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1 1 ère évaluation indépendante de la Charte pour la Prévention et la Gestion des Crises Alimentaires au Sahel et en Afrique de l’Ouest Résumé exécutif et messages clés / recommandations aux décideurs Roger Blein et Bio Goura Soulé avec la contribution des consultants nationaux Décembre 2015

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1ère évaluation indépendante de la Charte pour la Prévention et la Gestion des Crises

Alimentaires au Sahel et en Afrique de l’Ouest

Résumé exécutif et messages clés / recommandations aux décideurs  

 

Roger Blein et Bio Goura Soulé

avec la contribution des consultants nationaux

Décembre 2015

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1. La Charte pour la Prévention et la Gestion des Crises Alimentaires au Sahel et en Afrique de l’Ouest (« dite Charte PREGEC ») a été adoptée à Conakry en 2011, dans le cadre du processus de révision de la Charte de l’aide alimentaire, puis soumise et adoptée par le Sommet des Chefs d’Etat de la CEDEAO1. Elle engage les 17 pays membres de la CEDEAO, de l’UEMOA et du CILSS.

2. La charte comprend un ensemble de principes généraux, complétés par des principes spécifiques et des engagements des différentes parties prenantes (Etats, OIG, OSC, PTF), structurés autour de 3 piliers : (i) l’information et l’analyse de la situation alimentaire et nutritionnelle ; (ii) la concertation et la coordination, et (iii) l’analyse consensuelle pour le choix des instruments de prévention et de gestion des crises alimentaires nutritionnelles.

3. Parmi les parties prenantes, la charte PREGEC n’a été adoptée formellement que par les Etats membres de la CEDEAO. Il n’existe pas de procédure d’adhésion explicite aux engagements des différentes parties prenantes. Par conséquent, on ne connaît pas quelles ONG, quelles organisations internationales ou quels partenaires techniques et financiers se sont engagés à respecter la Charte PREGEC.

4. Cette première évaluation externe vise à mesurer le degré de mise en œuvre des principes et engagements pris par les différentes parties prenantes depuis son adoption. Elle est focalisée plus particulièrement sur trois questions décisives qui constituent autant d’objectifs spécifiques de l’évaluation :

a. L’analyse de la cohérence et de l’efficacité d’ensemble du dispositif de gouvernance de la SAN ;

b. L’évaluation de l’effort souverain des Etats et de leurs OIG dans trois domaines essentiels : (i) l’information et l’analyse ; (ii) la concertation et la coordination ; et (iii) le choix des instruments de prévention et de gestion des crises alimentaires et nutritionnelles ;

c. L’évaluation de la gestion de la crise 2012 et de l’efficacité de la réponse.

5. L’exercice d’évaluation s’est avéré délicat pour cinq raisons principales : (i) la région ne s’est pas dotée d’une situation de référence « année 0 » commune aux différents pays et permettant de mesurer les progrès accomplis ; (ii) la Charte n’est pas accompagnée d’une batterie d’indicateurs de suivi, de résultats et d’impacts consensuelle et adoptée par les parties prenantes ; (iii) les dispositifs de suivi-évaluation de la SAN sont déficients tant au niveau national que régional ; (iv) la Charte reste méconnue d’une très large majorité des parties prenantes ; et (v) à la différence de la Charte de l’aide alimentaire, ciblée sur un seul instrument d’assistance alimentaire en réponse aux crises conjoncturelles, la Charte PREGEC a un périmètre très large. Elle couvre en effet les dimensions structurelles de la sécurité alimentaire et nutritionnelle (et les multiples politiques sectorielles concernées), les situations de crise conjoncturelle, ainsi que le processus de réhabilitation post-urgence. Son évaluation concerne un champ très large de l’action publique au niveau national, régional et international.

6. L’évaluation repose sur 17 évaluations nationales (CEDEAO + Mauritanie et Tchad), une évaluation des dimensions régionales de la sécurité alimentaire et nutritionnelle et de la prévention –gestion des crises. Compte tenu du contexte, elle a été mise à profit pour esquisser une situation de référence qui pourrait faciliter les évaluations ultérieures. Cette situation de référence concerne principalement : (i) les

                                                                                                                         1  40ème Sommet ordinaire des Chefs d’Etat et de Gouvernement – 16 et 17 février 2012.

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dispositifs de concertation, dialogue et coordination ; (ii) les dispositifs d’information ; (iii) les dispositifs et instruments de réponse aux crises.

7. Toujours en raison de l’absence de situation de référence et de la très grande diversité/disparité des situations nationales, l’évaluation privilégie une analyse du processus enclenché dans les pays et la région, par les différentes parties prenantes, dans le sens du respect (ou non) des engagements contenus dans la Charte autour des différents piliers.

Objectif spécifique 1 : Analyse de la cohérence et de l’efficacité d’ensemble du dispositif de gouvernance de la sécurité alimentaire et nutritionnelle en référence aux principes généraux de la Charte

Rappel des principes et engagements de la Charte relatifs au dispositif de gouvernance

- La nécessité d’impliquer les organisations environnementales, sociales et économiques, les populations à la base et la société civile dans l’évaluation de la situation alimentaire et nutritionnelle, dans la définition des actions, la mise en œuvre et l’évaluation de celle-ci.

- La nécessité d’établir des stratégies d’intervention initiées au niveau local et coordonnées par les institutions nationales et régionales (…)

- La cohérence, en inscrivant les interventions dans le cadre des choix de politique et mécanismes des Etats, des communautés et des institutions régionales, qu’il s’agissent des actions de développement durable ou des opérations d’urgence

Les constats

8. Les dispositifs nationaux de gouvernance de la SAN ont deux caractéristiques principales dans la plupart des pays : (i) l’intégration des principaux secteurs, départements ministériels et institutions et (ii) l’inclusion des différentes parties prenantes. Sur ce plan, les organisations de producteurs sont variablement prises en considération, alors que la société civile est souvent assimilée aux seules ONG internationales actives dans l’assistance alimentaire.

9. Les dispositifs régionaux distinguent les organes consultatifs et les organes décisionnels. Les organes consultatifs (PREGEC/RPCA, CCAA/ECOWAP ou équivalent, etc.) sont généralement inclusifs sur le plan des parties prenantes impliquées. S’ils ont intégré les enjeux liés à la nutrition et au changement climatique, ils n’intègrent que faiblement certains secteurs essentiels : l’action sociale et humanitaire, le commerce, le secteur privé. Les organes décisionnels – de niveau ministériel (HC-SAN/UEMOA, CMS-AERE/CEDEAO)- s’appuient sur les informations fournies par les organes consultatifs. En matière de PGCA, la CEDEAO et l’UEMOA se réfèrent explicitement aux analyses et alertes fournies par le dispositif PREGEC.

10. Le périmètre des dispositifs varie selon les pays. Dans la plupart des pays, les dispositifs sont portés par un Conseil National de Sécurité Alimentaire (ou équivalent). On distingue deux cas de figure :

i. Les pays sahéliens qui ont historiquement des dispositifs complets traitant de la SAN structurelle et de la gestion des crises conjoncturelles (PGCA). Selon les pays, ces deux dimensions sont traitées dans un dispositif unique ou dans deux dispositifs dédiés et complémentaires.

ii. Dans les pays côtiers du Golfe de Guinée, la situation est plus complexe. La plupart mettent en place des dispositifs centrés sur la gestion des crises conjoncturelles. Les enjeux structurels de la SAN étant gouvernés par le Comité d’orientation stratégique du PNIA.

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11. L’ancrage politique et institutionnel des dispositifs est lui aussi très variable. Trois grands cas de figure se distinguent : (i) rattachement à la Présidence de la République ; (ii) rattachement à la Primature ; et enfin, (iii) rattachement auprès du Ministre de l’Agriculture/développement Rural.

12. L’ancrage technique du SE/SP2 du dispositif relève lui aussi de trois cas de figure principaux : (i) logement au niveau de la Présidence ; (ii) au niveau de la Primature, (iii) au niveau du Ministère de l’agriculture/développement rural (cas le plus fréquent).

13. Dix sept pays, dix sept configurations institutionnelles différentes, mais dans la plupart des cas, les dispositifs interministériels et multi-acteurs en charge de la sécurité alimentaire (et nutritionnelle) sont mis « en tension » avec plusieurs autres dynamiques :

a. Pour les dimensions structurelles de la SAN :

i. Le Mouvement Scaling Up Nutrition (SUN), auquel la plupart des pays adhèrent, et qui s’accompagne d’un dispositif équivalent centré sur la nutrition, et dont la sécurité alimentaire est une des composantes3 ;

ii. Le Comité de pilotage du PNIA ;

iii. Les dispositifs interministériels liés à l’environnement, la lutte contre la désertification, le changement climatique, etc. ;

b. Pour les dimensions conjoncturelles et la gestion des crises :

i. Le dispositif de réduction des risques de catastrophes et de protection civile ;

ii. Les dispositifs ciblés sur la protection sociale et la réduction de la vulnérabilité des plus pauvres.

Ces dispositifs se recoupent largement, impliquent généralement les mêmes acteurs et les mêmes structures publiques, mais se réfèrent à des cadres et engagements internationaux différents.

14. Malgré le développement des dispositifs nationaux et régionaux qui associent organisations internationales et ONG, le système des Nations Unies dispose de son propre mécanisme de concertation et de coordination, à travers les clusters au niveau national et à travers le « Groupe de Dakar » coordonné par OCHA au niveau régional, et auquel les grandes ONG internationales sont associées. Les institutions régionales ne sont pas impliquées dans les travaux du Groupe de Dakar. Un MOU a été signé entre le CILSS et le SNU mais n’a pas été communiqué à l’équipe d’évaluation, pour pouvoir en juger la portée future.

Les analyses

15. Dans plusieurs pays côtiers, les dispositifs ne sont pas opérationnels et les Etats intègrent la « dimension alimentaire » des crises dans le dispositif Réduction des Risques de Catastrophes (RRC) centré sur les crises humanitaires globales et généralement logé au sein des ministères de l’intérieur et de la protection civile. Une certaine confusion règne entre les dispositifs et institutions chargées respectivement de l’action humanitaire d’urgence et de la gestion des crises alimentaires, et qui affectent l’efficience, l’efficacité, et la réactivité des dispositifs.

16. Les dispositifs rattachés à la Présidence ou à la primature ont une plus grande capacité d’implication et de coordination intersectorielle. En revanche, le rattachement au ministère de l’agriculture affaiblit la capacité de mobilisation intersectorielle.

                                                                                                                         2 Secrétariat Exécutif/Secrétariat Permanent 3 Cf. Mokoro Ltd. Evaluation globale indépendante du Mouvement pour le Renforcement de la Nutrition. Rapport final ; Janvier 2015.

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17. En dépit du caractère multisectoriel que présentent les dispositifs, ils peinent à intégrer la complexité des enjeux nutritionnels ou de la protection sociale. Dans certains pays, la prise en charge de la nutrition conduit à mettre en place des dispositifs interministériels spécifiques, distincts de la sécurité alimentaire, ancrés au niveau de la Primature ou du Ministère de la santé.

18. D’une façon générale, l’ampleur du champ thématique couvert par les dispositifs nationaux de concertation (IA chronique et conjoncturelle + URD avec approche multisectorielle) combiné avec les fonctions ou le périmètre d’actions (information, concertation, alerte, coordination, préparation et mise en œuvre des réponses aux crises, suivi-évaluation), et le tout conduit sur une base inclusive et participative, induisent des dispositifs complexes, difficiles à faire fonctionner, et qui entrent souvent en concurrence partielle avec d’autres dispositifs intersectoriels. Si les dispositifs ont gagné en inclusivité et en participation des acteurs, que ce soit au niveau national ou régional, l’efficience et l’impact de ces évolutions institutionnelles restent à démontrer.

19. Le leadership national est directement lié à la contribution de l’Etat au financement du dispositif, et à sa capacité à « discipliner » les différentes parties prenantes. Il dépend aussi du degré d’acceptation par ces dernières de la responsabilité première de l’Etat et du Gouvernement.

20. Compte tenu de l’importance de leur contribution directe ou indirecte dans la réponse aux crises, les agences spécialisées des Nations Unies assument un leadership implicite dans la réponse aux crises dans une majorité de pays. Cette situation est confortée par la faiblesse des dispositifs nationaux de gestion des crises, tant au niveau national que régional. Jusqu’alors, le niveau régional animait des dispositifs d’information et d’alerte (PREGEC/CILSS – Cf. infra) mais ne disposait pas d’instruments de réponse dédiés à la gestion des crises alimentaires et nutritionnelles. Ce déficit est en voie d’être comblé avec la mise en place de la Réserve Régionale de Sécurité Alimentaire.

21. Les impératifs de coordination interne au système des Nations Unies apparaissent comme difficilement compatibles avec les objectifs d’alignement sur les dispositifs nationaux et régionaux.

22. Bien que les situations nationales soient extrêmement diverses, il ressort globalement que l’efficience et l’efficacité des dispositifs sont affectées dans de nombreux pays par :

a. l’instabilité des dispositifs, la difficulté d’établir un organigramme clair, la superposition de plusieurs comités à vocation intersectorielle ou interministérielle ;

b. la forte mobilité des représentants des parties prenantes, d’où un problème important de « gestion de la mémoire », de continuité de l’action et d’internalisation des compétences et capacités.

Messages clés aux décideurs

MC1. A la CEDEAO, l’UEMOA et aux Etats : Clarifier le schéma global et l’architecture du dispositif de prévention, réduction des risques et gestion des catastrophes et préciser la place de la dimension « crises alimentaires et nutritionnelles » dans ce dispositif global.

MC2. Aux Etats : Sur le plan des politiques structurelles, privilégier un dispositif arrimé au plus haut niveau de la coordination gouvernementale (Primature, Vice Présidence) et intégrant les principales dimensions de la sécurité alimentaire ET nutritionnelle.

MC3. Au SNU et aux ONG : Aligner systématiquement leurs actions dans les quatre domaines : (i) le dispositif de gouvernance, (ii) les systèmes d’information et l’analyse, (iii) les mécanismes d’alerte

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et de mobilisation des ressources, (iv) la coordination-gestion des interventions, sous le leadership des institutions régionales et nationales

Objectif spécifique 2 : Evaluation de l’effort souverain des Etats et de leurs OIGs dans la pérennisation de SI-SAN efficaces et de cadres de dialogue/concertation, dans le renforcement de la solidarité régionale et la recherche de solutions structurelles durables aux crises alimentaires et nutritionnelles chroniques

Dans le domaine de la pérennisation des systèmes d’information sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle

Rappel des principaux principes et engagements de la Charte relatifs à l’information

- Collecter, traiter et analyser les données suivant des critères et méthodologies harmonisées reconnus par les Etats

- Disposer de systèmes d’information et d’analyses fonctionnels et pérennes (enquête agricole, suivi de la campagne, suivi des marchés, suivi et analyse des moyens d’existence des ménages, situation nutritionnelle) permettant de produire à temps des diagnostics complets et de qualité sur l’insécurité alimentaire, les risques et les capacités des différents groupes de population à y faire face (…)

- Créer les synergies nécessaires pour la réalisation de diagnostics partagés, tout en valorisant la diversité des sources d’information (…)

- Compléter les diagnostics conjoncturels par une information régulière et des analyses approfondies (…)

Engagements Etats et OIG :

- Produire régulièrement et à temps l’information fiable nécessaire à la prise de décision

- Coopérer pour soutenir la mise en place /le renforcement de SI opérationnels et efficaces, ancrés dans les institutions nationales et régionales

- Assurer à ces systèmes d’information et d’alerte précoce un financement pérenne et un ancrage institutionnel approprié

- Conforter la fiabilité, l’indépendance et l’accessibilité de l’information par (i) l’élaboration d’un guide de référence consensuel (sur les règles de production statistique, vérification, dissémination), (ii) la mise en place d’une procédure de contrôle qualité indépendante de l’information

- Promouvoir les recherches permettant d’améliorer la compréhension et l’anticipation des risques, d’approfondir la connaissance des stratégies d’adaptation et améliorer l’analyse de vulnérabilité (…) et Promouvoir le dialogue entre acteurs et institutions sur ces questions

Engagements des Etats, PTF et OSC :

- Coopérer en vue d’éviter les duplications dans la production d’information (…) et produire des analyses conjointes de la vulnérabilité sur la base de méthodologies harmonisées et consensuelles permettant de formuler des recommandations appropriées à l’attention des instances décisionnelles nationales, régionales et du SNU

- Partager l’information produite au sein des dispositifs de concertation et de coordination afin de privilégier les efforts d’harmonisation des analyses qui en découlent (…)

Engagements spécifiques des OSC :

- Soutenir l’ancrage institutionnel des systèmes d’information pour une plus grande durabilité et l’appropriation par les acteurs locaux

- Jouer le rôle de veille et d’interpellation des intervenants pour un meilleur fonctionnement du dispositif national

Engagements spécifiques des PTF :

- Soutenir les initiatives des gouvernements, OIG et OSC en matière de production, d’harmonisation et d’amélioration de la qualité de l’information

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- Aligner leurs interventions sur les priorités des Etats et des OIG et les coordonner afin de renforcer les efforts déployés par les Etats pour se doter de dispositifs d’information pérennes et fonctionnels

Les constats

23. Depuis le début des années 80, beaucoup d’efforts ont été consentis pour doter les pays sahéliens de systèmes d’information et d’alerte précoce performants4. Mais depuis 15 ans, les partenaires internationaux se sont fortement retirés du financement de ces dispositifs, les Etats s’engageant à internaliser les coûts dans le budget national. Dans le même temps, les appuis méthodologiques et accompagnements du CILSS ont été étendus aux pays côtiers du Golfe de Guinée à la demande de la CEDEAO et de l’UEMOA.

24. L’évolution du cadre d’analyse de la vulnérabilité et des crises alimentaires conjoncturelles est concrétisée par l’adoption et la mise en œuvre dans la plupart des pays (16 pays et extension au Nigeria en cours) du Cadre Harmonisé. Résultat d’un long processus d’élaboration méthodologique (12 ans), l’approche Cadre harmonisée est très proche et comparable à la méthode IPC 2.0, fédérant les organisations internationales et les grandes ONG. Il représente par conséquent une méthodologie spécifique à la région, conçue par ses institutions, tout en étant compatible et en s’insérant dans les approches et méthodes internationales.

25. Différentes méthodologies ont été développées au cours des dernières années et permettent de mieux appréhender les risques. C’est notamment les méthodes de suivi de la biomasse pastorale qui permettent d’anticiper les crises pastorales. C’est aussi le cas des enquêtes sur l’économie alimentaire des ménages (HEA) qui ont permis d’établir des profils, de déterminer les facteurs de risques et de suivre l’évolution des moyens d’existence des différentes catégories de ménages. Ces méthodologies sont introduites progressivement dans les SAP au niveau national et internalisées au niveau régional.

26. Alors que la région a accusé un retard très important dans la prise en compte de la malnutrition infantile, c’est finalement sur ce champ que l’information a connu les progrès les plus importants. Une majorité de pays ont systématisé l’enquête SMART, avec l’appui de l’UNICEF. Ceci s’est accompagné d’une assez forte internalisation du dispositif d’enquêtes et de traitement des données par les Ministères de la santé, généralement chargés de la nutrition.

27. Au niveau régional coexistent plusieurs dispositifs d’information (SIAR/UEMOA, ECOAGRIS/CEDEAO, Centrale d’information/CILSS, RESIMAO). Aucun n’est complètement fonctionnel et régulier, et les bases de données régionales ne sont pas facilement accessibles et exploitables par les parties prenantes.

28. Les institutions régionales ont cependant adopté un protocole de coopération (juin 2013) qui devrait rationaliser la constitution et la gestion des bases de données, la production d’analyses et l’aide à la décision. Mais ce protocole tarde à être opérationnalisé.

Les analyses

29. Très peu de pays disposent d’un système d’information complet comprenant l’enquête agricole et le suivi de la campagne agro-pastorale, le suivi des prix et l’approvisionnement des marchés pour les principaux produits alimentaires de base, le suivi des revenus et des moyens d’existence des ménages, le suivi de la nutrition, etc. Seuls le Mali, le Niger, le Burkina Faso, le Sénégal, le Cap Vert et dans une moindre mesure la Mauritanie et le Tchad, disposent de systèmes relativement complets

                                                                                                                         4 Enquête permanente agricole, Suivi de la campagne (GTP), SIM, SAP

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même s’ils peuvent encore être améliorés (régularité, complétude, fiabilité, rapidité de traitement des données, capacités d’analyse, etc.). Pratiquement aucun pays n’est parvenu à passer du bilan céréalier au bilan alimentaire sur des bases suffisamment fiables pour constituer une véritable aide à la décision.

30. La politique d’extension des appuis aux SISAS dans les 17 pays se heurte à quatre problèmes récurrents : (i) les problématiques alimentaires (importance des facteurs, risques, etc.) des pays côtiers forestiers sont différentes de celles des pays sahéliens, et les méthodologies n’ont pas été suffisamment « adaptées » (cas de l’enquête agricole, des SIM, des SAP) ; (ii) les trois OIG ne se sont pas dotées d’un diagnostic complet et détaillé de l’état des SISAS, pour établir une stratégie de mise à niveau différenciée selon les besoins et les capacités des pays ; (iii) les efforts de renforcement des systèmes d’information, notamment via ECOAGRIS, privilégient le niveau régional et n’investissent pas suffisamment au niveau des systèmes nationaux, qui sont pourtant le socle du dispositif régional, et enfin (iv), la faiblesse des dispositifs nationaux ne permet pas aux pays de s’autonomiser suffisamment vis-à-vis du niveau régional (les experts du CILSS doivent systématiquement intervenir dans tous les pays pour l’établissement de la carte du CH par exemple).

31. La mise en œuvre du CH est considérée comme un progrès considérable pour trois raisons : (i) elle repose sur un processus inclusif et est fondé sur la recherche du consensus (bien que les OP soient faiblement impliquées) ; (ii) elle améliore très clairement l’analyse des facteurs de risques à un niveau administratif infranational (niveau 3 généralement) ; (iii) elle introduit une comparabilité des analyses entre les pays.

32. Les systèmes d’information, dans une très large majorité de pays, ne sont pas en capacité de fournir les données qu’exige le Cadre Harmonisé pour que les résultats soient indiscutables. Or, la carte régionale publiée ne précise pas le degré de fiabilité des indicateurs à la base de l’établissement du diagnostic. L’exploitation des facteurs contributifs ne corrige pas systématiquement cette grande difficulté des SISAN à nourrir les quatre indicateurs de résultats. Les « dires d’acteurs » ne peuvent pas être considérés comme palliant avec rigueur les déficiences des systèmes d’information. Cependant de nombreux pays disposent désormais d’enquêtes nutritionnelles qui permettent de renseigner au moins un indicateur de résultat. Face à l’incomplétude des données issues des systèmes d’information « traditionnels » de la SA (production, marchés, accessibilité, moyens d’existence, etc.), ce sont les données nutritionnelles qui permettent de nourrir le Cadre harmonisé au niveau des indicateurs de résultats, lorsqu’elles sont disponibles. Ce diagnostic est partagé par les institutions impliquées5.

33. La qualité et la fiabilité des données sont un sujet de préoccupation majeure pour la majorité des parties prenantes. Elles affectent, non seulement la production de la carte du CH, mais aussi le pilotage et le suivi-évaluation des politiques de SAN, des programmes de renforcement de la résilience, les programmes de filets sociaux, etc.

34. C’est dans le domaine de l’accès à l’alimentation que les parties prenantes jugent le dispositif d’information le plus faible. La situation s’est cependant améliorée avec l’extension des enquêtes HEA, mais elles requièrent des moyens importants et n’ont pratiquement pas été développées, ni dans les pays côtiers, ni en milieu urbain. Des travaux sont en cours pour identifier des méthodologies adaptées à l’appréciation de al vulnérabilité en milieu urbain pauvre.

                                                                                                                         5 Cf. Fiche régionale du CH- Situation courante (mars-mai 2015) et projetée (juin-août 2015). Section « méthodologie et difficultés dans l’analyse ». Agrhymet/CILSS.

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35. Les institutions régionales ne diffusent pas une information systématique, intégrée et régulière sur la situation alimentaire et nutritionnelle. Il existe une multiplicité de bulletins, parfois réalisés conjointement, souvent thématiques (bulletins agrométéo, marchés, etc.) réalisés par le CILSS (SE, CRA, INSAH), le PAM, la FAO, FEWSNET, RESIMAO mais aucun site n’offre un accès structuré à cet ensemble de produits. L’accès le plus complet à l’information est fourni par OCHA, ce qui pose un problème évident d’expression du leadership régional. Le site food-security.net (http://www.oecd.org/fr/sites/rpca/) qui se voulait un espace de partage de l’information et de production de synthèses en appui à la décision (NISA) dans le cadre du RPCA n’a pas non plus réussi à fédérer les producteurs et analystes de l’information. L’existence de liens vers ces différents sites ne suffit pas à offrir une vision intégrée de la situation alimentaire et nutritionnelle en Afrique de l’Ouest.

36. La mise en œuvre d’ECOAGRIS constitue une opportunité très importante de progresser rapidement sur le champ de l’information nationale et régionale. Mais il est essentiel de considérer que tout système régional repose avant tout sur les systèmes nationaux, et d’y accorder par conséquent l’attention qu’ils requièrent.

Messages clés aux décideurs

MC4. A la CEDEAO et l’UEMOA : Réaliser un diagnostic approfondi de l’état des systèmes d’information nationaux, et établir une stratégie de renforcement et une feuille de route permettant de différencier et d’adapter les appuis régionaux et internationaux.

MC5. A la CEDEAO, l’UEMOA, les Etats et les PTF : Soutenir fortement et dans la durée les systèmes d’information nationaux et régionaux (considérés comme des biens publics) incluant le développement des capacités d’analyse pour crédibiliser dans la durée le Cadre Harmonisé.

MC6 : A la CEDEAO, l’UEMOA et aux Etats : Affirmer le leadership national et régional, et mobiliser les ressources financières, humaines, en appui aux institutions nationales et régionales

MC7. Aux Etats : Valider la charte de qualité de l’information proposée par le CILSS et mettre en place le mécanisme de contrôle qualité au niveau régional.

Dans le domaine de la promotion des cadres de dialogue et de concertation

Rappel des principes et engagements de la Charte relatifs aux dispositifs de dialogue et de concertation

Deux principes structurent cette section de la Charte PREGEC consacrée à la concertation et la coordination : (i) le principe de responsabilité des Gouvernements et des OIG de prendre des décisions relatives aux interventions nécessaires et de s’assurer de leur mise en œuvre ; (ii) le principe de participation, avec l’implication de tous les acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux, notamment les OSC, dans le processus de dialogue, concertation et prise de décision.

Sur cette base les parties se sont engagées à :

- Soutenir techniquement et financièrement la mise en place d’instances pérennes de dialogue et de concertation, et de promouvoir la diversité et la représentativité des différentes catégories d’acteurs (…) ;

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- Veiller à ce que chaque pays dispose d’une instance unique ou dispositif national de concertation (…) en charge notamment de diffuser l’information. Tout intervenant s’engage à inscrire son action dans le cadre des décisions prises au sein de cette instance ;

- Participer au moins deux fois par an à des sessions d’évaluation de la situation alimentaire et nutritionnelle dans le cadre des dispositifs nationaux de concertation ;

- Promouvoir la transparence dans la préparation des recommandations à approuver au sein des dispositifs nationaux ;

- Respecter strictement les décisions prises au sein des dispositifs nationaux de concertation en vue de garantir l’efficacité de l’action collective ;

- Encourager les déclarations et les communiqués conjoints (Gouvernements, OSC, PTF) sur la situation alimentaire et nutritionnelle.

Les constats

37. Dans les pays sahéliens membres du « CILSS historique », les dispositifs PGCA sont relativement stabilisés, associent les différents ministères, les partenaires techniques et financiers, et fréquemment les acteurs de la société civile (ONG, OP). Ils sont placés sous la tutelle de la Présidence de la République ou de la Primature, parfois encore sous celle du Ministère de l’agriculture.

38. Ces dispositifs nationaux de concertation couvrent généralement les dimensions structurelles de la SAN et la gestion des crises conjoncturelles. Mais leur structure exécutive est généralement trop faible ou aléatoire pour que l’ensemble des prérogatives des Conseils nationaux soient complètement assumées. Par ailleurs, ces dispositifs se heurtent aux prérogatives d’autres comités, eux aussi interministériels/, multi-acteurs, etc. : c’est le cas du PNIA pour la politique agricole, de la nutrition, etc.

39. Hormis dans le cas du Mali dont le fonctionnement du dispositif repose pour l’essentiel sur les financements inscrits au budget de l’Etat, dans la plupart des pays les dispositifs restent fortement soutenus par les financements internationaux. Leur fonctionnement est par conséquent variable : d’une façon générale, ils sont réactivés en cas de crise et traitent peu les dimensions structurelles de la SAN (prises en charge par les comités PNIA et SUN).

40. Dans les pays côtiers, les dispositifs sont nettement moins clairs et encore moins fonctionnels. Ils sont généralement plus dépendants des dispositifs d’urgence ou humanitaires, sous la tutelle des Ministères de l’intérieur et de la protection civile, ou de la solidarité / action - protection sociale. Les crises alimentaires s’inscrivent souvent dans des crises humanitaires globales (inondations, conflits/déplacements) qui imposent une réponse complète (accueil, hébergement, santé, alimentation, eau, etc.).

41. Dans la plupart des pays et au niveau régional, cohabitent les mécanismes de coordination impulsés par l’Etat et les mécanismes de coordination de la communauté humanitaire impulsés par le SNU (Clusters). Le degré de coordination entre les deux processus est variable. Dans les pays côtiers, le leadership réel, notamment dans la gestion des réponses aux crises, apparaît souvent comme plutôt exercé par le coordonnateur humanitaire du SNU.

42. Au niveau régional, le dispositif (cycle PREGEC) est centré sur la consolidation des diagnostics nationaux et la production d’un diagnostic régional (désormais la carte du CH et la note d’information) assorti en fonction de l’étape du cycle PREGEC d’analyses spécifiques sur les productions, les marchés, etc.

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43. Le dispositif régional n’est pas en capacité d’évaluer globalement les besoins d’assistance, de déterminer les outils à mobiliser et d’évaluer les gaps entre les besoins et les appuis d’ores et déjà mobilisées dans le cadre des plans de réponse nationaux.

44. Le RPCA qui prolonge le cycle PREGEC et assure l’interface avec la Communauté internationale a considérablement évolué depuis l’adoption de la charte PREGEC. Il est formellement porté par les deux OIG d’intégration, dont il est un des outils de concertation et de dialogue. Les parties prenantes impliquées se sont diversifiées (OP, ONG) et sa capacité de convocation s’est fortement accrue (Ministres, PTF, OI).

Les analyses

45. Il existe un énorme besoin de rationalisation des dispositifs à la lumière de la diversité des enjeux cités supra en matière d’articulation de l’action humanitaire par rapport aux enjeux spécifiques de PGCA, et à la lumière des capacités institutionnelles, humaines et financières des pays. Non connue des acteurs, la Charte n’a pu représenter un guide dans ce domaine.

46. De nombreux pays ont prévus des organes décentralisés des dispositifs nationaux, tant pour l’information (comités SAP) que pour la préparation et la mise en œuvre de la réponse. Peu de pays parviennent à faire fonctionner ces échelons décentralisés de façon régulière, participative, etc. Ces échelons décentralisés ne bénéficient pas de moyens suffisants et dans ces conditions remplissent difficilement leurs missions.

47. Le champ du post-urgence ou de la réhabilitation est souvent l’objet de conflits de prérogatives entre le Dispositif de gestion des crises et le Ministère de l’agriculture et/ou de l’Elevage. Il en va parfois de même avec toutes les actions d’atténuation ou de prévention (promotion des cultures de contre saisons, appuis aux banques de céréales, etc.).

48. Des progrès importants ont été accomplis pour construire un consensus sur le diagnostic de la situation alimentaire. Les divergences d’analyse sur la malnutrition infantile, entre les acteurs nationaux/régionaux et les organisations internationales/ONG ont été progressivement aplanies. Le CH a joué un rôle important dans cette évolution.

49. Mais en revanche, la coordination fait encore cruellement défaut dans de nombreux pays en matière de gestion de la réponse à la crise. Les dispositifs nationaux ne canalisent et ne gèrent souvent qu’une faible part de la réponse, alors que celle-ci est principalement acheminée par les NU et les ONG. Le degré de coordination effectif sur le plan de réponse, le choix des outils, le ciblage est extrêmement variable.

50. Au niveau régional, si le RPCA est désormais en capacité de mobiliser les décideurs au niveau ministériel, et en capacité d’assurer le portage et l’animation de certains processus (AGIR), son rôle et son efficacité dans l’alerte et la coordination des réponses apparaissent plus discutables. Il n’est pas en capacité de produire un plan de réponse régional et d’organiser la concertation et la coordination des parties prenantes autour de ce plan de réponse, et est souvent réduit à formuler des recommandations très générales, jugées peu utiles par les décideurs interrogés. Ceci s’explique de trois façons : (i) le niveau national reste le niveau privilégié pour la quantification des besoins en réponse à une crise, et le principal niveau d’organisation du dialogue entre les acteurs nationaux et la Communauté internationale, (ii) la centralisation des besoins nationaux et l’estimation des gaps à couvrir est précisément le mandat que s’est doté le Groupe de Dakar animé par le SNU (OCHA), et enfin, (iii) il n’existait pas jusque là de capacité régionale de réponse aux crises, hormis sous forme de dotations financières des OIG. On peut ajouter à cela qu’il existe d’autres cadres de dialogue multi-acteurs, en

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particulier dans le cadre du pilotage et de la mise en œuvre de la politique agricole régionale, avec l’ECOWAP Donors Group.

Messages clés aux décideurs

Cf. MC1 à MC3

MC8 : A la CEDEAO, l’UEMOA : Harmoniser l’architecture institutionnelle régionale et les cadres de politique de référence en matière d’agriculture, de sécurité alimentaire et de nutrition, pour éviter les redondances et améliorer l’efficience globale du dispositif.

Dans le domaine du renforcement de la solidarité régionale

Rappel des principaux principes et engagements de la Charte relatifs au renforcement de la solidarité régionale

Peu de dispositions et d’engagements de la Charte PREGEC font référence à cette notion de solidarité régionale. On peut cependant considérer que les engagements suivants s’y rattachent :

- Promouvoir en priorité le renforcement et/ou la mise en place et le bon fonctionnement des réserves alimentaires aux niveaux local-communautaire, national et régional

- Privilégier les achats locaux selon les disponibilités et les opérations triangulaires. Pour ces dernières, privilégier les marchés sous régionaux et régionaux ;

Les gouvernements s’engagent à

- fournir les informations sur les surplus (…) afin de faciliter les achats locaux ou triangulaires

- s’abstenir de toute restriction sur les achats locaux ou triangulaires (…) et respecter la liberté du commerce alimentaire régional

Les OIG s’engagent à :

- renforcer l’action des Etats par des mécanismes régionaux d’assistance et de gestion des crises (…)

Les constats

51. La promotion de la solidarité régionale a été canalisée à travers deux dynamiques principales :

a. La mise en réseau des institutions en charge de la gestion des stocks nationaux de sécurité et l’adoption en 2012 d’un cadre de coopération incluant le principe d’une mutualisation de 5% du stock national en vue d’une mobilisation au profit d’un autre pays en cas de crise.

b. La mise en place de la Réserve Régionale de Sécurité Alimentaire, considérée comme une 3ème ligne de défense et incluant des appuis aux deux premières lignes : les stocks de proximité et les stocks nationaux de sécurité.

52. Sur le plan de la facilitation du commerce, deux grands types d’initiatives ont été déployés :

a. D’une part, à travers l’organisation annuelle de la « CORPAO », la Conférence régionale sur la dynamique des marchés en Afrique de l’Ouest qui réunit les Etats, les OP et les opérateurs céréaliers principalement. Cette conférence préfigure une forme de bourse régionale (dont la création est toujours projetée).

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b. D’autre part à travers les multiples initiatives visant la suppression des obstacles formels et informels aux échanges intra-régionaux, et impliquant généralement les administrations agricoles, commerciales, douanières, sécuritaires, etc.

53. Pour autant, en cas de crise certains Etats ont poursuivi des politiques visant à entraver l’exportation de céréales vers les pays déficitaires. Ils ont souvent justifié ces politiques par le souci de contenir la hausse des prix sur leurs marchés intérieurs. Lorsqu’il s’agissait de productions obtenues avec des subventions publiques aux intrants, les pays ont justifié la fermeture des frontières par la nécessité de réserver le bénéfice de ces subventions aux consommateurs nationaux.

54. Les achats locaux se sont fortement développés, mais se heurtent parfois à des difficultés d’approvisionnement liées à une mauvaise appréciation des disponibilités réelles sur le marché (y compris quand certains pays indiquent des excédents importants) ou des difficultés de respect des normes de qualité. Plusieurs sociétés nationales de gestion des stocks ont développé des formes de contractualisation avec les OP pour sécuriser leur approvisionnement et offrir des débouchés aux producteurs. Il en va de même du PAM avec le programme P4P. La Réserve Régionale prévoit elle-aussi de privilégier l’approvisionnement auprès des OP.

Les analyses

55. Le RESOGEST n’est toujours pas véritablement opérationnel. Si certains Etats ont fourni des appuis aux pays voisins en puisant dans leurs stocks, il ne s’agit pas encore d’une procédure systématique fondée sur l’application du cadre de coopération. Cette modalité se heurte au statut d’une large part des stocks de sécurité, qui sont des stocks cogérés entre le pays et les partenaires internationaux qui ont aidé à leur constitution, et sur lesquels les Etats n’ont pas « les mains libres ».

56. Décidée en 2013, la Réserve régionale est désormais intégrée au Traité de la CEDEAO (acte additionnel). Mais pour l’heure les ressources prévues par la CEDEAO n’ont pu être mobilisées pour sa mise en place. Celle-ci devrait intervenir avant la fin 2015 grâce aux appuis du 10ème FED.

57. Dans le domaine de la facilitation du commerce, diverses initiatives de bourses régionales existent (Afrique Verte, ROPPA) ou sont envisagées (UEMOA, CEDEAO). Mais à nouveau les concurrences entre initiatives semblent l’emporter sur la volonté affichée de développer les synergies.

58. L’observatoire des pratiques anormales animé par le CILSS permet de disposer d’une bonne cartographie des principaux obstacles et de leur coût sur les principaux corridors d’échanges régionaux. Les actions de plaidoyers (Borderless Alliance, OSC, OP) et les initiatives en faveur de la levée des obstacles se traduisent par des progrès, variables selon les corridors, mais globalement insuffisants pour sécuriser véritablement le commerce sous régional. Le développement de l’insécurité, induite par les conflits et le terrorisme, ne facilite pas la levée des contrôles aux frontières et le long des routes.

Messages clés aux décideurs

MC9 : A la CEDEAO, l’UEMOA et les Etats : Opérationnaliser le RESOGEST et intégrer sa gouvernance dans les prérogatives du Comité de Gestion de la Réserve Régionale de Sécurité Alimentaire.

MC10. A la CEDEAO et aux Etats : Mettre en œuvre les engagements des Ministres de l’agriculture en matière de contribution nationale à l’approvisionnement initial de la RRSA.

MC11. A la CEDEAO, l’UEMOA : Mobiliser les ressources financières communautaires pour assurer la souveraineté régionale de la RRSA.

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Dans la recherche de solutions structurelles durables aux crises alimentaires et nutritionnelles chroniques

Rappel des principaux principes et engagements de la Charte relatifs à la recherche de solutions durables aux crises alimentaires et nutritionnelles

Cette section de la Charte PREGEC distingue deux cadres stratégiques.

Pour le premier cadre ciblé sur la prévention des crises alimentaires,

Les parties concernées reconnaissent la nécessité de faire de la prévention une haute priorité par le biais de politiques alimentaires souveraines. A cette fin les gouvernements et les OIG s’engagent à :

- Rechercher des solutions durables aux causes structurelles de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle : politique et stratégie de SAN, politiques de développement et d’investissements structurants (…), promouvoir une agriculture plus productive en apportant des appuis substantiels aux petits producteurs (…), mettre les politiques de développement des biocarburants en cohérence avec la SAN, promouvoir la consommation des produits locaux, favoriser la recherche et la formation, renforcer la sécurité sanitaire des aliments, (…) ; prendre en charge de manière effective sur leurs ressources financières propres les coûts de mise en œuvre des politiques/programmes de SAN prioritaires ;

- Proscrire la mise en œuvre de toute politique agricole/commerciale ou la conclusion de tout engagement qui compromettrait l’atteinte des objectifs visés par les pays et la région en matière de prévention des crises ;

- Mettre en œuvre conformément aux priorités nationales, le droit à l’alimentation, à travers l’élaboration de cadres légaux, de plans d’action ainsi que leur financement.

Les PTF s’engagent à acheminer graduellement les ressources financières destinées à la conception et à la mise en œuvre de programmes de SA à travers les budgets des Etats et des OIG.

Pour le second cadre, ciblé sur la gestion des crises alimentaires et nutritionnelles :

Les parties concernées reconnaissent :

(…) la nécessité de définir en amont de toute intervention, un cadre stratégique de gestion des crises alimentaires dans le cadre du Dispositif national de concertation (…) comprenant (i) l’analyse de la situation et de la réponse en rapport avec les causes et les instruments disponibles ; (ii) la planification de la réponse ; (iii) la mise en œuvre de la réponse ; (iv) le suivi et l’évaluation de la réponse.

Les parties concernées s’engagent :

- Inscrire toutes les interventions dans les cadres stratégiques (…)

- Définir les options ou instruments de réponse en fonction des origines ou des causes des crises ;

- Soutenir le RPCA qui produit et met à jour un menu d’instruments (…)

- Définir de manière consensuelle les critères et outils d’évaluation de la réponse ;

- Intégrer dans les programmes de sortie de crise, des actions permettent aux ménages structurellement vulnérables de sortir du cercle vicieux de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle.

Les constats

59. La mesure des efforts souverains nécessiterait une organisation et des dispositifs que les pays et la région n’ont pas mis en place. Par conséquent, l’évaluation à privilégié deux approches :

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a. L’une centrée sur l’analyse de la volonté politique exprimée par les décideurs, à travers la mise en place des dispositifs et mécanismes prévus par la Charte ;

b. L’autre focalisée sur l’allocation des ressources humaines et financières.

60. Depuis l’adoption de la Charte, les principaux progrès observés dans une très large majorité de pays concernent :

a. La mise en œuvre de politiques agricoles volontaristes ciblées sur la croissance des productions vivrières et le développement des chaines de valeur, avec dans certains cas des lois d’orientation agricole et dans tous les pays de la région, un PNIA complété par un PRIA au niveau régional pour la période 2011-2015 ;

b. La promotion de politiques de protection sociale, ciblées notamment sur les plus vulnérables, et le développement de programmes de filets de protection sociale ;

61. S’ajoutent de multiples stratégies auxquelles adhèrent les pays : Scaling Up Nutrition, REACH, NASAN, Alliance AGIR et, au niveau de la CEDEAO, l’initiative Faim Zéro à l’horizon 2025.

62. Par ailleurs, l’espace CEDEAO s’est doté d’une Union douanière avec un Tarif Extérieur Commun, reposant sur cinq niveaux de tarifs. La majorité des produits agricoles et alimentaires sont catégorisées au sein de la 5ème bande dont le droit de douane à l’importation est de 35 %. Cependant, considérés comme des produits « sociaux » ou des intrants, le riz et la poudre de lait restent taxés respectivement à hauteur de 10 et 5 %.

63. La région a par ailleurs conclu un Accord de Partenariat Economique avec L’Union européenne. Cet accord fondé sur le principe de la constitution d’une zone de libre échange prévoit l’exclusion de la plupart des produits agroalimentaires dits « concurrents » de la libéralisation commerciale.

64. Les OP et les OSC considèrent que la politique commerciale aux frontières de l’espace CEDEAO protège insuffisamment les producteurs et les filières régionales vis-à-vis de la concurrence internationale. Ils la jugent antagonique avec les objectifs de sécurité et de souveraineté alimentaire de la région que prône la politique agricole régionale : l’ECOWAP/PDDAA.

65. Concernant l’adoption de cadres stratégiques de gestion des crises, très peu de pays se sont dotés de plans de contingence permettant d’anticiper la nature de la réponse (instruments, ampleur), l’organisation logistique et les rôles et responsabilités des différentes institutions, en fonction de quelques grands scénarii de crise probables auxquelles le pays peut se trouver confronté, et qui permettent d’agir très rapidement. Par contre, la conception de plans de réponses concertés est une pratique qui s’est nettement répandue (Cf. OSA3).

66. Si certains bailleurs de fonds canalisent dans certains cas leurs ressources à travers le budget et les mécanismes nationaux (aide budgétaire), la majorité des appuis extérieurs est canalisée hors des mécanismes publics. Il en va de même pour les aides d’urgence, principalement fournies par les bailleurs de fonds internationaux, à travers les agences spécialisées des NU et les grandes ONG internationales, ou les ONG « du pays donateur ». Certaines agences humanitaires ne peuvent juridiquement canaliser l’aide humanitaire à travers les dispositifs publics (cas de ECHO).

67. Au regard des instruments mobilisés en réponse aux crises, l’aide alimentaire a perdu de son importance. Les agences spécialisées dans l’aide alimentaire ont elles-mêmes introduit d’autres outils d’intervention (coupons alimentaires, appuis aux stocks décentralisés, déstockage animal, appuis en aliments bétail, etc.).

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Les analyses

68. Le redéploiement des politiques agricoles, la montée en puissance du débat sur la protection sociale, les multiples initiatives centrées sur la SAN, traduisent le retour au centre de l’agenda national, régional et international des enjeux agricoles, alimentaires et nutritionnels. Le processus ECOWAP tant au niveau régional (PRIA) que national (PNIA) en témoigne. Il en va de même des politiques de protection sociale, des politiques nutritionnelles, des stratégies d’adaptation au changement climatique, etc.

69. Pourtant l’allocation des ressources financières en faveur du développement du secteur agricole, alimentaire et nutritionnel est encore largement en dessous des besoins des pays. Par exemple pour le secteur agricole, seulement cinq pays (Niger, Burkina Faso, Mali, Sénégal et Cap Vert) ont alloué plus de 10% de leur budget national sur les cinq dernières années conformément aux engagements de Maputo. En règle générale, le volume des ressources financières mobilisées en faveur du secteur agricole et alimentaire s’est accru, mais reste tributaire à plus de 70 % de l ‘aide extérieure.

70. Les arbitrages réalisés dans le cadre de la politique commerciale illustrent la tension entre les enjeux agricoles (protection pour soutenir la production) et l’alimentation des urbains pauvres (libéralisation des échanges extérieurs pour réduire les prix et faciliter l’accès à l’alimentation).

71. La faible inscription des aides extérieures dans les mécanismes financiers nationaux et régionaux pèse fortement sur la coordination et la cohérence des interventions d’une part, et sur la création de capacités institutionnelles et humaines nationales et régionales, d’autre part.

72. Dans le domaine de la résilience, l’Alliance AGIR a permis d’intégrer cet enjeu dans les approches nationales et notamment de revisiter un ensemble de politiques et de programmes, notamment les PNIA, les programmes de protection sociale, etc. Pour autant, les grands bailleurs de fonds continuent de programmer leurs appuis indépendamment les uns des autres, avec une référence souvent trop globale aux efforts de planification des pays et de la région.

73. Dans le domaine des biocarburants, l’échec patent des filières Jatropha Curcas, en raison des performances techniques très médiocres, éloigne les risques de compétition entre productions à vocation énergétique et productions alimentaires. Pour autant, l’accès durable à l’énergie renouvelable, notamment pour promouvoir la transformation et la conservation des produits locaux, reste un enjeu décisif en termes de sécurité et de souveraineté alimentaires.

74. Très peu de pays disposent de cadres réguliers de suivi-évaluation des stratégiques de SAN et des politiques qui s’y rattachent. Il en va de même des plans de réponses aux crises qui font rarement l’objet d’une évaluation détaillée. En revanche, il convient de noter le développement très important de la culture de l’évaluation dans les organisations humanitaires internationales, en particulier au niveau de ECHO et du PAM.

75. Le menu d’instruments élaboré lors de l’adoption de la Charte PREGEC a connu le même sort : non internalisé par les parties prenantes, il n’a pas servi de support à la réflexion sur l’évolution et la diversification des instruments de réponse aux crises en fonction de leurs causes.

76. En résumé, les pays et la région se sont dotés de visions, de stratégies et de politiques renouvelées. Mais leurs mises en œuvre restent trop partielles (sous financées par les pays, la région, les PTF) pour prétendre atteindre les objectifs ambitieux qu’elles se fixent, notamment l’éradication de la faim et de la malnutrition à l’échéance 2025 (Vision Faim 0).

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Messages clés aux décideurs

MC 12 : A la CEDEAO, l’UEMOA et aux Etats : Renforcer les efforts en matière d’allocation des ressources budgétaires internes au développement du secteur agricole, alimentaire et nutritionnel

La mobilisation des ressources internes est déterminante pour (i) mettre en œuvre les priorités nationales/régionales ; et (ii) permettre à l’Etat/aux OIG d’exercer un réel leadership et de disposer d’une capacité effective de coordination des appuis extérieurs.

MC 13: A la CEDEAO, l’UEMOA et aux Etats : Développer et mettre en œuvre des dispositifs de suivi-évaluation des stratégies de la SAN pour en assurer un pilotage plus stratégique.

Objectif spécifique 3 : Evaluation de la gestion de la crise 2012 et de l’efficacité de la réponse

Les constats

77. La crise alimentaire de 2011-12 a principalement affecté la bande sahélienne. Il s’est agi d’une crise complexe de nature agricole, pastorale, sécuritaire, alimentaire et nutritionnelle. Cette crise est intervenue au moment même où étaient adoptés les principes et engagements de la Charte PREGEC.

78. Affectant la bande sahélienne, la crise a touché les pays les mieux organisés en matière de dispositif de prévention et gestion des crises. Dès les récoltes 2011, les SAP anticipent une crise d’envergure en raison d’une conjonction exceptionnelle de facteurs : retour des migrants libyens et ivoiriens, crise politique et sécuritaire au Mali et au Nigeria, récoltes hétérogènes, prix internationaux et régionaux élevés, crise fourragère majeure, faible résilience des ménages vulnérables confrontés à une succession de crises, etc.

79. Cependant les SAP formulent un diagnostic moins alarmiste que les organisations de producteurs. En cause, la question pastorale, encore mal saisie à cette époque par les dispositifs d’alerte, alors que les OP ont développé leurs propres dispositifs de veille, notamment au niveau du Réseau Bilital Maroobé (RBM). Les ONG internationales rejoignent les analyses des organisations de pasteurs et éleveurs et mettent en avant l’importance de réagir vite par des mesures préventives, avant la soudure habituelle pour réduire les coûts de la réponse. Argument utilisé aussi par les agences (ECHO, UNICEF) pour alerter sur la crise nutritionnelle.

80. L’analyse régionale est établie sur la base du Cadre Harmonisé, et le dispositif technique régional a permis de mobiliser les institutions régionales et de leur fournir les éléments d’aide à la décision.

81. Globalement la conception de la réponse s’est opérée à deux niveaux : d’une part au niveau des pays, dans le cadre des dispositifs nationaux et/ou des clusters NU ; et d’autre part au niveau régional, par le « Groupe de Dakar » comprenant les agences des NU, certains PTF et les ONG internationales. C’est dans ce cadre, sous leadership de OCHA, qu’ont été consolidés les besoins d’intervention humanitaires d’urgence, évalués les gaps entre besoins et engagements, et lancés les appels aux donateurs. La réunion régionale CEDEAO-UEMOA-CILSS a permis de maintenir un niveau élevé de mobilisation, sans pour autant devenir l’épicentre de la coordination des appuis régionaux et internationaux.

82. Les plans de réponse élaborés dans les pays sahéliens comprennent un ensemble de mesures : mobilisation du stocks national de sécurité avec distributions gratuites ou ventes à prix modérés, food et cash for work, transferts monétaires, appuis aux productions de contre saison, appuis en aliments bétail, vaccinations, déstockage d’animaux, etc., appuis nutritionnels. Les plans du Burkina Faso et du Mali portent chacun sur un montant de 70 à 80 milliards de FCFA, celui du Niger s’élève à 160 milliards et

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celui de Mauritanie à plus de 45 milliards d’ouguiyas (environ 80 md FCFA). Hormis le Niger, le Mali et le Burkina Faso, pour lesquels les taux de réalisation par rapport au prévisionnel sont annoncés comme proches voire supérieurs à 100 %, on ne connaît pas précisément les niveaux de réalisation pour les autres pays.

83. Au niveau régional, la réunion du RPCA (décembre 2011) évoque deux scénarios possibles. Elle retient le plus pessimiste mais ne se révèle pas en capacité de faire une évaluation globale des besoins et d’exploiter le « menu des instruments » de réponse pour établir une requête régionale détaillée. En conclusion de la séquence relative à la situation alimentaire prévisionnelle, la réunion du réseau conclut: (i) au regard des perspectives alimentaires et nutritionnelles particulièrement difficiles et des risques réels d’une crise alimentaire établis dans le scénario 2, il est urgent de mettre en œuvre un certain nombre d’actions prioritaires pour juguler une éventuelle crise alimentaire cette année dans la région ; (ii) Par ailleurs, les partenaires au développement et les acteurs humanitaires ont fait état des actions envisagées pour faire face à la situation alimentaire préoccupante au Sahel, notamment au Mali, au Burkina Faso, au Niger et au Tchad. De même, la Coopération Française, l’Union Européenne, ECHO, FAO, PAM, et Save The Children ont tour à tour décliné leur programme d’intervention et d’assistance pour les populations les plus vulnérables dans les pays touchés par une éventuelle crise alimentaire en 2012.

84. En conclusion la réunion considère que « Dans ces zones, ces ménages les plus démunis ne pourront ni préserver leurs moyens de production, ni s’assurer d’une consommation alimentaire adéquate. En conséquence, face à cette situation, des réponses adaptées sont nécessaires notamment dans toute la bande sahélienne au Tchad, la zone agropastorale de la Mauritanie, le Nord des régions de Kayes et Koulikoro et le Delta du fleuve Niger au Mali, le Nord, Centre Nord et Est du Burkina Faso, les régions de Niamey, Tillabéry, Sud-Est de Zinder au Niger et certaines zones localisées du Sénégal et de la Gambie. Cela exige donc, à la fois des actions à court et moyen termes pour prévenir une crise alimentaire et nutritionnelle grave localisée au Sahel en 2012 ». S’ensuit une liste de recommandations aux OIG, aux Etats, aux dispositifs d’information et d’alerte et aux PTF6

85. L’alerte des OP et ONG est plus offensive que recommandations, prudentes, du RPCA fin 2011. En cause, l’absence de consensus sur l’importance du déficit céréalier et surtout, une divergence assez marquée sur l’importance de la crise nutritionnelle entre le CILSS, certains pays et les agences internationales spécialisées. L’accélération de la crise induite par l’évolution de la situation au Mali va permettre au RPCA d’aligner son diagnostic sur celui des ONG et des SAP. La réunion d’avril 2012 du RPCA va lancer un appel à la CEDEAO, l’UEMOA et le CILSS pour soutenir les populations vulnérables, organiser un corridor humanitaire pour secourir les populations du Nord Mali, adopter des mesures de post urgence, etc.

86. Après une réunion du Comité de haut niveau de l’UEMOA en février 2012, la CEDEAO va organiser avec l’appui du CILSS une Réunion de Haut Niveau des Etats membres de l’Afrique de l’Ouest élargie au Tchad et la Mauritanie, du 04 au 05 Juin 2012 à Lomé. Dans ce cadre des mesures de court et moyen termes ont été décidées, notamment sou forme d’allocations financières de l’UEMOA et de la BOAD à leurs Etats membres, ainsi que de la CEDEAO. A cette date, les besoins non couverts ont été évalués à 400 Milliards de Fcfa. Le système de suivi-évaluation ne permet pas de savoir si ces ressources ont pu être mobilisées. Aucun bilan détaillé n’a été réalisé et soumis à la réunion suivante du RPCA.

87. Au niveau national, la conception des plans de réponse est conduite dans un cadre partenarial, multi-acteurs. Cohabitent généralement le dispositif national et les clusters. Généralement ces derniers versent leurs analyses dans le processus animé par le dispositif national de PGCA.

                                                                                                                         6 27ème Réunion annuelle du RPCA ; Synthèse des présentations et discussions. Praia, 8-10 décembre 2011

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Les analyses

88. En l’absence de dispositif de suivi-évaluation fonctionnel dans la plupart des pays, il est très difficile à postériori, et à fortiori près de trois ans plus tard, d’évaluer l’efficacité de la réponse. Il est notamment très difficile de rapprocher les informations sur le diagnostic et l’évaluation des besoins (nombre de personnes, besoins d’assistance, durée, instruments pertinents) et les informations sur les moyens mobilisés, les interventions effectivement réalisées et les impacts en terme d’accès à l’alimentation et de nutrition des personnes ciblées.

89. Se pose par ailleurs un problème d’harmonisation régionale des méthodes de suivi-évaluation. Ne serait-ce que pour établir le ratio entre les appuis fournis et les besoins identifiés dans le plan de réponse, certains pays ou intervenants utilisent le % des personnes en insécurité alimentaire qui ont bénéficié d’une assistance, d’autres le taux de couverture des besoins financiers évalués dans le plan de réponse, d’autres enfin les moyens mobilisés pour chaque instrument (ex. part des DAG réalisées/prévues ; part des cash transferts réalisés/prévus, etc.). De ce fait, la consolidation régionale tentée par les experts du CILSS dans le cadre du PREGEC s’avèrent toujours très difficile à opérer.

90. Les réponses aux crises alimentaires et nutritionnelles se sont fortement diversifiées au cours des dernières années. Ce sont surtout les appuis nutritionnels qui ont pris une importance considérable, tant en termes de populations concernées, qu’en termes de volumes financiers mobilisés. Dans le domaine de la récupération/réhabilitation nutritionnelle, les protocoles sont particulièrement bien définis et les impacts à court terme sont élevés. Pour autant les taux de malnutrition aiguë baissent faiblement, et interpellent sur la prise en charge structurelle de la malnutrition.

91. Les analyses et surtout les conclusions du RPCA apparaissent comme très insuffisantes au regard de la situation. Si elles sont en capacité d’attirer l’attention des décideurs sur les risques, les recommandations sont trop générales pour constituer une aide à la décision. La présentation des conclusions montre que les acteurs humanitaires sont d’ores et déjà en ordre de marche pour évaluer les besoins et préparer les réponses. De ce fait, en l’absence d’un leadership technique régional, la réponse est préparée dans le cadre national, sans que l’Etat et les acteurs ne bénéficient d’un véritable appui régional, et dans le cadre de la coordination des acteurs humanitaires.

92. Alors que la crise dans la bande sahélienne comporte nombre de « facteurs régionaux » (transhumances précoces et massives, insécurité, déplacements de populations, etc.), cette dimension régionale de la crise n’est pas véritablement instruite ni par les réunions du PREGEC, ni par les réunions du RPCA.

93. La réunion du RPCA d’avril 2012 établit un bilan très partiel des plans de réponse engagés par les pays, reflétant l’absence de méthodologie minimale commune pour établir et présenter ces plans, et la faible fluidité de la circulation d’information entre les dispositifs nationaux de gestion des crises et le PREGEC / RPCA. La réunion présente deux cartes relatives à la situation alimentaire courante (mars 20127) et projetée (juin 2012) établies sur la base du Cadre harmonisé. La situation courante place le Mali en « phase extrême ». La situation projetée est étonnement muette sur le Nord-Mali (projections non réalisées, alors que le pays connaît une crise sécuritaire majeure) et prévoit une situation « extrême » dans une partie du Tchad et de la Mauritanie, une situation « critique » dans de larges zones de tous les pays de la bande sahélienne. Pourtant, la réunion se conclut sur un ensemble de constats sans qu’aucune recommandation opérationnelle ne soit formulée en vue de gérer les risques8. En effet, les travaux débouchent sur trois recommandations : (i) mettre en œuvre rapidement les plans de réponse et les réadapter pour prendre en compte la nouvelle situation sociopolitique de la région ; (ii) augmenter la

                                                                                                                         7 A cette date 6 millions de personnes sont considérées en insécurité alimentaire sévère, selon les analyses du CH. 8 Réunion du RPCA ; 12-13 avril 2012, Paris.

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production pour la prochaine campagne agricole par la mise à disposition de semences ; (iii) renforcer et accélérer la mise en place de programmes nutritionnels.

Messages clés aux décideurs

MC 14. A la CEDEAO, l’UEMOA, les Etats : développer des plans de contingence au niveau régional et national pour mieux anticiper les réponses aux crises conjoncturelles auxquelles la région et les Etats pourraient être confrontés à l’avenir.

MC 15. Au CILSS, au RPCA et aux Etats : harmoniser les modes d’élaboration et de conception des plans de réponse et assurer une consolidation régionale afin de permettre à la CEDEAO et à l’UEMOA d’exercer un leadership effectif et une coordination de la réponse.