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André Gunder Frank Eddy Trèves Vive l'entreprise transidéologique ! Les économies socialistes dans la division capitaliste internationale du travail In: L Homme et la société, N. 45-46, 1977. Idéologie et développement - Capitalisme et agriculture. pp. 3-37. Citer ce document / Cite this document : Frank André Gunder, Trèves Eddy. Vive l'entreprise transidéologique ! Les économies socialistes dans la division capitaliste internationale du travail. In: L Homme et la société, N. 45-46, 1977. Idéologie et développement - Capitalisme et agriculture. pp. 3-37. doi : 10.3406/homso.1977.1918 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/homso_0018-4306_1977_num_45_1_1918

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André Gunder FrankEddy Trèves

Vive l'entreprise transidéologique ! Les économies socialistes

dans la division capitaliste internationale du travailIn: L Homme et la société, N. 45-46, 1977. Idéologie et développement - Capitalisme et agriculture. pp. 3-37.

Citer ce document / Cite this document :

Frank André Gunder, Trèves Eddy. Vive l'entreprise transidéologique ! Les économies socialistes dans la division capitaliste

internationale du travail. In: L Homme et la société, N. 45-46, 1977. Idéologie et développement - Capitalisme et agriculture. pp.

3-37.

doi : 10.3406/homso.1977.1918

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/homso_0018-4306_1977_num_45_1_1918

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Le Capitalisme, le Développement, les Paysans

vive l entreprise transidéologique

les économies socialistes dans la divis ion

capitaliste internationale du travail*

ANDRE GUNDER FRANK

Quelques déclarations liminaires sur les relations internationales des paysocialistes et :

... Sur 1* orthodoxie...

Les matières premières russes sont nécessaires à la reconstruction del'économie mondiale. En leur absence, elle est impossible ; cela est

évident du point de vue économique, Keynes l'admet lui-même. .

V.I. Lénine

Nous (l'Union soviétique) sommes en train de devenir une partie, partietrès particulière mais néanmoins intégrante, du marché mondial... Le

capital étranger doit être mobilisé pour les secteurs de l'industrie qui

sont le plus arriérés.

L. Trotsky

Nous pouvons le reconnaître sans honte... jusqu'ici le socialisme n'a pas

trouvé de formule satisfaisante qui lui soit propre concernant la

question du commerce extérieur et les relations économiques internationales.

I. Vajda

Ancien président de l'Association hongroise des sciences économiques

(*) Texte traduit et reproduit avec l'autorisation de l'auteur du périodique Review ((« A Journal ofthe Fernand Braudel Center for the Study of Economies, Historical Systems and Civilizations », StateUniversity of New York at Birmingham). Nous n'en donnons ici qu'une première partie. La deuxièmeet dernière partie sera publiée dans notre prochain numéro.

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ANDRE GUNDER FRANK

Sur la politique

Le nouveau mécanisme économique devrait établir une relationétroite entre les marchés intérieur et extérieur. Il devrait accroître

l'impact de l'influence des marchés extérieurs sur le marché intérieur.Comité central du Parti communiste hongrois

Les responsables de l'industrie considèrent souvent le commerce exté

rieur comme quelque chose de secondaire. Ce point de vue absolumentfaux doit être abandonné et les contacts entre l'industrie et lecommerce extérieur doivent être renforcés.L'importance d'une division du travail équilibrée entre pays socialisteset pays en développement doit être mise en avant.

A. Kosygin

... Sur la pratique

En raison des liens économiques étendus entre pays socialistes etcapitalistes, les effets pernicieux de la crise actuelle en Occident ont eu

également des répercussions sur le monde socialiste.

L. Brejnev

Il faut espérer que la crise qui fait rage à l'Ouest prendra rapidement

fin car elle affecte et déséquilibre l'économie bulgare, cette dernièredépendant dans une certaine mesure du commerce avec les pays

occidentaux.

T. Zhivkov

Premier secrétaire du parti communiste bulgareet président du Conseil d'Etat de la Bulgarie

... Sur la stratégie

Plus nos relations internationales sont diversifiées, plus il est difficile...

à nos adversaires éventuels d'y faire une brèche. Et même si (la guerreou un blocus) intervenaient, nous nous trouverions certainement plusforts que nous ne l'aurions été en régime d'autarcie et sa conséquence,

le ralentissement du développement.

L. Trotsky

La clé de la stratégie pratiquée par les Etats-Unis dans ses relations avecl'Union soviétique est la création d'intérêts communs bien étayésexigeant le maintien de l'ordre international... Les relations entre les

Etats-Unis et l'URSS sont devenues si équilibrées que l'on ne peut pluss'attendre à de nouveaux événements dramatiques.

Henry Kissinger

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VIVE L'ENTREPRISE TRANSIDEOLOGIQUE 5

Nous serons heureux si nos efforts en vue d'améliorer les relationssoviéto-américaines attiraient de plus en plus de nations dans leprocessus de la détente en Europe, en Asie, en Afrique ou enAmérique latine, au Moyen-Orient ou en Extrême-Orient.

L. Brejnev

... Sur l'idéologie

Notre politique extérieure, aujourd'hui et à l'avenir, sera marquée parnotre ferme décision de défendre les intérêts du peuple soviétique, deprotéger l'invulnérabilité de nos frontières, de nos rivages et de notreespace aérien, de défendre l'honneur du drapeau soviétique et les droitset la sécurité des citoyens soviétiques.

A. Gromyko

C'est la première fois qu'une institution du gouvernement soviétique (laCompagnie d'Assurance de la Mer Noire et de la Belgique, succursaledu Bureau d assurance soviétique INGOSSTAKH) a prêté son appui au

Gouvernement des Etats-Unis en acceptant d'assurer un investissementprivé américain (contre l'expropriation) à l'étranger. Nous espérons que

cela marquera le début d accords mutuellement satisfaisants entre nosdeux gouvernements.

Bradford Mills

Président de la Compagnie américaine des investissements privés à l'étranger,OPIC, assureur des investissements privés américains à l'étrangercontre les nationalisations/expropriations dans les pays sous-développés

Deux marchés mondiaux ou un seul marché

Le leadership du monde socialiste s'inscrit dans une tradition profondément enracinée et bien actuelle visant à préserver le commerce extérieur et

les relations économiques internationales avec le monde capitaliste dont lasurvie au moins depuis les années 1 920 est considérée comme acquise et

même essentielle au développement du type 3e "société envisagé par celeadership. Le mot « socialiste » est utilisé dans ce texte en référence aux

pays de l'Europe de l'Est et à l'Union soviétique sans qu'y soient adjoints lesguillemets encombrants qui marquent généralement un doute légitime sur lestatut véritable de ces pays. En vérité, l'intégration économique des écono

mies socialistes » dans l économie mondiale capitaliste (dans la division dutravail) et les compromis politiques consentis sont considérés ici nonseulement comme un mal nécessaire mais même, semble-t-il, comme unfacteur positif car le problème est ainsi posé de lai mesure dans laquelle lemonde socialiste est de quelque manière ou d'une autre isolé ou distinct du

monde capitaliste. Bien entendu, les relations internationales entre lesmondes socialiste et capitaliste ne sont, en aucune façon le seul facteur, voiremême le facteur le plus important dans cette question. Tout au contraire, lesrelations internationales réelles et souhaitées ne font que refléter la situation

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6 ANDRE GUNDER FRANK

des rapports internes de production et des diverses autres conditions existantdans le monde socialiste qui posent à leur tour la question du niveau de

l'évolution qualitative ou quantitative vers un « socialisme » ou hors du« socialisme » des pays du monde dits socialistes.

Les opinions varient considérablement sur ce sujet.

Quatre points de vue prédominent à cet égard :

l)Ces pays sont réellement socialistes; opinion qui prévaut dans lespays dits socialistes eux-mêmes (avec la réserve cependant que les payseuropéens socialistes contestent cette appellation en ce qui concerne la

Chine, cette dernière de son côté la refusant aux pays de l'Europe de l'Est)

et qui est largement répandue un peu partout dans le monde ;

2) Les pays « socialistes » sont gouvernés par une élite déconsidérée qui

tient les populations sous sa domination ; opinion accréditée dans certainesparties de la bourgeoisie capitaliste mondiale et son élite intellectuelle ;

3) Les pays « socialistes » au moins ceux de l'Europe de l'Est, sont envérité capitalistes, soit parce qu'ils n'ont jamais cessé de l'être, soit parcequ'ils sont retombés dans ce système ; opinion accréditée dans certainsmilieux de la gauche intellectuelle du monde capitaliste et soutenue par ceux

qui agissent sur l opinion publique, aux niveaux intérieur et mondial, enEurope de l'Est et en Chine en ce qui concerne l'idée qu'ils se font les unsdes autres ;

4) Les pays « socialistes » ne sont ni socialistes ni capitalistes, pas mêmeun mélange hybride des deux, mais représentent un type différent de sociétéqui peut ou ne peut pas servir de transition entre les deux systèmes. Cedernier « groupe » comprend les adhérents à la thèse trotskyste des « Etatsprétendument ouvriers » ainsi que certains protagonistes de la « nouvellegauche » moins aisée à définir ou à étiqueter.

Ce n'est pas le but des pages qui suivent de présenter une analyse del'essence des pays « socialistes » en termes d'un des quatre points de vueesquissés, et encore moins de proposer une option décisive parmi cesderniers. Si l'auteur de cette étude devait choisir et il peut être importantpour le lecteur de savoir quel serait ce choix il se prononcerait pour unevariante de l opinion exprimée au point 4, avec la réserve qu'une tellesituation serait probablement transitoire marquant le passage à la seconde

catégorie, dite « capitaliste ». Il insisterait sur le fait que quelle que soit lacatégorie, cette partie du monde s'intègre de plus en plus dans l'économie

capitaliste mondiale. L'objectif principal des pages qui suivent est d'apporterdes données sur cette intégration, sur son évolution accélérée et cumulative,et d'en examiner les conséquences possibles sur les développements écono

miques et politiques dans les pays capitalistes développés et sous-développés

et leurs relations internationales avec le monde « socialiste ».On pourrait encore ajouter que la période staliniste de « construction dusocialisme dans un pays » a été caractérisée par un degré croissant d'autarcie.

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VIVE L ENTREPRISE TRANSIDEOLOGIQUE '

Le commerce extérieur a décliné après 1928, recouvré en 1946 son niveauprécédent, et doublé en 1950 (1). Cette observation appelle elle-même deux

explications « En premier lieu, Staline n'a pas dédaigné le commerce avecl'étranger ; il n'a pas craint non plus les sacrifices domestiques pour favoriser

ce commerce. Ainsi, lors de la dépression mondiale, alors que le prix du blésur le marché baissait considérablement et que la production soviétiquedéclinait à la suite de la collectivisation, entraînant la faim et la famine pourdes millions d'hommes, Staline s'est non seulement servi de la collectivisationpour accroître la partie de la moisson dirigée vers les centres urbains, de12% en 1928 à 27 % en 1931, mais a, de plus, augmenté parallèlement lapartie de cette production allant à l'exportation, de 0,14 % en 1928 à7,33 % en 1931, avant de ramener en 1932 ces taux à des niveaux plus bas(2). Ce sacrifice considérable de la consommation intérieure a été consenti,afin de permettre le financement des importations de complexes industriels,

d'équipements et de technologies en provenance des pays capitalistes del'Ouest. Cette politique commerciale extérieure de l'URSS a été menée le

plus longtemps et le plus largement possible. Henry Ford, parmi d'autres, y aactivement collaboré du côté américain. En deuxième lieu, l'autarcie stal

inienne, avant et après la guerre, était davantage une conséquence du boycottexercé par les pays occidentaux que voulue par la politique soviétique et,

plus tard, par les autres pays socialistes de l'Est européen. Le boycottaméricain s'est poursuivi pendant plus de deux décennies après la guerre et il

existe encore en partie, compte tenu du refus des Etats-Unis d'accorder à ces

pays le traitement de la nation la plus favorisée ou de consentir aux pays« socialistes », sous divers prétextes politiques (droits de l'homme, refusd'émigrer aux Juifs d^URSS) les prêts de la Banque Export-Import. En vérité,

le boycott américain et des capitalistes européens n'a jamais enregistrébeaucoup de succès ; la concurrence européenne, ainsi que d'autres facteursque nous verrons plus loin ont de plus en plus contraint les Américains à setourner vers l'Est (3). De toute façon Staline a prétendu à tort que le

« marché mondial unique se désintégrait de sorte que deux marchés parallèlesexistent (maintenant) dans le monde... se faisant face », un marché capitalisteet un marché socialiste. Ceci n'a jamais été vrai, même du temps de Staline,

et moins encore après sa mort en 1953 (4).

Croissance et composition du commerce est-ouest/sud

Depuis l année 1953, le commerce Est-Ouest et le commerce Est-Sud(c'est-à-dire, avec les pays capitalistes sous-développés) s'est développé demanière appréciable. Dans les années 1960 et 1970, les tendances suivantesressortent en particulier : le commerce Est-Ouest/Sud s'est développé à unrythme rapide et croissant dans l'ensemble. Le commerce extérieur des payssocialistes s'est développé plus rapidement que leur production. Le taux de

croissance du commerce Est-Sud a été plus rapide que celui du commerceEst-Ouest, les deux augmentant plus rapidement que le commerce extérieurEst-Est (entre les pays socialistes eux-mêmes). La croissance des importations

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ANDRE GUNDER FRANK

des pays socialistes a été plus rapide que celle de leurs exportations, en

particulier en ce qui concerne celles dirigées vers les pays industrialisés del Ouest. Ce déséquilibre entre l'augmentation des importations par rapport à

celle des exportations s'est traduit par un déficit croissant dans la balance despaiements des pays socialistes avec les pays de l'Ouest ; par contre, leurbalance des paiements avec les pays sous-développés a marqué un excédenten leur faveur ; le déficit avec les pays de l'Ouest s'exprime par une dettecroissante des pays socialistes aux pays capitalistes. Ces tendances ressortentdes données suivantes :

Entre les années 1953 et 1967, alors que le commerce entre les payssocialistes eux-mêmes se développait à un taux moyen annuel de 6 % lecommerce entre l'Est et l'Ouest atteignait le taux annuel de 13 % et lecommerce Est/Sud, celui de 16% (5). Le rapport statistique annuel du

C.M.E.A. Council of Mutual Economie Assistance (Conseil d'aide économiquemutuelle Comecon) présente des données quelque peu différentes maisdesquelles des tendances similaires ressortent :

Tableau 1

Taux de croissance du commerce Est-Ouest et Est-Sud (en % annuels)

Période CMEA PreMoyenne

)ductionUSSR

Intra-CMEA Est-Ouest Est-Sud

1956-60

1961-65

1966-70

5.4

6.8

6.5

7.7

10.9

9.0

8.8

13.5

10.1

11.3

17.6

17.4

11.2

Source : U.N.E.C.E. Long term economic growth of East European sountries : Objectives, MajorFactors and Patterns between 1960 and 1990 (Genève, UNCE, EC.AD.JI/AC.l/R.I.Add.3, juillet 14,1975) Tableaux 14, 16.

Selon la Commission Economique pour l'Europe des Nations Unies,entre les années 1966 et 1972, l'évolution du commerce entre les pays du

Comecon de l'Est européen avec les autres pays du monde (et entre eux) seprésentait comme suit :

(Cf. tableau 2 ci-contre)

Le développement du commerce extérieur de l'Union soviétique et despays de l'Europe de l'Est avec les pays capitalistes industrialisés et avec lespays sous-développés, ainsi qu'entre les pays socialistes eux-mêmes, ressort duTableau 3 ci-après. Mais les données n'ont pas été ajustées compte tenu del'inflation. Par conséquent, en particulier au cours des récentes années, ceschiffres surestiment considérablement le véritable taux de croissance etexagèrent la différence entre l'augmentation du commerce Est-Ouest/Sud etcelui entre les pays socialistes eux-mêmes où les prix se sont maintenusjusqu'en 1975. Mais même après ajustement, compte tenu de l'inflation, lestaux de croissance du commerce Est/Ouest restaient supérieurs à ceux ducommerce entre les pays socialistes eux-mêmes.

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VIVE L'ENTREPRISE TRANSIDEOLOGIQUE

Tableau 2

Commerce avec l'étranger des pays du Comeconavec les catégories les plus importantes de pays

(en pourcentages annuels de croissance) (1966-1972)

Partenaires commerciaux

Union soviétique

Exports Imports

1966-70 1971 1972 1966-70 1971 1972

Union soviétique et l'Europe de l'Est

7,2 10,2 18,0 9,0 7,2 4,1Autres pays d'Europede l'Est 8,6 8,2 7,5 8,2 10,5 15,3

Pays socialistes d'Asie 7,4 20,0 -4,6 3,0 24,2 13,8

Europe occidentale 10,9 11,6 7,6 13,1 6,0 16,1

Autres pays développés r 13,3 8,4 11,1 3,8 28,0 51,6

Sous-développés

Union soviétique

11,0 3,5 3,4 7,9 -0,9 2,0

les six pays de l'Europe de l'Est seuls

7,2 10,2 18,0 8,9 7,2 4,1Autres pays d'Europede l'Est 9,2 9,6 - 13,2 9,5 12,0 12,2

Pays socialistes d'Asie 14,1 15,9 0,7 8,6 14,9 7,7

Europe occidentale 11,2 10,1 12,8 12,5 9,1 16,8

Autres pays développés 12,3 7,3 16,5 7,8 46,1 17,1

Sous-développés 9,0 9,7 -2,0 5,9 3,2 5,8

Source : Bulletin économique pour VEurope (genève, UNECE Vol.,25) 1974, 34.

Il ressort des Tableaux 2 et 3 que, au couis des années récentes, lecommerce entre l'Est, l'Ouest et le Sud a continué à se développer plusrapidement que le commerce entre les pays socialistes eux-mêmes mais que lacroissance du commerce Est-Sud par rapport au commerce Est-Ouest adiminué, en particulier depuis 1970. Le commerce Est-Ouest s'est développétrès rapidement au cours des années récentes (apparemment à des tauxannuels de 20 %, 30 % et davantage) quoique, en raison de l'inflation, lechiffre réel soit moins élevé. Néanmoins, pour les années 1972-1974, lacroissance du commerce Est-Ouest, estimée en valeur réelle, est encore

évaluée, à 75 % (6). Après l'allégement de l'embargo américain dont les effetsse sont traduits par le taux peu élevé de 3,8 % de croissance des importations

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VIVE L'ENTREPRISE TRANSIDEOLOGIQUE 1 1

en 1966-1970, l'URSS comprise, le commerce avec les Etats-Unis a com

mencé à se développer, comme il ressort des taux de croissance plus élevés,en particulier en ce qui concerne les importations de l'URSS en provenancedes divers autres pays développés, comparativement à ses importations en

provenance de l'Europe occidentale. Le bond de 5 1 % des importations deces pays en 1972 résulte des quantités considérables de blé importées parl'URSS, notamment en provenance des Etats-Unis durant cette année-là.L'expansion considérable des relations commerciales Est-Ouest est cependantdue principalement aux exportations par l'Ouest et aux importations parl'Est de machines-outils, d'équipement industriel, parfois même de complexes

entiers (les usines Fiat, par exemple, qui portent le nom de Togliatti enURSS), dotés d'une technologie avancée. Les pays de l'Est exportent encontre-partie dans la mesure du possible, des matières premières, des carburants et des denrées alimentaires (mais importent du blé) et fournissent à

l'Ouest des produits qu'ils fabriquent en se servant des équipements importés.Le commerce Est-Ouest s'est développé à un rythme particulièrement

rapide depuis 1971, mais les importations des pays socialistes ont dépasséleurs exportations, entraînant un déficit croissant dans leur balance despaiements et une augmentation de leur dette envers l Ouest. Cette tendanceest surtout accusée dans les pays socialistes de l'Europe orientale. Cependantsauf pour les années 1973-1974 au cours desquelles la hausse des prix desmatières premières a favorisé les exportations, le commerce de l'URSS avecl'Ouest s'est soldé lui aussi par un déficit. Les données sont contradictoires etpas toujours claires mais une tendance générale ressort cependant depuisquelques années. Le commerce Est-Ouest présentait un déficit de 2,5 mil

liards de dollars en 1973 (l'URSS et l'Europe orientale réunies, dont0,5 milliard de dollars pour l'URSS) (7). Grâce à l'augmentation des prix desmatières premières, le déficit s'est transformé pour l'URSS en un excédent de1 milliard de dollars en 1974 ; mais le déficit des pays socialistes de l'Europe

de l'Est a continué à s'accroître en valeur absolue et, bien entendu, comptetenu de la situation de l'URSS de sorte que le déficit global (URSS et paysde l'Est) restait en 1974 de 2,2 milliards de dollars (8). Le déficit cumulatifde la balance des paiements de l'URSS et des pays socialistes de l'Europe

orientale dans leur commerce avec les pays industrialisés de l'Ouest (noncompris le Japon) était de 7,6 milliards de dollars en 1972 dont 2,5 milliardsde dollars pour l'URSS seule, de 10 milliards de dollars en 1974 et de12 milliards en 1975 (9). Selon des rapports plus récents, le déficit des payssocialistes de l'Europe de l'Est qui était de 1 milliard de dollars pour 1972 seserait élevé à plus de 8 milliards de dollars en 1975, voire même à 9 milliardsde dollars en 1976, dans leur commerce avec les Etats-Unis, la France, leJapon et, en particulier, l'Allemagne de l'Ouest (10). Environ la moitié de cesdéficits dans la balance des paiements des pays socialistes est couverte pardes crédits officiels et par des crédits consentis par les fournisseurs, le reste

par des ventes d'or de l'URSS et, de plus en plus (quoique dans des chiffresinconnus) par des emprunts sur le marché des devises européennes. Quoique

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12 ANDRE GUNDER FRANK

la dimension et en particulier l'augmentation rapide de la dette extérieure despays socialistes inquiète aujourd'hui les pays occidentaux, nul ne paraîtsavoir le chiffre exact de cette dette :

« Les gestionnaires de l'Est évitent jalousement toute indication sur leurs actifs. Lesquestions d'argent en ce qui concerne le commerce Est-Ouest sont secrets d'Etat. Unfonctionnaire eminent de la Banque soviétique d'Etat plaisante ainsi... « Nous nevoulons pas enlever aux astrologues occidentaux qui s'occupent du Kremlin un si

riche champ de recherches. Ainsi donc le chiffre le plus haut (approximatif)mentionné est de près du double du chiffre le plus bas. L'Agence de Presse

Polonaise (PAP) estime la dette totale de l'Est à quelques 19 milliards de dollars...La Dresdner Bank (allemande) estime que cette dette se monte bien à 30 milliardsde dollars»... Les experts de la Chase Manhattan de New York l'estiment à35 milliards... (11).

Une autre source allemande estime cette dette à 22 milliards de dollarspour 1975 et à 32 milliards de dollars en mi-1976, dont 11 milliards dûs parl'URSS (12). Fin 1976, la dette des pays socialistes envers l'Ouest était de38 milliards de dollars. Dans les premiers mois de 1976, 20 milliards deDeutschmark, soit 8 milliards de dollars, étaient dûs par les pays socialistes àl'Allemagne de l'Ouest seule (13).

Une partie croissante de ce déficit des pays socialistes et de cette detteà l'Ouest est réglée par des accords multilatéraux dont une fraction assezimportante par la voie du commerce Est-Sud et Ouest-Sud avec les payssous-développés. Le commerce Est-Sud entre pays sous-développés socialistes

et pays capitalistes a jusqu'ici augmenté à un rythme croissant, doublant tousles quatre ans entre 1953 et 1968 et s'accumulant à un taux composé annuelde 21 % entre 1971 et 1974(14). Il en est résulté un excédent croissant etchronique dans la balance des paiements des pays socialistes et un déficitcorrespondant dans la balance des paiements des pays sous-développés. Bienqu'une grande partie de ces transactions aient été réglées sur une basebilatérale à l'aide de devises non-convertibles, une partie de plus en plusgrande du commerce Est-Sud s'effectue en devises convertibles des payscapitalistes développés. Les excédents dans les déficits du commerceEst-Sud qui subsistent après diverses autres tentatives de liquidation ou de

règlement sont payés en devises convertibles des pays capitalistes développés (15).

Les pays socialistes redressent ainsi partiellement leur déficit avecl'Ouest industrialisé à l'aide des excédents de leur commerce avec les payssous-développés dont le déficit global, bien entendu, augmente de ce faitdavantage encore. De plus, une partie des paiements en marchandises reçuesdu Sud par l'Est est également « multilatéralisée » et souvent détournée versl'Ouest {switch transaction) (16). Plus significatifs encore, du moins du pointde vue des pays socialistes chroniquement déficitaires dans le commerce

Est-Ouest, sont les accords d'import-export, d'accords de compensation etautres types d accords commerciaux parallèles qui contribuent substantiel

lementu financement du commerce Est-Ouest en utilisant les créances de

l'Europe de l'Est avec les pays en voie de développement, en devisesnon-convertibles, comme moyen de financement de leurs excédents d'impor-

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tations des pays de l'Ouest » (17). Ainsi, dans le cadre de la divisioninternationale du travail, le commerce Est-Sud qui augmente rapidementreprésente une aide positive, quoique modeste, aux pays socialistes dans leureffort visant à réduire le déficit résultant de leurs excédents d'importationsdans leur commerce avec l Ouest. Pour les pays sous-développés, bien que le

bilatéralisme avec le monde socialiste signifie une croissance absolue despossibilités de commerce et une diminution relative de leur indépendanceéconomique et politique vis-à-vis de l'Ouest, la multilatéralité croissante ducourant Est-Sud et son insertion dans la division capitaUste internationale dutravail, augmente leur déficit global, leur dette et.leur dépendance.

La composition des marchandises faisant l'objet du commerce Est-Ouestet Est-Sud est la suivante : Deux-tiers des importations des pays socialistes enprovenance de l'Ouest consistent en produits indutriels ; les exportations quisont faites en contre-partie de ces importations consistent pour les deux-tiersen matières premières. Les proportions sont inversées dans le commerceEst-Sud : deux-tiers des importations des pays socialistes en provenance despays sous-développés consistent en matières premières, deux-tiers des exportations de ces mêmes pays aux pays sous-développés consistant en produitsindustriels. C'est-à-dire, en tant que partenaires commerciaux, les payssocialistes sont pour les pays capitalistes développés ce que les payscapitalistes sous-développés sont pour eux ou vice -versa :

Tableau 4

Marchandises faisant l'objet du commerce Est-Ouest et Est-Sud(en pourcentage des exportations socialistes)

Est-Ouest

Est-Sud

Est-Est

Est-Ouest

1957-59 1965-66

Manufactures Matièrespremières

Manufactures Matièrespremières :

33

60

57

67

40

43

40

68

68

60

32

32

d'exportations de l'Ouest/importations des pays socialistes

68 32 67 33

Source : Wilczynski, op. cit. 37,40.

Il existe cependant à cet égard une différence entre l'URSS et les autrespays socialistes . Cette différence est le résultat de la prédominance dematières premières dans les exportations de l'URSS à ces derniers et aux

divers autres pays du monde, et de la prépondérance d'exportations d'objets

manufacturés et d'importations de matières premières dans le commerce despays socialistes de l'Europe de l'Est avec l'Union soviétique et les diversautres pays. Le Tableau 5 indique les proportions d'outillages techniques,

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14 ANDRE GUNDER FRANK

dans le chiffre total des exportations et des importations de l'Unionsoviétique et des pays socialistes de l'Europe de l'Est :

Tableau 5

Proportion de machines et d'équipement faisant l'objet du commerce extérieur

des pays socialistes (en pourcentage)

. URSS et Europeorientale

Importations

1960 1965 1970

29 33 35

Europe orientale

seule 28 33 36URSS seule

USSR et Europeorientale

35

Exportations

26 28 29

Europe orientaleseule 33 35 37

URSS seule 22

Source : U.N.E.C.E. Economie Bulletin for Europe, XXIII, 2, 16-17 ; Carlo, op. cit. 94.Ainsi donc, alors que la proportion de machines et d'équipement

technique dans le chiffre total des importations de l'URSS et de l'Europe

orientale va en augmentant, la proportion des exportations de ces marchandis sst significativement plus grande pour les pays de l'Europe orientale que

pour l'Union soviétique, quoique, dans les deux cas, elle accuse uneaugmentation. L'Europe orientale exporte des quantités importantes demarchandises à l'Union soviétique contre des matières premières et ducarburant, mais elle dépend davantage encore que l'Union soviétique des

importations d'équipement technique spécialisé en provenance de l Ouest. Demême, la proportion d'objets manufacturés dans les exportations de l'Europe

de l'Est aux pays sous-développés est également supérieure à celle desexportations soviétiques à ces mêmes pays. En ce qui concerne l'équipement,l'Union soviétique dans son commerce avec les Etats socialistes et avec lesautres pays du monde, en importe substantiellement davantage qu'elle n'en

exporte, soit dans une proportion de 50%. Ainsi, en 1960, les importationsd'équipement effectuées par l'Union soviétique, atteignaient 3 1 % du totaldes importations alors qu'elles ne représentaient que 21 % du total desexportations. En 1970, les proportions étaient encore de 34% pour les

importations et de 22 % pour les exportations. Sur les exportations demachines de l'Union soviétique en 1970, 72 % allaient aux autres payssocialistes, 25 % aux pays sous-développés et 3 % seulement aux payscapitalistes développés (18).

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VIVE L'ENTREPRISE TRANSIDEOLOGIQUE 15

La même intégration dans la division internationale capitaliste du travailqui ressort de la composition des marchandises faisant partie du commerceEst-Ouest/ Sud se retrouve dans les proportions des divers facteurs impliqués

dans la production des marchandises faisant l'objet des commerces : entrel'URSS et l Ouest, c'est l'importation de matériel lourd qui prédomine ; entrel'URSS et les pays sous-développés, c'est l'exportation de matériel lourd ;

entre l'URSS et le Comecon, la proportion s'équilibre (19). En 1970, 75 %des exportations de l'Europe de l'Est aux pays sous-développés consistaienten objets manufacturés et 70 % des exportations de ces derniers aux payssocialistes consistaient en matières premières. La proportion d'outillage légerdans les exportations des pays sous-développés aux pays socialistes demême que celles effectuées vers les pays capitalistes qui était de 5 % en1962 était de 15 % en 1970 et de 20 % en 1972 (mais à la suite de la haussebrusque des prix des matières premières, elle est tombée à 17 % cette même

année). (20).Ainsi, les pays sous-développés sont pour les pays socialistes ce que ces

derniers sont pour les pays développés capitalistes en ce qui concerne à lafois la proportion et la composition des marchandises qui font l'objet ducommerce Est-Ouest et Est-Sud. En d'autres termes, les pays socialistesoccupent une position intermédiaire dans la division internationale du travailassez semblable, à cet égard, à celle des pays « sub-impérialistes » les plusdéveloppés, comme par exemple le Brésil. Ils importent des marchandises dehaute technologie aux pays industrialisés capitalistes, les payent par desmatières premières et enregistrent un déséquilibre croissant de leur balance -

commerciale. Ils exportent un outillage moins complexe aux pays sous-développés avec lesquels ils enregistrent un excédent dans leur balancecommerciale, dont une partie sert à couvrir une partie de leur déficitcommercial avec les pays impérialistes. Les pays capitalistes « sub-impérialist sconnaissent le même phénomène dans leur commerce.

Coopération est-ouest/sud et tripartite dans la production industrielle

Au-delà des simples relations commerciales, la division internationale dutravail Est-Ouest/Sud est élargie encore par des accords à long terme de

collaboration dans la production, la distribution et le financement. Peut-être,l'expression la plus symbolique - mais également réelle et fonctionnelle decette tendance à la collaboration qui s accentue depuis peu est l'ouvertured'un Bureau de la Rockefeller Chase Manhattan Bank à Moscou (place KarlMarx, 1). On lit dans un rapport de la Commission économique pourl'Europe, des Nations Unies :

« Certains facteurs à long terme étaient en principe favorables au commerceEst-Ouest en général... Il existe, en premier lieu, des accords à long terme (dix ans)économiques, commerciaux et de collaboration entre des gouvernements de l'Est etde l'Ouest. Leur nombre a augmenté de 93 (chiffre initial, 119) dans la premièrepartie de l'année 1972 et de 192, fin 1974. Ils ont également changé de nature. Ilsvisaient auparavant principalement la libéralisation du commerce et des payementsmais ils sont actuellement de plus en plus concernés par la collaboration industrielle,

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18 ANDRE GUNDER FRANK

industrialisé... La co-production et la spécialisation... consistent en la spécialisationpar chaque partenaire soit dans la production de certaines parties entrant dans lacomposition du produit fini, ou de parties de ce produit assemblées à une étapeultérieure par l'un des partenaires ou par les deux, chacun pour les besoins de ses

propres marchés... Il existe deux formes fondamentales d'entreprises conjointes :l'entreprise conjointe de droit (equity joint venture) l'entreprise conjointe contractuelle. En général, le premier type est traditionnel et le plus courant... dans lespays en développement. Les entreprises conjointes contractuelles sont fréquentes làoù les lois du pays en développement dans lequel les opérations sont conduites nereconnaissent pas le concept de propriété privée ou ne permettent pas la propriétéprivée à de non-résidents » (24).

En d'autres termes, avec certaines variantes, les contrats de collaborationindustrielle Est-Ouest (et couramment Ouest-Sud) concernent l'exportationd'équipement ou de complexes entiers, les investissements des pays socialistes

dans les pays sous-développés, (par le biais de contrats de propriété) ou, dansles cas où politiquement, les choses ne sont pas possibles, par la voie d'un

subterfuge « contractuel » d'un type ou d'un autre. En 1975, les payssocialistes de l'Europe de l'Est avaient complété l'installation ou étaient surle point de la compléter - de 2900 complexes industriels et autres projetsdans les pays en développement et avaient octroyé 1 1 milliards de roubles decrédits (25).

Le commerce Est-Sud, l'assistance technique et autres relations écono

miques se sont développés comme nous l'avons observé plus haut, plus

rapidement que le commerce entre d'autres « régions ». Les estimations sur lechiffre total du commerce et la balance des excédents commerciaux des paysde l'Europe de l'Est pour les années 1952 à 1972 ressortent du Tableau 6 :

Tableau 6

Croissance du commerce Est-Sud, 1952-1972 (en millions de dollars américains)

1952 1956 1960 j 1964 1968 1972

Commerce des pays de l'Europe orientale avec des pays

Exportations de l'Europeorientale

capitalistes sous-développés

175 470 880 2100 3070 5080

Importations de l'Europeorientale 215 405 950 1520 1940 2820

Commerce de l'Europe orientale avec des pays socialistes

Exportations de l'Europeorientale .

moins développés (*)

860 1213 1767 1122 1717 2180

Importations de l'Europeorientale 610 1130 1722 1010 863 1160

(*) Chine, Cuba, Mongolie, Corée du Nord, Nord-Vietnam ; la baisse après 1960 est fonction de lascission sino-soviétiqueSource : Nayyer, op. cit. 4.

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VIVE L'ENTREPRISE TRANSIDEOLOGIQUE 19

La répartition par continent des échanges Est-Sud était d'environ 40 %avec l'Asie et de 30 % avec l'Afrique et l'Amérique latine. Mais jusqu'à

récemment encore, le commerce Est-Sud se concentrait surtout dans un petitnombre de pays dans chacun de ces deux continents. En Amérique latine,

l'Argentine et le Brésil ont été les seuls partenaires commerciaux importantsen plus du Cuba. En Afrique, les partenaires commerciaux les plus importants étaient l'Algérie, le Ghana, la Guinée, le Soudan, la Tanzanie, etl'Egypte. Mais cette dernière a, bien entendu, dépassé les autres. Récemment,les relations soviéto-égyptiennes ont été interrompues, tandis que les relationséconomiques, politiques et militaires avec la Somalie et l'Angola se développaient. En Asie, en dehors des pays socialistes de l'Est du continent, lepartenaire de loin le plus important dans la collaboration commerciale,industrielle et d'assistance a été l'Inde, suivie du Pakistan, du Sri Lanka, de laBirmanie, de la Malaisie, de l'Indonésie, de la Syrie, de l'Iran et de l'Irak. Ces

pays ont absorbé environ les 3/4 du commerce et de l'aide Est-Sud. Leursrapports économiques avec l'Europe orientale intéressent préférentiellementmais non exclusivement, le secteur public et ses entreprises. Certains de cespays ont reçu une aide importante pour des projets d'industrie lourde,comme par exemple le fameux barrage d'Assouan en Egypte, les industriesmétallurgiques de l'Inde, dont le financement avait été précédemmentconsidéré, puis rejeté par des institutions internationales (Banque Mondiale)

ainsi que par des institutions gouvernementales et privées du monde capital

iste.En vérité, près de 30 % de l'aide socialiste Est-Sud est allée à lTnde età l'Egypte. Mis à part le Vietnam et Cuba, ces deux pays ont reçu une aidemilitaire importante, notamment de l'URSS qui non seulement a fourni desarmes à l'Inde mais lui a encore permis de fabriquer localement des MIG.

Une très grande partie de ce commerce et de cette aide était couverte par desaccords bilatéraux, les importations et les emprunts étant payés en particulieravec des exportations de matières premières (quelque 30 % des exportationsde coton de l'Egypte). De plus en plus et en particulier dans le cas de l'Inde,les exportations aux pays socialistes comportent des montants importants dematériaux légers ; plus récemment, des produits de l'industrie lourde sontentrés pour 40 % dans les exportations de l'Inde aux pays socialistes. Ainsi,

l'Inde avait convenu d'exporter à l'Union soviétique, entre autres,10.000 wagons de chemin de fer par an pendant un certain nombre d'années

(26). Selon le Peking Review, l'Union soviétique a refusé de payer le prixconvenu, après que l'Inde eut déjà construit un certain nombre de ceswagons, et proposé un nouveau prix qui ne couvrait même pas le coût deleur fabrication (27).

Les accords Est-Sud de coopération économique se sont récemmentétendus à un nombre plus élevé de pays sous-développés et à une plus grandevariété de produits, en particulier d'objets manufacturés. 130 nouveauxaccords étaient signés en 1973 et en 1974-75, leur rythme ne semblait pas

devoir se ralentir. L'URSS a doublé le nombre de ses accords avec les payssous-développés. A l'heure actuelle, les accords économiques Est-Ouest ont

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20 ANDRE GUNDER FRANK

été signés avec 70 pays sous-développés dont 30 en Afrique, 20 en Asie et 13en Amérique latine. On compte 650 projets dans le domaine de la production'énergie électrique seul. Des accords économiques entre l'URSS et

l'Iran atteignent 3 milliards de dollars et concernent les secteurs de lamétallurgie, de l'électricité, de l'industrie lourde et agricole. Ils stipulententre autres l'exportation à l'Union soviétique de gaz naturel, cette dernièrefournissant à l'Iran du papier et du carton (28). Le commerce entre l'URSS

et l'Iran devait doubler entre 1976 et 1980, mais l'accord finalement signé neprévoit qu'une augmentation de 33 % (29).

L'UNCTAD envisage la possibilité d'un nouveau mode de spécialisationqui répondrait aux besoins des pays en voie de développement :

« Dans les années récentes, certains pays socialistes d'Europe orientale (en particulier

l'URSS)ont

commencé àfournir

ouont

augmentéleurs fournitures des

matièr  sremières destinées à l'industrie et du matériel semi-fini à diverses pays en voiede développement industriel, plus avancé... Certains pays socialistes de l'Europeorientale ont signé des accords à long terme pour l'achat de produits pétrochimiques, avec des entreprises à l'installation desquelles ils avaient collaboré (parexemple, l'URSS, la Tchécoslovaquie, la République Démocratique Allemande, laRoumanie et, parmi d'autres, l'Afghanistan, l'Egypte, la Lybie, la République ArabeUnie, la Syrie). Les projets de spécialisation dans les produits du fer et de l'acierpour répondre aux besoins des pays socialistes sont encore timides. Il semble que

. seule l'URSS importe sur une base plus ou moins régulière, des produits du fer et de

l'acier, de l'Inde, de la Yougoslavie et de l'Egypte (fabriqués par des usines dont elle

a collaboré à l'installation)... Le domaine des industries de transformation dumétal... se développe dans une aire particulièrement favorable... L'URSS et l'Indeont établi des liens dans le commerce des instruments chirurgicaux, des lentilles etautres appareils d'optique, des moteurs électriques, des excavators, etc. L'URSS aconvenu avec l'Egypte que cette dernière lui fournira régulièrement des piècesdétachées pour les automobiles. Les chantiers navals d'Alexandrie construits avecl'aide de l'URSS exportent des bateaux à l'URSS. Les partenaires ont dans plusieurscas tenté de jeter les bases d'une spécialisation à partir d'usines installées dans lespays en développement par un pays socialiste (Tchécoslovaquie et Inde, pour lesmachines, Tchécoslovaquie, URSS et Iran pour les outils ; Roumanie et Iran pour leswagons de chemins de fer ; République démocratique allemande et Inde pour lesproduits électro-mécaniques). La convergence des intérêts en ce qui concerne laspécialisation et la collaboration s'est révélée plus forte dans l'industrie textile où latendance des pays socialistes à s'orienter vers des textiles plus coûteux... s'estheurtée à la concurrence des pays en développement qui ont réussi à fournir lesmarchandises demandées » (30).

La collaboration Est-Ouest et Est-Sud ainsi que la collaboration traditionnelle Ouest-Sud dans la production, la distribution et le financement neconcerne pas* seulement la division internationale du travail sur une basebilatérale entre chacune des catégories de pays. La collaboration intervientgalement'

sur une base multilatérale ou « tripartite », et s'établit égalemententre des entreprises situées dans chacune des trois catégories de pays pour

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un seul projet industriel ou autre. L'UNCTAD a organisé un séminaire pourétudier et promouvoir ce nouveau développement significatif dans la divisioninternationale du travail en 1975. Nous lisons dans un rapport établi àl'occasion de ce séminaire :

«1 .

La collaboration internationale entre plus de deux entreprises situées dans despays à systèmes économiques et sociaux différents peut se réaliser sous diversesformes de conventions multipartites. La collaboration tripartite, qui est l'une de cesformes, paraît être particulièrement intéressante du fait de ses avantages intrinsèques, spécialement dans le cadre des conditions économiques dans un monde entransformation. En particulier, elle permet l'extension aux pays en développementde l'impact bénéfique de la collaboration commerciale et économique Est-Ouest.

« 2. La collaboration tripartite internationale au niveau entreprise/organisation entredes pays à systèmes économiques et sociaux différents ne se limite pas au secteurindustriel. Des projets tripartites ont été entrepris avec succès, sont négociés oupourraient être envisagés dans les années à venir, entre autres, dans les domaines dela production industrielle et de la recherche ainsi que du développement infra-

structurel...

«3. La collaboration industrielle tripartite a commencé à se développer significa-

tivement dans les années récentes. Elle s'est développée à partir de l'expérience de lacollaboration industrielle bilatérale et s'y appuie largement. L'étude conduite par leSecrétariat a dégagé la conclusion qu'un grand nombre des motivations, des accordssubstantiels, des problèmes et des perspectives de la collaboration industrielletripartite sont de nature très semblables à ceux que l'on avait observés déjà dans lacollaboration industrielle Est-Ouest, notamment dans le cadre des travaux effectuéspar la Commission Economique pour l'Europe. Selon les données dont on dispose,

la Roumanie a été un des premiers pays à adopter la forme tripartite decollaboration industrielle... (31).

Ce document se réfère à 132 projets tripartites dans 33 pays sous-développés (plus d'autres, non indiqués) ; 153 projets dans 7 pays socialistesde l'Europe orientale (plus un pays non désigné) et 13 pays occidentauxdéveloppés (plus quelques-uns non désignés) pour un total de 453 cas departicipation de pays individuels à des projets déjà achevés ou en coursd'exécution. Au moment où le rapport était rédigé, 29 contrats tri-partites dece type étaient négociés dans 33 pays. Les projets tripartites étudiés complété

u en voie de réalisation avaient coûté environ 21 milliards de dollars aumoment de leur mise en exécution soit 29 milliards de dollars au nouveaucours. 83 % de ces projets tripartites portaient sur l'industrie, dont 43 % surles industries métallurgiques du fer et de l'acier et sur l'industrie des engraischimiques de base. Un rapport de l'UNCTAD spécifie :

« Ce chiffre est loin d'être négligeable ; il représente l'équivalent d'un peu plus de1/8 du chiffre total des importations par les pays en développement au cours desannées 1963-1973... L'étude observe que l'action intergouvernementale était l'undes facteurs les plus importants agissant sur le développement de la collaborationindustrielle tripartite... Il apparaît qu'un stimulant important à la participation dans

une telle collaboration d'entreprises des pays socialistes et des pays de l'Ouest est dedévelopper de nouveaux marchés ou de consolider les flux d'exportations, soit dans

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le pays en développement (ou la région) qui les reçoit, soit dans d'autrespays » (32). .

Divers autres documents préparés par le secrétariat de l'UNCTAD et pardes consultants et qui résument des séminaires tenus sur l'Est, l'Ouest et le

Sud, permettent une meilleure estimation de ce qui est en jeu dans cesaccords tripartites :

« L'expérience a montré que la collaboration entre l'Est et l'Ouest est actuellementplus étendue en général que les pays impliqués ne veulent normalement lereconnaître publiquement... Il convient d'observer que le Tiers Monde ne croit pasen général qu'une entente entre les pays industrialisés soit nécessaire à ses intérêts.Il verrait plutôt un avantage dans une situation de concurrence où les pays enquestion tenteraient de se supplanter... La conclusion systématique de projetsconjoints par des entreprises appartenant aux deux systèmes peut, par conséquent,ne pas être appréciée également par tous les pays en développement... Par exemple,

en ce qui concerne la collaboration Nord-Sud, un pays industrialisé appartenant àun système peut trouver que son alliance avec un pays d'un autre système luifacilite l'accès à un marché du Tiers Monde, accès qu'il lui aurait été auparavantpolitiquement difficile de réussir... Les partenaires industriels peuvent trouver qu'uneentreprise conjointe Est-Ouest risque moins une atteinte à ses intérêts par le pays endéveloppement sur le territoire duquel l'opération se produit (après un coup d'Etatou autre mouvement politique dans une direction ou une autre, par exemple) quecela n'aurait été le cas si les intérêts d'un seul pays industrialisé appartenant à unseul système étaient impliqués. Les pays en développement peuvent considérer qu'ennégociant des contrats avec des représentants des deux systèmes, ils peuvent

bénéficier des avantages de chacun d'eux et s'assurer ainsi contre les risquesinhérents à une association exclusive avec un seul pays (33) ».

Néanmoins, le Dr. Ivan Ivanov, de l'Institut des Etudes des Etats-Unis etdu Canada, à Moscou, qui a préparé un rapport pour le séminaire tripartite

sur la demande de l'UNCTAD, en qualité de consultant, observe pour sapart :

« Il convient de noter, en particulier, que la collaboration tripartite a été facilitéepar le développement régulier de la collaboration industrielle entre l'Est et l'Ouest.Ceci semble être le résultat logique et complémentaire de l'ouverture du commerceEst-Ouest, de son effet multiplicateur sur le courant commercial mondial, créateur àson tour de relations commerciales entre pays en développement également. Lacollaboration industrielle Est-Ouest (en particulier par co-production sous-contractée,octroi de brevets et création conjointe de marchés) est en vérité souvent triangulaired'abord dans son orientation ; elle assure des possibilités d'intégration aux exportations des pays en développement qui exigent une utilisation plus intensive de leurs

ressources, y compris du travail spécialisé et même d'inputs technologiques complexes... Il est important, en particulier en ce qui concerne l'application du nouvelordre économique international, que la collaboration industrielle tripartite comprenne tous les groupes des pays concernés, les producteurs et les consommateursensemble, dans des accords mutuellement favorables, assurant ainsi un exemple pour

une amélioration générale de la compréhension multilatérale » (34).Amen

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Motivations immédiates des relations économiques Est-Ouest/Sud.

Pour l'Ouest capitaliste, l'Est socialiste agit comme une bouée desauvetage en temps de crise économique (35). En ce qui concerne lesgouvernements occidentaux dont les balances de paiement posent souvent

problème, les excédents chroniques et croissants de leur commerce avec lespays socialistes de l Est, leur permettent quelque répit. Ainsi que l'observaitKenneth Rush, Secrétaire d'Etat intérimaire, en avril 1973;

« à un moment où nous enregistrons un déficit commercial avec la plupart desrégions du monde, nos excédents commerciaux avec l'Europe orientale sontparticulièrement bienvenus ».

Le déficit commercial national est, bien entendu, un des effets de

l'incapacité du capital privé à vendre suffisamment à l'étranger. Par conséquent, ne soyons pas surpris que le Vice-Président de la Chase Manhattan

Bank déclare:« Reconnaissons-le franchement... Nous avons un problème de balance de paiementset il nous faut chercher de nouveaux marehés » (36).

Réfléchissant sur la théorie marxiste des cycles et des crises ducapitalisme, et reconsidérant un cycle récent, Wilczynski écrit :

« Il est curieux que lors de la récession de 1958, le commerce des pays occidentauxavec les autres pays capitalistes ait baissé de 5 % alors qu'en ce qui concerne le blocsocialiste, il ait marque une croissance de 6 % » (37).

Paradoxal ou non, c'est ce qui se passe lors de toutes les récessions

capitalistes, plus particulièrement la dernière, au cours de laquelle lesexportations des pays de l'Ouest à l'Union soviétique, à l'Europe orientale et

à la Chine se sont accrues alors que le commerce mondial dans son ensembledéclinait de plus de 10% dans la seule année 1975 (comme cela a été le caspour les importations occidentales en provenance des pays de l'Est). Plussignificatif encore peut-être, le fait que les exportations capitalistes aux payssocialistes qui ont marqué la croissance la plus accusée au cours de larécession capitaliste sont celles dont le marché de la demande dans les payscapitalistes est le plus affecté en temps de crise : celle des biens d'équipementlourd, en particulier les machines-outils. Selon VAmerican Machinist (38), surles dix producteurs les plus importants de machines-outils dans le monde en

1974, les trois pays socialistes de l'Europe orientale assuraient les 28% de laproduction totale et les 15 % du chiffre total des exportations ; mais 4 payssocialistes de l'Europe orientale ont importé 44 % du chiffre total desimportations des pays socialistes de machines outils, évaluées à 1 milliard dedollars des Etats-Unis, production que les pays capitalistes n'arrivaient pas à

écouler ailleurs durant cette année de crise. Réciproquement, dans lespériodes de prospérité capitaliste, les pays capitalistes marquent moinsd'intérêt à exporter aux pays socialistes, en particulier si ces exportations ne

sont pas payées en devises convertibles. Cette baisse soudaine d'intérêtaffecte particulièrement les exportateurs capitalistes de matières premières en

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une période de hausse. Enfin, il s'est produit encore une baisse durant lesdernières cinq années du plan entre 1971 et 1975, au cours desquelles lahausse de la production industrielle, en particulier de biens de consommation, a été plus faible que celle stipulée au plan et plus basse encore que

lors de la période du plan précédent. Les taux de croissance du commerceextérieur, en particulier du commerce Est-Ouest semblent avoir suivi unprocessus inverse ; plus élevés dans les premières années 1960 et plus bas versla fin de la décennie ; 10 % de hausse dans la première moitié de la décennie1960; 11% (compte tenu de l'inflation) dans la seconde moitié, et uneexpansion beaucoup plus rapide du commerce extérieur dans les années1970. Il n'existe pas encore d'explication entièrement satisfaisante des cycleséconomiques que l'on observe ainsi dans les pays socialistes. Mais on avanceici et là que des plans trop ambitieux entraînent des hausses dans lesinvestissements, ce qui provoque des périodes de saturation et des périodes

de restriction, (les salaires ne suivant pas toujours les rythmes de laproductivité), des pénuries de produits de consommation et une insatisfactioncroissante des consommateurs qui s'exprime par des pressions politiques,entraînant un nouveau ralentissement dans le rythme de l'investissement(42). Les importations de l'étranger permettraient de compléter la pénuriedes biens de consommation, notamment pour maintenir l'investissementdans les industries mécaniques et d'équipement, en particulier si ces importationseuvent être faites à crédit. Un rapport de l'UNCTAD observe :

« La tendance des pays socialistes d'Europe orientale à utiliser de plus en plus lesfacteurs économiques externes lors de la mise en oeuvre de leurs plans quinquennauxctuels, s'est trouvée clairement reflétée par la nette accélération de lacroissance du volume de leur commerce extérieur, à la fois par rapport aux niveauxatteints dans le passé et par rapport à leurs objectifs annuels prévus pour la période1971-1975 » (43).

Une plus grande dépendance que prévue sur le commerce extérieur enEurope orientale est cependant normale (44). Les plans pour 1976-1980

envisagent des taux de croissance bien moins élevés que ceux de la périodedu plan précédent (45). Il est encore trop tôt pour prévoir s'il en résulteraune croissance plus modeste du commerce extérieur ou si, comme cela

semble probable, il faut comprendre qu'en s'en remettant au commerceextérieur pour suppléer aux insuffisances des ressources domestiques, onaugmentera davantage encore cette dépendance. L'UNCTAD s'attend à ceque les « politiques tournées vers l'extérieur » se poursuivent (46) :

Nous lisons dans un autre rapport de l'UNCTAD :

« En règle générale, la politique courante des pays socialistes semble appelée àremplacer progressivement, et quand cela est possible, des accords bilatéraux par desaccords prévoyant le payement en devises convertibles. La multilatérisation desaccords de payement favorise l'établissement de structures de prix rationnelles dans

les transactions entre les entreprises » (47).

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Le même document a prévu également la convertibilité du rouble aumoins au sein du Comecon. Mais il existe des obstacles économiques et

politiques importants posés en particulier par l'URSS pour laquelle cettepolitique implique une menace à son contrôle économique et politique des

partenaires du Comecon. Sandor Ausch écrit à ce sujet :

« Pour des raisons politiques aussi bien qu'économiques, l'URSS va également etlongtemps encore lutter pour préserver le bilatéralisme dans son commerce avec lespays capitalistes. Des changements profonds devraient se produire dans l'ensembledes structures politiques du monde pour induire l'URSS à entrer dans le commercemultilatéral avec ces derniers et à adopter la convertibilité... Il existe, bien entendu,une pression constante sur l'URSS de la part des pays en développement pourobtenir la convertibilité extérieure du rouble. Il est possible que l'URSS après avoirtenu compte de la position du dollar, réponde à ces demandes de quelque manière,avec certaines restrictions... Le tournant vers le commerce multilatéral et les

payements multilatéraux, vers la transférabilité et vers divers degrés de convertibilitéau sein du Comecon ne peut donc pas être assuré par de simples mesures de réformemonétaire. Tout ceci peut résulter d'une part, de l'accumulation des changementsgraduels au sein de chaque pays et de l'autre, des mécanismes de la collaboration,changements qui doivent aboutir à des transformations qualitatives et à l'abolitiondu système du plan... et d'autre part, encore en tant que résultat de l'efficacitégénérale des économies individuelles et de changements fondamentaux dans lemodèle politique du monde » (48). .

Avantages et désavantages des relations économiques est-ouest/sud

C'est dans les périodes de crise structurelle de l'accumulation capitalistemondiale du capital que la division internationale du travail connaît seschangements qualitatifs les plus importants. Au cours de ces périodes, lesméthodes et rapports de production antérieurs, en particulier dans lesindustries de pointe des secteurs les plus avancés du système capitalistemondial, enregistrent moins de bénéfices, parfois même aucun, de sorte quela crise de l'accumulation oblige le capital à introduire des changementsimportants dans la division du travail. Parallèlement, cette exigence résultantde la crise sinon renforcée par cette dernière fournit l'occasion d'intro

duire un tel changement dans les secteurs du capital qui pouvaient ousouhaitaient l'entreprendre. Cette transformation de la division du travailinternationale, intra-nationale, inter-sectorielle et intra-sectorielle se répercuteégalement ou se réalise plutôt dans les changements des modes de

production et d'échange commercial Est-Ouest, Est-Sud, Ouest-Sud ainsiqu'au sein des modes de production et d'échange commercial eux-mêmes.

... pour l'Ouest

Commentant la situation dans l'optique de l'Occident capitaliste, lepériodique Times évalue à 1000 le nombre des accords de collaboration entre

la Hongrie et l'Occident, et propose l'explication selon laquelle « dans leur

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forme la plus simple, de tels accords impliquent à peine plus qu'uneexploitation masquée du travail hongrois mal payé » (49).

Dans VAmerican Economie Review, Edward A. Hewett observe pour sapart :

« Pour le partenaire occidental, ces petits accords » sont parfaitement profitables carils détournent les processus les plus pénibles de travail, ceux qui apportent le moinsde profits, vers des secteurs où le travail spécialisé et mi-spécialisé est relativementpeu cher et moins aléatoire (du fait de l'absence de grèves) » (50).

Cette double raison économique et politique d'élargir le commerce avecles pays de l'Europe orientale de même que la production dans ces pays,s'exprime souvent - explicitement dans la presse d'affaires américaine, leBusiness International/Business Eastern Europe, entre autres. Le directeurpour les transactions internationales de la compagnie « International Har

vester » observe que « les Polonais ont fait des investissements substantiels decapital pour l'exécution d'un projet conjoint avec I.H. Dans la mesure où lesPolonais ont apporté des fonds à ce projet, 1T.H. n'aura pas à en investir »(51). L'« International Harvester» possède les droits exclusifs de vente àl'Ouest des pièces fabriquées en Pologne, et dans les pays sous-développés ;

les mêmes bulldozers, camions et autre matériel d'équipement seront vendusen partie par 1T.H. sous sa propre étiquette, en partie par les Polonais, sansporter toutefois l'étiquette I.rï. « Un certain nombre de fabriques devêtements en Pologne... livrent toute leur production au marché américain »(52). On escompte que les ventes occidentales de matériel électronique

auront plus que triplé entre les années 1972 et 1978 (53). Xerox utilise déjàdes pièces détachées fabriquées en URSS dans la production de son matérielvendu à l'Ouest (54).

Ces exemples sont significatifs des tendances les plus importantes dansles relations économiques Est-Ouest, parallèles au transfert de la fabrica

tion e certains articles de la production industrielle occidentale à certainssecteurs des pays sous-développés : industries exigeant une main-d'oeuvreabondante, textile, du vêtement, des chaussures, d'éléments électroniques,etc. Ces transferts intéressent les économies où le coût de la main- d'oeuvreest trop élevé pour permettre la compétitivité des prix de vente ; la

fabrication est ainsi assurée par des secteurs où la main-d'oeuvre est moinscoûteuse. Certains secteurs de l'industrie lourde (pièces détachées pour lesindustries de l'automobile, de l'acier, etc..) sont transférés dans des paysplus avancés du Sud et de l Est.

Ces transferts interviennent non seulement pour des industries en crisede l'Ouest du fait d'une chute de la demande, de coûts de production élevéset des rapports de production dans les ateliers de montage mais égalementpour certaines industries où les conflits sociaux revêtent une importancepolitique telle que l'on craint ses répercussions dans les autres secteurs de lasociété occidentale. Citons à cet égard les grèves chez Fiat, Renault, Ford, enItalie, en France et en Grande Bretagne ; les grèves des industries de l'acier

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aux Etats-Unis et leurs effets sur le monde du travail et le climat politiquedu pays. Quelle meilleure stratégie que celle qui consiste à transférer certainssecteurs de la production de ces industries au Brésil, en URSS, en Pologne...

pays où le travail est non seulement moins coûteux mais également plus

discipliné. D'autre part, il n'est pas toujours nécessaire de transférer lnsemble de la production d'une usine. Il suffit d'en transférer une petitepartie. La menace d'un transfert total devient crédible et peut être brandieen cas de grève

L'Ouest s'intéresse d'autre part à l'Est en raison du rôle joué par cespays, en particulier par l'URSS, dans la division internationale du travail etdans la fourniture de carburant et de matières premières. Lors de la « crise

de l'énergie » et du renouveau d'intérêt du capitalisme occidental pourl'exploitation de nouvelles sources de carburants et de matières premières, les

secteurs soviétiques de la Sibérie et de l'Extrême-Orient ont tout particulièrement réoccupé la presse occidentale. De plus, des négociations au plushaut niveau ont été tenues. Ce qui était en jeu, ce n'était pas seulement lepétrole soviétique, le gaz, le charbon, le bois, le cuivre (des négociations avec1'Anaconda étaient annoncées le jour même où Allende nationalisait les minesde cuivre ), etc. dont l'Ouest a besoin, mais aussi la vente des produitsminiers de l Ouest, la construction d'oléoducs et de transports, projetsenglobant des milliards de dollars. Ce qui est encore en jeu, c'est l'équilibrepolitique international dans un monde aux pôles multiples, dans lequel

l'intérêt conjoint des Etats-Unis et du Japon pour le projet soviétiqueTuyman (le Japon veut le gaz mais ne peut pas financer tout le projet) et laconstruction d'une ligne de chemin de fer Baikal-Amur pour le transport dupétrole mais également de troupes inquiètent la Chine qui y voit unemenace pour sa frontière nord et ses relations politiques et économiques avecle Japon et les Etats-Unis. Des obstacles économiques et politiques immédiatsont réduit à néant ou retardé un grand nombre de projets majeurs Est-Ouest.Mais certains projets isolés moins ambitieux et importants sont en voied'exécution. Lors de la visite à Moscou du Secrétaire d'Etat de l'AllemagneFédérale, un accord pour la construction d'un troisième pipeline d'un coût

de 1 ,7 milliards de Deutschmark (US dollars 700 milliards) a été signé.Les avantages tirés par le capital occidental des relations Est-Ouest ne

vont pas sans quelques « désavantages » parmi lesquels l'élévation du prix dublé du fait des ventes massives à l'URSS. Bien entendu, dans une économie

capitaliste mondiale, hautement monopolisée mais compétitive, le commerceEst-Ouest signifie non seulement la collaboration mais aussi la concurrencepour enlever une affaire - et aussi l'accommodation (ou la mise entre

parenthèses) des considérations idéologiques compte tenu des exigences desaffaires. L'URSS vend ses. Fiat (construites par les établissements Togliatti) à

l'Allemagne Fédérale, sous la marque de fabrique LADA. Elle a sous-vendu1/3 de ses usines Fiat à la Grande-Bretagne. Le Financial Times a publié desarticles aux titres alarmants : « Les exportations du Comecon menacent lesproducteurs occidentaux d'automobiles », « L'avance de la Pologne dans les

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nouveaux marchés de l'automobile », « Dès le début les usines Polski-Fiat125 se sont tournées vers l'exportation. Environ 70% de leur productionvont outre-mer... Après avoir exporté 700.000 voitures il y a un an, laCompagnie envisage de s'attaquer au marché américain en 1977... » (55). Les

bateaux de pêche soviétiques mettent à sac les sept mers malgré la colèrecroissante de leurs concurrents capitalistes. Les entreprises soviétiques d équipement lourd enlèvent souvent des commandes considérables pour des projetsmajeurs importants. En octobre 1973, lors de l'embargo sur le pétrole imposépar les Arabes, alliés des Soviets, à la Hollande, l'Union soviétique a livré dupétrole à Rotterdam. Au cours d'une grève des mineurs dans l'Espagne deFranco, l'Union soviétique a fourni du charbon à l'Espagne. Une partie desachats de beurre de l'Union soviétique auprès du Marché Commun a étérevendue au Chili de Allende aux prix du marché mondial, contre paiementen dollars. La concurrence soviétique sur les marchés mondiaux qui a fait le

plus de bruit est celle du chemin de fer trans-sibérien qui, malgré larégression de 1975 qui a entraîné une diminution dans les transportsmondiaux par mer, a assuré le transport de 100.000 barils (sur le chiffre totald'un demi-million), soit 20% du trafic maritime, à des prix de 25, 40 oumême 50 % plus bas que ceux pratiqués couramment pour fret transocéaniques,vec des délais de livraison plus courts que ceux qu'exigeait le détourpar l'Afrique du Sud quand le canal de Suez était encore fermé (56).

Parallèlement, en croissance de 6 % par an, le tonnage des transportssoviétiques par mer atteint maintenant 1/3 du tonnage total des transports,

soit 200 millions de tonnes (pour la période entre 1970 et 1975), les prixofferts étant de 25, 40* et même 50% moins élevés que ceux fixés par le« Far Eastern Freight Conference » (57). Les voyageurs aux ressourcesmodestes qui font souvent le parcours aérien entre l'Ouest, l'Asie et l'Afriqueconnaissent les prix très bas consentis par Aeroflot, prix inférieurs même à

ceux offerts par les services de Charters et les compagnies capitalistesI.A.T.A. et autres. D'autre part, la concurrence s'exerce dans l'autre senségalement. Ainsi Rockefeller a proposé sa collaboration aux capitalistes del'Allemagne de l'Ouest afin d'empêcher les pays socialistes de faire jouer laconcurrence entre les partenaires capitalistes eux-mêmes (58).

... pour le Sud

Les avantages présentés par les relations économiques Est/ Sud pour lespays sous-développés capitalistes sont aisés à voir. Dans la mesure où leursexportations et les importations effectuées en contre-partie s'ajoutent aux

relations commerciales qu'ils entretiennent avec des pays capitalistes avancéset dans la mesure où ils ne détournent pas leurs exportations contrepaiement en devises fortes vers un commerce bilatéral en devises non-convertibles,es échanges commerciaux Est-Sud représentent pour les pays sous-

développés ou plutôt pour leurs bourgeoisies un gain net pour une grandepart.

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Pour un grand nombre d'auteurs, les exportations vers l'Est ne « détour

nent pas les voies normales du commerce. La réalisation de projets majeursqui, toutes choses restant égales par ailleurs si on peut l'imaginer n'aurait

pas été possible sans l'aide de l'Est, représentent de toute évidence un gainnet pour ceux qui en bénéficiaient. L'aide économique et militaire à destermes relativement favorables des taux d'intérêt plus bas, une périoded'amortissement des emprunts, plus longue , payables bi-latéralement par desmarchandises et non par des devises fortes, l'octroi de subventions, larenégociation favorable de dettes accumulées est naturellement bienaccueillie par ceux qui en bénéficient pour leurs propres besoins écono

miques, politiques et militaires, leur sécurité ou leur développement. D'autre

part, au-delà des avantages directs, l'appui des pays socialistes et l'ouverturequ'il permet renforce la position de ceux qui le reçoivent dans leurs

négociations avec d'autres pays, socialistes ou capitalistes.Les termes du commerce Est-Sud et le coût réel de l'aide reçue d'un

pays « donneur » pour un projet particulier ont longtemps fait l'objet devives controverses. Déjà en 1964, s'adressant au « Séminaire Economique

Afro-Asiatique », à Alger, Che Guevara soulignait que dans la mesure où lespays socialistes commercent avec les pays sous-développés aux prix dumarché mondial établis par les monopoles impérialistes, ils exploitent cesderniers du fait de l'échange inégal tout autant que ne le font les payscapitalistes développés. Les prix pratiqués par le commerce Est-Sud (ainsi que

par les pays socialistes dans leurs propres échanges), notamment pour le

pétrole, ont en général suivi les cours du « marché mondial » quoique avecun certain retard qui cependant s'est considérablement réduit récemment(passant de cinq années à une année depuis 1975). En vérité, d'après uneboutade d'un personnage politique des pays socialistes, quand le mondeentier sera devenu socialiste, la Suisse devra rester capitaliste afin d'établir« les prix du marché mondial » pour le monde socialiste de l'avenir.

Certains secteurs de l'Ouest et des pays sous-développés eux-mêmes et

plus récemment la Chine, accusent avec insistance les pays socialistes de

l'Europe de l'Est d'imputer des prix plus élevés et de payer des prix plus bas

que ceux en cours sur le « marché mondial ». M. Sebastien, observe parexemple :

«Des auteurs comme JJl.Carter, J.Berliner, M.Golman, Vassil Vassilev et KurtMuller, accusent l'Union soviétique de vendre ses marchandises aux pays en voie dedéveloppement à des prix de 15 à 20% plus élevés que ceux pratiqués sur les« marchés mondiaux » et de procéder à des achats de marchandises dans les pays endéveloppement à des prix de 15 à 20% plus bas que les prix mondiaux... Notreanalyse des données disponibles nous oblige à conclure que l'Inde a vendu cher etacheté bon marché à l'Union soviétique. Dans son commerce avec l'Union sovié

tique, l'Inde a été nettement gagnante. Des conclusions analogues sont enregistréespar J. Bhagwati et Padma Desai, le N.C.A.E.R. et Dharm Narain » (59).

Compte tenu de ces dissenssions dont divers autres auteurs consultésnous ont fait part (60), il est difficile de formuler un jugement bien précis

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sur la question. Sébastien note quelques cas isolés d'exportations soviétiquesà l'Inde à des prix surchargés. Des cas analogues se sont produits au Chiliquand Allende était au pouvoir, ailleurs également, mais on ne sauraitconclure qu'ils font partie d'un mode systématique d exploitation qui

s'ajoute à l échange inégal normal entre pays plus ou moins développés. Ceque l expérience nous montre c'est que les pays socialistes de l'Europe

orientale ont adopté les pratiques des « affaires » et sont aussi durs sur lesmarchés du commerce international que tous les autres pays.

Ainsi, après avoir examiné les grands projets soviétiques en Inde où,jusqu'en 1970, 85 % de l'aide soviétique portait sur l'acier, (pour 40%), lepétrole, l'énergie et l'équipement lourd, une étude sur « l'impérialismesocialiste soviétique en Inde » tire les conclusions suivantes :

« Dans le cas de l'Inde également il n'existe pas de différence fondamentale entre lesinvestissements de l'URSS et ceux des divers pays impérialistes ... a) Les impérial

istes ocialistes soviétiques ont réussi à imposer au Gouvernement de l'Inde descontrats inégaux, sans même les garanties commerciales normales (concernant parexemple les délais également « normaux » de livraison des équipements et l'achèvementes projets) ; b) Les machines produites en Union soviétique sont vendues àun prix très élevé (au moins dans les cas bien connus des industries de l'acier deBokara et de trois raffineries de pétrole) ; c) Les ventes de pièces détachées et dematières premières des articles produits à l'aide de l'investissement original, sonttrès profitables au pays ; d) Les projets ne sont pas conçus compte tenu des besoinsgénéraux de l'économie mais compte tenu de la maximisation des ventes ; e) L équipement technique périmé est transféré (le contrôle technologique et la gestion »soviétique étant maintenus jusqu'à l'achèvement du projet) ; f) La technologieindienne n'est pas encouragée et les conditions en Inde ne sont pas prises enconsidération, là même où la technologie indienne et la capacité des installationssont suffisants pour assurer la fourniture des composantes du projet ; g) Le soucifondamental de l'« aide » soviétique est de prendre pied et de combattre les cartelsoccidentaux déjà installés sur place ; de réaliser des surprofits... La politique des

prix de l'Union soviétique consiste à élever les prix après avoir pris pied... la naturecommerciale de la soi-disant « aide » se manifeste par le fait que le remboursementpeut commencer avant même que le projet en soit à l'étape de la production ; parexemple, les crédits pour les industries d'acier de Bokara ont été remboursés avantmême que la production ne commence... L'Union soviétique a par conséquent reçu

jusqu'ici le taux le plus élevé de paiement à une « aide » octroyée près de 75 %contre 12 % pour les USA, 25 % pour le Royaume Uni et 50 % pour l'Allemagne del'Ouest... Jusqu'en 1969, le montant total de l'aide soviétique était de 3,7 % contre19 % pour celui des Etats-Unis » (61).

La question des avantages et des désavantages des relations économiques

Est-Sud doit être examinée également à partir de perspectives plus larges etplus diversifiées. Une de ces perspectives est la participation des payssous-développés capitalistes et socialistes dans la division internationale dutravail. L'UNCTAD observe :

« L'objectif élargi d'une spécialisation Est-Ouest/Sud pourrait contribuer au développement de marchés d'exportation d'objets manufacturés des pays en développement.

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Certaines opérations de production qui ne sont plus économiquement avantageuses àla suite des possibilités ouvertes par l'élargissement de la spécialisation de laproduction Est-Ouest pourraient être transférées aux pays en développement sousdes formes appropriées d'accords de collaboration et de contrats. Les dévelop

pements institutionnels qui ont accompagné la croissance du commerce et desrelations économiques est-ouest peuvent aider à promouvoir l'expansion d'unecollaboration globale et intégrée entre les pays socialistes, les pays occidentaux et lespays en développement » (62).

Par exemple, en Inde, un certain nombre d'accords de « conversion »ont été conclus avec l'Union soviétique dans lesquels le coton acheté parl'URSS au Soudan était fourni aux ateliers indiens, payés à leur tour sous laforme de textiles, extorquant ainsi la plus-value du travail indien. L'insertionde l'Union soviétique et de l'Inde dans la division internationale capitaliste

du travail va cependant plus loin encore. Un autre exemple est le protocoleIndo-soviétique signé le 20 février 1970 :

« Les deux parties ont convenu qu'une étude détaillée serait effectuée au niveau desexperts, aussi rapidement que possible, pour identifier les possibilités d'exportationaux pays du Tiers-Monde des produits manufacturés dans les entreprises indiennesaidées par l'Union soviétique. En particulier, la partie contractante soviétiqueexaminerait les possibilités d'aider l'exportation de Turbo-jets et de pièces détachéesproduits par la « Heavy Electrical Plant » à Hardwar (63).,

D'une part, les pays socialistes, dans leur Déclaration à la Troisième

Conférence de l'UNCTAD à Santiago en 1972, observent que « les causes dela permanence du retard économique des pays en développement se trouventdans la structure actuelle des relations économiques internationales au seindu système économique capitaliste fondé sur une division internationale dutravail périmée et irrationnelle... » (64) de l'autre, à la même conférence, lesvotes des pays socialistes est-européens et en particulier de l'Union soviétiquese sont alignés dans le début (sauf quand ils se sont abstenues) sur ceux despays capitalistes et impérialistes développés conduits par les Etats-Unis, en cequi concerne des problèmes cruciaux. Au cours des diverses conférencesinternationales pour la négociation de lois internationales réglementant

l'exploitation des océans et des fonds sous-marins, la coïncidence des intérêtséconomiques de l'URSS et des Etats-Unis, de l'Allemagne de l Ouest, etc. afait de ces pays des alliés objectifs contre les demandes de protection mises enavant par les pays sous-développés (65). Lors de la dernière Conférence de

l'UNCTAD à Nairobi .

«Malgré l'appréciation enthousiaste de Madame Indira Gandhi, premier ministreindien, de l'aide soviétique aux pays du Tiers Monde... (à son arrivée à Moscou),Kimura, délégué général du Japon a la Conférence de Toshi a été frappé à Nairobipar le fossé entre les déclarations et les actions de Moscou. « L'Union soviétique etle bloc des pays de l'Europe orientale (D. Group) ont exprimé leur sympathie pour

les pays moins développés mais leur attitude n'a pas beaucoup différé de celle duGroupe B (celui des pays développés) sur des sujets spécifiques tels que le fondscommun et les dettes accumulées », les deux points principaux de controverse entre

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les pays sous-développés capitalistes et socialistes ; les seconds exigeant un fondscommun pour financer et stocker les matières premières et un moratoire en ce quiconcerne la dette accumulée, points que les Etats-Unis, l'Allemagne de l'Ouest etl'URSS ont refusé d'accepter » (66).

De même que les intérêts politiques et stratégiques, ces intérêts économiques créent d'étranges liens d'intimité politique. Mais peut-être nedevraient-ils plus provoquer de surprise après la multipolarisation de ladiplomatie du ping-pong. Si nous considérons cette multipolarisation dupoint de vue des pays sous-développés, de leurs mouvements de libération etde leurs peuples, la question des avantages et des désavantages des relationsEst-Sud non moins que celle des relations Ouest-Sud, se présente avec uneforce toute particulière. Récapitulant et introduisant les études sur lesrelations économiques entre pays socialistes et pays du Tiers-Monde réunissous sa direction, Deepak Nayyar écrit :

« Il est intéressant d'observer que l'idéologie économique et les développementspolitiques au sein des pays pauvres jouaient un rôle relativement faible. Lesdéveloppements politiques au niveau international étaient infiniment plus importants. Pour commencer, ce sont des facteurs tels que les rivalités de la guerre froideet les politiques de décolonisation dans les pays du Tiers Monde qui ont cherché àacquérir l'indépendance économique nationale. Plus tard, il s'est agi de l'équilibreinternational du pouvoir dans certaines régions du monde, par exemple, au MoyenOrient et en Asie du Sud » (67).

Et là où la « politique » n'était pas ou n'est pas immédiatementdéterminante, c'est simplement les « affaires ». Car « business is business »(les affaires sont les affaires) comme le Premier Secrétaire d'une ambassadesoviétique en Amérique latine rétorquait à l'auteur de cet ouvrage qui luidemandait pourquoi son gouvernement non content de maintenir, augmentaitencore son commerce avec le Brésil et ses crédits, après l'instauration durégime militaire réactionnaire dans ce pays et le coup d'Etat de 1964. La

même explication s'applique probablement au fait que l'URSS a augmentéses crédits à la Bolivie après le coup d'Etat militaire de Banzer contre lepopuliste Torres (68). La même explication à laquelle s'ajoute la concurrencepolitique avec la Chine et les Etats-Unis, s'applique sans doute aussi à l'aide

économique soviétique au régime de Suharto en Indonésie qui a assassiné500.000 sur les 1.000.000 de membres du plus important parti communistede l'Asie et qui, douze ans après le coup d'Etat militaire,maintient encore enprison sans jugement des dizaines de milliers de personnes. Ce qui n'empêchepas l'Union soviétique de « financer la plus grande partie des travaux deconstruction de deux barrages (coût 100 millions de dollars) et stationshydroélectriques... On sait que Moscou souhaitait des relations élargies avec

l'Indonésie (le plus grand pays du secteur, 132 millions d'habitants) avant lareprise des relations diplomatiques de ce pays avec la Chine » (69). Moscou aégalement accordé une aide économique et militaire à l'Egypte où le parti

communiste était illégal pendant plus de dix ans et ses membres en prison ;l'Egypte a rompu les relations avec l'Union soviétique sur la demande de

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Kissinger et de l'aile droite du gouvernement de Sadate. De même, Moscou amaintenu son appui au président syrien Assad, tandis que les troupessyriennes écrasaient les Palestiniens et la gauche musulmane au Liban avecl'aide américaine et israélienne. Et Moscou a reconnu le régime de Lon Nol

au Cambodge, imposé par les Américains, jusqu'à la onzième heure, avant sachute face aux troupes de libération. Tout ceci et tant d'autres cas encore,d'autre part : les armes fournies par la Chine à la Junta de Pinochet au Chili,l'aide chinoise à l'opposition du F.N.L.A./UNITA, au M.P.L.A. en Angola,mettent sérieusement en question l'aide des pays « socialistes » aux payssous-développés et à leurs peuples.

En général, il semble que la plus grande partie des relations écono

miques Est-Sud tend à renforcer la place des pays sous-développés dans la

division capitaliste internationale du travail et/ou à les promouvoir davantage

encore dans les « nouvelles » directions que le processus de l'accumulationcapitaliste mondiale du capital exige maintenant. Les avantages politiques etéconomiques que les relations économiques Est-Sud accordent aux payssous-développés ne sont pas significativement différents des avantages assuréspar les relations économiques impérialistes et néo-capitalistes entre les payscapitalistes sous-développés et les pays capitalistes développés de l'Ouest. Lesrelations économiques Est-Sud ne semblent pas ainsi particulièrement favoriser la libération des pays sous-développés de la dépendance économique. Pas

plus qu'elles ne favorisent nécessairement la libération politique qu'elles

gênent plutôt en beaucoup trop de cas en prêtant appui aux classesdirigeantes et même aux régimes les plus réactionnaires parmi ces dernières.En ce qui concerne les pays sous-développés capitalistes, les relationséconomiques Est-Sud ne favorisent pas nécessairement les intérêts des classesproductrices exploitées distinctes des classes possédantes plus que ne lefont les relations capitalistes Ouest-Sud.

Les pays qui produisent effectivement les marchandises exportées à l'Est

n'en bénéficient pas particulièrement davantage que si ces marchandisesétaient acheminées vers l Ouest. (Sauf dans la mesure où des possibihtésd'emploi plus nombreuses sont créées). Les importations en provenance des

pays socialistes peuvent parfois être productrices d'un bénéfice global plusimportant pour les masses lorsqu'elles sont destinées à un secteur public maiscela n'est nécessairement pas le cas. Les relations préférentielles Est-Sud avecle secteur public renforcent souvent, économiquement et politiquement, lesecteur le plus progressiste de la bourgeoisie et de ce fait elles peuventassurer à la population des avantages relativement supérieurs, directement parle biais de quelques projets du secteur public, indirectement du fait de cetteinfluence politique progressiste. Cependant, dans la mesure où ces relationséconomiques et autres renforcent le capitalisme d'Etat et l'Etat au service ducapital privé dans les pays sous-développés, ce qu'elles font sans doute endépit de toutes leurs déclarations sur les « sentiers non-capitalistes » de leurdéveloppement, les pays socialistes donnent de ce fait appui et protection aucapital et au capitalisme dans le Tiers-Monde et dans l'ensemble du monde.

8/12/2019 [1977] André Gunder Frank. Vive l'entreprise transidéologique (In: L' Homme et la société, Vol. 45, n° 45-46, págs.…

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(6) Cf. U.N.CT.A.D. Examen des tendances et des politiques en matière de relations commercialesentre pays à systèmes sociaux et économiques différents. Genève, UNCTAD, TD/B/560, juin 30, 1975,p. 114.

(7) Cf. U.N.E.C.E. The European, Economy in 1974, Genève, UNECE, XXX/1 Add. 1, texteprovisoire,

(8) Cf. U.N.E.C.E., « Changements récents dans le commerce européen » in Economie Bulletin forEurope, XXVII, 1975.(9) Cf. U.N.E.C.E. European Economy in 1974, op.cit. Tableaux 3, 14 et pp. 43, 70.(10) Cf. International Herald Tribune, oct. 18, 1976.(11) Ci.Weltwirtswoche, l octobre 1976, p. 16.(12) Cf. International Herald Tribune, juillet 17-18, 1976.(13) Cf. Ibid, 18 octobre 1976. Voir également Frank urterRundschau, 15 juillet 1976.(14) Cf. Deepak Nayyar, « Socialist countries and the Third world. Towards a political economy

of relationship », Conference on New Approaches to Trade, Sussex, Angleterre, Institute of Development Studies, septembre 1975, 3, et UNCTAD, Relations commerciales entre pays à systèmeséconomiques et sociaux différents, Nairobi, UNCTAD, TD 193, mai 1976, p. 7.

(15) Cf. P.G. Calvi, Comecon and the emerging nations, New Delhi, Writers and publishers Co.1971, p. 72.

(16) Ibid. 71, 74. Salvi explique : «d'art mystérieux du commerce détourné est décrit brièvementpar un auteur comme suit : « Quand les Russes ne veulent pas prendre livraison d'un envoi d'orangesmarocaines qu'il se sont engagés à recevoir par contrat commercial bilatéral, ils font appel à unspécialiste des commerces détournés dans un des centres financiers d'Europe et il arrange la revente deces oranges à quelque autre acheteur avec un rabais »... Les revenus des exportations (d'un ou deplusieurs pays en développement) peuvent souffrir quand un des deux partenaires commerciaux (dansun contrat bilatéral) liquide ainsi une partie du produit et altère son prix sur le marché mondial ».

(17) UNECE, « Recent changes in Europe's Trade », op.cit. 27.(18) Carlo, op.cit. 95-96.(19) Cf. Steven Rosefielde, « Factor proportions and economic rationality in Soviet international

trade, 1955-1963 », American Economie Review, LXIV, 4 septembre 1974, 670-681.(20) Cf. Deepak Nagyyar, op. cit. 17-19.(21) U.N.E.C.E., The European Economy in 1974, op.cit. 76-78.

(22) UNECE, Economie bulletin for Europe, op. cit. 41.(23) Wilczynski, op.cit. 382-383.(24) UNCTAD, « The scope of trade-creating industrial cooperation at entreprise level between

countries having different economic and social systems», New York, UNCTAD, TD/112, 20 janvier1972. 8-11.

(25) Ivan Ivanov, « Tripartite industrial co-operation : recent situation, problems and prospects »,Genève, UNCTAD, TAD/SEM, 1/27 12 novembre 1975, 4.

(26) Cf. Calvi, op.cit. 62.(27) Peking Review(28) Voir UNCTAD « Trade relations among countries », op.cit. 10-11.(29) Voir Economic and political Weekly, 17 avril 1976, 244.(30) UNCTAD « International specialisation in industrial production and its impact on the

expansion of trade and economic relations between the socialist countries of Eastern Europe and the

developing countries », Genève, UNCTAD, TSC/«24, 21 janvier 1976, 7-9.(31) UNCTAD, « Tripartite industrial cooperation », Genève, UNCTAD, TAD/SEM, 1/2, 24 nov.

1975, 4-7.(32) UNCTAD, « Tripartite industrial cooperation », op. cit. 16, 17, 24.(33) Guy de Lacharrière, « Le rôle de la coopération Est-Ouest dans le développement de la

coopération tripartite », Genève, UNCTAD TAD/SEM, 1/16, 18 novembre 1975, 7, 4.(34) Ivanov, op.cit. 5, 3.(35) Voir Joyce Kolko, America and the Crisis of the World capitalism , Boston, Beacon Press,

1974, 150-151.(36) Ibid, 159-160.(37) Wilczynski, op.cit. 53.(38) Cité in Ernest Mandel, -Perspectives pour l'économie capitaliste internationale, « Inter

continental Press », juillet 7, 1975, 965.(39) Voir UNCTAD, Trade relations among countries..., » op. cit. ; 14.(40) Voir UNECE, Long term economic growth of East european countries, op. cit. 7.

8/12/2019 [1977] André Gunder Frank. Vive l'entreprise transidéologique (In: L' Homme et la société, Vol. 45, n° 45-46, págs.…

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VIVE L'ENTREPRISE TRANSIDEOLOGIQUE 37

(41) Voir Alexandre Bajit, « Investment cycles in European socialist economies : A review article »,Journal of economic literature, IX, 1, 1971, 55-63.

(42) Voir ibid.(43) UNCTAD, « Trade relations... » op.cit. 1975, 3.(44) UNCTAD, ibid. 1972, 3.(AS) Le Monde, 16 décembre 1975.

(46) Voir UNCTAD, « Trade relations... » op.cit.1975.(47) UNCTAD, « The scope of trade-creating industrial cooperation... » op.cit. 6.(48) Sandor Ausch, « Problems of bilateralism and multilateralism in the external trade and

payments system of the CMEA countries », in L. Vadja and M. Simai, eds. Foreign Trade in a plannedeconomy, Cambridge, Cambridge University Press, 1971, 90-93.

(49) Time Magazine, 26 avril 1976.(50) Edward A. Hewett, « The economics of East European Technology imports from the West »,

American economic Review LXV, mai 1975, 379-380 ; cr. Joyce Kolko, op.cit. 158.(51) Cité dans Business week, 28 septembre 1974, 110.(52) Ibid, 195.(53) Financial Times, 25 février 1975.(54) Ibid, 25 juin, 1974.(55) Ibid, 18 février 1976 et 12 mars 1976.

(56) Business week, 12 janvier 1976 ; Far Eastern economic review, 21 novembre 1975.(57) Far Eastern Economic Review, 13 février 1976:(58) Frankfurter Rundschau, 5 décembre 1975.(59) Economic and political weekly, 1er décembre 1973.(60) Voir Salvi, op.cit. ; Nayyar, op.cit. ; D. Nayyar éd. numéro spécial sur « Relations

économiques entre les pays socialistes et le Tiers Monde » World development, III, 5 mai 1975 ;Sankar De, « Foreign aid and the communist bloc », Economic and political Weekly, X, 50,14 décembre 1975, 1905-1913.

(61) CPI-ML, Soviet social imperialism in India, publication reproduite par la Indian People'sAssociation in North America, Westmount, Quebec, Canada, 1976), 4-5, 10-11 ; le texte entreparenthèses ajouté par l'auteur à partir des pages 3, 10 de cette publication.

(62) UNCTAD, « Trade relations... » op.cit. 1975, 17-18.(63) Voir CPI/ML, op.cit. et « Déclaration des pays socialistes... à la troisième session de la

conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement », Genève, UNCTAD, TD/154,12 avril, 1972.

(64) Ibid.(65) Ceci est encore arrivé à la Caracas Law of the Sea Conference ; voir -.Frankfurter Allgemeine

Zeitung, 6 septembre 1974.(66) Far Eastern Economic Review, 18 juin 1976, 52.(67) Deepak Nayyar, ed. op.cit. 245.(68) Voir El Mercurio, 19 avril 1973. (69)(69) Far Eastern Economic Review, 12 décembre 1975.(70) Voir New India Bulletin, janvier-février 1976, 9.(71) Voir Economic and Political Weekly, 11 oct. 1975.(12)Neue Zuricher Zeitung, 18 mars 1976.

(73) Far Eastern Economic Review, 20 février 1976.(74) Voir Economic and political weekly, 8 décembre 1973.(75) International Herald Tribune, 18 mars 1976.