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- le public, les médias portent le sportif qui gagne au rang d'idole, de « Dieu du Stade ». Mais à la moindre faiblesse, c'est la « mise à mort » , c e qui tend à rassurer le public quant à sa propre incom- pétence ou médiocrité. • enfin, le sportif de haut niveau subit diverses frustrations affectives, familiales, alimentaires, de loisir, etc. « Il est emprisonné dans un moule spécifique ». Heureusement, en contrepartie, il existe des compensations narcissiques et sociales très reva- lorisantes à maints égards. Etudions maintenant les principales manifesta- tions de stress chez le sportif de haut niveau, à la lumière de ce que nous venons de voir. « Le sportif est un sujet sain mais qui vit une situation exceptionnelle du fait des nombreux facteurs de stress qu'elle comporte ». Descamps, en 1989, d i t des sportifs : « toujours tendus, à leur extrême limite, devant sans cesse se dépasser, ils sont comme des gens qui vivraient toujours sur la pointe des pieds ». En 1977. Jean Rivolier décrit le « syndrome du sportif de pointe » dont les manifestations les plus fréquentes sont l'angoisse, la tension, la crainte, la frustration. Il existe diverses manifes- tations : • des manifestations d'allure schizoïde ou para- noïaque avec : - des difficultés de relations interindividuelles et sociales. - de l'opposition. - de l'agressivité, - ou parfois de la passivité. • des manifestations cyclothymiques aboutissant à un échec lors d'une compétition lorsque le spor- tif se trouve « au bas de la pente ». • des manifestations thymiques, essentiellement dépressives, plus rarement pseudo-maniaques. Risque d'arrêt complet de l'activité de façon pro- gressive ou brutale. • des troubles fonctionnels ou psychosomatiques allant de la méforme à l'hypochondrie. • des variations anormales des performances sportives avec parfois une attitude négative envers les autres. Baggio (1977) et Havet (1989) ont étudié la dia- chronie de la symptomatologie en rapport avec l'anxiété et en fonction de la date de la compéti- tion. Ainsi, le semestre ou le trimestre précédant la compétition, il se passe peu de choses anormales. Le seul risque, dû à l'isolement du sujet, est que l'entraînement prenne une « tournure obsédan- te ». La semaine précédant la compétition, le sportif présente diverses somatisations. pouvant même l'exclure de la compétition, comme une entorse grave, ou bien des troubles du comporte- ment (opposition, agressivité, refus de prendre l'avion, dispute avec ses coéquipiers, etc.). Quelques minutes avant l'épreuve, il est soumis au trac émotionnel mais résolutif dès le démarra- ge de l'épreuve. Pendant celle-ci, il devient le « maître du jeu ». Le risque est celui de devoir assumer de mauvais scores. Après la compéti- tion, il présente une fatigue avec besoin de récu- pération, mais davantage psychologique que physique. Si les résultats ont été mauvais, il est capital de ne pas adopter de punitions qui pour- raient avoir une action catastrophique. Les sportifs ne sont pas des êtres fragiles mais fragilisés. Il semble que chez eux le taux de suicide soit supérieur à celui de la moyenne de la population. Dans ce contexte, un suivi psychologique adap- té, notamment une bonne préparation mentale, paraît tout à fait indispensable. Docteur Geneviève Fidelle Assistant de Psychiatrie H.I.A. Bégin. En 1950, Hans Selye est le premier à utiliser le mot stress dans le langage médical pour déterminer l'ensemble des réactions d'un organisme lorsqu'il est soumis à des agents de stress encore appelés « stressors ». Pour Selye, il ne s'agit que d'une réaction biologique. Nous rappellerons que ce même auteur avait décrit, en 1936, le « syndrome général d'adaptation » suite à des travaux menés sur des rats soumis à un agent physique agressif. En 1971 J.-W. Mason reprend les expériences de Selye sur les rats en essayant d'éliminer les biais psycholo- giques. Il ne décrit plus un syndrome général d'adaptation, mais des manifestations spécifiques en fonction du type d'agression auquel sont soumis les rats. Par ailleurs, il démontre l'absence de sécrétion d'hormones chez des per- sonnes dans le coma soumises à des agents de stress. Il en déduit que « les stimuli n'ont pas d'impact direct sur la physiologie du sujet. Ils doivent être filtrés par la conscien- ce ». D'autres études ont tenté de faire la différence entre le stress actif et le stress passif. Suivant qu'un individu est actif ou passif, ses réactions à un agent de stress donné seront différentes. Au fil des ans et des études, la communauté scientifique s'est éloignée des conceptions de Selye pour se rappro- cher de celles de Robert Dantzer qui parle de « mosaïque de réactions » au cours d'un stress. Ainsi, le stress résulte de l'interaction entre un environnement et la réponse adap- tative de l'individu à ce milieu. Apparaît ainsi la notion capi- tale d'adaptation. Marianne Frankenhaeuser (psychologue suédoise) intro- duit à son tour la notion de contrôle et prouve que la seule illusion de contrôle est suffisante pour modifier la réponse physiologique. Pour conclure ce bref rappel historique, nous proposerons la définition du stress ainsi que la présente le Médecin Général Louis Crocq : « le stress est une réaction biolo- gique, physiologique et psychologique d'alarme et de défense face à une agression ou à une menace et par extension (Selye) face à une situation inhabituelle ». PHOTO : AGENCE SAM « Le sportif est un sujet sain qui vit une situation exceptionnelle ». 2. LA GESTION DU STRESS PAR C. LE SCANFF A côté des méthodes qui augmentent les capacités physiques ou les compétences techniques, des méthodes de préparation mentale et de gestion du stress se sont déve- loppées dans le domaine du sport pour aider le sportif à faire face aux conditions parfois stressantes de la compétition. Les mêmes besoins apparaissent dans d'autres environnements où une performance est exigée, telles l'école ou l'entreprise. Ce type de préparation s'attache générale- ment à trois objectifs principaux : - éviter l'anxiété, - améliorer la performance, - améliorer la motivation. Seul le premier objectif sera développé dans le cadre de cet article. Dans le but de faire face au stress, les différentes techniques doivent être apprises avant d'être exposées à la situation stressante, afin de préve- nir l'apparition des tous premiers symptômes : le stress ne retentit pas seulement au plan physiolo- gique, i l peut aussi modifier les réponses cogni- tives et comportementales du sportif (Thomas et al., 1987). Ces méthodes tout comme les pertur- bations dues au stress peuveut se rattacher à trois mécanismes principaux : physiologiques, cogni- tifs et comportementaux. Chacun de ces méca- nismes correspond préférentiellement à une façon d'aborder le problème : • le mécanisme physiologique a pour principal objectif d'« isoler » le sujet psychophysiologi- quement de la situation, de permettre une réduc- tion des mécanismes physiologiques déclenchés habituellement en condition de stress, • le mécanisme cognitif consiste en un proces- sus mental actif et conscient qui permet de trans- former l'évaluation cognitive de la demande, • le mécanisme comportemental, enfin, permet de changer directement la situation stressante, si cela est possible, ou de trouver une nouvelle voie de réponse. LA MAÎTRISE DU MÉCANISME PHYSIOLOGIQUE Elle doit conduire à l'apprentissage de la « répon- se de relaxation » systématisée par Benson (1975) qui correspond globalement à une baisse de l'activité du système nerveux sympathique et qui peut être considérée comme l'inverse des manifestations neurovégétatives concomitantes de l'émotion : - baisse de la fréquence cardiaque et de la tension artérielle, - diminution de la fonction respiratoire. - baisse du tonus musculaire, 22 Revue EP.S n°247 Mai-Juin 1994 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

2. LA GESTION DU STRESSuv2s.cerimes.fr/media/revue-eps/media/articles/pdf/70247-22.pdfL'Anxiety Management Training (AMT) de Suinn (1971) permet ainsi un véritable entraîne ment

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Page 1: 2. LA GESTION DU STRESSuv2s.cerimes.fr/media/revue-eps/media/articles/pdf/70247-22.pdfL'Anxiety Management Training (AMT) de Suinn (1971) permet ainsi un véritable entraîne ment

- le public, les médias portent le sportif qui gagne au rang d'idole, de « Dieu du Stade ». Mais à la moindre faiblesse, c'est la « mise à mort » , c e qui tend à rassurer le public quant à sa propre incom­pétence ou médiocrité. • enfin, le sportif de haut niveau subit diverses frustrations affectives, familiales, alimentaires, de loisir, etc. « Il est emprisonné dans un moule spécifique ». Heureusement, en contrepartie, il existe des compensations narcissiques et sociales très reva­lorisantes à maints égards. Etudions maintenant les principales manifesta­tions de stress chez le sportif de haut niveau, à la lumière de ce que nous venons de voir. « Le sportif est un sujet sain mais qui vit une situation exceptionnelle du fait des nombreux facteurs de stress qu'elle comporte ». Descamps, en 1 9 8 9 , d i t des sportifs : « toujours tendus, à leur extrême limite, devant sans cesse se dépasser , ils sont comme des gens qui vivraient toujours sur la pointe des pieds ». En 1977. Jean Rivolier décrit le « syndrome du sportif de pointe » dont les manifestations les plus fréquentes sont l'angoisse, la tension, la crainte, la frustration. Il existe diverses manifes­tations : • des manifestations d'allure schizoïde ou para­noïaque avec : - des difficultés de relations interindividuelles et sociales. - de l'opposition. - de l'agressivité, - ou parfois de la passivité. • des manifestations cyclothymiques aboutissant à un échec lors d'une compétition lorsque le spor­tif se trouve « au bas de la pente ». • des manifestations thymiques , essentiellement dépressives, plus rarement pseudo-maniaques. Risque d'arrêt complet de l'activité de façon pro­gressive ou brutale. • des troubles fonctionnels ou psychosomatiques allant de la méforme à l 'hypochondrie.

• des variations anormales des performances sportives avec parfois une attitude négative envers les autres. Baggio (1977) et Havet (1989) ont étudié la dia-chronie de la symptomatologie en rapport avec l'anxiété et en fonction de la date de la compéti­tion. Ainsi, le semestre ou le trimestre précédant la compétition, il se passe peu de choses anormales. Le seul risque, dû à l'isolement du sujet, est que l'entraînement prenne une « tournure obsédan­te ». La semaine précédant la compétition, le sportif présente diverses somatisations. pouvant même l'exclure de la compétition, comme une entorse grave, ou bien des troubles du comporte­ment (opposition, agressivité, refus de prendre l'avion, dispute avec ses coéquipiers, etc.). Quelques minutes avant l'épreuve, il est soumis au trac émotionnel mais résolutif dès le démarra­ge de l 'épreuve. Pendant cel le-ci , il devient le « maître du jeu ». Le risque est celui de devoir assumer de mauvais scores. Après la compéti­tion, il présente une fatigue avec besoin de récu­pé ra t ion , mais d a v a n t a g e p s y c h o l o g i q u e que physique. Si les résultats ont été mauvais, il est capital de ne pas adopter de punitions qui pour­raient avoir une action catastrophique. Les sportifs ne sont pas des êtres fragiles mais fragilisés.

Il semble que chez eux le taux de suicide soit supérieur à celui de la moyenne de la population. Dans ce contexte, un suivi psychologique adap­té, notamment une bonne préparation mentale, paraît tout à fait indispensable.

Docteur Geneviève Fidelle Assistant de Psychiatrie

H.I.A. Bégin.

En 1950, Hans Selye est le premier à utiliser le mot stress dans le langage médical pour déterminer l'ensemble des réactions d'un organisme lorsqu'il est soumis à des agents de stress encore appelés « stressors ». Pour Selye, il ne s'agit que d'une réaction biologique. Nous rappellerons que ce même auteur avait décrit, en 1936, le « syndrome général d'adaptation » suite à des travaux menés sur des rats soumis à un agent physique agressif. En 1971 J.-W. Mason reprend les expériences de Selye sur les rats en essayant d'éliminer les biais psycholo­giques. Il ne décrit plus un syndrome général d'adaptation, mais des manifestations spécifiques en fonction du type d'agression auquel sont soumis les rats. Par ailleurs, il démontre l'absence de sécrétion d'hormones chez des per­sonnes dans le coma soumises à des agents de stress. Il en déduit que « les stimuli n'ont pas d'impact direct sur la physiologie du sujet. Ils doivent être filtrés par la conscien­ce ».

D'autres études ont tenté de faire la différence entre le stress actif et le stress passif. Suivant qu'un individu est actif ou passif, ses réactions à un agent de stress donné seront différentes. Au fil des ans et des études, la communauté scientifique s'est éloignée des conceptions de Selye pour se rappro­cher de celles de Robert Dantzer qui parle de « mosaïque de réactions » au cours d'un stress. Ainsi, le stress résulte de l'interaction entre un environnement et la réponse adap­tative de l'individu à ce milieu. Apparaît ainsi la notion capi­tale d'adaptation. Marianne Frankenhaeuser (psychologue suédoise) intro­duit à son tour la notion de contrôle et prouve que la seule illusion de contrôle est suffisante pour modifier la réponse physiologique. Pour conclure ce bref rappel historique, nous proposerons la définition du stress ainsi que la présente le Médecin Général Louis Crocq : « le stress est une réaction biolo­gique, physiologique et psychologique d'alarme et de défense face à une agression ou à une menace et par extension (Selye) face à une situation inhabituelle ».

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« Le sportif est un sujet sain qui vit une situation exceptionnelle ».

2. LA GESTION DU STRESS PAR C. LE SCANFF

A côté des méthodes qui augmentent les capacités physiques ou les compétences techniques, des méthodes de préparation mentale et de gestion du stress se sont déve­loppées dans le domaine du sport pour aider le sportif à faire face aux conditions parfois stressantes de la compétition. Les mêmes besoins apparaissent dans d'autres environnements où une performance est exigée, telles l'école ou l'entreprise. Ce type de préparation s'attache générale­ment à trois objectifs principaux : - éviter l'anxiété, - améliorer la performance, - améliorer la motivation. Seul le premier objectif sera développé dans le cadre de cet article.

Dans le but de faire face au s tress , les différentes t echn iques do iven t être appr i ses avant d'être exposées à la situation stressante, afin de préve­nir l'apparition des tous premiers symptômes : le stress ne retentit pas seulement au plan physiolo-g ique , i l peut aussi modifier les réponses cogni-tives et comportementales du sportif (Thomas et al., 1 9 8 7 ) . Ces méthodes tout comme les pertur­bations dues au s tress peuveut se rattacher à trois mécanismes principaux : physiologiques, cogni-

tifs et comportementaux. Chacun de ces méca­n i s m e s c o r r e s p o n d p r é f é r e n t i e l l e m e n t à une façon d'aborder le problème : • le mécanisme physiologique a pour principal objectif d'« isoler » le sujet psychophysiologi-quement de la situation, de permettre une réduc­tion des mécanismes physiologiques déclenchés habituellement en condition de stress, • le mécanisme cognitif consiste en un proces­sus mental actif et conscient qui permet de trans­former l'évaluation cognitive de la demande, • le mécanisme comportemental , enfin, permet de changer directement la situation stressante, si cela est possible, ou de trouver une nouvelle voie de réponse.

L A M A Î T R I S E DU M É C A N I S M E P H Y S I O L O G I Q U E

Elle doit conduire à l'apprentissage de la « répon­se de relaxation » systématisée par Benson (1975) qui correspond globalement à une baisse de l'activité du système nerveux sympathique et qui peut être considérée comme l'inverse des manifestations neurovégétatives concomitantes de l'émotion : - baisse de la fréquence cardiaque et de la tension artérielle, - diminution de la fonction respiratoire. - baisse du tonus musculaire,

22 Revue EP.S n°247 Mai-Juin 1994 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

Page 2: 2. LA GESTION DU STRESSuv2s.cerimes.fr/media/revue-eps/media/articles/pdf/70247-22.pdfL'Anxiety Management Training (AMT) de Suinn (1971) permet ainsi un véritable entraîne ment

- augmentation de la résistance électrique de la peau. - a u g m e n t a t i o n de la t e m p é r a t u r e c u t a n é e et vaso-dilatation. - diminution de la sécrétion d'adrénaline, de noradrénaline, d 'ACTH et de corticoïdes. - diminution de l'activité corticale avec augmen­tation des ondes alpha et quelquefois apparition d'ondes thêta. On observe également une modification fonction­nelle du système nerveux central avec baisse de l'activité réticulo-eorticale et thalamocort icale . Ces c h a n g e m e n t s semblen t al ler dans le sens d'une concentration et non d'un endormissement. Les principales techniques existantes sont ratta­chées à deux mécanismes psychophysiologiques : - action par le biais du tonus musculaire, - action par le biais du tonus viscéral. • La méthode la plus employée Outre-Atlantique est la relaxation progressive de Jacobson. C'est sur la l ia ison p s y c h o s o m a t i q u e v i scéra le que j o u e p r inc ipa lement le Tra in ing A u t o g è n e de Schültz dans lequel on cherche à obtenir par sug­gestion, puis auto-suggestion, des modifications vasomotr ices et cardiorespiratoires spécifiques du repos. Ces méthodes mises au point dans la première moitié du siècle ne sont plus applicables telles quel les car trop r igides et demandan t un trop lourd investissement en temps pour être compa­tible avec la vie moderne. Elles ont donc été sim­plifiées par les thérapeutes comportementalistes et par nous-mêmes. L'apprentissage très progres­sif qu'elles nécessitent est quand même plus rapi­de que ce que prévoyait Schültz et Jacobson. Une nouvelle étape est apprise chaque semaine, à rai­son d'une répétition par jour. Le temps total d'ap­prentissage est ainsi de 6 à 8 semaines.

UTILISATION DE LA R E L A X A T I O N EN C O N D I T I O N S DE S T R 1 S S

Lorsque la réponse de relaxation est acquise, il est possible de la déclencher à minima pour per­mettre une baisse de l'activation et par-là même l'abord d'une compéti t ion de façon plus décon­tractée.

Afin de ne pas se laisser déborder par le stress, un entraînement préalable peut être envisagé. L'idée est d ' ad jo ind re à la s i tua t ion a n x i o g è n e une réponse incompatible avec le développement de l'anxiété : la réponse de relaxation qui est anta­goniste avec la réponse de stress. Un entraîne­ment en imagination peut se faire sur le modèle de la désensibi l isat ion systémat ique de Wolpe (1958). On associe la relaxation à une imagerie mentale d'anxiété, le programme s'effectuant en plusieurs étapes. La première étape est une séan­ce d'éducation sur l'anxiété, ses effets sur la per­formance et les possibilités de la négocier. Dans la deuxième étape, on établit un programme de relaxation profonde, type Schültz ou Jacobson. En s'appuyant sur les données issues du contexte, le sujet et le thérapeute vont, dans la troisième étape, construire une hiérarchie des situations en fonction du niveau d'anxiété qu'elle provoque. La séance de désensibilisation systématique consiste alors à se représenter successivement les scènes de la hiérarchie anxiogène en état de relaxation afin de les vivre sans tension excessive. C h e z les spor t i f s , de n o m b r e u s e s t e chn iques s'inspirent de la désensibil isat ion systématique mais il s'agit alors de développer chez le sujet des moyens de faire face dans la vie active et non plus de le traiter pour des réponses inadaptées. On cherche une véritable autonomie du sujet. L'Anxiety Management Training (AMT) de Suinn (1971) permet ainsi un véritable entraîne­ment au contrôle de l'anxiété. Le sujet est entraî­né à reconnaître ses manifestations spécifiques d'anxiété dès qu'elles commencent à se manifes­ter. A partir de cette reconnaissance, il va acqué­rir un conditionnement comportemental positif. Le psychologue lui demande d'évoquer des scènes génératrices de montée d'anxiété, et immédiatement après de les quitter et de se relaxer. Il s'habitue ainsi à faire avorter les situa­tions anxieuses et à contrôler la situation. Il n'y a pas dans cette technique de hiérarchie ni de mon­tée progressive de la tension anxieuse. Le sujet choisit lui-même ses épisodes anxiogènes.

D a n s une a u t r e t e c h n i q u e , le V i s u o M o t o r Behavior Rehearsal (VMBR) (Suinn. 1975), le sujet ne se cen t r e p lus e x c l u s i v e m e n t s u r le contrôle de l 'anxiété, mais il utilise cette tech­nique pour se préparer à la victoire en éliminant les scènes anxiogènes et en les remplaçant par des situations de succès. Le sujet est entraîné à imaginer des scènes réalistes dans lesquelles il intervient et qui se rapportent aux situations qu'il doit affronter. Il doit se rapprocher au plus près de la résonnance émotionnelle qu'elles sous-ten-dent et orienter son imagerie vers la réussite. Ces techniques d'imagerie sont très utilisées dans un but d'amélioration de la performance.

L E M É C A N I S M E C O G N T T I F

Il repose sur le fait que le stress dépend d 'une double évaluat ion cogni t ive : évaluat ion de la s i tuat ion et des capac i tés de faire face. Ce t te grille d'interprétation cognitive de la réalité peut comprendre des distorsions au niveau de l'inter­prétation des faits et de l'idée que l'on se fait de soi-même. Ces distorsions cognitives jouent sou­vent un rôle capital dans l'anxiété. Il faut donc les modi f ie r . Il ex i s t e d i f fé ren tes t e c h n i q u e s de res t ruc tura t ion cogn i t ive (Beck . 1970 : El l is . 1975) m a i s d a n s t ou t e s , il faut d ' abord faire reconnaître au sujet que ses croyances, affirma­tions, idées sont issues d'une transformation de sa perception. Il faut lui montrer qu'il transforme les informat ions de façon sys témat ique et lui montrer ce que cet acte a d'irrationnel et de néga­tif. Le sujet est ensuite aidé à remplacer ces idées irrationnelles par une autre évaluation qui n'est pas génératrice d'anxiété.

LE M É C A N I S M E C O M P O R T E M E N T A L

D'autres méthodes permettent au sujet de trouver une nouvelle voie de réponse par le biais d'une modification du comportement . Le modeling est ainsi définie par Cottraux (1990) comme « un apprentissage social par imi­tation de modèles ». Le modèle peut être réel ou imaginaire, avoir des caractéristiques assez

« Savoir se relaxer - un long entraînement ».

« Parvenir à une évaluation de soi non génératrice d'anxiété ».

« Se rapprocher de la résonnanee émotionnelle et orienter l'imagerie vers la réussite ».

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Page 3: 2. LA GESTION DU STRESSuv2s.cerimes.fr/media/revue-eps/media/articles/pdf/70247-22.pdfL'Anxiety Management Training (AMT) de Suinn (1971) permet ainsi un véritable entraîne ment

proches de cel le du sujet pour pe rme t t r e une identification, et surtout se montrer efficace dans les situations qui effraient le sujet. Un sujet ayant une faible estime de soi ou une anxiété trop forte peut être incapable de s'imaginer dans une situa­tion de réuss i te . Le fait d ' imaginer que lqu 'un d'autre à sa place permettra au sujet de mieux analyser les déterminants de la situation, de la vivre sans anxiété et ainsi de pouvoir se substi­tuer au modèle. Dans beaucoup de situations, le stresseur est un autre individu. Lorsque l'on connaî t le mil ieu sportif, on ne peut ignorer les problèmes entraî­nés par les blocages voire l'absence de commu­nication entre les sportifs et les entraîneurs et/ou les dirigeants..,

Les techniques d'affirmation de soi visent à développer des relations satisfaisantes avec l'en­tourage : elles permettent « d'agir au mieux dans son propre intérêt, de défendre son point de vue sans anxiété exagérée, d'exprimer avec sincérité et aisance ses sentiments et d'exercer ses droits sans dénier ceux des autres » (Alberti et Emmons. 1974). Le stress interpersonnel est réduit grâce à ces techniques par les mécanismes suivants : - l'aisance relationnelle permet une réduction de l'anxiété et du stress social : - exprimer ses émotions a un effet physiologique anti-stress ; Wolpe et Lazarus ont insisté sur l'ex­press ion de la colère , du refus et de tout type d'émotion positive ou négative comme inhibant réciproquement l'anxiété : - ces méthodes sont également un moyen plus rapide pour changer des Cognitions. La c o m p é t e n c e en aff i rmat ion de soi peut se regrouper généralement en S domaines : - exprimer du positif. - répondre à du positif. - faire des demandes. - faire des refus, - exprimer des critiques. - répondre à des critiques. - affronter des inconnus. - mener une conversation. La technique principale en affirmation de soi est le jeu de rôle seul avec le thérapeute ou en groupe.

T E C H N I Q U E S I N T É G R A N T L E S D I F F É R E N T S A S P E C T S

Il est possible d'aborder simplement un aspect de la gestion du stress selon les besoins ou les carac­téristiques d'un athlète : cela peut être l'appren­tissage d'une technique de relaxation ou l 'amé­lioration de ses compétences relationnelles. Mais il est souvent artificiel de séparer un domaine des autres : lorsqu'un sujet est anxieux, que son sys­tème nerveux autonome est trop activé, il n'est pas rare qu'il est en même temps des pensées négatives et des troubles comportementaux, une instabilité dans son entraînement, par exemple. C'est pourquoi il est souvent nécessaire d'utiliser parallèlement ou successivement ces différentes t e c h n i q u e s d ' i n t e r v e n t i o n . C e r t a i n s a u t e u r s . (Smith. 1980 ; Meichenbaum, 1985) proposent dans ce but des méthodes synthétiques de gestion du stress comportant différentes étapes :

Une phase d'évaluation et de conceptual isa-tion dont le but est de mesurer les capacités et les incapacités du patient en matière de stress. On cherche à mettre en évidence les circonstances d'apparition du stress, les réponses du sujet, l'ef­fet sur ses performances et comportements ainsi que ses capacités ou déficits d'adaptation. Il est poss ible d'uti l iser des ques t ionnai res et ent re­

tiens, etc. Cette phase doit permettre au patient de c o m p r e n d r e la na tu re de ses r é p o n s e s de stress et d'elle dépend l'adhésion du sujet au pro­gramme.

Une phase d'entraînement et d'acquisition des habiletés On commence généralement par l 'entraînement à une technique de relaxation et à l'utilisation du contrôle respiratoire. Lorsque le sujet est capable de se détendre et de s'isoler des stimuli émotion­nels, le psychologue l 'entraîne aux techniques cognitives de restructuration afin de modifier les idées irrationnelles et de développer des compor­tements mieux adaptés. Il est possible d'ajouter un entraînement à l'auto-instruction. Instructions qui peuvent être émises

lors de s i tuat ions très s t ressantes . Ce sont des habiletés cognit ives que l'on ajoute aux précé­dentes ou qui les remplacent lorsque le sujet n'est pas capable de s'introspecter et donc de repérer ses pensées inductrices de stress. Ces consignes peuvent être par exemple : « Ne pense pas à la peur, pense seulement à ce que tu as à faire. Une étape à la fois, respire et relaxe ».

Une phase de répétition des habiletés Il s 'agi t de m e t t r e en p r a t i q u e les h a b i l e t é s apprises p récédemment dans la vie de tous les jours. Parallèlement le psychologue va l'aider en lui faisant acquérir à la demande et en fonction des besoins spécifiques quelques procédés dont les effets seront utiles sur le terrain : représenta­tion mentale de scènes stressantes selon le prin­c ipe de l ' imager ie , avec expos i t ion gradue l le comme dans la désensibilisation systématique, le modeling, les jeux de rôle, etc. Le psychologue devra suivre les résul tats de confrontat ion du sujet avec les agents de stress, et l'aider à franchir certains caps.

CONCLUSION

Des recherches de plus en plus nombreuses, en p r o v e n a n c e e s s e n t i e l l e m e n t d ' A m é r i q u e du Nord, commencent à démontrer l'efficacité des p r o g r a m m e s de ges t ion du s t ress . Un cer ta in nombre de conditions sont cependant requises. Ces techniques exigent un entraînement régulier sur une longue durée. En cela, il est possible de les comparer à des méthodes de préparation phy­sique. L'entraînement peut être individuel ou en petits groupes : il doit dans tous les cas être indi-vidualise c'est-à-dire adapté à la situation parti­culière du sportif et à ses caractéris t iques per­sonnelles.

La mise en place de ces méthodes doit donc tou­jours être précédée d'une évaluation des capaci­tés personnelles du sujet sur les plans affectif, émotionnel, cognitif. social et biologique. Le sujet doit par ailleurs accepter vraiment l'ex­pé r i ence . Sa pa r t i c ipa t ion doit être complè t e puisqu'il ne s'agit pas pour lui de subir mais au cont ra i re d 'acquér i r des au toma t i smes par un effort vo lon ta i r e . La conv ic t i on d 'ob ten i r un résultat conditionne également le succès de l'en­treprise. Il convient donc pour convaincre d'in­former, d'expliquer et de démystifier les méca­nismes d'action de la relaxation et de l'imagerie. Un réel effort de systématisation reste souvent à réaliser pour adapter les méthodes aux besoins spécif iques et aux carac tér i s t iques des sujets. T rop souvent , en effet, sont mis en place des expériences de gestion du stress ou de prépara­tion mentale dans différents milieux (sportifs, armée, espace, etc.) sans que n'ait été effectuée une réelle analyse des besoins et des méthodes ou sur un trop court laps de temps. C'est pour­quoi, on aboutit très souvent à des échecs ou à une absence de résultats. On perd ainsi le bénéfi­ce de stratégies très efficaces quand elles sont appliquées avec un minimum de précaution.

Christine Le Scanff Maître de conférences

UFR STAPS Caen.

Bibliographic

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24 Revue EP.S n°247 Mai-Juin 1994 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé