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Article de Michel Juvet paru dans Le Temps du 25 juillet 2011 Les informations de la présente ont été puisées aux meilleures sources. Toutefois, notre responsabilité ne saurait être engagée. Département Recherche Bordier & Cie Genève - Nyon - Berne - Zürich T. +41 22 317 12 12 F. +41 22 311 29 73 [email protected] www.bordier.com 1/1 Design ClPa B ORDIER & C IE 25 juillet 2011 C hacun savait que cette crise financière actuelle n’était pas seulement grecque. C’est une crise structurelle qui affecte l’essence même des Etats et de l’Union européenne. Que peut bien en effet représenter aux yeux des populations un Etat surendetté, acculé à la faillite, mais qui n’y est pas soumis? Et que signifie politiquement une Europe qui ne peut que gérer l’irréparable en imposant sans espoir des plans d’ajustement structurel locaux? L’Europe a enfin franchi la semaine passée une étape décisive face à ces interrogations. L’insolvabilité de la Grèce a été reconnue et la marche vers une gestion plus fédérale de l’Europe a pris son élan avec le renforcement du fonds de stabilité européen et les problèmes de financement des Etats en difficulté ont été réglés. En revanche, les stocks de dettes des Etats ne seront pas fortement réduits (le ratio dettes publiques sur PIB de la Grèce ne devrait pas redescendre en des- sous de 120% dans les prochaines années) et dans ces conditions deux éléments contribuent à mainte- nir l’inquiétude: d’une part, les récents indicateurs économiques mondiaux montrent que la croissance économique stagne et que les pays endettés ne pour- ront pas compter sur elle pour soulager leurs charges financières; d’autre part, ce plan européen comporte des risques importants de non-exécution. Rien ne dit en effet que les plans d’ajustement budgétaire mis en place produiront des effets positifs suffisamment tôt afin d’empêcher des blocages sociaux synonymes de nouveaux défauts de paiement. Et rien ne dit non plus que l’Allemagne sera alors encore d’accord d’augmenter ses garanties lorsque logiquement le Portugal et l’Irlande demanderont le même traitement des créances privées. Sans parler de la situation de la France dont la qualité de débiteur vient de diminuer mécaniquement en garantissant également une partie des dettes grecques ou de l’Italie… L’Europe a gagné du temps mais elle n’a toujours pas choisi son avenir. Un sursaut politique réussira- t-il à gonfler les recettes financières de son fonds de stabilité, harmoniser les politiques fiscales, créer un ministère des finances et du budget, émettre des euro-obligations? On peut rêver, mais si l’Allemagne dispose des moyens économiques pour y arriver elle n’est certainement pas prête à franchir cette nouvelle étape confédérale risquée. L’Europe peau de chagrin se rapproche donc et le repli sur un noyau dur, sans ambition politique planétaire, constitué de pays sains et crédibles n’est plus inimaginable. L’avenir appartient-il aux grands blocs politiques aux pieds d’argiles ou aux zones économiques dynamiques? Au coeur des marchés Michel Juvet Analyste nancier et membre du comité de direction de Bordier & Cie L’Europe a fait un pas en avant; mais lequel?

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Article de Michel Juvet paru dans Le Temps du 25 juillet 2011

Les informations de la présente ont été puisées aux meilleures sources. Toutefois, notre responsabilité ne saurait être engagée.

Département Recherche – Bordier & Cie – Genève - Nyon - Berne - ZürichT. +41 22 317 12 12 – F. +41 22 311 29 73 – [email protected] – www.bordier.com

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Chacun savait que cette crise fi nancière actuelle n’était pas seulement grecque. C’est une crise structurelle qui affecte l’essence même des

Etats et de l’Union européenne. Que peut bien en effet représenter aux yeux des populations un Etat surendetté, acculé à la faillite, mais qui n’y est pas soumis? Et que signifi e politiquement une Europe qui ne peut que gérer l’irréparable en imposant sans espoir des plans d’ajustement structurel locaux?

L’Europe a enfi n franchi la semaine passée une étape décisive face à ces interrogations. L’insolvabilité de la Grèce a été reconnue et la marche vers une gestion plus fédérale de l’Europe a pris son élan avec le renforcement du fonds de stabilité européen et les problèmes de fi nancement des Etats en diffi culté ont été réglés.

En revanche, les stocks de dettes des Etats ne seront pas fortement réduits (le ratio dettes publiques sur PIB de la Grèce ne devrait pas redescendre en des-sous de 120% dans les prochaines années) et dans ces conditions deux éléments contribuent à mainte-nir l’inquiétude: d’une part, les récents indicateurs économiques mondiaux montrent que la croissance économique stagne et que les pays endettés ne pour-ront pas compter sur elle pour soulager leurs charges fi nancières; d’autre part, ce plan européen comporte

des risques importants de non-exécution. Rien ne dit en effet que les plans d’ajustement budgétaire mis en place produiront des effets positifs suffi samment tôt afi n d’empêcher des blocages sociaux synonymes de nouveaux défauts de paiement. Et rien ne dit non plus que l’Allemagne sera alors encore d’accord d’augmenter ses garanties lorsque logiquement le Portugal et l’Irlande demanderont le même traitement des créances privées. Sans parler de la situation de la France dont la qualité de débiteur vient de diminuer mécaniquement en garantissant également une partie des dettes grecques ou de l’Italie…

L’Europe a gagné du temps mais elle n’a toujours pas choisi son avenir. Un sursaut politique réussira-t-il à gonfl er les recettes fi nancières de son fonds de stabilité, harmoniser les politiques fi scales, créer un ministère des fi nances et du budget, émettre des euro-obligations? On peut rêver, mais si l’Allemagne dispose des moyens économiques pour y arriver elle n’est certainement pas prête à franchir cette nouvelle étape confédérale risquée. L’Europe peau de chagrin se rapproche donc et le repli sur un noyau dur, sans ambition politique planétaire, constitué de pays sains et crédibles n’est plus inimaginable. L’avenir appartient-il aux grands blocs politiques aux pieds d’argiles ou aux zones économiques dynamiques?

Au coeur des marchés

Michel JuvetAnalyste fi nancier et membre du comité de direction de Bordier & Cie

L’Europe a fait un pas en avant; mais lequel?