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DSC169 DSC 15 F rév. 1 finOriginal : anglais

Assemblée parlementaire de l’OTAN

COMMISSION DE LA DEFENSE ET DE LA SECURITE

L’AFGHANISTAN APRES LA FIAS

RAPPORT SPECIAL

Julio MIRANDA CALHA (Portugal)Rapporteur spécial

www.nato-pa.int 11 octobre 2015

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TABLE DES MATIERES

I. INTRODUCTION.........................................................................................................1

II. LA MISSION RESOLUTE SUPPORT ET SES OBJECTIFS.......................................1

III. LE POINT SUR LA SECURITE...................................................................................3A. TACTIQUES ET STRATEGIES DES TALIBAN..................................................4B. AUTRES FORCES INSURGEES........................................................................5C. TRAFIC DE STUPEFIANTS................................................................................6

IV. SITUATION DES FORCES DE DEFENSE ET DE SECURITE NATIONALES AFGHANES ................................................................................................................6A. DEFICITS CAPACITAIRES ET AIDE INTERNATIONALE..................................7

V. SITUATION DU GOUVERNEMENT............................................................................8

VI. INDICATEURS DE DEVELOPPEMENT....................................................................10

VII. EVOLUTION ET OUVERTURE REGIONALES.........................................................12A. PAKISTAN.........................................................................................................13

VIII. ETAT D’AVANCEMENT DES NEGOCIATIONS AVEC LES TALIBAN.....................13

IX. CONCLUSIONS.........................................................................................................15

BIBLIOGRAPHIE.......................................................................................................16

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I. INTRODUCTION

1. Le 1er janvier 2015, la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) a cédé la place à la mission Resolute Support, dans le cadre de laquelle une force internationale entraînera, conseillera et assistera les forces de défense et de sécurité nationales afghanes (ANDSF)1. Bien que la date à laquelle s’achèvera la mission n’ait pas été formellement fixée, elle devrait se situer à la fin de 2016, lorsque la présence des Etats-Unis retrouvera la forme d’une ambassade ordinaire, comme l’a indiqué le président Obama en mai 2014.

2. A la fin de l’année 2014, le processus de transition (Inteqal), consacré aux secteurs politique, sécuritaire et socio-économique de l’Afghanistan, est parvenu à son terme. Le 1er janvier 2015, le pays est officiellement entré dans la Décennie de la transformation ; depuis lors, il assume la direction et la responsabilité intégrales des affaires nationales (ONU, 2015a). La transition politique de 2014 a insufflé un dynamisme nouveau dans les relations avec les pays de la région et la communauté internationale, qui s’emploient à faciliter le processus de transition.

3. Si les relations avec l’Afghanistan sont en voie de normalisation, les enjeux restent élevés pour les pays alliés et leurs partenaires. L’édification d’un Etat viable après le départ des talibans sert les intérêts stratégiques régionaux et internationaux sur le plan de la sécurité. Il est nécessaire de continuer à affaiblir les forces insurgées qui subsistent dans le pays et de conserver dans la région une capacité antiterroriste viable, du moins jusqu’à l’avènement d’une paix négociée. Les progrès sur ces différents fronts consolideront la stabilité de l’Afghanistan et contribueront grandement à celle de la région.

4. L’OTAN et ses partenaires doivent consolider les acquis et se concentrer sur l’aboutissement de la mission Resolute Support. Il est encourageant de constater que le gouvernement d’unité nationale du chef de l’Etat, Ashraf Ghani, s’est dit résolu à être un partenaire solide dans cette entreprise. La Commission de la défense et de la sécurité (DSC) de l’AP-OTAN restera saisie de la question pendant toute la durée de la mission et suivra l’évolution de la situation en matière de sécurité et des institutions garantes de la viabilité de l’Afghanistan.

II. LA MISSION RESOLUTE SUPPORT ET SES OBJECTIFS

5. L’OTAN et ses partenaires dirigent et exécutent la mission Resolute Support, à laquelle les chefs d’Etat et de gouvernement des pays alliés ont réaffirmé leur soutien lors du Sommet du pays de Galles, en 2014. Outre cette mission, les Etats-Unis maintiendront également une mission de lutte contre le terrorisme.

6. La mission Resolute Support est une mission de formation, de conseil et d’assistance destinée à aider les ANDSF jusqu’à la fin de 2016 ; les forces internationales qui y participent seront dépourvues de tout rôle offensif. Dans le contexte de la mission, les ANDSF bénéficieront d’un soutien logistique et aérien et d’une assistance en matière de renseignement à mesure qu’elles augmenteront leurs capacités à lutter contre les insurgés (ONU, 2015a). Cela permettra de développer encore les institutions de sécurité afghanes et leurs capacités, et de les aider à engager à l’échelon national les divers processus requis pour la génération, la dotation en ressources et le maintien de forces sur le terrain. Au nombre de ces processus figurent la planification, la programmation, l’établissement des budgets, la gestion des ressources et les acquisitions. Actuellement, les ministères de la Défense et de l’Intérieur, dont dépendent, respectivement, l’armée nationale afghane (ANA) et la police nationale afghane (ANP), manquent

1 L’appellation officielle utilisée dans l’accord de sécurité bilatéral (BSA) et la Convention sur le statut des forces (SOFA) de l’OTAN pour désigner les forces de sécurité afghanes est « Forces de défense et de sécurité nationales afghanes » ; c’est également l’appellation que privilégient les autorités afghanes [US DoD (département de la Défense des Etats-Unis), 2015]. Par conséquent, l’AP-OTAN l’utilisera désormais en remplacement de « Forces de sécurité afghanes » (ANSF).

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de cadres qualifiés et expérimentés et souffrent de lacunes dans l’établissement des priorités institutionnelles dans le domaine de la planification et du budget (US DoD, 2014).

7. En vue du développement de la viabilité à long terme des institutions de sécurité afghanes et des ANDSF, les efforts portent sur huit fonctions essentielles : 1) planification, programmation, budget, exécution, 2) transparence, redevabilité et contrôle, 3) gouvernance civile des institutions de sécurité et respect de l’Etat de droit, 4) génération de forces,5) maintien des forces, 6) planification, dotation en ressources et exécution d’opérations de sécurité efficaces, 7) élaboration de moyens et de procédés satisfaisants de collecte de données du renseignement et 8) maintien de capacités de communication stratégique intérieures et extérieures (US DoD, 2014). Cela comprend la valorisation, la conception et l’utilisation des meilleures pratiques et de directives communes pour la collecte, la conservation et le partage de données biométriques au sein de la mission Resolute Support et de l’OTAN, l’objectif étant de faciliter la normalisation de formats, d’interfaces techniques et de méthodologies en matière de données biométriques et médico-légales.

8. Conformément à la résolution 2189 (2014) du Conseil de sécurité des Nations unies, la mission Resolute Support se déroulera en étroite coordination avec le gouvernement de la République islamique d’Afghanistan (GIRoA – Government of the Islamic Republic of Afghanistan) à partir de Kaboul et de quatre antennes régionales : Kandahar, Herat, Mazar-e Charif et Djalalabad (ONU, 2015a). Quatre nations-cadre s’occuperont de la direction opérationnelle dans des régions spécifiques : Etats-Unis (est et sud du pays), Allemagne (nord), Italie (ouest) et Turquie (Kaboul).

9. Les plans initiaux prévoyaient l’affectation de 12 000 soldats à la mission. Les Etats-Unis fournissent le gros des effectifs. Ils avaient envisagé de retirer la moitié des forces qu’ils conservaient en Afghanistan d’ici à la fin de 2015, le retrait de la seconde moitié étant prévu pour la fin de 2016. Toutefois, à la demande de M. Ghani, ils ont modifié le calendrier des opérations de retrait et ont accepté de maintenir 9 800 hommes sur place jusqu’à la fin de 2015 pour, tout à la fois, appuyer la mission Resolute Support et les opérations antiterroristes américaines (SIGAR, 2015c). Depuis mai de cette année, 40 pays (25 Alliés et 15 pays partenaires) affectent des troupes à l’exécution de cette mission, laquelle peut ainsi compter sur 11 325 soldats alliés et 1 900 soldats de pays partenaires. Les Etats-Unis ont détaché auprès de la mission Resolute Support quelque 6 500 personnes (US DoD, 2015). La taille du contingent pour 2016 sera fixée dans le courant de cette année. 10. MM. Obama et Ghani ont indiqué que ce changement dans le rythme des opérations de retrait de la mission Resolute Support et des opérations antiterroristes américaines était nécessaire dans la perspective de l’offensive que mènent habituellement les talibans au printemps et en été ; par ailleurs, il est apparu que les ANDSF avaient besoin d’un complément de formation (Shear et Mazetti, 2015). Après 2016, la présence américaine en Afghanistan devrait être réduite à un contingent d’un millier de soldats chargé d’assurer la sécurité de l’ambassade des Etats-Unis à Kaboul. Il est prévu que, parallèlement, les pays alliés et les partenaires opérationnels de la mission Resolute Support réduisent leurs forces respectives d’ici à la fin de 2016 (US DoD, 2015).

11. Le 13 mai dernier, les ministres des Affaires étrangères des pays alliés ont adopté un ensemble de principes et de lignes directrices relatifs au soutien des ANDSF par l’OTAN après 2016, une fois la mission Resolute Support menée à son terme. Le partenariat durable instauré entre l’OTAN et l’Afghanistan se transformera en une mission conduite par le secteur civil mais comportera un élément militaire (UN, 2015b). Ce partenariat continuera à bénéficier de soutien de l’OTAN aux niveaux ministériel et institutionnel au-delà de 2016 (US DoD, 2015).

12. Tant la mission Resolute Support que les opérations antiterroristes américaines ont été autorisées en vertu de deux accords conclus à la fin de l’année 2014. Le 30 septembre 2014, des représentants des gouvernements afghan et américain ont signé l’accord de sécurité bilatéral

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(BSA), qui définit la base juridique relative au maintien de forces américaines en Afghanistan au-delà de 2014. Immédiatement après, des représentants de l’OTAN ont signé une convention sur le statut des forces (SOFA), prévoyant la présence dans le pays d’une force de sécurité internationale plus large. Ces documents auraient dû être signés à la fin de l’année 2013 et ce retard a compliqué l’établissement de plans détaillés pour la MRS, ainsi que le déploiement de forces de certains pays alliés et partenaires. Début 2015, les Etats-Unis ont détaché 1 000 soldats supplémentaires pour combler le fossé ainsi creusé dans le processus de génération de forces et permettre à la mission Resolute Support de commencer à fonctionner avec un effectif complet.

III. LE POINT SUR LA SECURITE

13. L’Afghanistan fait l’objet d’une menace bien réelle émanant d’un ensemble de réseaux insurrectionnels, terroristes et criminels. Le conflit a gagné en intensité depuis le lancement de la mission Resolute Support, ce qui s’est traduit par une détérioration de la sécurité et par des niveaux jamais atteints d’attrition et de pertes en vies humaines, non seulement dans les rangs des ANDSF et des talibans, mais aussi dans la population civile. Les violences continuent à frapper essentiellement le sud, le sud-est et l’est du pays, mais elles ont commencé à s’étendre au nord et au nord-est, régions considérées jusque-là comme relativement épargnées (SIGAR, 2015c). 14. Le 22 avril, les talibans ont donné le coup d’envoi de leur offensive de printemps. Dans la semaine qui a suivi, on a enregistré une augmentation de 45 % du nombre d’affrontements armés par rapport à la même époque en 2014 (ONU, 2015b). De leur propre aveu, les talibans prennent avant tout pour cibles les « occupants étrangers », de même que les bâtiments gouvernementaux et les forces de sécurité afghanes. Les Nations unies ont cependant indiqué qu’entre le 15 février et le 30 avril 2015, très peu d’attaques – moins de 1 % – avaient visé des bases de la coalition, tandis que la plupart des autres étaient dirigées contre les ANDSF, des responsables gouvernementaux et des installations afghanes (SIGAR, 2015c).

15. En 2015, les ANDSF mènent leur première campagne sans disposer du plein soutien des forces de combat de la coalition et en ne pouvant compter que sur un appui très limité des moyens aériens et des moyens de renseignement, de surveillance et de reconnaissance (ISR) de cette dernière (US DoD, 2015). Leurs lignes sont étirées à l’extrême, car elles doivent faire face à un nombre grandissant de menaces et d’affrontements dans tout le pays. Selon les chiffres arrêtés à juin 2015, 40 des 50 districts connaissaient des problèmes de sécurité et le ministère afghan de la Défense menait des opérations contre-insurrectionnelles dans quatorze des trente-quatre provinces (SIGAR, 2015c ; MANUA, 2015).

16. Les insurgés résistent. Les évaluations de la situation sécuritaire varient en fonction des organisations, mais la plupart2 considèrent que 2014 et 2015 ont été des années particulièrement violentes. Les Nations unies comptabilisent le nombre d’incidents liés à la sécurité qui touchent au travail, à la mobilité et à la sécurité des civils dans tout le pays et qui influent sur la réalisation des projets et des programmes qu’elles approuvent. L’année 2014 a affiché une augmentation de 10 % d’événements de cette nature par rapport à 2013 et, à ce titre, se range juste derrière 2011 dans les archives des Nations unies pour les 13 années écoulées (ONU, 2015a).

17. Les pertes civiles augmentent. Selon l’ONU, les chiffres de 2015 devraient égaler ou dépasser ceux de 2014, les plus élevés jamais enregistrés depuis 2009, année à partir de laquelle la MANUA a commencé à comptabiliser ces pertes. Pour le premier semestre de 2015, les

2 2 Le département de la Défense a indiqué que le nombre des incidents de sécurité avait diminué d’environ 30 % entre avril et août 2014 par rapport à celui pour la même période en 2013. Ces chiffres reflètent vraisemblablement une prise en compte accrue des chiffres fournis par les Afghans, habituellement moins complets que ceux de la coalition (US DoD, 2014). Les données de l’ONU sont considérées comme plus fiables pour une analyse des tendances.

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Nations unies ont dénombré 4 921 victimes civiles, soit une augmentation de 1 % du total de ces victimes par rapport à la même époque en 2014. Particulièrement inquiétants sont les chiffres pour les femmes et les enfants, qui ont augmenté, respectivement, de 23 % et de 13 %. Avec 3 699 tués et 6 849 blessés, les pertes civiles ont ainsi augmenté de 22 % par rapport à 2013 (ONU, 2015a ; MANUA et HCDH, 2015). 18. Pour 2015, quelque 70 % de ces victimes sont imputées aux talibans et leurs groupes affiliés ; les chiffres n’incluent pas les victimes d’échanges de tirs non attribués avec les forces pro-gouvernementales. Environ 16 % des pertes civiles – soit une hausse de 60 % par rapport à 2014 – ont été causées par les forces gouvernementales, ce qui s’explique par une multiplication des attaques au sol. Conformément à cette tendance des insurgés de recourir plus fréquemment à ce type d’attaque (voir ci-dessous), les affrontements entre forces pro-gouvernementales et insurgés ont été pour la première fois la cause la plus importante des pertes civiles en 2014 comme en 2015, suivis par les engins explosifs improvisés (EEI), les attaques complexes, les attentats-suicides et les attentats ciblés. La légère augmentation des pertes civiles au cours du premier semestre de 2015 est due à une multiplication des attentats-suicides, des attaques complexes et des attentats ciblés (ONU, 2015a ; MANUA et HCDH).

A. TACTIQUES ET STRATÉGIES DES TALIBANS

19. La saison des combats de 2015 est particulièrement soutenue : les violences se sont intensifiées à partir de 2014, lorsque les talibans ont lancé l’une de leurs campagnes les plus brutales et les plus vastes depuis 2003. En fin de compte, ils n’ont pu atteindre leurs objectifs pour 2014, dont la perturbation de l’élection présidentielle (US DoD, 2014). Le dernier responsable en date des opérations de combat de la coalition estimait que les ANDSF pouvaient l’emporter, au moins tactiquement, sur les talibans à condition d’être correctement motivées (Ahmed, 2014), mais le chemin qui mène à la paix sera long et semé d’embûches (ONU, 2015a).

20. La multiplication des incidents de sécurité montre que les ANDSF sont confrontées à des défis grandissants (ONU, 2015a). Les stratégies des dirigeants suprêmes des insurgés visent à perturber les chaînes de commandement du GIRoA et des ANDSF, et à ternir l’image de ceux-ci auprès de la population. En 2014 et 2015, des groupes d’insurgés se sont acharnés à conquérir des territoires ; la méthode utilisée consistait à lancer des offensives terrestres de grande envergure impliquant jusqu’à plusieurs centaines de combattants (ONU, 9 décembre 2014 ; SIGAR, 2015c). De même, les insurgés ont pris plus souvent pour cibles des responsables des ANDSF et du GIRoA et multiplié les meurtres et les enlèvements. Entre le 10 février et le 30 avril 2015, l’ONU a dénombré 160 assassinats et 40 tentatives d’assassinat, soit une augmentation de 10 % par rapport à la même période en 2014. Entre ces deux dates, on a enregistré 91 enlèvements de plus, soit une augmentation de 21,3 % par rapport à 2014 (ONU, 2015b).

21. Les attaques contre des cibles très symboliques deviennent plus courantes, notamment à Kaboul. Certes, les ANDSF ont pu faire face à ces attaques, mais le bilan est lourd. Le 22 juin, une attaque particulièrement audacieuse a eu lieu contre les bâtiments de l’Assemblée nationale au moment où les parlementaires s’apprêtaient à désigner le titulaire du portefeuille de la Défense. Les forces de sécurité ont repoussé et abattu les assaillants, lesquels ont toutefois eu le temps de faire deux morts (une femme et un enfant) et 31 blessés. Aucun parlementaire n’a été blessé. En août 2015, après l’annonce de la mort du mollah Omar, trois attentats à la bombe ont été commis en l’espace de quatre jours, tuant ou blessant près de 400 Afghans. En mai 2015, c’est une voiture piégée qui avait explosé devant les bâtiments du ministère de la Justice, faisant cinq morts et au moins 42 blessés (SIGAR, 2015c).

22. Comme indiqué ci-dessus, les offensives terrestres de grande envergure sont devenues une tactique de plus en plus courante chez les insurgés en 2014, et cette tendance se confirme en 2015. L’an dernier, plusieurs centaines de combattants ont ainsi été engagés dans des batailles prolongées caractérisées par des assauts massifs et soigneusement orchestrés contre des centres

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provinciaux et des positions retranchées des ANDSF en d’audacieuses tentatives pour conquérir et occuper de nouveaux territoires. Les combats ont été particulièrement violents dans les provinces suivantes : Hemland, Faryab, Ghor, Logar, Nangarhar, Nouristan et Kunduz. Ne pouvant compter que sur une aide restreinte des forces américaines et alliées, manquant de capacités offensives aériennes, les ANDSF ont eu beaucoup de mal à enrayer l’avance des insurgés. En dépit de lourdes pertes, elles ont cependant prouvé qu’elles étaient capables de se défendre contre la plupart des offensives et ont même reconquis le terrain perdu (ONU, 2014). Selon les médias afghans, les insurgés ont lancé, au cours du premier semestre 2015, des attaques impliquant des groupes de combattants plus nombreux qui ont débouché sur l’occupation de plusieurs districts (SIGAR, 2015c).

23. Les attaques de l’intérieur restent un problème pour les ANDSF et les forces de la coalition. En 2014, sept attaques de ce genre dirigées contre les forces américaines ont fait quatre morts et quinze blessés. La plus spectaculaire d’entre elles s’est produite au mois d’août dans un centre de formation de Kaboul : un soldat de l’ANA a tué le général de division Harold Greene, commandant en second du Combined Security Transition Command-Afghanistan (CSTC-A), et blessé 14 autres personnes. Le rôle et les responsabilités du CSTC-A sont au cœur de la mission Resolute Support. Si la menace des attaques de l’intérieur a été atténuée par de multiples mesures de sécurité, dont une amélioration du processus de recrutement et de vérification par les services de contre-espionnage, elle n’a pas été complètement éliminée et les membres de la missionResolute Support y restent exposés (US DoD, 2014). Au 30 juillet 2015, on dénombrait trois attaques de l’intérieur contre les forces américaines ; elles se sont soldées par la mort de quatre contractants (un militaire et trois civils) et ont fait en outre douze blessés, civils et militaires confondus (SIGAR, 2015c).

B. AUTRES FORCES INSURGEES

24. Indépendamment des talibans, le réseau Haqqani et al-Qaïda devraient continuer à faire peser une forte menace sur les forces de la coalition et les forces afghanes. Le réseau Haqqani est pour l’instant le fer de lance de l’insurrection et le risque le plus grand pour les forces de la coalition, compte tenu de sa prédilection pour les attaques symboliques. Il est également un fournisseur majeur d’al-Qaïda en moyens et ressources, et restera probablement la menace la plus grave pour les forces de la coalition (US DoD, 2015).

25. Al-Qaïda est toujours présent en Afghanistan, mais cette présence est essentiellement circonscrite aux zones isolées du nord-est. En raison des campagnes antiterroristes, il a été contraint de se concentrer sur sa survie, plutôt que sur des opérations contre les pays occidentaux. Ses relations avec les organisations de talibans locales restent intactes (US DoD, 2014). Les Etats-Unis conservent sur le terrain une force antiterroriste chargée de parer à cette menace.

26. À la mi-2015, des responsables de la mission Resolute Support ont admis que Daech avait pénétré en Afghanistan, mais estiment toutefois que ce groupe naissant est limité en nombre et sur le plan opérationnel, puisqu’il ne s’était pas encore montré capable de coordonner des opérations dans plus d’une région à la fois (SIGAR, 2015c ; Tilghman, 2015). Des responsables de la MANUA ont fait part de leurs inquiétudes : Daech pourrait offrir à des factions dissidentes de tel ou tel autre groupe un drapeau auquel elles pourraient se rallier (SIGAR, 2015c). Ce qui est peut-être déjà le cas : les responsables du département de la Défense des Etats-Unis décrivent généralement les hommes de Daech présents en Afghanistan comme des chefs talibans mécontents. Certains commandants talibans afghans et pakistanais ont fait allégeance à Daech et l’on rapporte qu’un nombre croissant de commandants cherchent à obtenir une aide financière de la part de ce dernier ou envisagent de coopérer avec lui (ONU, 2015a), ce qui a provoqué la colère des chefs talibans. Dans une lettre ouverte, ceux-ci ont averti le chef de Daech, Abou Bakr al-Baghdadi, que toute ingérence de son groupe en Afghanistan provoquerait des scissions inopportunes au sein de l’insurrection (SIGAR, 2015c). La plupart des combats menés

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par des groupes de la mouvance de Daech opposent généralement ceux-ci aux talibans, ce qui est sans doute dû au fait que l’« Etat islamique » pénètre sur le territoire des talibans et interfère avec les opérations de ces derniers. Les combats les plus acharnés ont eu lieu dans la province de Nangarhar, près de Djalalabad (Tilghman, 2015). De l’avis des pays occidentaux, de nouvelles divisions intestines entre insurgés pourraient compromettre les futurs pourparlers de paix avec les talibans, faute d’un interlocuteur unique.

27. En mai 2015, le ministère de l’Intérieur de l’Afghanistan a estimé qu’il y avait sur le territoire national 7 180 combattants étrangers, dont la plupart étaient associés au Mouvement des talibans du Pakistan (Tehrik-e-Taliban Pakistan) ou au Mouvement islamique d’Ouzbékistan (ONU, 2015b).

C. TRAFIC DE STUPEFIANTS

28. Le trafic de stupéfiants continue à préoccuper le gouvernement afghan et la communauté internationale. La valeur brute estimative des produits opiacés en Afghanistan est tombée, en 2014, à 2,84 milliards de dollars, soit une baisse d’environ 9 % ; elle continue cependant à représenter 13 % du PIB du pays (ONU, 2015b). Il n’est donc pas surprenant que leur influence sur la narco-économie afghane procure aux talibans une source de revenus majeure. Selon l’inspecteur général spécial des Etats-Unis pour la reconstruction de l’Afghanistan (SIGAR), John Sopko, « l’idée prévaut largement que toutes les filières de trafic de stupéfiants aident les insurgés afghans ou coopèrent avec eux », même si elles ne participent pas directement aux activités de production.

29. Les difficultés de l’économie afghane pourraient exacerber le problème. Le représentant spécial du secrétaire général (RSSG) des Nations unies pour l’Afghanistan,Nick Haysom, pense que la persistance d’un faible taux de croissance risque de se traduire par une orientation de l’activité économique vers les domaines illégaux, dont la production de stupéfiants. Il a mis en garde la communauté internationale contre cette éventualité (RSSG, 2015).

30. En mai 2015, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a publié son Rapport mondial sur les drogues ; il y soulignait qu’en 2014 l’Afghanistan avait été le premier producteur mondial d’opium. Le pays intervient à hauteur de 85 % de la production mondiale avec 6 400 tonnes (chiffre estimatif). L’augmentation de la production enregistrée en 2013 s’est poursuivie en 2014. Elle a entraîné une baisse des prix qui s’est elle-même traduite par une contraction générale de la narco-économie afghane. La culture du pavot se concentre à concurrence de 98 % dans le sud, l’est et l’ouest du pays (ONU, 2015a).

31. L’objectif du ministère de la Lutte contre les stupéfiants est de réduire de 90 % la culture du pavot en dix ans. La nouvelle titulaire du portefeuille, Salamat Azimi, a déjà présenté un plan d’action en cent jours, lequel prévoit une modification de la législation et de la stratégie en la matière, l’élaboration de nouvelles politiques et le renforcement des ressources humaines du ministère (SIGAR, 2015c).

IV. SITUATION DES ANDSF

32. Le taux d’attrition continue à poser un grave problème aux ANDSF, bien que les ministères de la Défense et de l’Intérieur fassent état d’une baisse. Ni l’ANA ni l’ANP n’ont atteint l’objectif d’un taux mensuel de 1,4 % ; pour l’ANA, le taux moyen a atteint 2,3 % en mai 2015, chiffre à comparer à celui du mois de janvier précédent (2,55 %) et à un taux moyen de 3,62 % pour 2014. Le taux mensuel de l’ANP est tombé à 1,56 % en mai 2015, contre 1,64 % au mois de janvier 2015. La mission Resolute Support a défini trois domaines dans lesquels une intervention contribuerait à lutter contre les causes de l’attrition au sein des ANDSF : affectations, promotions et soldes équitables pour les soldats et les patrouilleurs ; mesures touchant à la qualité de la vie,

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telles que l’octroi de permissions et les soins aux blessés ; et responsabilisation de la hiérarchie (SIGAR, 2015c).

33. Plus de 5 000 membres des ANDSF ont été tués en 2014 ; les pertes au sein de l’ANP sont de loin supérieures à celles de l’ANA. C’est là le bilan le plus lourd jamais connu ; il dépasse celui des forces de la coalition depuis le début de la campagne, en 2001. Au vu de telles pertes, soldats et officiers rechignent de plus en plus à quitter leurs bases. De tels taux d’attrition et de désertion au sein de l’ANA et de l’ANP ne sont pas viables (Ahmed, 2014).

34. La diminution des capacités des ANDSF est un phénomène inquiétant. Le premier rapport mensuel d’évaluation des ANDSF, en janvier 2015, indiquait que les trois plus hautes des cinq mentions existantes – apte, entièrement apte et autosuffisant – avaient été attribuées à 93 % des catégories passées en revue. Dans le rapport d’avril 2015, ce chiffre était tombé à 83 %. Les forces américaines en Afghanistan ont attribué cela aux tensions subies par les forces afghanes avec le début de la saison des combats de 2015. Sur le plan institutionnel, la mission Resolute Support a abaissé les niveaux capacitaires que devaient avoir atteints les services ministériels lorsque son mandat viendrait à expiration, à la fin de l’année 2016. Selon les prévisions actuelles, seuls 74 % des services du ministère de la Défense et 68 % des services du ministère de l’Intérieur seront jugés autosuffisants ou entièrement aptes à ce moment-là (SIGAR, 2015c).

35. Il convient de noter qu’il est de plus en plus difficile de mesurer les progrès des ANDSF et que l’OTAN et ses partenaires doivent se fier toujours davantage aux rapports afghans plutôt qu’à ceux de la coalition ; or, les premiers n’ont pas le même degré de précision que les seconds. De surcroît, dès lors que les troupes de la coalition ont été retirées et affectées à des tâches d’entraînement, de conseil et d’assistance, il est possible que les données soient moins exactes, conséquence d’une réduction de la couverture assurée par la coalition (US DoD, 2014).

36. Cependant, le RSSG affirme que la détermination des ANDSF ne saurait être mise en doute et que ces forces font montre de leur aptitude à résister aux efforts des insurgés pour conquérir et occuper le terrain (MANUA, 2015).

A. DEFICITS CAPACITAIRES ET AIDE INTERNATIONALE

37. Les déficits capacitaires des ANDSF persistent ; les plus graves d’entre eux touchent le renseignement, l’aviation, les opérations spéciales et l’aptitude des ministères chargés de la sécurité à exécuter des tâches de planification, de programmation, et de gestion des ressources humaines (US DoD, 2015). Ces dix dernières années, la réforme du secteur de la sécurité et les efforts d’édification de l’Etat continuent à se heurter à bon nombre des problèmes: insuffisances capacitaires, corruption endémique, difficultés d’ordre géographique, différends ethniques et confessionnels et faiblesse générale des infrastructures.

38. L’aide internationale est cruciale pour les ANDSF, car le GIRoA ne dispose toujours pas des fonds nécessaires pour les entretenir. La communauté internationale attend du GIRoA qu’il assume une part croissante des coûts d’entretien des ANDSF, soit pour commencer, 500 millions de dollars en 2015, mais il est peu probable qu’il puisse subvenir à ces coûts dans un futur prévisible : les autorités afghanes ont seulement engrangé au total deux milliards de recettes intérieures en 2013 (US DoD, 2014). Lors du Sommet du pays de Galles de 2014, les Alliés et leurs partenaires ont accepté de financer les ANDSF, l’objectif étant de soutenir des effectifs définitivement portés à 352 000 hommes ; le montant de ce financement sera de 5,1 milliards de dollars par an pour la période allant de 2015 à 2017, soit un milliard de plus par rapport aux engagements précédents ; le montant financé par les Etats-Unis s’élèvera à 4,1 milliards. Les Alliés et leurs partenaires sont également convenus d’allouer une aide financière aux ANDSF pendant les dix prochaines années.

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V. SITUATION DU GOUVERNEMENT

39. Sous la direction du chef de l’Etat, Ashraf Ghani, et du chef de l’exécutif, Abdoullah Abdoullah, le gouvernement d’unité nationale s’emploie activement à restaurer les relations avec la communauté internationale et les pays de la région, après une période de rapports tendus et de litiges sous la présidence de Hamid Karzaï. Il s’agit assurément là d’une démarche positive, mais il est encore trop tôt pour juger de l’effet de ces gestes d’ouverture.

40. Depuis que MM. Ghani et Abdoullah ont accepté de former un gouvernement d’unité nationale, le 21 septembre 2014, ils procèdent lentement à la désignation des titulaires des postes clés. Il a fallu quatre mois au chef de l’Etat pour présenter des candidats aux divers portefeuilles ministériels, à la direction de la Banque centrale et à celle de la sécurité nationale. Le 20 janvier 2015, 25 candidats ont ainsi été proposés, dont neuf seulement avaient été confirmés le 28 janvier. A la date du 18 avril 2015, le parlement avait marqué son accord sur le nom de 24 des 25 membres du gouvernement, à l’exclusion du ministre de la Défense. Quatre des 24 ministres confirmés sont des femmes (ONU, 2015b). Un nouveau procureur général doit encore être nommé.

41. Le chef de l’Etat a désigné trois personnes au poste de ministre de la Défense : la première n’a pas été acceptée par le parlement, la deuxième s’est désistée le 8 avril 2015, avant même le vote des parlementaires, lesquels ont également rejeté la troisième, Massoum Stanikzai, le 4 juillet 2015. Aucun nouveau candidat à ce poste d’une importance critique n’a encore été désigné. L’Afghanistan n’a donc plus de ministre de la Défense depuis la fin du mois de septembre 2014.

42. A la date du 23 juin 2015, vingt et un des trente-quatre gouverneurs de province avaient été nommés. Pour les provinces de Ghor et de Daykundi, M. Ghani a nommé deux femmes au poste de gouverneur, mais la titulaire de la seconde province n’a pas encore pu prendre ses fonctions en raison des manifestations dirigées contre elle (SIGAR, 2015c).

43. La lenteur du processus a irrité de nombreux Afghans et des membres de la communauté internationale, qui escomptaient des progrès plus rapides compte tenu, en particulier, de l’achèvement formel de la mission de la FIAS et de la nécessité de tirer parti de la bonne volonté que ladite communauté continuait à manifester à l’égard du pays, notamment sous la forme d’une aide financière (ONU, 2015a). Au lieu de cela, l’impasse politique a paralysé une grande partie du gouvernement, y compris les services administratifs de l’armée et de la police (Ahmed, 2014). Certes, cette frustration est compréhensible et le blocage actuel met en évidence les difficultés auxquelles le gouvernement d’unité nationale peut se heurter dans sa forme actuelle, mais il est encourageant de constater que les négociations autour de la nomination des ministres et des hauts fonctionnaires se déroulent dans un climat de respect mutuel (ONU, 2015a).

44. M. Ghani a pris un certain nombre de mesures qui lui permettent d’assurer la gestion des affaires courantes jusqu’à ce que le processus des désignations soit mené à son terme. Le 1er décembre 2014, il a publié un décret par lequel il limogeait tous les ministres en poste à l’époque de M. Karzaï et les remplaçait par des vice-ministres. Le même décret disposait aussi que les gouverneurs et préfets de police provinciaux conserveraient leurs fonctions « à titre provisoire ». Le 13 décembre, un autre décret présidentiel a décrit les devoirs et les attributions du chef de l’exécutif. Le 20 janvier 2015, un autre décret a recensé les commissions et institutions dépendant, respectivement, du président, du premier vice-président, du second vice-président et du représentant spécial du président pour les réformes et la bonne gouvernance. M. Ghani a également remanié les équipes dirigeantes dans un certain nombre de provinces (ONU, 2015a). Le 25 avril 2015, la chambre basse de l’assemblée nationale a approuvé l’ouverture d’une ligne budgétaire pour le cabinet du chef de l’exécutif et pour le secrétariat du conseil des ministres, créé lui aussi par décret présidentiel. Le lendemain, M. Abdoullah a désigné le chef de ce secrétariat (ONU, 2015b).

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45. L’accord politique du 21 septembre 2014, qui portait sur un engagement quant à la formation d’un gouvernement d’unité nationale, prévoyait un ambitieux programme d’élections et de réformes. En raison de désaccords persistants entre le chef de l’Etat et le chef de l’exécutif au sujet des réformes électorales, la date des élections législatives et des élections des conseils de district n’a pas encore été fixée. Selon la Constitution, les élections législatives devaient avoir lieu dans un délai de 30 à 60 jours avant la date d’expiration du mandat de la chambre basse, c’est-à-dire le 22 juin 2015. M. Ghani a cependant annoncé, le 19 juin, que la chambre basse continuerait à siéger jusqu’à la tenue des élections et l’annonce des résultats. La légalité de ce décret a été contestée. Le 1er avril, le second vice-président, Mohammed Sarwar Danish a annoncé le report des élections législatives à 2016, indiquant que le pays avait besoin de temps pour appliquer les réformes électorales (ONU, 2015b).

46. Certains observateurs de la communauté internationale s’inquiètent de l’éventuelle tenue des élections avant la concrétisation des réformes nécessaires, car seuls des progrès minimes ont été accomplis en la matière. Le 21 mars, le chef de l’Etat a fait part de la création d’une commission chargée de la réforme du système électoral afin d’introduire des changements fondamentaux dans le système électoral, de renforcer l’Etat de droit et le processus démocratique et d’instaurer un climat de confiance entre la population et les gouvernants. La nomination de tous les membres de cette commission a été annoncée le 16 juillet et celle-ci s’est mise au travail le 22 juillet (SIGAR, 2015c).

47. L’absence d’élections a des conséquences directes pour la gouvernance du pays. La désignation des membres de la chambre haute de l’assemblée nationale se fait suivant trois méthodes distinctes : un tiers des membres est choisi par le chef de l’Etat ; un autre tiers est issu des conseils provinciaux et est élu par ces derniers ; le tiers restant se compose de membres des conseils de district. Le 10 janvier 2015, M. Ghani a demandé que les membres des conseils provinciaux qui avaient provisoirement occupé les sièges vacants dans les conseils de district libèrent ces sièges dans la perspective des élections aux conseils de district (ONU, 2015a). Cela signifie que, dans le meilleur des cas, seuls deux tiers des sièges de la chambre haute seront pourvus d’ici à la tenue des élections en question. Il n’y a jamais eu, en Afghanistan, d’élections aux conseils de district auparavant.

48. L’avancement insuffisant de la réforme électorale et l’absence d’un calendrier électoral ont des conséquences budgétaires pour le pays. Les donateurs internationaux ont réduit leur financement des organisations électorales afghanes, de sorte que la commission électorale indépendante et la Commission indépendante des plaintes électorales ont dû commencer à réduire leurs effectifs et à trouver le moyen de réduire leur coût de fonctionnement mensuel. Ces commissions cherchent à trouver une aide financière supplémentaire auprès du ministère des Finances, l’objectif étant de préserver leurs capacités indispensables (ONU, 2015b ; SIGAR, 2015c).

49. Bien que les problèmes liés au gouvernement d’unité nationale impriment à la gouvernance un rythme lent et irrégulier, M. Ghani a accordé une attention particulière à la transparence et à la restitution des fonds volés à la Banque de Kaboul. Le 2 octobre 2014, il a publié un décret relatif à la réouverture de ce dossier, à la suite de quoi les peines infligées aux deux anciens directeurs de la banque ont été triplées. Le gouvernement afghan a obtenu des jugements ou des condamnations contre 36 particuliers et sociétés, dont l’ancien président et l’ancien directeur exécutif de la Banque de Kaboul. Selon le Comité d’approbation, mis en place en mars 2015, 30 débiteurs ont remboursé leurs emprunts, 10 autres ont manifesté leur volonté de faire de même, et ceux qui se sont enfuis du pays ont été signalés à Interpol. Le 22 juin, le chef de l’Etat a accordé aux débiteurs un délai d’une semaine pour se mettre en règle, sous peine d’être poursuivis en justice et de ne pouvoir quitter le pays. Le 6 juillet, 150 débiteurs se sont vu signifier l’interdiction de tout déplacement à l’étranger et le gel de leurs avoirs. Qui plus est, le directeur et le directeur adjoint du Comité d’approbation ont été arrêtés pour avoir accepté un pot-de-vin de

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100 000 dollars de la part d’un débiteur dont le nom n’a pas été révélé. En mai 2015, le total des sommes recouvrées s’élevait à 229,5 millions de dollars, tandis que celui des impayés oscillait entre 600 et 650 millions (SIGAR, 2015c). 50. Le chef de l’Etat tente également de clarifier les rôles et responsabilités respectifs des différentes institutions chargées de lutter contre la corruption et d’obtenir que les hauts responsables officiels soumettent les déclarations de patrimoine requises par la Constitution (ONU, 2015a). Ce sont là des mesures positives dont il faut espérer qu’elles aboutiront à de véritables réformes.

51. Il convient également de noter que, selon le département d’Etat des Etats-Unis, le parlement afghan fait montre d’une compétence et d’une maturité politique grandissantes. Il a su protéger ses prérogatives législatives face à l’appareil exécutif et a soumis les ministères à un passage au crible public. Si, par le passé, il a peiné à obtenir le quorum requis pour légiférer, il a pu le faire en 2015 lorsqu’il s’est agi de prendre des décisions capitales. Par ailleurs, la chambre basse a atteint le quorum nécessaire lors des auditions ministérielles. Cependant, il ne faut pas oublier que le parlement se heurte encore à des problèmes d’effectifs, de corruption et souffre du faible niveau d’éducation et de l’expérience insuffisante de ses membres (SIGAR, 2015c).

VI. INDICATEURS DE DEVELOPPEMENT

52. A la Conférence de Londres sur l’Afghanistan du 4 décembre 2014, les pays partenaires, les institutions financières internationales et des organisations multilatérales ou non gouvernementales ont réitéré leur attachement à la progression du pays vers la sécurité et la stabilité au cours de la Décennie de la transformation (2015-2024). Précédemment, la communauté internationale s’était engagée à verser à l’Afghanistan au moins 16 milliards de dollars en 2015 et de maintenir jusqu’en 2017 une assistance d’un niveau égal ou comparable à celui de la décennie écoulée (SIGAR, 2015a). A la même conférence, l’administration Ghani a présenté son programme de réformes, intitulé « Sur la voie de l’autonomie » et destiné à lutter contre la corruption, à renforcer la responsabilisation des pouvoirs publics, à mieux valoriser la gouvernance et la croissance économique, et enfin, à répondre aux préoccupations en matière de droits humains. Les responsables ont accepté de mettre à jour l’Accord-cadre de responsabilité́ mutuelle de Tokyo en fonction des réformes que le GIRoA a proposé à la réunion des hauts responsables qui s’est tenue à Kaboul au début du mois de septembre. Les autorités afghanes travaillent actuellement à l’établissement d’un plan de concrétisation des activités prioritaires retenues (ONU, 2015a).

53. Au moment où l’Afghanistan entame sa transition vers une normalisation économique, le maintien de l’assistance des pays donateurs à des niveaux prévisibles demeure indispensable (ONU, 2015a). La Banque mondiale qualifie le pays d’« aberration extrême », s’agissant de sa dépendance à l’égard de l’aide extérieure à concurrence d’au moins 50 % de son revenu national brut. Le gouvernement indique explicitement que l’Afghanistan est confronté à une crise économique et que le processus de transition a des répercussions plus lourdes que prévu sur l’économie et le rythme des réformes (SIGAR, 2015a). La Banque mondiale prévoit actuellement un déficit financier total supérieur à 20 % du PIB jusqu’en 2025 (SIGAR, 2015c).

54. Ces dernières années, le taux de croissance économique de l’Afghanistan a connu une régression considérable. En 2014, il n’était estimé qu’à 2 %, contre 3,7 % en 2013 et 9,4 % en 2003. Ce marasme a entraîné un fléchissement de la confiance des investisseurs et des consommateurs, de même qu’une contraction générale des recettes publiques, limitant ainsi les transactions et préparant le terrain à de nouveaux déficits fiscaux. La Banque mondiale prévoit aussi pour 2015-2017 une remontée du taux de croissance (2,5 % pour 2015), lequel n’atteindra toutefois pas les niveaux des années précédentes (ONU, 2015a). La Banque mondiale souligne que, pour connaître une reprise économique, l’Afghanistan doit introduire des réformes pour

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résoudre les problèmes de corruption et de gouvernance et, notamment, ceux qui nuisent à la confiance dans l’économie (ONU, 2015b).

55. La chambre basse a adopté le budget de 2015 (22 décembre 2014-21 décembre 2015)3 après avoir apporté au projet initial des modifications consistant notamment en une baisse des rentrées prévues. Toutefois, ce budget repose encore sur des prévisions ambitieuses sur ce point, dont des recettes intérieures d’environ 2,2 milliards de dollars, soit 30 % de plus que ceux de l’année précédente. La Banque mondiale a donc indiqué que le pays pourrait être confronté en 2015 à des déficits budgétaires du même ordre que ceux de 2014 (SIGAR, 2015c). Quoi qu’il en soit, le budget ainsi approuvé permet la poursuite des projets de développement gouvernementaux en cours, mais il n’autorise aucune nouvelle initiative discrétionnaire des autorités pour 2015. Il est à noter qu’il prévoit une augmentation des dépenses de fonctionnement, dont celles qui sont liées à la sécurité (ONU, 2015a).

56. La collecte des recettes publiques a déjà posé problème au gouvernement afghan dans le passé. En 2014, ces recettes n’ont atteint que 1,8 milliard de dollars, chiffre à comparer avec les 2,2 milliards prévus. Les incertitudes engendrées par la transition politique et sécuritaire ont aggravé les difficultés de recouvrement du gouvernement, mais d’autres facteurs compliquent la situation, tels que les retards dans l’introduction de nouvelles mesures fiscales, les faibles rentrées douanières ou la fraude fiscale. En octobre 2014, le GIRoA a demandé aux pays donateurs de quoi combler le déficit fiscal. Plusieurs de ces pays ont répondu en transférant à cet effet une partie des fonds initialement destinés à des projets de développement. Le GIRoA a fait de même. Les fonds ainsi dégagés ont servi à faire face à des priorités fondamentales comme le versement des salaires ou le remboursement des arriérés de paiement (ONU, 2015a). Pour les quatre premiers mois de l’exercice 2015, les recettes intérieures ont légèrement dépassé celles de l’exercice précédent exprimées en valeur réelle (+ 7,5 %). Malgré ces progrès relatifs, le gouvernement peine encore à tenir ses engagements et à concrétiser ses projets prioritaires en matière de développement. Au 30 juillet, les recettes intérieures ne suffisaient à payer que 48 % des dépenses budgétaires totales (1,2 milliard de dollars) exposées jusqu’alors au titre de l’exercice 2015, la différence étant couverte par les pays donateurs (SIGAR, 2015c).

57. Par ailleurs, le département de la Défense indique que le taux de croissance de l’économie afghane ne peut suffire à couvrir les dépenses liées à la sécurité, quels que soient les progrès accomplis en ce qui concerne la collecte des recettes. Il signale que, même dans l’hypothèse où, pour la période 2018-2020, le taux de croissance moyen se situait à 9 % (comme pour la période 2003-2012 où l’ensemble des recettes était alloué aux ministères de la Défense et de l’Intérieur, les fonds ainsi récoltés ne couvriraient que 20 % des dépenses liées à la sécurité (pour des niveaux de forces équivalents). Cela signifie que l’Afghanistan doit réduire les dépenses en question pour disposer d’une économie viable (SIGAR, 2015c).

58. Le 20 mars 2015, le Fonds monétaire international (FMI) a annoncé le lancement d’un programme supervisé par ses propres services d’une durée de neuf mois (d’avril à décembre 2015) et axé sur la politique fiscale et monétaire, la réforme du secteur financier et une amélioration de la gestion économique. Ce programme vise à remédier aux faiblesses du secteur bancaire, à préserver les réserves internationales et à conserver un taux d’endettement peu élevé, à maintenir l’inflation à un bas niveau et à renforcer la compétitivité (ONU, 2015b). S’il était exécuté avec succès, ce programme pourrait inciter les pays donateurs à aider l’Afghanistan et rassurerait le FMI quant à la volonté des autorités de Kaboul de tenir leurs engagements dans le contexte d’un programme plus formel, tel qu’une facilité élargie de crédit (FEC). La précédente FEC de l’Afghanistan est venue à expiration en novembre 2014 après une suspension des rapports en cours d’exercice pour défaut de concrétisation des objectifs de résultats, retards et manque de cohérence dans l’application des réformes, chocs financiers imprévus et réactions

3 Pour le gouvernement afghan, l’année 2015 correspond à l’année 1394 du calendrier hégirien (hijri). L’exercice financier de 2015 apparaît donc en tant qu’exercice fiscal 1394 dans les documents officiels.

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gouvernementales inappropriées. Le département d’Etat indique que le FMI a été impressionné par les efforts du gouvernement afghan pour resserrer sa macroéconomie, faire reculer la corruption, atteindre et dépasser les objectifs fixés par le Fonds sur le plan des recettes pour la première période du programme et réduire ses dépenses (SIGAR, 2015c).

59. L’accès plus aisé à de nombreux services publics, tels que l’éducation ou les soins médicaux, a indubitablement amélioré la qualité de vie des Afghans au cours de la décennie écoulée. En juin 2014, le ministère de l’Economie a publié le rapport d’achèvement de la stratégie quinquennale de développement national, qui a sous-tendu les programmes prioritaires pendant toute la durée de sa mise en œuvre. Selon ce rapport, c’est dans le secteur de la santé que les résultats sont les meilleurs, avec 99 % des objectifs atteints. Des progrès ont été accomplis dans tous les secteurs, mais les résultats les moins bons sont ceux du développement du secteur privé et de la protection sociale avec, respectivement, 45 % et 46 % des objectifs atteints (ONU, 2015a). La poursuite des progrès dépendra essentiellement de l’aptitude de M. Ghani à appliquer son programme de réformes et à se montrer capable d’améliorer la transparence et la redevabilité pour ce qui est de l’utilisation des ressources allouées par les pays donateurs (US DoD, 2014). Une fois encore, si le chef de l’Etat a bien exposé ses intentions, peu de progrès concrets ont été faits jusqu’ici.

VII. EVOLUTION ET OUVERTURE REGIONALES

60. L’aide régionale demeure indispensable à l’aboutissement des tentatives de réconciliation menées sous la conduite de l’Afghanistan ainsi qu’à un développement durable, d’une importance capitale pour l’avenir du pays. La déclaration de Pékin à la quatrième Conférence ministérielle « au cœur de l’Asie », dans le cadre du Processus d’Istanbul, a montré que Kaboul pouvait compter sur le soutien unanime de ses voisins et des parties prenantes pour accomplir des progrès rapides (ONU, 2015a).

61. Durant les quelques mois qui se sont écoulés depuis son arrivée à la présidence, M. Ghani s’est employé activement à développer les relations de l’Afghanistan à l’intérieur de la région. En janvier 2015, un accord de partenariat stratégique durable a été conclu avec les Emirats arabes unis. Toujours en janvier, le ministre des Affaires étrangères de l’Iran est venu à Kaboul pour parler, entre autres, de coopération sécuritaire et d’un mémorandum d’entente bilatéral de coopération stratégique. En décembre 2014, le commandant du corps des garde-frontières iraniens et son homologue afghan avaient signé un protocole d’accord (Memorandum of Understanding - MOU) portant sur une amélioration de la coopération en matière de lutte contre le terrorisme et le trafic de stupéfiants. En avril 2015, M. Ghani s’est rendu en Iran, à la suite de quoi les deux pays se sont engagés à améliorer leur coopération dans les domaines du partage d’informations relatives à la sécurité, à la lutte contre le trafic de stupéfiants, au partage des ressources en eau et aux réfugiés et migrants. Le chef de l’Etat afghan a également conclu un protocole d’accord avec le Turkménistan en vue d’une intensification de la coopération dans le domaine de l’énergie électrique (production et approvisionnement) et ratifié avec la Turquie un accord stratégique de partenariat visant à développer la coopération sur le plan de la gouvernance et des affaires sociales, économiques et politiques. Toujours au mois d’avril, il s’est rendu en Inde ; à cette occasion, les autorités indiennes ont rappelé qu’elles souhaitaient être parties à l’accord entre le Pakistan et l’Afghanistan sur le commerce de transit (APPTA) (ONU, 2015a et 2015b). 62. Par ailleurs, l’Afghanistan a accueilli en février 2015 le premier cycle de pourparlers du dialogue stratégique trilatéral Chine-Afghanistan-Pakistan, à l’ordre du jour duquel figurait la nécessité d’approfondir la coopération trilatérale sur le double plan de la lutte antiterroriste et de la sécurité. Pékin et Islamabad se sont engagés à appuyer le processus de paix élaboré et conduit par Kaboul (ONU, 2015a).

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63. Les 9 et 10 avril 2015, des experts afghans, pakistanais et tadjiks ont mis sous sa forme définitive l’accord trilatéral sur le commerce de transit entre l’Afghanistan, le Pakistan et le Tadjikistan. Le 24 avril, les documents définitifs relatifs au projet CASA-1000, qui porte sur l’acheminement et le commerce d’énergie électrique entre l’Asie centrale et l’Asie méridionale ont été signés par les ministres de l’Eau et de l’Energie de l’Afghanistan, du Pakistan, du Kirghizistan et du Tadjikistan. Selon les prévisions actuelles, les travaux de construction du réseau ont commencé en septembre 2015 (ONU, 2015b).

A. PAKISTAN 64. Les relations entre le Pakistan et l’Afghanistan ont connu une amélioration spectaculaire depuis l’investiture de M. Ghani, ce qui présente un intérêt particulier. Au vu de la nécessité stratégique d’instaurer une coopération entre Kaboul et Islamabad pour lutter contre l’insurrection. La résistance de cette dernière continue à dépendre de l’existence de sanctuaires au Pakistan, ce qui donne à la coopération entre Kaboul et Islamabad un caractère vital pour la stabilité à long terme de la région. Le mandat de l’OTAN n’englobe pas le Pakistan, et celle-ci n’a donc que peu d’influence dans ce pays. 65. A plusieurs reprises, M. Ghani a affirmé que l’Afghanistan devait faire la paix avec le Pakistan pour pouvoir faire la paix avec les talibans. Durant l’année écoulée, l’idée s’est imposée davantage que les deux pays étaient confrontés à des ennemis communs ; M. Ghani et le premier ministre du Pakistan, Nawaz Sharif, ont tenu des propos allant dans ce sens lors d’une conférence de presse conjointe, le 12 mai 2015 (SIGAR, 2015c). Les dirigeants afghans et pakistanais ont manifesté leur intérêt pour un renforcement de la coopération entre leurs armées et le Pakistan se dit publiquement attaché au processus de réconciliation conduit par l’Afghanistan (US DoD, 2014). Cela s’est traduit par une amélioration de la coopération en matière de sécurité et, concrètement, par des accords sur la réouverture des centres conjoints de coordination frontalière aux points de franchissement de Torkham et de Spin Boldak, ainsi que par des opérations antiterroristes coordonnées à la frontière commune (ONU, 2015a). Le 18 mai 2015, la direction de la sécurité de l’Afghanistan et les services de renseignement pakistanais (Inter-services Intelligence, ISI) ont signé un protocole d’accord sur la coopération antiterroriste, qui devra encore être mis sous sa forme définitive à l’issue de consultations plus larges (ONU, 2015b). Des opérations militaires pakistanaises dans le nord de la province du Waziristan ont démantelé des réseaux armés qui utilisaient la zone comme sanctuaire, ralentissant de ce fait la planification d’offensives prévues en Afghanistan. Les responsables pakistanais se sont publiquement engagés à occuper la zone ainsi reconquise et à empêcher le retour de ces réseaux (US DoD, 2014).

66. Toutefois, pour obtenir une telle amélioration de la coopération, M. Ghani a dû faire un certain nombre de concessions en faveur du Pakistan. Certes, dans un premier temps, ses efforts ont été récompensés par le fait que le Pakistan ait amené les talibans à la table des négociations, comme on le verra en détail ci-dessous ; il a cependant fait l’objet de vives critiques lorsque les négociations se sont interrompues à l’annonce de la mort du mollah Omar, ancien chef taliban. Aussi a-t-il recommencé, dans ses récentes interventions, à adresser des reproches au Pakistan : dans un discours prononcé le 10 août 2015, il s’est dit scandalisé par le fait que les autorités d’Islamabad continuent à permettre aux talibans de se servir du territoire pakistanais pour tuer des civils afghans.

VIII. ETAT D’AVANCEMENT DES NEGOCIATIONS AVEC LES TALIBANS

67. M. Ghani a insisté sur la nécessité d’une réconciliation nationale grâce à un processus formel mené par l’Afghanistan. Ses efforts ont été récompensés par des progrès notables en 2015. 68. Lors de son discours inaugural, il a déclaré qu’il était disposé à s’entretenir avec les talibans. Le 31 octobre 2014, à la quatrième conférence ministérielle « Cœur de l’Asie-Processus

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d’Istanbul », il a renouvelé son invitation à un dialogue de paix. Lors de sa visite à Islamabad des 14 et 15 novembre 2014, les dirigeants pakistanais se sont engagés à aider les autorités de Kaboul à amener les talibans à la table des négociations (ONU, 2015a). Le chef de l’Etat afghan s’est également félicité du rôle de la Chine pourrait éventuellement jouer dans le processus de paix.

69. Dans une déclaration publiée le 14 janvier 2015 sur leur site internet, les talibans ont répondu qu’ils « souhaitaient la paix », pour autant que leurs conditions préalables soient satisfaites. Ni le gouvernement afghan ni la communauté internationale n’acceptent ces conditions, à savoir la formation d’un gouvernement islamique, l’application de la charia et la fin de la présence militaire étrangère (ONU, 2015a).

70. Cependant, M. Sharif et le chef d’état-major pakistanais, Raheel Sharif, sont parvenus à obtenir des talibans qu’ils rencontrent des responsables gouvernementaux afghans. Une nouvelle série de réunions informelles auxquelles les participants assistaient à titre personnel a débouché sur des pourparlers officiels à l’été de cette année. Le 7 juillet 2015, des délégations du gouvernement afghan et des talibans afghans ont officiellement ouvert des négociations de paix au Pakistan, en présence d’observateurs américains et chinois. Selon certaines informations, le vice-ministre afghan des Affaires étrangères, Hekmat Karzaï, comptait au nombre des négociateurs, de même que de hauts responsables de mouvements talibans et du réseau Haqqani. Des responsables pakistanais ont indiqué que les parties en présence étaient convenues de se rencontrer à nouveau dans le but d’instaurer « un climat propice à la paix et à la réconciliation » (SIGAR, 2015c). La prochaine réunion était prévue pour le 31 juillet 2015.

71. La première série de négociations de paix formelles a mis en lumière les divisions internes des talibans. Sur la page d’accueil du site internet des talibans, un éditorial virulent dénonçait les négociations, mais il a été retiré sans explication. Le 15 juillet 2015, une lettre prétendument écrite par le mollah Omar saluait l’ouverture de négociations de paix, présentées comme une façon légitime de mettre fin à l’occupation étrangère (SIGAR, 2015c). Des spécialistes répétaient à l’envie que seul le mollah pouvait préserver l’unité des talibans dans la perspective d’un accord et que ce n’est qu’avec son approbation que les négociations seraient tenues pour légitimes. Toutefois, le 29 juillet, il a été annoncé que le mollah était mort au Pakistan en avril 2013, ce qui a laissé planer un doute sur l’avenir des négociations. Depuis l’annonce de la mort du mollah Omar, aucune nouvelle réunion n’a été planifiée.

72. Le mollah Akhtar Mohamed Mansour, ancien adjoint et désormais successeur du mollah Omar, a complètement rejeté l’idée de négociations et a, au contraire, appelé à une reprise du djihad contre les Etats-Unis et le gouvernement afghan. Environ une semaine plus tard, trois attentats à la bombe revendiqués par les talibans étaient commis en quatre jours à Kaboul, tuant ou blessant près de quatre cents Afghans (Malkasian, 2015).

73. Cependant, Mansour est aux prises avec une lutte pour le pouvoir. Ses rivaux, tels Abdoul Qayoum Zakir ou le mollah Iakoub, qui est le fils du mollah Omar, contestent sa légitimité. Même si les talibans conservent leur unité sous la direction de Mansour, il se pourrait que celui-ci doive prouver qu’il est apte à occuper ses fonctions en faisant la guerre et en rejetant les négociations de paix, du moins dans l’immédiat. Les éléments dont on dispose sur les véritables sentiments de Mansour à l’égard de ces négociations sont contradictoires : il est considéré comme un tenant de la ligne dure par son clan, mais certains articles de presse indiquent qu’il aurait cédé aux pressions pakistanaises et qu’il aurait envoyé des représentants pour rencontrer les émissaires du gouvernement afghan ; on rapporte aussi qu’il aurait rédigé le faux message du mollah Omar favorable aux négociations (Malkasian, 2015).

74. Si des scissions interviennent au sein des talibans avec l’arrivée d’une nouvelle direction, certaines factions dissidentes pourraient mener leur propre insurrection, en conséquence de quoi Daech pourrait rallier à sa cause un nombre considérable de partisans. Si cela se produit, il est

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possible que les talibans commencent à combattre aux côtés de Daech et de ses factions, ce qui pourrait déboucher sur un amenuisement partiel des pressions qui s’exercent sur les forces de sécurité afghanes. Mais, dans ces conditions, le président afghan n’aurait pas en face de lui un interlocuteur unique pour mener des négociations de paix ; il devrait, au contraire, conclure des arrangements séparés avec chaque faction dissidente, ce qui tendrait à réduire les violences plutôt qu’à les éliminer complètement (Malkasian, 2015).

IX. CONCLUSIONS

75. La commission de la défense et de la sécurité continuera à suivre le déroulement de la mission Resolute Support pendant toute sa durée. L’édification d’un Etat émergent après la décapitation du régime des talibans en 2001 continue à revêtir une importance capitale pour la paix et la sécurité mondiales. Chacun des pays représentés au sein de cette commission, aux côtés de représentants de pays partenaires de l’OTAN a consenti de considérables investissements financiers et sacrifié des vies pour l’aboutissement des efforts de la communauté internationale en Afghanistan.

76. Les années 2014 et 2015 ont été importantes à plus d’un titre. L’Afghanistan a connu sa première élection présidentielle depuis l’instauration de la démocratie dans le pays. Certes, une lutte pour le pouvoir s’est engagée entre les deux derniers candidats en lice, ce qui a engendré de graves incertitudes, mais une solution de compromis a finalement été retenue et, dans l’ensemble, l’élection s’est distinguée par l’absence relative de violences. C’est aussi en 2014 que la FIAS a mis un terme à sa mission de combat et qu’a débuté le processus de transition au terme duquel l’entière responsabilité de la sécurité dans le pays devait être confiée aux ANDSF. Ce processus s’est achevé, mais les forces en question subissent maintenant de lourdes pertes et connaissent des déficits capacitaires persistants. Dans ces conditions, il est impératif qu’elles puissent compter, alors qu’elles seront aux prises avec les vestiges de l’insurrection au cours des années à venir, sur la contribution d’une mission d’entraînement, de conseil et d’assistance dûment ciblée et dotée de ressources adéquates. Comme l’a montré la rudesse de la saison des combats de cette année, ce ne sera pas tâche facile. C’est également en 2015 qu’ont débuté les premières négociations de paix formelles et qu’a été annoncée la mort du mollah Omar, l’ancien chef des talibans.

77. De l’avis de M. Haysom, représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies pour l’Afghanistan, l’Afghanistan relève lentement les défis économiques, sécuritaires et politiques qui lui sont lancés. Il connaîtra encore des épreuves sur ces trois fronts, et tout échec compromettra l’aboutissement du processus de transition. Selon M. Haysom, « il est absolument évident que l’Afghanistan a encore besoin du soutien de la communauté internationale » (MANUA, 2015).

78. En fin de compte, la mission Resolute Support a pour objectif de créer en Afghanistan les conditions de sécurité internes permettant la mise en place d’institutions étatiques solides qui contribueront à entretenir le bien-être de la population et la prospérité du pays tout entier. Un Afghanistan fort sera un facteur non négligeable dans la stabilisation d’une partie du monde accablée depuis trop longtemps par les violences intérieures et régionales. Il contribuera aussi à l’amélioration de la sécurité de la communauté internationale, démarche qui sert les intérêts des pays membres de l’Alliance et de tous leurs voisins.

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