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Dossier constitué par l’Association Historique du Pays de Grasse ([email protected]) Page 1 sur 18 C C E E U U X X d d e e 1 1 9 9 1 1 4 4 - - 1 1 9 9 1 1 8 8 D D H H U U M M I I È È R R E E S S M M a a r r i i e e A A y y m m e e r r i i c c E E u u g g è è n n e e R R o o b b e e r r t t 0 0 2 2 . . 0 0 3 3 . . 1 1 8 8 6 6 8 8 à à A A r r p p a a j j o o n n - - s s u u r r - - C C è è r r e e ( ( C C a a n n t t a a l l ) ) 2 2 6 6 . . 0 0 4 4 . . 1 1 9 9 1 1 5 5 À À L L i i z z e e r r n n e e ( ( B B e e l l g g i i q q u u e e ) )

0.Notice de HUMIÈRES Robert d' - grasse-historique.frgrasse-historique.fr/Ceuxde14-18/IND/HUMIERES (d')_334.pdf · Dossier constitué par l’Association Historique du Pays de Grasse

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Le Vicomte Robert Aymeric Eugène d’HUMIÈRES nait à au château de Conros, Commune d’Arpajon-sur-Cère, département du Cantal, le 02 Mars 1868.

Il est le fils d’Aymeric d’Humières, Inspecteur des Haras (14.09.1839 - 04.09.1923 à Versailles) et de l’Américaine Nora Kelly (18.08.1856, Connecticut-USA – 26.06.1922 à Versailles).

Il a une sœur, Yvonne, née en 1869 à Arpajon-sur-Cère (Cantal) décédée en 1887 à l’âge de 18 ans.

Officier jusqu’en 1892, ancien élève de l'École spéciale militaire de Saint-Cyr (72ème promotion dite « de Tombouctou » - 1887-1889), il épouse le 1er Août 1905, à Plassac (Charente-Maritime), Marie de DAMPIERRE (20.07.1881 à Fontenay-sous-Bois – 13.06.1917 à Paris).

3 enfants seront issus du couple :

• Anne Audoin d’HUMIÈRES (1910-1913)

• Marguerite d’HUMIÉRES (1914-2001)

• René d’HUMIÈRES (1915-1982)

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Il voyage en Afrique et en Inde.

Si le nom de Robert d'Humières est toujours connu de nos jours, c'est en raison des belles traductions qu'il a données (en collaboration avec Louis Fabulet) des œuvres de Rudyard Kipling (dont le Livre de la Jungle).

Il est aussi un auteur dont le génie personnel, pétri d'humanisme, de culture, de curiosité scientifique, d'inspiration poétique de premier ordre, illustre avec éclat la littérature française. Sa réflexion pénétrante, parfois prophétique et toujours hautement éclairée le range au nombre des philosophes les plus inspirés. Les idées qu'il développe sont toujours marquées au coin du bon sens et ne s'égarent jamais dans des spéculations fumeuses. C'est un jouisseur de la pensée, de la beauté mais aussi de la vie. Les sens et la volupté sont la clé de l'épanouissement, peut-être la justification de la vie. Il pourrait lui être reproché, en quelques occasions, d'avoir oublié qu'il nous avait précédés sur la voie de l'accomplissement et de ne pas s'employer à nous expliquer plus clairement sa pensée. Le reproche ne s'applique qu'à certains passages de ses écrits et il fit preuve d'une inspiration si foisonnante qu'il nous reste une multitude de beautés à savourer dans sa rhétorique.

Robert d'Humières fut directeur du théâtre des Arts de 1907 à 1909 et, quoique injustement méconnu, l'un des plus beaux esprits français. Il fera représenter son drame muet La Tragédie de Salomé avec Loïe Fuller lors de sa première saison, et Diaghilev réutilisera ce poème pour son ballet de 1913.

Ses propres œuvres restent à découvrir. Il y développe une esthétique toute de pensées hautes et éclairées qui s'exprime sous une forme éblouissante, mêlant parfois poésie et science en une union d'une surprenante beauté. Son roman épistolaire, Lettres volées (1911), n'a pas moins de valeur que Les Liaisons dangereuses."

1894 La Belle au Bois Dormant, féerie dramatique en trois actes écrite en collaboration avec Henry Bataille et représentée le 24 mai 1894.

1895 Les Temps nouveaux de M. de Castellane, article publié dans La Revue blanche n° 56, 1e octobre 1895.

1900 Voyage, article publié dans le Mercure de France n° 125, mai 1900.

1902 Du Désir aux Destinées, Paris, Société du Mercure de France, MCMII (poésies).

1904 L'Ile et L'Empire de Grande-Bretagne. Angleterre - Égypte - Inde, Paris, Société du Mercure de France, MCMIV.

1907 La Tragédie de Salomé, drame muet en deux actes et sept tableaux, musique de Florent Schmitt. (Voir en annexe fiche spécifique)

1908 Bernard Shaw, article publié dans Comoedia, 5 mai 1908.

1911 Lettres volées - Roman d'Aujourd'hui, Paris, Librairie Félix JUVEN.

Certains de ses poèmes ont été mis en musique par Charles Koechlin.

Extrait de Wikipédia

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Au recensement de la population de la Commune de Grasse, en 1911, Robert d’HUMIÈRES et sa famille habitent au quartier de Saint-Mathieu, villa « La Rourée »

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Bien que dégagé de ses obligations militaires, le lieutenant Robert d’HUMIÉRES demande à rejoindre le Corps de bataille ; il est affecté au 4ème Régiment de Zouaves – 9ème Compagnie.

Le 4° Régiment de Zouaves est engagé dans de nombreux combats au cours de la Guerre

C’est au cours de la seconde bataille d’Ypres, en Belgique que notre Homme trouvera la mort le 27 Avril 1915.

Son nom figure sur les Monuments aux Morts de GRASSE-Ville (Place du Grand Puy) et du quartier Saint-Mathieu à Grasse. (Cf. 2 photos ci-contre, toutes deux à St-Mathieu…).

L’une de ses petites-filles, Maud d’Humières-Mongon, habite toujours le château de Conros.

Une partie des Officiers du 4° Régiment de Zouaves, en 1911, en son

cantonnement de Bizerte (Tunisie)

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2ÈME BATAILLE D’YPRES (Lizerne - Belgique)

23 avril 1915 – 4 Mai 1915 Extrait de l’Historique du 4ème Régiment de Zouaves

(document anonyme – sans date de publication)

Le 23 avril, à 5 heures du matin, les bataillons Pruneaux et Bonnery, au repos à Coxyde, sont alertés, vont à pied jusqu'à Furnes, sont embarqués en chemin de fer, débarquent au Lion Belge, près de Woesten, et sont jetés à 15 heures en pleine bataille.

La veille, les Allemands, employant pour la première fois un procédé d'attaque qui nous deviendra bientôt familier, ont fait une émission de gaz, se sont rués à l'assaut et ont réussi à percer

notre ligne tenue par la ...° Division territoriale, au Nord d'Ypres. Le temps presse, la brèche s'élargit, il faut coûte que coûte empêcher les Boches d'exploiter leur succès. Les deux bataillons qui doivent occuper le terrain au Nord de Zuydchoote arrivent à temps pour boucher le trou formé entre l'armée belge et les débris de la ...° Division. À 17 heures, ils font front devant Lizerne et Strestraate, et la ligne, ligne bien mince il est vrai, est reformée. On cherche les liaisons, les mitrailleuses sont installées, les Allemands n'iront pas plus avant.

La nuit, une nuit noire qu'éclairent les lueurs des fermes belges en flammes, se passe sans incident. Le 24 à 4 heures, le Bataillon Bonnery attaque en direction de Lizerne, avance de 300

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mètres mais décimé par des mitrailleuses, ne peut pousser plus avant. Le Sous-Lieutenant Trinquart, âgé de 60 ans, un ancien de 70, le Lieutenant Prétrel sont parmi les morts.

Pendant les journées des 24 et 25 avril et dans la matinée du 26, les bataillons s'installent, s'enterrent, organisent le terrain en dépit d'un violent bombardement. La 9ème Compagnie subit des pertes sensibles. Les Lieutenants Soulié et Rey sont tués par le même obus.

Ces pertes ne font qu'irriter les Zouaves et excitent leur ardeur; des patrouilles sont lancées, des reconnaissances très mordantes font des prisonniers, s'assurent que le village de Lizerne est fortement tenu et le 26 à 15 h. 30, après une préparation d'artillerie courte mais violente, le 3ème Bataillon reçoit enfin l'ordre d'attaquer.

Dans le crépitement de la fusillade, soudain allumée avec un entrain endiablé, les hommes en chéchia kaki s'élancent, bondissent dans les hautes herbes. L'instant est enfin arrivé où l'on va pouvoir rendre aux gens d'en face tout le mal qu'ils ont fait. Les gaz tuent, mais les baïonnettes aussi. La première tranchée allemande est atteinte, ses occupants, en dépit de leurs supplications ne sont bientôt plus que des cadavres. Les Zouaves règlent leurs comptes !

Le Lieutenant Pellegrin, qui excite les hommes, est tué raide d'un coup de pistolet en pleine figure; l'Aspirant Derivaux, près de lui a le même sort. Ils seront bientôt vengés !

Le Bataillon se reforme au-delà de la tranchée, et, renforcé par la 11ème Compagnie, repart à l'attaque du village. Les premières maisons sont atteintes. On se fusille à bout portant. Dans les tranchées, dans les boyaux, de part et d'autre des pare-éclats, pendant 10 minutes, c'est une lutte acharnée, terrible. Le Sergent Houet, le Lieutenant R. d'Humières, les Caporaux Riffet, Balussou, le soldat Valéro tombent en entraînant leurs camarades, mais les Zouaves ont juré qu'ils auraient le village et ils tiennent parole. À 16 h. 30 ils en occupent les dernières maisons; 2 Mitrailleuses, 130 prisonniers, soldats d'infanterie et chasseurs Wurtembergeois restent entre leurs mains. Ce beau succès venant après les journées de Nieuport, si dures, si déprimantes, surtout au point de vue moral, contribue pour beaucoup à redonner aux hommes cette maîtrise de soi-même, cette confiance dans leur valeur, qu'un long séjour dans les tranchées semblait avoir diminuées.

Du 26 avril au 4 mai, les deux bataillons occupent successivement le village que les Boches, furieux de leur échec, bombardent effroyablement; nous avons encore des pertes et ce ne sera qu'une poignée d'hommes que le 418ème R.I. relèvera dans la soirée du 4. Les débris des deux bataillons rentrent le 6 à Coxyde; la population qui a appris leur magnifique succès et en comprend la portée, leur fait une réception enthousiaste.

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O O

S’il fallait se convaincre de la dureté des combats et de l’ampleur des pertes au cours de cette seconde bataille d’YPRES, la lecture du tableau de l’État des pertes au cours du mois d’avril 1915, figurant à la page 176 du Journal des Marches et Opérations du 4ème Régiment de Zouaves y suffirait :

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La lecture de la page 177 du même J.M.O. porte témoignage de la mort du Lieutenant Robert d’HUMIÈRES ; il y figure, au milieu de ses hommes, compagnons d’infortune… et héros tous ensemble !...

Attaque aux gaz

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LA TRAGÉDIE DE SALOMÉ

La Tragédie de Salomé, opus 50, est un drame muet en deux actes et sept tableaux, sur une musique de Florent Schmitt composée en 1907, d’après un poème de Robert d’Humières. Sa durée est d’environ une heure.

Schmitt en tira une suite symphonique en 1910, version de concert pour grand orchestre, avec voix de soprano ou hautbois, dont la durée fut réduite de moitié. De cette version, il en fit également une transcription pour piano.

Genre musique moderne

Musique Florent Schmitt

Texte Robert d’Humières

Durée

approximative 59 minutes (version 1907) 26-28 minutes (version 1910)

Dates de

composition 1907(drame) 1910 (suite)

Partition

autographe Éditions Durand

Création

Théâtre des Arts, Paris, 9 novembre 1907(drame) Concerts Colonne, Paris, 8 janvier 1911 (suite)

Représentations notables

4 avril 1919, Ida Rubinstein à l'Opéra de Paris

Figure 1 - Couverture du programme du "Théâtre des Arts" pour la création de la

"Tragédie de Salomé" en 1907

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Créations et réception

La première audition du mimodrame eut lieu le 9 novembre 1907 au Théâtre des Arts à Paris, l’orchestre était dirigé par Désiré-Émile Inghelbrecht.

Distribution des rôles : Loïe Fuller, Salomé ; J. Zorelli, Hérodias, M. Gorde, Hérode, Lou van Tel, Jean-Baptiste1. L'accueil du public et de la critique fut favorable2.,3

La version pour grand orchestre a quant à elle été créée aux Concerts Colonne le 8 janvier 1911 par Gabriel Pierné4. Elle est dédiée à Igor Stravinski. Une nouvelle fois, le public et de la critique accueillirent favorablement cette œuvre de Schmitt remaniée, qui eut même un écho supérieur à l'œuvre initiale5.

Origines de l'œuvre

Le poème de Robert d’Humières

Salomé dansant devant Hérode, Gustave Moreau, 1876

Quelques mois après la première représentation de Salomé de Richard Strauss, donnée au Théâtre du Châtelet en mai 1907, Robert d’Humières, traducteur de Kipling et nouvellement nommé directeur du Théâtre des Arts6, décidait de monter un spectacle chorégraphique, librement inspiré du personnage biblique de Salomé et écrit pour la danseuse Loïe Fuller. D’Humières, qui avait entendu peu auparavant le Psaume XLVII de Florent Schmitt et s’était enthousiasmé, sollicita naturellement le compositeur durant l’été 1907, par l’intermédiaire de Jean Forestier, un ami de Schmitt7.

Florent Schmitt avait notamment découvert la musique de la Turquie orientale durant son séjour à la Villa Médicis et devait par la suite composer plusieurs partitions inspirées de personnages de l’Antiquité et de la mythologie (Antoine et Cléopâtre, Salammbô). Il accepta aussitôt la proposition, et composa la Tragédie de Salomé en deux mois, durant l’automne 1907.

Schmitt devait cependant se heurter à un obstacle majeur : Il fut contraint de réduire l’effectif orchestral à une vingtaine d’instrumentistes, compte tenu de l’infrastructure exiguë du théâtre des Arts7, ce qui représentait un défi pour lui qui avait récemment prouvé son goût pour les grandes orchestrations. (Psaume XLVII). Par ailleurs, la création parisienne de Salomé de Richard strauss venait d’avoir lieu quelques mois auparavant, et même s’il s’agissait ici d’un genre musical différent, Schmitt n’aurait pu supporter une comparaison qui aurait tourné à son désavantage. Il sut contourner cet obstacle de taille par une subtile orchestration, qui maniait habilement les contrastes de la partition, et mettait en valeur une grande diversité sonore7.

Recherche d’exotisme et mythe de Salomé

En France, la Belle Époque manifeste un engouement musical marqué pour un exotisme plus ou moins orientaliste8, qui influença nombre de compositeurs pendant plusieurs décennies, tant en France qu’à l’étranger. Hérodiade de Jules Massenet (1881) est l’une des premières œuvres d’envergure qui va chercher son inspiration dans une atmosphère "orientalisante", avant Pagodes,

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première pièce des Estampes (1903) de Claude Debussy ou Shéhérazade de Maurice Ravel qui lui est contemporaine. En Allemagne, le personnage de Salomé inspira Richard Strauss, avec son opéra homonyme, (1907), puis Antoine Mariotte (1908). Plus de quarante ans après Hérodiade de Massenet, Puccini composa Turandot, son ultime œuvre dans laquelle on peut encore parler "d'atmosphère orientale".

L’année musicale 1907

Salomé, Henri Regnault, 1870 Au moment où Schmitt accepte la proposition de Robert d’Humières, il a déjà composé son monumental Psaume, et entrepris l’écriture du Quintette pour piano et cordes, commencé deux ans plus tôt à Rome. Il terminera celui-ci en 1908, soit après sa Tragédie de Salomé. Debussy travaille à son second livre des Images : Cloches à travers les feuilles, Et la lune descend sur le temple qui fut, Poissons d’Or, qui sera publié l’année suivante. Ravel, quant à lui, écrit sa Rapsodie espagnole. Le printemps musical en France a été marqué par la création à Paris de Salomé de Richard Strauss, donné le 8 mai au Théâtre du Châtelet, et seulement deux jours plus tard, celle d'Ariane et Barbe-Bleue de Paul Dukas à l’Opéra Comique. C’est aussi l’année de la création des ballets russes de Serge de Diaghilev.

L’œuvre originale

L’effectif orchestral

Il comprend : Un quintette de cordes, une harpe, une batterie sommaire, une flûte, un hautbois, un cor anglais, une clarinette, un basson, deux cors, une trompette, deux trombones. Un premier tableau d'exposition nous dévoile un décor somptueux, le Palais d’Hérode, et sa terrasse, surplombant la Mer Morte. Puis, nous assistons à six danses, soit autant de visages de la personnalité de Salomé : de l'insouciance de sa jeunesse jusqu’à l'effroi, en passant successivement par l’orgueil, la sensualité, la cruauté et la luxure, on observe une progression dramatique que l'on retrouve étayée par la partition de Schmitt, qui, fasciné par l'Orient, a composé une œuvre intense et envoûtante, se prêtant parfaitement à la représentation scénique. La musique envoûte par ses différentes palettes de couleurs tantôt sombres, tantôt éclatantes, et par son audace tant harmonique que rythmique. Certains musicologues ont décelé dans les rythmes saccadés de la danse de l’effroi, les prémices du futur Sacre du Printemps de Stravinski9.

Dans le poème de Robert d’Humières, la tension se joue non pas entre Salomé et Jean-Baptiste, mais entre elle et son beau-père Hérode, qu’elle tente de séduire à tout prix par ses danses provocantes. C’est dans ce duel que sont perceptibles la sensualité et la tragédie du livret, et l’issue fatale de l’œuvre, qui se veut avant tout morale, fait disparaître Salomé, finalement engloutie dans une véritable apocalypse.

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Argument

1er tableau Le soleil se couche. Jean apparaît et traverse lentement la terrasse. Autour de lui, tout le scandalise : l'atmosphère de soupçon et de luxure, l'odeur de harem et de bourreau. The Danse of Salome, Robert Fowler, 1885 2e tableau

Des flambeaux éclairent la scène. Leur lumière arrache des étincelles aux étoffes et aux joyaux qui se répandent hors d'un coffre précieux. Danse des Perles

3e tableau Hérode est assis sur le trône, Hérodias à ses côtés. Des femmes apportent des coupes de vin. Danse du Paon 4e tableau La danseuse a disparu. Hérode, d'abord surpris, laisse entrevoir un sentiment de curiosité où affleure le désir naissant. Danse des Serpents 5e tableau Les ténèbres enveloppent Hérode perdu dans les pensées de luxure et de crainte, tandis qu'Hérodias, vigilente, l'épie. Alors, sur la mer maudite, des lumières mystérieuses semblent naître des profondeurs, les architectures de la Pentapole engloutie se révèlent confusément sous les flots, on dirait que de vieux crimes renaissent et invitent Salomé. Enchantements sur la mer, Danse de l'Acier, Chant d'Aiça.

L'Apparition, aquarelle, Gustave Moreau 6e tableau Le ciel s'est obscurci. Un tonnerre lointain roule. Salomé commence à danser. Les ténèbres envahissent la scène et le reste du drame ne s'entrevoit que par éclairs. C'est la danse lascive, la poursuite d'Hérode. Salomé saisie, ses voiles arrachés par la main du tétrarque. Elle est nue un instant. Mais Jean s'avance et la recouvre de son manteau. Mouvement de fureur d'Hérode vite interprété par Hérodias dont un signe livre Jean au bourreau qui l'entraîne. Le bourreau réapparaît. Il tient la tête sur un plateau d'étain. Salomé s'empare de son trophée. Puis, comme touchée d'une inquiétude soudaine, elle court jusqu'au bord de la terrasse et précipite le plateau sanglant dans la mer. Celle-ci apparaît soudain couleur de sang. Salomé s'abat évanouie. 7e tableau Salomé revient à elle. La tête de Jean apparue la fixe puis disparaît. Elle se détourne : la tête en un autre point

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de la scène la regarde de nouveau. Épouvantée, elle tourne sur elle-même pour fuir les visions sanglantes qui se multiplient, et c'est la danse de la Peur. Un vent furieux enveloppe la danseuse; l'ouragan laboure la mer. Les hauts cyprès se tordent tragiquement, se brisent avec fracas. La foudre s'abat. La chaîne entière de Moab s'embrase. Le Mont Nébo jette des flammes. Tout s'abat sur la danseuse qu'emporte un délire infernal.

La partition de 1910

Dans la suite pour grand orchestre en deux parties (1910), avec chœur féminin, voix de soprano ou hautbois, Florent Schmitt supprima les parties suivantes : Danse du Paon, Danse du Serpent, Danse de l’Acier, ce qui réduisit l’œuvre environ de moitié. Ainsi, il put offrir à l’orchestre élargi la capacité d’exploiter pleinement les ressources et la richesse de la nouvelle partition, dont l'exubérance convenait mieux à son tempérament passionné de coloriste romantique7.

1e partie • Prélude • Danse des Perles

2e partie • Les Enchantements sur la mer • Danse des éclairs • Danse de l’effroi

Représentations scéniques

Loïe Fuller

Après Loïe Fuller qui triompha au Théâtre des Arts à Paris lors de sa création, La Tragédie de Salomé, inscrite au répertoire de l’opéra dans les années 1910, fut reprise de nombreuses fois à la scène au cours du XXe siècle, notamment par Natalia Trouhanowa10. En 1919, la danseuse Ida Rubinstein remporta un vif succès à l'Opéra de Paris, avec le ballet dirigé par M. Guerra et Camille Chevillard au pupitre de l'Orchestre de l’Opéra; les costumes et décors étaient dus à M. Piot11. D'autres danseuses, notamment Tamara Karsavina et Yvonne Daunt, ont été aussi plus tard applaudies dans le rôle titre12. La

Tragédie de Salomé a fait l'objet d'un ballet chorégraphié par Boris Romanow, interprété par Tamara Karsavina dans des décors et costumes de Serge Soudeïkine ; cette œuvre fut créée au Théâtre des Champs Élysées par les Ballets russes en 1913.

Créations à l’étranger

Aux États-Unis, on put entendre pour la première fois La Tragédie de Salomé au Symphony Hall de Boston, le 28 novembre 1913. Karl Muck dirigeait le Boston Symphony Orchestra. Mais l'accueil y fut beaucoup plus mitigé qu'à Paris, et tout en reconnaissant certaines qualités à l'œuvre, la critique fut plutôt déconcertée par sa nouveauté13. À New York, la création eut lieu au Carnegie Hall par les mêmes interprètes, le 10 janvier 191414.

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Critiques

En 1912, Stravinski écrivait à Florent Schmitt12 :

« Clarens, 2-11-1912. Cher et très cher ami, quand est-ce que votre géniale Salomé paraîtra afin que je puisse passer d'heureuses heures en la jouant d'un bout à l'autre à la folie. Je dois avouer que c'est la plus grande joie qu'une œuvre d'art m'ait causée depuis longtemps. Et c'est sans flatterie ! Croyez-moi ! Je suis fier qu'elle me soit dédiée. Votre Igor Strawinsky. »

Discographie

Version originale de 1907

• Orchestre Philharmonique de Rhénanie-Palatinat, direction Patrick Davin, Marie-Paule Fayl, voix ; Ludwigshafen, 18/19-12-1991, Ed. Naxos

Versions pour grand orchestre, chœur et soprano ou hautbois

• Detroit Symphony Orchestra, dir. Paul Paray, Mercury, rééd. 1994 • New Philharmonia Orchestra, dir. Antonio de Almeida, RCA, 1970 • Orchestre National de l’ORTF, dir. Jean Martinon, enr. oct. 1972, rééd.1987 ; EMI • Nouvel Orchestre philharmonique, dir. Marek Janowski, enr. oct. 1988, Erato, coll.

Musifrance, 1990 • BBC National Orchestra and Chorus of Wales, dir. Thierry Fischer, Hyperion, 2008

Enregistrements historiques

• Walther Straram Concerts Orchestra, dir. Florent Schmitt, enr. Avril 1930, Paris, Emi Classics, coll. Composers in person, rééd.1993

• Orchestre symphonique de Paris, dir. Piero Coppola, Gram. W- 1055/57 (78 tours)15 • Orchestre de la Société des concerts du Conservatoire, dir. Charles Munch • Orchestre de l’opéra, dir. Pierre Dervaux, SALP 530. Marconi (33 tours)15

Transcription pour piano

• Vincent Larderet (premier enregistrement mondial)16

Annexes

Bibliographie

• Yves Hucher, Florent Schmitt, Paris, Éditions Le Bon Plaisir, Librairie Plon, Éditions d'aujourd'hui, 1953, 1983, 276 p. (ISBN 2-7307-0206-7)

• Madeleine Marceron, Florent Schmitt, éd. Ventadour, coll. Musiciens d'aujourd'hui, Paris, 1959, 48 p.

• Catherine Lorent, L'inspiration orientale dans l'œuvre de Florent Schmitt, thèse de doctorat

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Notes et références

1. ↑ Le Figaro, 9/11/1907, Gallica.bnf; p.4 [archive] 2. ↑ Le Figaro, 10/11/1907, Gallica.bnf; p.4, comte-rendu de la soirée [archive] 3. ↑ Annales du Théâtre et de la Musique (1908/T33), Gallica.bnf; vues 500-01-02=p.469-70-71 [archive] 4. ↑ Annales du Théâtre et de la musique, Édouard Noël, Edmond Stoullig :1912 (T37) p.533-34, vues 556-557,

Gallica, Bibliothèque numérique [archive] 5. ↑ Le Figaro, 9/1/1911, p.5, vue n°5, Robert Brussel, Gallica, Bibliothèque numérique [archive] 6. ↑ Aujourd’hui, théâtre Hébertot 7. ↑ a, b, c et d Catherine Lorent, Texte de présentation du cd La Tragédie de Salomé, version originale de 1907,

Orchestre Philharmonique de Rhénanie-Palatinat, dir. Patrick Davin; éd. Naxos, coll. Patrimoine, NAXOS 8.550895, 1991-93

8. ↑ Paul Griffiths, Marie-Alyx Revellat (traduction), Brève histoire de la musique moderne, Paris, Thames and Hudson, Fayard (traduction), coll. « Les chemins de la musique », 1978 (réimpr. 1992, 1995), 185 p. (ISBN 2-213-02999-7)

9. ↑ (en) Martin Cooper, La Musique française depuis la mort de Berlioz jusqu’à la mort de Fauré, London, Oxford University Press, 1951

10. ↑ Le Figaro, 24/4/1912 p.4 [archive] 11. ↑ Antoine Banès, Le Figaro, 5/4/1919; p.3; Représentation du 4/4/1919, Gallica.bnf [archive] 12. ↑ a et b Yves Hucher, Florent Schmitt, éd. d'aujourd'hui, Paris, 1953, p.163, 277 pages, Copyright 1983 13. ↑ (en) Boston Evening Transcript, 29/11/1913, p.6, vue n°20 [archive] 14. ↑ (en) New York Times, 11/1/1914 [archive] 15. ↑ a et b Madeleine Marceron, Florent Schmitt, éd. Ventadour, coll. Musiciens d'aujourd'hui, Paris, 1959, p.46-47 16. ↑ Notice de l'enregistrement, éditions Naxos 17. ↑ Éditeur : A. Durand & fils, Paris, 1913 [1] [archive]