31
Avis délibéré de l’Autorité environnementale sur le contournement Est de Rouen - Liaison A28 - A13 (76 et 27) Avis délibéré n°Ae 2015-98 adopté lors de la séance du 3 février 2016 Formation d’Autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable n°Ae : 2015-98

160203 - Contournement Est de Rouen 76 - Delibere Cle03cd9b

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Autorité environnementale, Contournement Est de Rouen

Citation preview

CGEDD Avis délibéré du 3 février 2016 – Contournement Est de Rouen (76-27)

Page 1 sur 31

Avis délibéré de l’Autorité environnementale sur le contournement Est de Rouen -

Liaison A28 - A13 (76 et 27)

Avis délibéré n°Ae 2015-98 adopté lors de la séance du 3 février 2016 Formation d’Autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable

n°Ae : 2015-98

CGEDD Avis délibéré du 3 février 2016 – Contournement Est de Rouen (76-27)

Page 2 sur 31

Préambule relatif à l’élaboration de l’avis

L’Autorité environnementale1 du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) s’est réunie le 3 février 2016, à Paris. L’ordre du jour comportait, notamment, l’avis sur le contournement Est de Rouen - Liaison A28 - A13 (76 et 27).

Étaient présents et ont délibéré : Mmes Bour-Desprez, Fonquernie, Hubert, Perrin, Steinfelder, MM. Barthod, Clément, Galibert, Ledenvic, Lefebvre, Orizet, Roche, Vindimian.

En application du § 2.4.1 du règlement intérieur du CGEDD, chacun des membres délibérants cités ci-dessus atteste qu’aucun intérêt particulier ou élément dans ses activités passées ou présentes n’est de nature à met-tre en cause son impartialité dans l’avis à donner sur le projet qui fait l’objet du présent avis.

Étaient absents ou excusés : Mme Allag-Dhuisme, MM. Letourneux, Muller, Ullmann.

* *

L’Ae a été saisie pour avis par la direction des infrastructures de transport (DIT), le dossier ayant été reçu complet le 4 novembre 2015.

Cette saisine étant conforme à l’article R.122-6 du code de l’environnement relatif à l’autorité administrative compétente en matière d’environnement prévue à l’article L.122-1 du même code, il en a été accusé récep-tion. Conformément à l’article R.122-7 II du même code, l’avis doit être fourni dans le délai de 3 mois.

L’Ae a consulté par courriers du 10 novembre 2015 :

les préfets de département

de la Seine-Maritime, dont elle a pris en compte la réponse en date du 30 novembre 2015,

de l’Eure, dont elle a pris en compte la réponse en date du 11 décembre 2015,

la ministre chargée de la santé,

la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) de Haute-Normandie, dont elle a pris en compte la réponse en date du 2 décembre 2015.

La DIT a adressé à l’Ae, par courrier en date du 22 janvier 2016, des modifications apportées à la pièce F (évaluation socio-économique), qu’elle a prises en compte.

Sur le rapport de Maxime Gérardin et François-Régis Orizet, et après en avoir délibéré, l’Ae rend l’avis qui suit, dans lequel les recommandations sont portées en italique gras pour en faciliter la lecture.

Il est rappelé ici que pour tous les projets soumis à étude d’impact, une « autorité environ-nementale » désignée par la réglementation doit donner son avis et le mettre à disposition du maître d’ouvrage, de l’autorité décisionnaire et du public. Cet avis ne porte pas sur l’opportunité du projet mais sur la qualité de l’étude d’impact présentée par le maître d’ouvrage, et sur la prise en compte de l’environnement par le projet. Il n’est donc ni favora-ble, ni défavorable au projet. Il vise à permettre d’améliorer la conception du projet, et la participation du public à l’élaboration des décisions qui portent sur ce projet. La décision de l’autorité compétente qui autorise le pétitionnaire ou le maître d’ouvrage à réaliser le projet prend en considération cet avis (cf. article L. 122-1 IV du code de l’environnement).

1 Désignée ci-après par Ae.

CGEDD Avis délibéré du 3 février 2016 – Contournement Est de Rouen (76-27)

Page 3 sur 31

Synthèse de l’avis

Le projet soumis à l’avis de l’Ae porte sur la réalisation d’une infrastructure autoroutière à péage de près de 42 km assurant un contournement Est de Rouen. Le projet, fruit d’une longue histoire, se fixe principalement pour objectif de délester le centre-ville de l’agglomération, notamment en accueillant des trafics de transit entre les autoroutes A 13 et A 28. Son étude d’impact est présen-tée en vue d’une enquête publique préalable à déclaration d’utilité publique (DUP).

Selon l’Ae, les principaux enjeux environnementaux du projet sont :

l'enjeu d’alléger la circulation routière dans le centre de Rouen ;

sur le tracé proposé :

o une très forte destruction de sols naturels ou agricoles (plus de 500 hectares au to-tal),

o la préservation des espaces forestiers, qui sont de qualité, du point de vue de leur productivité comme de leur fonctionnalité écologique,ou encore de leur fonction ré-créative, dans une région au taux de boisement relativement faible,

o la préservation des paysages,

o la protection des captages alimentant en eau potable l’agglomération de Rouen,

les consommations énergétiques et émissions de gaz à effet de serre supplémentaires, en-gendrées par des trajets à la distance et à la vitesse augmentées ;

l’étalement urbain et la périurbanisation supplémentaires induits par le projet, susceptibles d'aggraver tous les effets environnementaux négatifs.

Ce projet autoroutier étant destiné à être concédé, son tracé précis sera ajusté par le futur conces-sionnaire, à l’intérieur de la bande de 300 mètres définie au stade de la DUP. La bonne évaluation des impacts correspondants, ainsi que la traduction, dans la déclaration d’utilité publique et dans les obligations transférées au concessionnaire lorsqu’il sera désigné, des nombreux engagements d’évitement, de réduction et de compensation pris par le maître d’ouvrage, doivent donc être pré-cisés dès ce stade. L'étude d'impact devra en outre être actualisée lors de la demande des principales autorisations environnementales (notamment loi sur l'eau), prévues ultérieurement.

Sur la forme, l’étude d’impact est bien conçue et accessible.

Compte tenu des incertitudes encore fortes sur les trafics à attendre (niveau des péages non en-core définitivement fixé, effectivité des interdictions de circulation des poids lourds pour les seuls trafics de transit), l’Ae recommande que le dossier soit précisé et complété sur ces deux points.

L’Ae recommande par ailleurs de mieux justifier l’abandon des variantes positionnant le raccor-dement de l’autoroute A13 à Sotteville-sous-le Val, dont l’impact, notamment sur les milieux naturels, aurait été bien plus faible.

Le projet prévoit de détruire une surface estimée à cent quarante-six hectares de forêt, présentant une importante valeur écologique, productive, mais aussi sociale. L’Ae recommande d’approfondir certaines mesures d’évitement et de réduction d’emprise, notamment en justifiant mieux le choix du tracé à l’ouest du bois d’Ennebourg et l’emprise du projet, dont une barrière de péage, sur la forêt de Bord. L’Ae recommande également d’approfondir la définition et l’articulation des diffren-tes compensations envisagées, distinguant les objectifs de reconstitution productive de la forêt, de rétablissement de milieux naturels et de reconstitution du puits de carbone.

L'Ae recommande également de compléter le dossier sur plusieurs impacts plus localisés (impact paysager des grands ouvrages d'art, nuisances - air, bruit - dans les secteurs où la circulation augmentera,...)

Enfin, l'Ae considère que le dossier laisse dans une trop grande incertitude d’une part les consé-quences du projet sur l’extension de la périurbanisation, d’autre part ses effets en matière de

CGEDD Avis délibéré du 3 février 2016 – Contournement Est de Rouen (76-27)

Page 4 sur 31

développement des transports en commun et des « modes doux ». Elle recommande donc au maî-tre d’ouvrage et aux collectivités compétentes que des engagements précis soient pris en la matière, dès ce stade du projet.

L’Ae fait par ailleurs d’autres recommandations, précisées dans l’avis détaillé ci-après.

CGEDD Avis délibéré du 3 février 2016 – Contournement Est de Rouen (76-27)

Page 5 sur 31

Avis détaillé

1. Contexte, présentation du projet, et enjeux environnementaux

1.1. Contexte

Le réseau autoroutier autour de l’agglomération de Rouen présente une configuration particulière : il est composé principalement de « pénétrantes » qui mènent au centre de l’agglomération, sans qu‘il n’existe de périphérique2. Les continuités autoroutières entre les deux rives de la Seine sont relativement proches du centre-ville (pont Mathilde, mis en service en 1980, en amont, et pont Flaubert, mis en service en 2008, à l’aval). Par ailleurs, l’activité portuaire et industrielle génère des trafics de poids-lourds dans l’agglomération.

Figures n° 1 et 2 : L’agglomération de Rouen – Source Géoportail 2015.

1.2. Le projet présenté

1.2.1. Elaboration du projet, débat public, concertations

Le projet est le résultat d’une très longue histoire, amorcée au début des années 703 et réactivée au début des années 90.

Les premières questions ont porté, notamment dans le cadre d’une concertation avec les collectivi-tés en 1993, sur les grandes options de contournement (Est ou Ouest, rapproché ou un peu plus distant de l’agglomération - seuls les plus distants étant envisagés à péage). Elles traduisaient la recherche d’équilibres entre différents objectifs (continuités autoroutières ; desserte de zones in-dustrielles et portuaires ; accès à Rouen ; résolution de difficultés de circulation dans

2 La continuité est-ouest de l’autoroute A13, au sud, et aussi de l’A29, au nord, permet néanmoins aux trafics de transit

les plus importants de passer à l’écart de la ville. 3 Un projet de contournement Est de Rouen est inscrit au schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de 1972.

CGEDD Avis délibéré du 3 février 2016 – Contournement Est de Rouen (76-27)

Page 6 sur 31

l’agglomération et notamment dans sa périphérie Est) et impacts (plus importants à l’Est sur le mi-lieu humain - agriculture et habitat - et à l’Ouest sur les milieux naturels – boucles de la Seine). La décision ministérielle du 24 décembre 1996 a approuvé4 un projet de contournement Est complété par une liaison vers l’Eure au sud-est et l’A 13. Ces projets sont intégrés dans divers documents de planification locaux et nationaux tels que, en 2000, le plan de déplacements urbains (PDU) et le schéma directeur de l’agglomération rouennaise.

Le projet de contournement Est (sans le barreau vers l’Eure) a ensuite fait l’objet d’un débat public en 2005. Une majorité de ceux qui se sont exprimés l'ont considéré indispensable, en raison de l’engorgement, de l’insécurité routière, de la pollution de l’air et des nuisances sonores au centre-ville de l’agglomération. Des contestations ont néanmoins été exprimées au sujet des atteintes à des secteurs écologiquement sensibles, dont le site Natura 20005 du coteau de Saint-Adrien sur-plombant la Seine6 et les petites îles situées à proximité. Certaines collectivités7 ont fait valoir que le projet serait incomplet sans le prolongement de la liaison vers l’Eure. Enfin, des inquiétudes se sont manifestées quant aux eaux souterraines (au regard des captages) et superficielles (inonda-tions par ruissellement).

Figure n° 3 : Projet présenté au débat public de 2005 – Source dossier du maître d’ouvrage.

La décision ministérielle du 2 mars 2006, faisant suite au débat public, arrête les objectifs d'un projet qui réunit le projet de contournement Est et le barreau sud vers l'Eure (voir ci-dessous, § 1.2.2) et demande que soit étudiée la faisabilité de variantes évitant le site Natura 2000 du co-teau de Saint-Adrien.

Sur cette base, les études préliminaires, puis d’avant-projet, d’un projet autoroutier à péage réuni-fiant le contournement Est et la liaison vers l’Eure et l’A 13 ont été engagées à partir de 2007. Afin « d’apporter la preuve qu’une décision alternative plus favorable à l’environnement est impossible à un coût raisonnable »8, les études envisagent 11 options de passage au travers des différents

4 Cette même décision évoque un contournement Ouest concédé devant assurer à long terme la continuité de l’A28. 5 Les sites Natura 2000 constituent un réseau européen en application de la directive 79/409/CEE « Oiseaux » (codifiée en

2009) et de la directive 92/43/CEE « Habitats faune flore », garantissant l’état de conservation favorable des habitats et espèces d’intérêt communautaire. Les sites inventoriés au titre de la directive « habitats » sont des sites d’intérêt com-munautaire (SIC) ou des zones spéciales de conservation (ZSC), ceux qui le sont au titre de la directive « oiseaux » sont des zones de protection spéciale (ZPS).

6 Franchissement de la Seine qui, au sud-ouest du projet, permettait le raccordement à la RD 18e (cf. figure). 7 Le conseil régional de Haute-Normandie et les deux conseil généraux de la Seine-Maritime et de l’Eure se sont notam-

ment exprimés en ce sens. 8 Article 1er de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de

l’environnement. Cette orientation prise par la DREAL s’explique aussi, sans doute, par le reproche qui lui a été adressé de ne pas avoir présenté les différentes variantes avec le même niveau de précision lors du débat public de 2005.

CGEDD Avis délibéré du 3 février 2016 – Contournement Est de Rouen (76-27)

Page 7 sur 31

grands secteurs du projet9. Trente quatre variantes10 résultant des combinaisons envisageables de ces différentes options sont comparées entre elles au regard de leurs fonctionnalités, de leurs ca-ractéristiques techniques et de leurs impacts sur l’environnement et la santé. A noter que si ces 34 variantes assurent toutes la liaison entre A 28 et A 13, dix d’entre elles - correspondant aux famil-les A et C ci-dessous - ne prévoient pas de bretelle vers Rouen qui est alors relié via des échangeurs de l’autoroute A13.

Figure n° 4 : Les variantes étudiées sont regroupées en familles :

A (8 variantes), B(24) et C(10)

Une « variante préférentielle » (de la famille B) est retenue par l’État en octobre 2012, avec une bretelle d’accès à Rouen franchissant la Seine, mais évitant le coteau Saint-Adrien.

En juin 2013, le projet est classé par la commission Mobilité 21 en seconde priorité de son scéna-rio 1 et en première priorité de son scénario 211.

Compte tenu de ce que le projet n’a pas fait l’objet de DUP dans les 5 ans ayant suivi le débat pu-blic, la Commission nationale du débat public (CNDP) est questionnée fin 2013 par le ministre en charge des transports sur les modalités de la poursuite du dialogue avec les territoires : la CNDP préconise alors une concertation avec le public, sous l’égide d’un garant, et sur la base de la va-riante préférentielle proposée par l’État.

La concertation est conduite en juin et juillet 2014. Le rapport du garant confirme l’adhésion large aux objectifs du projet mais relève des contestations potentiellement contradictoires, sans qu'émerge un tracé alternatif qui y réponde de façon totalement satisfaisante12. Cette concertation suscite enfin un premier débat sur le financement, faisant apparaître des oppositions à une pers-pective de péage.

9 Secteur de raccordement à l’A28 au nord, secteur central et d’accès à Rouen, secteur de raccordement à l’A13 au sud. 10 Toutes ces variantes se rapportent au projet du « contournement Est rapproché », et aucune au contournement « Est éloi-

gné » ou Ouest. Cette absence peut se justifier du fait que les décisions ministérielles de 1996 et 2006, faisant suite respectivement à la concertation de 1993 et au débat public de 2005, ont précédemment statué sur ce point.

11 La commission « Mobilité 21 », mise en place en octobre 2012 par le ministre chargé des transports, avait principalement pour mission de proposer une hiérarchisation des projets d’infrastructures inscrits au Schéma national des infrastructu-res de transport (SNIT). Elle a envisagé deux scénarios financiers, pour chacun desquels les projets ont été classés dans trois groupes, dont celui des premières priorités (« projets qui devraient être engagés sur la période 2014-2030 ») et ce-lui des secondes priorités (« projets dont l’engagement doit être envisagé entre 2030 et 2050 »).

On peut noter dans le rapport de la commission, concernant le projet de contournement Est de Rouen, que : « Au sein de la commission des avis divergents se sont exprimés quant à l’intérêt du projet. Certains commissaires ont notamment fait part de leur conviction que d’autres solutions par l’ouest, via le pont Flaubert, permettraient d’apporter une réponse satisfaisante aux problèmes qui se posent, tout en étant plus respectueuse pour l’environnement et les populations loca-les. Ils ont fait observer d’une part que le bilan carbone de cette nouvelle infrastructure routière était évalué à 2 millions de tonnes émises …/…. Ce tracé rallongerait de 20 minutes le temps de parcours et traverserait des zones urbaines comme Oissel et Saint-Étienne- du-Rouvray. »

12 « Hormis le passage du contournement par le pont Flaubert, option qualifiée par le maître d’ouvrage d’inadaptée au concept de contournement de l’agglomération, ce pont étant situé dans la ville de Rouen » (rapport du garant de la concertation de 2014, pièce I du dossier relative au bilan des étapes de la concertation, page 111). L’Ae note qu’une telle affirmation attribuée au maître d’ouvrage relève plus de la tautologie que de l’argumentation au fond.

CGEDD Avis délibéré du 3 février 2016 – Contournement Est de Rouen (76-27)

Page 8 sur 31

Le 7 janvier 2015, la ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie et le secré-taire d’État chargé des transports donnent leur accord à la poursuite du projet et à l’engagement des études préalables à la déclaration d’utilité publique.

Dans le cadre d’un « dialogue continué » postérieur à la concertation, le projet a depuis fait l’objet de diverses adaptations visant notamment une meilleure intégration des échangeurs (suppressions de bretelles à très faible trafic, passage à une seule voie d’autres bretelles) et des mesures d’insertion complémentaires (remodelage paysager en lisière de la forêt de Bord, réduction de la largeur d’une tranchée aux Authieux-sur-le-Port-Saint-Ouen, couverture d’une tranchée à Boos).

L’Ae note que les historiques présentés ne permettent pas de bien comprendre si les perspectives de création ultérieure d’un contournement Ouest13 restent envisagées ou sont désormais exclues. En effet la décision ministérielle de 1996 – qui prévoyait à long terme, en sus d’un contournement Est rapproché, un contournement Ouest assurant la continuité de l’autoroute A28 - n’a pas fait l’objet d’une décision modificative.

Pour la complète information du public, l’Ae recommande que le dossier précise explicite-ment les intentions de l'Etat relatives à un éventuel contournement autoroutier Ouest de Rouen.

1.2.2. Objectifs affichés

Le dossier définit les objectifs du projet par référence à la décision ministérielle du 2 mars 2006, qui faisait suite au débat public. Il s’agit de :

« accueillir une part significative des déplacements internes à la [Métropole], notamment en-tre les plateaux situés au nord et à l’est de Rouen et les autres secteurs de l’agglomération,

délester le centre-ville de Rouen d’une partie du trafic qui le traverse afin de contribuer à l’amélioration du cadre de vie et permettre le développement des transports collectifs et des modes doux ».

Des objectifs spécifiques sont définis pour le barreau vers l’Eure :

« favoriser les échanges entre l’agglomération rouennaise, le secteur de Louviers-Val-de-Reuil et la vallée de l’Andelle,

relier directement le contournement routier de Rouen à l’autoroute A13,

permettre au trafic de transit venant de l’A28 de rejoindre l’A13 à l’Est de Rouen ».

1.2.3. Caractéristiques

Le projet présenté, après choix du « tracé représentatif », se présente comme une autoroute à 2x2 voies comportant trois branches, pour un total de 41,5 km. La vitesse retenue pour sa conception est de 130 km/h, sauf en approche de Rouen où elle est ramenée à 110 km/h.

Le tracé comporte des sections en plateau, mais aussi, du fait notamment des fortes dénivelées rencontrées, un nombre important d’ouvrages d’art d’envergure :

viaducs franchissant les vallées qui entaillent le plateau : viaducs du Robec (430 m environ), de l’Aubette (420 m), des Chartreux (270 m) et des Bucaux (420 m),

viaduc sur la Seine à Oissel, long d’environ 1 170 m, qui franchit la différence d’altitude (60 m environ) entre Oissel et le plateau, et se prolonge côté plateau par une courte tran-chée couverte,

viaduc « des voies ferrées » (530 m), à Saint-Étienne-du-Rouvray,

viaduc sur la Seine et l’Eure (1 740 m), au niveau des communes d’Alizay et du Manoir,

13 La décision ministérielle de 1996 approuve la création d’un contournement Ouest devant assurer à long terme la conti-

nuité de l’autoroute A28. Cette perspective, bien que non formellement abandonnée n’est cependant plus évoquée par la suite - et ne figure notamment pas dans l’option de référence de l’étude socio-économique -.

CGEDD Avis délibéré du 3 février 2016 – Contournement Est de Rouen (76-27)

Page 9 sur 31

viaducs de raccordement avec l’A13, au sud.

Figure n° 5 : Le projet présenté – Source dossier du maître d’ouvrage, sur fond de carte IGN.

Quelques habitations devront être expropriées, notamment aux Authieux-sur-le-Port-Saint-Ouen.

Le dossier fait état de volumes de déblais et remblais particulièrement importants : 6,0 millions de m3 (Mm3) extraits, générant 1,4 Mm3 de volumes non réutilisables, à mettre en dépôt, et 4,9 Mm3 de volumes réutilisables. 4,0 Mm3 de remblais seraient nécessaires. Le projet serait donc ex-

CGEDD Avis délibéré du 3 février 2016 – Contournement Est de Rouen (76-27)

Page 10 sur 31

cédentaire en matériaux. Le dossier précise en outre que la couche de forme, dont le volume est à ce stade estimé à 0,5 Mm3, « sera réalisée dans la mesure du possible avec les matériaux ex-traits ».

Il est prévu un réseau d’assainissement ordinaire pour une infrastructure autoroutière, avec des bassins de traitement des pollutions et d’écrêtement des débits.

Le péage prévu est de type « fermé », c’est-à-dire que chaque diffuseur14 est équipé d’une barrière de péage où les usagers entrants prennent un ticket, et où les usagers sortants paient en propor-tion du kilométrage parcouru. Les points d’échanges prévus sont :

les extrémités des trois branches, où le projet se raccorde sur le réseau autoroutier exis-tant,

le diffuseur avec la RD 321, sur la branche sud, en rive droite de la Seine,

trois diffuseurs (RD 95, RD 6014, RN 31), sur chacun des trois plateaux traversés à l’Est de Rouen.

Le dossier ne fournit pas de tableaux des temps de parcours prévus entre les différentes entrées et sorties de l’autoroute, pour les voitures et les poids-lourds.

L’Ae recommande de préciser les temps de parcours prévus entre les différentes entrées et sorties de l’autoroute, pour les voitures et les poids-lourds.

Il est envisagé que les collectivités gestionnaires de voirie mettent en place des interdictions de leurs réseaux aux poids lourds en transit, pour les contraindre à emprunter l’autoroute (voir le § 2.1.3, ci-après).

Le coût du projet est estimé à 886 M€ 2015 HT.

1.3. Principales procédures relatives au projet

1.3.1. Autorisations nécessaires

Le dossier présenté est un dossier d’enquête publique15 préalable à une déclaration d’utilité publi-que (DUP)16 valant mise en compatibilité17 des documents d’urbanisme des communes traversées.

Le projet est soumis à étude d’impact en application notamment des rubriques 6° « infrastructures routières » et 7° « ouvrages d’art » du tableau annexé à l’article R.122-2 du code de l’environnement.

Compte tenu de son montant, le dossier comporte une évaluation socio-économique18, soumise à l’avis19 du Commissariat général à l’investissement.

En plus des mises en compatibilité susmentionnées, l’obtention de la DUP permettra aux conseils départementaux d’enclencher des aménagements fonciers agricoles et forestiers (AFAF)20.

Différentes autorisations seront nécessaires, mais les demandes correspondantes sont repoussées à une date ultérieure :

autorisation au titre de la loi sur l’eau21, 14 Entrée ou sortie d’autoroute. 15 Articles L. 123-1 et suivants du code de l’environnement. 16 Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. 17 Articles L. 153-54123-14 et suivants, et R.153-14 23-23-1 et suivants, du code de l’urbanisme. 18 Articles L. 1511-2 et suivants du code des transports. 19 Décret n° 2013-1211 du 23 décembre 2013 relatif à la procédure d’évaluation des investissements publics. 20 Articles L. 121-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime. 21 Articles L. 214-1 et suivants du code de l’environnement.

CGEDD Avis délibéré du 3 février 2016 – Contournement Est de Rouen (76-27)

Page 11 sur 31

autorisation de déroger à la protection stricte d’espèces protégées et de leurs habitats22,

le cas échéant, autorisation de défrichement23.

L’évaluation des incidences sur le réseau Natura 200024 est quant à elle jointe au dossier25.

1.3.2. Procédure de mise en concession

Il est prévu que l’infrastructure soit mise en concession, après l’obtention de la DUP, par signature d’un contrat intervenant après une procédure de mise en concurrence. Le concessionnaire aura la charge des études de conception, de l’obtention des autorisations mentionnées ci-dessus, de la réalisation des travaux (la mise en service est annoncée pour 2024), et de l’exploitation de l’infrastructure jusqu’à la fin de la période de concession (durée non précisée). Il percevra une « subvention d’équilibre », destinée à compléter les recettes du péage, pour couvrir l’ensemble des coûts.

Les montants prévus des péages, d’une part, et de la subvention d’équilibre, d’autre part, n’apparaissent pas dans la présentation du projet. Seule la pièce F (évaluation socio-économique) indique (p. 92) que la valeur estimée de cette subvention varie de 407 M€ (2015, HT) à 565 M€26, soit 46 à 64 % de l’investissement. Quant au niveau du péage, l’Ae n’a pas trouvé dans le dossier d’indications à son sujet27. Selon l’Ae, il s’agit pourtant là d’éléments essentiels de la description du projet :

le montant des péages influe directement sur les volumes de trafic, tant sur la future auto-route que sur le réseau existant - déchargé ou rechargé selon les secteurs - ;

la subvention d’équilibre représente la partie du projet qui devra être financée sur fonds publics ; il s’agit donc a priori d’un terme dans l’évaluation de l’intérêt public attaché au projet28.

Même si ces montants ne sont pas connus précisément aujourd’hui, notamment parce que la sub-vention d’équilibre demandée sera vraisemblablement un critère essentiel pour départager les candidats au contrat de concession, des estimations devraient en être présentées, au titre de la description du projet.

L’Ae recommande de compléter la description du projet par :

le niveau attendu des péages (véhicules légers et poids-lourds),

le niveau attendu de la subvention d’équilibre,

et par l’explication des facteurs qui pourront faire évoluer ces chiffres.

22 Articles L. 411-1 et suivants du code de l’environnement. 23 Articles L.341-3 du code forestier. L’autorisation ne sera pas nécessaire pour le défrichement de boisements acquis pour

le compte de l’Etat suite à la DUP ; la compensation au titre du code forestier (cf. § 2.3.1 du présent avis) s’appliquera cependant.

24 Articles L .414-4 et R. 414-19 à 26 du code de l’environnement. 25 La loi impose en effet qu’elle soit conduite avant que toute autorisation du projet ne soit accordée, y compris une DUP. 26 La décision ministérielle du 7 janvier 2015 indique par ailleurs que la subvention d’équilibre serait financée pour moitié

par l’État, et pour moitié par les collectivités : « Le projet devra respecter une enveloppe prévisionnelle plafond HT de 820M€/2015. Nous vous demandons de poursuivre la recherche des solutions techniques permettant de minimiser le plus possible le niveau de la subvention publique qui devra être financée à parité par l’État et les collectivités locales concer-nées » (pièce I, p.114).

27 Les tarifs qui apparaissent dans l’étude de trafic (Cerema, direction territoriale Normandie-Centre, juin 2015), communi-quée à l’Ae, sont de 10 centimes d’euro par kilomètre, hors taxe et en valeur 2010, pour les véhicules légers, et de 30 centimes pour les poids-lourds.

28 Suivant la « théorie du bilan », établie par la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE 29 mai 1971 Ville nouvelle Est) : « une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social qu'elle comporte, ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle pré-sente ».

CGEDD Avis délibéré du 3 février 2016 – Contournement Est de Rouen (76-27)

Page 12 sur 31

1.4. Principaux enjeux environnementaux relevés par l’Ae

Un des objectifs du projet est d’alléger la circulation routière dans le centre de Rouen. De fait, les pollutions et nuisances liées à cette circulation (pollution de l’air, bruit, dangerosité, difficulté à se déplacer par tout mode autre que le véhicule particulier) sont, comme dans de nombreuses villes de cette taille, un enjeu environnemental majeur.

Pour l'Ae, les principaux enjeux environnementaux du tracé proposé sont :

une très forte destruction de sols naturels ou agricoles (plus de 500 hectares au total);

la préservation des espaces forestiers. Ceux consommés par le projet sont en effet de quali-té, du point de vue de leur productivité comme de leur fonctionnalité écologique. De surcroît, ils sont situés dans une région au taux de boisement relativement faible, et dans un contexte périurbain qui leur confère une fonction récréative et de cadre de vie impor-tante, mais qui les fragilise également ;

la préservation des paysages ;

la bonne protection des captages alimentant en eau potable l’agglomération de Rouen.

Dans un périmètre plus large, la configuration du projet facilitera considérablement certains tra-jets, notamment depuis les plateaux traversés par l’autoroute : l’enjeu de l’étalement urbain et de la périurbanisation supplémentaires induits par le projet, et des destructions de sols associées, est donc important.

De même, les consommations énergétiques et émissions de gaz à effet de serre supplémentaires, engendrées par des trajets à la distance et à la vitesse augmentées, représentent un enjeu impor-tant.

2. Analyse de l’étude d’impact

Sur la forme, la rédaction du dossier est claire et accessible.

L’étude d’impact, et surtout les échanges des rapporteurs de l’Ae avec le maître d’ouvrage, font apparaître une bonne appropriation par celui-ci des enjeux, notamment environnementaux, des territoires traversés par le projet.

2.1. Remarques générales sur l’évaluation des impacts

2.1.1. Degré de précision des analyses présentées

Comme rappelé plus haut, les études de conception du projet n’ont pas encore été conduites, et relèveront du concessionnaire. De ce fait, l’étude d’impact ne parvient pas encore à établir les ef-fets du projet avec une grande précision. L’évaluation présentée à ce stade s’appuie largement sur des engagements du maître d’ouvrage, dont il est prévu qu’ils soient traduits dans le décret de DUP et dans les obligations transférées au concessionnaire lorsqu’il sera désigné.

La question des emprises du projet donne un bon aperçu du degré de précision atteint à ce stade : une « emprise projet envisagée », contenant la voie, les remblais et déblais, les bassins d’assainissement, les échangeurs, les péages, etc., est tracée sur le fond de carte, et donne une idée du projet tel qu’envisagé par le maître d’ouvrage ; mais une bande de DUP de 300 mètres de large est tracée autour du projet, élargie au niveau des échangeurs, pour laisser au futur conces-sionnaire la possibilité de modifier la conception technique du projet.

CGEDD Avis délibéré du 3 février 2016 – Contournement Est de Rouen (76-27)

Page 13 sur 31

Figure n° 6 : Niveau de définition des emprises du projet (exemple sur une partie du tracé). En jaune les em-prises prévisionnelles ; en traits tiretés la bande de DUP mise à l’enquête, à l’intérieur de laquelle le

concessionnaire aura la faculté de faire évoluer le projet. Source dossier, p.E2.1-182.

L’Ae considère que, si cette situation n’est pas toujours parfaitement satisfaisante, elle n’empêche pas que les principaux impacts environnementaux soient suffisamment bien identifiables pour donner lieu à une enquête publique de DUP. Certains approfondissements du dossier sont cepen-dant indispensables, selon l’Ae, pour que cette condition soit complètement remplie. Dans la suite du présent avis, l’Ae formule les recommandations qu’elle estime nécessaires pour consolider cette identification des impacts, puis revient sur la formalisation des engagements du maître d’ouvrage, et sur l’actualisation future de l’étude d’impact.

2.1.2. Estimation des trafics

L’estimation des trafics accueillis sur l’infrastructure, et de leurs diminutions ou augmentations induites sur les autres voies de l’agglomération, est un préalable à l’évaluation de différents im-pacts environnementaux (effets sur la pollution de l’air, sur le bruit, sur les consommations énergétiques et émissions de gaz à effet de serre, etc.).

La modélisation des trafics s’appuie sur la combinaison de plusieurs modèles et raisonnements (trafic de transit, d’échange, local ; poids lourds (PL), véhicules légers (VL) ; heures creuses, heures de pointe, etc.). L’Ae relève que le modèle de trafic VL urbain ne suppose pas que les déplace-ments observés seraient la seule expression d’une demande rigide, mais tient compte de l’effet de la capacité offerte par le réseau routier. La question du « trafic induit » est donc prise en compte, tout du moins à court terme29, ce qui est assurément très positif30.

L’Ae note cependant que le scénario de référence utilisé ne prévoit pas d’inflexion des tendances passées en matière de mobilités, et en particulier une poursuite de l’augmentation des distances parcourues en voiture individuelle pour les déplacements internes à l’agglomération (même sans projet).

Les résultats de la modélisation intégrant le projet font apparaître principalement une forte dimi-nution (jusqu’à - 80 %) du trafic de poids lourds sur l’axe nord-sud A28 – Tunnel de la Grand’Mare – Pont Mathilde – Boulevard industriel (voir le paragraphe ci-après). Concernant les véhicules lé-gers, la re-distribution des trafics internes à l’agglomération (diminution des trajets les plus courts et augmentation des trajets les plus longs) a des effets contrastés, avec des déchargements ou au contraire des rechargements d’axes. La RN 31 en approche de Rouen, la RD 6014, et l’A 13 entre le sud de Rouen et Incarville sont significativement déchargés. Le pont Mathilde, partant de 86 000 véhicules par jour, est déchargé de 5 000 camions et 2 000 voitures environ ; le pont Flau-

29 Pour les effets de plus long terme, se reporter au § 2.10, sur l’urbanisation induite. 30 L’Ae se prononce ici sur le fait que la modélisation prend en compte ce phénomène ; elle n’a cependant pas expertisé la

modélisation et ses résultats.

CGEDD Avis délibéré du 3 février 2016 – Contournement Est de Rouen (76-27)

Page 14 sur 31

bert, partant de 54 000 véhicules par jour, est déchargé de 2 000 voitures environ, mais chargé d’autant de camions31.

Figures n° 7 et 8 : Effet du projet sur les trafics de véhicules légers (à gauche) et de poids lourds (à droite), en 2024. Chaque cartouche indique le trafic journalier prévu en 2024 avec projet, puis la différence par rapport

à la situation 2024 sans projet32. Source étude Cerema, juin 2015.

L’Ae rappelle que les trafics à attendre dépendent du niveau de péage fixé, ce qui justifie l’importance que celui-ci soit relativement bien connu, et affiché de manière transparente, dès la présente enquête publique ; et que les estimations de trafics présentées précisent systématique-ment sous quelle hypothèse de péage elles ont été construites.

L’Ae recommande de préciser si l’appel d’offres laissera aux entreprises candidates la possi-bilité de proposer des niveaux de péage différents de ceux actuellement pris comme donnée d’entrée des calculs de trafic ; et dans quelle mesure les trafics, à prendre en compte pour l’évaluation des impacts, en seraient alors modifiés.

2.1.3. Prise en compte des restrictions aux poids lourds en transit

Le dossier présente rapidement les restrictions de trafic envisagées, et indique que « ce sont les collectivités, en coordination avec les préfectures, qui seront en charge de mettre en application ce nouveau plan de circulation ; les voiries locales de cette zone seraient uniquement autorisées à la desserte par voie d’arrêté préfectoral ».

31 Ainsi la restriction de trafic de transit poids lourd mise en place sur le pont Mathilde et le tunnel de la Grand’Mare provo-

que un report, en majorité vers la nouvelle liaison et en minorité vers le pont Flaubert. 32 Laquelle est construite en supposant une augmentation des trafics, par rapport à la situation constatée en 2010, allant de

+6% pour les flux VL internes à l’agglomération, à +21% pour les flux VL externes.

CGEDD Avis délibéré du 3 février 2016 – Contournement Est de Rouen (76-27)

Page 15 sur 31

Figure n° 9 : Périmètres envisagés pour la restriction aux poids lourds en transit. Source étude d’impact.

L’Ae relève que ces interdictions jouent un rôle important dans la réussite du projet. En effet :

le trafic de poids lourds représente en première approche presque la moitié de la justifica-tion du projet33,

il apparaît peu vraisemblable que le plus important des flux de poids lourds prévus sur la liaison, à savoir celui qui l’emprunterait entre l’A28 (extrémité nord) et le rond-point des Vaches (extrémité ouest), s’y reporte spontanément et massivement, étant donnés la fai-blesse du gain de temps34 et le montant du péage35.

Il serait donc nécessaire de s’assurer, dès le stade de la présente DUP, que les restrictions de trafic pourront réellement être mises en œuvre. La question du contrôle semble essentielle : puisque la restriction ne s’appliquera pas aux poids lourds effectuant une desserte locale, présents en nom-bres non négligeables, ceux en transit pourront être tentés de ne pas la respecter, aucun signe extérieur ne les distinguant des premiers. Le dossier devrait donc, selon l’Ae, apporter des élé-ments démontrant l’efficacité des mesures envisagées pour interdire le transit des poids lourds36.

L’Ae recommande au maître d’ouvrage, pour que l'étude d'impact ne surestime pas la réduc-tion des trafics et des nuisances induites par le projet en centre-ville :

de préciser les moyens à mettre en oeuvre pour assurer que les interdictions de trafic aux poids lourds en transit soient respectées ;

33 En considérant qu’un poids lourd équivaut à trois voitures environ, ce qui correspond au ratio des péages prévus, ou

encore à une équivalence habituelle pour les calculs de capacité de voirie. 34 En situation normale, le temps de parcours pour un poids lourd, via le réseau actuel (parcours de 20 km), est de l’ordre

de 20 minutes, ce qui correspond aussi au temps de parcours prévisible par la nouvelle infrastructure, de 28 km. La liai-son n’offrira donc de gains de temps significatifs à ce flux de poids lourds qu’aux heures présentant une forte congestion (heures de pointes et situations perturbées).

35 À raison de 30 centimes d’€ (2010, HT) par kilomètre, le tarif poids lourd de ces 28 km serait de 8,40 € 2010. On rappel-lera que le calcul socio-économique retient une valeur du temps du poids lourd de 37,20 € 2010 par heure, si bien qu’en moyenne, le gain de temps nécessaire pour contrebalancer ce péage est de 14 minutes.

36 Il apparaît notamment que le précédent utilisé par le maître d’ouvrage pour estimer un « taux d’évasion », au titre d’un test de sensibilité de l’analyse socio-économique, porte en fait sur une configuration très différente. L’Ae relève quant à elle que l’interdiction de transit de poids lourds, intervenue fin 2013 sur les itinéraires parallèles à l’A 65, dans les Lan-des, a conduit à une forte augmentation de la fréquentation de cette autoroute par les poids lourds (+31%, dès le premier trimestre 2014). Ces mesures ont cependant été mises en place dans un contexte très différent (réseau beaucoup moins maillé, absence dans le territoire de grands pôles générateurs de trafic, comme le port et la ville de Rouen, …). Il serait donc nécessaire d’examiner plus en détail s’il s’agit d’un précédent comparable, et quels enseignements seraient à en ti-rer.

CGEDD Avis délibéré du 3 février 2016 – Contournement Est de Rouen (76-27)

Page 16 sur 31

si possible, de présenter les retours d’expérience d’interdictions mises en place dans un contexte comparable.

2.2. Recherche de variantes, et choix du parti retenu

Du fait de la longue histoire du projet, de son évolution dans le cadre du débat public, et de l’exigence formulée par le Grenelle37 d’assurer que les projets retenus correspondent à une solu-tion de moindre impact, une large partie de l’étude d’impact est consacrée à l’examen des variantes, au point d’en modifier la structure : un tome est consacré au choix de la variante, sur la base d’un état initial préliminaire portant sur l’ensemble des secteurs potentiellement traversés, puis un tome étudie la variante retenue, sur la base d’un état initial plus poussé.

Les 34 variantes38 sont comparées entre elles au regard des différents grands enjeux (eaux super-ficielles et souterraines, milieux naturels, aménagement et urbanisme, patrimoine, paysages, bruit, qualité de l’air, etc.), et éliminées progressivement.

Dans son principe, la présentation retenue est très adaptée pour expliquer et motiver les choix effectués. Deux points appellent cependant des remarques de l’Ae.

2.2.1. Variantes par Sotteville-sous-le-Val

Parmi les variantes examinées par le dossier, celles empruntant le fuseau élémentaire « SSV » (pour Sotteville-sous-le-Val, dites « famille A » p.E1-350), regroupant en une seule les branches Ouest et Sud du projet, présentent une diminution des fonctionnalités du projet mais évitent une partie très substantielle de ses impacts environnementaux, par réduction de la longueur du tracé et suppression des traversées de la Seine et de la forêt de Bord. Les arguments cités par la conclu-sion rejetant (p.E1-354) ces variantes issues du débat public semblent, en l’état, peu satisfaisants :

le constat que ces variantes ne répondent pas à l’objectif de desservir directement la vallée de l’Andelle n’est pas très convaincant, puisque cet objectif traduisait déjà le choix d’un barreau autonome vers l’Eure. De fait, le dossier prend le parti, paradoxal, d’examiner ces variantes, « affiné[es] à un niveau technique équivalent aux autres tracés », tout en respec-tant scrupuleusement la décision ministérielle de 2006, avec laquelle ces variantes sont peu compatibles ;

ces variantes sont décrites comme nécessitant une très lourde reconfiguration de l’autoroute A13, avec un échangeur particulièrement compliqué39, assorti de « collectrices sur 7 km de part et d’autre, impactant les trois échangeurs existants : Criquebeuf, Tour-ville-la-Rivière et Oissel », « conduisant à la réalisation de viaducs qui viendront élargir ceux existants » (deux traversées de la Seine). Cet échangeur semble cependant loin d’avoir été optimisé, comme l’ont été (cf. § 1.2.1) celui de l’A13 à Incarville, et de l’A28 à l’extrémité nord40, après le choix du tracé.

37 L’article 1 de la loi n°2009-967 de programmation pour la mise en oeuvre du Grenelle de l’environnement prévoit : « Pour

les décisions publiques susceptibles d'avoir une incidence significative sur l'environnement, les procédures de décision se-ront révisées pour privilégier les solutions respectueuses de l'environnement, en apportant la preuve qu'une décision alternative plus favorable à l'environnement est impossible à un coût raisonnable. »

38 Cf. § 1.2.1. Toutes ces variantes se rapportent à un « contournement Est rapproché », et aucune à des contournements « Est éloigné » et Ouest, solutions examinées jusqu’au début des années 90 et écartées par la décision ministérielle du 24 décembre 1996 (celle-ci évoquant cependant la perspective de création ultérieure d’un contournement Ouest pour as-surer à long terme la continuité d’A28). .Cette absence peut se justifier du fait que les décisions ministérielles de 1996 et 2006, faisant suite respectivement à la concertation de 1993 et au débat public de 2005, ont précédemment statué sur ce point.

39 Cf. figure 272, p.E1-347. 40 Il semble peu contestable que la proximité entre le raccordement et l’échangeur de Tourville-la-Rivière imposerait un

système de collectrices (voies d’entrecroisement séparées physiquement de la chaussée principale). Le profane peinera cependant à comprendre la nécessité de prolonger ces collectrices, de part et d’autre, via les deux traversées de la Seine, vers les échangeurs suivants, distants d’au moins 1500 mètres (alors que l’instruction sur les conditions techniques d’aménagements des autoroutes de liaison, dite ICTAAL 2000, réserve, p.26, les collectrices aux intervalles inférieurs à 500 mètres). Ce même profane s’étonnera aussi de ce que le raccordement de la RD 18e à l’A13, qui y injecte un trafic supérieur à celui qu’apporterait la liaison, se contente d’une géométrie beaucoup plus simple (la figure 271, p.E1-347, permet la comparaison), et est encadré par deux échangeurs relativement proches, sans que cela ne soit identifié comme posant problème, puisque le projet présenté prévoit d’y augmenter le trafic sans le modifier. Ainsi, bien qu’il existerait

CGEDD Avis délibéré du 3 février 2016 – Contournement Est de Rouen (76-27)

Page 17 sur 31

plus généralement, les arguments selon lesquels ces variantes seraient moins fonctionnelles semblent contredits par l’étude de trafic (cf. sa « variante 6 »), selon laquelle il s’agit des va-riantes amenant les plus forts trafics41.

L’Ae recommande de mieux justifier le rejet des variantes positionnant le raccordement de l’autoroute A13 à Sotteville-sous-le-Val.

2.2.2. Choix entre options de passage

Certaines synthèses du tableau récapitulatif apparaissent en décalage par rapport aux indications du corps du dossier.

Ainsi, pour le choix entre l’option de passage à l’ouest42 (OBE) ou à l’est43 (EBE) du bois d’Ennebourg, la comparaison synthétique44 des variantes n° 17 (variante préférentielle soumise à l’enquête publique45) et n° 1846 (qui ne diffère de la précédente que par l’option de passage à l’est, et non à l’ouest, du bois d’Ennebourg) retient à diverses reprises pour la variante n° 17 un code couleur bleu clair, plus favorable que le marron clair retenu pour la variante n° 18. Or ces différen-ces n’apparaissent pas justifiées si l’on se réfère aux indications du corps du dossier. Ainsi :

pour les risques technologiques47, comme pour le bruit et la qualité de l’air48, les indica-tions apparaissant dans l’étude sont identiques pour les deux options OBE et EBE ;

pour les enjeux de paysage et de patrimoine, les indications apparaissant dans l’étude49 mettent plutôt en évidence une situation moins favorable de la variante 17, le fuseau OBE traversant les vallées aux coteaux boisés du Robec, de l’Aubette et des Chartreux, des continuités végétales de boisements et comportant plusieurs clos-masures typiques de la région (comme la ferme des Essarts et la ferme des Communes).

Par ailleurs, les textes ou tableaux de synthèse devraient, en conclusion, motiver le choix effectué, en exposant la raison pour laquelle, dans l’appréciation du maître d’ouvrage, la solution retenue est celle présentant le moindre impact sur l'environnement à coût raisonnable.

L’Ae recommande :

de s’assurer que les synthèses qualifiant les enjeux environnementaux des différentes options et variantes sont cohérentes avec les indications fournies dans le corps de l’étude ;

d’expliciter en conclusion de ces synthèses le choix du maître d’ouvrage et les raisons environnementales de ce choix.

sans aucun doute un sujet d’adaptation de l’A13 aux échanges nouveaux et trafics supplémentaires (de fait, l’usage ac-tuel de l’A13 à proximité de Rouen ne correspond plus à la fonction de transit pour laquelle elle avait été conçue), des solutions de raccordement plus raisonnables simples auraient pu être recherchées.

41 Trafics moyen journaliers annuels considérés aux différents points de l’infrastructure. En revanche, du fait d’un linéaire total significativement plus court, les flux totaux empruntant le projet sont, naturellement, plus faibles.

42 Option dite « OBE » pour « Ouest Bois d’Ennebourg », dans le secteur de raccordement à A28 au nord du projet. 43 Option dite « EBE » pour « Est Bois d’Ennebourg », dans le secteur de raccordement à A28 au nord du projet. 44 Tableau 88, page 358 du tome 1 de l’étude d’impact (« Choix de la variante »). 45 Cette variante 17, variante préférentielle soumise à l’enquête publique, correspond à la combinaison des options de pas-

sage suivantes : OBE, BENO (barreau vers l’Eure Nord-Ouest), BESL (barreau vers l’Eure Sud-Lisière) et PSO (Port-Saint-Ouen). La variante 18 correspond quant à elle à l’enchaînement des options de passage EBE, BENO, BESL et PSO, qui ne diffère donc de la variante 17 qu’au nord (EBE au lieu d’OBE).

46 Variante « EBE-BENO-BESL-PSO ». 47 Pour OBE p. 315 et pour EBE p. 317. 48 Pour OBE p. 314, et p. 317 pour EBE (alinéas sur la description des habitations et activités au sein du périmètre d’études -

à prendre en compte pour le bruit et la qualité de l’air -, et alinéa spécifique sur le bruit). 49 Pour OBE pp. 314 et 315, et pour EBE p. 317.

CGEDD Avis délibéré du 3 février 2016 – Contournement Est de Rouen (76-27)

Page 18 sur 31

2.3. Effets du projet

2.3.1. Impacts sur la forêt

Les espaces boisés susceptibles d’être affectés par le projet sont principalement répartis sur les secteurs suivants, du nord au sud :

la forêt de Préaux et le bois de la Houssaye, près de la jonction avec A28 (2),

les bois d’Ennebourg, des Princes et des Chartreux (1),

le bois de Boos (3) et divers boisements à proximité de la Seine (4), au centre du projet,

la forêt domaniale de La Londe - Rouvray, classée forêt de protection50 - qui, dans la variante retenue, mise à l’enquête publique, n’est cependant pas directement affectée ; l’extrémité ouest du projet étant néanmoins située à proximité immédiate ,

la forêt domaniale de Bord.

Figure n° 10 : Massifs forestiers interceptés par les différentes variantes du projet. Source étude d’impact.

En l’état actuel du projet, avant ajustements par le concessionnaire, une surface forestière de l’ordre de 146 hectares est détruite par les emprises, dont 135 actuellement classée51 en espaces boisés (EBC) par les documents d’urbanisme. La majorité de cette surface concerne la forêt de Bord (70 ha) et le massif des bois d’Ennebourg, des Princes et des Chartreux (38 ha) ; les essences les plus représentées sont le hêtre et le chêne. Le dossier fait état des peuplements présents, et des différents usages de la forêt observés.

L’Ae rappelle que les forêts domaniales du secteur ont déjà été largement traversées par diverses infrastructures routières52. L’accumulation de ces traversées peut poser question, du point de vue des coupures, mais aussi du bruit ou encore de la pollution de l’air, et ceci d’autant plus que ces forêts périurbaines ont des fonctions sociales importantes.

50 Décrets du 18 mars 1993 et 14 septembre 2006. Il s’agit du niveau de protection le plus important pour une forêt, re-

connu seulement après examen par le Conseil d’Etat. 51 Les documents d’urbanisme devront en conséquence être modifiés avant réalisation du projet. 52 La dernière en date étant le barreau dit « contournement sud », au nord de la forêt du Rouvray.

CGEDD Avis délibéré du 3 février 2016 – Contournement Est de Rouen (76-27)

Page 19 sur 31

L’Ae recommande au maître d’ouvrage de présenter, dans une démarche de retour d’expérience, tout élément utile sur l’impact des autoroutes traversant d’ores et déjà les fo-rêts de Bord et de La Londe – Rouvray, en matière de coupure des connectivités écologiques, de bruit, de qualité de l’air et de fréquentation par le public.

L’étude analyse les différents impacts résultant des emprises : au-delà de la destruction de surfa-ces boisées, effets de coupure (segmentation de massifs, atteintes aux continuités écologiques) et de bordure (création de lisières sur lesquelles l’exposition à l’ensoleillement et aux vents, notam-ment, est modifiée).

2.3.1.1. Evitement et réduction des impacts sur la forêt

Un certain nombre de mesures d’évitement et de réduction sont insuffisamment explicitées. Il en est ainsi :

du choix du tracé à l’ouest du bois d’Ennebourg, plutôt qu’à l’est53 ;

des mesures spécifiques à prévoir pour réduire l’effet de bordure le long de la forêt de Bord, compte tenu notamment des conditions d’enracinement des essences présentes. Étant donnée l’importance du linéaire concerné, ces mesures mériteraient d’être précisées dès ce stade.

L’Ae recommande de mieux expliciter certaines mesures d’évitement et de réduction de la destruction d’espaces boisés :

en justifiant mieux le choix du tracé à l’ouest du bois d’Ennebourg ;

en précisant les mesures qui seront mises en œuvre pour limiter les « effets de bor-dure » en forêt de Bord.

L’Ae s’est interrogée sur le positionnement de la barrière de péage de l’extrémité sud de l’autoroute. En effet, une part importante de l’emprise du projet sur la forêt de Bord résulte de cette barrière et de la géométrie qu’elle impose aux raccordements à la RD 6015. De surcroît, le dossier identifie que la nature des peuplements forestiers sur les parcelles concernées (futaies de hêtres et de résineux, principalement), combinée à l’orientation, perpendiculaire aux vents domi-nants, de la brèche créée, entraîne une forte vulnérabilité des peuplements en cas de tempête. Le maître d’ouvrage a indiqué aux rapporteurs de l’Ae qu’il étudiait une optimisation de l’aménagement, diminuant son emprise. Dans l'état actuel du dossier, l'Ae s'interroge si un éven-tuel déplacement de cette barrière vers un point plus favorable du tronçon compris entre le raccordement à l’A13 et l’échangeur avec la RD 321, selon le principe adopté pour les deux autres extrémités du projet54, ne pourrait pas être examiné.

L’Ae recommande au maître d’ouvrage de réduire autant que possible l’emprise du projet et de sa barrière de péage sur la forêt de Bord, et de traduire en engagements le résultat de cette démarche.

2.3.1.2. Compensation au titre du code forestier

En matière de compensation au titre du code forestier55, le dossier indique que le maître d’ouvrage dispose à ce jour de près de 260 hectares de stocks fonciers identifiés, répartis en deux sites – dont l’un, de 120 ha, directement attenant à la forêt de Bord –, acquis ou en cours d’acquisition par la SAFER. Ces superficies sont en très grande majorité déjà forestières, à l’exception des fonds

53 Sur la forme, le § 2.2.2 du présent avis a attiré l’attention, sur l’exemple du choix entre les variantes EBE et OBE, sur un

besoin de mise en cohérence des synthèses et des indications fournies dans le corps du texte du tome 1 de l’étude d’impact (« Choix de la variante »). On trouve par ailleurs, sur le fond, au §4.3.4 (p.232) du tome 2.1 de l’étude d’impact (Etude de la variante retenue), un argumentaire justifiant le choix de la variante OBE au regard des conséquences qu’aurait eues EBE sur le parcellaire agricole, sans mise en balance cependant des impacts d’OBE sur le bois d’Ennebourg et sa lisière.

54 La barrière associée à l’extrémité ouest est placée de l’autre côté de la Seine, sur le plateau des Authieux ; et la barrière associée à l’extrémité nord est placée de l’autre côté de la vallée du Robec, sur le plateau de Préaux.

55 Cette compensation vise les préjudices causées à la politique forestière. Elle n’inclut pas nécessairement la compensation de l’atteinte aux milieux naturels forestiers (qui sera formalisée notamment dans le cadre de la dérogation au titre des espèces protégées), même si une mutualisation est possible, voire souhaitable.

CGEDD Avis délibéré du 3 février 2016 – Contournement Est de Rouen (76-27)

Page 20 sur 31

de vallons aujourd’hui en prairie. Il a été indiqué aux rapporteurs de l’Ae qu’une expertise de ces terrains est en cours par l’ONF.

L’Ae recommande au maître d’ouvrage de présenter au public les principaux résultats, sur un plan écologique, du diagnostic, à venir, des terrains acquis par la SAFER en vue de la com-pensation au titre du code forestier.

Il serait également utile que le dossier précise les principes retenus56 (ratio de compensation, pos-sibilité de fournir la compensation par transfert de terrains privés dans le domaine privé de l’État plutôt que par reboisement), au regard des règles du code forestier57.

L’Ae recommande de préciser, en lien avec les services de l’État, les principes à retenir pour la compensation, au titre du code forestier, des défrichements.

2.3.1.3. Compensation de l’atteinte aux milieux naturels forestiers, et mutualisation des compensations

Les inventaires font apparaître un nombre important d’espèces animales patrimoniales ou proté-gées dans les secteurs forestiers : chiroptères, oiseaux, amphibiens (dans les lisières), insectes.

Dans le cadre de la demande de dérogation à la protection stricte des espèces et de leurs habitats, à obtenir ultérieurement par le concessionnaire, devront être prévues des mesures de compensa-tion des impacts non évités ou réduits. Le maître d’ouvrage s’engage à fournir des compensations par des mesures de gestion, ainsi que par reboisements, et indique que le processus de recherche de terrains est engagé. Le maître d’ouvrage a en effet indiqué aux rapporteurs de l’Ae que les su-perficies non déjà boisées comprises dans les terrains acquis par la SAFER en vue de la compensation au titre du code forestier sont trop faibles pour suffire à la compensation au titre des milieux naturels. L’Ae relève de plus qu’il conviendra de vérifier si certains de ces terrains pré-sentent déjà un intérêt écologique, auquel cas la pertinence de les reboiser au titre d’une compensation de milieux naturels forestiers serait limitée.

Des « zones pressenties » pour la compensation au titre des milieux naturels sont identifiées (voir l’atlas cartographique). Elles correspondent à des points de faiblesse des continuités écologiques à rétablir en priorité, telles qu’identifiées par le SRCE58 de Haute-Normandie, dans un rayon d’une quinzaine de kilomètres autour du projet. Il s’agit le plus souvent de secteurs de grandes cultures situés en plateaux, où une meilleure connectivité écologique permettrait de mettre en continuité les boisements et autres milieux situés dans des vallées. Des actions dans ces secteurs, dont le principe est a priori tout à fait intéressant, constitueraient vraisemblablement une démarche assez nouvelle. Il apparaît donc nécessaire d’en préciser les perspectives, en lien avec les acteurs, no-tamment agricoles, concernés, afin d’en assurer la faisabilité et d’en préciser les modalités59.

L’Ae relève également l’engagement par le maître d’ouvrage de « compenser l’impact sur le climat en reconstituant le puits de carbone via un reboisement » (p.E2.1-183). Le maître d’ouvrage a indi-qué oralement aux rapporteurs de l’Ae qu’il s’agit bien de compenser uniquement le puits de carbone détruit par le projet60, par des changements d’affectation des sols à mettre en oeuvre à l’échelle des deux départements concernés par le projet, et que cela conduira à un taux de com-pensation par reboisement d’au moins 1 pour 161. Selon l’Ae, il conviendrait de faire le bilan des effets du projet sur les puits de carbone : la prise en compte des sols agricoles détruits, voire éventuellement du changement de l’aménagement forestier des forêts privées transférées vers le 56 Au stade du dossier soumis à l’Ae, de premières indications apparaissent dans le document consacré à la concertation

inter-administrative, ces indications n’étant toutefois pas toujours convergentes. 57 Cf. l’art. L.341-6 du code forestier, qui indique les modalités possibles de compensation d’un défrichement, et prévoit le

coefficient multiplicateur à appliquer, compris entre 1 et 5, et déterminé par les services de l’État en fonction des carac-téristiques de la forêt défrichée.

58 Schéma régional de cohérence écologique. 59 À première vue, c’est la reconstitution d’une trame bocagère, plutôt que le reboisement de certaines parcelles, qui sem-

blerait pertinent dans certains de ces secteurs. Ceci soulèverait néanmoins la question de l’équivalence écologique entre une surface forestière et une trame bocagère.

60 Mais non les émissions des véhicules en phase d'exploitation. 61 Ce qui rend en partie caduc le débat sur la possibilité de s’acquitter de la compensation au titre du code forestier par des

seuls transferts de propriété.

CGEDD Avis délibéré du 3 février 2016 – Contournement Est de Rouen (76-27)

Page 21 sur 31

domaine de l’Etat, pourrait conduire au constat que le taux de reboisement nécessaire est diffé-rent de 1 pour 1.

L’Ae recommande au maître d’ouvrage :

de préciser son engagement de compenser les puits de carbone détruits par les empri-ses du projet, et de calculer ce que cet engagement implique en termes de superficies à reboiser,

d’indiquer dans quelle mesure les reboisements effectués à différents titres (code fo-restier, espèces protégées, engagement relatif au puits de carbone) pourront être mutualisés,

de préciser si ces reboisements consommeront parfois d’autres habitats naturels, et lesquels,

et de préciser la forme que ces reboisements pourront prendre, dans les zones identi-fiées grâce au SRCE comme prioritaires.

2.3.2. Effets sur les milieux naturels

2.3.2.1. Milieux naturels

La destruction de milieux forestiers, traitée au paragraphe précédent, constitue la part prédomi-nante des atteintes du projet aux milieux naturels.

Les raisonnements présentés et les engagements pris concernant :

les autres milieux (milieux ouverts principalement, pour lesquels le maître d’ouvrage s’engage, pour 87 hectares, à une compensation par restauration et mise en gestion),

les continuités écologiques,

sont ceux habituellement rencontrés.

À ce stade, le niveau de détail des inventaires n’est pas suffisant pour qu’un état initial de l’environnement, propre à figurer dans une étude d’aménagement d’AFAF, en soit tiré.

L’Ae souligne que les effets du projet sur les milieux naturels, même après mesures, resteront très substantiels. Le fait que les dérogations au titre des espèces protégées ne seront sollicitées qu’ultérieurement, et que le niveau d’étude nécessaire à la mise en œuvre de cette procédure n’est pas encore atteint, ne devra pas empêcher ces effets d’être pleinement pris en compte pour l’application de la théorie du bilan, dans le cadre de la DUP.

2.3.2.2. Évaluation d’incidences Natura 2000

Cinq sites Natura 2000 sont concernés par le projet :

deux directement touchés par la bande de DUP :

le site « Îles et berges de la Seine en Seine-Maritime » (n° FR2302006), ZSC – zone spéciale de conservation – de 236 ha, désigné au titre de différents habitats associés au fleuve, et que le viaduc projeté surplombe entre les Authieux et Oissel,

le site « Boucles de la Seine Amont, coteaux de Saint-Adrien » (n° FR2300124), com-prenant une mosaïque de formations végétales, et les éboulis calcaires favorables à l’emblématique Violette de Rouen. La bande de DUP empiète sur une petite parcelle, à l’extrémité sud du site62, dont l’évaluation d’incidences indique toutefois qu’elle ne présente pas d’habitat d’intérêt communautaire ;

62 Incluse dans la bande de DUP au titre de la modification éventuelle de la RD 6015, là où elle amorce sa descente depuis

le plateau entre Gouy et les Authieux, vers le Port-Saint-Ouen.

CGEDD Avis délibéré du 3 février 2016 – Contournement Est de Rouen (76-27)

Page 22 sur 31

trois situés à proximité :

le site « Terrasses alluviales de la Seine » (n° FR2312003), ZPS – zone de protection spéciale (désignée au titre de la directive Oiseaux) de 3.694 ha au total, dont une par-tie entre Val-de-Reuil et Poses, qui accueille des espèces hivernantes ou en migration. Son point le plus proche du projet en est à 400 mètres,

les sites « Boucles de la Seine d’Amfreville à Gaillon » (FR2300126), ZSC, à environ 2000 mètres du projet (côte des deux amants),

et les « Îles et berges de la Seine dans l’Eure » (FR2302007) ZSC « jumelle » du site désigné en Seine-Maritime. La traversée du fleuve, par le viaduc sur la Seine et l’Eure, évite cependant ce site.

Le dossier présente les caractéristiques et objectifs de gestion de chaque site, les habitats et espè-ces ayant justifié leur inscription au réseau Natura 2000 et une justification de leur prise en compte ou non63 dans le cadre de l’examen des incidences du projet.

Huit habitats et quinze espèces sont pris en compte, pour lesquels le dossier présente un état des menaces, les types d’incidences possibles (perte ou fragmentations d’habitats, dérangements, destructions d’individus, …), les probabilités d’occurrence (à dire d’expert) de ces menaces et les principes64 des mesures d’évitement et de réduction qui seront mis en œuvre. Sont notamment examinées les risques liés à la destruction de certains habitats relictuels qui permettent des bras-sages génétiques.

Concernant les mesures d’évitement et de réduction, l’évaluation d’incidences indique que « les mesures définies à ce stade nécessiteront d’être affinées, sur les plans techniques et financiers, dans les phases ultérieures ».

L’Ae rappelle que les mesures d’évitement et de réduction mises en avant dans l’étude d’incidences Natura 2000, avant obtention de la DUP, doivent constituer des engagements fermes du maître d’ouvrage. Elle lui recommande de vérifier que tel est bien le cas (cf. éga-lement la recommandation formulée au §2.8.1).

L’Ae relève notamment que le maître d’ouvrage a dû mener un travail d’optimisation des emprises de chantier à proximité du viaduc franchissant la Seine à Oissel, de manière à éviter certains habi-tats. En toute logique, cet engagement devrait conduire à exclure de la bande de DUP les emprises ainsi évitées65.

L’Ae recommande de mettre la bande de DUP en cohérence avec les engagements d’évitement pris dans le cadre de l’étude d’incidences Natura 2000.

Les effets résiduels sont ensuite évalués, les justifications apportées concluant dans tous les cas à des effets résiduels « non notables » à l’échelle des sites Natura 2000. Cette conclusion concerne notamment le Lucane cerf-volant (Lucanus cervus), dont des habitats seront détruits par le projet au niveau de la forêt de Bord (54 ha), compte tenu du fait qu’une large étendue d’habitats poten-tiels sont présents localement et que les habitats potentiellement détruits sont situés en dehors des sites Natura 2000.

En dernier lieu, les effets cumulés du projet sont évalués, deux autres projets étant susceptibles de générer de tels effets cumulés : l’extension et la modification des conditions d’exploitation de la carrière du Manoir et le projet de la ZAC du Halage à Saint-Étienne du Rouvray. Dans les deux cas, les impacts cumulés concernent des habitats de l’Oedicnème criard, espèce visée par la ZPS

63 Ne sont ainsi pas prises en compte, après analyse, la Violette de Rouen (Viola hispida) et la Biscutelle de Neustrie (Biscu-

tella neustriaca). Les pieds les plus proches sont en effet respectivement situés à 1 et 2 kilomètres de l’emprise du projet, hors d’atteinte des pollutions atmosphériques liées à la circulation et sans remise en cause de la fonctionnalité écologique de la sous trame calcicole locale dont ces espèces dépendent.

64 Le tracé définitif n’étant pas connu, seuls des « principes » sont donc précisés. Ceux-ci s’articulent autour de 11 types de mesures (balisage de zones sensibles, limitation de la pollution lumineuse, expertise arboricole des arbres à abattre pour réduire l’incidence potentielle sur les chauves-souris arboricoles, …), avec pour chacun une indication sur l’objectif re-cherché et les mesures à prévoir pour s’assurer de l’effectivité de leur bonne mise en œuvre (formations d’intervenants du chantier, suivi par un ingénieur écologue, …).

65 De la même manière que la bande de DUP a été rétrécie à proximité de la papeterie Europac, pour en garantir l’évitement.

CGEDD Avis délibéré du 3 février 2016 – Contournement Est de Rouen (76-27)

Page 23 sur 31

« terrasses alluviales de la Seine ». Le dossier indique que des mesures de compensation ont été définies dans le cadre des différents projets et seront coordonnées66. L’Ae rappelle que l’évaluation des incidences Natura 2000 doit porter sur les incidences des projets après évitement et réduc-tion, sans que des mesures de compensation ne puissent être prises en compte.

L’Ae rappelle que les mesures compensatoires prévues, même quand elles le sont au titre des projets avec lesquels le cumul d’effet est examiné, ne doivent pas être prises en compte pour l’évaluation d’incidences Natura 2000. Elle recommande donc de revoir le raisonnement pré-senté au titre du cumul d’impacts avec d’autres projets.

2.3.3. Gestion des matériaux

À ce stade, le volume de déblais est estimé à 6 Mm3, le volume de remblais à 4 Mm3 et le volume à mettre en dépôt à 1,9 Mm3. Le maître d’ouvrage s’engage à privilégier les carrières existantes pour la mise en dépôt, et de minimiser les transports de matériaux.

L’Ae observe que les différents secteurs du chantier de terrassement seront fortement isolés les uns des autres par les grandes coupures que constituent la vallée de la Seine (par deux fois) et les vallées qui entaillent le plateau Est. Il serait donc souhaitable de raisonner secteur par secteur, en présentant les bilans prévisionnels permettant de connaître les volumes de dépôts à prévoir sur chacun.

Le maître d’ouvrage présente une première carte des « zones de non-dépôt » (p.E2.1-188) : dans une bande de 500 mètres de part et d’autre du projet, sont identifiés les surfaces à éviter (bâti, forêts, thalwegs, etc.). Le nombre des zones restant est relativement réduit. Il serait nécessaire de faire dès à présent le lien entre ces zones et les excédents prévisibles sur chaque secteur, de ma-nière à vérifier que des dépôts à proximité du chantier seront bien possibles, et à déterminer quelle superficie ils occuperont vraisemblablement.

L’Ae recommande d’établir des bilans prévisionnels des mouvements de matériaux à l’échelle de chacun des secteurs du projet, et d’estimer les surfaces de dépôts probables, pour chacun de ces secteurs.

2.3.4. Agriculture

Les surfaces agricoles occupent environ 38 % de l’aire d’étude67. Les sols les plus fertiles et corres-pondant à des exploitations bien structurées, avec de grandes parcelles, sont situés au nord, à proximité de la jonction avec A28, et à l’est, notamment du bois d’Ennebourg. L’enjeu y est donc considéré comme plus important et c’est afin de limiter l’impact sur le parcellaire agricole que le tracé à l’est du bois d’Ennebourg a été écarté68.

La surface agricole consommée directement par l’emprise prévisionnelle est de 263 ha69, dont 84 % correspond à des surfaces cultivées (céréales, autres cultures et oléagineux). Aucun siège d’exploitation n’est sous l’emprise de l’ouvrage routier, mais deux ont des bâtiments dans la bande de DUP.

Les différents types d’impact sont passés en revue (substitution, coupure, modifications du con-texte agronomique et climatique, impacts spécifiques sur les élevages et les centres équestres,…). La description des impacts et mesures envisagées pour les exploitations les plus affectées est bien retracée dans la synthèse des enjeux et contraintes70.

66 Ces mesures ne sont pas citées dans la section de l’étude relative aux impacts cumulés mais apparaissent dans les ta-

bleaux apportant les éléments justificatifs du fait que les effets résiduels du projet sont « non notables ». En particulier, au titre de la carrière du Manoir, est prévu l’aménagement de 4,5 ha de prairies sèches favorables à l’espèce.

67 Aire d’étude dans laquelle s’inscrivent toutes les variantes, se trouvant à une distance de principe de 500 mètres des fuseaux et d’une superficie totale de 25.000 hectares.

68 § 4.3.4 (p.232) du tome 2.1 de l’étude d’impact. 69 Ou 269 ha, p.E2.1-214. 70 Pages 136 à 156 du tome 2.1 de l’étude d’impact.

CGEDD Avis délibéré du 3 février 2016 – Contournement Est de Rouen (76-27)

Page 24 sur 31

Le maître d’ouvrage prévoit de « raidir les talus de déblais et adoucir les talus de remblais pour une restitution des terrains à l’agriculture ». Il n’est pas indiqué si cette mesure a été prise en compte dans le calcul des volumes de terrassement et des surfaces agricoles consommées par l’emprise prévisionnelle71.

L’Ae recommande de vérifier que les volumes de terrassement et superficies d’emprise indi-qués tiennent bien compte de l’engagement de restituer les talus de remblais à l’agriculture, et d’indiquer l’ordre de grandeur des superficies ainsi restituées.

L’Ae relève aussi que les reboisements à prévoir au titre de diverses compensations, ainsi que les mises en dépôts de matériaux, réduiront aussi les superficies consacrées à l’agriculture.

L’Ae recommande de fournir une première estimation du total des surfaces agricoles détrui-tes, directement ou indirectement, par le projet.

2.3.5 Paysage

Puisque le concessionnaire aura la possibilité de faire évoluer le projet, le maître d’ouvrage n’a pas souhaité produire de simulations 3D le présentant. Selon l’Ae, ce choix risque toutefois de ne pas aider le public à appréhender les dimensions du projet et des ouvrages, notamment les terrasse-ments. L’Ae estime que les différentes illustrations de principe présentées ne suffisent pas à fournir les bases sur lesquelles l’impact paysager pourra être discuté en enquête publique.

L’Ae recommande de fournir des vues ou animations du projet construites à partir d’un outil 3D.

2.3.6 Effets sanitaires, et mesures prévues

2.3.6.1 Alimentation en eau potable

La partie Nord du projet traverse des plateaux karstiques, en amont immédiat de captages alimen-tant l’agglomération de Rouen, qui présentent une sensibilité particulière72. Cet enjeu a été bien identifié en amont et pris en compte, notamment en lien avec le SAGE Cailly-Aubette-Robec, atten-tif à cet enjeu (ainsi qu’à celui du ruissellement et des glissements de terrains, ce qui conduit à dimensionner les bassins pour une pluie centennale73). L’Ae note que l’étude du projet a été l’occasion d’accroître la connaissance du système hydraulique par de nouvelles expériences de traçage, et que le projet prend en compte une extension des périmètres de protection d’un cap-tage, probable mais non encore déclarée d’utilité publique. Les mesures prévues n’appellent pas de remarques de l’Ae.

2.3.6.2 Qualité de l’air

Les éléments présentés résultent d’une étude de risque sanitaire de niveau 274, adaptée aux carac-téristiques du projet. Ils montrent notamment que, du fait de l’augmentation du trafic et des distances parcourues induits par la nouvelle infrastructure, le projet conduit à un accroissement75 71 A priori, adoucir les talus de remblais augmente l’emprise brute du projet, mais réduit la superficie nette de terres agrico-

les consommées, après restitution. 72 Des conduits dits « karstiques » se forment dans le calcaire constituant le plateau, par dissolution (ainsi des rivières

n’apparaissent en surface que bas dans les vallées). Ces rivières souterraines sont capables de transporter rapidement des pollutions, ce qui constitue une vulnérabilité pour les captages situés en aval. Les communications souterraines ne sont pas connues a priori, et doivent être reconstituées par des expériences de traçage.

73 Et non cinquantennale, comme parfois indiqué par erreur dans le dossier. 74 Au sens de la note méthodologique annexée à la circulaire interministérielle Equipement-Santé-Environnement du 25

février 2005 relative à la prise en compte des effets sur la santé de la pollution de l’air dans les études d’impact des in-frastructures routières. Une étude de niveau 2 est requise, notamment, pour les projets avec un trafic compris entre 25.000 et 50.000 véhicules/jour traversant des zones bâties. Une étude de niveau 1 ne serait requise que pour des tra-fics supérieurs à 50.000 véhicules/jour ou, pour les trafics attendus, si les densités de bâti dans une bande d’études de 200 mètres excédaient 10.000 habitants/km² ou encore en cas de présence de lieux dits sensibles (hôpitaux, crèches, écoles, …) dans cette bande.

75 Par rapport à la situation de référence sans réalisation de la nouvelle infrastructure.

CGEDD Avis délibéré du 3 février 2016 – Contournement Est de Rouen (76-27)

Page 25 sur 31

des émissions des différents polluants76 de 4 à 14 % à l’échelle de l’aire d’étude77. Cependant l’éloignement des flux de circulation des secteurs les plus denses de l’agglomération conduit à une légère diminution de l’exposition globale de la population (les IPP78 de différents polluants di-minuent, de -0,01 % à -0,3 %).

Conformément aux orientations de la note méthodologique annexée à la circulaire interministé-rielle Equipement-Santé-Environnement du 25 février 2005, le dossier présente les estimations des variations des concentrations de polluants autour de la nouvelle infrastructure79, ainsi que des émissions liées au trafic routier sur l’ensemble de l’air d’étude. Ces estimations, faites à l’horizon présumé de mise en service du projet, soit 2024, comparent la situation de projet avec celle qui serait observée en l’absence de réalisation de la nouvelle infrastructure.

Autour de la nouvelle infrastructure, c’est au niveau du rond-point des Vaches80 en entrée de Saint-Étienne-du-Rouvray que le projet conduit à la situation la plus critique. Les concentrations en PM1081 en bordure de voie pourront en effet y atteindre, en moyenne annuelle, 47 microgrammes par mètre cube82. Concernant le NO

2

83, le dossier84 ne précise pas le résultat des simulations de concentration en bordure de voie. Il indique seulement que, au niveau du rond-point des Vaches et de la zone de raccordement à A13 à Incarville, ces simulations conduisent à des concentrations supérieures, en moyenne annuelle, à 20 microgrammes par mètre cube sur une distance « pouvant aller » jusqu’à 200 ou 300 mètres de la voie. L’Ae note la présence, à quelques dizaines de mètres du rond-point des Vaches et de la bande de DUP à Incarville, de bâtiments à usage de logement ou professionnel.

L’Ae recommande de préciser le résultat des simulations en dioxyde d’azote en bordure de voie au niveau du rond-point des Vaches et la zone de raccordement à A13 à Incarville.

Hors secteur d’influence directe de la nouvelle infrastructure, le dossier indique que certaines voi-ries existantes de l’agglomération connaîtront un accroissement de trafic et des émissions polluantes, notamment de PM10 et de NO

2. Une grande partie ouest de l’agglomération sera

concernée; en particulier la RN338, le pont Flaubert, le début de l’A150, la rocade Sud et la RD18e entre l’A13 et le rond-point des Vaches85 ; certains axes d’Incarville au sud le seront aussi. Bien que la circulaire interministérielle précitée du 25 février 2005 ne l’impose pas, l’Ae estime qu’il serait pertinent de procéder à une identification des secteurs où se combineront un accroissement significatif des émissions et la présence de bâtiments à usage de logement ou professionnel, et de définir les mesures de réduction et de suivi adaptées.

76 Dont, selon l’étude réalisée par le rapport du bureau d’études Numtech que la DREAL a transmise aux rapporteurs et sur

la base duquel s’est fondé l’étude d’impact, +8 % pour les PM10 et +9 % pour le benzène - polluants considérés comme les plus nocifs pour la santé humaine par l’Agence européenne de l’environnement -.

77 Aire délimitée, suivant les indications apparaissant page 17 du tome 2.1 de l’étude d’impact, par l’ensemble des axes routiers dont les trafics diffèreront de + ou – 10% à la mise en service du projet en 2024 par rapport à la situation « fil de l’eau » sans réalisation du projet. Elle englobe l’ensemble des axes routiers des agglomérations de Rouen, Elbeuf et Val-de-Reuil, ainsi que le projet.

78 Indice pollution – population : indice calculé à l’échelle de l’aire d’étude, croisant la localisation des populations avec les concentrations de polluants, et fournissant une première indication de l’exposition de la population.

79 Dans une bande de 300 mètres de part et d’autre du projet. 80 Point de convergence du trafic de la nouvelle infrastructure avec d’autres. 81 Particules dont le diamètre est inférieur à 10 microns. 82 A comparer à la valeur limite de 40 microgrammes par mètre cube. 83 Dioxyde d’azote, polluant principalement imputable à la circulation routière et à l’industrie. La valeur limite européenne

de concentration de dioxyde d’azote, en moyenne annuelle, est de 40 microgrammes par mètre cube. Elle est notamment dépassée pour la station du boulevard des Belges, en centre-ville (47 microgrammes par mètre cube). Une procédure d’ « EU-pilot » est en cours entre la Commission européenne et la France, Rouen faisant partie des 15 zones désignés.

84 A comparer à la valeur limite de 40 microgrammes par mètre cube en moyenne annuelle (décret n° 2010-1250 du 21 oc-tobre 2010, transposant directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008).

85 Cf. notamment la carte des évolutions des émissions en PM10 entre les scénarios fil de l’eau et projet (étude d’impact, tome 2.1, p. 343). L’étude « Air et santé » élaborée par le bureau d’études Numtech évalue les émissions par le logiciel COPCETEv4 du CEREMA sur toutes les voiries pour trois polluants, les PM10, les NOx et le CO² (des résultats détaillés au-raient également été intéressants pour le benzène qui, avec les PM, est un des polluants considérés comme les plus préoccupants).

CGEDD Avis délibéré du 3 février 2016 – Contournement Est de Rouen (76-27)

Page 26 sur 31

Ce suivi particulier pourrait notamment trouver place dans le cadre de la mobilisation de l’AASQA86 locale (Air-Normandie), à laquelle s’engage le maître d’ouvrage pour identifier les mesures les plus appropriées à la réduction de la pollution atmosphérique.

L’Ae recommande un suivi et, en tant que de besoin, la définition de mesures appropriées à la réduction des pollutions atmosphériques du secteur limitrophe du rond-point des Vaches en entrée de Saint-Étienne-du-Rouvray, ainsi que des secteurs limitrophes de voies existantes où se combineront un accroissement significatif des trafics et des émissions de polluants et la proximité de bâtiments à usage de logement ou professionnel.

L’Ae note que l’étude présentée ne mentionne pas la situation des particules de taille inférieure à 2,5 microns, dites PM2,587, qui sont un polluant très préoccupant, notamment en termes de risque de cancer. Elle ne précise pas non plus comment l’évolution des caractéristiques techniques des véhicules a été prise en compte dans l’évaluation des émissions de polluants.

L’Ae recommande de compléter l’évaluation des risques sanitaires en prenant en compte les particules de taille inférieure à 2,5 microns (PM2,5) et de préciser comment l’évolution des caractéristiques techniques des véhicules a été prise en compte dans l’évaluation des émis-sions de polluants.

2.3.6.3 Bruit

Une modélisation du bruit produit par la liaison nouvelle est présentée. L’Ae note que les résultats sont susceptibles d’évoluer lors des études de détail, en fonction des ajustements de tracé retenus par le concessionnaire. Différentes habitations sont touchées par des niveaux sonores supérieurs aux seuils admissibles pour une infrastructure neuve ; le maître d’ouvrage s’engage alors à la mise en place de protections à la source (merlons ou écrans anti-bruit).

D’après l’étude de trafic, le projet fera augmenter le trafic empruntant différents axes existants, qu’ils soient situés dans le prolongement du projet, ou encore que l’interdiction du pont Mathilde aux poids lourds en transit y fasse aussi augmenter le trafic (l’axe Nord-Sud empruntant le pont Flaubert entre dans cette seconde catégorie). La question des bâtiments voisins de ces axes n’est pas examinée. Selon l’Ae, ceci ne soulève pas de problème au titre de l’application de la réglemen-tation sur le bruit, car les augmentations de trafic estimées sont trop faibles pour produire une « modification significative » de l’infrastructure88. En revanche, il n’est pas impossible que certai-nes de ces augmentations aggravent des situations de point noir de bruit (PNB), ce qui devrait alors appeler une action du maître d’ouvrage.

L’Ae recommande au maître d’ouvrage d’examiner si les routes existantes sur lesquelles le projet fera augmenter le trafic causent ou causeront des points noirs de bruit, et le cas échéant de les résorber dans le cadre du projet.

Le cas du lotissement des deux avenues, à Saint-Etienne-du-Rouvray, a été identifié : le bruit rou-tier s’ajouterait à une situation où les habitations les plus proches des voies ferrées sont vraisemblablement des PNB ferroviaires. Il serait donc pertinent, selon l’Ae, de réduire à la source le bruit routier ajouté par le projet.

2.3.7 Consommation d’énergie et émissions de gaz à effet de serre

Le dossier fait état d’émissions de gaz à effet de serre augmentées d’environ 50 000 tonnes de CO

2 par an. Ce chiffre est tout à fait considérable, puisqu’il correspond environ au total des émis-

86 Association agréée de surveillance de la qualité de l’air. 87 La grande nouveauté de la directive européenne 2008/50 de 2008 (transposée par le décret 2010-1250 du 21/10/2010)

réside dans l'établissement de normes pour les particules atmosphériques d'un diamètre inférieur à 2,5 micromètres (PM 2,5) qui sont potentiellement les plus dangereuses pour la santé. Les États membres seront tenus de réduire, d'ici à 2020, l'exposition à ces particules en zone urbaine de 20 % en moyenne par rapport aux chiffres de 2010. Dans ces mê-mes zones la directive demandait que les niveaux d’exposition soient ramenés au-dessous de 20microgrammes par m3 d’ici 2015 (et, dans la mesure du possible, 2010).

88 Pour plus de détails, l’Ae renvoie le lecteur à la note sur le bruit qu’elle a publiée : http://www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/150708_-_Note_sur_le_bruit_des_infrastructures_-_delibere_cle234991.pdf

CGEDD Avis délibéré du 3 février 2016 – Contournement Est de Rouen (76-27)

Page 27 sur 31

sions de gaz à effet de serre annuelles de 8.000 personnes en France. L’Ae ne peut que

s’interroger, comme elle l’a déjà fait, sur la cohérence entre d’une part les engagements de la France, tel le facteur 489, réaffirmé par l’article premier de la loi de transition énergétique, et d’autre part le scénario de référence utilisé pour l’évaluation90, ainsi que ce chiffre traduisant l’effet propre du projet.

L’Ae souligne en outre que ce chiffre ne prend pas en compte les émissions supplémentaires sus-ceptibles d’être induites par le projet via une périurbanisation supplémentaire (voir le paragraphe suivant).

L’Ae relève que le dossier ne présente pas de mesures de réduction ou, le cas échéant, de com-pensation de ces impacts, pourtant prévues par l’article R.122-5 du code de l’environnement.

L’Ae recommande de mettre en place des mesures de réduction ou le cas échéant de compen-sation du surcroît d’émissions de gaz à effet de serre induit par le projet.

2.4. Analyse des effets potentiels sur l’urbanisation

L’article R.122-5 du code de l’environnement prévoit que l’étude d’impact comporte « une analyse des conséquences prévisibles du projet sur le développement éventuel de l’urbanisation ». Dans le cas d’espèce, il s’agit d’un enjeu fort, particulièrement sur les plateaux Est. Le bilan LOTI de l’autoroute A2891, par exemple, indique que « le fort impact de A28 sur le développement périur-bain, notamment à proximité de Rouen, n'a pas été réellement anticipé et n'a donc pas été accompagné ou orienté. Il convient d'être attentif à ces aspects lors de l'étude des projets futurs ». De fait, cet impact se constate de manière évidente dans le secteur d’Isneauville et de Quincam-poix.

Le dossier présente bien, en termes généraux (p.E2.1-224), les inconvénients que pourrait avoir une augmentation ou un étalement de cette périurbanisation (localisation des habitants et activités peu efficace et générant des kilométrages importants en voiture, consommation de terres agrico-les, etc.). Il indique que « le projet s’inscrit dans une volonté de développement durable du territoire et s’articule avec les politiques d’aménagement de l’espace portées par les collectivités locales. Ces politiques doivent préserver les abords de l’infrastructure d’une urbanisation diffuse et au contraire favoriser la densification des zones déjà urbanisées, tout en améliorant en paral-lèle la desserte de ces dernières par un développement volontariste des transports en commun sur les routes pénétrant vers le coeur de l’agglomération ». Les engagements qui en découlent, pas-sant par la rédaction d’orientations qui forment le corps d’une « charte pour une valorisation réciproque du territoire et de l’infrastructure », manquent cependant de la consistance qui leur permettrait d’être pris en compte dans le cadre d’une évaluation. Ils n'apportent, à ce stade, au-cune garantie de maîtrise pérenne de l'urbanisation.92

L’Ae recommande au maître d’ouvrage, avec les collectivités concernées, de présenter à l’appui de la DUP des mécanismes permettant d’éviter, réduire et compenser effectivement les effets environnementaux négatifs de la périurbanisation supplémentaire des plateaux Est, desservis par le projet.

L’Ae souligne en outre que les trafics associés à cette périurbanisation supplémentaire, non éva-lués, ne sont pas pris en compte par le modèle de trafic. Le bilan LOTI de l’A28 constatait d’ailleurs que « les objectifs de trafic de l'ouvrage ont donc été largement dépassés. Cependant, ce dépassement n'est pas dû à la fonction première d'itinéraire de transit qui lui était assignée, mais à une fonction induite de support du développement urbain. À ce titre, on peut s'interroger sur la capacité des modèles de trafic utilisés à prendre en compte ces effets induits, surtout lorsque l'on réalise des autoroutes sans péage ». À terme, ce trafic induit en cas de non-maîtrise de l’étalement urbain est de nature à recharger les axes déchargés par le projet.

89 Division par 4 des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050. 90 Qui ne prévoit pas de diminution significative des émissions de CO

2 du trafic routier dans l’agglomération de Rouen.

91 http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Autoroute_A28_Rouen_-_Abbeville.pdf 92 comme le permettraient des outils tels que le classement en espace agricole de protection (art.....

CGEDD Avis délibéré du 3 février 2016 – Contournement Est de Rouen (76-27)

Page 28 sur 31

L’Ae rappelle que les trafics à partir desquels les différentes évaluations (qualité de l’air, bruit, consommations d’énergie, etc.) sont construites n’intègrent pas les effets de l’étalement urbain supplémentaire.

L'Ae recommande de tenir compte des effets de l'étalement urbain dans l’appréciation des impacts du projet, et dans la définition, avec les collectivités territoriales concernées, des mesures d’évitement, réduction et compensation, en cohérence avec les orientations du schéma régional climat air énergie93.

2.5. Atteinte des objectifs environnementaux assignés au projet par la décision ministérielle de 2006

Un des objectifs assignés au projet par la décision ministérielle de 2006 est de nature environne-mentale : « délester le centre-ville de Rouen d’une partie du trafic qui le traverse afin de contribuer à l’amélioration du cadre de vie et permettre le développement des transports collectifs et des mo-des doux ». L’Ae s’intéresse donc ici à sa bonne atteinte, à la lumière des évaluations figurant dans l’étude d’impact.

Concernant l’amélioration du cadre de vie par déchargement du trafic, l’effet est contrasté, en fonction des endroits. L’effet le plus fort apparaît à l’Est de Rouen et à Darnétal, où le trafic de poids lourds est significativement réduit (sous réserve des remarques faites sur la mise en oeuvre de la restriction de trafic des poids lourds), même si celui des voitures, qui représente de loin le plus gros volume, ne l’est quasiment pas.

Concernant le développement des transports collectifs et des « modes doux »94, le dossier affirme en plusieurs endroits cet effet du projet. Cependant :

les déchargements de trafic prévus par l’étude d’impact n’apparaissent pas suffisants pour libérer à eux seuls les voies de circulation à consacrer à d’autres modes de transport. Les déchargements de véhicules légers (dimensionnants pour la capacité à l’heure de pointe) sont presque95 partout inférieurs à 5 % du trafic et à 2 000 véhicules par jour.

ces déchargements concernent essentiellement des axes de nature autoroutière, dont la modification pour accueillir les transports collectifs, sans même parler des modes actifs, n’est pas aisée et nécessiterait une importante préparation. Si une telle perspective est réel-lement envisagée sur l’axe Nord-Sud déchargé des poids lourds en transit, elle devrait être explicitée et précisée.

une autre interprétation serait que la voirie locale pourra être davantage consacrée aux transports en commun et aux modes actifs, et le trafic routier renvoyé vers les axes auto-routiers déchargés par le projet. Cependant, les ordres de grandeur ne correspondent pas, puisque les diminutions de trafic calculées sont bien inférieures à la capacité de toute voie urbaine. De plus, les différents réaménagements de voiries déjà effectués dans le centre-ville96 apparaissent contredire l’idée que le trafic routier actuel rendrait impossible ces évo-lutions.

la RN 31 et la RD 6014 représentent néanmoins des cas particuliers, où la réduction du tra-fic sera substantielle (jusqu’à moins un tiers pour la RN 31). Toutefois, le profil de ces routes, à une seule voie de circulation par sens, rend assez subtile la question de leur adap-tation à un trafic plus faible : là aussi, une réflexion partagée serait nécessaire pour assurer qu’une requalification substantielle aura lieu.

93 « La poursuite de l’étalement urbain tel qu’il a été conduit depuis ces dernières années devient un « interdit » au regard

des enjeux à long terme du Facteur 4. » 94 L’expression « modes actifs » est celle employée aujourd’hui, pour désigner principalement la marche et le vélo. 95 Les exceptions sont la RN 31 et la RD 6014, traitées ci-après. 96 Les 4 ponts urbains et les quais en ont tous fait l’objet, à l’exception du pont Guillaume le Conquérant, sur lequel le

passage du T4 est prévu à court terme.

CGEDD Avis délibéré du 3 février 2016 – Contournement Est de Rouen (76-27)

Page 29 sur 31

L’Ae recommande au maître d’ouvrage, en lien avec les collectivités concernées, de préciser très concrètement les dispositions envisagées pour accroître la part du transport collectif et des modes actifs sur les voies déchargées par le projet, dont la RN 31, la RD 6014 et l’axe Nord-Sud A28 – Pont Mathilde – Boulevard Industriel.

2.6. Évaluation socio-économique du projet

Le projet fait l'objet d'une évaluation socio-économique, découlant de l'article L.1511-2 du code des transports et du décret n° 2013-1211 du 23 décembre 2013 relatif à l'évaluation des investis-sements publics. En application de ce même décret, il est soumis à l'avis du commissariat général à l'investissement (CGI), qui constituera une des pièces du dossier d’enquête publique. L'article R.122-5 du code de l'environnement dispose par ailleurs que l'étude d'impact présente « les prin-cipaux résultats commentés de l'analyse socio-économique ».

L'Ae examine dans son avis la bonne explication au public de la méthode et des résultats de l'éva-luation socio-économique. L'analyse de la pertinence d’ensemble de l’évaluation et de ses conclusions relève quant à elle de l'avis du CGI.

La pièce F du dossier comporte une « analyse stratégique » du territoire et de l’offre de transport. Les résultats de l’évaluation socio-économique proprement dite apparaissent aux pages 84 à 90, et sont suivis d’une analyse de l’équilibre financier de la concession.

Le résultat affiché est positif : valeur actualisée nette (VAN) de 565 M€ 2010. Le principal bénéfice mis en avant est représenté par les gains de temps (1 352 M€ 2010) ; le principal inconvénient est le coût de d’investissement (-523 M€ 201097).

Différents « tests de sensibilité » sont conduits (synthétisés en p.95), pour examiner la sensibilité du projet à différents risques.

Un calcul de « VAN stressée » est conduit, consistant à recalculer la VAN en supposant que le PIB reste constant dans le futur. Le résultat du calcul est fortement négatif (VAN stressée égale à -426 M€), ce qui est pour le moins surprenant98. Selon l’Ae, un tel résultat ne peut être annoncé sans être accompagné d’un minimum d’explications : il conviendrait de fournir la décomposition de la VAN stressée, et, surtout, d’expliquer comment l’hypothèse différente sur la croissance fu-ture, quoique ne modifiant pas radicalement le niveau du PIB99, ni par conséquent les niveaux de trafic100, parvient à bouleverser le résultat du calcul.

Pour la bonne information du public, l’Ae recommande d’analyser les raisons pour lesquelles l’intérêt socio-économique du projet semble dépendre très fortement du niveau du PIB futur.

Toujours pour la bonne information du public, l’Ae rappelle qu’une si forte sensibilité au PIB des effets du projet appelle normalement un re-calcul de la VAN, au titre de la prise en compte du « risque systémique »101 : le rapport E. Quinet102, sur lequel est fondée103 l’évaluation présentée, y

97 La différence avec le coût d’investissement annoncé (886 M€ 2015) tient essentiellement à la date à laquelle les coûts

sont actualisés (actualisation : opération qui permet de mettre en balance des coûts et avantages intervenant dans le fu-tur avec d’autres intervenant dans le présent).

98 Ce résultat pourrait en outre être interprété comme l’évaluation du projet dans un scénario où le PIB emprunterait bien la trajectoire prévue, mais où interviendraient des évolutions des pratiques de déplacement, et du transport de marchandi-ses, se traduisant par un arrêt de l’augmentation des distances parcourues par la route.

99 Pour rappel, le scénario de référence suppose une croissance du PIB de 1,5% par an jusqu’en 2025, puis de 1% jusqu’en 2050, et nulle au-delà (pièce F, p.51).

100 Le modèle suppose que les différents trafics varient moins que proportionnellement au PIB. 101 Le raisonnement tenu est que l’incertitude sur le niveau de la croissance future doit conduire à privilégier les projets qui

produisent autant d’avantages en cas de croissance faible qu’en cas de croissance forte, et constituent donc une assu-rance contre cette incertitude.

102 http://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/archives/CGSP_Evaluation_socioeconomique_17092013.pdf 103 Via l’instruction du gouvernement et la note technique de juin 2014 citées par le dossier, puis, concernant les risques,

une « fiche outil » du 7 octobre.

CGEDD Avis délibéré du 3 février 2016 – Contournement Est de Rouen (76-27)

Page 30 sur 31

consacre des développements importants104. Le dossier, tel que soumis à l’Ae, laisse entendre au lecteur non averti que le choix d’un taux d’actualisation de 4,5 % (au lieu de 4 %) constituerait la manière standard de tenir compte du fait que « le projet est présumé vulnérable aux risques macro-économiques (ou systémiques) » (pièce F, p. 85). En fait, 4,5 % est le taux unique recom-mandé à titre transitoire par le rapport E. Quinet (p. 83) pour tous les projets, qu’ils soient risqués ou non. À ce stade, la présentation des calculs mériterait donc d’être corrigée. La manière dont le caractère risqué du projet peut ou doit être pris en compte dans l’évaluation socio-économique relève quant à elle de l’avis du CGI.

Pour la bonne information du public, l’Ae recommande au maître d’ouvrage de ne pas pré-senter le taux d’actualisation de 4,5 % comme tenant compte du caractère risqué du projet.

L’Ae rappelle enfin que l’évaluation socio-économique n’intègre pas les éléments pour lesquels il n’existe pas de monétarisation (milieux et ressources naturels, etc.).

2.7. Résumé non technique de l’étude d’impact

Le résumé non technique est accessible, proportionné et bien illustré.

L’Ae recommande de prendre en compte dans le résumé non technique les conséquences des recommandations du présent avis.

2.8. Étapes à venir

2.8.1. Engagements d’évitement, de réduction et de compensation (ERC)

Comme l’explique la conclusion de la pièce I (étapes de la concertation), les engagements pris par le maître d’ouvrage ont vocation à être traduits par des prescriptions formulées dans la DUP, puis par le cahier des charges de l’appel d’offres de mise en concession.

L’étude d’impact propose tout au long du texte des mesures d’évitement, de réduction et de com-pensation, repérées par trois pictogrammes. Une « synthèse des impacts et mesures », faisant l’objet d’une cartographie, est proposée en fin d’étude d’impact, et reprise dans le résumé non technique. À ce stade, une part importante des engagements semblent peu précis, et ne paraissent pas pouvoir, dans leur rédaction, être intégrés utilement à un document de nature contractuelle. Le maître d’ouvrage a indiqué aux rapporteurs de l’Ae que de fait, ces engagements auraient voca-tion à être réécrits lors de leur intégration en un « dossier des engagements de l’État ». Selon l’Ae, la rédaction de ces engagements devrait être présentée dans le cadre de l’enquête publique.

L’Ae recommande au maître d’ouvrage de présenter ses engagements sous la forme qu’ils prendront dans la déclaration d’utilité publique et dans les obligations transférées au concessionnaire lorsqu’il sera désigné, et de rappeler comment sera organisé leur suivi.

2.8.2. Actualisation future de l’étude d’impact

Comme rappelé plus haut, la présente étude d’impact ne présente pas encore un niveau de détail satisfaisant. Il appartiendra au concessionnaire retenu de l'actualiser105, et de la soumettre à un nouvel avis de l’Ae, préalablement au dépôt de ses demandes d’autorisations. L’Ae souligne qu’il conviendra alors non seulement de préciser les thématiques qui l’auront été par de nouvelles étu-des (emprises, milieux naturels, etc.), mais aussi de vérifier la cohérence de l’ensemble des grandes hypothèses avec les évolutions de contexte qui auront pu se produire, ainsi qu’avec les

104 Pour une synthèse de ces développements, voir l’introduction par Jean Pisany-Ferry, Commissaire général à la stratégie

et à la prospective, à partir de « Dans le prolongement du rapport Gollier, le rapport fournit les outils opérationnels », jusqu’à « pour mener à bien de tels calculs ».

105 Conformément à l’article R.122-8 du code de l’environnement.

CGEDD Avis délibéré du 3 février 2016 – Contournement Est de Rouen (76-27)

Page 31 sur 31

dispositions qui auront été inscrites au contrat de concession, ceci afin que l’étude d’impact conserve une cohérence d’ensemble.

2.8.3. Articulation entre autorisations

La chronologie envisagée pour les procédures (DUP, puis passation du contrat de concession, puis autorisations environnementales) présente un certain nombre d’inconvénients :

connaissance imprécise de données économiques, notamment le montant des péages, dont dépendent pourtant en très grande part l’évaluation des effets environnementaux,

temps d’autorisation important, durant lequel le contexte du projet est susceptible d’évoluer, rendant alors caduques des hypothèses de départ,

connaissance imprécise (relevée au fil du présent avis) de certains effets environnementaux du projet, au moment où son opportunité doit être appréciée (dans le cadre de la DUP). Ceci concerne les thèmes du paysage, des milieux naturels, du bruit, etc. Le cas le plus patent est celui des compensations forestières, qui devront être conséquentes mais dont les prin-cipes et ordres de grandeur sont très peu précisés106 ; ainsi que celui de la consommation d’espaces agricoles, puisque la superficie consommée, après prise en compte de l’ensemble des éléments du projet, n’est pas déterminée.

déclaration d’utilité publique d’une bande de DUP de 300 mètres de large, dont il apparaîtra a posteriori que seule une partie était nécessaire au projet. Du strict point de vue environ-nemental, ceci conduira par exemple à la suppression de mesures protectrices, comme des classements d’espaces boisés, sans assurance de leur rétablissement ultérieur sur les par-ties de la bande de DUP qui auront été épargnées par l’infrastructure.

Plus largement, l’Ae perçoit une tension entre d’une part le nombre très important d’engagements pris par le maître d’ouvrage dans le cadre de la concertation, et d’autre part l’incapacité dans la-quelle il se trouve de mettre en avant des choix techniques très précis107.

Selon l’Ae, une configuration plus saine serait celle dans laquelle le soin d’obtenir la DUP, et donc aussi de présenter les engagements associés, serait confié au concessionnaire108, qui s’en acquitte-rait en même temps que des autorisations à caractère environnemental. L’Ae mesure qu’il s’agirait là d’une innovation importante, puisque telle n’a pas été la pratique passée, pour la construction des grandes liaisons concédées. Elle considère néanmoins que, du fait du territoire du projet, pé-riurbain et donc beaucoup plus contraint qu’un territoire rural, et s’agissant d’un projet « post-Grenelle », qui a fait l’objet de nombreuses étapes de concertation, conduisant le maître d’ouvrage à s’engager sur de nombreux points, la pratique passée a atteint ses limites.

L’Ae recommande au maître d’ouvrage d’examiner la possibilité de revoir la chronologie des autorisations sollicitées.

106 Ce qui ne permet pas d’apprécier leur faisabilité réelle. 107 En témoignent le fait que la pièce « plan général des travaux » ne présente pas une autoroute mais une bande de DUP,

ou encore que le maître d’ouvrage ne produit pas de simulation 3D de l’autoroute (comme le fait usuellement SNCF Ré-seau sur ses projets en tracé neuf).

108 Un document interne de la DIT (« Principes juridiques sur la mise en œuvre d’un projet de concession autoroutière ») indique de fait que rien n’interdit de recourir à une telle configuration, et cite l’A63 comme exemple de projet où cela a été le cas.