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1914–1918 DU GÉNÉRAL GIRAUD - ExultetVillain l’a fait taire de deux balles dans la tête, le 31 juillet au soir, à 21h 40, au café du Croissant, rue Montmartre… Ce même

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1914–1918LAGRANDEGUERREDUGÉNÉRALGIRAUD

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HENRI-CHRISTIANGIRAUD

1914–1918LAGRANDEGUERREDUGÉNÉRALGIRAUD

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1er au 15 juillet 1913, un stage d’officier observateur endirigeableàVerdun.Dansunrapportdatédu3octobresuivant,legénéralAuger,chefd’E.M.généraldel’arméelenote:

«Aétudiéavecintérêtlesquestionsrelativesàl’observationendirigeable.L’espritetl’œilsonttoujoursenéveilpoursuivreattentivement la route et faire sur le terrain observé desremarques judicieuses. Possède avec le calme et le sang-froidtoutes les aptitudes nécessaires à un excellent observateur enaéronef.»

Puis,précédantsasmalaqu’il laisseàDijonchezsabelle-mère le temps de trouver un logement correct,Henri rejoint laTunisiepouryprendrelecommandementdela14ecompagnie;les 13e, 15e et 16e compagnies sont alors respectivementcommandéesparlescapitainesBaronyier,GavoryetTivollequi,tous les trois, seront tués au début du conflit, rejoignant ainsil’ahurissante moyenne des 2 000 morts par jour que l’on vaenregistrerdurantlescinqderniersmoisdelaseuleannée1914.

Àcequeconfielemémorialisteduhautdesescinqétoilesdegénérald’armée,lejeuneofficierqu’ilétaitalorsnemanquaitmanifestementpasd’assurance:

«Pourlapremièrefois,j’allaispouvoirappliquermesidées,mesméthodes,faireœuvredechef.Jemedonnaipassionnémentà ma tâche et, sans modestie, je crois avoir réussi. Macompagnie à l’épreuve du feu de Charleroi, s’est révélée uneunité solide, instruite, enthousiaste et disciplinée. Je lui avaisconsacrémesjoursetparfoismesnuits,faisanttoujourscéderleplaisirauservice:j’enaiétélargementrécompensé.Aupointdevueadministratif,parailleurs, j’ai réussi làoùd’autresavaientéchoué, et rétabli une situation financière et matérielle quej’avaistrouvéedespluscompromises.Etleservicen’empêchaitnullement la vie mondaine. Dès que ma femme fut installée,

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nous eûmes notre loge au théâtre et les soirées se succédèrentsansinterruption,commeaussi lesréceptionsathome.Laplusréussiefutcelledumardi-gras1914.MafemmeavaitaménagélegrandsalonensalledeGuignolpour lacentained’enfantsquenosbambinsavaientinvités,déguisementàvolonté.Onyvitlescostumes les plus somptueux comme les plus simples. NotregrosRiquet(surnomd’Henrijunior)étaitenpupilledelaGardeImpériale, Renée, en cantinière de Zouaves Second Empire etnotrepetitAndréassisdanssachaiseen(motillisible)Aprèslareprésentation de Guignol et les applaudissementsenthousiastes, la salle de spectacle se transforma en salle degoûter par petites tables, mamans et amies devant les jeunesconvivesquandellesn’étaientpaselles-mêmesattabléesautourdubuffetinstallédansmonbureau.Riennemanquaausuccès,pasmême la fâcheusepanned’électricitéquiamenachacundenosamislesplusprochesàfaireapporterdemultipleslampesàpétrole.Ilyenavaitvingt-deuxlelendemainmatinàlamaison.Et puis à chaque jour de réception de ma chère Mitsou (lesurnomdeCélineNDA)quand la jeunesseestimait lemomentvenu, un musicien de bonne volonté se mettait au piano, onenlevait le tapis, et jusqu’à huit ou neuf heures on dansait leplussimplementmaisleplusgaiementdumonde.Heureuxhiver1913–1914,quinelaissaitpasprévoirledrameproche!6»

Le capitaine Henri Giraud n’est évidemment pas dans lesecret des dieux. Or à la fin de novembre 1913, revenant dePotsdam,Albert1er,leroidesBelges,afaitsavoirdiscrètementauQuaid’Orsayqu’ilavaittrouvéGuillaumeIItrèssurexcitéetconsidérantlaguerrecomme«nécessaireetinévitable».

Le6octobre,lecolonelPichoncommandantle4eZouavesanotéHenriGiraud:

« Physique agréable, tenue brillante, éducation distinguée,

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caractère énergique, santé vigoureuse, vue normale, très boncavalier, très entrainé aux exercices physiques. Bachelier es-lettres/philosophie, parle l’allemand et comprend l’italien.Instruction générale et militaire étendues. Officier d’avenir,charmant camarade, très sympathique qui tiendra une placebrillantedanslatroupecommedansl’État-major.»

NoteconfirméeparlegénéralBertin:«Grandetvigoureuxofficier.Trèsbiendouésous tous les

rapportsetayantl’étoffed’unofficierd’avenir.»Cesontlàlesdernièresnotesd’HenriGiraudavantledébut

de la Grande Guerre. Depuis sa sortie de Saint-Cyr, lesappréciations de ses différents supérieurs, tant en ce quiconcerne son intelligence que son caractère et sa façon decommander, sont particulièrement élogieux. À l’exceptionnotabledes jugementsdu lieutenant-colonelPétain,sonancienprofesseurdetactiqueappliquéed’infanterieàl’Écoledeguerre,qui,enrevanche,semontretrèsélogieuxaucoursdecetteannée1913 pour son ex-jeune subordonné du 33e RI, le lieutenantCharlesdeGaulle:

«SortideSaint-Cyravec len°13sur211s’affirmedès ledébut comme un officier de réelle valeur qui donne les plusbelles espérances pour l’avenir. Se donne de tout cœur à sesfonctions d’instructeur. A fait une brillante conférence sur lescausesduconflitdanslapéninsuledesBalkans.Trèsintelligent,aimesonmétieravecpassion.Aparfaitementconduitsasectionauxmanœuvres.Dignedetousleséloges.»

Que faut-il penser de l’intérêt des notes pour connaitre lavaleurd’unofficier?

Laguerreexaltelesfortsetbroielesfaiblesetiln’existepasd’exceptionàcetteloid’airain.Ainsiquelerappellel’historienmilitaire,PierreRocolle,tousceuxquel’onaadmirésentemps

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1918.»LecapitaineHenriGiraudn’estpas leseulàpenserainsi :

ce sontdesmillionsd’Européensquipartentenguerreavec laconvictionquecelle-ciseracourte…

«L’immensemajorité des économistes l’avait prouvé, écritJean-Baptiste Duroselle. Avec des millions d’hommes, lesressources financières et économiques des divers pays nepermettraientpasdelaprolongerau-delàdequelquesmois17.»Seul,Jaurèspensaitpeut-êtrelecontraire,maisuncertainRaoulVillainl’afait tairededeuxballesdanslatête, le31juilletausoir,à21h40,aucaféduCroissant,rueMontmartre…

Cemême31juillet,millesaint-cyriensontjurédemonteraufeuengrandetenue,casoaretgantsblancs.

1. Général Giraud, Dossier du Personnel SHD 13yd 719.Vincennes.TouteslesnotesobtenuesparGiraudaucoursdesacarrièreayantlamêmesource,celle-cineseraplusmentionnée.2. Henri Giraud,Mes souvenirs, 1879–1919.Manuscrit inéditdugénéralGiraudécrit au coursde sa captivité enAllemagne,danslaforteressedeKönigstein(Saxe)oùilaétédétenuàpartirdu 25 mai 1940 et d’où il s’est évadé le 17 avril 1942. Lemanuscrit se présente comme un bloc de papier à lettre de 78pages,dontseuleslespagesimpairessontnumérotéesenhautàdroite.Surlapagedegardelégèrementcartonnéefigureenhautàgaucheletampon:«OFLAGIVB,3,geprüftF.A.»Apposédefaçonsdiverses,cetamponseretrouveenpages1,3,6,7etau dos de la quatrième de couverture. Ce manuscrit, rédigé àpartir de mars 1941 et achevé en mai suivant, traitesommairementdel’enfancedugénéralpuisdesonadolescenceet enfinde saparticipation à la premièreguerremondiale. Il aété remis à l’auteur, le 22 septembre 1993, à Saumur, par son

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oncle,legénéralBernardGiraudquiletenaitdesamère,CélineGiraud.Rédigévingtansaprèslesfaits,cemanuscritcomportequelqueserreursdedatesetquelquesnomsdepersonnesetdelieux illisibles. Ils sont suivis dans le texte d’un pointd’interrogation3.J.Chastenet,HistoiredelaTroisièmeRépublique,Hachette,1955,t.3,p.101–102.4.Le lieutenantGiraudpartageavecsonaînéSarrail, lemérited’avoirétéadmisàl’ESGà27ansetaprèsunepremièreannéedifficile,ilenestsorti40esur99aveclamentionbien.5. Les trois premiers enfants du couple Giraud sont dansl’ordre : Renée, Henri et André. Suivent : Jeanne, Marie-Thérèse,BernardetMonique.6.H.Giraud,Messouvenirs,1879–1919.7. Cité par Pierre Rocolle, L’Hécatombe des généraux,Lavauzelle,1980,p.263.8. Général Chambe, Le Maréchal Juin, duc du Garigliano,Plon,1983,p.44.9.H.Giraud,Messouvenirs,1879–1919.10.LeDrGeorgesGiraudestlepremierfrèred’Henri.11.H.Giraud,Messouvenirs,1879–1919.12. Bourgeron : courte blouse de toile que portaient alors lessoldatsàl’exercice.13.Archivesde l’auteur.Relèvent de cette catégorie toutes leslettresd’HenriGiraudàdesmembresdesafamilleouàdesamisproches.Lasourcen’enseradoncplusmentionnée.14.J.Chastenet,op.cit.,p.181.15. Comme Georges Catroux, son aîné de deux ans, HenriGiraud peut dire que son enfance « a été impressionnée parl’injonctionmoraled’êtredessoldatsdelarevanchede70».Etonnesachepasqu’illeursoitjamaisvenuàl’espritdenepasy

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répondre.16.H.Giraud,Messouvenirs,1879–1919.17. Jean-BaptisteDuroselle,LaGrandeGuerre des Français,Perrin,1994,p.68.

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Chiffre effrayant. Mais qu’explique la doctrine del’« offensive à outrance », dont l’un des plus illustrespromoteurs,legénéraldeGrandmaison,estalléjusqu’àaffirmerque « l’esprit d’offensive ne se divisait pas » et que lesprécautions traditionnelles risquaient d’affaiblir le moral ducombattant.«Dansl’offensive,professaitil,l’imprudenceestlameilleure des sécurités. Poussons l’esprit offensif jusqu’àl’excès,etçaneserapeut-êtrepasassez.»

Selon l’historique, le 23 août, le 4e Zouaves s’est battumerveilleusement. Il a le droit de ne plus oublier le nom deTarcienne.Mais lagrandebatailledeCharleroiest finieetelleest perdue. Malgré leur élan, nos troupes, débordées par desforcessupérieures,doiventreculer.La38edivisionaquittéle3e

corpspourêtrerattachéeau18equidoitprotégerlaretraite.Etla38edivisionestàl’extrêmearrière-garde:ils’agitderetarderla marche de l’ennemi pour permettre à la 5e armée de sereformer.Rôleingrat,pleindedifficultés.

Le24août,à3h30,onréveilleleshommesharassésparlesémotions de la veille. Il faut partir : les obus allemands serapprochentetsuivent.ParFraire,Vogenée,Silencieux,Boussu-lez-Walcourt, sur les routes où trois jours auparavant ilssemaientlaconfiance,leszouavesrepassent,tristes,maisenbonordre :mitrailleuses à l’arrièregarde, compagniesdeprotectionsur les flancs. Ils se sentent toujours forts et organisés.Maisquelle douleur devant ces convois de paysans qui fuientl’invasionetqu’ilfaut,pourgarderlesrouteslibres,repousseràtraversleschampsenfaisanttairelapitié!Cemême24août,unlong télégramme de Joffre auministère de laGuerre relate leséchecs subis sur la frontière duNord et conclut : «Notre butdoitêtrededurer leplus longtempspossibleennousefforçantd’userl’ennemietdereprendrel’offensivelemomentvenu.»

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Une grand-halte de trois-quarts d’heure, et c’est tout. Ontourneàl’OuestversClermont;onredescendsurBrabançon.Ilest 20h 30.Malgré l’encombrement des routes, 45 kilomètresont été parcourus depuis lematin. Et pourtant ce n’est pas lerepos:ilfautveiller,demeurerenalerte,accueillirlesisolés,lesgensperdus.

Lanuitn’estpasterminéequel’onrepart.Commelaveilleetplusencorepeut-être,onseheurteàl’encombrement,commela veille il n’y aura qu’une halte insuffisante où l’on peutcependant recevoir desvivres ; et parVergnies,Rance,Sautin,Eppe,onatteintlaforêtdeFrélon.Avantdes’yengager,onseprotège contre toute surprise et la 14e compagnie du capitaineGiraudgardeleslisières.Cen’estpasladébâcle,maisl’émotionétreint le cœur. Il faut aller plus loin. On passe à Frélon,Glageonpournes’arrêterqu’àRainsart.C’estle25;ilestprèsde21heures.Onamarchédepuisl’aube.

Selon les notes des bataillons, rien n’est laissé au hasard.L’heuredudépartest fixéeà3h30pour le26,et l’on indiquepour 4 heures le passage au point initial. Ces ordres sont unenseignementpourquicroiraitànotredéroute.Pourtant il fautdécrocher, car la cavalerie ennemie et l’artillerie légère nousserrent de près. Le mouvement de retraite continue parÉtrœungt-Papleux. Il est 19 heures. Va-t-on pouvoir dormir ?Non !Unemarchedenuit s’impose.Ongagnerace soirmêmeLaCapelleetcen’estqu’auxpremièresheuresdu27que l’ons’arrêteraàLerzy.

Lapluie tombe, le brouillard est dense.Leshommesn’ontpasmangé;ilsontfroid.Insuffisammentcouvertsparleurtenuedetoiledéjàusée,abandonnantdansl’excèsdefatigueleursacetleursprovisions,ilssuivent,ilsobéissentaveclacertitudequel’offensive va reprendre. Ils se sont à peine étendus pendant

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deuxheuresdansleschampshumidesqu’ilsdoiventrepartirdenouveau, cette fois avec l’espoir bien ferme de s’arrêter surl’Oise.Maisonpassel’OiseàSorbaisetonlongelarivegauchejusqu’à Autreppes et l’on redescend encore vers le sud pours’établirsurunplateauauboisdeLaigny.Ilest16heures,c’estle27.

Depuisl’aubedu26,iln’yapaseusixheuresderepos.QuepensentlecapitaineGiraudetsespairsdecetteretraite

quin’enfinitpas?

À Paris, Viviani vient d’élargir son gouvernement avec laparticipation de Briand, promu vice-président du Conseil, deRibot et deDelcassé. AlexandreMillerand remplaceMessimyau poste de ministre de la Guerre et ratifie la nomination deGallieni comme gouverneur militaire de Paris avec l’arrière-pensée, compte tenu des échecs de Joffre, d’en faire ungénéralissimederechange,postequ’ilavaitdéjàrefuséenraisonde son âge. Grâce à deux socialistes, Jules Guesde etMarcelSembat, Viviani réalise l’« Union sacrée » dans ses Conseils.Une « Union sacrée » que l’on retrouve partout, à l’arrièrecommeàl’avant,parmilesjeunesdelaclasse14commeparmilesmoinsjeunes,hommesdelettresouautres.

Péguy, Apollinaire, Dorgelès, Alain, Bordeaux, Alain-Fournier,MarcSangnier,MacOrlansontsousl’uniformeetlesplusâgéscommeEdmondRostand,AnatoleFrance,PierreLoti,Lavisse, Barrès, Lévy-Bruhl, Hanotaux font des pieds et desmainspour«servir»d’unemanièreoud’uneautre.Et Jaurès,lui-même, serait encore vivant, sûr qu’il participerait à l’effortcommun!Sonfilsuniques’engagerad’ailleursà18ansen1916etmourraàlatêtedesacompagnie,le3juin1918.Lesreligieux(jésuites, capucins, trappistes, dominicains), que les loisd’exception avaient chassés de France, quittent spontanément

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personnifié».

On s’en souvient, le 2 juillet 1914, un mois avant ledéclenchementde laguerre, au soird’unemanœuvrede la11eDI,Castelnau affirmait que la retraite peut être unemanœuvrequipermetde ressaisiretde regrouperses forcesenvued’unenouvellebataille.Proposprophétiques : répondantà l’ordredeJoffre quelques heures plus tard, deMeaux à Verdun, tout lefrontfrançaissedresseetcontre-attaque.

Àlatêtedesonpelotondesoldatsmarocains,lelieutenantAlphonseJuinestblesséàlamaingauchelejourmêmeprèsduboisdePenchard.Refusantd’êtreévacué,lebrasenécharpe,ilretourneaucombat.

Avecle6ebataillondu2erégimentdetirailleursalgériens,lecommandantGeorgesCatroux participe, lui, aux durs combatsqui se déroulent d’abord entre Barcy et Étrépilly à unequinzainedekilomètresdeMeaux,puisàproximitéduplateaudeBellen.

Au bout de quatre jours d’enfer, les troupes françaisesconduites parMaunoury, Franchet d’Espèrey, Langle de Cary,Sarrail, Castelnau, Durand, Dubail, Foch et Pétain (promugénéral sur le champ de bataille), parviennent à repousserl’ennemi – des Vosges aux rives de la Marne – sur uneprofondeur de cinquante kilomètres. Dans l’urgence, pourenvoyer des renforts sur le front, Gallieni réquisitionnemêmelestaxisparisiens…

Le 10 au matin, un officier de l’État-Major de GallieniannoncepartéléphoneladérouteallemandeauxministresréunisàBordeaux.

LegénéralvonKluckécritdanssesMémoires:«Quedeshommesayantreculépendantdixjours,couchés

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parterre,àdemi-mortsdefatigue,puissentreprendrelefusiletattaquer au son du clairon, c’est une chose avec laquelle nousn’avions pas appris à compter, une possibilité dont il n’avaitjamaisétéquestiondansnosécolesdeguerre.»

Belhommageaucourage!Le 14 septembre, enWoëvre, à la tête d’une patrouille du

12edragons,lelieutenantJeandeLattredeTassignytombedansunechargedecavalerie, lepoumondroitperforéd’uncoupdelance(ilavaitdéjàétéblessélégèrementaugenoule11août,cequiluiavaitvalusapremièrecitation).Aprèsavoirétérecueillipar des habitants de Pont-à-Mousson, il est « sauvé dudéshonneur de la captivité » par une patrouille française etemmené à la clinique Vautrin à Nancy où il sera soigné parl’épousedu lieutenant-colonelWeygandquivientdequitter le5e hussards pour devenir chef d’état-major de Foch. Débutoctobre,ceseraautourducommandantCatrouxd’êtreblessédedeux balles à la jambe gauche, à Bailleul-Sir-Berthoult, avantd’être fait prisonnier – au bout de deux mois de guerreseulement–etdirigédansunoflagàproximitédeMagdebourg.

Ainsi, en l’espace des deux premiers mois de guerre, deGaulle,Giraud, Juin,deLattreetCatroux,cinqofficiersqui–parmi bien d’autres sans doute, mais plus que tous autres –marqueront plus tard leur époque, sont donc blessés plus oumoins grièvement (blessure qui n’est pour certains que lapremière!),ettous(hormisCatrouxquiétaitdansunesituationdedéfenseur)delamêmefaçon:enchargeantàlatêtedeleurshommes.Dèslepremieraffrontementavecl’ennemi,ilssesontrévélés des chefs.Et,mêmeblessés, ne pensent qu’à retourneren première ligne. Concrètement, sur le plan de la théoriemilitaire, leur jeunesse et leur impétuosité viennent cependantdefairebrutalementl’expériencedecettesuprématiedufeusur

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l’assautqu’uncertainPétainnecessede rappeler…Mais tousles quatre, dans la mesure où ils ont recouvré leurs esprits,partagentcertainementl’euphoriedeCharlesdeGaullequiécritce14septembreàsonpère:«Voilàdoncques’achève–etdequelle façon ! la première partie de la campagne de laRevanche17.»

Ce même 14 septembre, le Kaiser nomme Erich vonFalkenhayn en remplacement du vieux Moltke aucommandement en chef des armées du Reich. Le nouveaugénéralissime,dontlepremiergesteestdetransférersonGQGàMézièrespour se rapprocherde sesarmées,estplus jeunequetous ses commandants d’armée et que la majorité descommandantsdecorps.

Dans la même lettre à son père, le lieutenant de Gaullen’hésitepasàprédiredesonlitd’hôpital:«L’enneminepourrapas arrêter notre poursuite, et nous aurons toute la gloired’avoir,sansquelesRussesnousaientétéindispensables,battudans la grande et décisive bataille l’armée qui se considéraitcommelapremièredumonde.»Cequiestallerunpeuviteenbesogne,maiscettevictoiredelaMarnequisauvelaFrancedudésastre, ilestnormalqu’ellefassechaudaucœurdesblessés,également prisonniers commeGiraud et Schmitt, qui servent àl’occasiond’interprètesauxautresblessésfrançais.Aumomentoùs’engageentrelesarméesfrancoanglaiseetallemandecequel’onaappelé la«courseà lamer»pour tenterdesedéborderparl’ouest,coursequiétablitunfrontcontinujusqu’àNieuportàtraverslaPicardieetlesFlandres,tousdeuxveulentcroirequeleurguérison–commecelledel’arméefrançaise–n’estqu’uneaffairedetempsmaintenant…

«Malheureusement, raconte Giraud, vers le 25e jour, unepleurésie purulente se déclare chez moi. Il faut drainer le

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chacunavec les chouxet lespatates.Tout à l’heure,quandonaurafiniàlasalle,jevousapporteraiunpeude“Maroilles".Sivousn’avezpasassezdepain,vousmeledirez.

«Et labonnegrossefemmedisparaît, tirantderrièreelle laportedelagrange.Nousmangeonsavecappétit,faisant,Charlesetmoi,quelques réflexionsquinesontpasà l’avantagedeM.deX…Quandlasoupeest finie, lefromageparaît.La trancheestcopieuse,lapâtegrasseàsouhait.

–Jem’arrêtepas.Inutilequ’onmevoieici.Toutlemondesedemanderaitcequejeviensyfaire.Monhommeviendravers4heures.Vousluidirezcequevousaurezàluidire.

« Il fait bon dans le foin après ce solide repas. Noussomnolons,Charlesetmoi.Dehorslapluiecommenceàtomber.Unpeuavantlanuit,lefermierarrive.

–Alors,bienreposés?–Parfait,tousnosremerciements.–Qu’est-cequevouscomptezfaire?–Repartirdèsquelanuitseravenue.–Pouroù?–Onnesaitpasexactement,Bohain,peut-être.–Etpuis?–ÇadépendradesAllemands.–Oui,jevoiscequec’est.Vousêtesendélicatesseavecces

messieurs. Je ne vous demande pas pourquoi. Je veux pas lesavoir.Mais voulez-vous que je vous disemon avis. Faut pasallerdansunepetiteville,nidansunefermeisolée.Vousseriezrepéréstoutdesuite.Ilvousfautunegrandevilleoùvoussereznoyés dans lamasse. Et dans la région, je ne vois que Saint-Quentin. Lille est trop loin. Valenciennes, Maubeuge, trèssurveillés.ÀSaint-Quentin, ilyaungrosétat-majorallemand,maisquantitéderéfugiésduNordetdeBelgique.Àmonavis,c’estlàquevousserezlemieux.Vousnemeparaissezpastrès

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costauds.Vousnepouvezpasfaireuntravaildur.Allezenville,aumoins pour un temps. Ensuite, vous verrez. La guerre serapeut-êtrefinie.

–Merci,monsieur,onva réfléchir ;en toutcas,cesoironvousquitte,envousdisantungrandmercipourcequevousavezfaitpournous.Dansdeuxheuresnousseronspartis.

– Ça va. Sortez tranquillement, sans venir remercierpersonne à la maison. On se reverra après la guerre. Pourl’instant,lemoinsdemanifestationspossible.Çan’empêchepaslessentiments.Aurevoiretbonnechance.

«Quel brave homme !Nous envisageons la situation aveccalme,Charlesetmoi,etconvenonsquenotrefermieraraison.Nous avons trop présumé de nos forces. Nous sommesincapables d’un travail dur et de longues marches. Il fautd’abord nous ré-entraîner et même soigner nos plaies. J’ai undraindansledosquipourraitmejouerunmauvaistour.

« L’idée de Saint-Quentin n’est pas mauvaise, quoiqu’ilfaillerevenirsurnospas,etqu’ilyaitlàl’État-MajordelaIIearméeallemande…C’estpeut-êtrenousjeterdanslagueuleduloup. Il ne faudrait y arriver qu’en sachant où nous adresser.Pourcela,quelqu’unpeutnousaiderM.Cléry,àOrigny-Sainte-Benoîte.Noussavonsoùilhabite.Ils’agitd’êtrechezluicettenuit, en tâchant évidemment de ne pas faire de mauvaiserencontre. Aujourd’hui, jour de la Toussaint, les médecins del’hôpital n’ont pas dû se préoccuper beaucoup de leursmalades ; notre absence a des chances de ne pas avoir étésignaléepuisquec’estMlleLemairequinousapportenosrepas.Neperdonspasdetemps.Demain,nousseronsàSaint-Quentin.

« Tranquillement, sans affectation, dans la nuit, nousquittonsnotregrange.Ilbruine.Onyvoittoutjustepournepass’égarer.Heureusement,ladirectionestfacile.Rapidement,nous

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atteignonslagrand-routeetnousreprenonsensensinversenotreitinéraire de la veille. Pas la moindre mauvaise rencontre. Unpeuavantminuit,noussommesàOrigny-Sainte-Benoîte,etsanshésiternousallons sonnerà laportedeM.Cléry,chezquionvoitencoredelalumière.

« Avec quelque hésitation, M. Cléry ouvre. On peuts’imaginersastupéfaction.Ilaétéprévenudenotredépart,danslajournée,parMlleLemaire.Endehorsdelui,personnedanslalocalité ne soupçonne rien. Comme prévu, il n’y a pas eu devisitesmédicalesaujourd’huiàl’hôpital,etnuln’apénétrédansnotrechambre.

« Il ne s’agit pas de repartir de suite pour Saint-Quentin,nousenserionsincapables,etilvautmieuxquenousyarrivionsde jour.Nousallonsdoncdormir ici, chacundansun fauteuil.Aupetitjour,M.Cléry,quivayréfléchir,nousdiraàquinousadresser à Saint-Quentin, et nous serons arrivés à destinationavantque l’alertene soit donnée ici. Il s’arrangerad’ailleurs àfairetraînerlesrecherchesenlongueursiparhasardlemédecin-chefvoulaitfaireduzèle,cequiestpeuprobable.

« À 6 heures, le 2 novembre, après une rapide toilette,conseil de guerre.M.Cléry nous conseille d’aller trouver toutsimplement le maire de Saint-Quentin, un de ses bons amis,patriote résolu, qui tient tête aux occupants et saura nousindiquerlamarcheàsuivre.

«MmeClérynoussertunexcellentchocolat.Noussommeslavés,reposés,fraisetdispos.EnroutepourSaint-Quentin.Unpeu avant midi, nous passons devant le poste inoffensif quimusardeà l’entréede laville.Personnenenousdemanderien.Lasentinelleestoccupéeàbatifoleravecunejeuneouvrièredeson âge et ne s’occupe guère de la circulation, pas plus despiétonsquedesautos.

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20octobre.Pauvregarçon!commetoussescamarades,ilacrusonboncapitainemortellementatteint,etmaintenantqu’il saitlavérité, ilmeditcombien il regrettedenes’êtrepas trouvéàcôtéde sonofficier à cemoment-làpour le sauverouêtre faitprisonnier avec lui. Il a appris que le soir du 30 août aurassemblement de la compagnie il n’y avait qu’une trentained’hommes(…)

«Jevisbeaucoupaveclepasséencemoment,etjenepuism’empêcher de trouver que mon année à Tunis fut la plusheureuse!»

OnapprendparcettelettredeCélineàLouisequeGeorgesGiraudestbaséprèsd’Amiens,qu’ilvabienetn’estpasexposépourl’instant.QuantàFernand,ledernierfrère,aprèsavoirététrèslongtempsaudépôtdutraindeséquipagesàChâteauroux,ilseraitmaintenantsurlalignedefeu.

Arrivée le 9 décembre à Paris,Céline y reste jusqu’au 13.Comme prévu, elle se rend à Rosny où elle rencontre lecapitaine Mesnier qui lui remet les effets de son mari : leceinturon de cuir, la petite sacoche jaune contenant porte-monnaie, couteau, petit carnet, allumettes, plaque d’identité,chaîned’acier, cartouchesde revolver, petitemédaille, puis lesjumellesetlecarnetderoute.

«ÀRosny,outrelacantine,écrira-t-ellele14janvier1915àLouiseBarker, j’aieu lasatisfactionderevoir lesabredemonmari.Simonbien-aimé revient, je suis sûrequ’il seracontent,aussi, de voir que son sabre n’est pas resté aux mains del’ennemi.Pendantquenousétionsaufort,unbataillonenvironest parti pour le front. Quel enthousiasme toujours, ma chèreamie ! Mais ce n’était plus le brillant costume qui,malheureusement, a coûté la vie à plus d’un ; maintenant, ilssontbleusdespiedsàlatête.»

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PuisCélineetsesenfantsgagnentDijonoùlajeunefemmeretrouvesamèreetsesamies.Trèsvite,elleserendàl’hôpitaldes Génois, son ancien pensionnat, et remet blouse et coiffed’autrefois. « Je panse nos vaillants défenseurs le matin de 9heuresàmidiettrèssouventlesoirde4heures1/2à6heures.»

Notre évadé, lui, survit àSaint-Quentin.En faisant parfoisdesrencontresimprévues…

«Vers lemilieu de décembre, si j’ai bonnemémoire,monprécieux informateurde la radiom’annonçapour le lendemainune visite d’un personnage important, visite tenue strictementsecrète. “L’Empereur arrivera vers 11 heures à l’entrée de laville, par la route venant de Guise. Le feldmarschal iral’attendre.”ExcellenteaubainepourrevoirdeprèsGuillaumeIIquej’avaisaperçuen1906àBerlin.

«AveclapermissiondeMmeJaffary,jequittemonbureau,et à l’heure dite, je me trouve à l’endroit indiqué. Serviced’ordre discret en ville,mais forcément sérieux à l’endroit oùdoit avoir lieu le premier arrêt du Kaiser. Une compagnied’honneuraveclechefdebataillon,plusieursofficiersd’E.M.,de nombreux policiers en uniforme… et en civil, ceux-ci trèsreconnaissables pour un averti commemoi, peu de curieux, lanouvellen’ayantpasfiltré.Sansaffectation,jemeplaceducôtéopposéà la compagnied’honneur, tout à côtéd’unpolicier entenue,auqueljedemandeinnocemmentcequisepasse.

–Uneinspection,mongarçon.–Dequi?–Est-cequejesais,moi?lefeldmarschalsedérange.C’est

sûrementunseigneur.«En effet, garde-à-vous, présentez armes.Le feldmarschal,

prince de Bülow, commandant la IIe armée arrive, passe

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l’inspection de la compagnie et semet à causer avec quelquesofficiers,exactementàdeuxmètresdemoi.

« Je suis coiffé d’une casquette, des lunettes à monturemétalliquesurlesyeux,ungroscache-nez,unvieuxpardessus,sans compter la barbe qui me rend méconnaissable. Nulcertainementnepenseaublessésortisubrepticementd’Origny-Sainte-Benoîte. Et nul, je dois le dire, ne s’imagine que jepourrais avoir dans la poche de mon pardessus un browningdontjevoudraisfairemauvaisusage.

« Dix minutes après, quelques voitures venant de l’Estarrivententrombe.Delaseconde,ungrandtorpédodécouvert,descend le Seigneur de la Guerre. Guillaume II est en petitetenue de général d’infanterie. Le col de son manteau estrecouvertd’unechaudefourrure.Ilparaîtfatigué.Cen’estplusle souverain brillant que j’ai vu huit ans plus tôt, soit auxcoursesdeBerlin,soitauConcoursagricole.Malgrélefroid,leteintestblême.Lestraitssonttirés.Lesyeuxsontternes.Cetteguerrequidurenesedéroulepascommel’avaitrêvéleMaître,et comme l’avait prévu le Grand État-Major. La bataille de laMarneaétéuneffondrementpourcethommequisevoyaitdéjàà l’Arc de Triomphe, et maintenant nul ne sait quand seterminerala tragédie.GuillaumeIIconnaîtmieuxquepersonnelesressourcesdel’Allemagneet leur insuffisanceenfacedelaFrance,delaRussieetdel’Angleterreréunie.Quisaitmêmesil’Italie ne se décidera pas un jour à entrer en ligne contre sonanciennealliée?

«Toutcela,pouruninitié,selitsurlevisageduKaiser.« N’empêche qu’il accueille affectueusement le

Commandant de la IIe armée, passe avec lui devant lacompagnie, dont la présentation est impeccable, et revient direunmotaimableauchefdebataillonquis’incline,cramoisi.

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auxmathématiciens23.»

Le14janvier1915,CélineécritàLouiseBarker:« Toujours aucune nouvelle de mon grand aimé. Mon

télégramme puis ma toute petite carte vous ont dit commentj’avais appris qu’Henri était guéri ; comme cela a passé parquatre intermédiaires, je me demande maintenant si cerenseignementestbienexact…J’espèretoujours,jeprieaveclamême confiance, mais vous comprenez, n’est-ce pas, monimpatiencede recevoirunsimplemot.Oùestmonchermari?Dequoisouffre-t-il?Ilnefautpass’illusionner,nosprisonnierssontaffreusement traitésdanscettemauditeAllemagne, tout lemondecommenceàs’émouvoirde leursortetessaied’adoucirleurs privations et leurs souffrances. Y parviendra-t-on ? J’aiécrit à l’abbé Dévaud, professeur à l’université catholique deFribourg(Suisse)quidoitvisitertouslescampspourdistribuerdessecours.L’ambassaded’Espagnes’occuped’Henridepuisle20décembreetcelledesÉtats-Unisdepuiscesjoursderniers.»

EtCélineajoute:«Personnenepeutprévoirlafindecetteterribleguerre.Je

veux espérer qu’un événement imprévu viendra peut-êtreterminer plus tôt qu’on ne le pense cet affreux cauchemar,mais…»

PauvreCéline,siellesavait…PourcequiconcerneHenri,lajeunefemmevadevoirencore

attendretroissemaines.«Danslecourantjanvier,poursuitlemémorialiste,aprèsla

naissance du jeune Caramel, dont j’avais promis d’être leparrain,etauquel j’aiservide témoinpoursonrécentmariage,trente ans après, je tâtai donc M. Richard pour savoir siéventuellementilneconsentiraitpasàm’emmenerenBelgique,etàm’y laisser, lorsd’unprochainvoyage. J’étaisdésireuxde

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quitterSaint-Quentin,etjepourraisluiservirde“commis”dansunedesesexpéditions.Étantd’ailleursbelge, j’auraisûrementdesfacilitésdansmonpaysnatal.

« Au bout de quinze jours, l’affaire est conclue. Il estentendu que je partirai avecmon nouveau patron au début defévrier,qu’ilmedéposeraàlafrontièrebelge,sanspénétrerlui-mêmeenBelgique,carlafrontièreestencemomentsévèrementgardée par les Allemands. Nous pouvons avoir quelquesdifficultés,carlasurveillanceduravitaillementestactuellementtrès renforcée, mais il a l’impression que je ne suis pas plusfroussard que lui, et que nous saurons nous débrouiller.Ultérieurement,danslecourantdefévrier,iltâcheraderendrelemême service àmon compatrioteCharles, le garçon charcutier.Les derniers jours à Saint-Quentin se passent dans le calme,sans que personne ne soit avisé de mon prochain départ. Laveilledu jour fixé, jeme fais réglerparMme Jaffaryet jevaisavertirM.Lambertdemondépart.Le lendemain, adieuxémusdeMme Venet et de son mari qui tâche de rester impassible.Nous nous étreignons longuement Charles et moi, et dans lacarriole de M. Richard, attelée d’un excellent cheval, nouspartonsverslenord,danslagrisailled’unmatind’hiver.Routesansincidents,jusqu’àBohain,oùnouscouchonschezdesamisdeM.Richard. La nouvelle recrue que je suis dans lemarchégrisnesefaitpastropbalancer.OnféliciteRicharddenepluscirculer seul, à cause des rencontres fâcheuses. Les occupantsfouillant volontiers les voitures, il est bon d’avoir avec soiquelqu’unparlantallemandpourarrangerlesaffaires.

«Le lendemain,aupointdu jour,enroutepourMaubeugequenouslaissonsànotredroite.Nousallonscoucherdansuneferme isolée près de Gommegnies dont le propriétaire est, luiaussi,unamideRichard.Lafrontièrebelgeestàdeuxpas,mais

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ilestbienexactqu’elleestsurveilléedeprèsparlesAllemands,on ne sait trop pourquoi, puisqu’ils occupent la Belgiquecomme le Nord de la France. Ce qui se comprend pour lafrontièrehollandaiseestunpeudeluxepourlafrontièrebelge.

«Le faitn’enestpasmoins là.Mais rienn’estplus facilequede tromper la surveillance allemandepour des cultivateursdontleschampssontsouventàchevalsurlafrontière.C’estlecas de notre hôte. Demain, je partirai avec lui, conduisant unattelageàtroischevauxquitrainerauntombereaudefumieroùilmel’indiquera.Lui-même,quiestbienconnudesoccupants,serapartiunpeuàl’avanceenBelgique,pourtravaillerlapartiebelgedesapropriété.Je luiamèneraisonfumieret lequitteraiensuite,enluilaissantramenersontombereau.Lamanœuvreestenfantine.

« Le lendemain, elle s’exécute à la lettre. Le charretier enbras de chemise et en pantalon longn’a peut-être pas les grossouliers qui conviendraient, mais la sentinelle boche verslaquelle jemedirige tranquillementn’yprendpasgarde.C’estmoi-mêmequi lui souhaite le bonjour le premier. “Ça tire,merépond-il,maisleschevauxsontbons.”Ettandisquemonfouetclaque joyeusement, le tombereaupénètreenBelgiqueoùmonpatrond’unjourm’attendsansémotion.

« Tout à l’heure, j’ai pris congé de Richard, non sans leremercieraveceffusion.Maintenant,jemeséparedecelui-ci.Ilfaut avouer que les “commis” de mon acabit ne restent paslongtempsdanslamêmeplace.Jeplainsleursemployeurs.C’esthélas!uneinstabilitéquin’afaitquecroîtreetembellir.

«EnBelgique,Richardm’adonnél’adressed’uncafetierdeWalcourt, où je pourrai m’adresser de sa part, et qui sauram’orienter sur les caractéristiques de la circulation, leshabitudesdelapolice,etc.Enattendantquej’aiepumemunirde nouvelles pièces d’identité, il vaut mieux ne pas attirer

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« Je suivais la route de X… à Y… (Audenarde NDA),marchant d’un bon pas, mon sac tyrolien sur le dos, sans lamoindre appréhension d’une mauvaise rencontre quand,brusquement,audétourd’uncheminetàl’entréed’unhameau,unesentinelleallemande.

–Halt,Papier,bitte!« Interloqué, mais sans le laisser paraître, je sors mon

ausweiss.–Voyezlechefdeposte,danslamaison,ici.« J’entre dans le poste de contrôle, installé là pendant la

nuit, et dont personne n’avait pu m’indiquer la présence. Unfeldwebelleutnantcommandelegrouped’hommescomposantlepose.Illitattentivementmonpapier.

–Oùallez-vous?–ÀAudenarde,àquelqueskilomètresd’ici.–Chezqui?–Chezmatante.–Pourquoi?–Pourchercherdeslégumes.–Vousn’êtespasmaraîcher,vousêtescoupeurencravatesà

Bruxelles.– Précisément, le travail marche mal. Je suis la moitié du

temps en chômage, et je ne trouvepas àme ravitailler. Ici,matante a un grand jardin, et peut me fournir des choux, despommesdeterre,descarottes.C’estprécieuxpourmoi.

–Jel’admets.VousrepasserezicipouralleràBruxelles?–Certainement.–Alorsvousmerapporterezpourmoiunchouetunkilode

pommes de terre. Ça améliorera l’ordinaire. Donnez-moi deuxmarks.Voicivotreausweisstimbré.

–Mercimonsieurl’officier.–Aurevoir.N’oubliezpas,n’est-cepas.

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«J’aioublié.M.l’officierattendencoresonchou.«Lelendemain,j’arrivaisàTurnhout.Cederniergîteestde

belleapparence.–Belgica.–Entrezmonsieur,ledocteurvavenir.«Effectivement,lemaîtredemaisonarrivequelquesinstants

après,etmefaitentrerdanssoncabinet. Jesaispar ledocteurFrère que c’est le derniermaillon de la chaîne et que je puis,sanstémoins,parleràcœurouvertaveclui.

– Je ne vous demande pas votre ausweiss qui nem’apprendrait rien. Voulez-vous me dire votre véritableidentité?

– Volontiers, docteur. Capitaine Giraud, de l’arméefrançaise, évadé d’un hôpital allemand et voulant rejoindre laFrance.

– Parfait mon capitaine. Votre blessure est bien fermée ?Vouspouvezfaireunpetiteffort?

–Certainementdocteur.–Alors ce serapour lanuit prochaine.Maisd’abordnous

allonsdéjeuneravecmesenfants.Bienentendu,aucuneallusiondevanteux.Mafemmeestmalheureusementabsente.Pour toutlemondevous êtesun amidepassage.La servantequi vous aouvertsaitquej’aiainsidesclientsqui,pournepasattendre,seservent du mot de passe que vous avez employé. Elle nes’étonnerapasdevousvoiràtable.

« Très bon déjeuner avec une bande de jolis enfantsparfaitement élevés, ne posant aucune question, répondantpoliment à celles qu’on leur pose. Nous prenons le café ausalon,seuls,ledocteuretmoi.

–Voici leprogrammequivousagréera, je l’espère.J’ai ici,depuis ce matin, deux jeunes artistes belges, qui veulent

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rejoindreleroiàLaPanne28.Cesontunpeintreetunsculpteurqui ne font pas 45 ans à eux deux. Solides physiquement etmoralement ; ilssontarrivéscematinaupetit jour,etdormentencore. Je vais les réveiller. Ilsmangeront rapidement. Je ferailesprésentationsetvouspartirezensembleà15heures.Commedespromeneurs sansbagages,vousprendrez la routedeBrédatranquillement,defaçonàvoustrouverà17heuresprécisesaukilomètre7–6.Àcôtédelabornekilométriquesetrouveuntasdecailloux,surlequelestassisuncantonnier,cassantsapierre,ayant au cou un foulard rouge à pois blancs. Vous passerez àcôtédeluisansfairesemblantderien,etluidirez“Belgica”defaçonàn’être entenduquede lui seul.Vous continuerezvotrechemin sans vous presser. Il vous rejoindra, vous dépassera etvousn’aurezqu’àlesuivre.Cettenuit,vousserezenHollande.C’est un braconnier qui m’a tué beaucoup de lapins avant laguerre, mais qui, depuis la guerre, m’a passé beaucoupd’hommesenHollande.

–Gratis,docteur?–Commevousêtesindiscret,moncapitaine.Ehbiennon.Je

luidonne20francsparpassage.Trouvez-vousquecesoit tropcher?

–Mafoinon,docteur.Etcommeilmeresteencoreunpeudemonnaie,jevousdemandedemelaisserpayermonguide.Ceseraunsouvenirpourmoi.

– Volontiers, mon capitaine. Vous me faites faire deséconomies. Mais je vous quitte pour aller réveiller vos futurscamarades.Jevouslesprésenterai.Voulez-vousfairelasiesteoulirelesdernièresnouvellesdujournallocal?Touticiestàvotredisposition.Àtoutàl’heure.

«Enfoncédansunbonfauteuil,jelisdistraitementlegrandjournal de Turnhout, mais pense intensément aux heures qui

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quinousestréservé.«Ici,undernierincidentcomique.«Notre compartiment avait été prélevé sur lewagon prévu

pour le personnel desAffaires étrangères ayant accompagné leministre en Angleterre. La plaque « réservé jusqu’à Paris »intriguaitpassablementquelquesjeunesattachés,quitrouvaientinsolitelaprésencededeuxindividusaussimalaccoutrésdansun milieu aussi élégant. Après plusieurs allées et venues quinous amusaient prodigieusement, Schmitt et moi, l’un de cesMessieursplusaudacieux,sefitleporte-paroledesescollègues,etfaisantglisserlaportevitrée:

–Messieurs,jecroisquevousavezfaiterreur.Vousêtesicidans le train spécial du ministre des Affaires étrangères. Cecompartimentestréservé.Ilfaudraitdescendreavantqueletrainneparte.

–CetrainesteffectivementréservépournousMonsieur.Jevousseraisobligédefermerlaporteetdenouslaisser.

« J’ai débité la phrase d’un ton sec, en regardant lepersonnage bien en face. Il ne demanda pas son reste, et nousfûmes tranquilles jusqu’à Paris. Jeme figure les réflexions decesMessieursducabinet.Sixheuresaprès,nousétionsàlagareduNord.Lebeauvoyageétaitfini32.»

Nous sommes le 10 février 1915.Le«beauvoyage» auraduréexactementtroismoisetdixjours.

La veille, un télégramme « incompréhensible » de sesbeauxparents a enjoint à Céline de venir à Paris le lendemainavec ses enfants. La jeune femme ayant demandé desexplications par dépêche, dans la soirée du 10, elle reçoit cesquelques mots : « Henri arrive ce soir Paris. » Le premiertélégramme de sa bellemère aurait pu être sans doute plusexplicite.Sajoiel’emportant,cependant,Célinefaitaussitôtses

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préparatifsetsautedansl’expressdu11,àuneheuredel’après-midi. Elle arrive à 7 heures du soir avec son trio âgérespectivementde six,quatreet trois ans.Henri l’attend sur lequaidelagareavecsesparents.

«Quelbonheur inexprimable,petiteamie,quederetrouverceluiqu’onaimeaprèscinqmoisdesouffrancessupportéespourlui ! écrira-t-elleàLouisBarker. Ilnous semblait rêver !Nousnous regardions l’un l’autre, et les paroles ne pouvaient venir.Au bout de quelques instants, les questions se pressaientnombreuses,nousavionstantànousdire!Ceserauneminuteinoubliabledemavie !Henri était encivil avec lesvêtements,reprisés, rapiécés, usés, avec lesquels il a vécu toute sonodyssée.Ah!iln’étaitpasélégantmonmarisicoquet!maisilétait là, en parfaite santé, c’était l’essentiel. Je gardeprécieusementcesvieuxhabits,cesvieillescravates,cesontdeglorieux souvenirs que les enfants auront plus tard et qui leurrappellerontqueleurcherpetitpapaétaitunbrave,unsoldat!J’aidonctrouvéHenrienexcellentétat,sablessureaupoumoncomplètementguérie.Illuiresteencorequelquesadhérencesdelaplèvreetdupoumon,mais lesnombreuxmédecinsqui l’ontauscultédisentqu’ellesdurerontdecinqàsixans.Celan’apasde gravité, mais il est parfois obligé de s’arrêter de parlerpendantquelquessecondespourreprendresarespiration.Iln’apasmaigri du tout, car sesuniformesportés àTunis et qu’il aretrouvés dans sa cantine à Rosny, lui vont parfaitement. »(Lettredu3mars1915)

Aucoursdelajournéedu11février,eneffet,HenriGirauds’est retrouvé au dépôt deRosny que dirige alors le capitaineMoreau où, ce jour-là, est établi un certificat d’origine de sablessure de guerre : trois témoins de la 14e compagnie(l’adjudant Jean Ruet, le sergent Henri Dugal et le caporal

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HubertDumoulin)certifientquelecapitaineGiraud,Henri,aétéatteintparuneballe,le30août1914,àPleine-Selve(Aisne).Le15février,lemédecin-majorde2eclasseDelestrecertifieàsontourquela«balledefusil(sic)apénétréàlapartieantérieuredu thorax en dedans du mamelon à hauteur du 3e espaceintercostal droit et sortie en arrière, après avoir traversé lepoumonau-dessousdelapointedel’omoplate.Ilyadepluslacicatricedudrainaged’unabcèsunpeuau-dehorsdelacicatricede sortie, postérieure à la balle33. » Mais pour le capitaineGiraud,toutceci–blessureetévasion–c’estdéjàlepassé…

«DèsmonarrivéeàParis,etmapremièrevisiteauministère,je demandai à rejoindre le front, et essentiellement monrégiment.Enmêmetemps,j’écrivaisàmonex-chefdebataillon,le lieutenant-colonel Daugan, devenu après la Marne lecommandantdu4eTirailleurs,pourluifairepartdemonretour.Comment eut-il l’idée d’en parler au général Franchetd’Espèrey,commandantlaVearmée?Toujoursest-ilquecelui-ci,bousculantmesprojets,meréclameauGQGpoursonÉtat-Major,etqu’aulieudepartirpourl’Yseroùle4eZouavestenaitles lignes,mevoicidésignépourJonchery-sur-Vesle,PCd’unedesarméesdeChampagne34.»

Joffresefaitprésenterl’évadé.MaisnidansMesSouvenirsni dansMes évasions, celui-ci n’évoque sa rencontre avec legénéralissime.Onpeutcependantimaginerqueleprincipalsujetde leurconversationaportésur lesrenseignementsqueGiraudrapportedesatraverséedesterritoiresoccupés.

LecapitaineGiraudestdoncmutéle22février1915àla5earmée (« je vais donc être plus tranquille », écrira Céline àLouiseBarker, le3mars)qui jouxte la4earméedugénéraldeLangledeCary, lancée,depuis le16 février, à l’attaquesurun

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début de février, c’était 200 hommes de Landsturm quipassaientdeBelgiqueenHollandepournepaspartirau front.Lemoisprécédent,deshommesétaientfusillésàSaint-Quentinpour avoir refusé de regagner les tranchées en sortant del’hôpital.Desmutinerieséclataientendiverspoints,notammentàBapaume, et 150 hommes étaient ramenés vers l’arrière sansarmes,encadrésparundemi-escadrondehussards.

« Qu’on n’aille pas conclure de là au découragement.L’armée allemande était un organisme formidable, aux cadresincomparables.Ceux-ciontdiminué,maisn’ontpasdisparu.Cequ’ilresteaencorefoiàlavictoire,etcommel’Allemandaunebravoure indiscutable, il faut s’attendre à une résistanceextrêmement opiniâtre de gens qui ne s’avoueront vaincusqu’après avoir épuisé tous moyens de résistance. La questionéconomique,financière,joueraunrôle,maisladécisionneseraobtenuequepardesmoyensmilitairessurleterrainmilitaire.»

Enfin, concernant la « situation matérielle de l’arméeallemande », le rapport indique qu’à la fin de janvier, celle-ciétait«biennourrie,bienhabillée,bienéquipée»:

«L’armementsecomposedefusilsmodèle1898,saufpourles hommes du landsturm armés du modèle 88. Le matérield’artillerie,quinepouvaitêtreréparésurplace,étaitrenvoyéenAllemagne et remplacé par du matériel neuf ou en tout casparaissant neuf. La poste fonctionne bien, mais un certainnombre de lettres étaient ouvertes et les vaguemestres ne segênaientpaspourexplorerlescolispostauxetenextrairecequileur convenait. L’état sanitaire n’était pas très brillant. Lavaccinationantityphoïdiqueaenrayéuneépidémiedetyphoïde,mais les maladies vénériennes étaient fréquentes dans lesgrandesvilles.ÀSaint-Quentin,ilyavaiteujusqu’au15janvier,500casdesyphilis.Leravitaillementenvivresetenmunitionssemblait fonctionner normalement. Les chemins de fer sont

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exploités de la façon la plus intensive. Des ingénieurs et destravailleurs amenés d’Allemagne ont créé en différents pointsdesvoiesnouvellesoudes raccordementsutiles.Ainsi, au sudde Busigny, une voie terminée récemment permet aux trainsvenant de Tergnier de gagner la ligne d’Hirson sans entrer engaredeBusigny.Lesroutessontentretenuesavecleplusgrandsoinetungrandnombreestélargi.Onyemploie leshabitantsdes villages limitrophes. Les bas-côtés sont décapés puisempierrés et, en cas de retraite, la circulation pourrait êtrefacilementdoublée.Sommetoute,aupointdevueorganisation,l’armée allemande est restée ce qu’elle était au début de lacampagne, c’est à dire parfaitement outillée et approvisionnée.Laduréedecetteguerreasurprislehautcommandement,maisonnel’apasprisaudépourvu.Lesressourcesprévuesétaientsiconsidérables qu’elles commencent à peine à s’épuiser.D’ailleursl’arméevitsurlepaysdepuisplusdesixmois,etsiquelqu’undoitêtreaffamé,ilesttoutnaturelquel’envahisseurcommencepar faire souffrir les régions envahies.Celles-ci ontheureusement le moral qui permet de supporter les piresépreuvesetd’attendreladélivrance.»

Le18mars, l’expéditionnavaledesDardanelles,conçueetpromueparChurchill,débutedansl’optimisme.

Sur le front occidental, la guerre de stabilisation obligepresque à une vie bourgeoise qui n’est guère du goût ducapitaine Giraud. « Je reçois tous les deux jours de bonnesnouvelles,c’estlecalmeenfacedesonarmée,etcetteinactionestpénibleàl’ardeurd’Henri»,écritCélineàLouiseBarker,le28mars.OnapprendégalementquelebraveMaussion,quiluisertd’ordonnance,varejoindresoncapitaineentrele5etle10avril.

Comme le témoignage de Kerillis l’indique, l’évasion du

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capitaine Giraud a valu à son auteur une telle notoriété quemême le redoutable Mangin, expert en bravoure et en dureté,s’intéresseà lui.Dansune lettreà sa femmedatéedu30mars1915 et comportant quelques inexactitudes de détail, lethéoriciendela«forcenoire»écrit:

« Le capitaine Giraud de l’État-Major de la Ve armée estvenu visiter ce secteur. Il est tombé grièvement blessé à labataille de Guise, au milieu d’une batterie allemande que sabatterievenaitd’enlever(sic).Laissépourmortsurleterrainparseshommesquiontsauvésespapiers,ilaétérecueilliparuneambulance allemande, traité avec beaucoup d’égards et biensoigné.À peine remis, il s’est échappé avec un camarade et apassécinqmoisenBelgiquedéguiséenarracheurdebetteraves(sic).Ilaservicommeinterprèteréquisitionnéparlesservicesdel’arrière allemand pendant vingt jours. Après avoir vainementessayéderejoindreleslignesfrançaises,ilaétésoignéàLilleetà Bruxelles par des médecins, ses blessures s’étant rouvertes.Enfin, il a rejoint la France par la Hollande après millepéripéties et a été désigné par notre État-Major d’armée. Ilrapporte comme vous pensez des renseignements extrêmementintéressants.L’arméeallemandenerappelleplusquedetrèsloinle magnifique instrument de guerre qu’elle était en août etseptembre (1914). Les anciens cadres, très fortement entaméssontdiluésdanslesformationsnouvelles.Lemoralachangédutoutau tout.Labataillede laMarneaétéunesurprisecruellepour tous. À son ambulance, le 4e fils de l’Empereur (Eitel,Frédéric ?) estvenuvisiter lesofficiers français et a cherchéàêtre aimable assez maladroitement. “Au revoir Messieurs,guérissez-vousvite,pourmoi,jeseraiàParisdansquatrejours.”MaisGiraud ne tarit pas d’éloges sur les premiers cadres, surleur attitude, sur l’organisation de l’invasion. Le personnel

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cetteidéeautourdetoi.Tuaurasfaitautantpourlasantémoralede toute ta compagnie, que tu fais pour la santé physique dechaqueindividu.»

Giraud a un juste pressentiment quand il évoque unepossible poussée allemande jusqu’à Lemberg puisque la villetombeeffectivementauxmainsdestroupesdeMackensenle22juin.MaisilsetrompeenpensantquelesRussesnereculerontpas plus loin. Comment pourraient-ils tenir après avoir perdu500000hommes? Ils se replientdoncsur leBug.Etcen’estpasfini…

Pourquoi est-ce bondupoint de vuediplomatique ?ParcequeGiraudsubodorequeleconflitpeutseterminerparunepaixdecompromisetqu’ilimportedoncpourentirerbénéficed’êtresurleterrainenpositiondeforce.

Détail : le 13 juin, de Gaulle de retour de convalescencearriveauQGdeJoncheryoùonluidonneuneautopourgagnerRoucyoùildoitprendrelecommandementdela10ecompagnie.Ycroise-tilGiraudsurledépartpourVersailles?C’estpossible.

« Comme les bonsmoments passent vite ! Demain déjà il(Henri)rejoindrasonarméeetmoi,jeretrouveraimesbambinsàDijon»,écritCélineàLouisBarker,le17juin.

Enréalité,Henrinequitterasafemmequele19.«Commel’andernier,nousnoussommesquittésle19juin!

écriraCélineàLouiseBarker.EtsurlequaidelagaredeLyon,nous avons évoqué Tunis, le Carthage (maintenant coulé) ettous nos amis venus pour nous dire au revoir, ne soupçonnantpasl’affreusecatastropheactuellequiallaitnousdisperserpourlongtempspeut-être.»(Lettredu13juillet1915.)

Enjuillet,lecommandementfrançaisinstaurelerégimedespermissions. Une mesure qui en dit long sur la prise deconscience des chefs que la guerre va durer et qu’il faut donc

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penser au reposdes combattants.Mais l’opérationades effetspervers : ceux du front découvrent qu’à l’arrière beaucoup degens se sont commodément installés dans le conflit et ontconservéleursaises…

Lesthéâtressontrouverts,leshôpitauxfourmillentdebellesinfirmières. Par comparaison avec celui que l’on baptise « LeBoisle-Prêtre », rue des Postes, on appelle celui du Grand-Palais,«LeBoisdelaGruerie».LesplanquésontdécidémentlavietropbellependantqueleschasseursmeurentenmasseauVieil-Armand!

Le7juillet1915,HenriécritduQGàGeorges:«(…)DoncnotreoffensivearatéàArras.Jenefaisaucune

difficultépourlereconnaitre,maisdelààparlerd’unedéfaite,ilya

un abîme.Si c’est unedéfaite quede repousser l’ennemide5kilomètres,deluimettrehorsdecombat80000hommes,deluiprendre 10 000 fusils, 50 mitrailleuses et 20 canons, je veuxbien être pendu. Est-ce une victoire ? Non, puisque nousn’avons pas obtenu le résultat cherché : la rupture du front.Voilàenrésumé,lasituation.

«Pourquoin’a-t-onpaspercé?Parcequelespertesétaienttropgrandes,etqu’onn’apasvouluinsister.LetiersdestroupesamenéesàArrasn’apasétéengagé.

« Pourquoi les pertes sont-elles si grandes ? À cause del’artillerie et des mitrailleuses ennemies. Conclusion : il fautnous débarrasser de ces outils autant que possible avant delancernoshommesàl’attaque.

« Tout cela, vois-tu, on s’en doutait, mais personne necroyait à une pareille efficacité. Reconnaissons-le, lesAllemands,enmatériel,sontplusfortsquenous.Ils’agitdeledevenir autant qu’eux, au moins sur le point où l’on veutattaquer, et nous pouvons y arriver. Ils ont une meilleure

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artillerie lourde que nous, parce qu’elle est à tir rapide, maisleurs projectiles sontmoins bons que les nôtres.Conclusion :augmentons le nombre de nos pièces qui se sont révéléesexcellentes à l’usage, pour suppléer à la lenteur de leur tir. Ilsont deux mitrailleuses par compagnie, nous en avons unedemie ; quadruplons nos mitrailleuses. C’est une questiond’argent:nouslepouvons;detemps:c’estlàlepointfaible.

« Quand j’écrivais à Eva : le 1er août nous serons sur laMeuse, j’étais parfaitement convaincu parce que je croyaisfermementqu’àArrasonpasserait.Onaéchoué;onyaperdu60000hommesdont15000tuésenviron,etonaeuraisondenepasinsister.Doncmaintenantl’échéanceestreculée,maislebut reste le même. Dans quelque temps, quelques semaines,quelques jours peut-être, sur un front donné, la tentativerecommencera.Sionpasse,onferalebond.Sionnepassepas,on recommencera un mois plus tard, et ainsi de suite. Quandréussira-t-on ?Nul ne le sait.Mais ce que l’on peut affirmer,c’estquel’Allemagnes’useraplusvitequenousaupointdevue“hommes".Ellea65millionsd’habitants,etelledoitfairefaceànous et auxRusses.LesAutrichiensont assez à faire avec lesItaliens, les Serbes et une partie, assez faible d’ailleurs, desRusses. Donc le moment viendra où l’Allemagne n’aura plusriendanssesdépôts.Ils’agitd’atteindrecemoment.

« Voilà où interviennent notre caractère et la nervosité denosfemmes.Onnecroyaitpasàunecampagned’hiveretonsecroyaitendroitdenepasycroire.Orilvapresquesûrementyenavoirune.Ilfauts’yrésoudreénergiquementetenenvisagerles conséquences, financières, économiques, morales même.Cela, c’est le rôle des gens intelligents à l’arrière. L’idéeessentielle est celle-ci : pas de paix prématurée, tant que laFranceetlaBelgiqueneserontpasévacuées,tantquel’Alsace,

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l’ennemineparviendrapasàamenerà tempsses réservesdanslesdeuxsecteursetquel’uneaumoinsdecesdeuxattaquesadoncdesérieuseschancesderéussir.

Cecalculunpeusimplisteva-t-ilréussir?Giraudestplusvolontaristequejamaismalgrélacassequ’il

enrésultera,maisilavouesahâtedevoirfinirlemassacre.PourdeGaulleaussi il faut seprépareràendurerdedures

épreuvescar«laguerren’estpasàsafin»,mais,lui,ilajoute:«etilnefautpasqu’ellelesoit.Ilfautqu’elleneseterminequepar la victoire absolue, définitive de nos armes ; la Paix nesaurait être dictée que par nous, et il faut durcir nos cœurs etconcentrernosénergiespourrepousserlestentationsmultipliéesqu’un ennemi avisé commence à nous offrir. Quant à cettevictoire elle est moins que jamais douteuse ». (Lettre du 23novembre1915.)

Danssonflamboyantdiscoursdu22décembre1914,Viviania fixévaguementquatrebutsdeguerreà laFrance :1) accordavec les Alliés ; 2) rendre à la patrie « les provinces qui luifurentraviesparlaforce»;3)restaurerl’héroïqueBelgique;4)«briserlemilitarismeprussien».

Maispeut-on«abattrelemilitarismeprussien»?À ce stade de la guerre, en ce milieu d’année 1915, pour

Giraud(onl’avudanssalettredu16août),c’estune«utopie»que de le penser et tout cela finira par une négociationdemandée par une Allemagne à bout de forces. Étant entenduunefoispour toutesque lapremièreconditionpourqu’ilyaitpourparlers, c’est l’évacuation de toute la France et de laBelgique.

SiHenriGiraudsemontre intransigeantsur leprincipequiveutquel’onnediscutepasavecl’ennemitantqu’iloccupeleterritoire national, les événements lui donneront à la fois tort(puisqu’il y aura capitulation et non négociation) et raison

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puisquelemilitarismeprussienneseraqu’àdemivaincuetpasdutoutle«militarismeàlaprussienne»…

Évoquant le jour où Français, Anglais, Russes et Italiens,«munisdesmoyensformidablesqu’ilsaccumulent,attaqueronttousensembleetsurtouslesfrontsunennemilasséetépuisé»,le capitaine de Gaulle, lui, dit sa « conviction absolue,inébranlable (que) cet ennemi détruit sera rejeté d’un bloc sursonterritoireoùnouslesuivronsetdequelélan!»

Jusqu’où ira cet élan ? Jusqu’à la destruction totalepuisqu’il s’agit « d’une guerre d’extermination » ? Mais unechose est de détruire les armées ennemies lancées horsd’Allemagne ; une autre de détruire l’armée allemande sur leterritoireduReich, et le capitainedeGaulle le saitmieuxquetoutautre, luiquiécrivaitdèsnovembre1914que l’Allemagne«résisterasursonterritoireavecladernièreénergie».Unautre,enfin,dedétruirelerégimeprussien.

Pourl’instant,laformulationresteambiguë.Ilestvraiquelegouvernementfrançaistardeàpréciserune

foispourtoutessesbutsdeguerre…Dansun articledu15 février 1915,Barrès a revendiqué la

rive gauche duRhin et dans un livre publié cettemême année1915, Les Tronçons du serpent, l’historien Louis Dimierpréconiseledémembrementdel’Allemagne.

GiraudetdeGaulleontpleineconfiancedanslavictoiredesarmesmaisleuranalyseobjectivedivergesurlesmoyens:pourGiraud la victoire se traduira par une négociation, tandis quepour de Gaulle elle se traduira par la destruction de l’arméeallemandevoiredel’Allemagne…

End’autrestermes,lepremiervoitl’ennemibattu,lesecondlevoitécrasé.

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Le5septembresetientlecongrèssocialisteinternationaldeZimmerwald. La Russie est représentée par Lénine, Trotski,Radek (futur signataire du traité de Rapallo en 1922) etRakowski, qui soutiennent la résolution générale d’une paiximmédiate«sansannexionnicontribution».Lénineproclame:

«Pour nous, sociaux-démocrates russes, il ne peut y avoiraucundoute:c’estladéfaitedel’autocratietsaristequiseraitlemoindremal.»

Desproposquicommencentàavoiruncertainéchodanslaclasseouvrièrerusse…

Le 8 septembre, le tsar prend personnellement lecommandement de ses armées avec le généralAlexeïev commechefd’État-Major.

Fin septembre la double offensive en Artois et enChampagnedémarre.Joffreproclame:

«Votreélanserairrésistible.Vousnelaisserezàl’enneminitrêvenireposjusqu’àl’achèvementdelavictoire.»

SienArtois, lesgainsde terrainnecorrespondentpasauxsacrifices, en revanche, enChampagne, les Français emportentplusieurspositionsennemiesetlebruitcourtqu’unebrècheestouverteetquelacavalerievapouvoirs’engouffrer.Las!cen’estqu’une illusion : l’Allemand tient, et il tient bon. Et leCommandement, au lieu d’en tirer immédiatement lesconclusions, laissepiétiner les troupesdans laboueet sous lapluie jusqu’à la find’octobre. Jamais ce long effort aussi vainquesanglantneseraoublié.

Deux ans plus tard, au soir du 16 avril 1917, on entendrabonnombredesoldatsetd’officiersdire:

« On n’a décidément rien appris… C’est comme enChampagne!»

L’année 1915 nous coûte 350 000 morts, disparus,prisonnierset800000blessésdontbeaucoupresterontinvalides

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midi.Mabellemère,trèscontentedenousavoirtouslesquatreauprèsd’elle,aétéparticulièrementcharmante.»(Lettredu15décembre1916.)

Obsèques à Saint-Sulpice, enterrement au cimetière deVaugirard.

Selon sa femme, Henri « recommande toujours de lapatience,encoredelapatienceàtouslescivils,etilespèrequ’àlafindel’annéeceterriblecauchemarseraterminé.Dieuveuillequ’ildisevrai!»

Las ! Contrairement à ce que peuvent penser, avec biend’autres,lescapitainesGiraudetdeGaulle–lequelcontinuede« pousser de profonds soupirs à propos de l’expédition deSalonique » qui nous prive de 20 000 hommes et de troismillionsd’obussurlefrontoccidental,maissefélicitetoutefoisque les Français aient permis de sauver l’armée serbe en latransportantàCorfou(lettresdes16janvieret14février1916)–onn’ajamaisétéplusloindelapaix…

AlorsqueJoffreméditeunevasteoffensive franco-anglaisesurlaSommeauxalentoursdu1erjuillet,le21février,àl’aube,un orage d’acier s’abat sur les deux rives de la Meuse. LesAllemands appellent ça un Trommelfeuer. Un feu roulant.Pendant plusieurs heures, des centaines de canons de 380, de420etmêmede500,crachent lamort,écrasant tout,mètreparmètre,surdouzekilomètresdefront.

LabatailledeVerduncommence.Etellecommenceparunesériedesuccèsallemands.Coup

surcoup, tombent : leboisd’Haumont, leboisdesCaures, lesJumelles d’Ornes. Puis, le 25, c’est le tour deDouaumont, le«pilierangulairedeladéfense»delacitémeusienne.Maissilestroiscorpsd’arméeallemandslancésàl’attaquele21févriernesontpasarrivéslelendemainsoirjusqu’aucœurdelaplace,

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jusqu’à la ville elle-même, c’est qu’ils se sont heurtés àl’héroïsme des soldats du 30e CA commandé par le généralChrétien. Du fort de Souville, ce dernier a dirigé, soutenu,inspiré cette résistance opiniâtre d’un corps d’armée qu’ontenaitauGQGenmédiocreestime.

« Quatre jours, sans prendre une heure de sommeil, écritLouisMadelinalorsenligne,lecommandantdu30eCAdonnade sa voix calme les ordres qui obviaient à une situationdésespérée ; toutes les heures, il fallait aveugler un trou,reprendreunemaille rompue et, de temps à autre, prendreunedécisiongrave,ordonnerlereplinécessaire,maisdanslamesureoùiln’entraînaitaucunlâchage45.»

Aussi,ducôté français,est-ce l’effroimaispas lapanique.Joffre envoie sur place Castelnau, qui confie à Pétain ladirectiongénéraledeladéfense.Pourlechefdela2earmée,quiprendlecommandementdesopérations, le26à0heures,ellesserésumentàunmot:résister.

«Ilsnepasserontpas!»Dès son arrivée àSouilly, impressionnantde calme,Pétain

organiseunelignededéfensedevantlaplacedeVerdun,dufortde Belleville au fort de Moulainville. En précisant que touteparcelle de terrain perdue sera l’objet d’une contre-attaqueimmédiate.Àmidi,l’ordren°1remetlefrontenordreenfixantà chacun ses responsabilités et en réglant le jeu des appuisréciproquesquedoiventsedonner,enartillerienotamment, lescorpsd’arméedanslabataille.Maisaussietsurtout,lenouveauchef fixe les moyens à mettre en œuvre pour assurer lerendementmaximalde la seulevoiede communication avec lazone des étapes, celle qui deviendra « la Voie sacrée », lepoumondeVerdun.

C’est le commandant Joseph Doumenc, polytechnicien et

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camarade de l’ESG deGiraud, qui en assure la direction. Il yferamerveille.

En visite à Stenay, le 29, Falkenhayn décide d’étendre lefrontdelabataille.

Le2mars,blesséd’uncoupdebaïonnetteprèsduvillagedeDouaumont, le capitaine de Gaulle est fait prisonnier. Giraudavaitété«présumétué»»,deGaulle,lui,est«portédisparu»,mais cela revient aumême : il est donné pourmort comme lemontre sa citation à l’ordre de la Division, transformée parPétainlui-mêmeencitationàl’ordredel’Armée.

«Monfilsestmortenfaisantsondevoir»,ditd’ailleurssonpèreaprèsunevisiteaucolonelBoud’Hors,patrondu33eRI.

Commencent alors pour le futur président de la VeRépubliquetrente-deuxlongsmoisdedétentioneffectuéepourpartieaufortIXd’IngolstadtenBavière,aucoursdesquelsilvafaire la connaissance notamment du commandant GeorgesCatrouxetnoueravecluidesrelationsprofondesetdurables.

Ce même 2 mars, Henri Giraud écrit du QG à son frèreGeorgesunelettre(encorecrêpéedenoirenraisondudeuildeleurpère):

«(…)LeBoches’agitebeaucoup,frénétiquementmême.IlveutVerdun.Nousnevoulonspasleluidonnerouleluilaisserprendre.Etalorscesontdestransportsdetroupes,dematériel,de munitions, à ordonner, à régler. Un véritable puzzle. Jevoudrais voir à notre place des officiers qui ne soient pasrompus à ce genre de sport, ils feraient les pires gaffes etnaturellementlesexécutants,latroupe,ensouffriraient.

« Ici, pas de bataille. Chez toi des combats localisés. ÀVerdunlagrandeoffensive.L’ennemiaeuungrossuccès,c’estcertain.Ilnousafait15000prisonniers,pris50canons,maiscen’est pas la victoire claironnée et proclamée d’avance. Tant

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nous avons trouvés àDouaumont ou àCombles pour nous enrendrecompte.

«Jereprendstesobjections.Ellessontsurtoutrelativesauxservicesetauxfaiblessesducommandement.Pourlesservices,il faut bien concevoir les difficultés existantes. Tu accuses lesmilitaires, mais sais-tu que de plus en plus, l’intendance, lasanté, les routes, les eaux passent entre les mains desspécialistes, ou jugés tels, aussi peu militaires que toi, aussicritiquesquetoi,etqui,faceàfaceaveclesdifficultés,nes’entirentpasmieuxquelesmilitairesdecarrière.J’avaisiciprèsdemoi un ingénieur des Ponts etChaussées, directeur de la plusgrandecompagniede tramwaysdeFrance,qui était chargédesroutes.Ilm’aavouécertainesfoisyperdresonlatin.Chezmoi,le directeur du service des eaux est B.V., ingénieuruniversellementconnu,quiavaitréussiauMexiquedestoursdeforce incroyables. Tu m’as dit toi-même combien ce serviceclochait.Etainsidesuite.Jepourraisteciterunemassedecaspareils. Nous portons, vois-tu, la peine initiale de notreincroyance(sic)àlaguerre,denotrenon-préparationetdenotrerégimepolitique.

« La grosse crise actuelle n’est pas celle des munitions.C’estcellede lamain-d’œuvreetdes transports.Pour lamain-d’œuvre, j’aurais voulu voir venir dans la zone des armées les3/4oules8/10desprisonniersquenousavons.Leurrendementseraitdoublé.EtjerenverraisdanslescampagnesuneclassedeRAT,enlesobligeantautravaildeschamps:mobilisationcivilecommeenBochie.Pourlestransports,jesupprimeraisun,deuxoutroistrainsdevoyageurspendantletempsnécessairesurlesgrandes lignes pour dégager les voies des marchandises ensouffrance. Le public se priverait de voyager pendant cettepériode.Lesgensabsolumentpressésauraienttoujourslestrainsindispensablespourfaireleursaffaires.

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« Évidemment, ça ferait hurler, mais il faut tout de mêmepenser que nous jouons une partie terrible et qu’en face d’unadversaireaussitenaceetaussifortquelenôtre,ilfautsebattreavec ses propres armes, soit la discipline et la méthode, sansoublierleculot.

«Examine froidement la situation. Sur le front occidental,équilibre,plutôtànotreavantage,carensommeniVerdunnilaSomme n’ont été des victoires pour l’ennemi. La situationrelativedumatérielenprésencesemodifiechaquejourennotrefaveurdufaitdenosfabricationsetdesfabricationsanglaises.

«Surlefrontoriental,enRussie,équilibre,avecunegrossesupériorité en personnel et une aussi grosse infériorité enmatériel chez nos alliés. Je crains qu’aucune décision ne soitpossiblelà.

« En Roumanie, gros effort boche. La 1re manche a étégagnée par lesRoumains, la 2e par l’ennemi.À qui la belle ?Évidemment, la situation n’est pas brillante, mais elle n’estnullementdésespérée.Ils’agitdesavoirlesréservesquel’E.M.roumain s’est ménagées. Je vois un beau coup à faire sur lespremières troupes de Mackensen ayant passé le Danube.Attendonsquinzejours.Actuellement,onnepeutriendire.

« En Macédoine, le succès de Monastir a été sérieux. Ils’agit de le compléter. Ce n’est pas une question d’effectifs,c’estunequestiondeterrainetderoutes.Figure-toicettearmée,ou plutôt ces armées, française, serbe et italienne, ayant pourleur ravitaillement et leur évacuation un chemin de fer à voieétroite et des sentiers muletiers. Vois là-dessus des canonslourds,destracteurs,desautossanitaires,enhiver,aumilieudelaneigeetdelaboue.Heureusement,c’estlamêmechosepourlesBoches,mais on comprend que ça n’aille pas vite.Malgrémessentimentsintimesvis-à-visdeS…(Sarrail),jenepeuxpas

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lechargerà fond. J’espèreque laMacédoine serbe s’agrandiraencore pasmal d’ici le 1er janvier,mais je ne crois pas à unedécisionavantleprintempsprochain.C’estàpartirdemarsoud’avrilqu’onverraclairvraimentsurtouslesfronts.LesBochesont fait un grand effort.Nous aussi. Il s’agit que le nôtre soitplus grand que le leur. Nous le pouvons. C’est affaire devolonté.

« Quant aux faiblesses du commandement que tu mesignales, elles sont inhérentes à la nature humaine.Personnellement,sachantquejenepuisempêchercertainsabus,je les règlementerais, au point de vue ravitaillement, transport,cantonnement. Par exemple, une fois les courses en autodélimitées, il n’y aurait plus de ces déplacements autoriséscomme j’en vois constamment, fourgons faisant 50 kilomètres,attelages sur les routes pendant 18 heures, etc. Avec ledéveloppement des coopératives, on arrive à se nourrir à boncompte et sans aller au diable. À notre QG nous allons nousravitailler à l’avant. Tu vois que nous trouvons encore notrepitance.Allons ne sois pas trop pessimiste. Pense que chacundoit payer de sa personne. Si nous voulons, nous seronsvainqueurs.Ilfautvouloir.Mameutevabien…»

LesuccèsdeMonastir–dûpourunebonnepartàl’allantdel’armée serbe forte de 94 000 hommes et commandée par leprince héritier Alexandre – n’est malheureusement pas« complété », car la reprise de l’attaque enMacédoine, le 27,échouedevant lespositionsbulgares.Cequinecontribuepas,aux yeux de Giraud – et même s’il lui reconnait descirconstances atténuantes – à rehausser le prestige de Sarrail,ancien officier d’ordonnance du général André. Sarrail a enoutre la réputation – justifiée – de disposer de gros appuisparlementaires de gauche à qui il doit d’ailleurs son

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beaucoup, mais pas toujours en sagesse. Riquet 52 a besoind’être sévèrement tenu, c’est une nature exubérante, et assezdésobéissante.Ilestunpeumoinsparesseuxpourlesétudesquinevont pasmal.Renée reste sérieuse et travailleuse,mais soncaractère n’est pas toujours aimable. Plus les enfantsgrandissent, plus les défauts se dessinent, et plus la tâche deséducateurs est difficile. André reste très affectueux et violentavecénormémentdevolonté.»(Lettredu15mars1917.)

Labonnenouvelle,le2avril,deladéclarationdeguerredesÉtats-Unis à l’Allemagne crée un climat d’optimisme propre àfaire croire que l’offensive apportera enfin, avec la rupture dufrontallemand,ladécision.Etlafindelaguerre.

En ces jours où chacun sent qu’il se passe des chosespropres à changer le cours des événements, les prisonniersfrançaisviventmalleurincarcération.Depuissavainetentatived’évasion, le 29 octobre précédent, le moral du capitaine deGaulle traverse une période difficile. Après avoir refusé de sefairephotographiercommesamèreleluidemande–«Dansmalamentablesituationactuelle,jem’yrefuseabsolument»(lettredu18mars1917)–,ilenvientàsepasserparprofitsetpertes:«Monsortneprésenteaucun intérêtpuisque jene suisbonàrien » (lettre du 21mars 1917), et confie après avoir passé ladeuxième fête de Pâques de sa captivité : « Je ne peux vousdissimuler que j’en éprouve une immense et inexprimabletristesse ». (Lettre du 8 mai 1917.) Son seul réconfort est« l’excellente camaraderie » qui règne entre prisonniers, et labibliothèque«assezbien fournie».Lesnotesqu’il tiredeseslectures sont intéressantes pour ce qu’elles nous révèlent despréoccupations d’un esprit brillant, mais dont la culture estessentiellementhistorique.À26ans,ildécouvreainsiLeRougeet le Noir et L’Éducation sentimentale. Détail : il trouve le

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caractère de Julien Sorel « vraiment compliqué et tropmachiavéliquepoursonâge…»Maisonretientsurtoutquesalecture se focalise sur les aperçus politiques que révèlent lesœuvresdeStendhaletdeFlaubert.Parlaplacequ’illuiaccordedans ses notes, sa préférence va nettement au livre du généralFriedrichvonBernhardi,L’Allemagne et la prochaineGuerre,qu’il dépiaute chapitre par chapitre et qui constitue, on lepressent, le déclic de ses deux futurs ouvrages :La Discordechezl’ennemietduFildel’épée.LecapitainedeGaullenepeutplusfairelaguerre,alorsillapense.Cequiestencoreunmoyendelafaire53.

Pour ne pas désespérer tout à fait, on sent qu’il se donnequelquesviatiquessousformedecitationsbienfrappées:«Nedonnons jamais démission de nous-mêmes » (Rivarol), ouencore:«Ilfautqu’ilyaitunsoleil»(FrançoisdeCurel),etc.

Le 9 avril, une attaque britannique en Artois ne prend enhuit jours que3 kilomètres à l’ennemi.Mauvais présage,maisNivellenes’émeutpas.Et le16avril, le jourmêmeoùLéninevenant de Suisse débarque à Petrograd, à 6 heures du matin,après deux jours d’une massive préparation d’artillerie, lagrande offensive sur l’Aisne démarre. Avec son bataillon detirailleurs marocains, le capitaine Juin progresse suivantl’horairefixéendépitdesobstaclesetdes tirsdemitrailleusesqui lesprennentde flancet fauchent leurs rangs. Ilsatteignentleurobjectif:lerebordnordduplateauduChemindesDames.Mais ailleurs l’offensive n’a pas débouché… Et après douzeheuresdecombatsacharnéspourenleverdespositionsfortifiéesà l’extrême, le soir tombe sur « l’impression sinistre d’unmassacre»commel’écritPainlevé.Ilyadesgains,certes,maisils sont absolument sans commune mesure avec les pertes.Pourtant,Nivelles’entête.OnserépètelemotdeLanrezac:

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«Attaquons,attaquons,attaquons…commelalune!»L’armée française se heurte au redoutable rempart que

constitueleChemindesDames.Etsonmorals’ybrise.L’écrivain à succès Henry Bordeaux, qui sert comme

capitaine au service des informationsmilitaires au GQG, écritdans son rapport qu’à partir du 21 ou 22 avril, des convoisramenant au cantonnement, dans la région deMontmirail, desunités des 1er et 2e corps coloniaux, ont traversé la zone deChâteau-Thierry et d’Épernay, en criant : « Vive la paix ! Onnousafaitassassiner!»Untypedecriquel’onentenddeplusenplusàl’autreboutdel’EuropemalgréleseffortsdeKerenskipourmaintenircoûtequecoûtelaRussiedanslaguerre.

« Je ne sais rien de particulier puisque les chères lignesd’Henrisontcourtes,luesparlacensure,etarriventauboutde6,8oumême10jours,écritCélineàLouiseBarker.L’offensive,certainement, n’a pas donné le grand résultat qu’on attendait,celaaétépourtantunsuccès.Lescombatsontété trèsdurset,grâce à Dieu, Henri va très bien. Vous dire qu’il a été trèsexposé, vous vous en doutez ! Lui-même m’écrit qu’il sedemande comment il est encore sain et sauf…Un jour, entreautres, alors qu’il reconnaissait notre première nouvelle ligne,unemitrailleusebochel’aaperçu,etàcentmètres,luiaenvoyéaumoins 500 balles sans l’atteindre…Continuez à prier avecnous, bonne petite amie, pour que la protection divine nel’abandonnejamais!»(Lettredu5mai1917.)

Maisquinerisquesaviedanscejeuquotidiendelamortetduhasard!

Le5mai1917,le93eRIprendpartàl’affairedutunneldeCerny.LecapitainedeLattreyjoueunrôleessentielàlatêtedu3ebataillon,faisant800prisonniers.Maisilesthospitaliséunenouvelle foispourcaused’épuisement,de touxetde fièvre, et

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autos,est transportédans larégiondeVierzy-Chaudun,ausudde Soissons, où il ne demeure que quelques jours. Après unemanœuvre exécutée à Acy en présence des attachés despuissances neutres, il est mis en réserve le 30 août dans lescarrièresdesGrandsRiez,enarrièred’AizyetdeJouy.Là,du31aoûtau7septembre,ilestemployéàétabliretàapprofondirles boyaux d’adduction reliant les carrières transformées enplaced’armesavecabrisàl’épreuve,auxtranchéesdepremièreligne.

Giraud va avoir beaucoupplus d’unmois pour préparer satroupe.Maisilestvraiquel’objectifquelecommandementluifixeraalorsseradetaille…

Eneffet,aprèslaprisedelacote304, leGQGenvisagedereveniràlarégionfatidiqueduChemindesDames.Unevictoire–mêmepetite–surleslieuxmêmesoùcelle-cileuraéchappéenavrildernier,seraitpourlescombattantsungrandréconfort.

LeChemindesDamesdoitsonnomauxfillesdeLouisXVquiempruntaientl’anciennevoiedeSoissonspourserendreenpèlerinage à Liesse. De Jules César à la seconde guerremondiale,ons’esttoujoursbattusurceplateauet,enseptembre1914, lorsque les soldats du 4e dragons prennent position, ilstrouventàunecroiséederoutesdesgerbesdefleursquel’onyadéposées pour le 100e anniversaire de la victoire de Craonneremportéeenfévrier1814parNapoléon.Aprèscettebataille,ditlachronique,leshabitantsquiavaientété«fouettésetchaufféspar les cosaques » sortirent des galeries souterraines où ilss’étaient réfugiés pour châtier les trainards de l’armée endéroute.Car, des galeries souterraines, des grottes, il en courtsous toute la longueur du plateau. Elles tissent un immenseréseau jusqu’à plus de 20 mètres de profondeur. Lescompagnons carriers et tailleurs de pierre y ont descellé « à

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l’aiguille»lesblocssansfossilequiontserviàlaconstructiondescathédralesdeLaon,deSoissonsetdeReims.

En1914,repoussésàl’estaprèslabatailledelaMarne,lesAllemands s’installent auChemin desDames. Ils occupent lescarrières,lesreliententreellespardestunnels,mettentenplaceunréseauferrésouterrainetunréseauélectrique, le téléphone.Ils creusent des puits, assurant les ressources en eau, etdéfendent les accès. Chambrées, réfectoires, hôpitaux etchapelles transforment les « creutes » en une ville souterrainepeupléedemilliersdesoldats.Ilestvraiquedèsleurarrivéesurle site, lesAllemands étaient en pays de connaissance…Bienavantledébutduconflit,uncertainM.Kluck,«entrepreneur»au fort accent germanique, avait parcouru la région et faitl’acquisition de souterrains dans le Soissonnais en vue d’uneexploitation industrielle. La guerre venue, le général allemandAlexander vonKluck – c’était lui, l’entrepreneur – amis sonarmée en position sur le terrain qu’il connait bien et rendrapidementleplateauimprenable58.

Jusque-là, les assauts desFrançais ont échoué contre cettecitadelleinvisibleetquasi-indestructiblequelesbombardementslesplusdémentiels ébranlent àpeine. «Le chemindesDamesjouitd’unemauvaiseréputation»,acoutumededirePétaindontl’idée est, précisément, d’effacer cette mauvaise réputation eneffaçant lesouvenirde tantdemaux.Labataillequ’ilenvisageseraleprototypedel’attaqueàobjectiflimité(repousserlefrontallemand sur 12 kilomètres),minutieusement préparée avec detrès gros moyens d’artillerie (2 000 pièces et 120 000 obustransportés par 400 trains de 30wagons) et appuyée par troisgroupes de chars Schneider et deux groupes de chars Saint-Chamond.Etc’estle4eZouavesquiestchoisipourporterleferetplusparticulièrementlebataillonducommandantGiraud,qui

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sesouvient…«D’abord,unecourtepérioded’instruction,puisunsecteur

du Chemin des Dames d’où nous partons à pied au campd’instructioninstalléprèsdeBapaumedanslazonedévastéeparl’ennemi lors de son repli voulu. Travail intense et fructueuxpendant quinze jours, et nous revenons auChemindesDamesdans le secteur particulièrement délicat du Panthéon. Onchuchotequ’ilfautbienleconnaitre,quenousauronspeut-êtreàl’utiliserprochainementpourautrechose.

«Au début d’octobre, nous sommes relevés pour venir aureposdanslarégiondeFère-en-Tardenois,etlà,j’apprendsquelsera mon rôle dans la grande offensive qui se prépare. Monbataillonaural’honneurd’ouvrir laporteàtoutela1rebrigadede la 38e DI en enlevant le fort de la Malmaison et en s’ymaintenant tandisque les suivants auront à exploiter le succèsinitial.

« Mes subordonnés sont mis au courant. L’entrainementcommence.Tousmescadresapprennent leur rôleà fond.Nousallons danser un ballet, où chacun aura répétéminutieusementsonrôleaveclamortpourchefd’orchestre.

« Si notre représentation a été magnifiquement réussiemalgréonzeofficierstuésoublesséssurseizeet210hommesdetroupe manquant à l’appel le soir du 24 octobre, c’est quechacunavait su remplacer sonvoisinaupied levéetassurer lesuccèsfinal59.»

Construit vers 1875, le fort de la Malmaison occupe lecentred’unplateauenformedetriangledontlabaseestforméeparleChemindesDamesetlesravinsaunorddeJouyetdontlesommetestmarquéparlaréunionduravindeChavignonaveclavalléede l’Ailette.Demodèledémodé,de forme rectangulaire,lefortn’aen lui-mêmequepeudevaleur ; iladuresteétéen

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surlefortdeMalmaison,l’apréparéedanssesmoindresdétailset exécutée comme il l’avait conçue, entrainant ses zouaves àl’assautavecunbrioincomparable,infligeantunsanglantéchecàlagardeimpérialeallemande.»

Mais le Haut-Commandement ne veut manifestement paslaisserlehérostranquille.

«Jesavouraisl’encensdesfélicitationsquand,brusquement,se souvient celui-ci, un bref télégramme m’apprenait que jequittaismonbataillonetétaisnomméchefd’E.M.deladivisionmarocaine.Cefut,jel’avoue,uncoupdur,etj’envoyaiaudiablelegénéralDaugan,monanciencommandant,quimefaisaitvenirauprès de lui. Mais j’eus beau protester, il n’y avait rien àfaire…63.»

C’estquelasituationsetend.Le24octobre,l’Ententeaenregistrél’undesesplusgrands

désastresavec ladéfaite italiennedeCaporetto,et,depuis le6novembre, Lénine (dont la garde personnelle est composée deLettons et de Polonais) règne sur la Russie avec Trotski auxAffairesétrangèresetStalineauministèredesNationalités.LesAlliés sont inquiets :Quelle sera l’attitude deLénine dont oncommence à savoir qu’il doit beaucoup à Ludendorff (del’argent,sontransportetceluideplusde300révolutionnairesàtravers l’Allemagne, le financement de la Pravda) devant leprogrammedepaixallemand?

En cette fin d’année 1917, malgré l’échec de la guerresousmarine,l’Allemagneneluttepasencorepoursonexistence,mais toujours pour l’expansion de sa puissance estiméeindispensable. Une victoire « totale » à l’est, c’est la victoireassurée à l’ouest et la percée enfin réussie vers l’hégémonieeuropéenneetpeut-êtremondiale…

Le16novembre,Clemenceauaccèdeenfinaupouvoirgrâce

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à l’intervention de Pétain auprès de Poincaré. Et le 20, alorsqu’auxordresdubrigadierElles,leRoyalTankCorpsattaqueàCambrai – c’est le premier engagement massif des chars (9bataillons, soit 378«Mark IV») dans l’histoiremilitaire – leTigrerésumesonprogrammeenunseulmot:lavictoire.

« Plus de campagnes pacifistes ! Plus de menéesallemandes!Nitrahison,nidemi-trahison!Laguerre,rienquelaguerre.Nosarméesneserontpasprisesentredeux feux.Lajusticepasse!Lepaysconnaitraqu’ilestdéfendu!»

LeTigrerefusededéfinirsesbutsdeguerreautrementqueparcetteformule:

«Quandvousmedemandezmesbutsdeguerre,jeréponds:monbut,c’estd’êtrevainqueur!»

Etencore:« Ma politique étrangère et ma politique intérieure, c’est

tout un. Politique intérieure, je fais la guerre ; politiqueextérieure,jefaistoujourslaguerre.»

Un langage propre à plaire aux « jusqu’au-boutistes » engénéraletàHenriGiraudenparticulierqui suitavec intérêt lerétablissement italien le longduPiaveetsur leGrappadevenu«montagnesacrée»del’Italie.IlfautcroirequeledésastredeCaporetto (où le capitaine Erwin Rommel s’est distingué à latête du bataillon wurtembergeois de Montagne) a fait l’effetd’uncoupdefouetsurnosvoisins!

Début décembre, le commandant Giraud quitte donc lerégimentavec lequel il s’est illustrépour rejoindreenLorraineladivisionmarocaine,quitientlesecteurdelaWoëvre.

«VousconnaissezHenrietsonamourpourseshommesquileluirendentbiendureste,aussivousvousdoutezdelapeineprofondequ’ilyaeudepartetd’autreaumomentdudépart !écritCélineàLouiseBarker.Henrienétait toutému,quand il

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m’afaitlasurprisedepasserdouzeheuresauprèsdenousle5décembre,avantd’alleroccupersonnouveauposteauprèsd’unami,plutôtqued’unchef.»(Lettredu24décembre1917.)

La division marocaine a, dans toute l’armée, un renomprestigieux ; elle est une des seules à avoir conservé ses deuxbrigades,soitquatrerégiments,alorsquelesautresdivisionsontétéréduitesàtrois.Etquelsrégiments!

D’abord la Légion étrangère, réservoir de tous lesvolontairesétrangersaccourus,en1914,ausecoursdelaFrance.Ce corps exceptionnel où se côtoient les plus noblesindividualitéscommelesmisèreslesplusgrandes,uniqueparsacomposition,savaleurgénérale,sonfanatismeetsonfatalisme,estcommandépar le légendairecolonelRollet,accompagnéaufeuparunaumôniernonmoinscélèbre,l’abbéGas,etmenéparuneélited’officiersenperpétuelrenouvellementpourcausedemort rapide. La légion étrangère mérite pleinement sa doublefourragère.

Ensuitele8eZouaves(leseulrégimententièrementfrançaisde la division), le 4e tirailleurs tunisiens et le 7e tirailleursalgériens. Ces trois corps de troupe termineront la guerre, lepremier avec la double fourragère, les deux autres avec lafourragère rouge. L’artillerie et les autres armes (génie,pionniers, services) de la division sont à la hauteur del’infanterie.

Giraud a pour le général Daugan, le patron de la divisionmarocaine, la plus grande admiration, et celui-ci la mérite :réputé pour son intelligence et d’une énergie rare, Daugan al’expérience des tirailleurs (il a commandé le 4e Tirailleurstunisiens) et leprestige«marocain» (il aparticipé aux tempshéroïques de la conquête). Il a quitté les fonctions de chefd’E.M.àla6earméepoursuccéderaugénéralDegoutte.

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sanssavoirexactementoùelleseproduirait.« C’est le 21 mars qu’elle se déclencha sur l’armée

britannique. L’armée von Hutier enfonça l’armée Gough ettoutes les réservesfrançaisesetanglaisesdurentvenirbarrer laroutedeParis.Crisetragiqueoùmanquasombrerlafortunedela coalition, mais qui permit heureusement au maréchal Fochd’assumerlecommandementuniqueetdefairesentirlavolontéetlecerveaud’unchef1.»

Cette volonté et ce cerveau, le commandant Giraud lesconnaitetlesadmiredepuislongtemps,bienavantmêmel’ÉcoledeguerredontFochétaitledirecteurquandilyétaitlui-mêmestagiaire et où, d’ailleurs, le nouveau généralissime avait étéprofesseur de 1895 à 1905 avant d’être révoqué pourcléricalisme. Et dans son panthéon personnel, celui que l’onappelle le«généralVorwärts» (le«généralenavant») figureauxcôtésdeFranchetd’EspèreyetdeLyautey.Sescoursontétérassembléssousdeuxtitres:DesprincipesdelaguerreetDelaconduite de la guerre, que tous les brevetés connaissent parcœur.Enmatièred’instruction, saphilosophiepeut se résumerdansleprincipesuivant:

«Laréalitéduchampdebatailleestqu’onn’yétudiepas;simplement, on fait ce que l’on peut pour appliquer ce qu’onsait.Dèslors,pourypouvoirunpeu,ilfautsavoirbeaucoupetbien.»

Et comment savoir beaucoup et bien ?On en a une petiteidéegrâceàcetteremarquetrèsprosaïqued’unofficiersupérieurd’état-major:«Cequ’ilfautdetemps,depapieretd’encrepourqu’uneidéejustes’imposeestincalculable.»

Foch, dont le génie excelle dans l’offensive, dispose, enoutre, en ce moment capital, d’une armée au meilleur de saformeetdesapuissancegrâceà l’administrationpratiquéepar

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Pétain.

Ladivisionmarocaineestd’abordtransportéeverslarégionde Beauvais, puis elle gagne par étapes la région au nord deMontdidier pendant que la bataille fait rage sur l’Ancre oùs’accrochel’arméeDebeney.

Nommé au commandement suprême, le 26 mars, Foch nedonnequ’uneseuleetmêmeconsigneàtous:«tenirsurplaceet garder Amiens ». Amiens, trait d’union entre les arméesfrançaise et britannique. Tous, aussi bien Pétain que Haig,Clemenceau que Lloyd George, le secondent sans restrictiondanscettetâchevitale.MenaçantAmiensmaisaussiParis,dontsestroupesnesontplusqu’à65kilomètres(etàquiilinfligelebombardement des avionsGothas et de la «GrosseBertha »),Ludendorffcommetl’erreurfataledevouloircourirdeuxlièvresàlafoisaulieudeconcentrertoutessesforcessurunseulaxe.Et, bientôt, les Alliés parviennent à combler le fossé qui lesséparait. Consolidant son front entre Oise et Somme par unrenfort de trente divisions françaises, Foch poursuit laconstitutionderéservesgénéralestantenarrièredeBeauvais,oùserassemblela5earmée(Micheler),qu’àPont-Sainte-Maxence,oùseformeune10earmée(Maistre).IllaisseàHaigtoutessesforcesafinde luipermettrede se réorganiser et, le1er avril, ildéclarequetoutdangerimmédiatestécarté.Cequeconfirme,le5avril,ladécisiondeLudendorffdesuspendresonoffensiveenPicardie.

Ainsi se termine lapremièrebataille « en rase campagne»quelefrontfrançaisaconnudepuisnovembre1914.

Ceneserapasladernière…Le 9 avril, laDirection de guerre allemande lance, comme

prévu, la deuxième attaque, celle-là dans les Flandres. Elle a

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pourobjectifsessentielslesportsdeCalaisetdeDunkerque.Lesoirdumêmejour, les troupesallemandesontpassé laLysparendroits.Le10,leuractions’élargitverslenordet,le11,elless’emparent d’Armentières et de Merville. Hazebrouck estmenacé.Haig appelle au secours,maisFoch ne veut « jouer »ses réserves (les10e et5e armées françaises)qu’àbon escient.Du12au15avril,lesBritanniquesdoiventdonccontenirseulsl’attaque allemande qui progresse inexorablement vers lemontKemmel.

Aumêmemoment, enPicardie, vonHutier renouvelle avechuit divisions son attaque à la jonctionde l’arméebritannique(Rawlison)etdel’arméefrançaise(Debeney).L’heureestgrave,maiscelanetransparaitguèredanscette lettredatéedePâquesqu’Henriadresseàsafilleaînéeâgéedehuitansetdemi:

«MachèrepetiteRenée,c’estàtoiquej’écrisaujourd’huipour que tu aies du papier de laMarocaine avantmon départpour la grande bataille. Je pars en auto tout à l’heure avec legénéral. Nous verrons madame D. (Daugan) ce soir, et nousarriverons demain à destination. Il pleut à verse. Ce n’est pasamusant pour nous, mais c’est terrible pour les Boches quivoudraientpasseravantnotrearrivée. Jemedemandecommentils pourront faire avancer leur grosse artillerie. Elle doits’embourber.

« Inutile de te dire que nous avons confiance.LaD.M. vamontrer ce qu’elle sait faire. S’il y a là-bas beaucoup dedivisionscomme lanôtre, l’ennemipeut s’attendreàpasserunmauvais quart d’heure. Il a déjà subi de grosses pertes. Il seraaffaibliencorequandnouslecontre-attaquerons,etalorscepeutêtre la grande victoire, avec desmilliers de prisonniers et descentainesdecanonsprisauxBoches.Cepeutêtreaussilafindela guerre, beaucoup plus tôt qu’on ne le pensait. Ce ne serait

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tirailleurs la prolonge àgauche.Toute la division est déployéesur un front de 14 kilomètres environ. L’ennemi est partoutbloqué.

« Dès les premières heures de la matinée, le colonelMalignacaenvoyéunagentdeliaisonàsesgroupespourhâterleur marche. Ils feront 80 kilomètres d’affilée et seront enbatterielanuitsuivante.Enmêmetemps,ilfaitchercherpartoutles dépôts de munitions qui abondent en effet, mais qu’ils’agissait de dénicher. On les trouve. Tous les moyens detransport sont utilisés. Les piles d’obus s’entassent à côté desfutursemplacements.Onlesauraheureusementlelendemain.

«Le28ausoir,noussommesàpeuprèsassissurleterrain,maisnoussentonsquelapartievaêtredure.

« À l’aube du 29, la bataille recommence. Très vite, elleatteint le plus haut diapason. Partout nous tenons avec despertes sérieuses, mais sans céder nulle part. Vers midi,cependant, les comptes rendus se font plus pessimistes, lesdemandesderenforts,demunitions,semultiplient.À14heures,le général n’a plus comme ultime réserve que deux petitsescadronsdechasseursd’Afriqueàpied, et le colonelBouchycomme le généralSchuler font savoir qu’il va falloir céder.Legénéral Daugan se cramponne et c’est lui qui a raison. À 14heures ( ?), l’ennemi cesse ses attaques.Quatre divisions sontvenuessebrisersurlarésistancehéroïquedelaD.M.Dèslors,la lutten’estplusqu’unesériedebrefsduelsd’artilleriesuivisde longs entractes. Nos batteries ont atteint la consommationformidable de 1 200 coups par pièce. Aucune n’a sauté. LacompagniedemitrailleursWeber, de laLégion, a tiré100000cartouches.Tousnos tubessontovalisés.Le lendemain, il fautchanger 80 tubes dans la division, ce qui renversera toutes lesprévisions du 4e bureau de l’armée. Mais l’ennemi n’a pas

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derrière lui, les inépuisables dépôts de la forêt de Villers-Cotteretsetilestincapabledecontinueràunepareillecadence.

« Le 29 au soir, arrive à Dommiers le général Lacapelle,commandant le 1er CA qui prend le secteur sous ses ordres.Après nous avoir félicités de notre résistance, il nous annoncenotrerelèveparla55eDI.Nousviendronsenréserveàlalisièrenorddelaforêt.Ilnenouscachepasqu’ilnousrappelleras’ilabesoindenous.

«Larelèves’opèresanstropdedifficultédanslanuitdu29au 30. Elle n’est terminée que le 30 à midi. Nous quittonsDommiers les derniers sous les rafales de mitrailleuses desavionsvolantbas.Riendetrèsagréable,maisenfantillageàcôtéde1940…Nousdevonsd’ailleursabandonnernotrematérieldebureau. Il est 1914–1918 : LA GRANDE GUERRE DUGÉNÉRALGIRAUDimpossibledesongeràaventurerenpleinjour une voiture sur ces routes impitoyablement bombardées.Nous la retrouverons deux mois plus tard quand nousrepasseronsàl’offensive.

« Pour l’instant, nous allons dormir, nous laver, nouscompter, nous ravitailler en armes et en munitions. C’estl’occupationdu31mai.Chacunsentqu’ilfautfairevite,carlabataille ne cesse pas tout près de nous. Au contraire, elle serapproche4.»

Ça bouge aussi du côté de l’armée d’Orient, qui passe àl’offensiveàl’ouestduVardaretaenlevé,le30mai,lapositionbulgaredeSkra-di-Legen.

Le bruit de la bataille parvient-il jusqu’à Wülzburg, lanouvelleprisonducapitainedeGaulle?Cemême31mai,ilsaiten tout cas que, dans le drame général, « un acte nouveau sedéroule»etseditprêtmaintenantàaccepterunéchangedansle

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cadre de l’accord du 26 avril, prévoyant que les prisonnierséchangés devront rester en Suisse pour ne pas reprendre lecombat, car il se refuse à croire « qu’on laisse ensuite sedémoraliserenSuissedansl’inactionetlestentationsdetoutessortes des officiers français et ennemis en bonne santé etéchangés têteà têtealorsque le sortde leurpatrie se joueraàcôtéd’eux.Nécessairementunjourviendraoùdesdispositionspluslogiquesaupointdevuemilitaireviendrontàs’imposer».Et il conclut même : « (…) Il y a maintenant une lueurd’espérance dans la nuit qui m’enveloppe. La guerre seprolongeant plusieurs années encore, je reprends l’espoir d’yparticiperencore.»(Lettredu31mai1918.)

Pour l’heure en tout cas, à en croire Giraud, la D.M. nechômepas:

« Le 1er juin, nous rentrons en ligne. Le général Dauganreçoit le commandement de toutes les troupes qui tiennent lesaillantdeVertes-Feuilleset lesabordsnorddelaforêt,Saint-Pierre-Aigle,Viviers,etc.L’ennemipressedeplusenplusle1erCA.Ilcherchemanifestementàprendrepieddanslaforêtqu’ilnous importeauplushautpointdeconserver.Le2, jeparsdebonmatinpourvoirVertes-Feuillesquim’inquiète.C’estCaronqui me conduit dans sa petite voiture avec laquelle nouspouvons nous risquer partout. Arrivés à Vertes-Feuilles, nouscherchonslerégimentdelaDIquidoitêtreenligne.Nonsanspeine, je trouve le P.C. du colonel, puis celui d’un chef debataillon. Nous allons ensemble à la lisière. L’occupation meparaitfaible,malorganisée,etsurtoutd’unmoraltrèsatteint.Jedemandeoùest l’ennemi,personnenepeutmerenseigner.A-t-onfaitdespatrouilleslanuitdernière?Silence.Pourquoin’ya-t-ilaucunetranchéesérieuse,aucunabri?Silence.L’impressionestpénible,sinontragique.

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péniblesquej’aivécuesaucoursdecetteguerre8.»Faut-il que ces combats aient été durs en effet, pour

qu’Henri s’en souvienne avec cette acuité, après bien d’autrescombats, vingt-deux ans après ! Une dureté que confirment àl’époque ces quelques mots à Céline écrits à la hâte le 4septembre:

« Mon aimée, Nous continuons notre progression pied àpied.L’ennemirésisteavecacharnementetamèneconstammentdenouvellesdivisionsdevantnous.C’estlacinquièmequenousidentifionsdepuisnotreentréeenligne.CecoinentreAiletteetAisne est certainement undes plus durs de tout le front en cemoment.Noshommessebattentcommed’habitude,maisnouscommençonsàavoirdespertes.Beaucoupdegaz.»

Giraudcontinue:« Notre P.C. installé dans une creute fut soumis au tir

d’obus asphyxiants la plus grande partie du temps. Presqueautantquelespremièreslignes,lesgensdel’arrièreontvécuettravaillé dans l’arsenic et il n’y a là rien de particulièrementagréable.

«Parailleurs,lescombatsfurenttrèsdurs.L’ennemirésistaavecacharnementsursespositionsdelaligneHindenburgqu’ilavait soigneusement organisée. Il y fallut la maitrise de nosfantassins et denos artilleurs, sansoublierdenombreuxcharslégers, pour enlever successivement les avancées dumoulin deLaffaux,letunneldeVauxaillonetlemontdesSinges.

« Jeme rappelle à ce propos une anecdote qui caractérisebienlegénéralMangin,àl’arméeduquelnousétionsrevenus.

« Une des attaques d’ensemble était fixée je crois au 10septembre.Notreartilleriede renforcementétait en retardet lapréparation,manifestement insuffisante, risquaitdecoûtercherànotre infanterie.LegénéralDaugann’ayantpuobteniraucun

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délai supplémentaire denotre commandant deCA soucieuxdene pas déplaire au commandement de l’armée, m’envoyadirectement au général Mangin avec mission de demander undécalagededeuxjours.

« J’arrive au P.C. oùme reçoit le chef d’E.M., le colonelHergault.Jeluiexpliquelebutdemavisite.

–Moncher, jenemechargepasd’intervenircarlegénéraln’admetpasdepareillesdemandes.Cependant,étantdonnésesrapports personnels avec votre patron, je vais vous annoncer.Vousplaiderezvotrecausevous-même.Jenevousrépondspasdelacasse.

«Encouragéparcesbonnesparoles,j’entrechezlegénéral.– Bonjour Giraud. Enchanté de vous voir. Comment va

Daugan ? Et la belle D.M. ? Je sais le bon travail que vousfaites,alorsquevoulez-vous?

– Mon général, le général Daugan demande que l’attaqued’après-demainsoitreportéeau12.Nousnesommespasprêts.

–(Silence)Vousn’êtespasprêts!Pourquoi?– Mise en place d’artillerie. Réglages. Accrochages (Je

développe).–Voussavezquejen’aimepascela,pasdutout.Vousn’êtes

passeulsencause.Ilyatroisautresdivisionsintéresséesdanscette attaque. C’est très, très ennuyeux. (Un temps). Enfin,puisquevousvenezdelapartdeDauganetquejeleconnais,jeconsens à une exception que je n’ai jamais consentie (sic).Hergault,donnezdesuitelesordrespourreculerl’attaquede48heures. Maintenant Giraud, vous allez retourner auprès deDaugan pour lui dire que c’est entendu. Mais si l’attaqueéchoue, lui etvouspourrez fairevosmallespourLimoges9. Jerépètequejen’aimepascela,pasdutout.

«Le12, laD.M.attaquaitetfaisait30000prisonniers.Le

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généralDaugannimoin’avonsprisladirectiondeLimoges.«C’est le 17 que nous fûmes relevés.Rarement, cadres et

hommesn’avaientétéaussifatigués.Cettelutteincessanteaveclemasquesurlafigureestbienlachoselapluspéniblequisoit.Tousavaientleteintcireux,lesjouescreuses,lesyeuxfiévreux.Je me rappelle en particulier le colonel Bouchy, déjà pâle entemps habituel et qui, en passant au P.C. de la division étaitsimplementlivide.

«Heureusement,unlongséjourd’unmoisdanslavalléedelaMarne, sans bombardement d’avions, sans lamoindre alerteeut vite fait de rendre à la division sa bonne humeur et savigueur.

«Etpuis,lesbonnesnouvellesaffluèrent.Partout,l’ennemicédait sous les coups de boutoir incessants que lui assénait lemaréchal Foch (offensives des 26, 27 et 28 septembre,successivement en Champagne-Argonne, sur Saint-Quentin etdans les Flandres, NDA). L’armée américaine enfin entrait enligne.Avecautantd’inexpériencequedebravoure,elleeffaçaitla poche de Saint-Mihiel. Chacun sentait que le dénouementétaitproche10.»

Et,surtout(outrel’appelàlapaixdel’Autriche-Hongriequerejettel’Entente)le29septembre,c’estl’armisticedeSalonique–lepremierarmisticedelaguerre–quiconclutlafoudroyanteoffensive de l’armée d’Orient commandée par Franchetd’Espèrey, successeur de Guillaumat depuis le 18 juin.Offensive au cours de laquelle l’armée serbe du PrinceAlexandre, agissant en avantgarde, s’est particulièrementdistinguée (« Facilitez-nous la percée, et, seuls, sansravitaillement et sans appui, nous nous chargeons du reste »,avait dit le prince au général français dès la prise de Skra-di-Legen).CettecapitulationsansconditiondelaBulgarieprécède

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Lyautey,Hubert,maréchal,000

MMackensen,Anton,maréchal,000MacOrlan,Pierre,000Madelin,Louis,000Madelin,colonel,000Maistre,Paul,général,000Malignac,colonel,000Malvy,Louis,000Mangin,Charles,général,000Marche,lieutenant,000Marmiès,lieutenant-colonelde,000Maud’huy,Louisde,général,000Maussion,ordonnanced’HenriGiraud,000Max,Adolphe,bourgmestredeBruxelles,000Mazel,général,000Meinigen,princedeSaxe,général-lieutenant;Messimy,Adolphe,000Mercier,cardinal,000Mesnier,capitaine,000Micheler,Joseph,général,000Millerand,Alexandre,000Miquel,Pierre,000Mittelhauser,général,000Moltke,généralHelmuthvon,000Mondésir,LucienPiarronde,général,000Montaudon,général,000Morand,Paul,000MoroGiaffery,Vincent,000Moulay,Hafid,000

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NNader,sous-lieutenant,000NicolasII,tsardeRussie,000Nicolas,grand-duc,000Nivelle,Robert,général,000

OOffenstadt,Nicolas,000

PPainlevé,Paul,000Paul,Pierre,000Pedroncini,Guy,000Péguy,Charles,000Pelin,lieutenant,000Pélinard,lieutenant,000Pershing,général,000Pétain,maréchal,000Peuty,commandantdu,000Pichon,colonel,000Picot,commandant,000PierreIer,roideSerbie,000MmePistor,000Prittwitz,généralvon,000Poincaré,Raymond,000Pons,Anne,000Pratchek,Alexandre,000Préval,colonelde,000Prévost,Marcel,000

RRemarque,ErichMaria,000

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Ribot,Alexandre,000Richard,adjudant,000Rigault,prêtre,000Rochefort,capitaine,000Rocolle,Pierre,000Rommel,Erwin,capitaine,000Roosevelt,FranklinDelano,000Rose,CharlesTricornotde,commandant,000Rostand,Edmond,000Ruet,Jean,sergent,000

SSabiani,sergent-major,000Saint-René-Taillandier,000Sangnier,Marc,000Sarrail,Maurice,général,000Sauvet,général,000Schieber,généralvon,000Schlieffen,maréchalAlfredvon,000Schmitt,Charles,capitaine,000Schuler,général,000Sembat,Marcel,000Serret,colonel,000Serrigny,Antoine,général,000Sertillange,prêtre,000Sibert,général,000Sorlin,capitaine,000Spire,colonel,000Subileau,lieutenant,000

TThiele,chirurgien,000

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VValluy,général,000Vanlgrenant,colonel,000Venet,aubergistedeSaint-Quentin,000Villain,Raoul,000Villebois-Mareuil,sous-lieutenantde,000Viviani,René,000

WWallner,capitaine,000Weygand,Maxime,général,000Wilson,ThomasWoodrow,000Winterfeldt,majorvon,000

ZZemb,médecin,000Zudenunft,infirmier,000