sache combien elle avait vu juste.

Oui, Mistinguett était cette femme d’instinct. Elle avait pour

elle une personnalité puissante, un minois reconnaissable

entre mille, une gouaille et un humour naturel qui la ren-

daient irrésistible. L’on ressentait dans les plis de son visage

bien des malices, de la ruse et combien elle avait aimé la vie et

les hommes. Elle était la Miss. Pour toujours.

Mistinguett avait vu clair dans mon destin…

de L ine Renaud

54

Sur notre chemin, nous avons des anges gardiens, des per-

sonnes qui voient clair dans le livre de notre vie, mieux que

nous-mêmes. Mistinguett fut de ces rencontres miracu-

leuses… Je chante alors au Capitole de Lille, j’ai 17 ans. C’est

une belle soirée de première suivie d’un dîner auquel la toute

petite chanteuse que je suis alors n’est pas conviée. Mes chan-

sons achevées – à l’époque un répertoire réaliste à fendre les

pierres –, je m’apprête à quitter le théâtre quand on me prie

finalement d’assister au dîner. Mistinguett, présente, l’avait

exigé ! « Je veux la petite à côté de moi ! » ordonne-t-elle de sa

gouaille la plus parisienne et sonore tandis que l’on repense à

la hâte tout le plan de table.

À 70 ans, elle m’apparaît très vieille ; d’ailleurs je ne savais

même pas qui elle était ! « Petite, écoute bien ce que je vais te

dire.... Tu te trompes à vouloir interpréter ces chansons drama-

tiques ; moi, avec ces yeux-là, ce sourire, je te vois avec un oiseau

ici et un oiseau là, tandis qu’elle me montre ses bras, et encore

un autre là et puis là, en désignant sa tête et sa cambrure... » Ne

comprenant rien à ce qu’elle me raconte, je me contente de

répliquer « Ah bon !? » avant de filer. De retour à la maison, je

raconte à maman que la Miss me voit avec des oiseaux partout.

La gamine que j’étais l’avait franchement prise pour une folle !

Se passent trois ans. Je connais un immense succès avec Ma

cabane au Canada. Cette année 1950, je suis tête d’affiche à

l’ABC, l’Olympia de l’époque, quand Mistinguett vient me

saluer dans ma loge. Je suis fière, ma joie est pourtant de

courte durée… « C’est pas comme ça que je te vois, petite, me

répète-t-elle. Non, pas avec ces fossettes et ces yeux-là… Je te

vois avec des oiseaux… » Et voilà qu’elle recommence… Je ne

sais toujours pas de quoi elle me parle !

Quatre ans se passent encore, la Miss vient cette fois m’écou-

ter chanter au Moulin-Rouge, c’est alors une salle de spec-

tacle, pas du tout un lieu de revue tel que nous le connaissons

aujourd’hui. Rebelote, même avertissement en coulisses avec

T Préface

cette fois encore un peu plus d’insistance. « C’est la dernière

fois que je viens te voir, petite. Tu ne m’écoutes pas… Je te dis

pourtant depuis le début ce que tu dois faire…  » Nous

sommes en 1954, Mistinguett mourra deux ans plus tard sans

que je l’aie jamais revue. Mais l’histoire ne se termine pas là…

J’achève une tournée européenne quand Henri Varna, le

patron du Casino de Paris, vient à Barcelone me proposer de

remettre au goût du jour l’art de la revue. Voici que je me lance

dans cette nouvelle aventure. Entre-temps, j’ai bien sûr

oublié Mistinguett et ses prédictions, d’autant que je suis

prise dans un tourbillon d’essayages, de répétitions. La prise

de risque était considérable, il me semblait que je repartais

de zéro dans ce métier…

Puis vient le 11 décembre 1959, le soir de la première, un de

ces instants que l’on n’oublie jamais. Je suis alors occupée à

descendre avec art l’escalier du premier finale, je compte

méthodiquement les marches tout en offrant mon plus beau

sourire ainsi que me l’a enseigné Joséphine Baker quelques

jours plus tôt quand arrive la douzième marche… Le passage

de la douzième à la onzième est l’instant crucial de la des-

cente d’escalier, la douzième marche est en effet plus haute

car elle dissimule le mécanisme par lequel se replie l’esca-

lier ; je dois donc m’y arrêter, prendre la pause face au public,

bras et cœur grands ouverts. Je me vois pour la première fois

applaudie en meneuse de revue, le corps cousu de plumes et

de strass, jambes nues – moi si pudique ! – quand je pense

soudain à Mistinguett. J’aurais voulu qu’elle me voie à cet ins-

tant, qu’elle sache combien elle avait vu juste.

Oui, Mistinguett était cette femme d’instinct. Elle avait pour

elle une personnalité puissante, un minois reconnaissable

entre mille, une gouaille et un humour naturel qui la ren-

daient irrésistible. L’on ressentait dans les plis de son visage

bien des malices, de la ruse et combien elle avait aimé la vie et

les hommes. Elle était la Miss. Pour toujours.

Mistinguett avait vu clair dans mon destin…

de L ine Renaud

Q

LA FEMMEPUBLIQUE

« Pour réussir, le talent ne suffit pas. Je savais tout utiliser pour que l’on parle de moi. Je vivais au maximum, le pied poussé à fond sur l’accélérateur. Et tout tournait autour de moi comme

sur la piste d’un autodrome. C’est dur de jouer 24 heures sur 24.Je ne sais pas si j’étais heureuse dans le fond. Je jouais. »

F

En 1913, vingt ans avant Marlene Dietrich, Mistinguett adopte le style androgyne lancé par Colette en 1907.

082-105-CHAP 4_019 Chapitre 1 16/04/14 17:56 Page82

Q

LA FEMMEPUBLIQUE

« Pour réussir, le talent ne suffit pas. Je savais tout utiliser pour que l’on parle de moi. Je vivais au maximum, le pied poussé à fond sur l’accélérateur. Et tout tournait autour de moi comme

sur la piste d’un autodrome. C’est dur de jouer 24 heures sur 24.Je ne sais pas si j’étais heureuse dans le fond. Je jouais. »

F

En 1913, vingt ans avant Marlene Dietrich, Mistinguett adopte le style androgyne lancé par Colette en 1907.

082-105-CHAP 4_019 Chapitre 1 16/04/14 17:56 Page82

84

L e 11 août 1913, Comœdia, le quotidien des spectacles, titre : «On dit que… M. Mayol épouserait Mlle Mistinguett.»

La presse parisienne se jette aussitôt sur la nouvelle. Dès le lendemain,Le Matin annonce qu’il existe une photo des fiançailles à Deauville.Le 14 août, Comœdia publie la photo, assez peu compromettante :on y voit Mayol, appuyé sur sa canne, serrer contre lui Mistinguett ;tous deux regardent l’objectif en souriant, l’air complice. Et le journaliste de s’interroger : «C’est si beau qu’on se demandesi, malgré tout, il faut y croire...» Les attitudes de Mayol sur scènene faisant pas preuve d’une éclatante virilité, le duo avec Mistinguetten fait sourire plus d’un... Les démentis qu’elle fait bientôt paraîtreavec Mayol ne suffisent pas à calmer la presse : dès la rentrée, les chansonniers et auteurs de revues trouveront dans l’affaire une matière rêvée pour trousser d’humoristiques couplets. Mayolprétendra dans ses mémoires que le «coup », auquel il se prêtad’abord comme à une plaisanterie, était soigneusement monté parMistinguett, qui souhaitait que l’on parlât d’elle le plus possible.

page de gauche

La Miss (dansson propre rôle)

et Glorias (dans le rôle

de l'imitation)dans un sketch

de la revue satirique

‘En douce’ (première

du nom) à laComédie des

Champs-Elysées.

ci-contre et ci-dessus

L’article de Comœdia qui a déclenché ‘l 'affaire’ en août 1913… et son exploitation par Mistinguettdans une revue satirique dès le mois de septembre.

T Faux mar iage : un premier coup d ’éc lat U

082-105-CHAP 4_019 Chapitre 1 16/04/14 17:56 Page84

84

L e 11 août 1913, Comœdia, le quotidien des spectacles, titre : «On dit que… M. Mayol épouserait Mlle Mistinguett.»

La presse parisienne se jette aussitôt sur la nouvelle. Dès le lendemain,Le Matin annonce qu’il existe une photo des fiançailles à Deauville.Le 14 août, Comœdia publie la photo, assez peu compromettante :on y voit Mayol, appuyé sur sa canne, serrer contre lui Mistinguett ;tous deux regardent l’objectif en souriant, l’air complice. Et le journaliste de s’interroger : «C’est si beau qu’on se demandesi, malgré tout, il faut y croire...» Les attitudes de Mayol sur scènene faisant pas preuve d’une éclatante virilité, le duo avec Mistinguetten fait sourire plus d’un... Les démentis qu’elle fait bientôt paraîtreavec Mayol ne suffisent pas à calmer la presse : dès la rentrée, les chansonniers et auteurs de revues trouveront dans l’affaire une matière rêvée pour trousser d’humoristiques couplets. Mayolprétendra dans ses mémoires que le «coup », auquel il se prêtad’abord comme à une plaisanterie, était soigneusement monté parMistinguett, qui souhaitait que l’on parlât d’elle le plus possible.

page de gauche

La Miss (dansson propre rôle)

et Glorias (dans le rôle

de l'imitation)dans un sketch

de la revue satirique

‘En douce’ (première

du nom) à laComédie des

Champs-Elysées.

ci-contre et ci-dessus

L’article de Comœdia qui a déclenché ‘l 'affaire’ en août 1913… et son exploitation par Mistinguettdans une revue satirique dès le mois de septembre.

T Faux mar iage : un premier coup d ’éc lat U

082-105-CHAP 4_019 Chapitre 1 16/04/14 17:56 Page84

8786

T Miss et la mode U

Entre 1910 et 1914, comme beaucoup de comédiennes, Mistinguett pose pour les modistes dont elle porte les créations pour des photos destinées à la presse artistique (Comœdia illustré,Le Théâtre).

082-105-CHAP 4_019 Chapitre 1 16/04/14 17:56 Page86

8786

T Miss et la mode U

Entre 1910 et 1914, comme beaucoup de comédiennes, Mistinguett pose pour les modistes dont elle porte les créations pour des photos destinées à la presse artistique (Comœdia illustré,Le Théâtre).

082-105-CHAP 4_019 Chapitre 1 16/04/14 17:56 Page86

T La Miss Mißinguett U

88

En 1921, elle tente même de lancer sa marque de parfums de luxe : une aventure de courte durée.

T Publ ic i tés de luxe U

Dès lesannées 1910,Mistinguetta prisconsciencede l’importancede la publicité etdes revenusqu’elle peuten tirer…

89

082-105-CHAP 4_019 Chapitre 1 16/04/14 17:56 Page88

T La Miss Mißinguett U

88

En 1921, elle tente même de lancer sa marque de parfums de luxe : une aventure de courte durée.

T Publ ic i tés de luxe U

Dès lesannées 1910,Mistinguetta prisconsciencede l’importancede la publicité etdes revenusqu’elle peuten tirer…

89

082-105-CHAP 4_019 Chapitre 1 16/04/14 17:56 Page88

90

E n vraie femme d’action, se rendant indispensable à l’actualité,Mistinguett est de toutes les innovations, de toutes

les expérimentations, pourvu que les photographes ou les camérassoient là… Les années 1920, marquées par l’émancipation de la femme, sont particulièrement propices à ce genre d’exhibitions.En 1925, à 50 ans, elle est plus dynamique que jamais et peut sans rire jouer à la garçonne intrépide. On raconte qu’elle n’hésitepas à se priver de sommeil pour aller piquer une tête à Deauville au petit matin, après sa représentation du samedi soir et avant la matinée du dimanche. Le groupe d’amis qui l’accompagnent en voiture n’ont pas toujours la même endurance !

page de droite

Sur les planchesde Deauville,

elle emprunteson engin à

un motocyclistedubitatif.

Un autre jour,elle fait

son baptêmed'hydravion.

T Miss et les spor ts U

ci-dessus et ci-contre

En 1917, elle participe à la premièrecourse de scooters.Plus tard, elle apporte son soutien à un sportif hors normes.

082-105-CHAP 4_019 Chapitre 1 16/04/14 17:56 Page90

90

E n vraie femme d’action, se rendant indispensable à l’actualité,Mistinguett est de toutes les innovations, de toutes

les expérimentations, pourvu que les photographes ou les camérassoient là… Les années 1920, marquées par l’émancipation de la femme, sont particulièrement propices à ce genre d’exhibitions.En 1925, à 50 ans, elle est plus dynamique que jamais et peut sans rire jouer à la garçonne intrépide. On raconte qu’elle n’hésitepas à se priver de sommeil pour aller piquer une tête à Deauville au petit matin, après sa représentation du samedi soir et avant la matinée du dimanche. Le groupe d’amis qui l’accompagnent en voiture n’ont pas toujours la même endurance !

page de droite

Sur les planchesde Deauville,

elle emprunteson engin à

un motocyclistedubitatif.

Un autre jour,elle fait

son baptêmed'hydravion.

T Miss et les spor ts U

ci-dessus et ci-contre

En 1917, elle participe à la premièrecourse de scooters.Plus tard, elle apporte son soutien à un sportif hors normes.

082-105-CHAP 4_019 Chapitre 1 16/04/14 17:56 Page90

9392

Mistinguett a passé son permis de conduire dès 1917. La même Chrysler… quelques années plus tard.

Un concours d’élégance automobile dans les années 1930.Sa Chrysler, achetée dans les années 1920, attire l’attention.

T Miss et ses vo i tures U

082-105-CHAP 4_019 Chapitre 1 16/04/14 17:56 Page92

9392

Mistinguett a passé son permis de conduire dès 1917. La même Chrysler… quelques années plus tard.

Un concours d’élégance automobile dans les années 1930.Sa Chrysler, achetée dans les années 1920, attire l’attention.

T Miss et ses vo i tures U

082-105-CHAP 4_019 Chapitre 1 16/04/14 17:56 Page92

En 1921, la Miss vend son image à une célèbreliqueur : Gesmar dessinera les publicités etelle modifiera sans vergogne ses sketches.

En mai 1923, Miss offre son image à la boutique ‘Au père la galette’, que son frère Marcel inaugure 52 boulevard Haussmann et qui fonctionnera durant vingt ans.

T La re ine de la réc lame U

94 95

082-105-CHAP 4_019 Chapitre 1 16/04/14 17:57 Page94

En 1921, la Miss vend son image à une célèbreliqueur : Gesmar dessinera les publicités etelle modifiera sans vergogne ses sketches.

En mai 1923, Miss offre son image à la boutique ‘Au père la galette’, que son frère Marcel inaugure 52 boulevard Haussmann et qui fonctionnera durant vingt ans.

T La re ine de la réc lame U

94 95

082-105-CHAP 4_019 Chapitre 1 16/04/14 17:57 Page94

96

E n 1921, une certaine Mismarguett fait son apparition sur les scènesparisiennes. En janvier 1923, se fondant sur une ressemblance

physique assez douteuse, Marion Delorme ira jusqu’à écrire à la vedette du Casino de Paris pour lui demander l’autorisation de se baptiser «sosie de Mistinguett». Une fin de non-recevoir ne l’arrêtera pas dans ses élans, puisqu’elle cherchera délibérémentà créer la confusion dans l’esprit du public. Le nom, le choix du répertoire et les attitudes de scène : tout lui sera bon pour récolterquelques miettes de succès.Elle profitera du séjour prolongé de Mistinguett aux États-Unis en 1924 pour se faire engager à son tour au Casino de Paris. Mistinguettmenace d’intenter un procès. Les échotiers se déchaînent et posent

la question des limites de la contrefaçonartistique. Le plus intéressant de cette affaire, c’est qu’elle meten relief la consécration définitivede la vedette : elle a créé un «genre», qu’il est devenupossible d’imiter.Avec le concours occasionnel de différents partenaires, la plagiaire persistera jusqu’aumilieu des années 1930. Mais la veine scandaleuse finira par s’épuiser : faute d’avoir su se diversifier, Mismarguettdisparaîtra des affiches parisiennes.

page de droite

Article de 1924(Mistinguett est à droite)

et programme de 1934.

ci-contre

Partition de 1925.

T Les poussières de la g lo i re U

082-105-CHAP 4_019 Chapitre 1 16/04/14 17:57 Page96

96

E n 1921, une certaine Mismarguett fait son apparition sur les scènesparisiennes. En janvier 1923, se fondant sur une ressemblance

physique assez douteuse, Marion Delorme ira jusqu’à écrire à la vedette du Casino de Paris pour lui demander l’autorisation de se baptiser «sosie de Mistinguett». Une fin de non-recevoir ne l’arrêtera pas dans ses élans, puisqu’elle cherchera délibérémentà créer la confusion dans l’esprit du public. Le nom, le choix du répertoire et les attitudes de scène : tout lui sera bon pour récolterquelques miettes de succès.Elle profitera du séjour prolongé de Mistinguett aux États-Unis en 1924 pour se faire engager à son tour au Casino de Paris. Mistinguettmenace d’intenter un procès. Les échotiers se déchaînent et posent

la question des limites de la contrefaçonartistique. Le plus intéressant de cette affaire, c’est qu’elle meten relief la consécration définitivede la vedette : elle a créé un «genre», qu’il est devenupossible d’imiter.Avec le concours occasionnel de différents partenaires, la plagiaire persistera jusqu’aumilieu des années 1930. Mais la veine scandaleuse finira par s’épuiser : faute d’avoir su se diversifier, Mismarguettdisparaîtra des affiches parisiennes.

page de droite

Article de 1924(Mistinguett est à droite)

et programme de 1934.

ci-contre

Partition de 1925.

T Les poussières de la g lo i re U

082-105-CHAP 4_019 Chapitre 1 16/04/14 17:57 Page96

98

« Mes jambes sont sorties de ma tête…» Durant l’été 1919, pourson premier voyage de reconnaissance à New York, Mistinguett

parvient à monter en quelques jours une opération de promotion à coup de radiotélégrammes expédiés du paquebot France.

Dès son arrivée, tous les reporters de la presse américaine prennentd’assaut le transatlantique. Et pendant huit jours, à l’hôtel, elle devra laisser photographier ses jambes du matin au soir. Commeil était à prévoir, les reporters lui trouvent bientôt des concurrentesparmi les artistes de la ville, en particulier Ann Pennington, unepetite brune espiègle, vedette de la revue des George White Scandals,

qui prétend qu’elle a de plus belles jambes que Mistinguett ! Cette polémique anatomique remplit les journaux pendant des jours,aboutissant même à un vote des lecteurs. Car l’enjeu est de taille : il s’agit de la suprématie mondiale, rien de moins ! Un article

précise que Mistinguett a fait assurer ses jambes pour 500 000 francs.En 1924, lors de sa tournée américaine,la presse annoncera qu’elle a faitassurer ses jambes à Paris pour… 1 million de francs, soit le double de 1919. Peu soucieux de vérifier la monnaie dont il s’agit, les journaux ne tarderont pas à la sacrer «la femmeaux jambes d’un million de dollars».

page de droite

Mémorable séance

de photos à Chicago en

mars 1924.

T Des jambes en or U

ci-contre

Publicité dans la presse lors dela tournée américaine de 1924.

082-105-CHAP 4_019 Chapitre 1 16/04/14 17:57 Page98

98

« Mes jambes sont sorties de ma tête…» Durant l’été 1919, pourson premier voyage de reconnaissance à New York, Mistinguett

parvient à monter en quelques jours une opération de promotion à coup de radiotélégrammes expédiés du paquebot France.

Dès son arrivée, tous les reporters de la presse américaine prennentd’assaut le transatlantique. Et pendant huit jours, à l’hôtel, elle devra laisser photographier ses jambes du matin au soir. Commeil était à prévoir, les reporters lui trouvent bientôt des concurrentesparmi les artistes de la ville, en particulier Ann Pennington, unepetite brune espiègle, vedette de la revue des George White Scandals,

qui prétend qu’elle a de plus belles jambes que Mistinguett ! Cette polémique anatomique remplit les journaux pendant des jours,aboutissant même à un vote des lecteurs. Car l’enjeu est de taille : il s’agit de la suprématie mondiale, rien de moins ! Un article

précise que Mistinguett a fait assurer ses jambes pour 500 000 francs.En 1924, lors de sa tournée américaine,la presse annoncera qu’elle a faitassurer ses jambes à Paris pour… 1 million de francs, soit le double de 1919. Peu soucieux de vérifier la monnaie dont il s’agit, les journaux ne tarderont pas à la sacrer «la femmeaux jambes d’un million de dollars».

page de droite

Mémorable séance

de photos à Chicago en

mars 1924.

T Des jambes en or U

ci-contre

Publicité dans la presse lors dela tournée américaine de 1924.

082-105-CHAP 4_019 Chapitre 1 16/04/14 17:57 Page98

Tout au long des années 1930, Mistinguett entretiendra le mythe des jambes gainées de bas de soie.

En juillet 1941, La Semaine consacre une double page aux jambes de la Miss, alors âgée de 66 ans.

T Des jambes en or U

101

082-105-CHAP 4_019 Chapitre 1 16/04/14 17:57 Page100

Tout au long des années 1930, Mistinguett entretiendra le mythe des jambes gainées de bas de soie.

En juillet 1941, La Semaine consacre une double page aux jambes de la Miss, alors âgée de 66 ans.

T Des jambes en or U

101

082-105-CHAP 4_019 Chapitre 1 16/04/14 17:57 Page100

103102

M iss est toujours restée proche du public populaire. Car c’est luiqui en définitive assure le succès durable des spectacles.

Se voulant omniprésente, elle participe à toutes sortes de manifestations publiques et de bienfaisance : gala de l’Union des artistes, bal des Petits Lits blancs, concours d’élégance, de costumes, de girls… Comme beaucoup d’artistes, mais sansdoute mieux que d’autres, elle sait astucieusement mêler l’actioncharitable et la mise en valeur de son image.

T Scènes de c i rconstance U

page de droite

Au printemps 1936, devant les grévistes :atelier de couture, usine d’automobiles,

grand magasin… Elle improvise un tour de chant dépouillé, sans plumes ni maquillage.

ci-dessous

La Miss en vendeuse au

profit d’œuvrescharitables… età la radio avec

le journaliste L.-R. Dauven.

082-105-CHAP 4_019 Chapitre 1 16/04/14 17:57 Page102

103102

M iss est toujours restée proche du public populaire. Car c’est luiqui en définitive assure le succès durable des spectacles.

Se voulant omniprésente, elle participe à toutes sortes de manifestations publiques et de bienfaisance : gala de l’Union des artistes, bal des Petits Lits blancs, concours d’élégance, de costumes, de girls… Comme beaucoup d’artistes, mais sansdoute mieux que d’autres, elle sait astucieusement mêler l’actioncharitable et la mise en valeur de son image.

T Scènes de c i rconstance U

page de droite

Au printemps 1936, devant les grévistes :atelier de couture, usine d’automobiles,

grand magasin… Elle improvise un tour de chant dépouillé, sans plumes ni maquillage.

ci-dessous

La Miss en vendeuse au

profit d’œuvrescharitables… età la radio avec

le journaliste L.-R. Dauven.

082-105-CHAP 4_019 Chapitre 1 16/04/14 17:57 Page102

T Mondanités U

Le gala de l’Union des Artistes au Cirqued’Hiver en mars 1934.

Avec Jean Sablon, son partenaire au Casino de Paris en 1931, ami et compagnon de vacances.

Avec Fernandel vers 1936.

page de droite : au Balajo avec Marlene en mars 1938. Miss lui chantera ‘Mon homme’.104

082-105-CHAP 4_019 Chapitre 1 16/04/14 17:57 Page104

T Mondanités U

Le gala de l’Union des Artistes au Cirqued’Hiver en mars 1934.

Avec Jean Sablon, son partenaire au Casino de Paris en 1931, ami et compagnon de vacances.

Avec Fernandel vers 1936.

page de droite : au Balajo avec Marlene en mars 1938. Miss lui chantera ‘Mon homme’.104

082-105-CHAP 4_019 Chapitre 1 16/04/14 17:57 Page104