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26 . 28 . 30 AVRIL & 2 . 4 . 6 . 7 MAI 2017

ALCIONEMARIN MARAIS

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ALCIONE

Production Opéra Comique | Coproduction Gran Teatre del Liceu de Barcelone, Château de Versailles Spectacles, Théâtre de Caen | Avec La Brèche – Pôle National des Arts du Cirque de Normandie / Cherbourg-en-Cotentin, partenaire associé. Avec les Pépinières Européennes pour Jeunes Artistes et Europe créative.

Spectacle enregistré et diffusé en direct sur Mezzo et Mezzo Live HD le 6 mai | Spectacle enregistré et diffusé sur France Musique le 21 mai

CAPTATION ET PARTENARIAT MÉDIA AVEC L'AIMABLE PARTICIPATION DE

Tragédie lyrique cinq actes de Marin Marais. Livret d’Antoine Houdar de La Motte. Créée à l'Académie royale de musique en 1706.

Direction musicale - Jordi SavallMise en scène - Louise Moaty

Chorégraphie - Raphaëlle BoitelScénographie - Tristan Baudoin, Louise Moaty

Costumes - Alain BlanchotLumières - Arnaud Lavisse

Maquillage - Mathilde BenmoussaRégisseur cirque - Nicolas Lourdelle

Chef de chœur - Lluis VilamajoCollaboratrices à la danse baroque - Gudrun Skamletz, Caroline Ducrest

Assistante mise en scène - Florence BeillacouAssistante chorégraphie - Maud PayenAssistant scénographie - Marie Hervé

Danseurs et circassiens - Pauline Journe, Tarek Aitmeddour, Alba Faivre, Cyril Combes, Emily

Zuckerman, Valentin Bellot, Mikael Fau, Maud Payen

Chœur et orchestre - Le Concert des Nations

Introduction au spectacle, 45 minuntes avant la représentation, avant-foyer Favart | Chantez Alcione : 45 min. avant la représentation, salle Bizet | Rencontre avec les artistes de la production samedi 29 avril à 16h.

Alcione - Lea DesandreCeix - Cyril Auvity

Pélée - Marc MauillonPan, Phorbas - Lisandro Abadie

Tmole, le prêtre de l'hymen, Neptune - Antonio Abete Ismène, 1re Matelote - Hasnaa Bennani

Une bergère, 2e Matelote, Junon - Hanna Bayodi-HirtApollon, Le Sommeil - Sebastian Monti

Doris, confidente d’Alcione - Maud GnidzazCéphise, confidente d’Alcione - Lise Viricel

Aeglé, confidente d’Alcione - Maria Chiara GalloLe chef des matelots - Yannis François

Phosphore, père de Ceix - Gabriel JublinUn suivant de Ceix - Benoit Joseph Meier

Durée estimée : 3h, entracte compris

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LA FABRIQUE DU SPECTACLE

PREMIERS PAS INTENTIONS EN VRAC CARTE

BLANCHE

ARGUMENT PROLOGUEAssembled on a mountain, the Rivers and the Naiads attend the musical tournament between Apollo and Pan. As the god of Nature and protector of shepherds, Pan honors war while Apollo, the god of the Arts, praises peace under the gaze of enthusiastic shepherds. Apollo decides to tell them the story of the Halcyons, the guarantors for maritime peace.

ACT IKing Ceyx is to marry Alcyone, daughter to Aeolus who reigns over the winds. But three protagonists are against their happiness. They are Peleus, Ceyx's best friend in love with Alcyone, Phorbas who considers himself wronged from the throne once occupied by his ancestors, and Ismena the magician. As the High Priest is to unite them, the Furies wreck the palace.

ACTS II AND IIIIn despair, Ceyx confides in Ismena and Phorbas. Phorbas claims he can predict Ceyx's future and tells him he must consult Apollo on the island of Claros so as not to lose Alcyone. In the port, ready to embark, Ceyx entrusts Alcyone in tears to his friend Peleus, troubled by his conscience.

ACTS IV AND VFinding shelter in the temple to Juno, Alcyone falls asleep. In a nightmare, she sees Ceyx being swept along by a violent storm. Peleus is devastated by Alcyone's grief and confesses his fault to her. While Phosphorus, Ceyx's father, announces the return of his son, Peleus chooses to kill himself. But on discovering Ceyx's corpse, Alcyone takes her own life. Moved by so much love, Neptune decides to bring them back to life and entrust them and their children the Halcyons with the power to calm tempests.

PROLOGUE Rassemblés sur une montagne, Fleuves et Naïades assistent à la joute musicale que se livrent les dieux Apollon et Pan. Divinité de la Nature et protecteur des bergers, Pan chante la guerre, tandis qu’Apollon, dieu des Arts célèbre la paix sous le regard des bergers enthousiastes. Apollon décide alors de leur conter l’his-toire des Alcions, garants de la paix maritime.

ACTE I Le roi Ceix s’apprête à épouser Alcione, fille d’Éole qui règne sur les vents. Mais trois personnes s’opposent à leur bonheur. En premier lieu, Pélée, meilleur ami de Ceix et amoureux d’Alcione, ensuite Phorbas, qui s’estime lésé de ne pas avoir accéder au trône comme ses ancêtres et enfin la magicienne Ismène. Alors que le Grand-Prêtre s’apprête à les unir, des Furies ravage le palais.

ACTES II ET IIIDésespéré, Ceix se confie auprès d’Ismène et Phorbas. Phorbas prétend lire l’avenir de Ceix et lui annonce qu’il devra consulter Apollon sur l’île de Claros pour ne pas perdre Alcione. Dans le port, prêt à embarquer, Ceix confie Alcione éplorée à son ami Pélée, lui-même torturé par sa conscience.

ACTES IV ET VRéfugiée dans le temple de Junon, Alcione s’endort. Dans un cauche-mar, elle assiste à la mort de Ceix emporté par une violente tempête. Pélée est anéanti par le chagrin d’Alcione et lui avoue sa faute. Alors que Phosphore, le père de Ceix, annonce le retour de son fils, Pélée préfère mettre fin à ses jours. Mais Alcione découvre le corps inanimé de Ceix, et se donne à son tour la mort. Touché par tant d’amour, Neptune décide de leur rendre la vie et leur confie, ainsi qu’à leurs enfants les Alcions, le pouvoir de calmer les tempêtes.

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6 7Premiers pas

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Alors que le chantier finissant de la salle Favart continuait d’empêcher toute répétition dans les murs, les équipes du spectacle avaient été dans l’obligation de s’installer ailleurs. Mais où ? Alcione, fille du maître des vents, Éole, aurait pu décider du lieu de son atterrissage.

Le hasard fait bien les choses, dit-on,

et la production d’Alcione vient en apporter

un nouvel exemple.

Autrement dit, la troupe d’Alcione, sans le savoir, retrouvait un des lieux de son existence passée.

Elle pouvait aussi se laisser porter par les éléments de son père. Et c’est ce qu’elle fit. Promis. Le hasard pur. Et voilà comment, le 13 mars, toute une équipe emmenée par Louise Moaty et Jordi Savall se retrouva à la Fabrique des Pépinières à Montreuil.

C’est-à-dire hors Paris, à deux pas du périphérique, un vaste hangar attenant à un pavillon d’une banlieue populaire… sur l’emplacement des premiers studios de Georges Méliès. Première coïncidence délicieuse.

Le meilleur est à suivre. Car au fil du temps, mû par sa passion et sans trop se soucier de l’intégrité de la propriété paternelle, l’inventeur du cinéma y fit construire deux bâtiments, tournant là l’intégralité de ses films. À l’aube de la guerre de 1914, ruiné, Méliès transformait le studio B en salle de cinéma de quartier, puis en salle de théâtre où… opérettes et opéras-comiques y seront proposés jusqu’en 1923 !

En cette après-midi de mars, l’heure est aux présentations. Jordi Savall avoue réaliser un rêve qu’il «  porte depuis beaucoup d’années  », saluant les « folies de Louise ». La metteuse en scène prend la parole pour se réjouir de cette «  collaboration heureuse  ».

Jordi SavallChef d'orchestre

Louise MoatyMetteuse en scène

Olivier ManteiDirecteur de l’Opéra Comique

Louise MoatyMetteuse en scène

Jordi SavallChef d'orchestre

Marc MauillonPélée

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L’intimité du plateau renforce la tension dramatique.

Les visages sont détendus, et les sourires complices.

Au premier abord, difficile d’imaginer que ce hangar accueillera pendant deux semaines le travail raffiné de la musique ancienne.

Le cast se connait déjà. Les différents ateliers et workshops de janvier à Cherbourg ont permis aux équipes de s’appréhender et de se souder. « Travaillez bien » lance Olivier Mantei, et la troupe se disperse.

Et pourtant, à l’intérieur c’est une toute autre atmosphère. Sous l’éclairage direct de quelques suspensions industrielles, 14 pupitres et un clavecin donnent le ton. La lumière tamisée drape les chanteurs d’une enveloppe protectrice.

Ici, la définition du clair-obscur prend tout son sens  : dans ce monde terrestre plongé dans l’obscurité, Alcione [Lea Desandre] pleure la mort de son amant Ceix [Cyril Auvity]. Seule l’intervention des dieux [Antonio Abete] sauvera le couple.

Sebastian Monti

Yannis François

Lea Desandre

Lisandro Abadie

Hasnnaa Bennani

Cyril Auvity

LiseViricel

Antonio Abete

Marc Mauillon Cyril

Auvity

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À 10 km de là, changement de décor et changement de volumes. Poussée par Notos, le vent du sud, une autre partie de la troupe a décidé de poser l’ancre à l’Académie Fratellini.

Raphëlle Boitel et ses danseurs évoluent sous le grand chapiteau. L’omniprésence du bois laisse l’imaginaire se perdre dans les dessous d’une machinerie théâtrale ou dans la cale d’un bateau.

Les arts du cirque règnent ici en maîtres.

On ne pouvait pas rêver mieux comme tableau. Car Notos, frère d’Alcione, annonce l’orage et la tourmente. Alors même que l’on teste la scène de la tempête, le chapiteau semble se transformer en navire.

Raphaëlle BoitelChorégraphe

« L’histoire doit se raconter par le corps » explique la chorégraphe.

Le spectateur est tout simplement saisi, comme cueilli par une avalanche de poésie.

Sous cette immense charpente, cordages et agrès permettent aux acrobates d’évoluer dans les airs. Les mouvements sont délicats, gracieux. Au sol, la densité du travail se lit sur les corps. Presque viscéralement.

«  Le hasard a beaucoup de pouvoir sur nous, puisque c'est par hasard que nous vivons », enseignait Sénèque. Les premières répétitions d’Alcione se résument ainsi. Peu importe le lieu, l’univers, les conditions, l’opéra ne s’embarrasse pas des conventions. L’exigence est dans le travail, les contraintes appartiennent au style et les surprises alimentent la création. Le reste dépend des coïncidences, du destin même.

Le hasard fait bien les choses, vous disait-on.

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Jordi SavallChef d'orchestre

Louise MoatyMetteuse en scène

Raphaëlle BoitelChorégraphie INTENTIONS

Les maîtres d’œuvre du spectacle se prêtent à un entretien croisé

Jordi Savall :Juste après avoir réalisé la bande originale

du film Tous les matins du monde, j’ai enregistré la suite instrumentale d’Alcione. À l’époque, aucune maison d’opéra ne s’intéressait encore à l’œuvre scénique dans sa totalité. Je suis donc très heureux de diriger la recréation moderne d’Alcione, la première à Paris depuis 1771 ! J’ai très tôt été frappé par la beauté de cette musique hors pair. En son temps, Marin Marais sortait vraiment du cadre. Par son inventivité harmonique, sa mélancolie, ses chants inimitables et l’inspiration populaire de certains de ses morceaux, il m’est apparu comme le Georges Gershwin du baroque. Il avait beau composer pour la cour, il mettait tout son art au service

du naturel et de l’expressivité. Il ne visait pas le spectaculaire ou la puissance comme Lully, imprégné de la pompe de Versailles. Quand Lully composait pour un groupe, les Violons du Roi ou l’orchestre de l’Académie royale de musique, Marais écrivait d’abord et toujours pour son instrument soliste, la viole de gambe. Instrument doux et délicat, la viole compense sa faiblesse sonore par sa puissance expressive : sa force réside dans les effets de sa tendresse. L’humanité, la tendresse et l’émotion que Marais voulait partager avec chacun de ses auditeurs, on les trouve autant dans la moindre de ses pièces instrumentales que dans le chef-d’œuvre qu’est Alcione. C’est pourquoi Marais touche le public d’aujourd’hui comme celui d’hier, c’est pourquoi il est moderne.

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Louise Moaty :Alcione est un theatrum mundi, un grand théâtre

du monde comme on disait à l'époque : les éléments, les ordres divins et humains, la vie et la mort s’y conjuguent au service du merveilleux scénique. Alcione est aussi un cabinet de curiosités : le livret brasse de nombreuses sources littéraires, des scènes et des figures canoniques du théâtre baroque et une riche érudition mythologique. Si Ovide est la source majeure, le théâtre dans le théâtre fait écho à Corneille, la tonalité du déchirement amoureux rappelle Théophile de Viau… Le concours du prologue, la scène de folie, l’apparition des enfers, le songe, le suicide sur le corps de l’aimé, les « incontournables » de la dramaturgie baroque sont là. Mais à l’aube des Lumières où se fait jour la notion d’intimité, les personnages développent un parcours et un rapport au monde plus affectifs qu’héroïques. Cette évolution de la dramaturgie baroque se retrouve dans le jeu des acteurs.

Jordi Savall :Dans le respect de

l’esprit baroque,des atmosphères de l’œuvre

et de ses couleurs instrumentales et vocales, Alcione va chanter

la langue de notre temps pour mieux toucher nos spectateurs. Il s’agit

pour nous de montrer que l’impact émotionnel d’Alcione est intact.

Louise Moaty :Nous avons choisi de montrer Alcione sous un angle contemporain tout en nous inspirant de l’esprit baroque et en jouant avec lui. Ainsi la scénographie que nous avons imaginée avec Tristan Baudouin joue avec les techniques du théâtre à l’italienne – bel accord avec la réouverture de la salle Favart après travaux. De même Alain Blanchot a conçu des costumes qui associent à des coupes plutôt actuelles une inspiration baroque, par la déclinaison des idées de foisonnement, de mélange et d’ornementation en motifs, accessoires, techniques et matières.

Louise Moaty : Les danseurs et les chanteurs

s’emparent eux aussi des lexiques gestuels, picturaux et chorégraphiques baroques, mais dans un esprit libre et ludique. J’aime montrer l’envers des machines, dévoiler le spectacle en train de se faire, impliquer ensemble interprètes et techniciens en les invitant à être à la fois acteurs et créateurs du récit, confier aux chanteurs des manipulations techniques. Chacun, faisant acte de présence sur le plateau, joue et contribue à une pensée collective du spectacle.

Impliquer interprètes et techniciens en les invitant à être à la fois acteurs et créateurs du récit.

Raphaëlle Boitel, en compagnie de Louise Moaty, lors des

répétitions à l’Académie Fratellini

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Louise Moaty : Il m’a ainsi semblé que les techniques

du cirque nous fourniraient les bons outils pour déployer

le merveilleux visuel, à condition de les mettre au centre du travail

scénographique et scénique et non de les réduire à de petits

numéros. Je me suis intéressée aux premiers acrobates

de cirque qu’étaient les danseurs de corde dans les foires

de l’Ancien Régime. Au temps de Marin Marais se développe

une abondante iconographie sur leurs techniques et nous nous

inspirons de ces usages du mât, de la corde molle, de la corde

en diagonale… entre autres ! L’importance de la mer dans

l’histoire d’Alcione m’a donné envie de montrer les résonances entre les techniques du théâtre

à l’italienne et celles des marins qui en sont à l’origine, qui trouvent

le même écho dans le cirque.

Raphaëlle Boitel :Les quatre circassiens et les quatre danseurs-

acrobates sont donc très souvent en scène, dans des rôles très divers. Ils peuvent interpréter des personnages spécifiques, les faunes et les muses du prologue, Proserpine telle qu’elle est invoquée à l’acte II, ou les marins de l’acte III. Ils prennent en charge les figures plus abstraites que sont les créatures des enfers à l’acte II ou les songes de l’acte IV. Ils ont encore à donner vie aux éléments : le vent, le sommeil, la tempête. Ils contribuent au déploiement du décor par des manipulations. Ils ont enfin en charge la matérialisation de l’harmonie, au service de la musique pure et dans la vie scénique du groupe.

Il m’a semblé que les techniquesdu cirque nous fourniraient les bons outils pour déployer le merveilleux visuel.

Jordi Savall :Marais a publié la version

de la création en 1706,puis a modifié et enrichi son œuvre plusieurs fois, au fil des reprises sur

la scène de l’Académie. J’ai souhaité exploiter l’ensemble des livrets

et des partitions afin de ne pas laisser de côté des danses ou des

scènes postérieures à 1706, et témoignant de la maturation de

l’œuvre. La comparaison des livrets nous a permis, avec Louise Moaty,

de renforcer la caractérisation des personnages, la cohérence

et l’impact du spectacle. Marais, qui avait le sens du théâtre,

l’aurait souhaité. Le moindre fragment récupéré dans les

partitions des reprises est de lui.

Louise Moaty :Ainsi, nous avons retrouvé dans le livret de 1730 la mention de la punition de Phorbas, qui n’apparaît pas dans la version 1706 de la partition : elle nous a paru indispensable dans la mise en œuvre du dénouement. Nous avons également choisi de garder le magnifique développement des personnages de Pélée et Alcione qu’offre la version de 1741.

Raphaëlle Boitel :En venant initier les interprètes à la danse

baroque, Gudrun Skamletz et Caroline Ducrest nous ont fourni un lexique que nous utilisons par citations, rappels, détournements, etc. Il nous permet de créer des contrastes, de préciser des nuances, toujours au service de l’expressivité. Il est intéressant de confronter à l’espace développé du cirque l’espace contraint et formel du baroque. Mon travail habituel étant très inspiré par le mouvement centrifuge de la spirale, j’aborde avec enthousiasme l’esthétique baroque où le mouvement de la spirale joue un rôle singulier. Louise nourrit aussi notre inspiration de sources iconographiques : gravures et tableaux baroques montrent des corps en mouvement et en interaction. Comment ignorer les nombreuses représentations de suppliciés lorsqu’il s’agit de composer une vision scénique des Enfers ?

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Jordi Savall :Pour la constitution de l’orchestre, j’ai suivi

les indications d’époque quant aux timbres instrumentaux, dans un effectif légèrement inférieur à celui de l’Académie pour des raisons d’équilibre acoustique. Le petit chœur qui réalise le continuo comprend une viole de gambe, une basse de violon, un théorbe, un chitarrone et une guitare ainsi qu’un clavecin. Le grand chœur engagé dans les musiques orchestrales comprend les timbres de l’époque que sont les cinq tessitures de violon (dessus, haute-contre, quintes, tailles et basses) ainsi que les hautbois, bassons et deux sortes de flûtes, à bec et traversière. Deux percussionnistes vont parachever, avec les nombreuses percussions alors disponibles au théâtre, la palette sonore que nous voulons déployer pour rendre justice au souci de la couleur que Marais démontre à chaque page de son œuvre. Aucune partition de cette époque ne comporte en effet autant d’indications de couleurs, de timbres, d’ornements en tous genres. Cette précision est propre à Marais, et on la retrouve dans ses pièces pour viole : cela aussi en fait un musicien accompli et moderne.

Louise Moaty :Cette précision dont

parle Jordi, l’attention particulière portée par Marais

à la puissance expressive et à l’émotion, font aussi

de la partition une magnifique palette pour la direction d’acteur.

Raphaëlle Boitel :Le but du spectacle est de lier très étroitement la direction d’acteur, la chorégraphie et la scénographie, celle-ci permettant le déploiement de celles-là. D’où l’organisation à Cherbourg de workshops qui nous ont permis, en amont des répétitions proprement dites, de forger avec l’ensemble des interprètes un groupe créatif, dans un moment d’incubation où les frontières entre les arts se sont estompées au fil des échanges et au profit du collectif. Comment raconter cette histoire à travers la matérialité physique propre aux danseurs, mais dont les chanteurs sont aussi tributaires ? Contre le morcellement propre à l’œuvre baroque, nous avons travaillé à la fusion de nos univers afin de servir le mouvement dramatique de l’œuvre.

Jordi Savall :Si le travail scénique est sous la responsabilité de Louise,

nous travaillons ensemble aussi bien sur la finalisation de la partition, en rapport avec le plateau, que sur l’expressivité des chanteurs.

Louise Moaty :Il m’a semblé indispensable

de commencer le travail par un temps de résidence où ont pu être réunis chanteurs, danseurs et une partie des techniciens de façon à former un véritable esprit de troupe. Ainsi l’interprétation d’Alcione est prise

en charge par des chanteurs, des danseurs et acrobates qui échangent

et imbriquent leurs arts de façon à former un collectif cohérent et organique.

Raphaëlle Boitel :Ainsi, presque tous les chanteurs sont montés au mât chinois et nous pouvons envisager de composer des duos chanteur-danseurs, avec une pleine conscience de ce qui existe de commun entre les virtuosités respectives des chanteurs, des musiciens et des danseurs. Nous travaillons à développer une énergie commune et une attention permanente de chacun à l’égard des autres.

Louise Moaty Ce ne sont pas des

disciplines qui coexistentsur le plateau des répétitions :

Alcione nous invite à élaborer une pensée esthétique générale.

Jordi Savall :Pour ma part, je demande aux chanteurs une implication à deux niveaux : ils doivent tout d’abord avoir de leur voix une maîtrise instrumentale et pouvoir utiliser chaque ornement – son filé, gonflé, jeté, vibrato – comme le violoniste son archet. Car tout ornement vocal a dans le chant baroque non une fonction décorative mais une fonction expressive, destinée à donner aux passions une dimension supérieure. Je leur demande aussi d’accorder la priorité à la déclamation poétique et de travailler en acteurs autant qu’en chanteurs. Il est difficile de conjuguer ces deux efforts mais il s’agit pour nous de retrouver cette musique du discours qui a inspiré à Marais son art si naturel : toute prise de parole comporte sa musique propre et un rythme aussi organique et irrégulier que la pulsation du vivant. Les questions de dynamique et d’articulation nous préoccupent donc énormément tout au long des répétitions.

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Pour les 32 costumes de la production, il aura fallu 798h de coupe, 1323h

de couture, 217h de déco costumes, 182h de travail de modiste et 119h de teinture et patine. Très colorés,

ces costumes sont inspirés de la Holi, la fête des couleurs en Inde.

Modules de bois assemblés et articulés, ils ondulent lorsque les fils, qui y sont accrochés, sont tirés. C’est le même principe que la marionnette. Ces lignes figurent la mer et les vagues. La commande qui relie l’ensemble des lignes a demandé une longue réflexion et la fabrication d’un prototype en taille réelle a donné du fil à retordre. C’est l’atelier déco du Grand T de Nantes qui s’en est occupé.

« Le  lien entre le théâtre et la marine est profond. Il n’y a qu’à se perdre

dans les dessous d’un plateau, de ses passerelles ou dans ses cintres,

pour s’imaginer sur un vieux gréement. Le théâtre, l’opéra

et le cirque ont hérité des techniques, des outils, et même de traditions et de superstitions de marins : dans tous ces lieux, le mot « corde » est interdit, il porte malheur… Parmi d’autres analogies, « les agrès » :

ce terme qui à l’origine désigne les accastillages

d’un navire est devenu celui des artistes de cirque. Il désigne

leur alter-ego mécaniques : fil, corde lisse, trapèze, sangles, cerceau, tissu, etc. Tirant un fil de notre imaginaire, nous pouvons rêver que les matelots furent les premiers à marcher sur une corde, se soulever dans une voile, se suspendre dans le vide, par défi ou pour occuper le temps du calme plat. Œuvre riche de tous les éléments, des dieux et du peuple de la mer, Alcione était le meilleur vecteur pour faire le lien entre ces mondes. »

Depuis 1986, l’ancienne propriété familiale des Méliès, rue François-Debergue à Montreuil, abrite La Fabrique des Pépinières.

Au 4 bis de cette même rue, une plaque commémorative, inaugurée en 1957, atteste de l’emplacement des studios de cinéma de Georges Méliès. Le lieu des tout débuts dans lesquels la troupe du Comique

est venue répéter.

20km

Tristan Baudoin, scénographe d’Alcione

DERNIÈRE TRACE DU PASSÉ

Afin de protéger certains chanteurs et danseurs du frottement des différents agrès, des protections ont été intégrés sur des costumes, notamment au niveau du ventre, des mains ou encore des genoux. Les costumes des danseurs et circassiens ont également été pensés pour offrir un maximum de liberté aux artistes dans leurs mouvements.

PLUS DE LIBERTÉ

(comme chacun sait le vrai mot qui désigne ce composé de nylon ou de chanvre tressé ensemble est interdit d’utilisation sur un plateau) nécessaire au bon déroulement d’une représentation. On les retrouve dans le prologue, pour les arches et les lignes de mer, lors des vols ou encore pour les voiles.

C’est le nombre de mètres de fils

LES LIGNES DE MER

32 costumesEn Vrac

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Sonia Hossein-Pour

intermèdes du clavecin, couverts de bavardages et de rires. Cyril souffle un désir de pause en s’adressant à Marc Mauillon : « Que dis-tu, Marc, tu veux une pause  ? Je n’ai pas compris…  ». On s’arrête alors mais les plus sérieux se rassemblent autour du clavecin pour travailler encore.

Un des maîtres des lieux est là, c’est Jordi Savall. Il dirige les voix dans un sabir singulier fait de français, d’italien, d’espagnol, au moins. Il est discret mais sait ce qu’il veut : pas de vibrato constant, excepté dans les moments les plus expressifs. Il voudrait que Lisandro Abadie soit beaucoup plus fanatique dans son interprétation de Phorbas. Mais comment entrer dans un personnage, comment l’incarner  avec vraisemblance ? Le maître livre une anecdote  : «  Je devais enregistrer “La Rêveuse” dans Tous les matins du monde. C’est un passage du film où Madeleine est malade et désespérée, et demande à ce que Marais vienne jouer ce morceau pour elle. Il commence à jouer mais elle l’arrête et lui demande de reprendre différemment, c’est-à-dire plus lentement… Corneau me disait que je ne le jouais pas comme il le fallait. Il me disait : “Joue pour quelqu’un qui va mourir, joue pour

Première répétition. Le chahut s’éteint lentement et tout se tait  ; le clavecin seul se distingue. Et puis une voix se lève soudain qui chante ; un chant des sirènes prend la relève en contrepoint. Ulysse  ? Non, Alcione. Elle arrive comme une tempête sur le plateau et d’ailleurs il fait froid. Ces piles de couverture entassées dans des grands sacs de courses, c’est pour que chacun y pioche.

Le moins que l’on puisse dire c’est que pour beaucoup, la partition est encore fraîche. Certains articulent des mots mais sans sons, ou renoncent même à chanter quelques fois. Cyril Auvity, l’interprète de Ceix, prononce soudain le mot « douleur » au lieu de « douceur » et laisse échapper un rire. Pas de honte à avoir, l’erreur est parfois poétique. Les chanteurs semblent éprouver un tel soulagement après avoir fini leur air qu’ils ne semblent plus entendre les

Ce pourrait être une église à l’acoustique mouillée, d’où s’exhale l’odeur capiteuse des encensoirs tandis que des hommes et des femmes récitent leurs kyrielles en sourdine. Mais c’est un hangar, immense et sombre, sans faste et sans écho, où persistent encore des relents de ménagerie tièdes. Montreuil. Celle que j’ai lue dans les livres. La Montreuil des premières écoles communales, des coopératives ouvrières. La Montreuil malienne d’aujourd’hui. Le tableau est donc profane  : c’est là que naît le mythe, que s’embrassent et se pressent les dieux de l’histoire qui va commencer.

Errances et vertiges

C'est là que se pressent les dieux de l’histoire qui va commencer.

« Joue pour quelqu’un qui va mourir, joue pour quelqu’un dont tu as détruit la vie… »

Cyril Auvity

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quelqu’un dont tu as détruit la vie…”.  Cette sincérité-là, cette incision dans la chair du texte, il n’y a que par l’exercice de la déclamation que le chanteur pourra la trouver.

«  À ce moment-là, ça va voltiger…  ! » J’entends l’écho de la voix de Louise Moaty devant les circassiens qui volent dans les airs de Fratellini. L’espace est-il assez grand, les fils, assez solides  ? Raphaëlle Boitel somme les danseurs d’expérimenter toutes les figures possibles. Ils s’avancent et se déploient sur la scène percée de projecteurs. Leur danse est indolente, le mouvement lent de leurs membres traverse les rayons et les ombres. Dans un mouvement de va-et-

vient continu, une circassienne accrochée à un fil se voit projetée dans les airs avant de retomber inexorablement. Là-haut, elle s’ébat avec grâce et contorsion avant que les lois de la physique ne la livre tout entière à ses partenaires, une plume dans leurs mains. Puis elle file à nouveau comme une étoile née des mers qui arrache un souffle à la surface des eaux.

«  S’il-te-plaît, éteins la lumière » demande Louise. Elle a allumé deux bougies et tout autour il n’y a plus que du noir. Seule la lumière d’un projecteur fait miroiter les touches et les ornements dorés du clavecin. Elle appréhende ses interprètes, Lisandro Abadie et Hasnaa Bennani, à pas lents, oblique, animale. Dans cette scène, elle leur a demandé de se mouvoir lentement, avec le moins de gestes possibles. Et en même temps le texte dit tout autre chose. Il dit  : «  Accourez  ! Hâtez-vous  !  ». Comment faire passer l’émotion, comment être éloquent sans le geste ?

Reste quelque chose à régler pour Lisandro : l’essence de son personnage. Phorbas est un magicien résolument méchant mais Lisandro semble étranger à cette méchanceté.

« À ce moment-là, ça va voltiger… ! »

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Le temps de savourer le sens et la rime de ce texte poignant et déjà l’exercice laisse place à un autre, peut-être plus difficile. «  Donnez-vous la main  », demande Louise au couple tragique qu’incarnent Cyril Auvity et Lea Desandre, «  marchez ensemble puis regardez-vous en vous disant ce que vous aimez le plus chez l’autre, et pourquoi  ». Pour elle, c’est une façon

de s’appuyer sur son partenaire, de nourrir son personnage en utilisant le trouble amoureux. Ils confessent alors :

« – Ce que j’aime chez Lea, c’est son sourire, qui du matin jusqu’au soir illumine le monde… – Ce que j’aime chez Cyril, c’est son regard, d’une infinie douceur, et qui m’émeut par sa tendresse…  ». Il faut savoir s’appuyer sur ces mots-là pour avancer dans le travail. Mais l’exercice de style ne dure pas longtemps. Dans l’histoire, Ceix doit partir, Alcione essaye de le retenir en vain, fin de la rêverie amoureuse. « Si Marin Marais module ici, c’est qu’il y a une raison. Son écriture est très précise. Pour moi il y a clairement de la séduction de la part d’Alcione, pour ne pas dire de la minauderie… ». J’écoute le claveciniste me livrer son analyse et en même temps je regarde le plateau  où deux femmes incarnant les Muses sortent délicatement de leurs poches des plumes blanches qu’elles posent sur les amants endormis. Elles les avaient fourrés dans leurs poches avec un air gourmand, comme des bonbons.

Les consonnes doivent jaillir de leurs bouches comme des jets de pierre.

« Marchez ensemble puis regardez-vous. »

Vraiment il essaye d’être méchant, mais il ne l'est pas assez, et Jordi Savall ne manque pas une occasion de le lui dire : « Franchement, on ne dirait pas que tu es un prêtre diabolique… Remplis-toi de haine  ! On dirait plutôt que tu me fais une déclaration d’amour… Essaye encore ». La partition entre les mains, Lisandro commence sa phrase mais n’achève pas. Il ne voit rien, il fait trop noir. «  Il faut que tu cherches une forme d’étrangeté  » reprend Jordi Savall. « Le sorcier, c’est l’altérité, l’ailleurs  ». Il demande aux deux chanteurs non pas de chanter mais de parler, de chuchoter. Les consonnes doivent jaillir de leurs bouches comme des jets de pierre.

Sur le plateau, Louise et Lea Desandre sont assises presque l’une contre l’autre. On les entend à peine, elles semblent réciter un texte tout bas. Deux sœurs qui bavardent sur une grande aire de récréation alors que

tout le monde est rentré en classe. Personne n’a envie de pénétrer dans cette bulle magique. De toute façon personne n’y est admis. Dans ce calme qui berce, Lea pose ses mains sur ses yeux, comme un enfant qui croit se cacher des autres et du monde. « Où suis-je ? » dit-elle. Cette fille qui chante en jean et en chaussons me bouleverse et je voudrais que ce ne soit pas de la comédie. Pour l’aider davantage à faire corps avec Alcione, Louise l’invite à se glisser dans la peau de Thisbé, dans les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé de Théophile de

Viau, et dont elle lit ce passage de la scène 2, acte V :

[Hé ! ne meurs pas si tôt, ouvre un peu la paupière,Respire encore un coup, je mourrai la première, Ne t'en va point sans moi, ne me fais point ce tort. Tu ne me réponds rien, mon cœur ! tu n'es pas mort, Les Dieux ne meurent point, la nature est trop sage Pour laisser ruiner son plus aimable ouvrage.]

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À Fratellini, la fraternité. Les circassiens et les chanteurs s’échauffent ensemble devant les deux grandes vigies que sont Louise Moaty et Raphaëlle Boitel. Seul sur la scène tournante du cirque, Ceix chante, cherche des gestes, des postures, échoue puis recommence. Hasnaa Bennani le regarde. Elle confie qu’il est difficile de chanter seul sur scène, sans partenaire. Que c’est cela, la nudité absolue. Elle dit aussi qu’il est difficile d’exprimer ses sentiments par devers soi, de n’avoir personne à qui s’adresser que ce grand visage anonyme. À l’empathie

Leurs membres s’agrègent alors, leurs visages se déforment dans une trajectoire de la transe.

succède le rire lorsque le claveciniste joue du jazz sur le piano électrique. Mais déjà le travail a repris. La chorégraphe cherche encore dans les corps des danseurs et des chanteurs la contradiction, les angles, la torsion. Leurs membres s’agrègent alors, leurs visages se déforment dans une trajectoire de la transe. Ils croissent vers le ciel comme les branches d’un même arbre, dans des rugissements muets et des portés sauvages. Et leurs corps ne forment désormais plus qu’une grande marée dont les flots ont accouché d’un monstre marin aux yeux de flamme.

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LA FABRIQUE DE L'ŒUVRE

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MARIN MARAIS

L’APOTHÉOSE DE MARIN

MARAIS

L’OPÉRA BAROQUE FRANÇAIS

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UN SPECTACLE TOTAL

LA TEMPÊTE D’ALCIONE

Quand Lenôtre rencontre l’Opéra Comique

ainsi naît le...

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Dernière grande « tragédie en musique » du règne de Louis XIV, Alcyone – ou Alcione comme le mentionne l’édition de 1706 – est un spectacle total à la croisée des XVIIe

et XVIIIe siècles. Du XVIIe siècle il tient sa source mythologique, son prologue à la gloire du souverain, son exigence littéraire et sa voca-tion spectaculaire où concourent chorégraphie et mouvements de décors ; du XVIIIe siècle il annonce la profondeur des émotions vécues par des personnages plus sensibles qu’héroïques, et l’expressivité de l’orchestre chargé de les envelopper d’un véritable décor sonore.

Bâtie, comme toute tragédie en musique, en un prologue et cinq actes, Alcione est conçue par un jeune auteur de livrets à succès, Antoine Houdar de La Motte, et par le plus fameux violiste de son temps, Marin Marais. Le magnifique portrait de ce dernier,

réalisé par André Bouys, fait alors l’objet d’une large diffusion par le biais de la gravure. Marais vient d’accéder, à près de cinquante ans, aux fonctions prestigieuses de batteur de mesure à l’Académie royale de musique – ou pour le dire en termes modernes, de chef d’orchestre à l’Opéra de Paris. La création d’Alcione le 18 février 1706 est un événement, pour lui comme pour l’institution installée depuis 1673 dans le théâtre du Palais-Royal, alors résidence du duc d’Orléans – sur l’emplacement de l’actuel Conseil d’État – et dont les dimensions sont à peu près celles de l’actuelle salle Favart.

En 1706, l’ancien directeur de l’Opéra, Jean-Baptiste Lully, est mort depuis dix-neuf ans et la situation de l’institution s’est fragilisée. À Versailles, la dévotion a depuis longtemps remplacé les plaisirs. Sous l’influence de Madame de Maintenon et de Bossuet, le monarque s’est réconcilié

avec Rome avant d’entraîner la France dans la longue guerre de Succession d’Espagne. Les nouveaux opéras ne sont plus que rarement créés à la cour, et encore, pas forcément en présence du roi lui-même. La fragile économie du premier spectacle public du royaume amène les détenteurs du privilège de l’Opéra à le faire gérer par des sous-traitants : un directeur et des commanditaires. Le répertoire s’est ouvert aux successeurs de Lully et à de nouvelles formules lyriques. L’opéra-ballet, genre divertissant illustré par Colasse et Campra, remporte un vif succès depuis dix ans.

UN SPECTACLE TOTAL

Le Char du sommeil. Aquarelle de Marie Hervé et Tristan Baudoin

L’opéra-ballet, genre divertissant illustré

par Colasse et Campra, remporte un vif succès

depuis dix ans.

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Les reprises d’Alcione à l’Opéra témoignent d’un succès durable, alors même que la nature des spectacles lyriques se transforme à la même époque au profit de la danse, de la variété et du divertissement. En 1719, 1730, 1741, 1756, 1757 et 1771, les «  remises à la scène » n’excluent ni les aménagements ni les coupures, dont le prologue fait particulièrement les frais, mais la fête marine et surtout la tempête restent des musts. La tempête est intégrée à une reprise d’Alceste de Lully en 1707, citée par Campra dans Les Fêtes vénitiennes en 1710... Preuve d’un immense succès populaire, des parodies accompagnent certaines reprises  : Fuzelier signe L'Ami à la mode ou parodie d’Alcione en 1719 pour les acteurs et marionnettes de la Foire Saint-Germain, et Romagnesi écrit en 1741 une Alcione parodique pour le Théâtre-Italien.

Si la tempête remporte un succès particulier, c’est par son habileté à dépeindre la nature déchaînée en « cachant l’art par l’art même », comme l’ambitionnera aussi Jean-Philippe Rameau, c’est-à-dire en utilisant toutes les ressources de la musique savante pour traduire le chaos des éléments. Avec cette symphonie descriptive, Marais promeut une nouvelle vision de son art : non seulement la musique peut désormais tout peindre, mais elle ne doit rien s’interdire pour ce faire, ni les nouveaux instruments, ni des modes de jeu inédits. Les portes qu’il ouvre aux musiciens ne se refermeront plus.

C’est cette liberté créatrice et cet art des enchantements que font revivre Jordi Savall, à la tête de son Concert des Nations qui joue sur instruments d’époque, et Louise Moaty, avec la complicité de Raphaëlle Boitel, pour la première production scénique d’Alcione à Paris depuis 1771.

Marais promeut une nouvelle vision de son art : non seulement la musique peut désormais tout

peindre, mais elle ne doit rien s’interdire.

Louis XIV n’assiste pas à la création d’Alcione dont le prologue, de rigueur dans ce genre officiel, célèbre pourtant sa puissance. Comme depuis plus de cinquante ans, le roi y est représenté sous les traits d’Apollon, qui triomphe de Pan en chantant la paix : « Aimable Paix, […] / heureux cent fois le vainqueur qui ne s'arme, / Que pour te rendre à l'univers ». Apollon ordonne alors « qu'un spectacle charmant signale sa victoire » et que les muses représentent l’histoire des Alcyons, divinités qui veillent sur la paix des mers… si utile à la prospérité de la marine française !

Les cinq actes qui suivent développent, en cinq tableaux, l’histoire des Alcyons, ou plutôt de leurs parents, tirée du livre XI des Métamorphoses d’Ovide, source de nombreux sujets d’opéras contemporains. Il s’agit de Céix, roi de Trachine en Thessalie et fils de Phosphore, le dieu qui porte la lumière, et d’Alcione, fille d’Éole, dieu des vents. Après Alceste, Armide, Didon et bien d’autres, l’héroïne donne son nom à l’opéra, guidant les spectateurs dans un labyrinthe de passions moins politiques et plus intimes que ne le sont alors les passions masculines. Fille d’un dieu qui commande les éléments, elle ancre l’œuvre dans le milieu marin, choix judicieux pour un spectacle qui, à l’époque baroque, doit son caractère spectaculaire (charpentes des théâtres, machines de scène, mécanismes mettant en mouvement les décors) aux ingénieurs et aux techniques de la marine.

Le public très mixte de l’Opéra n’a pas besoin de la caution royale pour être séduit, dès le premier soir, par les décors signés Jean Bérain et par la remarquable interprétation que dirige le compositeur en personne. Sur scène évoluent les meilleurs chanteurs et danseurs de la troupe, et dans la fosse brillamment éclairée, comme l’est alors toute la salle, joue le meilleur orchestre d’Europe. Il rassemble une quarantaine de musiciens pour la plupart réputés comme solistes, voire comme compositeurs. Inventive, colorée, variée, la partition de Marais enthousiasme d’autant plus qu’il a su y glisser un personnage d’opéra déjà populaire, Pélée, à la fois ami et rival malheureux de Céix, et au moins un air populaire, transformé en chœur pour les matelots à l’acte III. Les recettes sont près de 60% supérieures aux autres soirées lorsqu’Alcione figure à l’affiche.

L’héroïne donne son nom à l’opéra, guidant les spectateurs dans un labyrinthe de passions moins politiques et plus intimes.

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Baptisé à Paris le 31 mars 1656, Marin Marais est le fils d’un modeste cordonnier de la paroisse de Saint- Médard dans le quartier de la Bièvre, aujourd’hui Mouffetard. Remarqué par son oncle vicaire à Saint- Germain-l’Auxerrois, il entre dans le chœur d’enfants, à deux pas du Louvre, et y reçoit comme son camarade Michel-Richard de Lalande une excellente éducation musicale. À la mue, il s’oriente vers la pratique instrumentale, en l’occurrence la viole de gambe, instrument soliste et noble par excellence. Son talent, qui s’avère prodigieux, l’amène à travailler avec le fameux Monsieur de Sainte-Colombe, un maître qu’il surpasse en six mois.

L’Académie Royale de Musique, ancêtre de l’Opéra de Paris, est née depuis trois ans lorsque Marin y est recruté en 1675 (il a 19 ans), dans l’orchestre qui offre alors une situation privilégiée. Lully, directeur de l’Académie, le promeut soliste au sein du « petit chœur », groupe de musiciens chargé

de la basse continue qui accompagne les chanteurs solistes. Il joue aussi bien lors des créations des spectacles à la cour, devant le roi, qu’au théâtre du Palais-Royal pour les Parisiens. À la cour, il reçoit dès 1679 la charge très honorable d’« ordinaire de la Musique de la Chambre du Roi pour la viole ».

À l’Académie, Lully règne en maître, ne programmant que ses propres œuvres, mais il initie Marais à la composition. À son contact Marais s’approprie le nouveau genre de la tragédie en musique, opéra à la française, et devient un compositeur raffiné autant qu’un virtuose réputé. À partir de 1686, il publie des pièces pour viole dont les amateurs raffolent : sa production totale en compte 596 et il conduit cet instrument baroque, par son jeu comme par ses améliorations de facture et son enseignement, à l’apogée de son développement. Du vivant de son mentor, il crée devant la cour à Versailles une Idylle dramatique qui est fort appréciée, ainsi que plusieurs pièces vocales, toutes perdues.

Après la mort de Lully, il apparaît comme son brillant successeur, ce que confirme le succès de ses premiers opéras, Alcide en 1693 – composé avec le fils de Lully et repris jusqu’en 1744 – puis Ariane et Bacchus en 1696. Productif pour les fêtes de cour et les grandes cérémonies religieuses, il est respecté de ses pairs et réputé à l’étranger. En 1705, il succède à Campra comme batteur de mesure (chef d’orchestre) de l’Académie, une fonction prestigieuse. L’année suivante, il crée triomphalement Alcione. Si l’œuvre se maintient jusqu’en 1771 au répertoire de l’Académie, le compositeur vieillit. En 1709, son dernier opéra Sémélé ne correspond plus au goût du temps, porté vers l’opéra-ballet de Campra. Marais quitte ses fonctions, que reprend son fils Vincent Marais, et abandonne progressivement les activités publiques. Il veille à la publication de ses pièces de viole en plusieurs livres, et enseigne la viole jusqu’à sa mort, à Paris, le 15 août 1728 à l’âge de 72 ans.

MARIN MARAIS

Marin Marais

Marais s’approprie l'opéra à la française, et devient un compositeur raffiné autant qu’un virtuose réputé. Portrait.

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QUE REPRÉSENTE MARIN MARAIS DANS L’HISTOIRE DE LA MUSIQUE FRANÇAISE ?

Jérôme de La Gorce : Marais est l’un des plus grands musiciens du règne de Louis XIV, et l’un de ceux dont la renommée dépasse les frontières de son vivant. Il est aussi l’un des préférés de Louis XIV, qui l’apprécie autant comme violiste soliste que comme compositeur. À 23 ans, Marais se voit offrir par le monarque une charge dans la musique de la cour, ce qui est exceptionnel : ce type d’emploi s’achetait, mais Louis XIV sait que Marais est issu d’un milieu modeste, et il veut favoriser l’épanouissement de son talent. Bien plus tard, en 1711, quand le roi aura renoncé depuis longtemps à assister à un opéra,

il demandera qu’on lui joue en concert la tempête d’Alcione à Marly, et il fera venir à la cour Marais et ses enfants pour les écouter dans des œuvres de musique de chambre.

COMMENT MARIN MARAIS A-T-IL DÉVELOPPÉ SES TALENTS FACE AU TRÈS PUISSANT JEAN-BAPTISTE LULLY, LE SURINTENDANT DE LA MUSIQUE DU ROI ?

J. de La Gorce : Lully l’a engagé à 19 ans dans l’orchestre de l’Académie royale de musique qu’il dirigeait, et il a parachevé sa formation si l’on en croit les termes de la dédicace dont Marais accompagnera la publication de son premier livre de pièces de viole. Lully le fait monter sur scène l’année qui suit son engagement, dans le fameux sommeil d’Atys,

où se produisent quelques musiciens en costumes, lorsque cet opéra est créé à la cour devant le roi. Au sein de l’orchestre, Marais jouit d’un statut d’autant plus favorisé qu’il est l’un des solistes du « petit chœur », groupe de musiciens chargés du continuo, qui comprend en 1704 un clavecin, deux violes, deux théorbes et une à deux basses de violon. En tant que violiste, il n’a pas seulement à assurer un rôle mélodique, mais aussi un autre harmonique : son talent est donc indispensable à la réussite des partitions. Et il joue parmi des instrumentistes qui sont les plus grands interprètes de son temps  : le claveciniste Jean-Ferry Rebel, le flûtiste Michel de La Barre, etc.

Lully ne l’empêche jamais de composer, mais il est vrai que Marais n’aborde

Son parcours et la réussite d’Alcione sont les fruits de son talent

comme de sa fidélité à Lully.

L’APOTHÉOSE DE MARIN MARAIS Entretien avec Jérôme de La Gorce

l’opéra qu’à la fin de la carrière de son mentor, en 1686 avec une Idylle très applaudie à la cour, puis avec le fils de Lully, Louis, à qui il offre un succès avec Alcide en 1693. Fidèle à la tragédie en musique lullyste et au style français, Marais reste dans l’orchestre. Il attend que s’apaise la mode de l’opéra-ballet et du style italien, lancée par Campra avec L’Europe galante en 1697, pour revenir à la composition dramatique. Ceci à la faveur de l’arrivée en 1704 d’un nouveau directeur, Pierre Guyenet, à la tête de l’institution lyrique. Aussitôt après cette nomination, Marais est promu au poste prestigieux de « batteur de mesure ». Son parcours et la réussite d’Alcione sont les fruits de son talent comme de sa fidélité à Lully.

QUE DOIT ALCIONE À LULLY, ET EN QUOI MARQUE-T-ELLE UN NOUVEAU JALON ?

J. de La Gorce : Les références à Lully, dont la musique est toujours jouée à l’Académie, sont des hom-mages  : l’ouverture très dramatique, les danses traditionnelles (gigues, sarabandes, passepieds, menuets) avec la somptueuse chaconne finale, la couleur de pastorale du prologue (grâce à l’imitation de la musette), la tournure populaire de la marche des matelots de l’acte III (sans doute inspirée d’un « timbre », air populaire), la symphonie du sommeil qui rappelle celle d’Atys, l’air « Trop malheureux Pélée » qui fait écho à celui bien connu « Atys est trop heureux ». Les grandes innovations sont à l’orchestre  : Lully composait pour des ensembles de

timbres, Pascal Colasse avait su en dégager des solistes, et Marais va plus loin pour honorer les qualités de chacun de ses 43 à 45 excellents collègues. La recherche d’expressivité et la précision de l’écriture instru-mentale font d’Alcione un ouvrage exceptionnel, annonciateur de l’art qu’imposera Rameau à partir de 1733 avec Hippolyte et Aricie. Du reste, le rôle d’Hippolyte héritera de celui de Céix, et celui de Thésée de Pélée. La partition d’Alcione mentionne pour la première fois l’emploi de la contrebasse dans l’opéra fran-çais : c’est encore un compositeur, Michel Pignolet de Montéclair, qui en joue. Dans une notice nécrologique, Titon du Tillet louera le raffinement instrumental d’Alcione : « Marais imagina de faire exécuter la basse de sa tempête non seulement sur les

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Éole transformant Alcione et Ceix en alcions

bassons et les basses de violons, à l’ordinaire, mais encore sur des tambours peu tendus qui, roulant continuellement, forment un bruit sourd et lugubre, lequel joint à des tons aigus et perçant pris sur le haut de la chanterelle des violons et sur les hautbois, font sentir ensemble toute la fureur d’une mer agitée et d’un vent furieux qui gronde et qui siffle, enfin d’une tempête réelle et effective » (Le Parnasse françois, 1732). Convaincu de l’originalité de son œuvre, Marais la fait graver, un mois avant la première, afin d’en livrer l’état original. Il sait que les répétitions puis les représentations l’obligeront à retoucher, amender et adapter sa musique aux demandes des chanteurs et aux réactions du public. Car l’opéra de ce temps est un art vivant et mobile. La partition est diffusée dans une version réduite, pour les amateurs désireux

de la jouer au clavecin chez eux, sans les parties intermédiaires des cordes et des chœurs qu’il faut donc restituer aujourd’hui. Marais la publie à ses frais et la vend chez lui ainsi que chez deux marchands parisiens, Jean Hurel et Henry Foucault.

ET SUR LE PLAN DRAMATIQUE ?

J. de La Gorce : Alcione surpasse la plupart des opéras contemporains, y compris les autres titres de Marais lui-même, par sa force dramatique, par sa justesse dans la caractérisation psychologique – dans les airs comme dans les récitatifs accompagnés par l’orchestre – et par son art de la description. Ces tableaux musicaux sont conçus en écho aux grandes pages littéraires et aux toiles de maîtres  : c’est dans leur contexte culturel

qu’ils sont pleinement appréciés par les contemporains de Marais. On connait une partie des décors composés de grandes toiles peintes, utilisés pour les représentations. Certains avaient été conçus pour les ouvrages de Lully qui figuraient toujours au répertoire de l’Opéra, mais celui de la tempête est probablement imaginé pour l’occasion : il est conçu par Jean Berain, dessinateur du roi et décorateur officiel de l’Opéra, qui compte aussi parmi ses nombreuses créations des poupes et des figures de proue de vaisseaux pour la flotte royale. Alcione occupe donc une place de choix dans le développement du goût naturaliste au début du XVIIIe siècle, même celui-ci a été initié en musique par Colasse. Elle permettra à Le Cerf de la Viéville d’affirmer qu’on peut peindre par les sons, et la postérité musicale de Marais lui donnera raison.

JÉRÔME DE LA GORCE

Historien d’art et musicologue, directeur de recherche émérite au CNRS, Jérôme de La Gorce est notamment l’auteur des monographies sur Lully et sur Marais (avec Sylvette Milliot) parues chez Fayard, ainsi que d’une reconstitution de la partition d’Alcione pour l’enregistrement réalisé par Radio-France en 1990 (coll. « Musifrance » : les Musiciens du Louvre, dir. Marc Minkowski).

Alcione surpasse la plupart des opéras contemporains, y compris les autres titres de Marais lui-même, par sa force dramatique.

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QUI EST HOUDAR DE LA MOTTE ?

Laura Naudeix : Né en 1672 et mort en 1731, Houdar de la Motte voit sa vocation pour les lettres ébranlée par un premier échec à 21 ans, celui d’une farce écrite pour le Théâtre-Italien. Dissuadé in extremis d’entrer dans les ordres par le supérieur de l’abbaye de la Trappe, il se relance dans l’écriture dramatique, celle qui offre alors la meilleure visibilité à un jeune écrivain, mais par la « petite porte » du livret d’opéra. Dès 1697, avec une pastorale, Issé, pour Destouches, et surtout avec L’Europe galante pour André Campra, il triomphe à l’Académie royale de musique. Suivront des collaborations avec les successeurs de Lully : Destouches, La Barre, Colasse,

Mouret et bien sûr Marais, et des comédies à intermèdes à la Comédie-Française. Les œuvres auxquelles La Motte contribue seront reprises une bonne partie du XVIIIe siècle. Preuve de son renom, il est même sollicité en 1727 par Jean-Philippe Rameau qui souhaite débuter à l’opéra.

La Motte a renoncé aux livrets depuis l’échec de sa seconde collaboration avec Marais, Sémélé, en 1709. Il connaît un succès de scandale avec une réécriture de l’Iliade d’Homère en 1714, puis il s’impose avec sa tragédie Inès de Castro en 1723. Revendiquant une perspective originale sur le grand genre qu’est la tragédie, La Motte est un « moderne » par sa volonté d’en adapter la forme et les sujets au goût et à la sensibilité

du public. Il publie sur le tard, en 1730, des Discours et des Réflexions sur la tragédie, où il est logique qu’il dénigre ses propres livrets : « [Mes opéras] ne me paraissaient que des tragédies tronquées, où d’ordinaire la galanterie étouffe le grand, et qui, à l’égard du style, doivent être, pour l’avantage de la musique, bien plus près du madrigal que du pathétique soutenu de la tragédie ».

À l’Opéra, L’Europe galante a lancé un nouveau spectacle, l’opéra-ballet. Mais dans ses livrets de « tragédies en musique », La Motte fait évoluer de l’intérieur le genre hérité de Lully. Et travailler pour l’opéra lui a permis de concevoir une nouvelle tragédie, où les émotions sont libérées et renouvelées.

TRAGÉDIE : POURQUOI UN TEL TERME GÉNÉRIQUE CONCERNANT UN OPÉRA, QUI PLUS EST À L’ISSUE HEUREUSE ?

L. Naudeix : Le propre d’une tragédie, à l’époque de Louis XIV, est de conjuguer un sujet sérieux, des personnages non inventés mais « signalés » – connus par l’érudition classique – et la dignité des passions. Aristote, l’autorité en la

matière, accepte les fins heureuses, comme le montre sa prédilection pour le sujet d’Iphigénie en Tauride. Néanmoins, Alcione ne remplit pas totalement le contrat tragique pour deux raisons. D’abord, le sujet n’est pas politique, ce qui est pourtant d’après Corneille le propre du genre. Ensuite, le merveilleux y prédomine, issu des Métamorphoses  d’Ovide, ouvrage pourvoyeur de nombreux sujets lyriques depuis Lully. Le merveilleux est certes le propre de l’opéra, ce qui le distingue de la tragédie, selon Charles Perrault dès 1688 dans son Parallèle des Anciens et des Modernes. C’est ce qui amène d’ailleurs Louis de Cahusac à défendre le genre « opéra » contre celui de « tragédie en musique » dans son article « Enchantement » pour L’Encyclopédie, au milieu du XVIIIe siècle.

Mais l’un des meilleurs spécialistes de La Motte, Jean-Philippe Grosperrin, explique comment le merveilleux se complique chez lui d’une dimension émouvante : le surnaturel mythologique est le prétexte d’une fable visant à multiplier les surprises et les imprévus autour de héros humanisés, afin de favoriser un effet de « pathétique continu » sur le public. Le livret d’Alcione illustre un précepte que La Motte énonce en 1730 : « Faire tomber l’intérêt sur deux personnes qui craignent réciproquement l’une pour l’autre, parce qu’alors je puis presque toujours représenter aux spectateurs l’une des deux, et qu’ainsi la pitié, loin de souffrir le moindre appauvrissement, va croître à la mesure que le danger devient plus pressant ».

UN LIVRET QUI RENOUVELLE L’OPÉRA BAROQUE FRANÇAISEntretien avec Laura Naudeix

Revendiquant une perspective originale sur le grand genre qu’est

la tragédie, La Motte est un « moderne ».

Le surnaturel mythologique est le prétexte d’une fable visant à multiplier les surprises et les imprévus autour de héros humanisés.

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QUEL EST L’INTÉRÊT DU SUJET D’ALCIONE ?

L. Naudeix : Son intérêt est déjà éprouvé sur la scène française car le sommeil d’Alcione, épisode longuement développé dans le livre XI des Métamorphoses, avait inspiré un célèbre divertissement dans Atys de Quinault et Lully en 1676. Spectaculaire et touchant, le sujet offre en outre la possibilité de « diviser l’action principale en cinq parties bien distinctes, qui fassent autant de tableaux différents qui ne se confondent pas les uns dans les autres, et qui [per]mettent ainsi une espèce d’unité dans chaque acte », comme La Motte le théorise en 1730. Le livret multiplie donc les situations traditionnelles de l’opéra,

distribuées acte par acte : une cérémonie nuptiale interrompue par un cataclysme, l’invocation magique suscitant l’apparition des enfers, des adieux pathétiques, un sommeil d’où naît la vision d’une tempête, enfin un dénouement tragique avant l’intervention des dieux qui ressuscitent les héros. L’ensemble est placé sous l’empire de l’harmonie puisque dans le prologue, lui aussi emprunté au livre XI d’Ovide, où s’affrontent les deux divinités tutélaires de la musique, Apollon l’emporte sur Pan. C’est donc un magnifique défi pour un compositeur, surtout pour Marais qui vient alors de prendre ses fonctions de batteur de mesure à l’Opéra. Peut-être même a-t-il encouragé le choix du sujet tant il paraît judicieux à ce stade de sa carrière.

LES PERSONNAGES ONT-ILS UNE FORCE PARTICULIÈRE ?

L. Naudeix : L’économie de la tragédie en musique, contrairement à l’opéra-ballet, suppose de grands rôles vocaux, susceptibles de rivaliser avec le déploiement du spectacle dans des morceaux de bravoure comme la tirade hallucinée qui suit immédiatement la tempête. Alcione est une vraie héroïne d’opéra. Tendre, dépourvue de conflit intérieur mais dotée d’une constance exemplaire, elle vit de grandes situations et passions lyriques : la célébration de l’amour, la séparation, la plainte, l’hallucination, l’évanouissement, le suicide. Derrière elle se profilent deux grandes héroïnes lullistes, Alceste et Armide, et elle annonce les héroïnes pathétiques qui vont envahir la scène

parlée, notamment sous l’impulsion de La Motte lui-même. Ce rôle « à mouchoir » est écrit sur mesure pour une chanteuse de 24 ans, Marie-Louise Desmatins, nièce du danseur Beauchamps, qui se distingue alors dans les rôles d’héroïnes persécutées  : Alceste, Didon, Io dans Isis... Le noble Pélée est présent chez Ovide (il explique rapidement son passé au premier acte) mais rappelle aussi Thétis et Pélée de Fontenelle et Colasse, créé en 1689 et où figurait la première tempête orchestrale. Le personnage semble surtout destiné à mettre en valeur le fameux Gabriel-Vincent Thévenard, tragédien de 37 ans, très apprécié du public. Le rôle de Céix, plus tendre et plus discret, est écrit pour les débuts de Boutelou, haute-contre, fils du célèbre Antoine Boutelou.

DE QUELLE NATURE EST LA DIMENSION VISUELLE DE L’ŒUVRE ?

L. Naudeix : La « tragédie en musique » doit désormais rivaliser avec l’opéra-ballet en matière d’invention chorégraphique. Dans Alcione, Marais s’attache à renouveler l’esthétique des divertissements – comme la fête nautique et ses tambourins – et déploie la danse dans la sublime chaconne finale. Les solistes masculins y étincèlent, comme les frères Dumoulins, spécialistes des rôles caractérisés, en magiciens et en matelots. Mais la tragédie vise surtout le déploiement des décors, des machines et – c’est plus original – des lumières. Les didascalies sont très belles : elles évoquent une véritable traversée de la nuit dont l’acmé est la

Derrière Alcione se profilent deux grandes héroïnes lullistes, Alceste et Armide, et elle annonce les héroïnes

pathétiques qui vont envahir la scène parlée.

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tempête aperçue en rêve. L’apparition du dieu Phosphore, au dernier acte, coïncide avec l’Aurore et le lever du jour où Alcione découvre le corps sans vie de Céix. Le tout montre une volonté de rendre sensible l’unité de temps : on en a alors tous les moyens techniques.

Autre effet spécial : l’apparition finale des Alcions, fruits de la métamorphose des protagonistes : « Céix et Alcyone revivent ; des Alcyons naissent du sang d'Alcyone, et vont se placer sur le trône de Neptune » dit la didascalie. Comment ces oiseaux « aux longs pieds, au long cou, qui plongent la tête dans les ondes » tels que les décrit Ovide, sont-ils mis en scène  ?

Peut-être par de simples oiseaux d’osier, ou encore par des figurants qui, sortis de trappes ouvertes dans le plateau, s’élèvent au-dessus de la scène suspendus à des fils : des «  vols  » qu’on pratique couramment dans le spectacle baroque.

Par la diversité des émotions et l’émerveillement qu’elle procure, aussi bien visuel que musical, Alcione marque donc un jalon dans l’histoire de la tragédie en musique.

LAURA NAUDEIX

Spécialiste de la poétique et de la dramaturgie de l’opéra baroque français, Laura Naudeix enseigne les arts du spectacle à l’université Rennes II. Elle a publié Dramaturgie de la tragédie en musique (1673-1764), Honoré Champion, 2004 et La Fabrique des paroles de musique à l’âge classique (avec Anne-Madeleine Goulet) Mardaga-CMBV, 2010, ainsi que plusieurs éditions critiques de pièces et essais esthétiques des XVIIe et XVIIIe siècles.

Par la diversité des émotions et l’émerveillement qu’elle procure, Alcione marque donc un jalon dans l’histoire de la tragédie en musique.

Ceyx et Alcyone

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POURQUOI SE FOCALISER SUR LA TEMPÊTE D’ALCIONE ?

Bertrand Porot : Le terme générique de « tempête » est utilisé pour désigner les évocations de catastrophes naturelles qui émaillent les genres lyriques en France à partir de la fin du XVIIe siècle : orages, tempêtes, bruits souterrains, tremblements de terre, etc. entrent dans cette catégorie en raison de leur rôle et de leur écriture. Ils constituent une part importante des « symphonies descriptives » représentées à la scène. Ces compositions sont héritées de l’opéra italien, en particulier vénitien et romain. Courantes au XVIIe siècle en Italie, les tempêtes perdent de leur popularité, deviennent plus discrètes

ou disparaissent au moment où, en France, leur succès va grandissant. De fait, il revient aux compositeurs français, après Lully, de multiplier ce genre de pièces, de leur assigner un rôle dramatique de premier plan, enfin d’en développer l’écriture instrumentale.

QUELLE EST LEUR FONCTION DANS L’OPÉRA ?

B. Porot : Au-delà de leur impact évident, ces scènes jouent un rôle prépondérant dans l’esthétique de l’opéra français. Elles sont toujours déclenchées par les dieux ou les déesses, telle Junon dans Alcione de Marais. Mais si des personnages surnaturels interviennent, ce qu’ils déclenchent se déroule selon une

logique qu’il est possible de retrouver dans la réalité. Le monde « naturel  » qui fait irruption sur la scène est justifié par une des théories les plus importantes de l’époque baroque, celle de l’imitation de la nature : toute forme d’art s’inscrit dans une théorie de la mimésis. Le déroulement d’une tempête, les sentiments qu’elle inspire et ses résultats font partie d’une démarche de rationalisation de l’opéra. L’opéra français allie ainsi le merveilleux et le rationnel, le surnaturel et le réel.

L’opéra français allie ainsi le merveilleux et le rationnel, le surnaturel et le réel.

Pour sa tempête, Marais privilégie les sonorités les plus graves de l’orchestre.

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LA TEMPÊTE D’ALCIONE, ANATOMIE D’UN TUBEEntretien avec Bertrand Porot

DANS UN OPÉRA, UNE TEMPÊTE PERMET DE DÉVELOPPER LE RÔLE DU SEUL ORCHESTRE ?

B. Porot : En effet, les musiciens trouvent dans les scènes descriptives l’occasion de mettre en valeur l’orchestre et l’écriture instrumentale. Lully leur a déjà accordé un rôle dans les ouvertures, les danses, les préludes et ritournelles des airs, mais ses continuateurs apportent des aménagements à son modèle lyrique. Ils développent des symphonies descriptives, ce qui constitue l’une des innovations les plus importantes dans le genre de l’opéra après Lully. En 1689, le public applaudit la première tempête, écrite par Pascal Collasse dans

son opéra Thétis et Pélée. Jusqu’à Jean-Philippe Rameau et même Christoph Willibald Gluck, les opéras français multiplieront tout un arsenal de catastrophes naturelles.

Pour sa tempête, Marais privilégie les sonorités les plus graves de l’orchestre, en opposition avec le registre aigu des événements musicaux précédents (la magnifique symphonie du sommeil met en valeur le timbre délicat des flûtes traversières, dialoguant avec les violons). Il divise le pupitre des basses  : une partie met en valeur les basses de violons, une autre est réservée à la basse continue, aux bassons et à la contrebasse. C’est la première fois que ce dernier instrument est mentionné

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Ceyx et Alcyone

dans une partition d’opéra. Après Alcione, l’emploi de la contrebasse se généralisera. On sait aussi que Marais utilise des tambours « peu tendus » qui ne sont pas indiqués dans la partition, ni encore présents de façon permanente dans l’orchestre de l’Opéra.

AU-DELÀ DE LEUR INTÉRÊT MUSICAL, CES CATACLYSMES ONT AUSSI UNE DIMENSION VISUELLE ?

B. Porot : Qui dit tempête dit machines, c’est-à-dire machinerie capable de représenter la mer déchaînée. En 1730, la reprise d’Alcione donne lieu à une description précise de ces machines :

de longues roues échancrées «  hétéroclitement » (c’est-à-dire irrégulièrement) tournent grâce à un système de cordes sans fin ; elles produisent « par leurs mouvements, des ondes qui imitent très bien le naturel, par le moyen de gazes d’argent dont elles sont couvertes ». Deux modèles réduits de vaisseaux viennent compléter en fond de scène cette évocation saisissante.

Tous deux sont agités, suivant le rythme des vagues, par des cordages et des bascules. L’un d’eux disparaît rapidement alors que l’autre fait naufrage, ses mâts se brisant avant de couler. Des figurants, sans doute enfants pour simuler le lointain, jouent probablement les matelots en détresse.

Qui dit tempête dit machines, c’est-à-dire machinerie capable de représenter la mer déchaînée.

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COMMENT LA TEMPÊTE D’ALCIONE EST-ELLE COMPOSÉE ?

B. Porot : La scène de la tempête (IV, 4) développe l’idée de cataclysme en plusieurs temps. Après une « symphonie » réservée à l’orchestre seul, alternent un chœur d’affolement et les plaintes du roi Ceix, puis un court postlude orchestral conclut la scène. Le compositeur use de contrastes dans les formations vocales (le chœur polyphonique s’oppose au ténor seul) comme dans l’accompagnement instrumental. En effet, à l’orchestre complet qui soutient le chœur succèdent les basses seules divisées qui mettent en valeur l’intervention de Ceix. Quant au traitement du chœur mixte,

il n’est pas moins varié  : imitations, silences, ralentissement sur les mots « Ô mort »… Le cataclysme est donc assorti d’évocations psychologiques liées à l’action et n’intervient pas comme un spectacle gratuit.

Si cette scène se décline en plusieurs moments, le choix d’une tonalité principale relève d’une volonté d’unité. Cette tonalité, si bémol majeur, survient sans transition après la scène du Sommeil en mi mineur, avec un effet de surprise. Suivant une symbolique très pratiquée par les compositeurs baroques, le ton de sib majeur n’est pas choisi au hasard  : Lully l’emploie pour les évocations des «  furies », pour les airs de fureur ou pour les tempêtes. Les basses

de violon qu’on utilise à l’époque (et non des violoncelles) s’accordent à partir de sib pour la corde la plus grave : lorsque cette dernière est sollicitée à vide – comme dans le cas du ton de sib –, elle rend un son plus présent et plus puissant. Marc-Antoine Charpentier qualifie ce ton de « furieux et emporté  ». Dans son Traité de l’harmonie (1722), Rameau indiquera que le ton majeur de fa ou de sib « convient aux tempêtes, aux furies et autres sujets de cette espèce  ». Il s’y soumettra dans Hippolyte et d’Aricie (IV) et dans Les Indes galantes (I). Citons encore Mozart et l’air de la Reine de la Nuit dans La Flûte enchantée, «  Zum Leiden » (I, 6) : c’est en sib majeur que ce personnage maléfique lance ses ordres à Tamino.

BERTRAND POROT

Musicologue, Bertrand Porot est Professeur à l’Université de Reims, spécialiste de la vie musicale des XVIIe et XVIIIe siècles. Il a publié de nombreux articles scientifiques, articles de dictionnaire et préfaces, dont plusieurs réhabilitent le répertoire musical de l’Opéra Comique et des spectacles forains sous l’Ancien Régime. Il a participé à la fondation du CReIM, Cercle de Recherche interdisciplinaire sur les musiciennes, codirigé l’ouvrage collectif Musiciennes en duo, Presses universitaires de Rennes, 2015, et est responsable de la partie musique du CIRESFI, un projet portant sur la Comédie-Italienne et les théâtres de Foire.

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Enfin, l’écriture instrumentale est d’une haute virtuosité : dessus et basses de violons se partagent des traits, des fusées (gammes très rapides), des batteries ou encore des notes répétées en valeurs brèves. Ce vocabulaire sera repris par bon nombre de compositeurs et formera un corpus de clichés d’écriture après Marais. Car grâce à Alcione, le rôle même de l’orchestre sera repensé au cours du XVIIIe siècle : il y gagnera un pouvoir suggestif et expressif croissant.

Lorsque la corde la plus grave est sollicitée à vide, elle rend un son plus présent et plus puissant.

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La Jeunesse d'un génie

Sainte-Colombe fut le maître de Marais ; mais s’étant aperçu au bout de six mois

que son élève pouvait le surpasser, il lui dit qu’il n’avait plus rien à lui montrer. Marais qui aimait passionnément la viole voulut

cependant profiter encore du savoir de son maître pour se perfectionner dans cet instrument ; et comme il avait quelque accès dans sa maison, il prenait le temps

en été que Sainte-Colombe était dans son jardin, enfermé dans un petit cabinet de planches qu’il avait pratiqué sur

les branches d’un mûrier afin d’y jouer plus tranquillement et délicieusement

de la viole. Marais se glissait sous ce cabinet ; il y entendait son maître

et profitait de quelques passages et de quelques coups d’archet particuliers

que les maîtres de l’art aiment à se conserver et surtout

par des œuvres nationales.

LE MARIAGE DU THÉÂTRE ET DE LA MER

ALCYON - ou le spectacle de la tempête -

On lira dans le programme les différentes allusions à la tempête, cette fameuse scène qui marqua les contemporains dès la création de la pièce. La forte impression dura et dure encore. Citons d’abord Grim en référence à ce moment de l’opéra de Marais qui devient pour son auteur une référence

générale : « C’est donc le merveilleux visible qui est l’âme de l’opéra français ». Et puis Elena Ivanova-Gledel dans une étude récente sur le sujet : « Marais et La Motte ont sans doute trouvé quelque chose d’universel dans leur description lyrique et poétique de la tempête, puisqu’elle sait nous toucher encore. Mais pouvons être absolument sûrs que certaines subtilités ne nous échappent pas trois cents ans après ? » À chacun de dire…

Au début du XVIIe siècle, les Vénitiens inventent l’architecture de théâtre

avec l’opéra, la machinerie de scène en même temps que l’économie du spectacle, le tout en plein déclin économique, c’est-à-dire naval. L’opéra donne à voir des tempêtes en mer, des déplacements de vaisseaux appareillés, des apparitions de divinités marines… Les artistes mettent en scène le prestige de la Sérénissime et ils l’exportent dans toute l’Europe. Le succès des théâtres vénitiens dilapidera certes la richesse de l’aristocratie et précipitera la chute de la République mais Venise aura donné à l’Europe une forme artistique et une sociabilité nouvelles en mariant la mer au théâtre. Tout opéra baroque, qu’il soit italien ou français, comportera jusqu’à la Révolution et au-delà des chœurs de matelots, des airs de marins, des ballets de divinités des flots et autres symphonies imitatives du mouvement des ondes et des vents.En Vrac

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LA BERGÈREFais-nous aimer de qui saura nous plaire,D’un seul trait blesse toujours deux cœurs.

CHŒURFais-nous aimer de qui saura nous plaire,D’un seul trait blesse toujours deux cœurs.

APOLLONQu’un spectacle charmant signale ma victoire. Muses, des Alcions renouvelez l’histoire.À l’onde soulevée ils rendent le repos,Et des vents en fureur, ils terminent la guerre.Puisse régner sur la terreLa paix qu’ils rendent aux flots.

CHŒUR À l’onde soulevée ils rendent le repos,Et des vents en fureur ils terminent la guerre.Puisse régner sur la terreLa paix qu’ils rendent aux flots !

ACTE ILe théâtre représente une galerie du palais de Ceix.

SCÈNE 1PHORBASVous voyez le palais où l’hymen d’AlcioneVa combler les désirs de votre heureux rival :Déjà la pompe s’en ordonneEt le moment approche…

PÉLÉEAh ! Quel moment fatal !

PHORBASSeigneur, il faut troubler cette odieuse fête ;Tout l’enfer conjuré m’a promis son secours,Et ce jour qu’ils ont cru le plus beau de leurs joursVa bientôt devenir…

PÉLÉEArrête.Tu sais ce que je dois au roi.Banni de ma patrie, et teint du sang d’un frère,Funeste objet des fureurs d’une mère,Lui seul à sa vengeance il s’exposa pour moi,Sa cour fut mon unique asile.Alcione à ses jours allait unir son sort.Dieux ! Je ne pus la voir avec un cœur tranquille.Vertu, gloire, raison, tout me fut inutile.Mon amour combattu n’en devint que plus fort.

Un monstre que la mer vomit contre mon crimeSuspendit cet hymen dont j’étais si jaloux ;Et ce peuple en serait encore la victime,S’il n’était tombé sous mes coups.

PHORBASLaissez-moi ranimer ce monstre redoutable,Qu’il rompe encore de si funestes nœuds.

PÉLÉENon, ne me rends point plus coupable.Non, laisse-moi mourir, laisse-les vivre heureux.Abandonne mon cœur au feu qui le consume.D’un hymen que je crains, pourquoi me garantir ?C’est par moi qu’aujourd’hui son flambeau se rallume,Je ne veux point m’en repentir.Trop malheureux Pélée, hélas ! Quelle est ta peine ?Je ne me connais plus, et mon âme incertaineForme en un même instant mille vœux opposés.Trop malheureux Pélée, hélas ! Quelle est ta peine ?

PHORBASJ’oserai plus pour vous, seigneur, que vous n’osez.

C’est assez répandre de larmes,Et votre cœur n’a que trop combattu.Ismène et moi, nous allons par nos charmesSecourir votre amour contre votre vertu.

PÉLÉEArrête… on vient. Ô Ciel ! À quoi me réduis-tu ?

SCÈNE 2CHŒURAimez-vous sans alarmes,Que vos feux sont charmants, que vos liens sont doux !L’hyménée et l’amour vous prodiguent leurs charmes,Tendres amants, soyez heureux époux.

ALCIONE ET CEIXAimons-nous sans alarmes,Que nos feux sont charmants, que nos liens sont doux.

CHŒURAimez-vous sans alarmes,Que vos feux sont charmants, que vos liens sont doux !L’hyménée et l’amour vous prodiguent leurs charmes,Tendres amants, soyez heureux époux.

Version Opéra Comique, mars 2017

PROLOGUELe théâtre représente le mont Tmole. Des fleuves et des nayades appuyées sur leurs urnes, occupent la montagne et forment une cascade.

TMOLEApollon et le Dieu des boisVont disputer ici pour le prix de la voix.Les nayades viennent s’y rendre,J’y vois déjà couler mille nouvelles eaux.Des forêts d’alentour les amoureux oiseauxS’y rassemblent pour les entendre.Écho, Écho, tu sais déjà tous les chants de ces Dieux ;Pour les entendre encore, cache-toi dans ces lieux.

CHŒUR DES FLEUVESÉcho, Écho, tu sais déjà tous les chants de ces Dieux ;Pour les entendre encore, cache-toi dans ces lieux.(Entrée de Pan avec les faunes et d’Apollon avec les muses.)

TMOLECommencez un combat à jamais mémorable.Je dois, par votre choix,

couronner le vainqueur ;Je vais mériter cet honneurPar un jugement équitable.

PAN (commence la dispute et chante la guerre)Fuyez, mortels, fuyez un indigne repos.Non, ne vous plaignez plus des horreurs de la guerre.Elle vous donne des héros,Elle fait les Dieux de la terre.Courez affronter le trépas,Allez jouir de la victoire.Sur son front couronné, qu’elle étale d’appas !L’affreuse mort qui vole au devant de ses pasFait naître l’immortelle Gloire.

APOLLON (chante la Paix)Aimable paix, c’est toi que célèbrent mes chants !Descends, viens triompher du fier Dieu de la Thrace.Tout rit à ton retour, tout brille dans nos champs.Dès que tu disparais, tout l’éclat s’en efface.Règne, fille du ciel, mets la discorde aux fers.Que le bruit des tambours, dont la terre s’alarme,Ne trouble plus nos doux concerts.Heureux, heureux cent fois

le vainqueur qui ne s’armeQue pour te rendre à l’univers.

CHŒUR DES MUSES, DES FLEUVES ET DES NAYADESRègne, fille du ciel, mets la discorde aux fers.Heureux, heureux cent fois le vainqueur qui ne s’armeQue pour te rendre à l’univers.

TMOLE (à Pan)À l’éclat de vos chants, quel cœur n’est pas sensible ?Mais les siens plus touchants m’ont encore plus flatté :J’ai cru Pan invincible,Tant qu’Apollon n’a pas chanté.

PANCouronnez à loisir ses chansons languissantes,Vous ne m’entendrez plus, je vais au fond des bois, Chercher des oreilles savantesQui soient plus dignes de ma voix.(Il se retire avec ses faunes)

APOLLONAccourez, habitants de ces prochains bocages,Bientôt la paix va revoir ce séjour.Venez en goûter les présages,Et préparez ici vos jeux pour son retour.

Des bergers et bergères témoignent leur joie de ce que leur prédit Apollon.

UNE BERGÈRELe doux Printemps ne paraît point sans Flore.L’aimable Paix ne vient point sans l’amour.

CHŒURLe doux Printemps ne paraît point sans Flore.L’aimable Paix ne vient point sans l’amour.

UNE BERGÈREDans ce beau jour que d’ardeurs vont éclore,L’amour et la paix se prêtent mille attraits.

CHŒURDans ce beau jour que d’ardeurs vont éclore,L’amour et la paix se prêtent mille attraits.

LA BERGÈREPour nos hameaux quitte Cythère ;Charmant Amour, garde-nous tes faveurs.

CHŒURPour nos hameaux quitte Cythère ;Charmant Amour, garde-nous tes faveurs.

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de la troupe immortelle,Vous jurer l’un à l’autre une ardeur éternelle.

ALCIONE ET CEIXÉcoutez nos serments, arbitres des humains.Vous qui, pour punir le parjure,Tenez la foudre dans vos mains,Vous qu’en tremblant adore la nature,Maître des Dieux…

ALCIONE, CEIX ET LE GRAND PRÊTREQuel bruit ! Quels terribles éclats !L’air s’allume ! Le ciel fait gronder son tonnerre !Quel gouffre affreux s’est ouvert sous nos pas ?Tout l’enfer en courroux sort du sein de la terre !(Des furies sortent des enfers, saisissent en volant les flambeaux de l’hymen dans les mains du prêtre et embrasent tout le palais.)

LE GRAND PRÊTREFuyons ! À votre hymen le ciel ne consent pas.

CHŒURQuel embrasement ! Quel ravage !Dieux ! Injustes Dieux ! Quelle horreur !

Laissez-nous du moins un passage,Laissez-nous fuir votre fureur.

CEIXCe n’est point mon palais qu’il faut réduire en poudre,Dieux cruels ! Immolez un amant furieux ;Alcione, fuyez ! Laissez-moi dans ces lieuxSur moi seul attirer la foudre.

ALCIONESi vous m’aimez encore, n’irritez point les Dieux.

CEIXMalheureux ! À quoi me résoudre. Cher Pélée…Ah, pour moi je vois couler tes pleurs.Il ne me reste après ce coup terribleQue la triste douceur de t’y trouver sensible.

PÉLÉEAh ! C’en est trop ; il faut… Ciel !Je ne puis parler.Cet autel, ce palais, dévorés par la flamme,Malgré moi, flattent mon ardeur,Mais je ne sens qu’avec horreurLe perfide plaisir qui renaît dans mon âme :Dieux, justes Dieux, vengez-les, vengez-vous,

Lancez, lancez vos traits, je me livre à vos coups.

CHŒURQuel embrasement ! Quel ravage !Dieux ! Injustes Dieux ! Quelle horreur !Laissez-nous du moins un passage,Laissez-nous fuir votre fureur.

ACTE IILe théâtre représente une solitude affreuse et l’entrée de l’antre de Phorbas et d’Ismène.

SCÈNE 1ISMÈNELe roi dans ces lieux va se rendre.Il croit que le ciel seul traverse son bonheur ;Et c’est par nous qu’il veut apprendreS’il ne peut de son sort adoucir la rigueur.

PHORBASPour le troubler encore, unissons-nous, Ismène.C’est moi qui vous appris mon art mystérieux.

Il faut servir Pélée, il faut servir ma haineContre un prince qui règne où régnaient mes aïeux.Pour attirer sa confiance,J’ai feint, sans murmurer, de recevoir ses vœux.Mais je sens trop que ma naissanceM’appelait au trône des Rois.Réservons-nous du moins le plus doux de leurs droits.Régnons pas la vengeance, régnons par la vengeance.

ISMÈNERégnez par la vengeance, régnez par la vengeance.

PHORBASMais retirons-nous, je le vois.

SCÈNE 2CEIX(sans apercevoir Phorbas et Ismène)Dieux cruels, punissez ma rage et mes murmures. Frappez, Dieux inhumains, comblez votre rigueur. Vous plaisez-vous à voir dans mes injuresL’excès du désespoir où vous livrez mon cœur ?Je touchais au moment où la beauté que j’aimeM’eût rendu plus

CEIX(à Pélée)Partage, cher ami, les transports de mon âme.L’hymen va me livrer l’objet de tous mes soins.Et rien ne manque au bonheur de ma flamme,Puisque tes yeux en sont témoins.Que ne puis-je te voir plus heureux que moi-même !

PÉLÉEEst-il un sort plus doux ? Alcione vous aime.

ALCIONEDu plus ardent amour mon cœur est enflammé.Je me plais à brûler des feux qu’il a fait naître.Il n’est point d’amant plus aimé,Ni d’amant plus digne de l’être.

PÉLÉEInfortuné !

CEIXD’où naissent ces soupirs ?

PÉLÉEQue les maux qu’en ces lieux a causés ma présence,Ont coûté cher à vos désirs !Que vous avez souffert d’une injuste vengeance.

ALCIONE ET CEIXOubliez nos malheurs, partagez nos plaisirs.

CEIX(à Pélée)Ah ! Que ton cœur n’est-il plus tendrePour juger du bonheur qui va combler mes vœux ?C’est l’amour seul qui peut faire comprendreLes plaisirs d’un amant heureux.

PÉLÉEQue rien ne trouble plus une flamme si belle.Ah ! Que votre chaîne a d’attraits !Qu’elle dure à jamaisEt vous semble toujours nouvelle.

ALCIONE, CEIX ET PÉLÉEQue rien ne trouble plus une flamme si belle.Ah ! Que notre/votre chaîne a d’attraits !Qu’elle dure à jamaisEt nous/vous semble toujours nouvelle.

CEIXChantez, chantez, faites entendreLes accords les plus doux, les sons les plus touchants.Par les plus tendres chants,Célébrez l’amour le plus tendre.

CHŒURQue rien ne trouble

plus une flamme si belle.Ah ! Que votre chaîne a d’attraits !Qu’elle dure à jamaisEt vous semble toujours nouvelle.

UN SUIVANT DE CEIXQue vos désirs puissent toujours renaître !Par les plaisirs votre flamme doit croître.

CHŒURQue vos désirs puissent toujours renaître !Par les plaisirs votre flamme doit croître.

UN SUIVANT DE CEIXAh ! qu’aux amours l’hymen serait à craindre,Si son secours servait à les éteindre ?

CHŒURQue vos désirs puissent toujours renaître !Par les plaisirs votre flamme doit croître.

UN SUIVANT DE CEIXSerrez les nœuds d’une chaîne si belle ;Que l’amour heureux n’en soit que plus fidèle.

CHŒURQue vos désirs puissent toujours renaître !

Par les plaisirs votre flamme doit croître.

CÉPHISE ET DORISDans ces lieux, Amour, tu nous ramènesLes plaisirs, les grâces et les ris :C’est après des rigueurs inhumainesQue tes dons sont cent fois plus chéris.Qu’il est doux d’avoir souffert tes peines,Quand tu viens nous en donner le prix !

SCÈNE 3CEIXOn approche : cessez, et qu’un profond silenceDu prêtre de l’hymen honore la présence.

PÉLÉE(à part)Ciel ! Leur hymen va s’achever !De ce spectacle affreux, ô Mort ! Viens me sauver !

LE GRAND PRÊTRELe flambeau de l’amour n’a fait naître en votre âmeQue l’espérance et les désirs.Les flambeaux de l’hymen vont, par leurs douces flammes,Y faire régner les plaisirs.Venez, venez au nom

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sur vos rives errants,Par vos éternelles ténèbres,Par les serments des Dieux, dont vous êtes garants,Écoutez-nous, Dieux redoutables,Que nos vœux, que nos cris vous trouvent favorables.

CHŒURFleuves affreux qui, par vos noirs torrents,Défendez le retour des royaumes funèbres,Par les manes plaintifs sur vos rives errants,Par vos éternelles ténèbres,Par les serments des Dieux, dont vous êtes garants,Écoutez-nous, Dieux redoutables,Que nos vœux, que nos cris vous trouvent favorables.

PHORBASNos vœux sont écoutés dans les royaumes sombres,Chantons, chantons le Dieu des ombres.

CHŒUR Que son terrible nom soit partout célébré ;Tremblez, mortels, tremblez sous son pouvoir suprême :Qu’il soit plus craint, plus révéréQue celui de Jupiter même.

PHORBASUne fureur soudaine a saisi mes esprits ;Respectez le transport qui de mon cœur s’empare : L’avenir se dévoile à mes regards surpris,Le secret du sort se déclare.Que vois-je ! Où suis-je ! O Ciel ! Quels effroyables cris !(à Ceix)Infortuné, tu perds l’objet que tu chéris.Rien ne fléchit la Parque trop barbare,Où t’entraîne l’amour ? arrête... tu péris.

CEIXQu’entends-je ! Quel funeste oracle !

PHORBASHâte-toi, cours chercher du secours à Claros.Apollon à ton sort peut encore mettre obstacle,Il n’est permis qu’à lui d’assurer ton repos.

CEIXDieu puissant, sauve au moins la princesse que j’aime !

PHORBASPars, cours l’implorer pour elle et pour toi-même.(Ceix sort)

J’ai vu son sort : son départ va hâterLes malheurs qu’il croit éviter.

ACTE IIILe théâtre représente le port de Trachines et un vaisseau prêt à partir.

SCÈNE 1PÉLÉEÔ Mer, dont le calme infidèleAttire les humains sur tes perfides flots,Hélas ! les malheureux qu’a trompés ton reposOnt mille fois gémi de ta fureur cruelle.Par l’espoir trop charmant de ses fausses douceurs, L’amour, comme toi, nous engage,Mais bientôt le trouble et l’orageSuccèdent à l’espoir dont il flattait nos cœurs.

SCÈNE 2PHORBASL’amour vient de vous faire une faveur nouvelle,Vous verrez Alcione

à vos vœux moins rebelle,J’écarte le rival dont son cœur est charmé.

PÉLÉEHélas ! pour être éloigné d’elle,Il n’en sera que plus aimé.L’absence d’un rival flatte peu mes désirs,Rien ne rendra mon sort moins déplorable,Les maux de ce rival m’arrachent des soupirs ;Je ne puis à la fois être heureux et coupable.Non, pour un cœur que le remord accableLes faveurs de l’amour ne sont plus des plaisirs.

PHORBASContraignez-vous, on vient. Cette troupe s’apprêtePour conduire Ceix au temple de Claros,Et par une rustique fêteImplorer la faveur du souverain des flots.

CHŒUR Régnez, Zéphirs, régnez sur la liquide plaine ;Qu’en ses prisons Eole enchaîneLes terribles tyrans des airs.

LE CHEF DES MATELOTSToi qui tiens dans tes mains

heureux que vous.D’un extrême bonheur, Dieux ! Vous étiez jaloux.Et vous vous en vengez par un supplice extrême.Mes maux sont aussi grands que mon espoir fut doux.(Il aperçoit Phorbas et Ismène qui s’approchent)

L’injuste ciel à mes maux m’abandonne ;J’ai recours aux enfers, daignez les consulter.

PHORBASQue ne renoncez-vous à l’hymen d’Alcione ?Le ciel vous le défend, pourquoi lui résister ?

CEIXLes Dieux ont vainement troublé mon espérance,Je sens à chaque instant mon amour s’augmenter ;Et si cet amour les offense,Je me plais à les irriter.

ISMÈNEOubliez la fille d’Eole,Il est d’autres beautés dignes de vos ardeurs ;L’amour consent que la raison l’immole,Quand il vous coûte trop de pleurs.

CEIXPour Alcione, hélas, puis-je être moins sensible ?Non, vos conseils sont superflus :Le malheur que j’éprouve est encore moins terribleQue celui de ne l’aimer plus.

ISMÈNEQuittez de trop cruelles chaînes,Ne formez que d’heureux désirs ;C’est offenser l’amour, que d’en chercher les peines,Il ne veut servir qu’aux plaisirs.

CEIXNe vous opposez point à mon impatience.Cruels, par votre résistance,Voulez-vous aussi me trahir ?

PHORBAS ET ISMÈNEVous êtes notre roi, c’est à nous d’obéir.Vous, dont les mystères affreuxPour soumettre l’enfer sont d’invincibles armes,Quittez vos antres ténébreux,Venez vous unir à nos charmes.Accourez, hâtez-vous,Notre voix vous appelle ;Accourez, signalez pour nousVotre pouvoir et votre zèle.

SCÈNE 3CHŒUR DE MAGICIENS ET DE MAGICIENNESÉprouvez notre ardeur fidèle ;Parlez, commandez-nous.Nous allons signaler pour vousNotre pouvoir et notre zèle.

PHORBASPour servir notre roi, redoublez votre effort.Forcez, forcez l’enfer à m’apprendre son sort.

CHŒUR Sortez, démons, sortez ;Que tout ici ressenteL’horreur et l’épouvante.

PHORBASTransportez l’enfer en ces lieuxOffrez-nous-en du moins la terrible apparence ;À nos sens effrayés, faites voir tous les Dieux,Dont nous voulons implorer l’assistance.

CHŒUR Sortez, démons, sortez ;Que tout ici ressenteL’horreur et l’épouvante.Transportez l’enfer en ces lieuxOffrez-nous-en du moins la terrible apparence ;À nos sens effrayés, faites voir tous les Dieux,

Dont nous voulons implorer l’assistance.(Le théâtre devient une image de l’enfer : On y voit au fond Pluton et Proserpine assis sur leur trône ; d’un côté les fleuves des enfers appuyés sur leurs urnes, et de l’autre, les Parques. Les magiciens commencent leurs cérémonies.)

PHORBASSévère fille de Cérès,Et toi, des sombres bords formidable monarque,Vous à qui la fatale barqueAmène à chaque instant mille nouveaux sujets, Écoutez-nous, Dieux redoutables ;Que nos vœux, que nos cris vous trouvent favorables !

ISMÈNEÔ vous, des lois du sortMinistres inflexibles,Puissantes Parques,Sœurs terribles,Qui tenez dans vos mains, et la vie, et la mort,Écoutez-nous, Dieux redoutables,Que nos vœux, que nos cris vous trouvent favorables.

PHORBAS ET ISMÈNEFleuves affreux qui, par vos noirs torrents,Défendez le retour des royaumes funèbres,Par les manes plaintifs

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le trident redoutable,Ne permets qu’au vent favorableDe troubler le repos des mers.

PREMIÈRE MATELOTEAmants malheureux,Si mille écueils fâcheuxTroublent vos vœux,Le désespoir est le plus dangereux.Quelque vent qui gronde,L’amour calme l’onde :Peut-on perdre l’espoirQuand on connaît son pouvoir ?

DEUXIÈME MATELOTEPourquoi craignons-nousQue l’amour ne nous engage ?Si c’est un orageLe calme est moins doux.Suivons nos désirs,Après quelques soupirsOn arrive aux plaisirs.Pourquoi perdre un jour ?Mettons à la voile :Nous avons pour étoileLe flambeau de l’amour.(Les Matelots montent sur le vaisseau)

SCÈNE 3ALCIONEQuoi, les soupirs et les pleurs d’Alcione

Ne pourront-ils vous arrêter ?Vous partez !

CEIXL’Amour me l’ordonne.

ALCIONEQuoi ! vous m’aimez et vous m’allez quitter ?

CEIXJe tremble pour vos jours, et mon unique envieEst d’écarter les malheurs qu’on m’a fait redouter.

ALCIONEHélas ! Vous tremblez, pour ma vie,Et par votre départ vous me l’allez ôter.Mon cœur à chaque instant vous croira la victimeDes flots et des vents en courroux.Je connais l’ardeur qui m’anime ;Je mourrai des dangers que je craindrai pour vous.

CEIXAh ! Plus dans cet amour mon cœur trouve de charmes, Et plus je sens pour vous redoubler mes frayeurs : Laissez-moi sur vos jours dissiper mes alarmes,Et ne craignez pour moi que vos propres malheurs.

ALCIONEConsentez donc que je vous suive,Si je cesse de voir l’objet de mon amour,Comment voulez-vous que je vive ?

CEIXVivez avec l’espoir d’un doux et prompt retour.C’est toi que j’en atteste,Toi, que suit le soleil sur la voûte céleste ;Astre éclatant, dont j’ai reçu le jour,Je fais de la revoir ma plus chère espérance ;Rien n’est égal à mon impatience,Que mes craintes et mon amour.

ALCIONEVous partez donc, cruel ! Dieux, je frémis, je tremble : Est-ce ainsi qu’à mes pleurs s’attendrit un époux ? Laissez-moi, par pitié, m’exposer avec vous,Du moins, s’il faut souffrir, nous souffrirons ensemble.

CEIXQuoi ! Je pourrais offrir au sortCe moyen d’attenter à votre belle vie ?Au nom des Dieux, perdez cette barbare envie.

ALCIONEAu nom de mon amour, ne hâtez point ma mort.

CEIXAmour infortuné !

ALCIONETendresse déplorable !

ENSEMBLEQu’est devenu l’espoir qui séduisait nos cœurs ?

CEIXDieux cruels !

ALCIONECiel impitoyable !

ENSEMBLEAh ! Deviez-vous troubler de si tendres ardeurs ?

CEIX (à Pélée)Approche, cher ami ; tu vois qu’un sort barbareDe l’objet de mes vœux aujourd’hui me sépare.Je confie en tes mains ce dépôt précieux.

ALCIONEVous me désespérez !

CEIX(à Pélée)Console ce que j’aime.

Flatte son cœur tremblant de la faveur des Dieux,Et parle-lui souvent de mon amour extrême.Adieu, chère Alcione.

ALCIONEÔ funestes adieux  ! Vous m’abandonnez ?

CEIXDans ces lieux, je vous laisse un autre moi-même.(à Pélée)Prends soin d’adoucir ses tourments.Je t’en conjure encore par mes embrassements.(Ceix monte sur le vaisseau et part)

ALCIONEIl fuit… Il craint mes pleurs, Ah ! Cher époux, arrête. Ciel ! Il ne m’entend plus, son vaisseau fend les mers. Neptune, écarte la tempête,Toi, mon père, retiens tous les vents dans tes fers.Hélas ! De ce vaisseau que la fuite est soudaine !Que son éloignement irrite mes douleurs !Déjà mes yeux l’aperçoivent à peine ;Je cesse de le voir... je meurs.(Elle tombe évanouie)

PÉLÉEQue vois-je ? De ses sens elle a perdu l’usage.Dieux ! N’est-ce pas assez d’avoir vu son amour ?Me condamneriez-vous à souffrir davantage ?Dois-je lui voir perdre le jour ?Alcione, Alcione !... en vain ma voix l’appelle. Alcione ! Mes soins ne peuvent rien pour elle !Ô trop heureux rival, reviens la secourir !Reviens, quand j’en devrais mourir.Ah ! Si j’ai pu troubler une si belle flamme,Que les Dieux m’en punissent bien !Mille transports cruels s’emparent de mon âme,Et je souffre à la fois leur malheur et le mien.Alcione !

ALCIONE (reprenant ses sens, croyant entendre Ceix)Ceix.

PÉLÉEAh ! Vous croyez encoreEntendre cette voix si chère à votre amour !

ALCIONEJe ne l’entends donc plus cet amant que j’adore,

Ah ! Pourquoi donc me rappeler au jour ?

PÉLÉE ET ALCIONEQue j’éprouve un supplice horrible !Ciel ! Ne nous donnez-vousUn cœur tendre et sensibleQue pour le mieux percer de vos funestes coups ?

ACTE IVLe théâtre représente le temple de Junon.

SCÈNE 1ALCIONEAmour, cruel Amour, sois touché de mes peines,Écoute mes soupirs et vois couler mes pleurs.Depuis que je suis dans tes chaînes,Tu m’as fait éprouver les plus affreux malheurs,Le départ d’un Amant a comblé mes douleurs;Mais, malgré tant de maux, si tu me le ramènes,Je te pardonne tes rigueurs.

AEGLÉOn prépare le sacrificeQu’en ces lieux à Junon vous voulez faire offrir ;

Espérez qu’à vos vœux elle sera propice ;Tout le ciel doit vous secourir.

ALCIONEIl se plaît à me voir souffrir.

DORISVous reverrez bientôt l’objet de votre flamme ;Tout vous doit rendre un doux espoir.Prévenez les plaisirs dont jouira votre âme;Goûtez celui de les prévoir.

ALCIONEHélas ! Loin de ce que j’adoreMon cœur peut-il bannir la crainte et les soupirs ?Les tendres cœurs tremblent encore,Au milieu des plus doux plaisirs.

AEGLÉL’Amour pour les âmes constantesN’a pas d’éternelles rigueurs ;Il ne diffère ses faveurs,Que pour les rendre plus charmantes.

DORISLe Destin tour à tour trouble et comble nos vœux ;Son courroux n’est pas implacable :Et l’instant le plus malheureuxSouvent touche au plus favorable.

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ALCIONEJunon, je n’ai recours qu’à toi,L’intérêt d’un époux à tes autels m’amène ;Tu sais que de l’hymen l’inviolable chaîneA pour jamais engagé notre foi.À briser ce lien, rien ne peut me résoudre :En vain le Ciel ne l’a pas approuvé.Ce serment qu’a tantôt interrompu la foudre,Notre cœur l’avait achevé.

AEGLÉÀ servir vos vœux tout s’empresse;Je vois avec sa suite approcher la Prêtresse.

SCÈNE 2LA PRÊTRESSEÔ Toi, qui de l’Hymen défends les sacrés nœuds,Ô Junon, puissante Déesse ;Reçois notre encens et nos vœux ;Et que jusqu’à ton trône ils s’élèvent sans cesse.

LE CHŒUR Ô Toi, qui de l’Hymen défends les sacrés nœuds,Ô Junon, puissante Déesse,Reçois notre encens et nos vœux ;

Et que jusqu’à ton trône ils s’élèvent sans cesse.

LA PRÊTRESSEDieu des amants, heureux qui sent tes flammes,Ah qu’il est doux de languir sous ta loi ;Les autres biens n’enchantent point nos âmes,Non non, rien ne plaît sans toi.Reine des Dieux, exauce nos souhaits,Alcione aujourd’hui t’implore ;Daigne assurer les jours d’un époux qu’elle adore.

LE CHŒUR Reine des Dieux, exauce nos souhaits.

LA PRÊTRESSECommence leurs plaisirs et termine leurs peines.Aux maux qu’ils ont soufferts égale tes bienfaits,Unis des plus aimables chaînes,Qu’ils jouissent par toi d’une éternelle paix.

LE CHŒUR Reine des Dieux, exauce nos souhaits.(On entend une symphonie fort douce)

LE CHŒURQuels sons charmants !

Un Dieu dans ces lieux va descendre.

ALCIONELe Sommeil semble ici verser tous ses pavots.Ma douleur ne peut m’en défendre,

LE CHŒUR Cédez aux charmes du repos.

ALCIONEUn pouvoir souverain me force de me rendre.

LE CHŒUR Cédez aux charmes du repos.

SCÈNE 3(Le Sommeil, accompagné des Songes, paraît sur un lit de pavots, environné de vapeurs)

LE SOMMEIL (aux Prêtresses)Éloignez-vous et laissez Alcione ;Je vais exécuter ce que Junon m’ordonne.

LE CHŒURObéissons, éloignons-nous.

LE SOMMEILVolez, Songes, volez, faites-lui voir l’orage

Qui dans le même instant lui ravit son époux.De l’onde soulevée, imitez le courroux,Et des vents déchaînés l’impitoyable rage.Toi, qui sais des Mortels emprunter tous les traits, Morphée, à ses esprits offre une vaine image ; Présente-lui Ceix dans l’horreur du naufrage,Et qu’elle entende ses regrets.Qu’en lui montrant son sort, ce songe affreux l’engageÀ ne plus perdre ici ses vœux et son hommage.

SCÈNE 4(Les Songes volent aux deux côtés du théâtre, dont le fond se change en une mer orageuse, où un vaisseau fait naufrage : les Songes prennent la forme de Matelots qui périssent, ou qui pour se sauver s’attachent à des débris ou à des rochers. Morphée paraît avec eux sous la figure de Ceix)

CHŒUR DE MATELOTSCiel ! Ô Ciel, quel affreux Orage !Rien ne peut plus nous secourir.Ah ! quel désespoir ! Quelle rage !Malheureux ! Nous allons périr.

MORPHÉE(sous la forme de Ceix)Ah ! Je vous perds, chère Alcione :Hélas ! Qu’allez-vous devenir ?

LE CHŒUR La mer est en fureur,L’air mugit, le ciel tonne !Quelles frayeurs ! Grands Dieux !Ô Mort, viens les finir.

MORPHÉEAh ! Je vous perds, chère Alcione !

LE CHŒURMalheureux ! nous périssons tous !

MORPHÉE (en se perdant dans les flots)Chère épouse, mon cœur ne regrette que vous.(La mer disparaît et l’on revoit le temple de Junon)

SCÈNE 5ALCIONE (s’éveillant en sursaut)Où suis-je et qu’ai-je vu ! Je perds ce que j’adore,Tous les vents à mes yeux ont soulevé les mers,Ceix est englouti sous les flots entrouverts,Je l’ai vu, je le vois encore !De ses mâts emportés

il saisit les débris ;Inutile secours, Ciel ! Faut-il qu’il périsse ?Il m’appelle, j’entends ses cris,Attends, attends... que l’onde avec toi m’engloutisse.Que dis-je ! Ma douleur a troublé ma raison,Je ne me croyais plus au temple de Junon.Déesse, c’est donc toi qui m’offres cette image,Tu viens m’avertir de mon sort ;Eh bien ! Pour prix de mon hommage,Achève et donne-moi la mort.Mais quoi, de son amour Ceix est la victime,Et ma douleur ne peut assurer mon trépas.Il meurt, et je respire, ah ! Ma vie est un crimeQue je ne me pardonne pas.Je descendrai bientôt sur le rivage sombre,Et mon dernier soupir va te prouver ma foi ;Je sens que je n’ai plus, chère Ombre,Qu’un moment à passer sans toi.

ACTE VLe théâtre, couvert des ombres de la nuit, représente un endroit des jardins de Ceix, terminé par la mer.

SCÈNE 1PÉLÉEÔ nuit ! Redouble tes ténèbres,Délivre mes regards des horreurs que je vois :L’ombre de mon ami s’élève contre moi,Je vois couler ses pleurs, j’entends ses cris funèbres.Hélas ! Mon crime est mon plus grand effroi.Ô nuit ! Redouble tes ténèbres,Délivre mes regards des horreurs que je vois :Qu’ai-je fait, malheureux ! Quelle est ma barbarie !De tout ce que j’aimais, j’ai causé le malheur.C’est du flambeau d’une furieQue l’Amour s’est servi pour embraser mon cœur.

SCÈNE 2ALCIONEBarbares, laissez-moi ; votre pitié m’offense,Vous m’arrachez des mains le poison et le fer ;Laissez-moi, qu’à l’aspect de la cruelle merJ’aille chercher la mort, mon unique espérance.

PÉLÉENon, non, ne croyez point cet aveugle transport.

Modérez, Alcione, une douleur trop vive,Souffrez encore le jour.

ALCIONEHélas ! Hélas ! Ceix est mort !Vous voulez qu’Alcione vive ?

PÉLÉELe plus sacré devoir vous y doit engager.Vivez, vivez pour le venger !

ALCIONEEt de qui le venger ?C’est le Ciel qui l’opprime.

PÉLÉENon, je sais qu’un perfide a causé son malheur.Son ombre errante ici, demande une victime.Je vous livre l’auteur du crime,

Si vous me répondez de lui percer le cœur.

ALCIONEFiez-vous en à ma douleur.Ombre de mon époux, c’est par toi que je jure.Quel serment plus sacré pour moi !De tes mânes plaintifs, apaise le murmure ;Je brûle de verser le sang que je te dois.Redoutez-vous encore une pitié timide ?

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PÉLÉEEh bien ! Prenez ce fer et frappez le perfide.

ALCIONEVous !

PÉLÉEMalgré moi, j’adorais vos appas.Un malheureux amour avait séduit mon âme,Et malgré moi, Phorbas a servi cette flamme.C’est lui qui de Ceix a causé le trépas.Frappez, frappez, percez ce cœur qui vous adore,C’est l’unique faveur que mon amour implore.

ALCIONEEh bien, si vous m’aimez, ma mort va vous punir.

CÉPHISE ET DORISArrêtez, arrêtez !

ALCIONEPourquoi me retenir ?

ALCIONE ET PÉLÉEContentez ma plus chère envie :Dieux, Dieux, lancez votre foudre et terminez mon sort.Hélas ! Hélas ! Je déteste la vie et ne puis obtenir la mort.

SCÈNE 3PÉLÉEQuel Dieu descend ici ? Quel Astre nous éclaire ?

ALCIONEDu malheureux Ceix, je reconnais le père.

PHOSPHORE(à Alcione)Ce que le sort m’apprend doit calmer tes alarmes;Alcione, le Ciel va te rendre mon fils ;Aujourd’hui, pour prix de tes larmes,Vous devez sur ces bords être à jamais unis.(Phosphore remonte au ciel et les ombres de la nuit se dissipent)

SCÈNE 4ALCIONEQu’ai-je entendu ? Grands Dieux ! Croirai-je cet oracle ?

PÉLÉEL’hymen, pour vous unir, n’attend plus que le jour :Vous allez être heureux, et ce cruel spectacleVa vous venger de mon amour.Mais non, ne voyons plus des lieux où l’on m’abhorre.

Fuyons, pardonnez-moi le feu qui me dévore,Je vais loin de ces lieux expier mes désirs ;Je vais percer ce cœur qui vous adore,mais je meurs trop heureux encoreSi le ciel à mes maux égale vos plaisirs.

ALCIONEC’est l’ami de Caix; Ciel, pour lui je t’implore.

SCÈNE 5ALCIONERégnez, Aurore, à votre tour,Des cieux qu’elle a voilés, chassez la nuit affreuse; Hâtez-vous d’amener le jourQui doit me rendre heureuse.Je vois dans ces jardins mille riantes fleursÉclore de vos larmes ;Et c’est ainsi que de mes pleursL’Amour va faire naître un bonheur plein de charmes.(L’Aurore éclaire enfin tout le théâtre, et laisse voir Ceix, que les flots ont poussé sur un gazon)

ALCIONEMais quel funeste objet a frappé mes regards !Quel est ce malheureux,

victime du naufrage !Vous courriez les mêmes hasards,Cher époux, mais les Dieux ont détourné l’orage.Ciel ! Que vois-je ? C’est lui !

CÉPHISE ET DORISQue devient-elle, hélas !Ses maux vont lui coûter la vie.

ALCIONENon, ma douleur encore ne me l’a pas ravie.Par pitié, hâtez mon trépas.Est-ce là ce bonheur que je devais attendre,Et dont les Dieux m’étaient garants ?Vous me rendez Ceix, Ah ! Barbares tyrans !Dieux cruels, est-ce ainsi qu’il fallait me le rendre ?Vous plaisez-vous aux maux des fidèles amants ?Quel trouble… Ma raison s’égare.Je me crois descendue aux rives du Ténare.Viens, viens, chère ombre, jouis de mes embrassements.Hélas ! Égarement funeste ;Mon cœur respire encore malgré tous ses tourments.Je vis, et d’un époux, voilà le triste reste.Mais que vois-je ? Ah ! Je touche à mes derniers moments.

CEPHISE ET DORISCiel, Ciel !

ALCIONEC’en est fait ; je ne crains plus d’obstacle.L’Amour a pour jamais décidé de mon sort,Le ciel n’a pas en vain prononcé son oracle,Nous voilà, cher époux, réunis par la mort.(Elle prend l’épée de Ceix et s’en frappe)

SCÈNE 6NEPTUNEJe viens vous affranchir de la Parque cruelle,Vivez, heureux amants, d’une vie immortelle,Rien ne peut plus vous séparer ;Les Dieux, touchés d’une flamme si belle,N’ont permis vos malheurs que pour les réparer.Vous chasserez les vents de l’empire de l’Onde,Et vous rendrez le calme à mes flots soulevés ;Les Alcions naissants vont être aux yeux du mondeUn gage du pouvoir que vous en recevez.(Ceix et Alcione revivent ; des Alcions naissent du sang d’Alcione et vont se placer sur le trône de Neptune.)

Du coupable Phorbas j’ai terminé les jours:Il n’est plus sur ces bords qu’une roche effrayante;Des matelots tremblants, il sera l’épouvante,Et vous en serez le secours.

ALCIONEQuoi ! Je revois Ceix.

CEIXJe revois Alcione.

NEPTUNE, ALCIONE ET CEIXAimez-vous/Aimons-nous toujours, L’immortalité qu’on nous donneDoit éterniser nos amours.

NEPTUNEChantez, divinités de l’onde,Formez mille concerts charmants ;Que vos voix annoncent au mondeLe triomphe de ces amants.

CHŒURChantons, qu’à nos voix tout réponde,Formons mille concerts charmants ;Que nos voix annoncent au mondeLe triomphe de ces amants.

FIN

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88 89L ’ A B U S D ’ A L C O O L E S T D A N G E R E U X P O U R L A S A N T É . À C O N S O M M E R A V E C M O D É R A T I O N .

ON NE PLAISANTE PASAVEC LE GOÛT

Les moines de l’Abbaye d’Affl igem approuvent encore aujourd’hui avec soin la recette d’Affl igem Cuvée Blonde.

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BIOGRAPHIESJORDI SAVALLDIRECTION MUSICALE

Ses activités de concertiste, de pédagogue, de chercheur et de créateur de nouveaux projets, tant musicaux que culturels, le situent parmi les principaux acteurs du phénomène de revalorisation de la musique historique. Il a fondé avec M. Figueras, les ensembles Hespèrion XXI (1974), La Capella Reial de Catalunya (1987) et Le Concert des Nations (1989). Avec sa participation au film d’A.Corneau Tous les Matins du Monde (César de la meilleure bande son), son intense activité de concertiste (140 concerts par an, environ), sa discographie (6 enregistrements annuels) et la création en 1998, avec M. Figueras, de son propre label discographique Alia Vox, il démontre que la musique ancienne intéresse un large public de tous âges, toujours plus divers et nombreux.

LOUISE MOATYMISE EN SCÈNE ET SCÉNOGRAPHIE

Passionnée par le lien entre théâtre, musique et arts plastiques, Louise Moaty a créé en 2014 This is not a dream avec le pianiste russe A. Lubimov. Ces dernières saisons, elle a mis en scène L’Empereur d’Atlantis de V. Ullmann et P. Kien (Arcal et Ars Nova), Venus and Adonis de J. Blow (Musiciens du Paradis) ou encore Mille et Une Nuits avec l’ensemble la Rêveuse. Elle a créé également la mise en espace des shows Ela et Soyo de la chanteuse Dom la Nena et Paris New-York Odessa pour le Festival d’Île-de-France. Actrice, elle a joué pour E. Green, C. Postec, N. Vial, P. Mornay, A. Rübner, J. Savall et B. Lazar, auprès de qui elle a souvent collaboré à la mise en scène. Elle a créé en 2015 sa propre compagnie, Les Mirages.

RAPHAËLLE BOITELCHORÉGRAPHIEElle entre à l'École Nationale du Cirque de Annie Fratellini à 6 ans, et à 13 ans débute sa carrière professionnelle sous la direction de James Thierrée (Symphonie du Hanneton, La Veillée des Abysses). Interprète au théâtre, au cinéma, dans des films télévisés, elle travaille régulièrement comme chorégraphe (Macbeth à La Scala de Milan en 2013, La Belle Hélène au Théâtre du Châtelet en 2015). Depuis 2012, elle développe une écriturechorégraphique et met en scène ses créations (Consolations, ou interdiction de passer par dessus bord, 2013 ; L'Oublié(e), 2014 ; 5es Hurlants, 2015 ; La Bête Noire, 2017). Parmi ses projets : La Chute des Anges prévu en 2018.

TRISTAN BAUDOUINSCÉNOGRAPHIEÀ partir de 1998, il concentre ses activités sur le théâtre, la musique, la danse, et privilégie les créations,

en travaillant avec de nombreux artistes de la région Toulousaine. Avec plusieurs compagnies, il découvre alors les arts hybrides comme le nouveau cirque ou la danse escalade. En 2004 il rencontre Aurélien Bory et rejoint la Cie 111, avec laquelle il s’engage complètement. En 2011, il rencontre Raphaëlle Boitel et l’accompagne sur l’ensemble de ses projets artistiques.

ALAIN BLANCHOTCOSTUMES

Costumier dans le cinéma et la publicité, il explore depuis 2004 l’Opéra baroque. Ces dernières années, il a régulièrement travaillé avec l’Opéra Comique, citons notamment Cadmus et Hermione, Cachafaz, Cendrillon, Egisto, Les Fêtes vénitiennes. Après le Dibbouk (Printemps des Comédiens), il a préparé entre autre Pelléas et Mélisande (Suède), Les Enfants du Paradis (Allemagne), Orfeo de Monteverdi (Arts Florissants).

MATHILDE BENMOUSSAMAQUILLAGE

Sa rencontre avec L. Moaty et B. Lazar pour des spectacles baroques lui ont permis de travaillé sur le maquillage historique du XVIIe siècle et l'éclairage à la bougie (Le Bourgeois Gentilhomme, Cadmus et Hermione). Elle a aussi travaillé avec le Poème Harmonique ou les Arts Florissants (Opéra Royal de Versailles, Karlsruhe, Prague, Lausanne, Moscou, etc.) ou sur des productions plus contemporaines (Théâtre de l'Athenée, CDR de Tours, Opéra de Malmö, Bouffes du Nord).

LEA DESANDREMEZZO SOPRANOALCIONE

Révélation artiste lyrique des Victoires de la Musique Classique 2017, Prix HSBC 2016 du Festival d’Aix-en-

Provence et lauréate du Jardin des Voix, elle se produira prochainement, à seulement 23 ans, au Walt Disney Concert Hall, Musikverein Vienne, Alice Tully Hall, Opéra de Bordeaux, Chicago, Washington, Opéra de Versailles auprès notamment de W. Christie, Sir J. E. Gardiner, E.Haïm ou R.Pichon.

CYRIL AUVITYTÉNORCEIX

Remarqué par William Christie, Cyril Auvity fait ses débuts sous sa direction au Festival d’Aix-en-Provence en 2000 dans Il Ritorno di Ulisse in patria de Monteverdi. Spécialisé dans la musique ancienne, il se produit la saison dernière dans l’Orfeo de Monteverdi (Teater an der Wien), Acis et Galatea (Bayerisch Staatsoper). La saison prochaine il sera entre autre Pygmalion (Musikverein de Wien), Pinochhio (Opéra de Perm en Russie) et Phaeton (Opéra Royal de Versailles).

MARC MAUILLONBARYTONPÉLÉE

Après Pelléas la saison dernière, les événements marquants de 2016-17 sont ses débuts dans le rôle-titre de l’Orfeo de Monteverdi et la reprise de l’Orfeo de Rossi. Côté récital, deux nouveaux enregistrements : Li Due Orfei avec A. Mauillon (harpe) et Songline, récital solo a cappella qui vient d’être créé en version scénique à la Pop (ex-péniche opéra) et la recréation des Leçons de Ténèbres de Lambert.

LISANDRO ABADIEBARYTON-BASSEPAN, PHORBAS

Lauréat du prix Edwin Fischer 2006 et de la Handel Singing Competition 2008, il a créé le rôle-titre de Cachafaz d’Oscar Strasnoy (Opéra Comique). En 2016, il se produit en Europe et aux États-Unis avec Les Arts Florissants,

Capriccio Stravagante, Collegium 1704, W. Christie, F. Agudin, L. Cummings. Parmi ses projets : Arsilda de Vivaldi avec V. Luks (Bratislava, Lille, Versailles, Luxembourg, Caen).

ANTONIO ABETEBASSETMOLE, LE PRÊTRE DE L'HYMEN, NEPTUNE

Spécialisé dans le répertoire baroque, il chante notamment dans L’Euridice de Peri (Staatsoper de Berlin), L’Orfeo de Monteverdi (Maggio Musicale de Florence), La Calisto de Cavalli (Osterfestspiele de Salzbourg), L’Incoronazione di Poppea (Théâtre des Champs-Élysées, Deutsche Staatsoperde Berlin, Théâtre Royal de la Monnaie à Bruxelles), Flavius Bertaridus de Telemann (Festwochen der Alten Musik à Innsbruck, Hamburgische Staatsoper).

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HASNAA BENNANISOPRANOISMÈNE, 1e MATELOTE

Soprano franco-marocaine, elle commence son parcours musical à Rabat auprès de sa soeur Jalila Bennani. Diplômée du CNSMDP et lauréate du concours de chant baroque de Froville, elle se perfectionne en musique ancienne (H. Crook, I. Poulenard). À l’opéra, elle a chanté dans Castor et Pollux (Théâtre du Capitole) et Scipione de Handel (Festival de Halle). Cette saison, sort son enregis-trement de Germanico in Germania de Porpora (label Decca).

HANNA BAYODI-HIRTSOPRANOBERGÈRE, 2de MATELOTE, JUNON

La soprano franco-marocaine débute très jeune sa carrière dans La Pastorale de Noël de M.-A. Charpentier

(dir. C. Rousset) au Théâtre des Champs-Élysées. Depuis lors elle a collaboré avec de nombreux chefs d’ensembles spécialisés dans le répertoire baroque lyrique et sacré. Parmi ses récents engagements, citons Pygmalion de Rameau avec Trondheim Barokk et Il Ritorno d’Ulisse in Patria de Monteverdi avec le Ricercar Consort à Séoul et New York (White Lights Festival du Lincoln Center).

LLUIS VILAMAJOCHEF DE CHŒUR

Membre de La Capella Reial de Catalunya et de Hespèrion XXI, il se produit avec de nombreux ensembles comme Le Saqueboutiers de Toulouse, Ensemble La Fenice ou encore l’Orquestra Barroca Catalana en Europe, Australie et aux États-Unis. Il collabore avec J. Savall et La Capella Reial pour la préparation du chœur, et participe à la Professional Training Academy for Research and Performance.

LE CONCERT DES NATIONSCréé par J. Savall et M. Figueras en 1989, l’ensemble est le premier orchestre réunissant une majorité de musiciens provenant de pays latins, tous spécialistes dans l’interprétation de la musique ancienne sur des instruments originaux. Dirigé par J. Savall, l’orchestre souhaite faire connaître des répertoires historiques de grande qualité à travers des interprétations qui en respectent rigoureusement l’esprit original, tout en œuvrant pour leur revitalisation.

ORCHESTREConcertino et assistant direction Manfredo Kraemer / Dessus de violon Mauro Lopes, Guadalupe del Moral, Isabel Serrano, Santi Aubert, Paula Waisman / Haute-contres de violon David Plantier soliste, Cécile Mille, Laura Johnson, Eva Posvanesz / Tailles de violon Angelo Bartoletti, Lola Fernández, Simon

Heyerick / Quintes de violon Lorenz Duftschmid bc, Margaux Blanchard*/ Basses de violon Balázs Máté bc, Claire Giardelli, Antoine Ladrette / Contrebasse Xavier Puertas / Flûtes à bec Pierre Hamon, Sébastien Marq*, Pierre Boragno* / Flûtes traversières Marc Hantaï, Charles Zebley / Hautbois Alessandro Pique / Hautbois et flûte à bec Vincent Robin* / Basson Quim Guerra / Percussions Pedro Estevan, Michèle Claude* / Luth Thomas Dunford bc / Théorbe Xavier Díaz-Latorre bc / Théorbe et guitare Josep Maria Martí bc / Clavecin Florian Carré bc

*Musiciens de scène - Bc : basse continue

CHŒUR Dessus Maud Gnidzaz, Jeanne Lefort, Anaïs Oliveras, Lise Viricel / Mezzos Eulalia Fantova, Maria Chiara Gallo / Haute-contres Raphaël Pongy, Gabriel Jublin / Tailles Martin Candela, Peter De Laurentiis, Benoit Joseph Meier, Sebastian Monti / Basse-tailles Yannis François, Julián Millan, Simon Millan

Retrouvez l'intégralité des biographies sur notre site internet.

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L'ÉQUIPE DE L'OPÉRA COMIQUEDIRECTIONDirecteurOlivier ManteiSecrétaire Karine Belcari

ADMINISTRATIONS ET FINANCESDirectrice administrative et financière Nathalie LefèvreDélégué à la DAFNicolas HeitzResponsable de la comptabilité Agnès KolteinComptable / régisseur de recettesPatricia AguyAgent comptable Jean Yves Blanc

RESSOURCES HUMAINESDirectrice des ressources humainesMyriam Le GrandAdjointe, juriste en droit social Pauline LombardAssistant ressources humaines Aimad Hammar Responsable de la paye Marie-Noëlle FigueiredoGestionnaire payeLaure Joly

SECRÉTARIAT GÉNÉRAL / COMMUNICATIONSecrétaire généralGérard Desportes Adjointe en charge de la communication et de la médiationLaure SalefranqueAdjointe en charge du marketing et des partenariatsNathalie MoineDéléguée à la communicationSonia Hossein-PourChargé de médiationMaxime GueudetRédacteur multimédiaDavid Nové-JosserandAttachée de presseAlice BlochStagiaire service presseChloé DecrouyRédactrice multimédia, coordinatrice éditoriale et maquettisteClémentine Sourbet-Pennanéac’hChargée du numérique et de son développement Juliette Tissot-VidalChargée d’administration du protocole et des entreprises Margaux LevavasseurChef du service des relations avec le publicAngelica DogliottiChef adjointe Philomène Loambo

CaissiersSonia Bonnet Théo MailleChef du service de l’accueilLaurence CoupayeChef adjointStéphane ThierryOuvreurs / ouvreusesSandrine Coupaye Séverine Desonnais Patrick Maitrugue François Baillon Anne Fischer Nicolas Guetrot Noël Clement Benjamin Lebigre Alice Duranton Théo Tronquet Adrien Mauuarin Pauline Fourniat Eva Chico Clémence Gschwindt Clémence Baroni-Jay Victoire Nier Arthur Goudal Valérie  Leroux Bryan DamienContrôleurs Stefan Brion Youenn Madec Baptiste Gourden Victor AlesiVendeurs de programmesNoël Clément Arthur Goudal

PRODUCTION /COORDINATION ARTISTIQUEDirectrice de la production et de la coordination artistiqueSophie Houlbrèque

Adjointe en charge de la coordination artistiqueMaria-Chiara ProdiAdministrateurs de production Caroline Giovos Antoine LiccioniChargée de productionCécile DucournauStagiaireAlexis Gangloff

COLLABORATION ARTISTIQUE DramaturgeAgnès TerrierStagiaire dramaturgieLalina GoddardConseiller artistiqueChristophe Capacci

ÉQUIPES TECHNIQUESDirecteur technique Hervé DutournierAdjointNicolas JacquardSecrétaire Alicia ZackRégisseur technique de productionAurore Quenel Sylvie Ananos Marie Wild Baptiste Vitez Régisseur Circassien Nicolas LourdelleBureau d’études Charlotte Maurel Emilie RoyRégisseur général de coordinationEmmanuelle Rista

Régisseur général Michael DuboisRégie de scèneAnnabelle RichardRégie de scèneCéverine Tomati Vanessa LaporteRégisseur d’orchestreAntonin LanfranchiGarçons d’orchestre Cédric des Aulnois Natan Katz Alexandre Lalande Jérôme Paoletti Romain Bekier Florent Simon Sébastien le Bon Timon Nicolas Alexandre Ferran Roland Blin Coline BoyasRégie de surtitrage Sophie Kaminski-DzuibekChef du service machinerie et accessoires Bruno DrillaudChef adjoint du service machinerie / accessoiresLaurent Pinet Jérôme ChouMachinistes / accessoiristesStéphane Araldi Luigino Brasiello Fabrice Costa Patrick Macquart Thierry Manresa Paul Rivière Eric Rouillé Philippa Butler Julien Boulenouar Adrien MeillonChef du service audiovisuel Quentin DelisleChefs adjointesAline Guillard Céline Bakyaz

Techniciens audiovisuelJean Restif Habib Zahouani Julien Guinard Laureline Dabbadie Stanislas QuidetChef adjoint du service électricitéSébastien BöhmSous-chefCsaba CsomaÉlectriciensSohail Belgaroui Grégory Bordin Julien Dupont Cédric Enjoubault Dominique Gingreau Ridha Guizani Geoffrey Parrot Téné NiakatéChef du service couture et habillementChristelle MorinChef adjointeJohanna RichardResponsable de production Carmel PeritoreChef Atelier Véra BoussicotSeconde AtelierTiffen DeschampsCouturièresMarine Alisé Marie Lossky Helene Boisgonthier Sarah Di Prospero Ophélie Parmentier Camille Lamy Lydie lalaux Louise LegauffeyTeinture et PatinesModisteLaetitia MiraultChef habilleuseLeila Feicih

HabilleusesSabine Schlemmer Samia Teboursouky Maité Sibille Murielle AbgralleChef adjointe maquilleuse-coiffeuseMathilde BenmoussaStagiaire costumesJuliette Jamet Léa Bordin Charlotte Legendre Nadia Ben DrissIntendant, responsable du bâtiment et des marchés publicsLaurent MussioResponsable du service intérieur Christophe SanterAssistante à l’intendanceAgnès MarandonHuissièresCécilia Couton Céline DionStandardiste Fatima Djebli Ouvrier tous corps d’étatNoureddine BouzelfenChef de la sécurité et de la suretéPascal Heiligenstein

MAÎTRISE POPULAIRE DE L’OPERA COMIQUEDirectrice artistiqueSarah KonéChargée de productionMorgane FaureStagiairesNaïs Descamps Léa Matias

PRÉSIDENTJean-Yves Larrouturou

PRÉSIDENTE D’HONNEURMaryvonne de Saint Pulgent

LE CONSEIL D'ADMINISTRATIONMEMBRES DE DROITDirectrice Générale de la Création Artistique(Ministère de la Culture et de la Communication)Régine Hatchondo

Secrétaire Général (Ministère de la Culture et de la Communication)Christopher Miles

Directrice du Budget (Ministère de l’Économie et des Finances) Amélie Verdier

PERSONNALITÉS QUALIFIÉESMercedes Erra Marie-Christine Janailhac-Fritsch Jean-Yves Larrouturou

REPRÉSENTANTS DES SALARIÉSMichaël Dubois Dominique Gingreau

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L'OPÉRA COMIQUE REMERCIESES MÉCÈNES ET PARTENAIRES

fonds de dotation

SES PARTENAIRES MÉDIA

Direction de la publicationOlivier Mantei

RédactionGérard DesportesSonia Hossein-Pour Clémentine Sourbet-Pennanéac’hAgnès Terrier

Coordination et éditionGérard Desportes Clémentine Sourbet-Pennanéac’h

Traduction anglaise Philipe Sicard

Création graphiqueinconitO

Photos[p.5-45] Stefan Brion

IconographiesCouverture Matthieu Fappani[p.5, 28, 29] Croquis des costumes par Alain Blanchot[p.47, 49] Aquarelles de Marie Hervé et Tristan Baudoin[p.52] Portrait par André Bouys, Bibliothèque-musée de l'Opéra Garnier © RMN-Grand Palais / Agence Bulloz[p.57] Gravure au cuivre par Bernard Picart, 1731 © Granger / Bridgeman Images[p. 63] Illustration des Métamorphoses d’Ovide par Luigi Ademollo, 1832 @ Bridgeman images[p. 67] Peinture de Richard Wilson, 1768 @ Bridgeman images / National Museum Wales

Impression PLJ Edition Communication / STIPA

LICENCE E.S.1-1088 384 ; 2-1088 385 ; 3-1088 386

LOCATIONTéléphone0825 01 01 23 Internetwww.opera-comique.com GuichetPendant la fermeture21 rue du Sentier – 75002 Paris À la réouverture1 place Boieldieu – 75002 Paris Suivez-nous sur

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