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Cahier du « Monde » N o 21526 daté Jeudi 3 avril 2014 - Ne peut être vendu séparément Des couleurs dans l’assiette L’épidémiologiste Serge Hercberg propose un nouvel étiquetage pour mieux apprécier la valeur nutritionnelle des aliments. Une mesure plébiscitée par les associations de consommateurs, mais décriée par l’industrie agroalimentaire. PAGES 4-5 Maths : un prix entre déterminisme et hasard I l n’y a pas de prix Nobel pour les mathémati- ques. La médaille Fields ne joue pas ce rôle puis- qu’elle n’est remise qu’à des mathématiciens de moins de 40 ans. Le prix Abel est en revanche plus proche du prix Nobel car il récompense l’ensem- ble d’une œuvre. L’Académie des sciences de Norvège vient d’annoncer que c’est le mathématicien russe Yakov Sinaï, professeur à l’université de Princeton et à l’Institut Landau de Moscou, qui recevra le prix en 2014 « pour ses contributions fondamentales aux sys- tèmes dynamiques, à la théorie ergodique et à la physi- que mathématique ». En termes moins savants, il s’agit des rapports entre déterminisme et hasard. Parfois, un phénomène aléa- toire semble prédictible, et d’autres fois c’est l’in- verse : ce qu’on pense être déterministe est en prati- que aléatoire. Jouez par exemple 1 million de fois à « pile ou face » : je peux vous affirmer que vous tire- rez « face » entre 499 000 et 501 000 fois (et la proba- bilité que je me trompe est très faible, inférieure à 5 %). Pour ce jeu de hasard, il est donc possible de faire une prévision assez précise du résultat. A l’in- verse, si vous lancez une bille dans un jeu de flipper, on pourrait en théorie déterminer sa trajectoire, qui n’est après tout qu’une suite de simples rebonds. Mais ces rebonds sont trop nombreux pour qu’on puisse les suivre tous et le mouvement de la bille nous semble aléatoire. On parle parfois de chaos dé- terministe. C’est ce va-et-vient entre déterminisme et hasard qu’on appelle « la théorie ergodique des systèmes dy- namiques », énoncé par le physicien autrichien Lud- wig Boltzmann à la fin du XIX e siècle. L’air qui nous entoure est constitué d’un nombre gigantesque de molécules qui rebondissent les unes contre les autres de manière incessante, un peu comme dans un flip- per. Il est impossible de suivre le mouvement de cha- cune d’entre elles. Boltzmann propose alors de faire « comme si » le mouvement était aléatoire : c’est le début de la physique statistique. Sinaï est sans conteste un mathématicien mais sa réflexion se nourrit en permanence de la physique. Une partie de ses travaux consiste à établir rigoureu- sement certaines des intuitions de Boltzmann. On lui doit, par exemple, une étude extraordinairement dé- licate du mouvement d’une bille sur une table de billard au milieu de laquelle on a déposé un obstacle circulaire. On peut voir ce « billard de Sinaï » par exemple dans www.chaos-math.org/fr. Depuis toujours les physiciens et les mathémati- ciens entretiennent des rapports complexes faits d’amour, de haine et d’indifférence… Les uns ne peu- vent exister sans les autres mais certains feignent d’ignorer l’existence de l’autre camp. Cela dépend des individus, des époques et des pays. La science soviéti- que des années 1960 avait largement favorisé la colla- boration étroite entre les deux disciplines. Dans un entretien sur le site du prix Abel, Sinaï exprime avec force son admiration pour l’Institut Landau de Mos- cou : « Les mathématiciens et les physiciens y tra- vaillaient ensemble, et surtout se comprenaient. » Un peu plus loin, il affirme que « les mathématiques devraient être plus proches du problème du climat ». Le système climatique, avec tous ces vents et ces cou- rants marins en interaction permanente fait en effet penser à un immense jeu de billard… de Sinaï ? p Démasqués par le scanner Originaires de Guinée, des masques présentés au Musée du quai Branly à Paris voient leur structure dévoilée par l’imagerie médicale. PAGE 3 La physique en héritage Fille et petite-fille de Prix Nobel, Hélène Langevin-Joliot évoque son parcours et la marche actuelle de la science. Entretien. PAGE 7 Etrange été en Antarctique La saison qui s’achève à la base Dumont- d’Urville a vu mourir tous les poussins adélie, tandis que le navire ravitailleur n’a pu accoster. PAGE 2 SAMUEL GUIGUES POUR « LE MONDE » carte blanche Etienne Ghys Mathématicien, directeur de recherche au CNRS à l’Ecole normale supérieure de Lyon. [email protected] (PHOTO: FABRICE CATERINI)

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Cahier du « Monde » No21526 daté Jeudi 3 avril 2014 ­ Ne peut être vendu séparément

Descouleursdansl’assietteL’épidémiologisteSergeHercbergproposeunnouvelétiquetagepourmieuxapprécierlavaleurnutritionnelledesaliments.

Unemesureplébiscitéeparlesassociationsdeconsommateurs,maisdécriéeparl’industrieagroalimentaire.PAGES 4-5

Maths :unprixentredéterminismeethasard

I l n’y a pas de prix Nobel pour lesmathémati­ques. Lamédaille Fields ne joue pas ce rôle puis­qu’elle n’est remise qu’à desmathématiciens demoins de 40 ans. Le prix Abel est en revanche

plus proche du prix Nobel car il récompense l’ensem­ble d’uneœuvre. L’Académie des sciences de Norvègevient d’annoncer que c’est lemathématicien russeYakov Sinaï, professeur à l’université de Princeton et àl’Institut Landau deMoscou, qui recevra le prix en2014 « pour ses contributions fondamentales aux sys­tèmes dynamiques, à la théorie ergodique et à la physi­quemathématique ».En termesmoins savants, il s’agit des rapports entre

déterminisme et hasard. Parfois, un phénomène aléa­toire semble prédictible, et d’autres fois c’est l’in­verse : ce qu’on pense être déterministe est en prati­que aléatoire. Jouez par exemple 1million de fois à« pile ou face » : je peux vous affirmer que vous tire­rez « face » entre 499 000 et 501 000 fois (et la proba­bilité que jeme trompe est très faible, inférieure à5 %). Pour ce jeu de hasard, il est donc possible defaire une prévision assez précise du résultat. A l’in­

verse, si vous lancez une bille dans un jeu de flipper,on pourrait en théorie déterminer sa trajectoire, quin’est après tout qu’une suite de simples rebonds.Mais ces rebonds sont trop nombreux pour qu’onpuisse les suivre tous et lemouvement de la billenous semble aléatoire. On parle parfois de chaos dé­terministe.C’est ce va­et­vient entre déterminisme et hasard

qu’on appelle « la théorie ergodique des systèmes dy­namiques », énoncé par le physicien autrichien Lud­wig Boltzmann à la fin du XIXe siècle. L’air qui nousentoure est constitué d’un nombre gigantesque demolécules qui rebondissent les unes contre les autresdemanière incessante, un peu comme dans un flip­per. Il est impossible de suivre lemouvement de cha­cune d’entre elles. Boltzmann propose alors de faire« comme si » lemouvement était aléatoire : c’est ledébut de la physique statistique.Sinaï est sans conteste unmathématicienmais sa

réflexion se nourrit en permanence de la physique.Une partie de ses travaux consiste à établir rigoureu­sement certaines des intuitions de Boltzmann. On lui

doit, par exemple, une étude extraordinairement dé­licate dumouvement d’une bille sur une table debillard aumilieu de laquelle on a déposé un obstaclecirculaire. On peut voir ce « billard de Sinaï » parexemple dans www.chaos­math.org/fr.Depuis toujours les physiciens et lesmathémati­

ciens entretiennent des rapports complexes faitsd’amour, de haine et d’indifférence… Les uns ne peu­vent exister sans les autresmais certains feignentd’ignorer l’existence de l’autre camp. Cela dépend desindividus, des époques et des pays. La science soviéti­que des années 1960 avait largement favorisé la colla­boration étroite entre les deux disciplines. Dans unentretien sur le site du prix Abel, Sinaï exprime avecforce son admiration pour l’Institut Landau deMos­cou : « Lesmathématiciens et les physiciens y tra­vaillaient ensemble, et surtout se comprenaient. »Un peu plus loin, il affirme que « les mathématiques

devraient être plus proches du problème du climat ». Lesystème climatique, avec tous ces vents et ces cou­rantsmarins en interaction permanente fait en effetpenser à un immense jeu de billard… de Sinaï ? p

Démasqués par le scannerOriginaires de Guinée, desmasquesprésentés auMusée du quai Branlyà Paris voient leur structure dévoiléepar l’imageriemédicale. PAGE 3

La physique en héritage Filleet petite­fille de Prix Nobel, HélèneLangevin­Joliot évoque son parcourset lamarche actuelle de la science.Entretien. PAGE 7

Etrange été enAntarctique Lasaison qui s’achève à la base Dumont­d’Urville a vumourir tous lespoussins adélie, tandis que le navireravitailleur n’a pu accoster. PAGE 2

SAMUEL GUIGUES POUR « LE MONDE »

c a rt e b l an ch e

EtienneGhysMathématicien, directeur

de recherche auCNRS à l’Ecolenormale supérieure de Lyon.etienne.ghys@ens­lyon.fr

(PHOTO: FABRICE CATERINI)

2 | 0123Jeudi 3 avril 2014 | SCIENCE &MÉDECINE | A C T U A L I T É

SaisonmortelleenAntarctiquee n v i r o n n e m e n t | Lesconditions,notammentatmosphériques,onteuuneffetcalamiteux

surlareproductiondesmanchotsAdélie.Aucunpoussinn’asurvécucetteannée

marion spée

C’ est la fin de l’été austral enAntarctique. Les scientifi­ques et le personnel techni­que venus sur la base Du­mont­d’Urville pour la sai­son sont partis, laissant

derrière eux 25 hivernants, seuls jusqu’en oc­tobre. La base est située sur l’île des Pétrels, enbordure du continent, et accueille chaque an­née des milliers oiseaux venant s’y repro­duire. Mais cette saison sera à graver dans lesannales, de l’avis de tous. Toutes les espèces – ycompris l’humaine – ont connu des déboires,plus oumoinsmarqués.« Les pétrels des neiges ont souffert de la pluie,

les fulmars étaient là mais ne se sont pas repro­duits, les manchots empereurs ont eu un succèsreproducteur très faible », énumère ChristopheBarbraud, chercheur au Centre d’études biolo­giques de Chizé (Deux­Sèvres). Une situationinédite. Pendant leur période de reproduction,ces oiseaux marins sont dépendants des con­ditions environnementales, à la fois en mer,où ils se nourrissent, et à terre, où ils prennentsoin de leur progéniture. Ainsi, les deux pa­rents alternent voyages en mer et présence àterre.Mais chez lesmanchots Adélie cette stratégie

a été mise en échec, aucun poussin n’a sur­vécu. Pour Thierry Raclot, chercheur CNRS audépartement d’écologie, physiologie et étholo­gie de l’université de Strasbourg et spécialistede cette espèce, « c’est du jamais­vu ». « Le suc­cès reproducteur oscille en général entre 0,3 et1,2 poussin par couple ». Sachant qu’il y a envi­ron 15000 couples sur la base, entre 4500 à18000 auraient dû survivre !

Retour sur une saison mortelle pour cesmanchots. « Le 26 octobre, à mon arrivée, il n’yavait aucun adélie, on se serait cru en hiver », sesouvient Christophe Barbraud. Quand ils ontenfin gagné la base, avec une semaine de re­tard, « ils n’étaient pas très gras », note ThierryRaclot. Lemâle est celui qui jeûne le plus long­temps, jusqu’à cinquante jours. C’est en effetlui qui commence l’incubation desœufs, aprèsla ponte, quand la femelle part en mer s’ali­menter. Alors s’il manque de réserves et que lafemelle reste en mer trop longtemps, les con­ditions sont réunies pour qu’il ne soit pas ca­pable d’attendre le retour de sa dame et aban­donne son nid. Effectivement, il y a eu 15 %d’abandon à ce stade contre 2% à 5% les autresannées.Quel était le problème ? On était en novem­

bre et la banquise n’avait toujours pas débâclé.La partie de la banquise qui part petit à petit àcette période était solidement fixée. « Norma­

lement on trouve une polynie [zone d’eau libreaumilieu de la banquise] à environ 40km de labase, les manchots peuvent y nager et rejoindreplus vite leur zone d’alimentation située au­delàdu pack », explique Marie Pellé, une scientifi­que habituée des séjours dans cette contrée.« Cette année, la polynie s’est ouverte en août,puis a gelé en octobre pour ne se rouvrir que dé­but décembre. » Autrement dit, les manchotsont dû parcourir 90 à 100km en marchantpour trouver l’eau libre.Les voyages suivants ont aussi été plus longs,

si bien qu’au moment de l’éclosion, le parentqui, normalement, revient nourrir son nou­veau­né, est arrivé tard et avec peu de vic­tuailles. « Les poussins ont dû jeûner pendantleurs quatre ou cinq premiers jours de vie », ra­conte Thierry Raclot. Pas idéal pour débuter. Ilfaut dire aussi que les trois jours de pluie con­sécutifs qui ont inondé les nids fin décembren’ont pas aidé. Les poussins n’étant pas encoreisolés thermiquement, de 30% à 40% sontmorts de froid. Selon Didier Lacoste, chef tech­nicien du centreMétéo France àDumont­d’Ur­ville, « c’est un phénomène raremais pas excep­tionnel ». Ce qui l’est plus en revanche, ce sont

les neuf jours consécutifs de températures po­sitives enregistrées sur la base. « Cela n’a ja­mais été observé depuis le début desmesures enjanvier 1956 », affirme Olivier Traullé, chef ducentreMétéo France à Dumont­d’Urville.Mais alors, pourquoi la glace tient­elle

autant ? Pour David Salas, chercheur au Centrenational de recherche météorologique, « sil’océan sous la glace reste froid et que celle­cis’est formée en conditions stables (peu de ventet de houle), alors elle sera solide et peu sensibleà un réchauffement de l’atmosphère ». Il ajoutequ’il faudrait connaître l’histoire de la ban­quise pour comprendre plus précisément cequi s’est passé.Fin décembre ­ début janvier, la polynie était

là, mais il restait encore plus de 20km de ban­quise devant la base. Les voyages enmer conti­nuaient à être plus longs et les poussins enpleine croissance manquaient de nourriture.« Nous avons compté 31 poussins vivants finjanvier pour environ 15 000couples », préciseThierry Raclot. On connaît la suite, aucun d’en­tre eux n’a survécu. La mauvaise performancedesmanchots Adélie aurait aumoins pu profi­ter aux skuas, prédateurs desœufs et poussins,

mais eux aussi ont passé unemauvaise saison.« L’échec des adélie concernant les œufs leur aété bénéfique à court termemais ensuite, quandil leur a fallu nourrir leur propre poussin avecdes poussins d’adélie, ils se sont retrouvés sansressources », explique Christophe Barbraud.Les oiseaux ne sont pas les seuls à avoir subi

ces conditions de glace particulières. « La per­sistance de la banquise a eu un effet sur l’acti­vité dans son ensemble », assure Patrice Go­don, chef de la logistique polaire à l’Institut po­laire français Paul­Emile­Victor. « C’est lapremière fois que le bateau n’atteint pas labase », explique­t­il, lui qui a passé 34 saisonsen Antarctique. « Au mieux il s’en est approchéà 20 km. » Le bateau, c’est l’Astrolabe, le navirepolaire français qui effectue des allers­retoursentre Hobart et Dumont­d’Urville pendantl’été austral pour apporter vivres, matériels etpersonnels.Un ravitaillement qui profite aussi à Concor­

dia, la station franco­italienne située à1 100 km à l’intérieur du continent. Problèmed’accessibilité du bateau oblige, deux hélicop­tères affrétés en février ont finalement permisde transférer assez de fioul et de nourriturepour que les hivernants passent effectivementl’hiver sur place. Sans quoi, leurmission auraitété annulée. Chacun espère que cela se passeramieux en 2015.Si on récapitule, la polynie n’est apparue que

très tard et la banquise n’a jamais débâclé.Deux ingrédients­clés à l’origine de l’héca­tombe des manchots. Mais qu’est­ce qui régitl’état de la glace de mer ? « D’un côté on a lesconditions atmosphériques (vent, marée, cou­rants océaniques) qui ont tendance à fragiliserla glace, et, de l’autre, les conditions géographi­ques (présence d’icebergs ou de glaciers) quivont au contraire piéger la banquise et la proté­ger », explique Lydie Lescarmontier, postdoc­torante à l’université nationale australienne(Canberra). « Il est difficile de déterminer unphénomène en particulier qui expliquerait la si­tuation présente, car tous ces processus intera­gissent. » Ce qui semble établi, c’est que « si labanquise persiste autour de Dumont­d’Urville,elle va devenir de plus en plus épaisse. Retrouverde l’eau libre à conditions égales n’en sera queplus difficile », conclut Lydie Lescarmontier. p

UneffortinternationalcontrelesmaladiestropicalesnégligéesUnpartenariatpublic­privéafourni1,3milliarddetraitementspoursoignerunsixièmedelapopulationmondiale

paul benkimoun

R éunis à l’Institut PasteurdeParis,mercredi 2 avril,lesmembresdupartena­riat « S’unir pour com­

battre les maladies tropicales né­gligées » devaient présenter unbilan positif des actions menéesdepuis deux ans et annoncent denouveaux engagements.Constitué à Londres le 30 jan­

vier 2012, le partenariat rassem­ble notamment treize laboratoi­res pharmaceutiques, la Banquemondiale, les structures d’aide audéveloppement des gouverne­ments américain et britannique,et la FondationBill etMelindaGa­tes (FBMG).Touchant les populations les

plus pauvres et les plus vulnéra­

bles dans le monde, les maladiestropicales négligées (MTN)mena­cent un habitant de la planète sursix de maladie, de handicap oud’être défiguré. Cette année, unaccent particulier est mis sur lalutte pour éradiquer les maladiesliées à des vers transmis par lebiais du sol, avec un financementglobal de 120 millions de dollars(87 millions d’euros). Quelque800 millions d’enfants viventdans des zones touchées par cesparasitoses.

Plans nationauxDans la déclaration de Londres,

le partenariat s’était donné l’ob­jectif de contrôler ou d’éliminer,d’ici à la fin de la décennie, la plu­part de dix MTN : filariose lym­phatique, onchocercose, tra­

chome, vers transmis par le sol,schistosomiase, lèpre, leishma­niose viscérale, maladie de Cha­gas, trypanosomiase humaineafricaine, dracunculose (maladiedu ver deGuinée).Publié le 2 avril, le rapport du

partenariat constate des progrèsaccomplis au cours des deux der­nières années. A commencer parla prise de responsabilités despays concernés. Plusde 70d’entreeux, parmi lesquels certains trèstouchés comme le Nigeria oul’Ethiopie, ont élaboré des plansnationaux contre lesMTN.La demande de médicaments

s’est accrue, en particulier du faitde la promesse faite par les treizelaboratoires pharmaceutiques defaire don de la quasi­totalité destraitements nécessaires pour par­

venir aux objectifs du partena­riat. En 2013, 1,35 milliard de trai­tements ont été donnés notam­ment par Merck, GlaxoSmi­thKline, Eisai ou Johnson& Johnson, ce qui représente unaccroissementdeplusde 35 %parrapport à 2011.

Essais cliniquesPlusieurs nouveaux contribu­

teurs ont rejoint le partenariat,parmi lesquels leQueenElizabethDiamond Jubilee Trust. Les gou­vernements brésilien, chinois, in­dien et nigérian, de même quedes organisations philanthropi­ques d’Argentine ou du Nigeriaont intensifié leurs investisse­ments dans les programmes delutte contre lesMTN.Une compo­sante de la Banquemondiale, l’As­

sociation internationale pour ledéveloppement, a fait jouer desmécanismes rendant disponiblesde nouveaux financements pourun montant de 120 millions dedollars.Le rapport souligne lesavancées

réaliséesvers l’éliminationdecer­taines MTN par plusieurs pays.C’est le cas de la Colombie, qui estdevenue le premier pays touchépar l’onchocercose à avoir pu con­firmer l’élimination de cette ma­ladie responsable de cécités.Les 47 pays d’Afrique subsaha­

rienne, région où surviennent90 % des cas, ont apporté leursoutien à un plan régional visantà l’éradication de l’onchocercose.LaCôted’Ivoire, leNigeret leNige­ria sontparvenusà sedébarrasserdu ver deGuinée.

LeMaroc a fait demême avec letrachome, une autre maladie quirend aveugle.Des progrès encourageants ont

également été accomplis en ma­tière de recherche et développe­ment de nouveaux outils pourcombattre les MTN. Sans nou­veaux médicaments, en particu­lier sous forme pédiatrique, etnouveaux moyens de diagnostic,les objectifs du partenariat nepourront être atteints.Des tests diagnostiques de la

trypanosomiase humaine afri­caine (maladie du sommeil) utili­sables sur le terrain sont récem­ment apparus, et de nouveauxtraitements contre cette maladiemortelle, beaucoup plus facilesd’emploi, font l’objet d’essais cli­niques. p

Lesmanchots ont dûparcourir de 90 à 100 km

enmarchant pourtrouver l’eau libre

Manchots Adélie, sur la base Dumont­d’Urville, située sur l’île des Pétrels, près du continent antarctique.JULIEN LABRUYÈRE

Cercle polaire

Pôle Sud

1 500 km

OCÉ

ANAT

LANTI

QUE

OCÉAN

INDIEN

OCÉANPAC IF IQUE

Mer deWeddell

Mer deRoss

Dumont d’Urville

A C T U A L I T É | SCIENCE &MÉDECINE | Jeudi 3 avril 20140123 | 3

GénétiqueUne enzyme salivaire impliquéedans l’obésitéLa concentration dans la salive de l’amy­lase, une enzymedigestive facilitant ladégradation de l’amidon, est corrélée aurisque d’obésité, selon une étude codiri­gée par Philippe Froguel (Institut Pas­teur, Lille, Imperial College, Londres).Cette concentration est directement liéeau nombre de copies du gène de l’amy­lase salivaire (AMY1). L’étude indiqueque le risque d’obésité est huit fois plusélevé pour les 10 %des sujets qui en ontmoins de cinq copies que pour les 10 %des individus en ayant plus de huit Elleétablit un lien génétique entre leméta­bolisme des sucres complexes et l’obé­sité. Lamastication en présence d’uneforte concentration d’amylase pourraitfaciliter leur bonne digestion.> Falchi et al., Nature Geneticsdu 30mars.

PhysiologieLa réduction calorique bénéfiquepour lesmacaquesLa réduction calorique appliquée à l’ali­mentation d’un groupe demacaquesélevés à l’université duWisconsin s’esttraduite par une baisse par trois du ris­que demourir d’unemaladie liée àl’âge, par rapport à desmacaques senourrissant à satiété. Ces observationslancées en 1989 tranchent avec uneétude précédente qui n’avait vu aucunbénéfice chez ces primates d’une tellerestriction de 30 % de l’apport calori­que.Mais une nouvelle analyse de cesdonnées amontré que chez cesmaca­ques, le groupe témoin était lui­mêmeen restriction calorique. Cette observa­tion concorde avec l’allongement de lavie lié à la réduction calorique observéchez les rongeurs, lamouche et le versC. elegans. (JEFF MILLER/UNIVERSITY OFWISCONSIN-MADIS)

> Colman et al., NatureCommunications du 1er avril.

2 992C’est, enmètres, la profondeur recordde plongée atteinte par des baleines àbec de Cuvier (Ziphius cavirostris). Soit1 100mètres de plus que les donnéesprécédentes sur cette espèce et600mètres de plus que le record dé­tenu par un éléphant demer. L’équipeaméricaine qui publie dans PLoS Onedu 26mars son étude sur huit spéci­mens vivant au large de la Californie aaussi enregistré des temps de plongée45 % plus longs que ceux connus jus­qu’alors, soit 137,5minutes. L’étudepermet demieux décrire les différen­ces de comportement entre le jour etla nuit etmontre une diversité ducomportement de cesmammifèresjusqu’alors insoupçonnée.

PhysiqueDes trous font obstaclesaux tremblements de terreDes physiciens duCNRS, de l’InstitutFresnel et de l’entreprise de bâtimentMénard, àMarseille, ont démontré engrandeur réelle l’efficacité d’unnouveauconcept de protection sismique (LeMondedu 29 septembre 2012). Ils ont di­minué par deux l’énergie propagée àquelque cinqmètres dupilon qui a faittrembler la terre. Pour ce faire, ils ontpercé le sol avec trois rangées de dixtrous de 30 centimètres de diamètre et5mètres de profondeur. Cette énergieest en fait retournée vers la sourcecomme si les trous étaient desmiroirs,conformément à la théorie. Cependant,les chercheurs appellent à la prudencequant à une éventuelle généralisation dela technique. Pour chaque sol, il faudraitcalculer la bonne configuration de trouset tenir compte d’effets secondaires, con­centrant l’énergie dans des zones éloi­gnées du bâtiment.> Brûlé et al., Physical Review Letters,du 4 avril.

LescannerfaitparlerlesmasquessacrésdeGuinée

e t h n o l o g i e | LelaboratoireduMuséeduquaiBranlyarecoursàl’imageriemédicalepoursonderlessecretsd’objetsrituels

pierre le hir

C’ est un grand mas­que au faciès terri­fiant, mi­hommemi­bête. Percéd’orbites téné­breuses et d’une

cavité buccale qui semble exhalerune sourde menace, encadré d’uneépaisse crinière végétale, le visageest un indéchiffrable agrégat de cor­nes de gazelle et de buffle, de co­quillages, de noix, de poils, de peau,de terre, de résine et de sang animal.Un assemblage hybride dont seulel’imagerie médicale est parvenue àrévéler une partie – et une partieseulement– dumystère.La pièce est l’une des plus saisis­

santes de la soixantaine réunies parl’exposition « Bois sacré. Initiationdans les forêts guinéennes », présen­tée jusqu’au 18 mai au Musée duquai Branly, à Paris. On y trouve, àcôté de masques rituels, des statuet­tes et des pierres sculptées partici­pant au système initiatique du poro,pratiqué depuis le XVIesiècle enAfri­que de l’Ouest et toujours vivacedans certaines communautés deGuinée, du Liberia ou de Côted’Ivoire.

« Cedevait êtreunmasque trèspuis­sant, dédié à la protection de la com­munauté tout entière, suppute Auré­lien Gaborit, responsable des collec­tions africaines du musée etcommissaire de l’exposition. Portéau­dessus de la tête par un membre

d’une société secrète, il devait être ga­rant de la santé et de la fertilité, chas­sant les ennemis et repoussant les en­vahisseurs. »Du pouvoir occulte de cet objet té­

moigne la charge magique, invisibleà l’œil nu, dont il est porteur. Lesrayons X, en effet, ont fait apparaîtreque les cornes de bovidés, dissimu­lées sous une croûte de sang sacrifi­ciel, étaient emplies de matières or­ganiques animales et végétales ré­

Du pouvoir occultede cet objet

témoigne la chargemagique dontil est porteur

Lalecturerapideenfincrédible?Unestart­upproposed’affichersurécranlestextesmotaprèsmot

hervémorin

L ire deux à cinq fois plusvite? Un rêve que SpritzInc, une start­up améri­caine basée à Boston, dit

avoir réalisé, grâce à un astu­cieuxsystèmed’affichagedetex­tes,mot aprèsmot, à une vitesseque l’internaute peut fixer à saguise. La page d’accueil de Spritz(Spritzinc. com) permet de testerle procédé, qui semble convain­cant : à 250mots à laminute, unpeu plus rapide que la vitesse delecture moyenne (220mots/min), on n’a aucunmal à appré­hender le texteprésenté.A 400mots/min, on parvient

encore à suivre. La cadence de600mots/min est moins lisible,même si les concepteurs deSpritz assurent qu’un peu d’en­traînement suffit pour s’y sentirà l’aise, et que certains individusmaîtrisentencore lesens, sanssefatiguer, à 1000mots/min !

Pour atteindre une telle vélo­cité, Spritz recommande de fre­donner pour supprimer la sub­vocalisation, ce mécanisme deprononciation silencieuse ac­tionnant lesmuscles vocaux quiaccompagnela lecturenormale–et dont certaines expériencesontmontré qu’il contribuait à labonne compréhension et à lamémorisationdes textes.Spritz a en fait recyclé un outil

utilisé depuis les années 1970 enpsychologie expérimentale, laRSVP (pour « Rapid Serial VisualPresentation »), qui consiste àprésenter séquentiellement desmots pour étudier les processusde perception. L’apport de lastart­up a consisté à faire ensorted’aligner lesmots sur la let­tre située au niveau du premiertiersgauchedumot, le« pointdefixationoptimal »:celapermetàl’observateur d’appréhender latotalité de l’item sans effectuerdesaccadesoculaires, lagymnas­

tique qui permet aux yeux deprogresser le longd’untextenor­mal, chaque saut faisant « per­dre » 200 millisecondes. Le sys­tème divise automatiquementlesmotsdeplusde 13 lettres.Spritz, dont la technologie sera

d’aborddisponiblesurunemon­tre connectée de Samsung et undes futurs smartphones de lamarque coréenne, ambitionnederendreaccessibleparsonoutil1 % du corpus textuel mondialen ligne d’ici à 2016. La sociétéprétend – sans fournir d’étudesscientifiques validées – que sonmode de lecture fera gagner dutemps aux lecteurs, sans dégra­dation de la qualité de lecture.Est­ce crédible ?Pour le neuropsychologue Sta­

nislas Dehaene, il est possible dedoubler la présentation d’untexte parlé ou écrit sans en alté­rer la compréhension : « Jusqu’à400mots/min, les aires du lan­gage suivent et sont activées au

même niveau qu’avec une phraseparlée, qui peut aussi être accélé­rée. » Mais dans une étude enimagerie cérébrale fonction­nelle, son équipe a montré (TheJournal of Neuroscience, 2012)qu’à une cadence plus élevée deprésentation, les aires supérieu­res de traitement du langage nepeuventplussuivre: ilexisteunesorte de mémoire tampon quisature et constitue un goulotd’étranglement.

Plusieurs objectionsLe neurologue Laurent Cohen

(Pitié­Salpêtrière) juge, lui aussi,la technologiedeSpritz« intéres­sante », mais soulève plusieursobjections : le mode séquentielde présentation ne permet pasde revenir en arrière, de vérifier,comme on le fait avec un texteclassique, souligne­t­il. Et pourun texte hiérarchisé, la structuren’est pas perceptible. « Je ne saispassi lamémorisationou lacom­

préhension “en profondeur” sefaitaussibienqu’avecuneprésen­tationstandard », s’interroge­t­il.Le spécialiste de cognition vi­

suelle John Henderson (Univer­sity of South Carolina) soulève,lui aussi, dans son blog, plu­sieurs points critiques. Lire untexte, écrit­il, c’est comme se dé­placer sur un terrain accidenté,avec des passages plus ardus qued’autres.Onn’auraitpas l’idéedes’y aventurer les deux pieds re­liés par une corde pour faire despas toujours identiques, sauf àrisquer la chute. C’est pourtantce que propose la lecture enRSVP, analyse­t­il.Spritz sera­t­il donc utile, au­

delà de la lecture d’alertes ou decourtsmessages,pouravalerAlarecherche du temps perdu enquelques heures sur de petitsécrans ? Les laboratoires de psy­chologie expérimentale, commeles internautes, sont libres de lepasser aubancd’essai… p

t é l e s c o p e

duites en poudre, qui lui conféraientsans doute sa force.« Nous avons un partenariat avec la

clinique de l’Alma, qui nous permet deréaliser des scanners de certaines denos pièces, explique ChristopheMoulhérat, responsable du labora­toire de restauration du musée.Grâce à un logiciel spécifique dontnousavonsété lespremiersànousdo­ter, nous pouvons visualiser leur cons­truction complexe, en trois dimen­sions, par une sorte de fouille vir­tuelle. » Il est ainsi possible, sansendommager l’objet, de l’examinersous toutes les coutures, de le décor­tiquer, de sonder sa structure intimeet de mettre au jour, sous l’amal­game qui le recouvre, l’alchimie desstrates et des inclusions de maté­riaux dont il tire son « principe ac­tif ».Mais aussi de partager ces infor­mations avec des spécialistes de lafauneet de la flore, pour en identifierles ingrédients.Plusieurs pièces emblématiques de

l’exposition ont été soumises à laquestion. L’équipe du quai Branly apar exemple découvert, sur un mas­que en bois du Liberia, une cavitéprotégée par des bandes de tissu etservant de réceptacle à des griffes deléopard, des cauris (petits coquillages

associés à la divination), des colliersde graines, une perle de verre ou depierre, des sachets de cuir ou de tissusemblables à des amulettes, maisaussi des fragments d’ossements–animaux ou humains ? – broyés etmêlés à des débris végétaux.« La recette magique des éléments

qu’il contient compte plus que l’objetlui­même, commenteAurélienGabo­rit. Celui qui faisait cette préparationallait chercher la terre ou les plantesdans un lieu où il pensait que les es­prits se rassemblaient, au pied d’ungrand arbre ou au bord d’une rivière.Les masques, utilisés pour des céré­monies d’initiation des jeunes, à unmoment charnière de leur vie où ilsrisquaient de passer sous l’emprise deforces malveillantes, servaient aussilors des événements marquants pourla communauté, comme les funé­railles. » Et même, à armes inégales,magie contre fusils, dans la lutte con­tre les Européens, le Portugal puis laFrance, dont la Guinée fut une colo­nie de 1891 à 1958.Reste que les scanners sont encore

loin d’avoir levé le voile sur les énig­matiques pouvoirs des bois sacrésdes peuples de la forêt, dont la puis­sance de fascination demeure in­tacte. p

Les rayons X révèlent, sous l’amalgame recouvrant ce masque (à gauche), un assemblage de cornes (aumilieu) et la structure en bois de l’objet (à droite).THIERRY OLLIVIER, MICHEL URTADO/MUSÉE DU QUAI BRANLY

4 | 0123Jeudi 3 avril 2014 | SCIENCE &MÉDECINE | É V É N E M E N T

NutritionVersuncodedebonneconduite?

a l i m e n t a t i o n

L’épidémiologistedelanutritionSergeHercbergproposeunétiquetagedelavaleurnutritionnelledesalimentspluscompréhensibleparlegrandpublic.L’industrieagroalimentaireyestdéfavorable

sandrine cabut, pascale santi etlaurence girard

L es aliments auront­ilsbientôt une étiquette decouleur selon leur qualiténutritionnelle, commel’habitat et l’électroména­ger sont notés en fonctionde leurs performancesénergétiques ? C’est ce que

préconise un rapport du professeurSerge Hercberg (Inserm) sur la préven­tion nutritionnelle, remis le 28 janvier àla ministre de la santé Marisol Touraine.Dans le cadre de la stratégie nationale desanté, celle­ci avait demandédesproposi­tions concrètes pour donner un nouvelélan au Programme national nutritionsanté (PNNS, à mi­parcours de son 3e vo­let 2011­2015).SergeHercberg, qui préside le PNNS de­

puis sa création, en 2001, a listé au totalquinze mesures préventives, dont l’em­blématique étiquetage des aliments ma­nufacturés. « Cela fait des années que lesassociations de consommateurs et les nu­tritionnistes plaident pour un systèmesimple avec des pastilles de couleur, quidonnent une idée de la qualité nutrition­nelle globale, explique­t­il. Pour les con­sommateurs, c’est une source d’informa­tion, permettant de comparer des denréesd’unemême famille. »De fait, le dispositif actuel est peu

adapté augrandpublic. L’étiquetage, sou­vent au dos ou sur le côté des emballagesdes aliments, fait en général état de la te­neur en calories, en glucides, lipides (no­tamment graisses saturées), protéines, fi­bres et sodium (sel),mais l’interprétationreste complexe. Et la comparaison entre

produits de différentes marques est plu­tôt fastidieuse. Le nouveau règlementeuropéen Information des consomma­teurs (INCO), qui devra s’appliquer d’ici à2016, va rendre obligatoire les mentionsnutritionnelles sur les produits alimen­taires préemballés sans vraiment boule­verser l’information délivrée aux ache­teurs.

Serge Hercberg s’est appuyé sur la litté­rature internationale, les recommanda­tions de groupes d’experts et l’expé­rience de pays comme le Royaume­Uni,qui a récemment mis en place un sys­tème de feux tricolores. « Toutes les ana­lyses systématiques publiées concluentque les systèmes d’information nutrition­nelle sont susceptibles d’influencer lesconsommateurs et que ces effets touchenttous les groupes de population, notam­ment ceux qui ont les plus faibles niveauxd’éducation, qui sont le plus à risquenutri­tionnel (obèses, hypertendus) ou qui ont leplus faible intérêt pour la nutrition »,écrit­il dans son rapport. Le nutrition­

niste concède toutefois que « les étudesportent sur les comportements d’achat àcourt terme mais ne testent pas l’impactde la mesure mise en place dans la du­rée ».S’inspirant du modèle britannique à

trois couleurs, Serge Hercberg préconiseune échelle plus fine avec cinq couleurs(vert, jaune, orange, fuchsia, rouge).Avantage : « Il est plus facile pour un in­dustriel de faire monter son produit d’unecatégorie avec cinq couleurs qu’avectrois. »Mais laméthode de calcul reste lamêmeque celle des Anglais. Pour chaquealiment sont pris en compte quatre élé­ments plutôt défavorables sur le plannutritionnel : la densité énergétique (ap­port calorique pour 100 g), la teneur en

sucres simples, en graisses saturées et ensel. Chacun de ces items étant noté de 1 à10, le score global est donc compris entre0 (le meilleur sur le plan nutritionnel) et40. Celui­ci peut cependant être mini­misé par la présence dans le produitd’éléments considérés commefavorablespour la santé : fruits ou légumes, fibres,protéines, chacun étant coté de 1 à 5. Lanote finale peut donc théoriquement al­ler de – 15 (dans l’idéal) à + 40.« L’idée n’est pas de stigmatiser un pro­

duit ni d’interdire de manger les produitsrouges, mais de donner des repères », ré­sume le docteur Chantal Julia, de l’équipede recherche en épidémiologie nutri­tionnelle (Bobigny), qui travaille avec leprofesseur Hercberg. Globalement, l’offre

Certains regrettentque le systèmene prenne pasen compte

les additifs, colorants,et les labels bio

U ne seule page sur 152. Levolet prévention surl’alimentation et l’acti­

vité physique n’était que por­tion congrue dans le plan Can­cer présenté début février parFrançois Hollande (consultablesur e­cancer. fr). De nombreusessociétés savantes ont dénoncédans une lettre à laministre dela santé en février ces «modes­tes propositions », et alerté surl’urgence de relancer la politi­que nutritionnelle de la France.Pourtant, de nombreux tra­

vaux scientifiques ontmis enavant le rôle des facteurs nutri­tionnels (qui couplent alimenta­tion et activité physique) surl’état de santé et dans le déter­minisme des principalesmala­dies chroniques (cancers,mala­dies cardiovasculaires, diabète,etc.). Environ un tiers des can­cers les plus fréquents dans lespays industrialisés pourraientêtre évités grâce à la préventionnutritionnelle. Une étude pu­bliée en ligne par le Journal ofEpidemiology and CommunityHealth, lundi 31mars,menéepar l’University College London,montre qu’une consommationd’aumoins sept portions defruits et légumes chaque jourréduit les risques demortalité etdemaladies cardiovasculaires.L’instauration du Programme

national nutrition santé (PNNS),

en 2001, a entraîné des progrès, cequi permet à la France de ne pasêtre tropmal placée en termesd’obésité par rapport au Royau­me­Uni ou à l’Allemagne. L’obé­sité touche toutefois 15 % desadultes en France, le facteur socialétant de plus en plusmarqué.L’Observatoire de la qualité de

l’alimentation (Oqali), créé en2008 et géré conjointement parl’Agence nationale de sécurité sa­nitaire (Anses) et l’Institut natio­nal de la recherche agronomique(Inra), a publié fin 2012 une étudesur les effets des 35 chartes si­gnées alors par les industriels.

Très loin des objectifs fixésSur l’ensemble des produits

concernés, la réduction de sucreétait de 0,4 %, celle d’acides grassaturés de 0,1 à 0,2 %, celle de so­diumde 1,1 % aumieux. Soit trèsloin des objectifs fixés par lePNNS2 en 2006. « Certains pro­duits évoluent dans le sens des re­commandations nutritionnellesmais d’autres s’en éloignent, cons­tateMarine Spiteri, de l’Inra.Dansles produits laitiers frais par exem­ple, le taux de lipides a augmentédans des yaourts au lait fermentégourmands. Demême, en charcu­terie, nous constatons une baissedu sodiumdans le jambon cuit su­périeur, les lardons et les saucis­sons secs, mais une augmentationdans les saucisses de type knack. »

Parallèlement, pour préparer latroisième phase du PNNS qui setermine en 2015, la Direction gé­nérale de la santé a saisi l’Ansesen 2012 sur l’élaboration de nou­velles recommandations alimen­taires. L’Anses rendra un premierrapport fin 2014. « Dans le cadrede cette réévaluation, pour êtreschématique, nous proposeronsdes fourchettes d’apports pouridentifier les aliments, les nutri­ments qui permettent demainte­nir un bon état de santé, tout enprenant en compte les habitudesculturelles ou encore les types depopulations », indique le profes­seur IrèneMargaritis, chef del’unité d’évaluation des risquesliés à la nutrition à l’Anses. Ces re­commandations intégreront l’ac­tivité physique.Demême, une nouvelle grande

étude, Esteban, va être lancéemardi 1er avril par l’Institut deveille sanitaire (InVS) auprès de4000 adultes et 1000 enfantspour décrire la consommation etl’état nutritionnel des Français.« Cela permettra d’identifier parexemple le pourcentage de la po­pulation qui ne respecte par lesrepères nutritionnels », indiqueKatia Castetbon, épidémiolo­giste, responsable de l’unité nu­trition à l’InVS. Autant d’élé­ments destinés à éclairer lapolitique de prévention. p

p. sa. et l. gi.

Unvoletoccultédans le planCancerprésentéaumoisde février

Un garde-manger au banc d’essai

eau laitsodasodalight

jusde

fruits

INFOGRAPHIE LE MONDE

1 1 1 11

2

33

8

44

65

5

13

6

7

Echelle de qualité nutritionnelle des aliments de vert (le meilleur) à rouge (le moins bon). Le(densité énergétique, teneur en acides gras saturés, en sucres simples et en sodium) et trois paramètreset en fibres alimentaires). Pour un même produit, le score dépend des marques.

4 fromages

É V É N E M E N T | SCIENCE &MÉDECINE | Jeudi 3 avril 20140123 | 5

alimentaire comprend de nombreux ali­ments gras et sucrés que le consomma­teur n’identifie pas forcément commetels. » Certains regrettent que le systèmene prenne pas en compte les additifs, co­lorants, et les labels bio.Si le principe d’un tel étiquetage était

retenu, il devrait être validé par l’Agencenationale de sécurité sanitaire de l’ali­mentation, de l’environnement et du tra­vail (Anses), qui fixerait les seuils pourchaque couleur. « L’étiquetage est unoutilde gestion, il ne s’agit que de la partieémergée de l’iceberg de questions scienti­fiques relatives à la nutrition », estimetoutefois la professeure Irène Margaritis,responsablede l’unitéNutritionà l’Anses.Pour l’heure, rienn’estacquis. Leprojeta

reçu le soutien des associations,mais l’in­dustrie agroalimentaire freine des quatrefers. « Nous soutenons le projet et deman­dons au gouvernement français de l’appli­quer », affirme Olivier Andrault, de l’UFC­Que choisir, car, affirme­t­il, « gouverne­ment après gouvernement, il ne se passerien dans la nutrition. Nous en sommesrestés à de vagues chartes d’engagementsvolontaires ». Et d’ajouter : « Avec le règle­ment européen INCO,onaperdu l’occasiond’améliorer l’étiquetage obligatoire. »L’association Consommation, loge­

ment et cadre de vie (CLCV) est sur lamême ligne. « Nous trouvons la proposi­tion deM. Hercberg très ambitieuse. Nousvoulons une information pour éclairer lesconsommateurs dans leur choix. Fairepasser l’idée qu’on a besoin d’un systèmevisible, en face avant des produits, qui per­met de les comparer. Il n’est pas questionde dire : “Toutes les pâtes à tartiner sontétiquetées en rouge et les compotes sanssucre en vert’’. Parmi les pâtes à tartiner,certaines sont plus équilibrées que

d’autres », estime Charles Pernin, de laCLCV. Cette association de consomma­teurs « invite la ministre de la santé à in­clure l’échelle nutritionnelle dans le futurprojet de loi de santé publique ».Pour défendre l’idée, la CLCV a aussi

lancé un sondage en ligne auprès desconsommateurs fin février. Une initia­tivequi lui a permisdevérifier que la pro­position n’était pas du goût de tous. L’as­sociation de consommateurs a publié unmail, envoyé par l’Association nationalede l’industrie agroalimentaire (ANIA) àses membres, qui se conclut par une in­jonction sans ambiguïté : « Nous vous in­citons à répondre massivement à ce son­dage ! »Au final, selonM.Pernin, « sur lesprès de 1 200 réponses reçues, 85 % despersonnes sont favorables à la présence del’échelle nutritionnelle sur l’emballage ». Sile « bourrage des urnes » n’a donc euqu’un effet très limité, il illustre bien l’op­position de l’ANIA sur ce sujet. Même si,pris individuellement, tous les indus­triels n’ont peut­être pas lemême avis.Au­delà des associations historiques de

consommateurs, des mouvements de ci­toyens commencent àvoir le jour. Lepro­jet Open Food Facts (http://openfood­facts.org/), né en mai 2012, milite ainsipour « plus de transparence dans l’indus­trie alimentaire, en particulier sur les éti­quettes », selon son fondateur StéphaneGigandet. Environ 900 contributeursdans le monde entier envoient des don­nées accessibles en open data, sur Inter­net et smartphones. D’autres applica­tions, telle Shopwise, existent pour scan­ner les aliments et identifier leurcontenu.De leur côté, les industriels ne voient

pas d’un bon œil ces dispositifs. L’ANIAestime que le règlement INCO fournit

des « informations simples, objectives etimmédiates » pour évaluer l’apport nu­tritionnel de l’aliment et sa place dansl’alimentation quotidienne par rapportauxbesoins. A contrario, l’associationdel’agroalimentaire juge que « les feux tri­colores [du système anglais] sont uneévaluation subjective. Il s’agit d’un juge­ment de valeur qui est identique quelleque soit la taille de la portion de l’alimentconcerné ou l’alimentation de la per­sonne. Tous les aliments peuvent avoirune place dans une alimentation équili­brée. Tout est une question de quantitéconsommée et de fréquence de consom­mation ».

Des enseignes de la grandedistributionse sont toutefois engagées à clarifier l’in­formation, comme Intermarché, qui amis en place en 2006 Nutripass, un sys­tème de feux tricolores. De même, desdistributeurs travaillent depuis 2006pour améliorer leurs marques de distri­buteur (MDD), comme certains indus­triels, notamment en changeant les re­cettes des produits.La proposition d’étiquetage fait aussi

débat dans le milieu des nutritionnistes.Jean­Michel Lecerf, chef du service nutri­tion de l’Institut Pasteur de Lille, s’estainsi déclaré défavorable à un tel

fléchage, qui « peut avoir des effets per­vers », a­t­il indiqué dans Le Figaro le4 février. « Aucun aliment n’est mauvaisen soi, tout est une question d’équilibre »,ajoutait le nutritionniste, lui­même sou­vent critiqué pour ses multiples liensd’intérêt avec l’industrie agroalimen­taire. Un cas loin d’être unique dans lemilieu des chercheurs en nutrition,comme le souligne Serge Herberg. Lui­même, reconnaît­il, a nouédenombreuxpartenariats avec des industriels pourses études, avant d’abandonner tout fi­nancement privé il y a quelques années.Autre opposition fermement expri­

mée, celle de l’Italie. Par la voix de sami­nistre de l’agriculture, elle a déclaré endécembre 2013 que le système britanni­que, même sur une base volontaire, étaitsusceptible deporter atteinte auprincipede libre circulation des marchandises ausein de l’UE et d’induire en erreur le con­sommateur. Elle estimait que le systèmemenaçait le « régime méditerranéen »,mais aussi les produits d’appellationcomme le fromage ou le jambon, quiauraient, selon elle, pu recevoir un feurouge. Certains ont pensé qu’elle défen­dait ainsi une autre spécialité italienne,unemarque très connue des enfants.Que feront les pouvoirs publics ? Si

l’ambition affichée par le ministère lorsde l’annonce de la stratégie nationale desanté le 23 septembre 2013 est clairequant à la prévention, celui­ci estaujourd’hui très discret. « Les proposi­tions du rapport sont en cours d’analyse »,indique­t­on au cabinet de la ministre.Idem à la Direction générale de la santé.Le professeur Hercberg n’a eu aucuneréaction non plus du côté de l’Assembléenationale et du Sénat, à qui il a fait parve­nir son document. p

La propositiond’étiquetage fait aussidébat dans le milieudes nutritionnistes

AuRoyaume­Uni,la jungledesétiquettes

I l y a les fruits et les légumesqui n’ont pas d’étiquette surleur contenu nutritionnel. L’in­

dication est apposée en revanchesur certaines viandes : le rôti deporc donne au consommateurtoutes les informations nécessai­res (calories, gras, gras saturé, su­cre, sel), mais pas la cuisse de ca­nard. Quant au bacon, il estétiqueté, mais d’une couleur uni­forme, alors que les filets de pouletà la gravy utilisent un système defeu tricolore (rouge pour le sel et legras saturé, orange pour le gras etles calories, vert pour le sucre).Dans les rayonnages d’un super­

marché Sainsbury’s du sud de Lon­dres, il y en a pour tous les goûts…en termes d’étiquetage. Suivant leproducteur, les indications sont àl’avant ou à l’arrière du paquet, lescouleurs sont différentes, les pré­sentations ne sont pas directe­ment comparables… Si bien que lesclients n’y prêtent pas toujours at­tention, et n’en comprennent pastoujours lemessage.« Honnêtement, ça nem’intéresse

pas, témoigne Shawn, un jeunehomme un peu empâté. C’est plu­tôt pratique quand je fais un ré­gime et que je cherche à réduire unecatégorie, par exemple le sel. Maissinon, je les regarde à peine. » Pourune autre cliente, le problème estque les portions ne sont jamais lesmêmes : « Les indications sur lescéréales sont pour 30grammes.Mais c’est combien, 30grammes ?Ce que je veux savoir, c’est combienil y en a dans toute la boîte. »La Grande­Bretagne est l’un des

leaders dans le domaine de l’éti­quetage nutritionnel des aliments.Le pays étant le plus touché parl’obésité en Europe occidentale,l’idée d’un étiquetage obligatoireest en débat depuis une décennie.En 2005, Sainsbury’s a été le pre­mier à introduire son propre sys­tème. L’année suivante, l’agencede sécurité alimentaire a produitun rapport sur le sujet.C’était compter sans la résistance

des grands groupes agroalimen­taires. Après des années de discus­sion et de lobbying, un accord a fi­nalement été trouvé en juin 2013 :l’étiquetage sera volontaire, il n’yaura pas de loi pour l’imposer àtous. En échange, le gouvernementa obtenu que tous les grands su­

permarchés, ainsi qu’une ving­taine demultinationales (Pepsi,Nestlé, Mars…), s’engagent àmet­tre en place un système unifor­misé. Au total, 60 % de l’alimen­taire vendu au Royaume­Uni sontcouverts par l’accord. « Cela évited’imposer une réglementation troplourde au petit producteur agri­cole », justifie un porte­parole duministère de la santé.

Cinq bâtonnets de couleurL’étiquetage choisi est constitué

de cinq bâtonnets de couleur(rouge, orange, verte) dans chaquecatégorie : calories, gras, gras sa­turé, sel et sucre. En dessous, unchiffre indique ce que chaque por­tion représente en pourcentage dela consommationmoyenne nor­male d’un adulte. Par exemple,une portion de poulet à la saucemoutarde et miel compte pour8 % des calories consommées cha­que jour, 4 % du gras, 6 % du sel…Dernier point, essentiel : cet éti­quetage se trouve sur le devant del’emballage. Il est immédiatementvisible pour le client, sans avoirbesoin de regarder à l’arrière.Quand les produits sont compa­

rables, un tel système se révèletrès efficace. Cela permet de serendre compte par exemple que lepâté des Ardennes est plus sainque celui de foie de poulet, ou qu’ilvautmieux prendre la pizza aucheeseburger que celle au doublepepperoni…Dans la pratique pourtant, cette

belle uniformité tarde à sematé­rialiser. Et même si elle semettaiten place, est­ce que cela aurait unimpact sur la consommation ? Laplupart des études sont plutôt en­courageantes. L’une, de l’institutIpsosMori, indique que l’étique­tage influence 80 % des consom­mateurs dans leur acte d’achat.Mais Alizon Draper, spécialiste dela nutrition à l’université deWest­minster et coauteure d’une grandeétude sur le sujet, relativise :« Pour l’instant, on ne sait pas sil’étiquetage a un effet significatifpour pousser les gens à utiliser desproduits plus sains. » A ce stade, ilest trop tôt pour en tirer lamoin­dre conclusion sur la santé des Bri­tanniques. p

eric albert(londres, correspondance)

Outre le système de logo, lesrecommandations de SergeHercberg sur la prévention nu­tritionnelle comptent unequinzaine d’autresmesures.(http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_Herc­berg_15_11_2013.pdf).Mesure phare, la publicité télé­visuelle n’est autorisée dans lajournée (7 heures­22 heures)que pour les aliments ayant unscore nutritionnel considérécomme suffisamment favora­ble. Des systèmes de taxationsont proposés selon la qualiténutritionnelle des aliments. Ilest aussi préconisé de réduireles apports de sel, de favoriserl’allaitement, etc. La pratiqued’une activité physique et spor­tive est aussi conseillée. Paral­lèlement, le rapport comprendune seconde partie avec des« mesures concernant la priseen charge desmaladies liées àla nutrition », sous l’autorité duprofesseur Arnaud Bas­devant. Au­delà de la questionde l’obésité, une attention par­ticulière a été portée à lamal­nutrition et aux désordres ali­mentaires chez les jeunes, et àla dénutrition à tous les âges(http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_Bas­devant_15_11_2013.pdf).

Unequinzainedemesures…

SOURCES : ÉQUIPE ÉPIDÉMIOLOGIE NUTRITIONNELLE; INSERM; INRA; CNAM; UNIVERSITÉ PARIS 13

11

12

10

13

14

AVOINE

915

Le score est calculé pour 100 g à partir de quatre paramètres principauxparamètres complémentaires (teneur en fruits, légumes et noix, en protéines

Au placard

– colza

– palme

– blanc

– complet

– boudoirs

– crêpe nature

– goûter fourré

– croissant

– brownies au chocolat

– flocons d’avoine

– céréales fourrées chocolatou chocolat noisette

9. Pâte à tartiner chocolatée :

10. Riz :

11. Pâtes :

12. Sucre :

13. Biscuits :

14. Céréales :

15. Huiles :

Au réfrigérateur

– eau

– jus de fruit

– emmental

– tomme

–mozzarella

– 4 fromages

– 4 saisons

– soda

– soda light

– lait demi-écrémé

1. Boissons :

2. Beurre :

3. Pizza préparée :

5. Fromages :

6. Fruits et légumes :

7. Frites :

8. Pommes noisettes :

4. Steack haché :(selon sa teneur en graisse)

– doux allégé

– doux ou salé

6 | 0123Jeudi 3 avril 2014 | SCIENCE &MÉDECINE | R E N D E Z ­ V O U S

L a comète s’élance vers la Terreà une vitesse vertigineuse.Dans l’atmosphère, elle n’estplus qu’une énorme boule de

feu. L’impact est dévastateur, avec uncratère de 120 km de diamètre, untsunami inimaginable ainsi que

d’autres catastrophes en chaîne,comme des tempêtes de feux, despluies acides, un long « hiver » dûaux poussières soulevées par l’explo­sion. Le résultat est l’extinction de laplupart des formes de vie sur la pla­nète.C’est l’un des scénarios possibles

pour expliquer la fin des dinosaures,il y a 65millions d’années. L’hypo­thèse a été émise en 1980 par uneéquipe américaine, composée notam­ment du Prix Nobel Luis Alvarez et deson fils, à la suite de l’observationd’une concentration anormalementhaute d’iridium dans certaines cou­ches géologiques. Depuis, plusieurschercheurs ont étudié le possible im­pact de ces catastrophes sur l’évolu­tion de la vie. L’hypothèse d’une pé­riodicité de ces événements,d’environ 35millions d’années, a étéavancée.Un article récent (arxiv, 1403.0576)

propose une explication assez fasci­nante pour cette périodicité. Elle se­rait la conséquence de lamatièrenoire de notre galaxie. Pour expliquerla vitesse de rotation des étoiles, onimagine l’existence d’une nouvellecomposante, non détectée à ce jour,

ditematière noire, parce qu’ellen’émet pas de lumière. Elle seraitcinq fois plus abondante que lama­tière ordinaire ! Les auteurs de l’arti­cle, dont la physicienne Lisa Randall,connue aussi pour sesœuvres de vul­garisation, imaginent que lamatièrenoire comporte un disque dans leplan galactique. Si le Soleil passe pé­riodiquement à travers ce disque, lesforces gravitationnelles pourraientêtre tellement élevées qu’elles déloge­raient certaines comètes de leurs or­bites. Celles­ci se trouveraient dansun grand nuage, dit d’Oort, une gi­gantesque calotte sphérique consti­tuée de toutes sortes d’objets célestes.Si le disque dematière noire est suf­

fisamment dense, le passage du Soleilet du nuage d’Oort à travers celui­cipourrait déclencher des tempêtes decomètes vers la partie la plus internedu système solaire. Le système consti­tuerait alors une espèce de grandehorloge cosmique, avec des catastro­phes planétaires comme coucou.Avant de vous inquiéter, il faut souli­gner que dans cette théorie abondentdes éléments non prouvés à côtéd’autresmieux établis. Si les cratèresd’impact sont une réalité (il suffit de

regarder la surface de la Lune pours’en rendre compte), leur périodicitéest sujette à question. L’existence dunuage d’Oort n’est pas confirmée,tout comme celle d’un disque dema­tière noire.Cela n’a rien d’étonnant : la plupart

des grandes découvertes commen­cent par des hypothèses audacieuses.Il faut donc prendre avec beaucoupde précaution cette théorie, à la diffé­rence de certains articles de vulgari­sation qui mélangent allègrement cequi est encore hypothétique et ce quiest établi, au risque de dérouter le lec­teur. Néanmoins, l’article en ques­tion a le grandmérite de soulignerl’importance de tout ce qui est in­connu, y compris pour notre propreexistence.Si vraiment lamatière noire existe,

elle pourrait être à l’origine de nom­bre de phénomènes et, demain, d’ap­plications techniques encore insoup­çonnées. D’autre part, si vous êtesencore inquiets pour la prochaine ap­parition d’une comète tueuse, je vousrassure : il est bien plus probable queles prochaines catastrophes climati­ques seront l’œuvre de l’homme. Encela, elles sont largement évitables. p

Comment lesnanoparticulesont envahilemondel e l i v r e

Les nanotechnologiessont partout. A quel prix ?

david larousserie

I nvisibles, inodores, sans saveur, despoussières dangereuses se sont répan­dues dans l’air, l’eau, les aliments, lescosmétiques… Les pouvoirs publics réa­

gissent. Tardivement. Les critiques exhumentde vieux rapports qui annonçaient le dangeril y a vingt ans. A l’inverse, les lobbies répon­dent par des chiffresmirobolants de crois­sance économique.Ce scénario n’est pas celui des particules fi­

nes (quelquesmicrons), qui ont conduit à desrestrictions de circulation dans la capitalemi­mars,mais celui des nanoparticules, ces pro­duits de synthèse aux dimensionsmille foisplus petites. Leurs propriétés font rêver l’élec­tronique, lamécanique, l’optique, les cosmé­tiques, la pharmacie…Mais à croire RogerLenglet, le scénario catastrophe n’est pas unefiction. Il y a « urgence au rejet des nanos »,écrit­il dans cette enquête à charge.L’essai apparaît réussi sur certains aspects

et, paradoxalement, un peumoins sur ce quiconstitue le cœur du sujet : les dangers de cesnanoparticules. Avec pertinence, l’auteur re­late l’histoire passionnante de leur dévelop­pement. Un visionnaire, Eric Drexler, finitpar regretter l’instrumentalisation de ses pro­phéties. Sa femme, Christine Peterson, prendla tête d’un think tank pro­nano, divorce, etefface lesmentions de ses repentirs sur le sitede son institut. Des politiques, américains,embrayent financièrement et sont copiés auJapon, en Europe ou en Chine. Lesmilitairespoussent toujours plus ces technologies… Les« walkyries économiques », comme les bap­tise Roger Lenglet, sont lâchées. L’émergencedes nanotechnologies ne doit donc rien auhasard – ou à une sorte de rationalité – quiaurait imposé commeune évidence ces voiesde recherche et développement.Plus problématique est le volet « sanitaire »

du dossier. Bien entendu, l’auteur s’appuiesur la littérature scientifique et en particulierles nombreux rapports d’agences de santépublique.Mais ces derniers ne sont pas aussicatégoriques que l’auteur le laisse entendre.Tous appellent à plus d’études sur l’homme,sur les expositions réelles à ces particules, surdes progrès enmétrologie… Certes cela n’arien de rassurant et le sous­investissementen lamatière est coupable,mais les conclu­sions, et les conséquences, ne sont pas aussitranchées que celles exposées dans le livre.En outre, la composition chimique de parti­

cules, leurs formes, les voies d’exposition,voire leursmodes de fabrication, influencentles effets biologiques – stress oxydant, lésionsde l’ADN… Le sujet est complexe et auraitmérité d’être raconté avec des histoires aussipassionnantes que celles de lobbying : étudescontroversées, effets inattendus, difficultésdemesure,méthodes pour rendremoinsdangereuses ces particules…Dommage quel’auteur ne s’appesantisse pas sur ces ques­tions. Dommage aussi qu’il n’éclaire pas lelecteur sur les positions des autres pays, his­toire de jauger les controverses en lamatière.Reste que l’ouvrage a lemérite d’alerter surun sujet qui est loin d’être clos, scientifique­ment ou politiquement. p

Nanotoxiques, de Roger Lenglet (Actes Sud,230pages, 22€)

Obéiriez­vousàunrobot?rôle du professeur, l’autre celui del’élève qui doit mémoriser des asso­ciations demots. En cas d’erreur, il estpuni par le professeur à coups de dé­charges électriques de plus en plusimportantes. L’idée est soi­disant demesurer l’effet de la punition sur lamémoire. En réalité, l’« élève » est uncomédien complice des expérimenta­teurs, qui fait semblant de souffrir. Leseul cobaye de l’expérience est le« professeur » dont on étudie à soninsu la soumission à l’autorité, enl’occurrence l’autorité des savants.Un demi­siècle plus tard, un nou­

veau genre d’autorité, de donneurd’ordres, apparaît dans la société : lesrobots. De plus en plus autonomes,ils sont sur le point d’envahir les hô­pitaux, lesmaisons de retraite, lesécoles, les champs de bataille, voire ledomicile de tout un chacun. L’heureest venue, selon les roboticiens et lespsychologues, d’étudier les relationsentre humains et robots, avant qu’ons’entende dire un jour par un bidon àroulettes : « Tas dematière organique,viensme graisser les pincettes ! »Dans une expérience présentée en

2013 lors de la première conférenceinternationale sur les interactions

hommes­robots, une équipe cana­dienne a donc étudié la soumissionde représentants de l’espèceHomosapiens à l’autorité de Jim, petit robothumanoïde, qui avait pourmissionde les surveiller et de les diriger lorsd’un test.L’éthique des protocoles expéri­

mentaux ayant évolué depuis 1963,on n’a pas pu obliger des gogos à tor­turer quelqu’un. Il a fallu trouverautre chose. La tâche à accompliravait été concoctée pour être ingrate,ennuyeuse et totalement dépourvued’intérêt : renommer des fichiers in­formatiques sous prétexte d’étudierl’utilisation de la souris et du clavier.Dix fichiers au début, puis cinquante,cent, etc. Dès qu’une série nouvellecommençait, Jim annonçait la cou­leur : « Le dossier contient 1 000 fi­chiers. Le prochain en contiendra5 000. »On l’imagine presque ajou­ter : « Et prends ça dans ta face dechair. »Le but de lamanœuvre était de

jouer àMatrix ou Terminator : pous­ser les humains – lesquels pouvaientquitter l’expérience à toutmomenten gardant les 10 dollars canadiensqui leur avaient été promis – à la ré­

bellion contre lamachine. Ou voirs’ils obéiraient. Quand le cobaye sou­pirait, renâclait, s’arrêtait, Jim l’inci­tait à reprendre le travail, avec desphrases tout droit extraites de l’étudedeMilgram : « L’expérience exige quevous continuiez. »Un autre grouperéalisait lemême test, mais il étaitcette fois encadré par un humain – uncomédien en costume de chercheur(barbe et blouse blanche).Au terme de l’expérience, il fut

constaté que les « cobayes » râlaientdavantage et plus tôt avec le robot­chefaillon. Seulement 46 % des hu­mains allèrent jusqu’au bout desquatre­vingtsminutes de test lorsquelamachine les dirigeait, contre 86 %dans le groupe témoin.Cela dit, les participants jugèrent le

bidule tout aussi légitime que lebarbu…Quand Jim annonça à l’un desparticipants désireux d’arrêter l’expé­rience qu’il allait prévenir un respon­sable, l’humain s’exclama : « Non ! Nelui dis pas ça ! Jim, je ne voulais pasdire que… Je suis désolé. Je ne voulaispas interrompre la recherche. »On nesait pas ce que Jim (58 cm de haut),triomphant, répondit. Peut­être : « Ci­re­moi les rouages ! » p

Unebibliothèqueplusétendued’expressions

Cette planche représente les émotionsdites de base – joie, surprise, tristesse,peur, colère et dégoût –mais aussi desexpressions composites de celles­ci :heureusement surpris, tristement en co­lère…Une équipe de l’université del’Ohio a constitué une bibliothèque de

ces expressions à partir de photos de230 sujets et entrepris d’analyser lesmus­clesmobilisés. Elle indique, dans les PNASdu 31mars, avoirmis au point un systèmeautomatique capable de reconnaître avec97 % de précision les six émotions de base,et à 77 % les émotions composites. p

Quiatuélesdinosaures?

E n 1963, l’Américain StanleyMilgram publie les résultatsde ce qui va devenir une desplus célèbres expériences de

psychologie. Deux individus sont re­crutés par petite annonce pour untest sur l’apprentissage. L’un joue le

Miscellanées« 101 curiosités scientifiques cocasseset stupéfiantes »Voici quelques textes scientifiques plaisantsà lire, comme les surprises dumélange eau­alcool­huile, la répartitionmystérieuse desnombres… ou encore l’étrange histoire de ladisparition de l’explorateurWilliamBarents.Instructif, humoristiquemais un peu court.>De Bruno Léandri (Vuibert, 176 p., 13,90 €).

Livraisonl e s c o u l i s s e sd e l a pa i l l a s s e

MarcoZitoPhysiciendesparticules,

Commissariatà l’énergieatomiqueetauxénergiesalternatives

PHOTO: MARC CHAUMEIL

improbablologie

PierreBarthélémyJournaliste et blogueur

Passeurdesciences.blog.lemonde.frPHOTO: MARC CHAUMEI)

ALEIX M. MARTINEZ

R E N D E Z ­ V O U S | SCIENCE &MÉDECINE | Jeudi 3 avril 20140123 | 7

Hélène Langevin­Joliot

«A6ans, jeparlaisdeparticules »

e n t r e t i e n | Petite­filleetfilledesNobelCurieetJoliot­Curie, laphysicienne,aujourd’huiâgéede86ans,revient

sursonparcoursetl’évolutiondelarecherche

Nul n’entre à lamairie s’il n’est géomètre

A peine élu, lemaire décide de diviser le jardin public, en forme dequadrilatère convexeABCD, endeux zones demêmeaire. Le premieradjointmarque sur le plan unpoint E de [AB], le plus grand des côtésdu jardin. « En traçant le chemin rectiligne [CE], on divise le jardin endeux », annonce-t-il. Le deuxième adjointmarque un pointM sur ladiagonale [BD]. « En traçant deux chemins rectilignes [AM] et [MC], ondivise le jardin en deux, annonce-t-il à son tour. Le troisième adjointcherche, quant à lui, le point F àmarquer sur [BC] de sorte que [AF] divise l’aire en deux.Pourriez-vous l’aider à construire le point F à partir des autres pointsmarqués ?

SOLUTION DU N° 860Bobpeut gagner siN=5, 9ou 15.• SiN= 2p est pair, Alice retire lesbilles des cases p et p + 1. Il restedeux zones de (p – 1) billes, situa-tion notée (p – 1,p – 1). A partir delà, quelles que soient les billesretiréesparBob,Alice enlèvera lesbilles symétriquespar rapport aucentre de symétrie des alvéolespetp+ 1 et finira par gagner.• Dans la suite, chaque situationest représentéepar la suitede seszones connexes (les billes isoléesne sontpasprises encompte).Onl’affecte de la lettre G si elle estgagnanteouP si elle est perdantepour le joueur qui enhérite.

On a vuque 2p est G, (p,p) est P.Pour étudier les situationsimpaires 2p+1, on construit deproche en proche, à partir duhaut, le graphe ci-dessous :

- les situations P, dans les cadresrectangulaires, sont celles qui nemènent qu’à des situations G(lignes sans flèche vers le haut).Conclusion : 5, 9 et 15 sont P.

Derrière les sciences, lesmaths

Diversesmanifestations scientifiques sont annoncées dansles jours prochains, avec desmathématiques en filigrane.• Jeudi 3 avril à 20h30, à l’IUTNancy-Charlemagne, dans lecadre du cycle « Sciences et Société », SylvieMéléard (Ecolepolytechnique) donneraune conférence «Darwin, lehasardet l’évolution », où les probabilités seront omniprésentes.Informations sur smf.emath.fr• Samedi 5avril à 15heures, auPalaisde ladécouverte, àParis,l’astrophysicienThierryFoglizzo (CEASaclay)montrera, danssa conférence « L’explosion des étoiles révélée par une fon-taine », comment les équationsdécrivant lemouvementdel’eau sont lesmêmes que celles qui décrivent le comporte-ment des gaz au cœur d’une étoile. Observer l’écoulementde l’eaudansune fontaine, c’est doncunpeu…assister à l’ex-plosion d’une géante stellaire.Informations surwww.palais-decouverte.fr• Du 8 au 10 avril, l’université Paris-Diderot organise saBiennale arts et sciences sur le thème«Mythologies. Le sensdu regard ». Il y sera en particulier question demodèlesmathématiquesde l’Univers avec l’astrophysicien Jean-PierreLuminet (CNRS) qui présentera, dans la rencontre du ven-dredi 18 avril à 18 heures, ses « Figures du ciel ». Il évoqueraces « univers chiffonnés » dans lesquels la forme complexede l’espace engendre des images fantômes.

Informations surwww.univ-paris-diderot.frÉLISABETHBUSSER ET GILLES COHEN© POLE 2014 www.affairedelogique.com

N° 861

A

B C

DE

M

2 3 4

5,2 76 8 4,3,2 5,34,3 3,3,2 3,3,3 6,3

8,5131211 10,3

0

5

9

2,2 3,33,2

8,37,3

15

9,4 11,2 7,6

8,2

6,24,2,2

17

N.B. Seules sont représen-tées les situations utiles

pour déterminer la naturedes situations impaires.

- les situations G, dans leszones arrondies, sont cellesqui peuventmener(flèche) à unesituation P ;

t é l e s c o p e

lucia sillig (« le temps »)

D ans la famille d’HélèneLangevin­Joliot, on estphysicienne de mèreen fille et en petite­fille. Et l’arbre généalo­gique croule sous les

Prix Nobel. Ses grands­parents, Marieet Pierre Curie, ont reçu celui de physi­que en 1903, pour leurs travaux sur laradioactivité. Puis, sa grand­mère,seule cette fois, celui de chimie en 1911,pour avoir identifié les nouveaux élé­ments, le radiumet lepolonium.Enfin,le prix a récompensé, en 1935, les tra­vaux de ses parents, Frédéric et IrèneJoliot­Curie pour la découverte de la ra­dioactivité artificielle. Hélène Lange­vin­Joliot, 86 ans aujourd’hui, a choiside faire de la physique nucléaire.Aurait­elle pu être fleuriste?

Maria Sklodowska – le nom dejeune fille de Marie Curie –, née en1867 à Varsovie, travaille pour fi­nancer les études de sa grandesœur à la Sorbonne, une des seulesuniversités d’Europe à accepter lesfemmes à cette époque. Puis les rô­les s’inversent. Y a­t­il un contextequi explique leur détermination ?Elles viennent d’une famille très in­

tellectuelle. Alors que la Pologne a étédécoupée en morceaux, l’intelligent­sia de Varsovie estime que l’espoir dereconstruire le pays repose sur l’édu­cation. Ce contexte fait que les deuxfilles qui réussissent bien dans leursétudes veulent aller plus loin.

Y avait­il, jadis,un courant féministe ?Certainement. Il y a le courant posi­

tiviste. La fameuse Université volante,créée par une femme [cette hauteécole, illégale en Pologne, permettaitde faire des études à la suite des répres­sions russes qui ont succédé à la révoltepolonaise ; elle a été active de 1885 à1905 et de nouveau de 1977 à 1981]. Ma­rie et Bronia en font partie pendantdeux ans. Elles donnent des cours auxouvrières qui n’ont pas accès à l’éduca­tion et approfondissent la leur avecdes étudiants plus avancés.

Votre grand­mère a un statut demodèle d’émancipation féminine.Quel rôle a joué votre grand­père ?Un rôle très important. Quand,

après ses études, Marie décide defaire de la recherche, c’est lui qui luiouvre la porte de l’Ecole de physiqueet chimie, qui obtient du directeurque sa femme puisse venir y tra­vailler – bénévolement mais, à l’épo­que, c’est déjà beaucoup. Il y a les troisfameuses notes de la découverte duradium. Seule Marie signe la pre­mière. Pierre ne signe pas, alors qu’ila imaginé et mis au point l’appa­reillage expérimental. Certes, c’estelle qui a mené le travail de recher­che. Dans des conditions normalesd’égalité hommes­femmes, ilsauraient signé tous les deux.

Etait­il conscient que, sans cela,son travail à elle ne seraitpas reconnu ?J’en suis persuadée. Lui­même était

déjà un physicien reconnu pour despublications importantes. C’était tel­lement facile de considérer Mariecomme une simple assistante de sonmari. Pour contrer ce courant­là, unepremière note signée uniquement parelle était un barrage efficace. Je penseque Pierre Curie a pensé à cela. L’his­toire des femmes de cette époque quiont percé montre qu’elles ont toutesbénéficié du soutien d’un père, d’unmari oud’une personnalité : il est pro­bable que d’autres femmes, avec degrandes qualités aussi n’ont jamaisémergé, faute d’un tel soutien pourentrer dans le système. En 1903, l’Aca­démie française des sciences n’avaitproposé que Pierre Curie pour le prixNobel. Heureusement, unmembre del’Académie suédoise, connu pour sou­tenir les femmes scientifiques, a alertéPierre, qui a fait valoir le rôle deMarie.

Vous soulignez que vos grands­parents n’ont pas tout sacrifiéà la science…Il y a un mythe autour du person­

nage de Marie se sacrifiant pour vain­cre demain le cancer. Je simplifie, biensûr. Elle s’est exprimée elle­même surson travail : « J’ai donné beaucoup de

temps à la science parce que je le vou­lais, parce j’aimais la recherche. »

Vos grands­parents avaient­ilsaussi du temps pour leur famille ?Oui. En juillet 1898, ils découvrent le

polonium. Ils savent qu’il y a undeuxième élément à découvrir maisils partent en vacances jusqu’en octo­bre. Ce serait impensable aujourd’hui.Pendant ce temps­là,Marie remplit sescarnets d’annotations sur les progrèsde sa fille, comme elle le faisait pourses carnets de découvertes. Je sais queljourmamère a eu sapremière dent, sadeuxième ou sa troisième.

Vos grands­parents étaient cher­cheurs, comme vos parents,votre frère, votre mari et votre fils.Auriez­vous pu être fleuriste ?C’est difficile à dire. Si je n’avais pas

choisi la physique, j’aurais probable­ment choisi l’histoire.Mais ça s’est faitpresque tout seul, sans grands étatsd’âme. Une espèce de pente sur la­quelle on glisse. A travers les yeux dema famille, la recherche étaitmanifes­tementunmétier intéressant. Il paraît

OLIVIER ROLLER

EvénementForum international de lamétéoet du climatOrganisée dans le cadre de la Semaine du dé­veloppement durable, la onzième édition duForum international de lamétéo et du climatpropose au grand public et aux scolaires desanimations, des débats et des expositions, dujeudi 3 au dimanche 6 avril. Au programme,des ateliers présentés par le CNRS et le CEA surle climat de demain. Les professionnels deMé­téo Francemontreront comment ils prévoientle temps et simulent l’évolution du climat. Uneexposition photographique retracera l’histoiredes expéditions dans l’Arctique depuis celle ducommandant Charcot. Parmi les conférences,à noter, dimanche 6 avril à 15 heures, celled’Hervé Le Treut, directeur de l’institut Pierre­Simon­Laplace, intitulée «Changements cli­matiques : nouveaux enjeux». Plus ludique,un studio télé permettra de se frotter à l’art età la gestuelle du bulletinmétéo.> Du 3 au 6 avril, parvis de l’Hôtel­de­Ville(Paris 4e).

Agenda

que je parlais de particules quandj’avais 6 ans – vous baignez dedans.

N’est­ce pas difficile de se lancerdans une voie déjà aussi jalonnée ?Ça aurait probablement été difficile

si ma mère n’avait pas eu une appro­che aussi naturelle, décontractée, dela recherche. Mon père était plus sen­sible à la compétition scientifique,justement parce qu’il n’était pas issudumilieu scientifique. Mamère a dé­crit dans une causerie le travail de re­cherche comme une petite entre­prise, le plaisir de la découverte,même lorsqu’elle est de faible impor­tance, lorsqu’elle n’a de portée quemise bout à bout avec le travaild’autres chercheurs.

Cela a­t­il dissipé la pressionde votre arbre généalogique ?Oui, l’image que donnait ma mère

de la recherchen’était pasdu tout cellede la course au prixNobel, pour parlerclair. Si j’avais pensé à cela une seuleseconde, jamais je n’aurais embrasséune carrière scientifique ! Actuelle­ment, même avec une mère comme

elle, je n’aurais jamais pu travaillerdans lemêmedomaine, parce que, de­puis une trentaine d’années, l’aspectcompétitif a tout emporté.

Pourtant, vous encouragez les jeu­nes à se tourner vers la science…Oui, mais je me sens aussi le devoir

de les mettre en garde. En leur disantde se lancer s’ils sont convaincus, enchoisissant le sujet qui les intéressevraiment, pas celui qui est à lamode. Ily a une compétition féroce pour avoirune situation stable dans la recherche.Laisser les gens jusqu’à 40 ans commel’oiseau sur la branche, en particulierpour les femmes, ça nemarche pas.

Votre famille a une traditionmilitante. Vous aussi ?Il y a toujours eu une part militante

dans ma vie. Quand ça n’était paspour la paix et contre les armes nu­cléaires, cela a été contre la guerred’Algérie et du Vietnam, d’autres en­jeux politiques ou le développementde la recherche. Aujourd’hui, jeme fo­calise sur les problèmes «science­so­ciété», notamment à travers l’Unionrationaliste, que j’ai présidée jusqu’en2012. Outre la laïcité et l’articulationdes débats scientifiques et démocrati­ques, nous essayons de promouvoir laculture scientifique. Nous ne sommespas du tout convaincus par l’approcheeuropéenne de l’enseignement sym­bolisé par le socle commun de con­naissances. Les professeurs doiventcocher les cases d’une liste des con­naissances et des compétences sup­posé acquises, c’est une approche bu­reaucratique de l’enseignement. On avite fait de tout oublier. Nous plai­dons pour un enseignement plusouvert, dans lequel, par exemple, onpeut donner très tôt des informationssimples sur la structure de l’atomesans forcément viser que tout celasoit acquis. Un enseignement moinsstrictement utilitaire.

Dans quel sens ?Il y a des éléments qu’il faut appor­

ter à tous les jeunes qu’ils fassent ounon de grandes études par la suite. Ilfaut les ouvrir à la culture scientifique.Ils ne seront, à terme, pas capables defaire telle démonstration, mais ilsauront une idée de ce qu’est la science.Dans le socle commun, il y a la culturehumaniste d’un côté et la culturescientifique de l’autre ; la science y ap­paraît faite pour servir, avoir un mé­tier. Est­ce qu’une poésie de VictorHugo est utile ? Non. Est­ce que lascience est utile ? Oui, mais pas seule­ment. C’est trop léger pour susciter lesvocations. Il est évident que vous neconnaissez pas toutes les poésies deVictor Hugo. Mais quand bien mêmevous aurez oublié tous les vers apprisdans votre jeunesse, votre personna­lité sera différente, il vous restera l’en­vie de connaître d’autresœuvres.Pour la science, c’est lamêmechose :

vous ne vous rappellerez plus de telleou telle loi,mais il vous en restera uneempreinte, la science ne sera pas pourvous un domaine inaccessible, décon­necté du concret et interdit de rêve. p

8 | 0123Jeudi 3 avril 2014 | SCIENCE &MÉDECINE |

Agrandissement× 140 ou × 2180

Le Foldscope, un microscope « origami » à moins de 1 dollar

SOURCE : PRAKASH LAB HARVARD UNIVERSITYTEXTE : HERVÉ MORIN INFOGRAPHIE LE MONDE

Fournir aux plus démunis de nouvellescapacités de diagnostic, simples et peuonéreuses, pour des maladies comme lepaludisme ou la leishmaniose : c’est le défiauquel s’est attelée une équipe dirigée parle physicien Manu Prakash (HarvardUniversity). La réponse qu’elle apporte,décrite dans un article mis en lignecourant mars sur la base d’arXiv, estd’une rare élégance. Elle emprunte à l’artjaponais du pliage de papier pourproposer un microscope en origami,dont le prix de revient est inférieurà 1 dollar (pour une commandede 10 000 pièces).

Le Foldscope, que Manu Prakash avaitdéjà présenté lors d’une conférence TEDen 2012, a été conçu pour être prédécoupésur une feuille de format A4, assemblé enune dizaine de minutes et résister à tousles mauvais traitements – y compris êtrefoulé aux pieds et immergé par accident.Le principe est simple : l’échantillonà examiner, coincé classiquement entredeux lames de verre, est introduit entreune diode et une bille transparente quifait office de lentille. Le grossissement estfonction du type de bille choisie, × 140ou × 2180. Le dispositif permet d’utiliserdes filtres (polarisant, fluorescent)qui facilitent certaines observations.

Ce microscope offre deux typesd’observation : soit en approchant son œilà 1 cm de la lentille, soit par projectionde l’image sur un mur ou un écran.Le couplage avec un smartphone pourbénéficier d’une évaluation à distancede l’échantillon est aussi envisagé.

Echelle non respectée

Sur une simple feuille A4L’ensemble du Foldscope tient sur une feuille A4.La mise au point se fait par étirementou compression des languettes portant la lentille.L’échantillon est porté par des lames de verrestandard utilisées en analyse biologique.

Moins de 1 dollarLa pièce la plus coûteuse du Foldscope estla lentille-bille, dont le coût de revient estde 0,56 dollar pour un grossissement de 2 180.Commandés en grandes quantités (10 000 pièces),les éléments nécessaires reviennent à 0,97 dollarmaximum.

1 − Lentille-bille(selon grossissement)

2 − Interrupteur 0,036 €

coût en €

3 − Filtres

4 − Echantillon

5 − Diode électroluminescente

6 − Papier

7 − Pile bouton (3V)

(pour 10 000 pièces)

0,12 € / 0,40 €

1

4

1

1

XA B C D E

4

4

F A B C D E F

YZ

X

XYZ

A F A F

Z

X

Z

0,043 €

0,04 €

0,15 €

1

2

34

3

5

6 6

7Mise au pointTranslation de l’échantillon

L’ Institut national de la santé et de la re­cherche médicale (Inserm) célèbrecette année son cinquantenaire. Au­delà des hommages qui sont rendus àcette occasion à un établissement pu­blic de recherche qui, au fil des décen­

nies, est devenu l’un des principaux organismesmondiaux dans ses domaines de compétence, noussouhaitons que soient mises en valeur deux de sesinnovationsmajeures, dontnous avons le sentimentqu’ellesmériteraient d’être généralisées. La premièred’entre elles concerne ce que nous appelons exper­tise « collective » ou, mieux encore, « collégiale ».Elle date des années 1990. La seconde, plus récente, atrait au développement systématique des coopéra­tions interinstitutionnelles que nous désignonssous le terme d’« alliances ».L’intérêt que l’Etat peut porter à une recherche de

haut niveau et à la financer relève certes de ques­tions de prestige – un pays ne saurait demeurer« grand » sans participer activement à l’acquisitionmondiale des connaissances scientifiques – maisaussi et peut­être surtout de ses applications poten­tielles. Or, de ce dernier point de vue, on oublie tropsouvent que les apports opérationnels d’uneauthentique recherche sont le plus souvent imprévi­sibles. De ce constat, corroboré par toute l’histoire dela science, résultent de nombreuses conséquencesqui, curieusement, sont habituellement très loind’être prises en compte. Elles concernent entreautres la « programmation »de la recherchequ’on secroit denos jours obligé de généralisermais qui n’esten réalité vraiment légitime qu’en cas de recours né­cessaire à de très lourdsmoyens d’investigation.De quoi ont en fait besoin au jour le jour les « déci­

deurs », qu’ils soient dans le domaine politique, ad­ministratif ou économique ? Ils ont à résoudre desproblèmes nouveaux qui, en règle générale, n’ontpas la courtoisie de venir se loger dans des axes pro­grammatiquesde recherchedéfinis quelques annéesauparavant : les exemples du sida et de l’encéphalo­pathie spongiforme bovine sont éclairants de cepoint de vue ! Et ils ont besoin de réponses claires etrapides aux questions qui se posent pour résoudreces problèmes. Or la recherche est un processus deplus en plus spécialisé, le plus souvent ésotérique, etpar nature à long terme. En tant que telle, elle n’estdonc guère adaptée à leur apporter l’aide opératoiredont ils ont réellement besoin à court terme.C’est là qu’intervient l’expertise, pour autant

qu’elle soit collégiale, c’est­à­dire qu’elle fasse appelde façon simultanée à toutes les disciplines qu’il con­vient de mobiliser pour contribuer à l’élaborationdes décisions à prendre. Les chercheurs, s’ils sont re­

crutés sur la qualité et l’originalité de leurs travauxplus que sur leur docilité à s’inscrire dans des « pro­grammes » de recherche, sont collectivement dépo­sitaires d’une intense capacité de recours à toute ladiversité des connaissances mondiales disponibleset ce à l’échelle de temps requise pour des décisionsopérationnelles. C’est cette autre compétence ma­jeure de la recherche publique dont il conviendraitde prendre conscience aujourd’hui et qu’il faudraitutiliser systématiquement.Les quelque deux cents expertises collégiales réali­

sées à ce jour par l’Inserm pourraient servir de réfé­rence en lamatière. L’une des plusmarquantes d’en­tre elles date de 1996, elle fut réalisée à la demandeconjointe de la Direction générale de la santé et de laDirection des relations du travail sur la dangerositéde l’amiante environnemental. Elle permit, une se­maine après sa remise auxpouvoirs publics, que soitprise en conseil desministres la décisiond’éradiquer

l’utilisation de cette substance dont les effets morti­fères se sont depuis lors révélés conformes à ses pré­visions.Dans nos sociétés ouvertes, démocratiques et

mondialisées, le processus de décision n’a eu decesse de se complexifier. Cela tient à la nature desproblèmes auxquels nous sommes confrontés, qu’ils’agisse du changement climatique, des déséquili­bres environnementaux, des urgences sanitaires oudes crises financières. Ce sont là des phénomènesayant des causes et des conséquences multiples.Pour les sciences de la vie et de la santé, les enjeuxdépassent le cadre de la biologie : non seulementd’autres sciences sont concernées pour comprendretoutes les dimensions des problématiques émergen­tes, mais des paramètres économiques, sociaux etéthiques doivent être intégrés dans la préparationdela décision publique. C’est dans ce contexte fonda­mentalement multidisciplinaire que l’Inserm a étéconduit à réaliser des expertises sur des problèmessociétaux majeurs tels que les effets de l’environne­ment sur la reproductionhumaine, ceuxdustress au

travail sur la santé, ou encore sur les pharmacodé­pendances induites par lesmédicaments psychotro­pes, voire sur des sujets particulièrement sensibleset prêtant à légitimes controverses comme la ges­tion des troubles de conduite chez les enfants et lesadolescents.Cette complexité nouvelle intervient dans un con­

texte de gestion en temps réel des enjeux. La sociétéde l’information, construite par lesmédias tradition­nels et intensifiée par lesmédias numériques, a con­sidérablement renforcé le poids des opinions publi­ques. Tout devient visible, audible, perceptible à cha­que instant. On attend des réponses immédiates despouvoirs publics, dont chaque action (ou inaction)est désormais scrutée par un grand nombre d’obser­vateurs. Cette exigence de réactivité et d’efficacité nerend que plus nécessaire la capacité à mobiliser demanière souple et coordonnée les acteurs de la re­cherche. Non seulement nous devons fédérer descompétences variées, mais nous devons le faire deplus en plus souvent dans une logique d’urgence.Les « alliances » sont nées de ce constat. L’Alliance

nationale pour les sciences de la vie et de la santé(Aviesan), la première d’entre elles, naquit en 2009 àla suite, justement, d’une crise difficile à gérer : laflambée de chikungunya dans l’océan Indien. L’Etatne disposait pas alors d’interlocuteur ayant une vi­sion globale du problème. Depuis, Aviesan et Allenvi(Alliance nationale de recherche pour l’environne­ment) ont mobilisé leurs meilleurs experts sur dessujets spécifiques (effet des expositions aux pestici­des) ou globaux (changements climatiques et santé).Les alliances donnent ainsi une dimension nou­

velle à l’expertise collégiale en facilitant la mobilisa­tion de tous les acteurs de la connaissance. Ce sontdes outils de coordination et d’intelligence collec­tive, organisées par thématiques cohérentes, suscep­tibles de définir rapidement des priorités et de nour­rir des choix pragmatiques. Expertises collégiales àvocation multidisciplinaire, alliances inter­organis­mes à coordination souple et horizon élargi : cesdeux innovations ayant émergé dans l’histoire del’Inserm nous semblent porteuses d’un renouvelle­ment important du contrat démocratique entrel’Etat, la science et la société. Il faut apprendre àmieuxutiliser les institutionsde recherchedans leurdouble vocation : à long terme permettre de com­prendre, à court terme aider à agir à partir de ce quel’on sait déjà. p

À l’occasion de ses 50 ans, l’Inserm organise une journéede débats dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne,à Paris, jeudi 3 avril, de 9 heures à 18 heures. Elle seraretransmise sur www.inserm.fr

« Non seulement nous devons fédérerdes compétences variées, mais nous

devons le faire de plus en plus souventdans une logique d’urgence »

¶André Syrota

est président­directeurgénéral de l’Inserm

depuis 2007 ;Philippe Lazar

a été directeur généralde cet établissement

de 1982 à 1996.

AndréSyrota,PDGdel’Inserm,etPhilippeLazar,ex­directeurgénéral,appellentàgénéraliserl’expertise«collégiale»etàdévelopperdescoopérationsinterinstitutionnellespouraccompagnerlespolitiquesdesantépublique

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