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11 La Lettre du Musicien – 2 e quinzaine de mai 2010 – n° 388 ACTUALITÉS L’ami de Ravel Jacques de Zogheb aurait demandé un jour au compositeur du Boléro ce qu’il pensait de Chopin. A quoi Ravel aurait répondu : « C’est le plus grand des Italiens. » On a beau connaître l’amour du compositeur pour les paradoxes, cela peut surprendre. Et pourtant, la mélodie chopinienne est bien d’es- sence belcantiste. Ce qu’il recherchait, et pas seulement dans les Nocturnes, dont on sait à quel point ils furent influencés par Bel- lini, c’était l’équivalent d’une messa di voce, la fluidité et la colo- ration d’un aria de bel canto. Allez faire ça avec un piano. Mais, précisément, les pianos du temps de Chopin commençaient à pouvoir produire ce legato cantabile sans lequel la musique romantique n’aurait simplement pas pu exister. D’où, chez Cho- pin, l’abondance d’ineffables cantilènes, l’Andante spianato op. 22, les sections centrales du Scherzo et de la Marche funèbre de la Sonate n° 2, presque tous les Nocturnes, les seconds thè- mes des premiers mouvements des deux concertos. Mais l’on pourrait prolonger la liste. Et d’ailleurs, ce n’est pas pour rien que Chopin s’est adonné, comme d’autres, à la variation sur des motifs d’opéras. A partir de “Je vends des scapulaires” de Hérold, de la “Marche des Puritains” de Bellini et surtout du duo “La ci darem la mano” de Mozart, il a composé de petits opéras pianistiques. Ce n’est pas là ce qu’il a fait de plus carac- téristique, mais, chez lui, le goût pour la beauté vocale n’est pas un détail secondaire. Voici pour l’italianità. Pour autant, ceux qui considèrent que Chopin a l’âme slave n’ont pas tout à fait tort. Même s’il est un peu facile, sous pré- texte qu’il était polonais, qu’il aimait sa patrie, qu’il vivait à l’époque romantique, d’en induire que sa musique serait le parangon des vertus slaves. En fait, c’est plus compliqué. Une musique littéralement inouïe Comme tout véritable créateur, Chopin est d’abord lui-même et n’entretient avec son environnement que des rapports un peu lointains. En fait, dans le monde musical de son temps, c’est une sorte d’ovni. Comme, par ailleurs, Wagner dans un genre bien différent. Que l’on écoute ce qui se compose pour le piano dans ces années (ne parlons pas de Liszt ou de Schumann, bien sûr, mais de tous les pianistes-compositeurs qui se multiplient au rythme des fabriques de piano). Rien ne ressemble à Chopin. Des valses, on en a composé, des mazurkas, des études, des polonaises aussi. Mais pas comme les siennes. L’harmonie en est proprement inouïe (au sens étymo- logique), ainsi que la composition. Voyez les Valses, ses pages les plus connues et les plus coulantes. Voyez comme chaque section se déduit comme naturellement de la précédente, bien qu’il enchaîne en fait des épisodes contrastés, par d’étranges glissements harmoniques qui, pourtant, ont l’air parfaitement naturels. Ce qui le distingue de tant de musiciens moyens, c’est bien la dialectique de l’ordre et de l’imagination, c’est la com- position. Pas étonnant si un compositeur d’aujourd’hui, Régis Campo, déclarait un jour : « Chopin dont on porte aux nues (à juste titre, d’ailleurs) l’incroyable originalité des tournures mélodiques et harmoniques tisse un réel système d’écriture complexe – et donc fatalement en connexion avec nos préoccu- pations d’aujourd’hui. » Une fois que l’on a compris cela, il est plus facile d’aller cher- cher Chopin là où il est réellement, c’est-à-dire dans le discours même, dans les notes, plutôt que dans les circonstances exté- rieures. Encore aujourd’hui, hélas, et tout particulièrement en cette année de bicentenaire, sa médiatisation se fait sur des thè- mes romantiques éculés, et sur une idée un peu simplette, à savoir que l’œuvre se déduit de la vie, et que Chopin est ce qu’il est parce que la Pologne a été malmenée par les Russes, parce qu’il a aimé George Sand, parce qu’ils sont partis ensemble à Frédéric Chopin au-delà des clichés ANNIVERSAIRE. Nous ne ferons pas l’insulte à nos lecteurs de leur rappeler ici la vie et l’œuvre de Frédéric Chopin ! Mais son bicentenaire, dont nous avons déjà largement fait état, est aussi l’occasion de s’interroger sur le compositeur et son œuvre et d’aller au-delà des images toutes faites qui parfois prévalent encore. Chopin en quelques dates 1810 Naissance à Zelazowa Wola (22 février ou 1 er mars) 1819 Premier séjour à Vienne 1830-31 Second séjour à Vienne 1831 Installation à Paris 1832 Premier concert parisien 1835-37 “Fiançailles” avec Marie Wodzinska 1836 Rencontre de George Sand 1838-39 Séjour à Majorque 1847 Rupture avec George Sand 1848 Dernier concert à Paris. Séjour à Londres 1849 Mort à Paris (17 octobre) (1810-1849) Archives Pleyel Anniversaire Robert Schumann (1810-1856), un dossier à lire dans notre prochain numéro.

(1810-1849) Frédéric Chopin au-delà des clichés · 2010. 5. 16. · La Lettre du Musicien – 2e quinzaine de mai 2010 – n°388 11 ACTUALITÉS L’ami de Ravel Jacques de Zogheb

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Page 1: (1810-1849) Frédéric Chopin au-delà des clichés · 2010. 5. 16. · La Lettre du Musicien – 2e quinzaine de mai 2010 – n°388 11 ACTUALITÉS L’ami de Ravel Jacques de Zogheb

11La Lettre du Musicien – 2e quinzaine de mai 2010 – n°388

ACTUALITÉS

L’ami de Ravel Jacques de Zogheb aurait demandé un jour aucompositeur du Boléro ce qu’il pensait de Chopin. A quoi Ravelaurait répondu: «C’est le plus grand des Italiens.» On a beauconnaître l’amour du compositeur pour les paradoxes, cela peutsurprendre. Et pourtant, la mélodie chopinienne est bien d’es-sence belcantiste. Ce qu’il recherchait, et pas seulement dans lesNocturnes, dont on sait à quel point ils furent influencés par Bel-lini, c’était l’équivalent d’une messa di voce, la fluidité et la colo-ration d’un aria de bel canto. Allez faire ça avec un piano. Mais,précisément, les pianos du temps de Chopin commençaient àpouvoir produire ce legato cantabile sans lequel la musiqueromantique n’aurait simplement pas pu exister. D’où, chez Cho-pin, l’abondance d’ineffables cantilènes, l’Andante spianatoop.22, les sections centrales du Scherzo et de la Marche funèbrede la Sonate n°2, presque tous les Nocturnes, les seconds thè-mes des premiers mouvements des deux concertos. Mais l’onpourrait prolonger la liste. Et d’ailleurs, ce n’est pas pour rienque Chopin s’est adonné, comme d’autres, à la variation sur desmotifs d’opéras. A partir de “Je vends des scapulaires” deHérold, de la “Marche des Puritains” de Bellini et surtout duduo “La ci darem la mano” de Mozart, il a composé de petitsopéras pianistiques. Ce n’est pas là ce qu’il a fait de plus carac-téristique, mais, chez lui, le goût pour la beauté vocale n’est pasun détail secondaire. Voici pour l’italianità.

Pour autant, ceux qui considèrent que Chopin a l’âme slaven’ont pas tout à fait tort. Même s’il est un peu facile, sous pré-texte qu’il était polonais, qu’il aimait sa patrie, qu’il vivait àl’époque romantique, d’en induire que sa musique serait leparangon des vertus slaves. En fait, c’est plus compliqué.

Une musique littéralement inouïeComme tout véritable créateur, Chopin est d’abord lui-mêmeet n’entretient avec son environnement que des rapports unpeu lointains. En fait, dans le monde musical de son temps, c’estune sorte d’ovni. Comme, par ailleurs, Wagner dans un genrebien différent. Que l’on écoute ce qui se compose pour le pianodans ces années (ne parlons pas de Liszt ou de Schumann, biensûr, mais de tous les pianistes-compositeurs qui se multiplientau rythme des fabriques de piano).Rien ne ressemble à Chopin. Des valses, on en a composé, desmazurkas, des études, des polonaises aussi. Mais pas comme lessiennes. L’harmonie en est proprement inouïe (au sens étymo-logique), ainsi que la composition. Voyez les Valses, ses pagesles plus connues et les plus coulantes. Voyez comme chaquesection se déduit comme naturellement de la précédente, bienqu’il enchaîne en fait des épisodes contrastés, par d’étrangesglissements harmoniques qui, pourtant, ont l’air parfaitementnaturels. Ce qui le distingue de tant de musiciens moyens, c’estbien la dialectique de l’ordre et de l’imagination, c’est la com-position. Pas étonnant si un compositeur d’aujourd’hui, RégisCampo, déclarait un jour: «Chopin dont on porte aux nues (àjuste titre, d’ailleurs) l’incroyable originalité des tournuresmélodiques et harmoniques tisse un réel système d’écriturecomplexe – et donc fatalement en connexion avec nos préoccu-pations d’aujourd’hui.»Une fois que l’on a compris cela, il est plus facile d’aller cher-cher Chopin là où il est réellement, c’est-à-dire dans le discoursmême, dans les notes, plutôt que dans les circonstances exté-rieures. Encore aujourd’hui, hélas, et tout particulièrement encette année de bicentenaire, sa médiatisation se fait sur des thè-mes romantiques éculés, et sur une idée un peu simplette, àsavoir que l’œuvre se déduit de la vie, et que Chopin est ce qu’ilest parce que la Pologne a été malmenée par les Russes, parcequ’il a aimé George Sand, parce qu’ils sont partis ensemble à

Frédéric Chopinau-delà des clichésANNIVERSAIRE. Nous ne ferons pas l’insulte à nos lecteurs de leur rappeler ici la vie et l’œuvre de Frédéric Chopin ! Mais sonbicentenaire, dont nous avons déjà largement fait état, est aussil’occasion de s’interroger sur le compositeur et son œuvre et d’allerau-delà des images toutes faites qui parfois prévalent encore.

Chopin en quelques dates1810 Naissance à Zelazowa Wola (22 février ou 1er mars)1819 Premier séjour à Vienne1830-31 Second séjour à Vienne1831 Installation à Paris1832 Premier concert parisien1835-37 “Fiançailles” avec Marie Wodzinska1836 Rencontre de George Sand1838-39 Séjour à Majorque1847 Rupture avec George Sand1848 Dernier concert à Paris. Séjour à Londres1849 Mort à Paris (17 octobre)

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Anniversaire Robert Schumann (1810-1856), un dossier à lire dans notre prochain numéro.

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Majorque, parce qu’il était reçu dans les salons chics, parcequ’il souffrait de tuberculose.Il importe donc moins de le remettre en son temps que de com-prendre en quoi il est différent – et personnel. Certes, Liszt aécrit : «Le sentiment inspirateur de Chopin ne se révèle toutentier que lorsqu’on a été dans son pays, qu’on y a vu l’ombrelaissée par les siècles écoulés, qu’on en a suivi les contours gran-dissants comme ceux du soir, qu’on y a rencontré ce fantôme degloire, revenant inquiet qui hante son patrimoine, qui apparaîtpour effrayer ou attrister les cœurs alors qu’on s’y attend lemoins1.» Tout cela est bien poétique, mais l’on pourrait en direautant de n’importe quel Polonais.

Un compositeur tout entier voué au pianoTous les commentateurs de Chopin ne pouvaient que le remar-quer, il est le seul compositeur de son temps (et même plus) às’être attaché à ce point à un instrumentunique. En ces temps où la symphonietriomphe, il n’écrit pour l’orchestre qued’habiles parties d’accompagnementd’œuvre concertantes, et surtout danssa jeunesse. L’âge romantique est celuidu lied ou de la romance, il ne compo-sera que quelques mélodies polonaisessans prétention. Son œuvre de musiquede chambre n’est pas absolument négligeable, mais enfin, n’eût-il composé que son Trio, ou même la Sonate pour violoncelle etpiano, qu’il ne serait pas demeuré dans les mémoires. Sa pro-duction pianistique, en revanche, est presque entièrement detrès haut niveau. Sans vouloir crier au génie à propos de touteœuvrette, il faut reconnaître que sa première œuvre, la Polo-naise en sol mineur de 1817 (il a 7 ans), est au-dessus du médio-cre. Et par la suite, même s’il sacrifie parfois – rarement – à desusages mondains, Chopin est toujours Chopin.Son goût pour la retenue classique, qui transparaît dans biendes anecdotes le concernant, son admiration pour les maîtres etson intelligente réflexion sur l’art l’ont préservé de la vulgaritérevendiquée et du pathos qui envahissent parfois la musiqueromantique, jusque chez les meilleurs de ses contemporains.D’un autre côté, en un temps où commence à se manifester unpenchant néoclassique, notamment chez Mendelssohn et Schu-mann, on ne note chez lui aucune référence directe au passé,fût-ce à Bach ou à Mozart. Leur semence a été enfouie et inté-riorisée. Et lorsqu’il abordera une forme académique comme laSonate, il va lui infuser un souffle neuf qui ne doit rien à aucunprédécesseur, fût-ce à Beethoven, dont il connaissait pourtantla musique. Que l’on écoute le finale de la Sonate “funèbre” ou,plus rare, le premier mouvement, très étrange, de la Sonate n°1,l’on comprendra leur totale originalité.Pour le reste, au contraire de tant de musiques romantiques des-criptives ou évocatrices de récits sentimentaux, sa musique n’ap-pelle pas la narration, ne mime aucune réalité, ni affective niextérieure, au contraire de ce que l’on prétend souvent. Si ellepeut posséder un impact affectif, cela vient de l’auditeur. Lecompositeur ne l’a pas cherché.Aussi est-ce par un regrettable malentendu que l’on associe à cer-taines de ces pièces des “sujets”: le Prélude «à la goutte d’eau»,imitant la pluie frappant au carreau, un jour d’angoisse où GeorgeSand et ses enfants étaient sortis par mauvais temps! la Valse «del’adieu» ou celle du «petit chien» qui poursuit sa queue, l’Etude«révolutionnaire» et, par-dessus tout, «Tristesse de Chopin»(l’Etude op.10 n°3)!

Une Pologne plus rêvée que revendiquéeOn a également beaucoup glosé sur le caractère national (iste) decette musique. Elle fut certainement pour la Pologne une réfé-rence identitaire. Le cinéaste Andrzej Zulawski, qui a réalisé unfilm sur le compositeur (La Note bleue), expliquait un jour quedans la Pologne communiste où il vécut sa jeunesse, il avait fini pardétester Chopin tant il était mis à toutes les sauces par le régime.Mais le culte chopinien n’avait pas attendu le régime communiste.Si Paderewski fut nommé président du Conseil, il le devait engrande partie à son talent d’interprète de Chopin. Or, c’est unprincipe, dès que l’on associe trop un musicien à une cause politi-que, il faut se méfier. De même que l’on a trop surnomméDebussy «Claude de France», Chopin, tout polonais qu’il soit, nepeut se limiter à une cause politique, si noble soit-elle. D’abord,ce qui est un peu gênant pour la cause, c’est qu’installé à Paris pen-dant dix-sept ans, il ne trouva jamais l’occasion de revenir au pays

natal, comme s’il avait choisi d’être unPolonais sans Pologne. Certes, il a com-posé cinquante-sept Mazurkas et seizePolonaises, sans compter la Krakowiak.Mais enfin, ce n’est ni Bartok, ni Can-teloube, ni Villa-Lobos. L’ethnomusi-cologie n’existait pas et le rapport entreces œuvres polonaises et la véritablemusique polonaise est d’ordre métony-

mique. Une mazurka de Chopin est plus chopinienne que polo-naise. Comme l’a écrit fort lucidement Wilhelm von Lenz: «Ilreprésentait la Pologne, sa patrie, telle qu’il la rêvait dans lessalons parisiens sous Louis-Philippe2.»

Chopin et la postéritéAprès sa mort, Chopin devint un mythe. Tout récemment, le pia-niste anglais Jonathan Plowright a publié un intéressant CD oùil réunit diverses œuvres de la fin du 19e et du 20e siècle, compo-sées en hommage à Chopin, qui a décidément fécondé l’imagi-nation de ses successeurs plus que quiconque. On le retrouvechez Fauré, Massenet ou le jeune Debussy, on le retrouve chezGranados, il est indispensable pour comprendre la musiquerusse postromantique, particulièrement Rachmaninov et Scria-bine, pour ne parler que de très grands noms du piano. Mais,surtout, il aura suscité des générations d’interprètes. De mêmeque les musiques de Rossini, Bellini ou Verdi semblent n’être làque pour s’incarner en une voix, Chopin (et ce n’est pas chez luiune faiblesse, au contraire) existe par ses interprètes et viceversa. Que serait-il sans Rubinstein, Cortot, François, Arrau ettant d’autres? Mais que seraient-ils sans lui? On a pu avoir l’im-pression qu’un pianiste romantique devait choisir entre deuxoptions : être chopinien ou lisztien (certains heureux commeClaudio Arrau furent les deux). Ainsi Cziffra était plus lisztienque chopinien, et Rubinstein l’inverse. C’est que chacun desdeux compositeurs proposait une voie singulière, presque irré-ductible. Alors que Liszt poussait le piano jusqu’à ses ultimespossibilités, en faisait le concurrent de tout un orchestre, Cho-pin, jusqu’au bout, en dépit de l’industrialisation naissante du roides instruments, de l’instrument-machine, tint jusqu’au bout àlui conserver ce caractère vocal, humain, intime quoique parfoispuissant. Ravel avait raison: Chopin pensait la musique commeun compositeur italien! Jacques Bonnaure1. F. Liszt, Chopin, 18522. Wilhelm von Lenz, Les grands pianistes de notre temps que j’aipersonnellement connus, Berlin, 1872

Voir page 27 les festivals “Chopin”

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ACTUALITÉS

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ACTUALITÉS

Les livresIl n’est pas question de recenser ici tout ce qui s’est écrit surChopin – depuis Liszt en 1852 –, un numéro entier de La Let-tre du Musicien n’y suffirait sans doute pas! Nous nous limitonsaux parutions les plus récentes, celles liées à l’année Chopin.

Chopin et PleyelSpécialiste de Chopin, Jean-Jacques Eigeldinger s’attache ici auxrelations entre le compositeur et la maison Pleyel dont on sait queles pianos le séduisirent: «Les pianos Pleyel sont non plus ultra»,écrivait-il en 1831. C’est l’occasion de découvrir la personnalité etl’œuvre de Camille Pleyel, peu connues jusqu’ici, dans leur rela-tion avec Chopin. Au-delà, c’est un magistral tableau de la sociétémusicale sous la monarchie de Juillet que brosse l’auteur. C’estaussi un beau livre, largement illustré de documents d’époque.Fayard, 2010, 372 p. – 40 €

Frédéric Chopin, George Sand – De la rupture aux souvenirsOn sait comment prit fin la longue liaison de Chopin et de GeorgeSand: «Donnez-moi quelquefois de vos nouvelles», écrira laromancière à la fin de sa lettre de rupture. On la jugea souventsévèrement, son absence au chevet de Chopin malade puis à sesfunérailles scandalisa. Comment les deux amants vécurent-ils leurséparation? N’y eut-il qu’indifférence ou acrimonie? Xavier Vez-

zoli lève ici le voile sur ces trois années douloureuses.Zurfluh Editeur, 2010, 124 p. – 10 €

Frédéric Chopin – Aperçus biographiquesCette “vie de Chopin”, parue en Italie en 1989, l’année de lamort de son auteur, Maria Gondolo della Riva Masera, estaujourd’hui traduite. Le propos va à l’encontre des idées reçueset tend à montrer, loin de l’image du compositeur romantique« évanescent et neurasthénique », un Chopin « pragmatique,organisé, sûr de son talent».Michel de Maule, 2010, 256 p. – 19 €

Frédéric Chopin – L’âme du pianoNon pas une biographie romancée, mais une biographie qui selit comme un roman. Rien de nouveau n’y apparaît, maisClaude Clément nous livre un récit écrit avec goût qui consti-tue une excellente initiation à la vie de Chopin.Editions du Jasmin, 2010, 256 p. – 16 €

Rappel des livres récemment présentésLes Etés de Frédéric Chopin à Nohan par Jean-Yves Patte et YvesHenry, Editions du Patrimoine, 2009, 112 p. (+ 4 CD) – 39 € (LM380)Frédéric Chopin par Jean-Jacques Eigeldinger, Fayard-Mirare, 2010,168 p. – 12 € (LM382)Les Deux Ames de Frédéric Chopin par Jean-Yves Clément, Presses de la Renaissance, 2010, 126 p. – 14 € (LM383)Nuits de l’âme par Jean-Yves Clément (poèmes sur les Nocturnes de Chopin), Le Cherche-Midi, 2009, 64 p. – 7 € (LM383)Aspects de Chopin par Alfred Cortot, Albin Michel, 1949, rééd. 2010, 288 p. – 20 € (LM384)Frédéric Chopin par Adélaïde de Place et Abdel Rahman El Bacha, Bleu Nuit Editeur, 2010, 176 p. – 20 € (LM384)Chopin par Pascal Fautrier, Gallimard Folio, 2010, 464 p. – 8,70 €

(LM384)Chopin par Michel Pazdro, Gallimard Découvertes, 1989, rééd. 2010, 160 p. – 14 € (LM384)La Fantaisie-Impromptu de Chopin par Alexandre Sorel, entretiens avecJean-Jacques Eigeldinger et Abdel Rahman El Bacha, Symétrie, 2010,48 p. – 15 € (LM366). A paraître, dans la même collection :Le Nocturne op.9 n°3 de Chopin, entretien avec Bruno Rigutto.

Pour retrouver Chopin…

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ACTUALITÉS

Les disquesLà aussi, impossible de faire ici le tour de la question. Nousnous limitons à une sélection, présentant les intégrales, quel-ques enregistrements “incontournables” et des nouveautés ourééditions récentes.

Quelques intégrales• “Intégrale Chopin” (rééditions et nouveaux enregistrements), par LeifOve Andsnes, Claudio Arrau, Daniel Barenboïm, Garrick Ohlsson, DanielleLaval, Cécile Ousset, Alexis Weissenberg… (16 CD, EMI Classics)• “Intégrale sur instruments d’époque” par Fou Ts’ong, Dang Thai Son,Nelson Goerner, Tatiana Shebanova, Wojcieh Switala, Janusz Olejnicsak,Kevin Kenner…, publiée par l’Institut Frédéric-Chopin de Varsovie (Codaex)• L’œuvre pour piano par Vladimir Ashkenazy (Decca), Abdel Rahman ElBacha (Forlane), Nikita Magaloff (Philips), Eugene Mursky (Profil Hänssler),Garrick Ohlsson (Helios), Arthur Rubinstein (RCA), Tatiana Shebanova (Dux)

Quelques récitals de référencePréludes par Martha Argerich (DG)Nocturnes par Claudio Arrau (Philips)Pièces diverses par Alfred Cortot (Naxos Historical)Anthologie par Samson François (EMI)Valses par Dinu Lipatti (EMI)Etudes par Murray Perahia (Sony)Concertos par Krystian Zimerman (DG)

Nouveautés et rééditions récemment parues• Ballades (+ Nocturnes) : Etsuko Hirosé (Mirare)• Mazurkas : Evgueni Koroliov (Tacet)• Nocturnes : François Chaplin (Zig Zag Territoires),

Nelson Freire (Decca) et Yundi (EMI Classics)• Préludes (+ Polonaises) : Laure Favre-Kahn (Transart Live)• Sonate n°2 : Hélène Tysma (+ 24 Préludes) (Oehms)• Sonate n°3 : Nikolai Lugansky (Onyx Classics)• Valses : Alice Sara Ott (DG) et Ingrid Fliter (EMI)• Concertos : Rafael Blechacz et l’Orchestre du Concertgebouw

d’Amsterdam, dir. Jerzy Semkow (DG)• “Ballades, Préludes et Nocturnes” par Arthur Schoonderwoerd,

piano Pleyel de 1836 (Alpha Production)

• “Chez Pleyel, un concert de Chopin à Paris, février 1842”, pièces diverses par Alain Planès, piano Pleyel de 1836 (HM)

• “Chopin à Vienne” par Pierre Goy, pianoforte (Lyrinx)• “De l’enfance à la plénitude, de 1817 à 1848” par Anne Queffélec (Mirare)• “The Essential Chopin”, par Arthur Rubinstein, Shura Cherkassky,

Vladimir Horowitz… (8 CD Profil Hänssler)• “Journal intime”, mazurkas, ballades, écossaises…

par Alexandre Tharaud (Virgin Classics)• “Player Piano”, vol. 2. Archives sur rouleaux Bösendorfer-Ampico,

gravées vers 1900 par d’Albert, Rosenthal, Busoni, Levitzki, Godowsky… (MDG)

• “Polonia”, polonaises, mazurkas, préludes… par Didier Castell-Jacomin (Cristal Records Classic)

• Sélection de pièces de Chopin (+ Cramer) par Jean-Pierre Marty (Solstice)• Sélection de pièces par Jonathan Plowright (Helios)• Mélodies par Konrad Jarnot, baryton, et Eugene Mursky, piano

(Profil Hänssler)• Trio pour piano op.8 ; Introduction et polonaise brillante op. 3

(+ Liszt) par le Trio Chausson (Mirare)• Pièces pour violoncelle par Andreas Brantelid (EMI Classics)

“Chopin at the Opera”. Documentaire qui témoigne notamment desinfluences du bel canto dans l’œuvre du compositeur (DVD Arthaus)

“Chopin et George Sand, une passion flamboyante” : George Sand(Marie-Christine Barrault) interrogée en 1850 par un journaliste (Alain Duault), tandis que la musique de Chopin (jouée par Yves Henry)ponctue l’entretien (Saphir).

Mots croisés “Chopin” par Hélène JarryHORIZONTAL I. Un parmi 24. Tête d’un confrère fréquenté à Paris. II. Prénom d’un deses interprètes roumains. George s’en donnait l’allure en argot. III. Il connaissait cellesde l’harmonie. Il ne pouvait vivre sans lui. IV. Les dernières d’Horowitz. Pour en finiravec le collègue parisien. V. Yves incomplet. Comme les relations avec George sur lafin. VI. La queue d’un piano de son concurrent. Poète français né deux ans avant lui,sans queue ni tête. VII. Revoir ma Pologne? Lettres de Paderewski. VIII. Elle. Il en connut39. IX. Personnage d’un Carnaval dont une pièce lui rend hommage. X. Il en venait. Ille fut au clavier.

VERTICAL 1. Souvenirs du pays. 2. Un de ses grands interprètes. 3. Un peu plus, il étaitédité. La valse en est. 4. Concurrent en noir et blanc. Jour festif du mois où il serait né.5. Comme son boléro. Précède la tonalité. Nécessaire à l’obtention. 6. Toujours elle, plusjeune. Il s’appelait Louis-Philippe. 7. L’eau qui entoure Majorque l’est moins que l’océan,mais quand même. Tonalité de son opus1. 8. Cinquante-huit polonaises d’origine. 9. Unegrosse qui n’était pas encore là quand il se rendit à Londres. En plein rêve. 10. Il enrencontra en 1848 mais en avait composé dès 1826. (Solution page 27)

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“CHOPIN, CET INCONNU”Un dossier qui aborde notamment lesœuvres les moins jouées de Chopin.A lire dans notre hors-série Piano 23(2009-2010).En bonus : un CD Chopin par Yves

Henry, piano.Piano 23, 188 p. – 19 € port compris

La Lettre du Musicien14, rue Violet, 75015 Paris

www.la-lettre-du-musicien.com

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ACTUALITÉS

Les partitionsParmi tous les compositeurs romantiques, Chopin fait partie de ceux dont les œuvresont été le plus souvent rééditées. Les partitions posthumes et les versions alternativesont enrichi un catalogue qui ne brillait dans la première moitié du 20e siècle que grâceà la notoriété de certaines pièces qu’il fallait savoir jouer (combien de petits chiens ontvalsé dans les boudoirs et combien de gouttes d’eau ont noyé les claviers…). Après laSeconde Guerre mondiale, les matériels se sont enrichis de commentaires souvent trèsdétaillés, comme ceux d’Alfred Cortot (Salabert).Puis les partitions Urtext se sont imposées au point qu’il n’est plus envisageable de tra-vailler sur des éditions trop anciennes, souvent entachées d’erreurs. Les éditions criti-ques présentent les pièces en détail, les décortiquent mesure après mesure jusque dansles moindres doigtés et appogiatures, précisant les phrasés, l’utilisation de la pédale…Une œuvre “sacralisée” regrettent certains, qui constatent que les grands interprètesdu passé ne prenaient pas toujours autant de précautions musicologiques pour nouslivrer des témoignages de référence.

Tour d’horizon des éditeursPlusieurs éditions de l’intégrale de l’œuvrede Chopin sont en cours. Chez Peters, lanouvelle édition critique à laquelle collabo-rent John Rink, Jim Samson et Jean-JacquesEigeldinger propose plusieurs volumes pourl’année 2010. Ils sont consacrés aux Etudes,Impromptus, Polonaises et Sonates ainsiqu’au Second Concerto pour piano (réduc-tion pour deux pianos). Chez Henle, au seind’une édition presque complète, trois nou-velles partitions sont disponibles: la Balladeop.52, la Sonate op.4 ainsi que la Polonaiseop.53. La reproduction en fac-similé decette pièce est également parue.

Mentionnons aussi des partitions chezEulenburg (les Concertos pour piano auformat de poche avec CD), les Polonaises,Nocturnes et matériels d’orchestre, encoreles Concertos chez Breitkopf & Härtel, lesImpromptus et Etudes chez WienerUrtext, les Mazurkas et Préludes chez Uni-versal. N’oublions pas les éditions MusicaBudapest (EMB) et Riccordi Milan quioffrent de nombreuses pièces de Chopin,

tout comme Schirmer (Ballades,Impromptus…). PWM Edition (PolskieWydawnictwo Muzyczne) a terminé enavril dernier l’édition nationale de l’œuvrede Chopin (37 volumes!), une somme pla-cée sous la direction de Jan Ekier.

Du côté français, on notera la collectionUrtext qui paraît chez Henry Lemoine etqui inclut notamment les Valses, Préludeset Nocturnes. Chez Hit Diffusion, le pia-niste Roger Cohen a réuni un recueil de 24pièces qui représentent un panorama com-plet de l’art du compositeur, de sa jeunesseà la fin de sa vie. Une sélection originaledestinée pour l’essentiel à des élèves enmilieu et fin de deuxième cycle (avec CD).Les éditions Combre proposent les Valses,la Berceuse et diverses autres pièces. AnneFuzeau Productions se consacre exclusive-ment à la parution de fac-similés avec,entre autres, une sélection de Valses. Sou-lignons par ailleurs les publications de PaulBeuscher (Valses), Salabert (Nocturnes),mais aussi Durand (Polonaises)…

Une découverte : Chopin habitait l’hôtel Prince de Galles !

Chopin a déménagé en mai 1849 au 74, rue de Chaillot à Paris. Il était alors très liéavec la célèbre soprano Jenny Lind qui s’installa en mai-juin 1849 tout près au 63,Champs-Elysées. Au cours de leurs recherches sur Jenny Lind et son étroite rela-tion avec Chopin, les musicologues Cecilia et Jens Jorgensen ont découvert quel’ancienne adresse de Chopin était devenue, en 1929, 12, rue Quentin-Bauchart.L’hôtel Prince de Galles, inauguré en 1928, donne sur le 33, avenue George-V et le12, rue Quentin-Bauchart. Il occupe donc l’emplacement de l’immeuble où Chopinjouissait d’un appartement de 234 m2 qu’il occupa jusqu’en septembre 1849.Le 6 octobre prochain, une plaque commémorative sera apposée, en présence del’Ambassadeur de Pologne et sous l’égide de la Société Chopin à Paris. A cette occa-sion, sera présenté en avant-première le livre (en français) sur Chopin et Jenny Lindde Cecilia et Jens Jorgensen, et la pianiste Caroline Sageman donnera un récital à20h30, organisé par la Société Chopin à Paris. Rens. 0145002219