2 Janvier 2

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2 Janvier 2

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COLLECTION DE VIES DE SAINTS

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UN SAINT

pour chaque jour du mois

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DEUXIME SRIE

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JANVIER

AVANT-PROPOS

En 1932, nous avions lanc une collection de Vies de Saints et Saintes, Bienheureux et Bienheureuses, prsente de faon donner en chaque volume mensuel la biographie d'un Saint pour chaque jour du mois.

Cette premire srie de 12 volumes obtint prs du public chrtien un si encourageant succs, qu'il fallut la rditer presque aussitt. Des lecteurs qualifis nous ont dit qu'ils taient heureux d'avoir, tous les jours, le moyen de s'difier, en une courte lecture publique ou prive, par les exemples et les leons d'un des hros de la saintet, ainsi que nous lavions souhait.Ce succs nous a incits faire paratre une deuxime srie, conue et ralises dans les mmes conditions que la premire. Elle comprend donc, en 12 nouveaux volumes mensuels, 365 autres notices biographiques de Saints et Bienheureux, publies antrieurement, comme les prcdentes, dans la Revue des Saints et offrant, avec un soin gal dans lillustration, le mme souci de la vrit e de ldification.Nous esprons que le lecteur lui fera un accueil aussi favorable, en vue de sa propre sanctification et de la gloire des Saints, qui se confond ici avec la gloire de Dieu, puisque c'est Dieu qui les a lus et couronns au ciel.

Les Editeurs.SOMMAIRE

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JANVIER

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1. Saint Oyend, Abb de Condat (vers 449-vers 510), A.P.2. Saint Clair, Abb de Saint-Marcel de Vienne (vers 590-660), Emm. Varnoux.

3. Saint Gordius, officier, martyr Csare de Cappadoce (IVe sicle), Franois Delmas.

4. Saint Rigobert, archevque de Reims (743), abb Onsime Rossat.

5. Saint Convoyon, fondateur et premier Abb de Redon (872), M.B. 6. Sainte Macre, vierge et martyre Fismes (vers 304), Fr. Bruno. 7. Saint Tillon ou Thau, moine de Solignac (vers 608-702), Emile Aimont.8. Sainte Gudule, vierge du Brabant (652-712), Louis Petit.

9. Saint Pierre, vque de Sbaste (349 vers 392), Maxime Viallet.10. Saint Guillaume, archevque de Bourges (1209), R.C.H.

11. Saint Hygin, Pape et martyr (vers 158), Dominique Roland-Gosselin.12. Saint Victorien, Abb d'Asana en Espagne (560), Fr. Bruno.13. Saint Kentigern, vque de Glasgow (vers 516-603), R.A.

14. Saint Flix de Nole, prtre et confesseur de la foi (IIIe sicle), C. Octavien.

15. Saint Macaire l'Ancien, ermite en Egypte (IVe sicle), A.L. 16. Saint Fursy, Abb de Lagny (650), A.L.

17. Saint Sulpice le Pieux, archevque de Bourges (vers 570-647), Maxime Viallet.18. Sainte Prisque, vierge et martyre Rome (54 ou vers 270), Dominique Roland-Gosselin.

19. Saint Laumer ou Lomer, fondateur et premier Abb du monastre de Corbion (vers 94), E.A.20. Saint Euthyme le Grand, Abb en Palestine (377-473), F. Carret.21. Bienheureux Alban Ro, Bndictin anglais de Dieulouard, martyris Londres (1583-1642), G. Clanche.

22. Saint Anastase le Perse, soldat, orfvre, moine et martyr (628), Franois Delmas.

23. Saint Raymond de Pegnafort, IIIe Maitre gnral de l'Ordre de Saint-Dominique (vers 1176- 1275), A.D.

24. Saint Babylas, vque d'Antioche, et ses compagnons, martyrs (251), Franois Delmas.

25. Saint Poppon, Abb bndictin (978-1048), Eugne Monsterlet. 26. Saint Polycarpe, vque de Smyrne et martyr (70-156), F. Carret. 27. Saint Julien, vque du Mans (1er ou IIIe-IVe sicle), A.F.C.

28. Saint Jean de Rom, fondateur et premier Abb de Moutiers-Saint-Jean (vers 419-539), Jean-Marie Poulnot.

29. Saint Gildas le Sage, Abb de Ruis (vers 493 vers 570), Gildas Le Liboux.30. Sainte Bathilde, reine de France (680), A.E.A. 31. Sainte Marcelle, veuve (410), A.A.

SAINT OYEND

Abb de Condat (vers 449-vers 510).

Fte le 1er janvier.

Saint Oyend, Oyand ou Oyen (en latin Eugendus ou Augendus) appel aussi Eugende, francisation du latin Eugendus, appartient la famille de Saints franc-comtois, dont la vie eut pour cadre l'abbaye de Condat, fonde au Ve sicle par deux frres, les saints Romain et Lupicin, et berceau de la ville de Saint-Claude. Il a trouv un biographe fidle dans la personne de son disciple, le moine et prtre Pragmace. Le rcit de ce tmoin a bien eu subir, au XVIIe sicle, les assauts du trop clbre Pasquier Quesnel, chef du parti jansniste aprs la mort d'Arnauld ; mais Tillemont et Dom Rivet n'ont pas eu de peine restituer au tmoignage de Pragmace sa pleine valeur historique que Mabillon a de surcrot sanctionne en le publiant.Vision de saint Oyend. Le petit Oblat.

Aux environs de l'an 456, il y avait Izernore, ville antique aujourd'hui disparue et situe dans le dpartement actuel de l'Ain, un homme vertueux qui, dgag des liens du mariage et ayant reu le sacerdoce, dirigeait avec zle cette chrtient et levait dans la crainte de Dieu son fils unique g de 6 ans et l'initiait aux crmonies sacres.

L'enfant tait dou d'une rare intelligence et manifestait d'heureuses dispositions pour la vertu. Or, une nuit, celui-ci vit en songe deux moines vtus de blanc qui le prenaient dans leurs bras, pendant que des toiles nombreuses tincelaient dans un radieux firmament ; puis une lgion d'autres moines vinrent se joindre eux, et il atteignait en leur compagnie les portes du ciel. Tel est dans ses grands traits le rcit du saint prtre Pragmace.

Le pre, interprtant le merveilleux songe dont son fils lui faisait la confidence, comprit que Dieu destinait ce petit garon devenir le chef d'une illustre famille monastique ; puis, aprs mre dlibration, ayant reconnu dans les deux principaux personnages du songe les deux saints Abbs de Condat, Romain et Lupicin, il n'hsita pas seconder les desseins de Dieu sur son enfant en l'offrant comme Oblat l'abbaye de Condat, bien qu'il et peine 7 ans. L, il grandirait en science et en vertu, l'abri des dangers du monde.

Les deux frres, ayant vite connu la beaut de l'me que Dieu leur confiait, apportrent un zle tout particulier la formation du petit Oblat. Et bientt l'enfant servit de modle aux plus anciens religieux en mme temps qu'il se distinguait dans les sciences sacres et dans les lettres profanes, au point d'arriver possder fond la langue grecque. Et il n'tait pas facile de se distinguer dans ce monastre o l'on vivait en une si sainte fraternit que les religieux ne possdaient en propre que leur nom. A leur tte, aprs les Abbs Romain et Lupicin, venait le vieux Minase ou Minause, qui leur succda, et qui, lui aussi, est honor comme Saint.Austrit du jeune moine. Il est choisi comme Abb.

Ds son enfance, Oyend parat un prodige d'austrit. Mme durant l'hiver, dans ce climat trs rigoureux, il va toujours les pieds nus dans ses sabots de bois. Il jene toute l'anne, mme les jours o la rgle en dispense les religieux ; ces jours-l, cependant, il avance son repas au milieu du jour afin d'tre le commensal de ses Frres, au lieu d'attendre, comme c'tait l'usage des jours de jene, dans la discipline de ce temps, et de prendre son unique repas vers les 5 heures du soir aprs les Vpres. Chaque nuit, il fait une station de prire dans le cimetire de l'abbaye et une longue mditation l'glise. Vers l'ge de 16 ou 17 ans, l'anglique jeune homme a resserr les liens qui l'attachaient au monastre. Saint Romain tait dj entr dans l'ternit bienheureuse (vers 460) et saint Minase lui avait succd la tte de l'abbaye de Condat, saint Lupicin se rservant, avec le gouvernement spcial de celle de Lauconne, la haute direction de toutes les abbayes du Jura. Aprs la mort de Lupicin (vers 480), le vieil Abb Minase voulut dsigner son successeur ; afin de triompher de l'humilit du jeune profs, et en mme temps pour le dsigner aux suffrages de ses Frres, il se le fit donner comme coadjuteur. Oyend et rsist s'il n'et t dcid par une vision, dans laquelle saint Romain et saint Lupicin lui apparurent et le revtirent des insignes de la dignit abbatiale.

Quelques annes plus tard, saint Minase entrait dans son ternit (entre 485 et 490). Son gouvernement ne laissait dans l'histoire de l'abbaye que le fait d'avoir enrichi son sanctuaire de prcieuses reliques des aptres Pierre, Paul et Andr, qu'il obtint de Rome, et d'avoir choisi pour son successeur celui qui allait consolider en la codifiant l'uvre des fondateurs.

Le nouvel Abb avait environ 33 ans ; c'tait prcisment l'ge auquel Notre-Seigneur avait couronn sa vie publique par sa glorieuse Passion ; nanmoins, il se trouva parmi les moines de Condat quelques vieux compagnons des premiers Pres qui, mconnaissant l'inspiration divine, estimrent que c'tait un ge trop peu avanc pour tre Abb et gouverner plusieurs centaines de religieux, dont beaucoup encore avaient vu et connu Oyend petit enfant et Oblat.Sagesse de saint Oyenddans le gouvernement de son abbaye.

Lorsque Oyend avait eu, peu de temps avant la mort de son prdcesseur, la vision rapporte plus haut, il avait t frapp par un incident dont la signification pouvait lui chapper : dans le cortge, plusieurs religieux teignaient, en les crasant contre la muraille, les cierges qu'ils tenaient la main. L'vnement se vrifia aprs la mort de saint Minase. Quelques vieux religieux quittrent, en effet, l'abbaye et cherchrent par leur discours dconsidrer le nouvel Abb, tant parmi les Frres qu'au dehors. Mais Dieu se chargea de justifier son serviteur en le douant d'un pouvoir surnaturel si extraordinaire, que bientt les foules accoururent Condat implorer son secours.

Oyend s'tait donn deux modles, dont son biographe contemporain nous dit qu'il russit imiter admirablement les vertus : saint Antoine d'Egypte et saint Martin de Tours. Son humilit et sa douceur tenaient du prodige ; il les mit en uvre dans son gouvernement. Indulgent pour les vieillards, plein d'une tendre sollicitude pour les religieux en proie aux tentations ou la tristesse, soucieux d'appliquer chacun l'office qui lui convenait le mieux, prchant d'exemple, n'ordonnant rien qu'il n'et d'abord mis en pratique lui-mme, il savait cependant user au besoin d'une grande fermet.

Saint Oyend relve Condat de ses cendres.

La prosprit primitive de l'abbaye fut bientt menace ; les invasions des Alamans ruinrent les petits tablissements monastiques qui avaient t fonds sur le revers oriental du Jura ; bientt il devint prilleux d'envoyer des religieux chercher au dehors les provisions ncessaires. Enfin, un jour, un incendie accidentel embrasa les cabanes bien modestes des premiers compagnons des fondateurs ; toutes les constructions de l'abbaye disparurent.

L'Abb montra dans ce dsastre la mesure de son intelligence. Il encouragea les Frres, reconstruisit l'abbaye, et profita de cet accident pour mettre un terme quelques abus explicables par le caractre htif et occasionnel des premires constructions. Bientt Condat sortit de ses cendres avec une splendeur que l'abbaye n'avait point connue, et que les successeurs d'Oyend s'ingnirent augmenter encore. Une belle glise, ddie aux saints Pierre, Paul et Andr, et qui, reconstruite au XVe sicle, est aujourd'hui la cathdrale de Saint-Claude, abrita les prcieuses reliques acquises par saint Minase ; des dortoirs remplacrent les cabanes primitives. Mais Oyend ne borna pas l l'uvre de ses trente ans de gouvernement. Il voulut prvenir les ruines morales aprs avoir relev les ruines matrielles, et, cet effet, il codifia les observances restes jusque-l traditionnelles.

Le lgislateur de Condat.

Saint Romain et saint Lupicin, qui menaient la vie rmitique, avaient extrait les observances auxquelles ils s'taient soumis des rcits de la Vie des Pres du dsert, de la rgle de Lrins et des uvres de saint Jean Cassien. Il les avaient accommodes aux ncessits du temprament des Gaulois, dont la capacit de rsistance physique, sous un climat trs rigoureux, ne pouvait affronter celle de moines vivant sous le ciel d'Orient, ou sous le climat mditerranen. La rgle tait cependant demeure fort dure : Condat, non seulement on observait le maigre perptuel et l'on jenait la plus grande partie de l'anne, mais les malades seuls pouvaient manger du poisson ; cela, il faut joindre l'office nocturne, la rigueur extrme de la temprature et le travail des mains trs pnible, car ce sont les Condatins qui ont dfrich et mis en valeur presque tout le Haut-Jura.

Le travail ne cessait mme pas la nuit ; durant l'office, on vaquait tout en chantant des occupations assez silencieuses pour ne pas troubler le recueillement, capables toutefois de tenir l'attention en veil contre le sommeil.

Ce travail, dont on ne s'abstenait que le dimanche, consistait tailler en ustensiles d'usage courant les racines de buis, trs communes alors dans la rgion. L'affluence des plerins donna l'ide de fabriquer pour eux des objets de pit. Les plus clbres furent des manches de couteaux figure de saints, et surtout des couronnes ou chapelets primitifs, clbres encore au XVIe sicle sous le nom de patentres de Saint-Claude. Telle est l'origine, dans ces montagnes, de l'industrie clbre de la tournerie.

Oyend codifia toutes les observances reues en une rgle crite cette rgle, adopte aussi dans la clbre abbaye de Saint-Maurice d'Agaune, lorsqu'une colonie de Condatins y fut envoye par le roi saint Sigismond, vers le temps de la mort d'Oyend, nous a t conserve par cette abbaye ; c'est pour cela qu'empruntant le nom ancien de Saint-Maurice d'Agaune, elle est appele la rgle de Tarnate.

La rgle d'Oyend semblait destine se rpandre dans les Gaules. Ce n'tait point dans les desseins de Dieu, et Condat mme elle allait cder la place la rgle de saint Benot. Un sort identique tait rserv la rgle de saint Colomban (..vers ( 615) que Luxeuil abandonnerait, moins de cent ans aprs la mort de son fondateur, pour adopter son tour celle du patriarche des moines d'Occident.Les disciples de saint Oyend.

L'cole monastique de Condat apparat, au temps d'Oyend, comme un radieux foyer d'intelligence. A sa tte est saint Viventiole (( 524), qui mourra archevque de Lyon et qui passait pour un des hommes les plus savants de son poque ; on le consulte par correspondance, se fiant sa connaissance parfaite des dlicatesses de la posie et de la littrature latines. Un de ses confrres, saint Romain, se distingue par ses vertus, au point qu'on viendra l'arracher sa solitude du diocse de Troyes, o il tait all mener la vie rmitique pour lui donner, en 533, sur le sige archipiscopal de Reims, la succession immdiate de saint Remi ; saint Valentin, diacre, et saint Antidiole, prtre, puis Abb de Condat, brillent par les vertus et le don des miracles ; Pragmace enfin, qualifi de Saint par d'anciens tmoignages, nous a laiss les Vies des Saints dont il avait admir les vertus, et ses crits dclent un talent rare cette poque.

Le thaumaturge.Mais si saint Valentin et saint Antidiole ont reu de Dieu le pouvoir d'interrompre le cours des lois de la nature, si Condat est alors une vritable runion de Saints a miracles, comme on disait jadis, Oyend brille au-dessus de tous les autres. Depuis l'ge de 7 ans que son pre l'amena Condat, il n'a pas mis le pied hors de l'abbaye, sinon pour travailler avec ses frres au dfrichement des forts. Et cependant sa rputation s'est tendue au loin ; les plus illustres personnages du temps s'honorent de rechercher son commerce. Saint Lonien, de Vienne, en gage d'amiti, lui envoie son cilice. Ce cadeau d'un Saint un autre Saint n'est-il pas touchant?De loin l'on accourt Condat, et ce ne sera pas un mince souci de pcher dans la Bienne ou le Tacon la nourriture ncessaire tant de visiteurs, car Condat les htes mangent maigre, mais peuvent user de poisson. Malades du corps et de l'me viennent mettre contribution le thaumaturge du Jura. Oyend accueillait comme un bon pre ces pauvres gens qui accouraient de tous cts ; il leur offrait un asile jusqu' ce que Dieu les et guris ; il avait la plus tendre charit pour ceux qui souffraient ; il en gurit plusieurs en oignant d'huile sainte leurs yeux ou leurs membres malades ; il voulait que les infirmes et les vieillards fussent traits avec tous les gards possibles. Avant de les congdier, cdant leurs instances, il leur donnait des formules de prires qu'il crivait lui-mme et de l'huile bnite. Parmi les dons que Dieu lui accorda, il faut surtout remarquer la puissance de chasser les dmons ; le contact d'une lettre de lui dlivra un dmoniaque. Le prtre Pragmace rapportera en tmoin autoris et consciencieux les principales de ces merveilles.

Ds lors a commenc la longue suite de plerinages qui viendra vnrer Oyend son glorieux tombeau.

La rcompenseDans toutes les grandes circonstances de sa vie, l'Abb de Condat avait t avis surnaturellement de l'avenir. Il avait connu la gloire future du diacre saint Valentin ; il aura aussi la rvlation du temps de sa propre mort. La maladie dure six mois, entranant de violentes douleurs. Oyend ne consent pas adoucir la plus minime des observances, ni retrancher parmi celles que sa dvotion prive lui a fait ajouter aux prescriptions de la rgle. Se sentant beaucoup plus faible, raconte son biographe, tmoin oculaire, il appela un des Frres qui il avait confi d'administrer l'Extrme-Onction aux malades, et il le pria de lui faire en secret l'onction sur la poitrine, conformment l'usage. Lorsque, le matin venu, nous lui demandmes comment il avait pass la nuit, il exhala des plaintes et des gmissements, disant :

- Daigne la toute-puissance de Dieu vous pardonner ce fait que vous ne supportiez pas la pense de me voir affranchi des chanes de ce corps!En effet, durant une rvlation, il avait eu connaissance que seules les prires de ses frres retenaient son me dans son enveloppe terrestre, retardant ainsi l'instant o il jouirait de la prsence de Dieu. Cinq jours aprs, le mourant, semblant s'endormir, exhala doucement son dernier soupir. Une lettre adresse par saint Avit saint Viventiole permet de prciser la date de sa mort : le Saint tant entr l'abbaye avant la mort de saint Romain et y ayant pass cinquante-trois ans, il n'est gure possible, en effet, de modifier la date du 4 janvier 510, adopte gnralement.

Le culte.

Saint Oyend reut la spulture dans cette abbaye de Condat o s'tait coule presque toute sa vie, et qui, bientt, n'est plus connue que sous le nom de Saint-Oyend de Joux. On l'avait inhum dans le cimetire des religieux ; mais il fallut bientt contenter la dvotion des moines comme celle des plerins. Saint Antidiole, qui avait recueilli la charge abbatiale, leva une glise sur le tombeau de son prdcesseur et en plaa les reliques sous l'autel principal ; le nom d'Oyend fut inscrit, d'ailleurs, fort anciennement dans le martyrologe romain.

L'glise ddie par Antidiode au saint Abb, objet des visites incessantes des plerins, se trouvait hors de la clture. Les moines, voulant vnrer plus aisment le corps du Saint, le transportrent dans l'glise intrieure de l'abbaye. Le plerinage de Saint-Oyend de Joux fut clbre durant tout le moyen ge ; Charlemagne combla l'abbaye de ses largesses ; parmi les plus illustres plerins, il faut citer saint Odilon, Abb de Cluny, qui y accomplit plusieurs miracles ; l'impratrice sainte Adlade, et surtout, en 57, l'archevque de Tarentaise saint Pierre de Bellevaux, vers qui les malades affluaient. A tous, il recommandait avec modestie d'aller s'agenouiller devant la chsse de saint Oyend et de remercier de leur gurison le saint Abb de Condat.

L'importance du plerinage nous est aussi atteste par ce fait que beaucoup de familles ont retenu le nom patronymique de saint Oyend sous les diverses orthographes drives de son nom latin Eugendus. Dix paroisses ont saint Oyend pour patron, et son nom tait jadis frquemment donn dans la rgion aux enfants que l'on prsentait au saint baptme.

L'glise leve par saint Antidiole sur le tombeau du Saint, plusieurs fois reconstruite, reut la spulture de ses successeurs. C'est l qu'au XIIe sicle on releva intact, aprs six sicles, le corps de saint Claude, archevque de Besanon. Les clatants miracles qui se produisirent alors firent peu peu passer au second plan le culte de saint Oyend. Saint Claude lui fut adjoint comme second titulaire de son glise, et, peu peu, l'abbaye et la ville prirent le nom du saint archevque ; mais la substitution ne fut gure officielle avant le temps o l'abbaye fut scularise et devint l'vch de Saint-Claude (1743).

L'glise des Saints-Oyend et Claude tombait alors en ruines ; la scularisation de l'abbaye rendant accessible tous la belle et vaste glise intrieure, devenue la cathdrale, l'antique glise extrieure devenait peu prs sans utilit. On dcida de ne pas la reconstruire, et, en 1754, le premier vque de Saint-Claude, Mgr de Mallet de Fargues, procda solennellement au transfert des reliques qui s'y vnraient jusque-l.

Des circonstances heureuses permirent aux reliques de saint Oyend d'chapper aux destructions sacrilges que les vandales de 1793 accomplirent dans toute la France. Elles furent reconnues lors du rtablissement du culte. La dvotion de Dom Gra, vicaire gnral du diocse de Saint-Claude et fondateur des Chanoines rguliers de l'Immacule-Conception, les plaa vers la fin du XIXe sicle dans une chsse qui est une merveille de got.

D'artistiques verrires de la cathdrale de Saint-Claude retracent les principaux traits de la vie de saint Oyend. L'iconographie le reprsente toujours, selon les saines traditions de l'histoire combine avec les documents archologiques, vtu de blanc et entirement ras. On lui a donn en gnral comme attributs le livre de la rgle, la crosse abbatiale et une ampoule ou burette de verre, en souvenir de cette ampoule de l'huile de Saint-Martin que le Saint eut la joie de retrouver intacte lors de l'incendie de l'abbaye, sous les ruines de la cabane de saint Antidiole. Quelques monographes peu aviss ont donn saint Oyend les insignes du sacerdoce, oubliant que son humilit l'avait retenu au diaconat. De temps immmorial et jusqu' la dernire rforme du Propre diocsain, la fte de saint Oyend se clbrait, au diocse de Saint-Claude, le 19 janvier, sous le rite double de seconde classe. Depuis, la fte a t reporte au 1er janvier, comme elle l'tait dj au Martyrologe Romain. C'est cette mme date du 1er janvier que la Vie du Saint figure dans les Acta Sanctorum.

A.P.Sources consultes. Acta Sanctorum, t. I de janvier (Paris, 1863). Dom Paul Benot, Histoire de l'abbaye de Saint-Claude, t. I (Montreuil, 1889). P.-A. Pidoux, Vie des Saints de Franche-Comt, t. II (Lons-le-Saunier, 1908). Mgr Paul Gurin, Les Petits Bollandistes, t. I (Paris, 1897). (V.S.B.P., n 1553.)

................PAROLES DES SAINTS

________L'apostolat.Jsus dsire que le salut des mes dpende de nos sacrifices, de notre amour ; offrons nos souffrances Jsus pour les sauver. Oh! Vivons pour elles, soyons aptres !

Sainte Thrse De L'Enfant-Jsus.

SAINT CLAIR

Abb de Saint-Marcel de Vienne (vers 590-660),

Fte le 2 janvier.

Bien qu'il ne figure pas au Martyrologe romain, saint Clair, Abb de Saint-Marcel de Vienne, est un des Saints les plus populaires du sud-est de la France. Sa vie a l'avantage de prsenter toutes les garanties dsirables d'authenticit.Premires annes.

Il tait n vers l'an 590, en un lieu que l'on croit tre le village appel maintenant de son nom : Saint-Clair, sur les bords du Rhne, un peu en dessous de Vienne.

Il perdit son pre avant d'avoir pu le connatre. Sa pieuse mre prit grand soin de son ducation, et, afin d'avoir des matres habiles pour lever son enfant, elle vint s'tablir Vienne, sa ville natale, dans un faubourg dont le nom d'alors signifiait Beauchamp, et qui est aujourd'hui appel Fuissin.

L'illustre saint Didier gouvernait cette poque l'Eglise mtropolitaine de Vienne. Il avait donn un lan tout particulier l'tude des sciences ; la premire enfance de Clair fut ainsi guide par les matres que l'glise-cathdrale entretenait pour l'instruction de la jeunesse.

La mre, de son ct, ne ngligeait rien pour former son fils la vertu. Elle le conduisait souvent aux mmoires des saints martyrs, proches de sa demeure : la basilique de Saint-Pierre et l'glise ddie saint Maurice et ses compagnons. On ne voyait en Clair aucun empressement pour les jeux qui font l'unique occupation de l'enfance. Paisible, srieux, il suivait sa mre dans les visites frquentes qu'elle faisait aux tombeaux des martyrs et unissait ses prires celles des religieux qui desservaient ces glises.

Tempte apaise.

Un jour que la mre et le fils taient alls visiter, au del du Rhne, le monastre o reposaient les reliques du martyr saint Ferrol, les heures s'coulrent si rapidement dans les exercices de pit, qu'oubliant toute proccupation ils s'attardrent jusqu'au soir. Dj la nuit tait proche quand les deux plerins montrent dans une barque qui devait leur servir traverser le Rhne. Tout coup, il s'leva une tempte si furieuse que les bateliers eux-mmes dsespraient de pouvoir jamais atteindre le rivage. L'enfant tendit alors ses mains innocentes vers l'glise Saint-Ferrol et s'cria, la voix pleine de larmes : Mon Dieu, pour le nom de qui le martyr Ferrol a endur la mort, venez nous secourir dans ce danger! Aussitt, la tempte s'apaisa et la barque atteignit sans peine les bords du fleuve, du ct de Vienne.Saint Clair, novice et moine.Bientt aprs, la mre, imposant silence des regrets bien lgitimes, confia son fils aux religieux du monastre de Saint-Ferrol, le premier des monastres qu'on appelait Griniaciens. Clair avait alors environ 12 ans. Le choix de cette maison religieuse fut inspir la pieuse mre et au fils par la reconnaissance envers le martyr qui les avait prservs du naufrage. Pour elle, le couvent de veuves ddi sainte Blandine lui servit de refuge. Sous l'habile direction des fils de saint Benot, le jeune novice fit de rapides progrs dans l'tude des sciences sacres et dans l'art plus difficile de se vaincre soi-mme. Il put voir dans la ville de Vienne, peut-tre mme dans son monastre, l'vque Augustin et ses compagnons, de l'Ordre de Saint-Benot, que saint Grgoire le Grand envoyait vangliser l'Angleterre et que ce Pape avait recommand d'une manire toute spciale saint Didier. La vue et la conversation de ces hommes apostoliques confirmrent Clair dans le dsir de se consacrer tout entier Dieu. L'Eglise de Vienne tait cependant dans le trouble et l'agitation. Son chef Didier venait d'tre exil dans l'le Leuwis, en Ecosse, par les ordres de la reine Brunehaut. Bientt, on apprenait Vienne qu' peine de retour de l'exil le pontife venait de mourir martyr sous les coups des missaires de la vindicative princesse.

Le clerg de Vienne voulut possder les prcieux restes de saint Didier, ensevelis la hte au lieu de son martyre, Chalarone, au diocse de Lyon. Ce fut un beau jour que l'entre triomphale du saint vque dans sa ville, aprs son glorieux trpas. Les Abbs et les moines sortirent de leurs monastres, le clerg, les fidles, tous, des flambeaux allums la main, vinrent la rencontre des dpouilles sacres. On alla, la suite de l'vque saint Ethrius, jusqu' l'glise d'une villa, appele Feysin, patrimoine du martyr, et, au milieu des hymnes et des cantiques, on transporta le corps de saint Didier dans la basilique de Saint-Pierre o reposaient dj plusieurs vques viennois.Saint Clair, prtre, directeur, Abb.

Elev la dignit de prtre, Clair se distingua par ses vertus et par son humilit ; sa rputation ne tarda pas franchir l'enceinte troite du couvent et il fut choisi pour diriger le monastre de Sainte-Blandine o sa mre s'tait retire. Le saint religieux accepta cette charge par soumission, malgr les regrets qu'il prouvait quitter le monastre o s'taient coules les belles annes de son adolescence et de sa jeunesse.

Il retrouvait sa mre. Sous la direction de son fils, celle-ci se perfectionna dans les pratiques de la vie religieuse. Elle eut le bonheur d'tre assiste par lui son lit de mort, d'entendre ses exhortations et de recevoir les derniers sacrements de ses mains.

La prudence et la vertu consomme de Clair dans la conduite de la communaut de Sainte-Blandine le firent choisir par saint Clarent, vque de Vienne, comme Abb du monastre de SaintMarcel en l'an 620. Clair tait bien jeune pour remplir de telles fonctions, puisqu'il venait seulement d'atteindre sa trentime anne. Il gouverna cependant le troupeau confi ses soins avec un zle clair et devint le modle du suprieur accompli. Cette lvation ne servit qu' faire clater davantage ses vertus. Les vques de Vienne, successeurs de saint Clarent, c'est--dire les saints Syndulphe, Dodolne, Edicte et surtout Cadolde, tous grands fondateurs et protecteurs de monastres, l'honorrent de leur confiance et de leur amiti.La thbade Vienne.

Sous l'piscopat de saint Cadolde, les institutions monastiques prirent un dveloppement remarquable. L'auteur de la Vie de saint Clair nous a transmis une curieuse indication des monastres fonds cette poque par les vques de Vienne. Il y avait 400 religieux dans les monastres Griniaciens d'au del du Rhne ; dans le plus grand reposaient les restes de saint Ferrol ; 30 religieuses habitaient le couvent de Sainte-Colombe ; prs de 500 moines peuplaient le monastre de Saint-Pierre situ au midi de la ville ; il y en avait 50 dans celui de Saint-Jean-Baptiste, 50 dans celui des Saints-Gervais-et-Protais, et un pareil nombre dans celui de Saint-Vincent ; 30 dans celui de Saint-Marcel ; 25 veuves dans celui de Sainte-Blandine ; 100 religieuses dans celui de Saint-Andr-le-Haut ; autant de religieux dans celui de Saint-Andr-le-Bas ; 40 dans celui de Saint-Nizier ; 150 au monastre de Saint-Martin ; au total il y avait Vienne et aux environs plus de 1 200 moines et prs de 300 religieuses, sans parler de soixante autres maisons conventuelles rpandues dans le diocse.

Un clerg considrable clbrait l'office divin jour et nuit dans l'glise-cathdrale ; un autre collge de clercs desservait l'glise Saint-Svre ; les uns et les autres vivaient en commun, et taient pour les fidles autant de vivants modles.Gurison de l'abbesse de Sainte-Blandine, d'un moine et d'un lpreux.

Entre tous ceux qui se distingurent sous la houlette de saint Cadolde, le plus clbre fut Clair, qui Dieu accorda le don des miracles. La vie mme du pieux Abb n'est qu'une srie de miracles.

L'abbesse du monastre de Sainte-Blandine tomba un jour si gravement malade qu'on attendait d'instant en instant l'heure de sa mort. Clair, alors suprieur du couvent de Saint-Marcel, mais qui dirigeait encore les veuves de Sainte-Blandine, vint assister la moribonde dans son agonie. Il s'approcha du lit de l'abbesse et lui prit la main. A la prire secrte de son ministre, Dieu rpondit par un miracle. Sur-le-champ, la malade put se lever et se rendre l'glise pour remercier le Seigneur de sa gurison. Un moine de l'abbaye de Saint-Marcel tait tourment par de cruelles douleurs d'entrailles. L'Abb fit sur lui les onctions d'huile sainte, ce qui dsigne peut-tre l'Extrme-Onction, et lui rendit par ce moyen une sant parfaite.

Un jour que Clair se rendait la ville, accompagn de plusieurs de ses frres, il rencontra un pauvre entirement couvert, de la tte aux pieds, d'ulcres immondes. Subitement inspir de Dieu : Allez, dit l'Abb l'un de ceux qui taient avec lui, allez plonger ce malheureux dans le ruisseau qui coule prs d'ici. L'ordre fut peine excut que les plaies du mendiant disparurent. Toute la ville de Vienne put constater le prodige ; le miracul vcut longtemps encore et devint portier de l'abbaye de Saint-Marcel.

Miracle des raisins. Pcheur imprudent sauv.

La grle avait ravag une vigne appartenant au monastre ; Clair alla voir les dgts et consoler les vignerons. Il demanda au Frre charg du soin de la vigne s'il restait encore l'espoir d'une rcolte suffisante pour les besoins de la communaut. Or, le dsastre tait complet ; peine quelques raisins avaient-ils t pargns. Sur cette rponse, l'Abb s'agenouille parmi les ceps et y passe la nuit en prires. Chose merveilleuse! Le lendemain, la vigne apparat charge de nouveaux fruits, promettant une abondante vendange.

Une autre fois, pendant que le Rhne dbordait, Clair, avec ses religieux, se trouvait sur les bords du fleuve. Un des Frres voulant prendre des poissons lana si imprudemment ses filets qu'il tomba dans l'eau et tait sur le point d'tre emport par le courant. Aux cris des religieux effrays, l'Abb aperoit le malheureux pcheur ; il fait le signe de la croix sur les eaux, et, au milieu de l'tonnement gnral, le Frre se dirige, pouss par les flots, vers le rivage. Tous, pleins d'allgresse, retournrent au monastre, chantant les misricordes du Seigneur et le remerciant davoir arrach lun deux la mort. Ce miracle se doubla dun second; en effet, le Frre navait point lch son filet; on louvrit et on y trouva un poisson gant qui suffit ce jour-l pour la subsistance de toute la communaut.Luttes contre le dmon.

Pendant que les religieux de Saint-Marcel prenaient leur repos, lAbb avait coutume de passer la nuit en prire. Un nuit, le dmon se prsenta devant lui sous une forme fantastique, lanant des clairs et, dune voix terrible et menaante, fit entendre ces paroles: Je veux te chasser de ce lieu.Le moine rpondit: Retire-toi, Satan! Jsus-Christ, mon Dieu, est matre de toute la terre et detout ce quelle renferme. Le dmon, dmasqu, se retira avec un fracas pouvantable, et une forte secousse, semblable un tremblement de terre, jeta lmoi dans toute la rgion.

Les vexations de lesprit-malin sexercrent alors sur une religieuse, portire de Sainte-Blandine, et charge de pourvoir au ravitaillement de la communaut. Le dmon la perscuta dune manire si horrible que les Surs du couvent et tous ceux qui la voyaient taient dans la dsolation. Clair vint au secours de la pauvre afflige. Il mit dans la bouche de la possde ses doigts consacrs par lonction sainte, et, aprs avoir pri, il chassa lesprit infernal.

Saint Clair fait plonger dans un ruisseau un lpreux qui se trouve guri.

Prophties de saint Clair.

Il y avait plus de quarante ans que Clair administrait les deux couvents de Sainte-Blandine et de Saint-Marcel et qu'il difiait la ville de Vienne et ses environs par l'exercice de toutes les vertus. Charg d'annes et de mrites, il apprit par rvlation que sa fin tait proche ; en mme temps, Dieu lui dcouvrit de graves vnements venir. L'Abb runit alors ses religieux dans le jardin du couvent, et, les ayant fait asseoir ses cts, il leur dit : Mes frres, ce n'est que par beaucoup de tribulations, suivant l'Aptre, que nous pouvons entrer dans le royaume de Dieu ; je ne vous cacherai donc pas ce que le Seigneur m'a rvl. Notre ville aura six vques qui gouverneront en paix cette Eglise ; mais, lorsqu'ils se seront endormis, sous l'piscopat du septime viendra une cruelle perscution de la part des paens. Cette cit, par un juste jugement de Dieu, leur sera livre pour qu'ils la dvastent. Les moines et les habitants de ce pays seront, les uns massacrs, les autres obligs de fuir ; les glises et les monastres seront incendis et pills, ce sera une dsolation complte.

Maintenant donc, mes frres, craignez les jugements de Dieu, soyez sur vos gardes, et veillez avec diligence vous acquitter de vos devoirs, afin que, lorsque les jours de la tribulation seront venus, ils vous trouvent prts supporter ces maux, si toutefois quelques-uns d'entre vous sont encore vivants cette poque. Je vous recommande, en grce dernire, d'inhumer mon corps dans l'glise de la bienheureuse Blandine. Cette prophtie s'accomplit plus tard lorsque Vienne et tout le reste du Dauphin furent ravags par les Sarrasins, sous l'piscopat de saint Austrobert, septime vque aprs saint Georges, qui gouvernait l'Eglise viennoise lorsque Clair fit sa prdiction. Ce ne fut point seulement le Dauphin, mais encore le Languedoc, la Provence et la Bourgogne que les Sarrasins venant d'Espagne remplirent d'incendies et de meurtres. Ils eussent rserv le mme sort au reste de la France, si Charles Martel n'et arrt cette inondation de barbares en 732 par la victoire signale qu'il remporta sur eux entre Tours et Poitiers, o, d'aprs les vieilles chroniques, 375 000 ennemis restrent sur le champ de bataille.

Vision cleste et sainte mort.

Trois jours avant de mourir, Clair, tant tomb malade, ne cessait plus de prier. Il vit, l'aurore, le ciel s'ouvrir et livrer passage une immense arme d'anges vtus de blanc. Elle tait prcde par un jeune homme au radieux clat, qui descendit dans la cellule du malade. Comme le vieillard tait dans l'extase devant cette admirable vision, sainte Blandine, reconnue par lui, vint le consoler et l'exhorter suivre la cleste phalange. Il rpondit l'illustre vierge que tel tait le plus ardent de ses dsirs. Dans trois jours, lui dit Blandine, vers la cinquime heure, Marcel et moi viendrons te chercher pour t'emmener avec nous au royaume cleste ; et pour que l'ennemi du genre humain ne puisse te nuire, toute cette arme de Dieu sera encore l pour te dfendre.

Le malade se fit alors porter l'glise et tendre sur un cilice ; il y passa ces trois jours dans une prire continuelle jusqu'au moment suprme. Il avait commenc lui-mme le psautier que ses religieux continuaient. Lorsque le chur fut arriv au dernier verset du psaume 150 o il est dit : Que tout esprit loue le Seigneur, l'difice fut soudain rempli d'une lumire cleste et d'une suave odeur, et en mme temps Clair exhala son me.

C'tait le 1er janvier 670. Les derniers devoirs lui furent rendus par saint Georges, vque de Vienne, assist par les nombreux Abbs des monastres voisins. Son corps, selon son dsir, fut transport dans l'glise Sainte-Blandine, prs de la spulture de sa mre, et il y fut inhum devant le grand autel. L'odeur qu'on avait ressentie au moment de sa mort suivit sa glorieuse dpouille jusque dans le tombeau. Pendant les funrailles, tandis qu'on portait son corps du monastre de Saint-Marcel celui de Sainte-Blandine, un paralytique fut guri par l'attouchement de son cercueil.

Reliques et culte.

Plus tard, l'glise Sainte-Blandine fut dvaste par les Sarrasins ; comme elle tombait en ruines, on transporta les ossements du Saint dans la basilique de Saint-Pierre. Les reliques y restrent exposes la vnration des fidles jusqu' la fin du XVIe sicle. A cette poque, elles furent brles et disperses par les calvinistes. Il en chappa cependant quelques parties. C'est ainsi que le chef de saint Clair, conserv dans un reliquaire d'argent, se trouva dans l'glise du petit village de Saint-Clair-sur-Rhne, o la tradition veut que le saint Abb soit n.

Cette glise de Saint-Clair, visite depuis un temps immmorial par la pit des peuples voisins, fut brle par les huguenots en 1562. Le Chapitre de Saint-Maurice de Vienne, qui elle appartenait, la fit rebtir, aid par les habitants du lieu. Ce nouvel difice fut consacr, en 1617, le dimanche aprs la Saint-Martin, par Pierre de Villars, vque titulaire d'Ephse, coadjuteur de Jrme de Villars, archevque de Vienne. Le Pape Grgoire XV accorda, quelques annes aprs, des indulgences ceux qui visiteraient l'glise le 2 janvier, fte du saint patron.

Dans l'glise cathdrale de Vienne, une chapelle tait ddie saint Clair en mme temps qu' saint Paschase, vque de cette ville au IVe sicle. C'tait la chapelle du Saint-Sacrement, aujourd'hui du Sacr-Cur. Un reliquaire de la mme glise, qui contenait une partie du corps du saint Abb, chappa sous la Rvolution aux recherches des missaires du district de Vienne. La paix religieuse rtablie, l'authenticit de cette relique fut reconnue.

Une vingtaine de diocses en France ont longtemps fait mmoire de saint Clair, Abb de Saint-Marcel, le mme jour de janvier ou bien un autre jour de ce mois. A la requte de l'vque de Grenoble, son culte fut confirm par un dcret rendu le 1er dcembre 1903. La fte est au 2 janvier dans les nouveaux Propres de Grenoble, Annecy, Chambry, Lyon et Viviers.

C'est surtout dans l'ancien diocse de Vienne et les diocses voisins que son culte est rest populaire. Parmi les paroisses qui ont pour patron saint Clair, on compte, au diocse de Grenoble : Saint-Clair-de-la-Tour, Saint-Clair-du-Rhne, Saint-Clair-sur-Galaure, Culin, Eydoche, Meyri (conjointement avec Notre-Dame) et Meyrieu ; au diocse de Viviers ; Saint-Clair, prs d'Annonay, Arras et Thorrenc. Au diocse de Lyon, une paroisse et un quartier portent son nom dans la cit archipiscopale ; trois autres paroisses du mme diocse l'ont pour patron : dans le Rhne, Brignais ; dans la Loire, Lay et Maclas.

On possde, dans la plupart de ces glises, des reliques de saint Clair, et encore Saint-Martin de Vienne, La Tour-du-Pin, Chavanoz, Jons, Illins, Septme, Saint-Geoire, Saint-JustChaleyssin, etc.

Dans l'ancien diocse de Genve, une maison bndictine s'appelait la Cluse-Saint-Clair ; la famille de saint Bernard de Menthon a fourni plusieurs prieurs ce lieu de plerinage.

Saint Clair uniquement peut-tre cause de son nom est invoqu pour les maladies d'yeux, surtout dans les diocses de Grenoble, Tarentaise, Annecy, Valence. On l'invoque aussi contre les orages. Il est le patron des tailleurs, des brodeurs, des tisseurs, des couturires, des trfileurs, etc., et gnralement de toutes professions o une bonne vue est ncessaire ; pour ce motif, Lyon, la ville de la soierie, lui rend un culte tout spcial, en particulier dans les quartiers ouvriers.

EMM. Varnoux.

Sources consultes. Acta Sanctorum, t.I de janvier (Paris, 1863). Surius, Vie de saint Clair. Brviaires viennois. Saint Adon, Chronique. Le livre, Maupertuy, Charvet, Histoire de la Sainte Eglise de Vienne. Chorier, Antiquits de Vienne. Mermet, Histoire et chronique de Vienne. Ulysse Chevalier, Notice sur les archevques de Vienne. (V.S.B.P., n 931.)

SAINT GORDIUS

Officier, martyr Csare de Cappadoce (. IVe sicle).Fte le 3 janvier.La vie de ce martyr nous est bien connue par le pangyrique que saint Basile, vque de Csare, pronona sur son tombeau mme, en prsence de ses compatriotes; nous en retracerons les grandes lignes daprs ce rcit, qui est, au tmoignage de lorateur, fidle, exact, uniquement renferm dans la vrit des faits, ne contenant rien qui ne se trouve confirm par lhistoire. Du reste, dans lassistance, on voyait plusieurs personnes qui avaient assist aux derniers moments du Saint; dune part il avait t facile lorateur de trouver des informations sres, dautre part la prsence mme de ces tmoins oculaires ne pouvait quengager saint Basile observer de trs prs dans ses paroles une parfaite exactitude.Un officier chrtien.

Gordius ou Gordes naquit Csare de Cappadoce, cit qui fut fire de l'avoir pour enfant et le regarda comme son plus grand ornement. Car, remarque saint Basile, de mme qu'on attribue au terroir la bont des fruits qui y mrissent, ainsi Gordius ayant pris naissance dans ces murs et tant mont depuis au plus haut point d'lvation o un homme puisse arriver, fait rflchir sur notre patrie l'clat dont il brille dans le ciel : pour l'existence qu'elle lui a donne, il lui rend une gloire incomparable. Gordius embrassa la carrire militaire et y obtint des emplois considrables ; il parvint au grade de centurion, c'est--dire de capitaine commandant une compagnie de cent hommes. Sa valeur, soutenue par une vigueur physique peu ordinaire, lui acquit une grande rputation dans l'arme, en mme temps que sa droiture lui attirait le respect de tous. Chrtien de naissance et d'ducation, il sut se montrer chrtien sous les armes, fidle la loi de Dieu aussi bien qu' la discipline militaire.Perscution contre les chrtiens.

Cet officier servait donc avec beaucoup de gloire et ne songeait qu' remplir son devoir, lorsque l'empereur commena prendre des mesures contre les chrtiens. Ce souverain n'est pas dsign par saint Basile et l'on serait port y voir Diocltien plutt que Licinius, si celui-ci n'tait pas plus rapproch de l'poque laquelle vivait l'illustre Docteur de Csare. Quoi qu'il en soit de ce point, la perscution ouverte contre les fidles du Christ avait commenc.

On n'entendait plus dans toutes les villes, sur les places et les carrefours, que la voix des crieurs qui publiaient l'dit du tyran dfendant, sous peine de mort, d'adorer Jsus-Christ. Les idoles taient partout exposes l'adoration publique ; des dieux de pierre et de bois disputaient au vrai Dieu les honneurs divins. Tout tait en confusion dans Csare, o la nouveaut de l'dit jetait le trouble et la surprise dans les esprits. On pillait les maisons des chrtiens, qui taient dpouills de tout ce qu'ils possdaient ; les bourreaux se saisissaient des fidles et les frappaient sans piti ; des femmes de condition taient tranes dans les rues, sans que la jeunesse inspirt aucune compassion ces barbares, la vieillesse aucun respect. Les prisons taient pleines, et les logis des personnes de qualit abandonns ; les forts et les solitudes se peuplaient de ceux que la perscution avait chasss de la ville. Les glises chrtiennes taient profanes et prives de leurs ornements, les autels renverss. On ne voyait plus fumer l'encens et les parfums devant le Seigneur, on ne pouvait plus offrir le divin Sacrifice. Une tristesse profonde s'tait empare des mes, et l'on gardait un silence qui semblait annoncer quelque chose de funeste. Les prtres avaient pris la fuite, tout le clerg tait dans la crainte ; bien plus, chaque chrtien redoutait une mort prochaine.Saint Gordius quitte l'arme.Le centurion voyait tous ces dsordres et ne se contentait pas d'en gmir, car, pressentant que lui aussi serait bientt mis dans l'obligation de se dclarer pour ou contre le Christ, il quitta le service et se bannit volontairement de Csare. Renonant aux charges, aux dignits, toute sa fortune, une carrire qui lui tenait tant au cur, se dtachant de tout ce qu'il y a de plus doux dans la socit civile, de ses domestiques, de ses proches et de ses amis, bref de tout ce que les autres recherchent avec le plus d'ardeur, il s'enfona dans un dsert et se cacha dans des lieux inconnus des hommes, aimant mieux vivre dsormais avec les btes sauvages que parmi les paens.Dans la solitude.

Il ne semble pas que Gordius ait pass de longues annes dans la retraite ; il y vcut pourtant assez longtemps pour retrouver Dieu, aprs avoir purifi son imagination et sa mmoire des souillures que les images de tous les objets impurs aperus dans le monde pouvaient y avoir laisses. Dans le silence de la solitude et dans les entretiens quotidiens avec Dieu, il apprit des mystres ineffables. Pensant jour et nuit au peu de consistance de la vie prsente qui s'vanouit comme un songe, il se sentit enflamm de l'amour de cette autre vie, qui ne doit jamais finir. On peut croire aussi qu'il prouvait quelque chagrin de s'tre retir du champ de bataille avant la lutte, et, bien que sa conduite fut, en tout, conforme aux rgles que l'Eglise avait traces aux fidles pour les temps de perscution, il mditait de confesser publiquement sa foi par une action d'clat. En attendant, il s'exerait par des jenes, des veilles prolonges, des prires frquentes, la mditation assidue des vrits de notre religion.Les jeux du cirque.

Lorsqu'il se sentit bien prpar, Gordius rsolut de se produire le jour mme o toute la ville tait runie au cirque pour contempler des courses de chars. Les paens clbraient une fte solennelle en l'honneur du dieu Mars, et un ordre exprs de l'empereur commandait toute la population de s'y trouver. De fait, moins d'un empchement absolu, personne n'avait os s'en dispenser. Paens, juifs et chrtiens s'entassaient ple-mle sur les degrs du cirque, et cette foule innombrable de spectateurs, tout occupe de la course, gardait un silence religieux qu'elle n'interrompait que pour applaudir les concurrents victorieux. Les chrtiens, remarque saint Basile, n'taient pas les derniers admirer la vitesse des chevaux et l'adresse des conducteurs, mais en gnral les spectateurs les plus nombreux et les enthousiastes taient des personnes dont la vie tait peu conforme, aux maximes de l'Evangile. Le cirque de Csare n'existe plus ; il est transform en un champ labour, situ au sud-ouest de la ville, et dans lequel on rencontre et l quelques dbris de marbre. Il est form par une petite valle, leve d'environ 25 mtres au-dessus de la plaine et entoure de collines qui la dominent d'au moins 70 mtres. C'est par le sommet de ces collines que devaient passer au IVe sicle les fortifications de Csare ; il s'ensuit que 1e cirque se trouvait hors de la ville, ainsi que saint Basile l'atteste plusieurs reprises.

Apparition dramatique de saint Gordius.

Ce fut au moment le plus pathtique des courses et lorsque l'attention des spectateurs tait le plus soutenue, que l'ancien officier, descendant le long de la colline contre laquelle le cirque tait appuy, se montra tout coup. La crainte du peuple ne le retint point ; il ne se demanda pas, mme un seul instant, s'il se livrerait tant de mains ennemies ; mais anim d'un courage extraordinaire et passant devant tous ceux qui occupaient les siges, il s'avanait aussi insensible que s'il et ctoy une suite de rochers ou une range d'arbres, et il s'arrta au milieu de la piste. Puis, il se sentit tant d'assurance et d'intrpidit que, montant sur les siges les plus levs du cirque, il lana pleine voix ce texte d'Isae cit par saint Paul:- J'ai t trouv par ceux qui ne me cherchaient pas, et je me suis fait voir ceux qui ne se souciaient point de me connatre.

Il voulait signifier par l qu'il venait de son propre mouvement, et qu'il se prsentait au combat de lui-mme, sans que personne l'y et forc.

Si la voix de Gordius attira aussitt sur lui les regards de tous les assistants, son extrieur et sa physionomie les frapprent bien davantage. L'un et l'autre avaient quelque chose d'affreux. Le long sjour que l'officier avait fait dans le dsert l'avait rendu semblable un sauvage. Il avait les cheveux hirsutes et tout en dsordre, la barbe longue et mal peigne, ses habits en lambeaux, le corps sec et noirci par le soleil, une besace sur l'paule, un bton noueux la main ; mais travers cet accoutrement qui lui donnait plutt l'aspect d'un bandit que d'un honnte homme, se laissait voir une physionomie grave et repose, fruit de la grce dont son me tait remplie.

On sait que dans l'homme c'est la voix qui change le moins. Aussi, ds que l'officier et parl, bien des assistants le reconnurent, et aussitt aprs un immense cri s'leva des divers cts de l'assemble, couvrant les paroles du nouvel arriv. D'une part, les chrtiens, revenus eux-mmes, faisaient clater leur joie en voyant leur compagnon d'armes montrer tant de valeur ; de l'autre, les paens demandaient au magistrat qui prsidait aux jeux la mort de cet importun. Tout tait rempli de confusion : on ne regardait plus les courses, on n'avait d'attention que pour Gordius, tout le thtre n'tait plus occup que de lui. Les cochers avaient beau presser leurs chevaux, ils n'excitaient plus la curiosit des spectateurs ; le tumulte mme tait si grand que le roulement des chars ne s'entendait pas ; les vents d'automne ne reprsentent qu'imparfaitement toutes ces diffrentes clameurs.

Devant le gouverneur.

Un hraut ayant impos silence, les trompettes s'arrtrent et les autres instruments de musique cessrent de jouer ; Gordius aussitt prit la parole et indiqua pour quel motif il tait sorti de sa solitude. Il fut conduit sur-le-champ devant le gouverneur, qui lui parla tout d'abord avec une grande douceur, s'informant de son nom, de sa famille, de sa position sociale, du but de cette visite imprvue. Le courageux chrtien rpondit en quelques mots toutes ces demandes, insistant notamment sur le rang qu'il avait occup dans l'arme, sur les raisons qui l'avaient dtermin quitter le monde et sur celles qui l'obligeaient prsentement y revenir.

- Si je reparais aux yeux des hommes, ajouta-t-il, et si je me retrouve dans cette cit, c'est pour avoir la gloire de confesser hautement Jsus-Christ, pour vous dire que je ne tiens aucun compte des dits ports contre la religion chrtienne et pour vous reprocher votre cruaut. Jai pris occasion des courses, afin dexcuter mon dessein devant un plus grand nombre de tmoins.Cette dclaration ne fit quexciter la fureur du magistrat, qui, au dire de saint Basile, aurait voulu incontinent accabler lofficier de tous les tourments la fois. Les paroles quil lui prte en cette occasion ne peut que confirmer ce jugement.

Des bourreaux, scria-t-il, des fouets, des plombes! Quon ltende sur la roue; quon le mette sur le chevalet! Quon mapporte tous les instruments propres tourmenter; quon en cherche, quon en invente de nouveaux! Quon prpare la prison, quon dresse des croix, quon affile le tranchant des haches, quon lche les btes froces! Cest trop peu pour un homme si excrable, que de ne mourir quune fois! Ctait aussi lavis de Gordius qui, au moins sur ce point l, se rencontrait avec le gouverneur. Assez port naturellement la cruaut, celui-ci voyait augmenter sa colre mesure que saffirmait davantage la fermet de son interlocuteur. Il se croyait dans la ncessit de donner un exemple cause de la haute situation quavait occupe dans lempire cet officier, peut-tre aussi parce que la grandeur dme dont celui-ci venait de tmoigner faisait honte sa propre faiblesse.

Saint Gordius quitte l'arme pour ne pas sacrifier aux idoles

Quant au confesseur de la foi, il se plaignait, mais seulement de devoir attendre les peines dont on l'avait menac.

- Vous devriez, dclarait-il, m'avoir dj dchir en mille pices et n'avoir laiss aucun de mes membres sans lui avoir fait souffrir un tourment particulier ! Est-ce que vous m'envieriez le bonheur qui doit en tre la rcompense? Plus vous me ferez souffrir, et plus cette rcompense sera grande. C'est une convention passe entre Dieu et les martyrs : chaque fltrissure qui paratra sur nos corps sera change, au jour de la rsurrection, en un rayon de lumire ; pour les opprobres, nous recevrons des palmes et le sjour que nous aurons fait dans les prisons nous vaudra le paradis en partage. Vous nous punissez sur la terre du supplice d aux sclrats, alors qu'au ciel nous jouirons du bonheur destin aux anges.Condamnation mort.

Aprs de pareilles dclarations, le magistrat vit bien qu'il n'obtiendrait rien par cette voie et que toutes les menaces rendraient l'officier chrtien beaucoup plus inflexible ; il essaya donc d'en venir bout par la douceur et par les flatteries. Il lui fit les promesses les plus magnifiques, s'engageant en raliser une partie l'instant mme et obtenir le reste du souverain dans l'espace de quelques jours. C'taient de l'avancement dans l'arme et des biens considrables. Il n'avait qu' faire un signe, et tout lui serait accord. Aussi peu mu de ces promesses qu'il l'avait t des menaces, Gordius se mit rire sans mnagement, plaisantant le gouverneur qui s'imaginait que des biens prissables pussent tre mis en comparaison avec ceux de l'ternit. Pour le coup, cette attitude jeta tout fait hors de lui le gouverneur qui, tirant son pe du fourreau, condamna l'officier avoir la tte tranche.

Ds que le peuple qui assistait aux courses apprit cette nouvelle, il accourut auprs du tribunal ; il en fut de mme de ceux qui taient rests dans leurs maisons et qui ne voulurent pas manquer ce spectacle. En peu d'instants, Csare devint comme dserte, tout le monde se portant hors des murs, s'y tranant mme comme il pouvait, afin de satisfaire sa curiosit.La dcapitation.

Tandis que la multitude entourait le lieu de l'excution, les amis et les parents de Gordius s'approchaient de lui, l'embrassant et le conjurant avec larmes de ne pas courir sa perte. Ils lui reprsentaient la honte du supplice qui l'arracherait sa famille, alors qu'il tait encore la fleur de l'ge ; certains mme, s'imaginant qu'il est permis, mme en matire de religion, de feindre ses sentiments pour sauver sa vie, s'efforaient de lui persuader qu'il pouvait renier Jsus-Christ seulement de bouche et en paroles, tandis qu'il le reconnatrait toujours dans le fond du cur.

Ni les prires, ni les larmes, ni les supplications ne purent branler tant soit peu la constance du martyr, pas plus que les vagues de la mer ne russissent emporter les rochers qui brisent leur lan. Persuad mme que le dmon avait une part assez grande dans cette affaire et que l'opposition de ses parents et leurs larmes taient surtout le fait de ses artifices, il rsolut d'y couper court immdiatement.

- Vous n'avez pas, leur disait-il, pleurer sur moi, mais sur vous-mmes, qui avez os me faire des propositions aussi honteuses. Ou plutt, non : pleurez sur les ennemis de Dieu, sur ces hommes sanguinaires qui mettent toute leur gloire vouloir dtruire le nom chrtien. Quant moi, je suis prt mourir pour mon Dieu, non pas une fois, mais mille fois, si c'tait ncessaire et si la chose tait possible. Je ne me prterai jamais au march hypocrite que vous me proposez : je tiens cette langue de la bont de mon Dieu et je ne l'emploierai point le renier. Nous croyons de cur pour tre justifis, a dit l'Aptre, mais nous confessons de bouche pour tre sauvs. Croiriez-vous, peut-tre, qu'il n'y a pas de salut pour ceux qui portent les armes ? Ou vous imagineriez-vous qu'un officier est incapable de confesser son Dieu? Mais il y avait un centurion au pied de la croix, o Jsus-Christ expirait pour laver nos pchs! C'est lui qui reconnut et confessa la divinit du Crucifi, inconnu pour lui deux jours auparavant, en prsence mme des Juifs furieux et couverts encore de son sang.Ayant ainsi parl, le soldat du Christ fit sur lui le signe de la croix et, le visage tranquille et mme joyeux, sans marquer la moindre apprhension, il marcha la mort d'un pas assur. A voir la joie qui brillait dans ses yeux, on et dit qu'il allait se jeter entre les bras des anges et non pas se remettre aux mains des bourreaux. C'est prs de l, hors des murs de la ville, sous les yeux de la plupart de ses compatriotes, que l'officier chrtien et la tte tranche. C'tait, selon toute vraisemblance, au cur de l'hiver, le 3 janvier, jour mme o l'Eglise clbre encore sa fte. Le sanctuaire, que les habitants de Csare levrent sur l'emplacement de son martyre et dans lequel saint Basile pronona le pangyrique de saint Gordius, a disparu depuis longtemps, mais le culte que lui gardent ses compatriotes tait vivant, nagure encore dans la capitale de la Cappadoce.

Franois Delmas.

Sources consultes. Acta Sanctorum, t. I de janvier (Paris, 1863). Les vritables Actes des martyrs, traduits par Drouet de Maupertuy, t. II (Paris, 1708).

..................PAROLES DES SAINTS_________

La naissance du Christ.

La virginale naissance humaine du Sauveur tonne le monde, et, pendant que la foi l'entoure de ses hommages, elle est tourne en drision par l'incrdulit dont elle confond la sagesse, et elle fait trembler l'orgueil dont elle abat la fiert. Que sera-ce donc de cette autre naissance du Seigneur, qui le fait coternel son Pre ! Quel est ce Verbe ternellement prononc, qu'aucun silence n'a prcd, qu'aucun silence, ne suit ? Quel est ce Verbe en dehors du temps, et qui le temps doit son existence? Ce Verbe n'a ouvert ni ferm lvres quelconques, lorsqu'il s'est produit. Ce Verbe, qui rend la parole aux muets, ne reoit aucun commencement de la bouche qui parle. Ce Verbe, qui rend loquente la langue des enfants, n'est point le fruit de la plus ou moins habile loquence des hommes. Quelle est donc sa gnration, quel est ce Fils, qui ne voit jamais mourir son Pre, parce que son Pre n'a jamais vcu avant lui ?

Ah! Elevons notre pense au-dessus du temps et de ses successions, au-dessus de l'espace et de ses distances ; levons, avec le secours de la grce, levons notre pense vers Dieu, afin de concevoir, si c'est possible, un Pre et un Fils galement ternels ; un Pre qui ternellement engendre un Fils qui est ternellement engendr. Voil ce qu'il faut concevoir si on le peut, ou croire si on ne le peut concevoir. Mystre ineffable, qui cependant n'est loin d'aucun de nous, car en lui nous avons la vie, le mouvement et l'tre . Qui donc pourrait raconter et expliquer la gnration divine du Verbe, puisque l'esprit humain ne saurait encore monter ce sommet infini ?

Mais le Verbe s'est fait chair, et il a habit parmi nous.

Saint Augustin.

(Sermon 369.)

La bonne conscience.Qu'y a-t-il de plus riche, qu'y a-t-il de plus doux au dedans du cur, de plus calme et de plus tranquille sur la terre, qu'une bonne conscience ? Elle ne craint point la perte des biens temporels, ni les paroles outrageuses, ni les tourments du corps ; la mort mme relve son courage plutt qu'elle ne l'abat.

Saint Bernard.(De la Considration.)

SAINT RIGOBERT

Archevque de Reims (.743)

Fte le 4 janvier

Saint Rigobert naquit au pays des Ripuaires, qui est aujourdhui le duch de Luxembourg, de Gueldres et de Juillers. Son pre Constantin, tait noble; sa mre, de race franque, tait du territoire de Porcien. On place sa naissance dans la seconde moiti du VIIe sicle; mais ses biographes ne nous en ont pas conserv la date exacte.

Education monastique

Sur ces premires annes, peu ou presque point de dtails de la part des nombreux historiens qui ont retrac la vie active et vertueuse de lvque de Reims.; Tout ce quils nous apprennent, cest que, ds son plus jeune ge, Rigobert se voua tout entier aux saintes rgles de la science cleste, sappliquant avec une rare nergie la pratique de toutes les vertus; en sorte que la chastet, la vigilance, la pit, la charit, labstinence, la gnrosit, la justice, la prudence dans les conseils, la sincrit dans les paroles, firent sont tude constante et son occupation continuelle.

Le savant historien bndictin Jean Mabillon nous certifie que les parents de Rigobert le confirent ds son enfance saint Rieul ou Rol, son oncle, fondateur de labbaye dOrbais, en Champagne, et archevque de Reims (.695).

Ctait dailleurs la pratique commune des familles nobles et aises de faire lever et instruire leurs enfants dans les monastres. Les clotres taient, en effet, les coles suprieures dalors, o les jeunes seigneurs pouvaient sinstruire sur toutes les sciences, la grammaire, la rhtorique, la philosophie, lhistoire, les arts, etc. La thologie ou si lon aime mieux, ltude approfondie de la religion, y avait, comme il convient, la premire place, et cest par l que les moines imprgnrent peu peu la jeunesse franque de ce christianisme, de cette pit qui eut enfin raison du caractre rest naturellement barbare des envahisseurs.Rigobert fut une nature d'lite. Il devint savant dans la science des saints, et se forma aux vertus les plus hroques. La discipline svre du clotre l'habitua cette vie rgle qui fut la marque distinctive de toute son existence et qu'il essayera plus tard, par tous les efforts, d'implanter dans son clerg, persuad que la rgularit de vie, en mme temps qu'elle vite le gaspillage du temps, est la condition indispensable de la vertu sacerdotale. L'Eglise entire admirera et louera les Rgles canoniales qu'il dicta cet effet et dans lesquelles, dit l'auteur de sa Vie, on entend comme un cho affaibli de cette grande voix du dsert, prchant des gnrations moins fortes, quoique plus exposes au milieu du monde, la ncessit de la pnitence et l'importance du salut .Rigobert avait, tout jeune encore, fait profession monastique Orbais, voulant ainsi, l'exemple de l'Aptre, mourir au monde pour vivre uniquement en Dieu. Mais la vertu, quoique cache derrire les murs du clotre, n'y peut rester longtemps ignore.Sur te trne archipiscopal de Reims.

L'Eglise de Reims tait sans pasteur depuis plusieurs annes. Saint Rieul, pontife de grand savoir et d'une saintet exemplaire, avait jusqu' sa mort ( 695) gard son troupeau dans la plus rigoureuse discipline apostolique. Mais les troubles incessants du royaume, l'anarchie gouvernementale qui marqua le dclin de la premire dynastie franque, l'immixtion surtout du pouvoir sculier dans l'attribution des bnfices ecclsiastiques avaient produit, pendant le trop long veuvage du diocse, de regrettables dsordres et laiss natre de dplorables abus. L'inobservance des canons, le gaspillage des fondations pieuses, l'incapacit des clercs, avaient amen dans le temple la grande dsolation que pleurait jadis le prophte d'Isral. Tel tait le moment o le clerg et le peuple de Reims appelrent d'une voix unanime le pieux cnobite d'Orbais assumer la lourde tche de l'piscopat. Il argua de sa jeunesse inexprimente, de son amour pour la solitude et le silence, mais ses refus durent s'incliner devant la volont dtermine de ses futures ouailles. Il y reconnut l'appel mme de Dieu qui lui offrait, sous la forme d'un honneur, une charge accepter, un champ plus vaste o dpenser ses forces. Ce fut vers 695 que Rigobert prit possession de son sige, avec l'agrment, dit-on, du roi mrovingien Clovis III ou Childebert III qui proclama lui-mme cette nomination comme tant un grand bien pour l'Etat et pour l'Eglise . Les ruines morales et matrielles qu'il avait rparer taient immenses. Mais Rigobert tait un Saint, et les saints sont de merveilleux restaurateurs, parce que Dieu a btit avec eux, selon le mot de l'Ecriture. Il savait d'ailleurs, une rare sagesse de conduite, allier une parfaite modration dans les dsirs, et sa charit dlicate et douce, qui n'excluait pas une juste svrit, avait raison de toutes les oppositions.Le saint pontife et le sage rformateur.

A peine lev sur le sige de Reims, le nouvel archevque, dit son biographe, allait montrer ce qu'on pouvait attendre de son zle. Plein de l'esprit de Jsus-Christ, humble et doux comme son divin Matre, il fut aussitt singulirement aim et vnr de tous. Il sut, avec un tact et une discrtion extraordinaires, sonder les plaies de son troupeau et travailler les gurir. Dans ce haut ministre o Dieu l'avait plac, la grce parut en lui si grande et si puissante qu'il devint bientt pour tout son peuple un sujet de crainte ou d'amour. Les bons l'aimaient d'une affection tendre, leur joie tait de suivre en tout ses salutaires avertissements ; les mchants, de leur ct, le craignaient, redoutant sa vue autant que ses reproches. En sorte qu'on pouvait dire de lui comme de saint Remi : aux bons, son visage refltait la douceur de Pierre, les coupables y voyaient clater la svrit de Paul ; et ainsi, trsor de grces, il stimulait la pit des uns et rprimait les dsordres des autres. S'il menaait de chtiments, il relevait toujours avec misricorde ceux qui taient tombs, pour les amener rsipiscence. En un mot, il se fit tout tous pour les sauver...

Mais pour que son uvre de rgnration chrtienne put atteindre toutes les brebis de son troupeau, il fallait leur donner des pasteurs anims du mme esprit, des prtres saints et exemplaires. Voil pourquoi ses premires sollicitudes furent pour son clerg. Afin de ranimer parmi ses prtres la ferveur et le zle des mes, il voulut qu'ils rtablissent entre eux la vie canoniale, persuad que rien ne pouvait mieux favoriser l'esprit de prire, de recueillement et de pnitence ncessaire aux clercs pour remplir leurs sublimes fonctions. Le prtre, pour lui, c'tait l'ange terrestre de Dieu, et son zle neut point de rpit qu'il n'et form aux vertus angliques les ministres de son Eglise. Nous avons dj parl de son code de rgles canoniales, qui est rest le plan de vie sacerdotale le plus complet et l'un des plus remarquables. Ce ne fut pas la moindre gloire de son piscopat d'tre parvenu donner son diocse un clerg saint et instruit. Mais, sachant que le souci exagr de la vie matrielle fait obstacle la pit, Rigobert s'occupa d'assurer ses prtres des revenus suffisants pour leur subsistance, afin que l'embarras des affaires du sicle ne les empcht plus de se livrer aux proccupations du ministre. Sur sa mense piscopale et les domaines qui appartenaient son archevch, il prleva de quoi leur fournir la nourriture et l'entretien convenables, et il institua un trsor commun dont les rentes devaient tre perptuellement affectes cet effet. Il n'hsita pas en outre se faire quteur pour son clerg auprs des grands.Relations avec Ppin d'Hristal.

Ppin d'Hristal tait alors maire du palais. Il n'tait pas sans avoir entendu parler de la vertu et du caractre minent du saint archevque. Il manifesta l'intention de voir son fils Charles, le futur Charles Martel, baptis par Rigobert. Cet enfant tait n d'une union illgitime ; cependant le prlat ne voulut pas se soustraire cette invitation, dans l'espoir de faire servir au bien de l'Eglise les relations qu'il pourrait entretenir avec le prince et faire racheter par de larges aumnes des dfaillances morales auxquelles il et voulu pouvoir s'opposer. Et de fait, Ppin d'Hristal tant venu au pays de Laon, en un lieu appel Gernicourt, o taient ses chasses habituelles, l'archevque de Reims l'y alla trouver pour lui rendre ses hommages et solliciter des faveurs.

- Ce que vous voudrez, lui dit Ppin, je vous l'accorderai.

- Seigneur, lui dit l'homme de Dieu avec une sainte audace, donnez-moi seulement ce modeste domaine, et je serai content.

- Non seulement je vous le donne, rpondit Ppin, mais tout ce que vous voudrez l'entour.

Et il lui accorda, comme autrefois, dit-on, Clovis l'avait fait pour saint Remi, tout le terrain que Rigobert pourrait parcourir pendant son repos l'heure de midi. Alors Rigobert se mit en marche, parcourant les environs, et fit placer de distance en distance des bornes sur sa route, afin de prvenir toute contestation dans l'avenir, et Ppin lui donna tout le terrain qu'il avait ainsi dtermin lui-mme.

La lgende de sa vie assure mme que Rigobert laissa une trace mmorable de son passage dans la contre, ce fut d'y voir en toute saison, hiver comme t, l'herbe crotre plus vigoureusement et plus verte qu'en aucun endroit des environs. Et la tradition des chemins toujours verts du saint archevque s'est conserve Gernicourt jusqu' nos jours. Le pieux prlat cda aussitt avec le plus grand dsintressement la communaut de ses clercs ce domaine royal, ainsi que beaucoup d'autres biens qu'il avait acquis de ses deniers ou par ses sollicitations. Il y amnagea des puits, des bains, fit tracer des chemins, construire des gouts, organisa tout de la manire la plus complte. Il obtint mme pour tous les biens de son Eglise un droit d'immunit perptuelle et d'exemption d'impts. Mais, en retour, il voulut que la discipline la plus svre rgt son clerg et que le ministre sacerdotal ft l'unique sollicitude de tous.

Les Pauvrets de saint Rigobert.

La charit dbordante de Rigobert montre bien qu'aucune vue de cupidit mondaine n'entra dans l'acquisition des richesses qu'il prodiguait avec tant de gnrosit. Son cur tait tout entier son Eglise, ses prtres et aux pauvres. Ceux-ci, en effet, ne pouvaient tre oublis du charitable pontife. Dieu seul peut connatre les gnrosits, les aumnes secrtes, les trsors verss par Rigobert dans le sein des malheureux. L'histoire a conserv le souvenir des fondations qu'il institua en leur faveur sur ses propres biens et proprits, et qui sont restes clbres sous le nom de Pauvrets de saint Rigobert. Ces fondations taient destines assurer des distributions de vivres, d'argent et des habitations un certain nombre de pauvres. Le moyen ge les respecta scrupuleusement, jusqu'au moment o elles furent runies par lettres patentes du 6 juillet 1633 l'hpital gnral de Reims.

Courageuse rsistance en face de Charles Martel.Si la proccupation quotidienne du vertueux archevque tait le souci de son Eglise et le soin des malheureux, il n'en restait pas moins adonn avec constance aux choses intrieures. La prire continuelle, la visite des glises, la mditation des vrits ternelles, la mortification quotidienne, taient l'aliment de sa vie. Cela ne l'empchait pas d'tre attentif aux besoins de son troupeau et de le dfendre nergiquement contre d'injustes prtentions. Berger vigilant, il savait, par ses protestations et la fermet de son attitude, en imposer aux grands eux-mmes et rsister leurs coupables desseins.Ppin d'Hristal et Dagobert tant morts l'un et l'autre (715), la guerre civile clata tout coup en France. Deux comptiteurs se disputaient le pouvoir : Chilpric, successeur de Dagobert, soutenu par le maire du palais Rainfroi, et le fils de Ppin, Charles Martel. Celui-ci, la tte d'une nombreuse arme, se prsenta un jour devant la ville de Reims et demanda Rigobert qu'on lui en ouvrt les portes. Le saint pontife rpondit hardiment : Les portes ne vous seront point ouvertes avant que Dieu n'ait dcid qui doit appartenir le gouvernement du royaume. Si le Seigneur vous le donne, je me rendrai votre prire quand vous serez de retour et je vous serai fidle. C'tait prudence de la part de l'vque, qui pouvait craindre le pillage de sa ville par l'arme de Charles, et les vengeances de Rainfroi si celui-ci tait victorieux. Charles Martel fut courrouc de cette rsistance, et il jura que, s'il remportait la victoire, Reims et son archevque seraient svrement punis. Il ne tint que trop son serment. Le succs l'ayant favoris, il fit dmanteler les remparts de la ville, dpossda Rigobert de son sige et y nomma, sa place, un intrus du nom de Milon. Rigobert dut s'exiler hors du pays soumis la domination de Charles Martel, et se rfugia en Gascogne. C'tait vers l'an 721.Saint Rigobert en exil. La voix des cloches.

L'illustre proscrit sut mettre profit pour sa perfection la rude preuve que le ciel lui envoyait. L'oraison, la vnration des reliques des martyrs, la visite des glises devinrent son occupation quotidienne. On raconte qu'un jour, tant entr dans une glise pour prier, deux cloches que l'on voulut sonner pour convoquer les fidles l'office ne rendirent aucun son. D'o grand moi parmi le peuple. On s'en prend l'tranger, on le questionne. Lorsque j'tais en France, dit-il enfin, deux cloches ont t enleves d'une de mes glises ; peut-tre seraient-ce celles-ci ; montrez-les moi afin que je vous le dise. On les lui montra : c'taient bien les siennes. Pour prouver la vrit de son assertion, on remit les cloches dans leurs tourelles, et on lui demanda de les mettre en branle lui-mme. A peine le serviteur de Dieu les eut-il touches, que soudain elles rendirent un son clatant comme l'ordinaire. On lui rendit ensuite les deux cloches, qu'il fit rapporter Gernicourt, d'o on les avait voles.Retour de saint Rigobert. Sa mort.

En l'anne 732, Milon, l'archevque intrus de Reims, lui offrit la cession de son sige, la condition qu'il lui abandonnt tous ses biens et proprits. Rigobert ne pouvait que se rjouir la pense de rentrer en son diocse, mais il ne pouvait souscrire la demande du sacrilge et il y rpondit en ces termes admirables : Tout ce qui vous a sembl m'appartenir, je l'ai donn autrefois l'Eglise du Christ ; je ne puis maintenant le reprendre pour le donner un autre. Malgr les pieuses objurgations qui lui furent faites, l'intrus refusa de quitter le sige qu'il avait usurp. Toutefois il consentit ce que le saint prlat s'tablit demeure Gernicourt, et il l'autorisa clbrer le Saint sacrifice l'autel de l'glise Sainte-Marie, Reims. Rigobert, entirement rsign la volont de Dieu, passa ds lors les dernires annes de sa vie dans la solitude et l'oubli, livrant son corps aux veilles et aux privations, son me l'oraison et la pratique des bonnes uvres. Aussi souvent qu'il le pouvait, il venait Reims, distant de cinq lieues de Gernicourt, clbrer sans clat et sans murmure les saints mystres, et par sa pit et sa douce rsignation, disent ses biographes, il prchait encore ses fidles, alors qu'il lui tait interdit de le faire de vive voix. En vain saint Boniface, lgat du Saint-Sige en France et archevque de Mayence, essaya-t-il de faire remonter Rigobert sur son sige ; prires, menaces, tout choua devant l'obstination de l'intrus Milon et l'impie tyrannie de Charles Martel. Pourtant, l'exemple mme du Sauveur, le saint prlat ne cessait de prier pour ses perscuteurs, et on le vit pleurer longtemps la mort de Charles Martel, arrive en l'anne 741. L'heure du triomphe allait sonner aussi pour le vaillant proscrit.Aprs que cet homme jamais illustr par ses travaux apostoliques, dit son biographe, eut pass plusieurs annes Gernicourt, lieu de son exil, dans les pieux exercices d'une vie toute pure, arriv au sommet de la perfection, il vit courageusement venir lui le terme de ses combats, et il s'en alla plein de jours dans la patrie de l'ternel repos.

Sa mort arriva en l'an 743.

Miracles et culte.

Les prtres et les fidles de l'endroit inhumrent solennellement le corps de Rigobert dans l'glise ddie l'aptre saint Pierre, o Dieu se plut glorifier son serviteur par de nombreux et clatants prodiges. Des infirmes furent guris son tombeau, et des fivres opinitres cessrent la seule invocation du thaumaturge. La poussire dtache de son spulcre, mlange avec de l'eau, avait la vertu de calmer aussitt le mal de dents le plus violent ; aussi fut-il toujours invoqu pour le soulagement de cette infirmit. L'archevque Hinemar (..882), cinquime successeur de saint Rigobert, fit transporter solennellement, dans une chsse trs riche, les restes du vertueux prlat, en sa ville archipiscopale de Reims. Beaucoup de malades furent guris subitement durant cette translation, et les miracles qui se multiplirent par l'intercession du Saint rpandirent sa dvotion et son culte mme en des rgions lointaines. Ses reliques furent tour tour transfres l'glise Notre-Dame, puis Ennemain, dans le Vermandois, d'o on les reporta, vers l'an 1067, la mtropole de Reims. La basilique de Notre-Dame, Paris, en reut une partie, au XIVe sicle, et le brviaire de Paris garda longtemps la lgende et l'office de saint Rigobert. La tourmente rvolutionnaire devait plus tard disperser et dtruire, dans les deux diocses, les cendres du thaumaturge. Son culte n'en resta pas moins vivace en Champagne. Son nom tait rcit aux litanies, son office et sa fte clbrs avec pit. A Gernicourt surtout, le nom et la dvotion de saint Rigobert sont toujours en honneur. Une fontaine qui porte son nom a la rputation de donner encore une eau miraculeuse, laquelle de nombreuses personnes, surtout celles qui sont tourmentes par une fivre violente, viennent demander le soulagement de leurs infirmits. Chaque anne, le lundi de Pques, une procession solennelle attire une foule de plerins au pied du calvaire monumental qui la couronne depuis 1866.

Abb Onsime Rossat.

Sources consultes. Poquet, Vie de saint Rigobert, archevque de Reins (Reims, 1876). Mgr Paul Gurin, Les Petits Bollandistes, t. I (Paris, 7e dition corrige, 1897)................PAROLES DES SAINTS

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La colre.La colre est une passion furieuse il n'y a point de flamme qui gale sa violence. C'est pourquoi il faut promptement teindre un feu si dangereux. Car, si on n'apporte un prompt remde ce mal, il est capable de produire de funestes effets et de faire en peu de temps des choses horribles.

Saint Jean Chrysostome.

La bonne conscience.

Le tmoignage d'une bonne conscience est la meilleure de toutes les apologies.

Saint Bernard

(De la considration.)

SAINT CONVOYON

Fondateur et premier Abb de Redon (..872)Fte le 5 janvier.Saint Convoyon (son nom s'crit aussi Conwoon, Convoon ou Convoion), qui fonda au IXe sicle l'abbaye de Redon, est de la ligne des grands Abbs du monachisme celte dont le rle et l'influence ne devaient pas se cantonner uniquement au domaine spirituel, mais encore s'tendre la vie politique du pays. Les vques et les moines, a crit Edmond Bir, venus d'outre-mer avec leurs hommes, clercs et laques, ont t les promoteurs, les conducteurs, les premiers agents de l'uvre civilisatrice qui fonda la nation bretonne. Convoyon illustre merveilleusement cette citation. Son nom, qui est la base de la fondation de l'abbaye et de la ville mme de Redon, est insparable aussi de celui du hros de l'indpendance bretonne : Nomno. Lorsque le lieutenant de l'empereur se proclamera roi, Convoyon sera ses cts pour l'aider asseoir la monarchie naissante et lui assurer l'appui et la conscration du Pontife romain.L'archidiacre de Vannes. Le moine.

Convoyon naquit vers la fin du VIIIe sicle, Comblessac. Ce lieu faisait alors partie du diocse de Saint-Malo, tout en formant une enclave dans le diocse de Rennes, auquel il appartient aujourd'hui. Le futur moine tait de famille snatoriale, de la Cit des Rhedons, encore que son pre, Conon, ft patriote breton et parlt la langue bretonne. La haute situation de ses parents assura Convoyon l'instruction et l'ducation conformes leur rang social. Mais de toutes les sciences dont s'ornait son esprit, celle de l'Ecriture Sainte eut ses prfrences. Il savait, ds l'ge le plus tendre, nous dit un biographe, y puiser un aliment substantiel sa pit.

De telles dispositions semblaient le marquer pour une autre voie que celle du monde qui s'ouvrait prometteuse devant lui. Il ne se laissa pas sduire. Ds qu'il le put (il tait prtre ds 820) il entra dans le clerg de Vannes o, vraisemblablement, il avait fait ses tudes. Bien que jeune encore, il fut lev par l'vque Raghainard ou Rainier la dignit d'archidiacre, dont la fonction tait de suppler l'vque lorsque celui-ci tait absent ou empch, dans le gouvernement de son diocse. De ce haut poste, lui seul se jugeait indigne, son humilit le portant mpriser les honneurs et rechercher l'obscurit. Il aspirait d'ailleurs une vie plus parfaite, et aprs plusieurs annes d'une existence active, ses regards se tournrent vers le clotre, auquel il se sentait appel. Convoyon, s'tant dmis de sa charge, se proccupa, avec cinq de ses compagnons : Condelok, Louhemel, Winkalon, Conhoiarn et Tethwiu, prtres et Bretons comme lui, de dcouvrir un ermitage. Ils erraient l'aventure, lorsqu'ils arrivrent dans un lieu presque dsert, sauvage et charmant, au confluent de l'Oust et de la Vilaine. S'il faut en croire la tradition, lorsqu'ils furent sur le plateau de Beaumont, une croix lumineuse leur indiqua l'endroit prcis de leur retraite. A cette place s'lvera le matre-autel de l'glise Saint-Sauveur en la ville de Redon. Un homme puissant, nomm Ratuili, qui appartenaient les terres o s'taient arrts les moines, s'empressa de leur en faire donation par acte pass en 832. Ce Ratuili devait, au reste, mourir, d'aprs le P. Albert Le Grand en opinion de saintet .

Par une concidence heureuse pour le pays breton, cette concession mettait entre les mains de Convoyon la portion de territoire qui, au sud-est de la frontire franco-bretonne, ouvrait une brche fatale la dfense du pays. Le monastre de Redon, autour duquel s'rigeait la ville, en fermant cette troue, allait, selon l'expression de M. de La Borderie, en faire la conqute pacifique. Il s'tablissait dans les limites mmes qui sont encore celles de l'actuelle commune de Redon.

Saint Convoyon et l'empereur Louis le Dbonnaire.

Le don de Ratuili n'alla pas sans contestations de la part de plusieurs seigneurs voisins, lesquels, se taxant de parent avec lui, se disaient lss dans leur part d'hritage. Le chef Illok, en particulier, levait haut ses prtentions. L'affaire fut porte devant Nomno, gouverneur de Bretagne et mandataire de l'empereur Louis le Dbonnaire. Ayant eu du moine Louhemel, dlgu de Convoyon, l'assurance que, dans la nouvelle abbaye, il serait pri chaque jour pour le salut de toute la Bretagne, le prince breton s'cria : Je prfre des ministres du Trs-Haut, employs prier Dieu pour le salut de l'univers, que des brigands et des impies comme le protestataire.

Nul n'tait mieux plac pour juger de ce diffrend que le futur roi des Bretons, de qui relevait le terrain litigieux, puisqu'il tait comte de Vannes. Ce prince conseilla cependant Convoyon d'aller lui-mme trouver Louis le Dbonnaire, alors en Limousin, dans son palais de Jucundiacus. Mais Illok l'avait devanc et avait circonvenu l'empereur. La haute autorit de Nomno, dont se couvrait Convoyon, aurait sans doute triomph des prventions impriales, si Louis n'avait t assist de deux conseillers gallo-francs, Riconvin, comte de Nantes, et Rainier, vque de Vannes, celui-l mme dont l'Abb avait t l'archidiacre si apprci. Prcisment, Rainier connaissait les sentiments nettement bretons de son ancien auxiliaire. Il reprsenta l'empereur le danger de laisser s'implanter, sur ses frontires de l'Ouest, une abbaye trop fortement imprgne d'esprit breton, et mit le souverain en garde par ces paroles : Le lieu que veulent ces gens-l est trop important pour la force et la dfense de votre empire.

Devant cette considration, l'empereur se montra inflexible, mais Convoyon ne se dcouragea pas. Le mois suivant, il tait Tours avec Condelok, hlas! sans plus de succs. L'empereur refusa de les recevoir. Rduits la plus extrme ncessit, ils durent mme, pour y parer, vendre un norme pain de belle cire blanche, produit des ruches de Redon, qu'ils avaient apport en prsent.

La vie religieuse.

Au milieu de ces difficults, l'abbaye prosprait. Des prtres, connus pour leur science et leur vertu, attirs par le renom de l'Abb et de ses moines, venaient Redon se perfectionner dans la vie chrtienne. C'taient souvent aussi de pieux laques, fervents d'asctisme, et qui assuraient l'avenir de la fondation par des dons gnreux. Dans les premiers temps, Convoyon appliquait ses disciples une rgle assez peu dfinie, qui tenait de celle que suivaient gnralement les monastres celtes. A mesure que s'organisait la vie conventuelle, il prouvait le besoin de mieux fixer cette rgle. Ainsi fut-il amen songer celle de saint Benot, que, dans un rescrit imprial de 818, l'empereur Louis prescrivait aux moines de Landvennec. Mais comment en instruire ses religieux ? La Providence y pourvut en envoyant vers eux un solitaire nomm Geffroy qui, aprs avoir pass de longues annes l'abbaye bndictine de Saint-Maur de Glanfeuil, en Anjou, s'tait retir dans une solitude d'Armorique, appele, depuis, de son nom, Locqueffret, non loin de Chteaulin. Une nuit, le cnobite perut de mystrieuses paroles : Lve-toi, va au plus vite trouver mes serviteurs, moines encore novices, qui demeurent en un certain lieu dsert. Montre-leur la voie par laquelle ils devront venir moi et apprends-leur vivre selon la rgle. Obissant ces vagues indications, Geffroy se mit en route. Arriv Vannes, il en eut le complment par l'organe du prtre Woretwen qui lui indiqua les solitaires de Redon.Convoyon, qui est leur tte, dit-il, est un homme admirable et un Saint. Il a t lev avec nous dans cette ville et s'est toujours signal par sa science des Ecritures. Convoyon, de son ct, averti par le ciel de l'arrive du solitaire, se porta sa rencontre avec ses religieux et l'introduisit solennellement dans l'glise, au chant des hymnes et des psaumes. Aprs deux ans passs au milieu d'eux, Geffroy, leur ayant inculqu dans tous ses dtails la rgle de saint Benot, les quitta pour finir ses jours au monastre de Saint-Maur de Glanfeuil.

Le seigneur fodal.

Ds ce moment, la vie rgulire tait tablie dans le nouveau monastre. Et lorsque l'Abb aura reu toutes pices l'tablissant sans conteste dans ses droits, il deviendra le vritable seigneur du lieu. Habitations et habitants de son vaste domaine dpendront de lui : nous le verrons rendre la justice la porte de son abbaye, o tout le monde est admis le consulter, de mme que sous le porche de l'glise paroissiale de Bains. L'quit et la justice en mme temps qu'une douce fermet prsidaient ses jugements, tmoin celui qu'il rendit envers l'insolent Risweten. Ce seigneur persistait se prvaloir du tort que lui avait fait la donation de Ratuili. Il rclamait, entre autres biens, la terre de Losin, un bon cheval et une cuirasse.

- La terre que j'occupe, dit doucement Convoyon, s'appelle la terre de Saint Sauveur. Elle a t destine par les princes l'entretien des serviteurs de Dieu et nous ne devons la cder aucun homme. Je n'ai ni cheval ni cuirasse. Cependant s'il faut vous donner de quoi vous les procurer, nous emprunterons vingt sols pour vous satisfaire...

Sous la direction de l'Abb et seigneur, Redon devint, comme tant d'autres abbayes, un foyer de vie morale et matrielle pour tout le pays environnant : enseignement des lettres, direction des mes, aumne, culture, industrie. Aussi les dons affluaient-ils en mme temps que les vocations. Ratuili, tout le premier, multipliait ses gnrosits et venait s'tablir au monastre, durant une grave maladie, dont il gurit par la prire des moines. En reconnaissance, il obtint de recevoir la tonsure, tand