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Pierre Langer Président et co-fondateur de PowiDian Vous êtes un spin-off d’Airbus Defense & Space. Quelles sont vos relations avec Airbus ? Pierre Langer : À l’origine, AIRBUS avait besoin de solutions innovantes pour fournir de l’électricité fiable aux sites de télécommunications isolés de ses clients institutionnels (réseaux radios PMR pour polices et forces de sécurité). Dans bien des cas, il fallait s’affranchir des générateurs diesels bruyants, polluants, aux contraintes logistiques trop lourdes et coûteuses et même fréquemment volés. C’est ainsi qu’a été développée en 4 ans la station d’énergie polyvalente hybride SAGES, utilisant les énergies renouvelables et capable de produire et de stocker sur place de façon quasi illimitée l’énergie excédentaire sous forme d’Hydrogène. AIRBUS ayant compris que cette tech- nologie révolutionnaire pouvait adres- ser de très vastes marchés, avec mon associé Jean Marie Bourgeais, père de la solution, nous avons proposé un essai- mage qui a été accepté par le groupe. Nous sommes totalement indépendants du groupe, mais celui-ci nous soutient de diverses manières dans le cadre du pacte PME : soutien à l’export et dans les salons, référencement de nos produits pour ses besoins d’énergie en interne ou sur ses projets clients, hébergement. C’est un exemple vertueux ou deux cadres expérimentés d’un grand groupe industriel sont aidés dans leur désir d’en- treprenariat pour valoriser une technolo- gie plus prometteuse à l’extérieur. Quelle est l’originalité de votre station SAGES ? P. L. : Comme son nom l’indique, c’est une Station Autonome de Gestion d’Énergie et de Secours qui produit gratuitement de l’énergie, la gère et la stocke intelligemment sur place, sans logistique, avec une seule maintenance par an et de manière compétitive. L’originalité, c’est d’avoir une station intégrée clé en main décentralisée, fiable, adaptée très précisément à votre besoin, facilement transpor- table sur les sites les plus reculés, qui dure longtemps (15 ans) et fonctionne sans fuel. Elle résout le problème de l’intermittence des sources d’éner- gie renouvelables, notamment grâce à l’intelligence de ses algorithmes de prédiction, d’auto-apprentissage, d’optimisation, de configuration et d’administration distante sécurisée. Vous pouvez utiliser n’importe quelle source d’énergie (le vent, le soleil, la géothermie, l’eau, le gaz naturel etc.). Quand il y a trop de vent ou de soleil, l’énergie n’est pas perdue : elle est stockée de la manière la plus adaptée. Si vous avez besoin de stockage long terme, là ou les batte- ries ne sont pas suffisantes, on met en œuvre la chaîne à hydrogène : électrolyse de l’eau, stockage sécu- risé de l’hydrogène produite, géné- ration d’électricité grâce à une pile à combustible. Pouvez-vous nous citer un exemple de solution que vous mettez en place dans les territoires ? P. L. : Un exemple dont nous sommes fiers, c’est le refuge du col du Palet au cœur du Parc de la Vanoise. C’est une première mondiale pour fournir en conditions extrêmes de l’énergie verte permettant de se passer du diesel. Quels sont les avantages pour une collectivité d’adopter cette solution ? Dans quels autres domaines peut-elle s’appliquer ? P. L. : Il y a beaucoup d’exemples : soit vous avez besoin d’une station 100 % autonome (la ligne EDF est trop éloi- gnée), soit le réseau électrique tombe régulièrement ou accidentellement en panne (besoin de secours), soit vous avez besoin d’énergie mobile embar- quée (caissons tactiques déployables). Cela peut concerner le résidentiel, l’écotourisme, les zones protégées dans lesquelles il y a des réglemen- tations environnementales et/ou des contraintes logistiques, les communau- tés ou les capteurs isolés, le rural, les îles, la montagne etc. Comment envisagez-vous votre déve- loppement à l’international ? P. L. : Powidian signifie POWer In all meriDIANs. Les demandes concernent tous les continents sous tous les méri- diens et nous prévoyons 75 à 80 % de notre chiffre d’affaires à l’export. Nous espérons que les initiatives fran- çaises et internationales et le COP 21 donneront un coup d’accélérateur aux start-ups innovantes comme la nôtre. Toute l’énergie dont vous avez besoin, ni plus, ni moins, quelles que soient les conditions : c’est possible ! Explications de Pierre Langer. L’hydrogène , fer de lance de la reconquête industrielle Une station intégrée clé en main décentralisée, fiable et adaptée ! Fournir en conditions extrêmes de l’énergie verte. 24 INFRASTRUCTURES EUROPE PARLEMENTAIRE | TRiMESTRiEL | № 24 | JUiLLET – AOûT – SEPTEMBRE 2015

24 hydrogène - Powidian

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Pierre LangerPrésident et co-fondateur de powiDian

Vous êtes un spin-off d’Airbus Defense & Space. Quelles sont vos relations avec Airbus ?Pierre Langer : À l’origine, AIRBUS avait besoin de solutions innovantes pour fournir de l’électricité fiable aux sites de télécommunications isolés de ses clients institutionnels (réseaux radios PMR pour polices et forces de sécurité). Dans bien des cas, il fallait s’affranchir des générateurs diesels bruyants, polluants, aux contraintes logistiques trop lourdes et coûteuses et même fréquemment volés.C’est ainsi qu’a été développée en 4 ans la station d’énergie polyvalente hybride SAGES, utilisant les énergies renouvelables et capable de produire et de stocker sur place de façon quasi illimitée l’énergie excédentaire sous forme d’Hydrogène.AIRBUS ayant compris que cette tech-nologie révolutionnaire pouvait adres-ser de très vastes marchés, avec mon associé Jean Marie Bourgeais, père de la solution, nous avons proposé un essai-mage qui a été accepté par le groupe. Nous sommes totalement indépendants du groupe, mais celui-ci nous soutient de diverses manières dans le cadre du pacte PME : soutien à l’export et dans les salons, référencement de nos produits pour ses besoins d’énergie en interne ou sur ses projets clients, hébergement. C’est un exemple vertueux ou deux cadres expérimentés d’un grand groupe industriel sont aidés dans leur désir d’en-treprenariat pour valoriser une technolo-gie plus prometteuse à l’extérieur.

Quelle est l’originalité de votre station SAGES ?P. L. : Comme son nom l’indique, c’est une Station Autonome de Gestion d’Énergie et de Secours qui produit gratuitement de l’énergie, la gère et la stocke intelligemment sur place, sans logistique, avec une seule maintenance par an et de manière compétitive. L’originalité, c’est d’avoir une station intégrée clé en main décentralisée, fiable, adaptée très précisément à votre besoin, facilement transpor-table sur les sites les plus reculés, qui dure longtemps (15 ans) et fonctionne sans fuel. Elle résout le problème de l’intermittence des sources d’éner-gie renouvelables, notamment grâce à l’intelligence de ses algorithmes de prédiction, d’auto-apprentissage, d’optimisation, de configuration et d’administration distante sécurisée.Vous pouvez utiliser n’importe quelle source d’énergie (le vent, le soleil, la géothermie, l’eau, le gaz naturel etc.). Quand il y a trop de vent ou de soleil, l’énergie n’est pas perdue : elle est stockée de la manière la plus adaptée. Si vous avez besoin de stockage long terme, là ou les batte-ries ne sont pas suffisantes, on met en œuvre la chaîne à hydrogène : électrolyse de l’eau, stockage sécu-risé de l’hydrogène produite, géné-ration d’électricité grâce à une pile à combustible.

Pouvez-vous nous citer un exemple de solution que vous mettez en place dans les territoires ?P. L. : Un exemple dont nous sommes fiers, c’est le refuge du col du Palet au cœur du Parc de la Vanoise. C’est une première mondiale pour fournir en conditions extrêmes de l’énergie verte permettant de se passer du diesel.

Quels sont les avantages pour une collectivité d’adopter cette solution ? Dans quels autres domaines peut-elle s’appliquer ?P. L. : Il y a beaucoup d’exemples : soit vous avez besoin d’une station 100 % autonome (la ligne EDF est trop éloi-gnée), soit le réseau électrique tombe régulièrement ou accidentellement en panne (besoin de secours), soit vous avez besoin d’énergie mobile embar-quée (caissons tactiques déployables). Cela peut concerner le résidentiel, l’écotourisme, les zones protégées dans lesquelles il y a des réglemen-tations environnementales et/ou des contraintes logistiques, les communau-tés ou les capteurs isolés, le rural, les îles, la montagne etc.

Comment envisagez-vous votre déve-loppement à l’international ?P. L. : Powidian signifie POWer In all meriDIANs. Les demandes concernent tous les continents sous tous les méri-diens et nous prévoyons 75 à 80 % de notre chiffre d’affaires à l’export. Nous espérons que les initiatives fran-çaises et internationales et le COP 21 donneront un coup d’accélérateur aux start-ups innovantes comme la nôtre.

toute l’énergie dont vous avez besoin, ni plus, ni moins, quelles que soient les conditions : c’est possible ! explications de Pierre langer.

L’hydrogène, fer de lance de la reconquête industrielle

Une station intégrée clé en main décentralisée, fiable et adaptée !

Fournir en conditions extrêmes de l’énergie verte.

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Il est 8 h30 au lac de Tignes à 2 100 mètres d’altitude. Sur le parking, les équipements et le matériel ont été soigneusement empaquetés pour être hélitreuillés dans la matinée et livrés 480 mètres plus haut. Les gardiens du parc national de la Vanoise s’af-fairent : Éric resserre les mousque-tons, Alain vérifi e la longueur des sangles, et leur chef Thierry Arsac donne les consignes de sécurité avant de monter dans l’hélicoptère.

Casque sur la tête, lunettes de plexi-glas sur le nez pour éviter les projec-tions de gravier et de neige à l’arri-vée, toute l’équipe est prête. Une minute trente plus tard, au pied de la Grande Casse, Marion, la gardienne du refuge, se charge du comité d’ac-cueil : saucisson, beaufort − fromage typiquement savoyard −, café et thé.Très vite, les rotations de l’hélicop-tère reprennent pour apporter l’ar-moire électrique, l’électrolyseur − qui « casse » l’eau en envoyant une décharge électrique pour produire l’hydrogène − la pile à combustible et les réservoirs qui stockeront l’hydro-gène produite sur place.Entre deux livraisons, Thierry, le chef de secteur du parc national explique l’intérêt d’équiper un refuge d’une pile à combustible : « C’est un projet

novateur. La puissance publique est importante pour expérimenter les solutions vertes innovantes et c’est le rôle de parcs naturels comme le nôtre. Si pour fournir notre électricité on peut utiliser les énergies renouve-lables stockées sur place au lieu du fuel et du gaz, c’est très intéressant.» Marion, dont c’est le cinquième été à 2 580 mètres d’altitude, qui possède déjà quatre panneaux solaires pour produire de l’électricité, attend beaucoup de l’hydrogène : « Quand il n’y a pas de soleil, nous sommes obligés d’avoir un groupe électro-gène et quand il y en a trop, l’énergie est perdue ! Là, grâce au stockage longue durée, nous pourrons être autonomes sur ce plan. Nous obtien-drons de l’énergie tout le temps et elle ne sera plus gaspillée. Ce sera beaucoup plus confortable ! » « C’est un changement important et plein d’avenir pour les sites de haute montagne : il faut innover » poursuit-elle, « contente que cela se passe chez nous», supposant que les randonneurs, curieux, seront peut-être plus nombreux.

Sur la route de la pile à combustible sur les hauts sentiers de Savoie

La puissance publique est importante pour expérimenter les projets novateurs.

Le lundi 8 juin 2015, europe parlementaire s’est déplacé dans le parc national de la Vanoise pour suivre l’installation d’une station de production d’hydrogène destinée à alimenter en énergie le refuge du Col du Palet à 2 580 mètres d’altitude. Du lieu d’enlèvement par hélicoptère au point de positionnement du refuge, notre rédaction a suivi les différentes étapes de la mise en place de ce système révolutionnaire d’énergie verte pour site isolé.

Par CéSar armaNd

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Le vrombissement des hélices se fait à nouveau entendre. Sur le petit chalet construit pour abriter la station à hydrogène, dont les quatre murs ont été montés la semaine dernière, la première partie du toit est délicate à positionner parfaitement du premier coup, malgré les spatules déjà clou-tées de l’intérieur et les repères marqués sur les côtés. Le chef de chantier, Emmanuel, insiste : « Ce n’est pas seulement une innovation technologique, c’est un moyen de lutter contre le tout-pétrole et contre le dérèglement climatique. C’est une

réalisation collective qui a du sens et qui a pu se faire avec l’engagement d’une équipe : partenaires, fournis-seurs, refuge et parc national. » À l’intérieur du chalet, se trouve à gauche l’électrolyseur et à droite les bonbonnes de stockage de l’hy-drogène produite. C’est un local technique aux dimensions volon-tairement réduites pour minimiser les pertes thermiques : pas plus de trois personnes y tiennent debout. À même le sol, David installe les vannes hautes et basses, les canali-sations et les raccordements. Il prend les bonnes mesures entre l’électroly-seur et les réservoirs : « Ce doit être un tuyau sans raccord pour éviter toute fuite. » Le stockage sécurisé de l’hydro-gène est primordial. L’énergie excé-dentaire générée par les panneaux solaires servira à l’électrolyse qui, elle-même, produira l’hydrogène. Pascal, spécialiste du sujet, précise la portée d’un tel projet : « L’hydrogène va s’appliquer de plus en plus à des sites comme celui-ci avec en ligne de mire le développement de systèmes autonomes. C’est une source d’éner-gie indépendante des réseaux tradi-tionnels. L’hydrogène est un gaz très léger. Un kilogramme d’hydrogène occupe environ dix mètres cubes de

volume. Pour réduire le volume, soit tu le comprimes, soit tu peux même le stocker dans des matériaux qui l’absorbent comme une éponge : ce sont des hydrures. » Dans le petit bâtiment du refuge où se trouvent les toilettes et les douches, jouxtant celui où se situent la cuisine, la salle à manger et les dortoirs, Antoine travaille, lui, à relier les panneaux solaires à l’ar-moire électrique et celle-ci au chalet à hydrogène : « Je m’assure des contraintes physiques et des empla-cements des composants électriques. Je fais passer des gaines et je véri-fie la longueur des câbles. Il faut, à tout prix, minimiser les chutes de tension.»Sur le toit du chalet à hydrogène, déjà à la perceuse un peu plus tôt, Yves s’affaire, avec Emmanuel à la pose d’une double protection d’étanchéité thermique contre les infiltrations. En hiver il faut prévoir les tempêtes de neige, le vent et les congères. « D’abord, nous posons une couche d’étanchéité avec un revêtement en bitume. Puis, nous fixons des feuilles de tôle pour la couverture finale. Là, le soleil commence à décliner, alors le bitume se durcit et se révèle diffi-cile à mettre en place. »

Un moyen de lutter contre le tout-pétrole et contre le dérèglement climatique. .

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À trois mètres des marmottes qui observent les déambulations, posté pile à équidistance des différentes installations, Antonio est le directeur du projet. Jeune quinquagénaire, chapeau de cow-boy sur le crâne, tube de crème solaire en évidence, il a les yeux rivés sur les plans de l’ensemble : « C’est une équipe pluridisciplinaire expérimentée. On ne dirait pas comme ça, mais cela a demandé un gros travail en amont pour maîtriser les interfaces entre les différents métiers des entreprises participantes. Il ne s’agissait pas d’installer des équipements les uns à côté des autres, mais de faire fonc-tionner plusieurs technologies inno-vantes dans une station fiable livrée clé en mains ! C’est une première dans ces domaines qui a nécessité une approche système importante et une gestion de projet rigoureuse. Nous avions des conférences télé-

phoniques toutes les semaines et des réunions de coordination fréquentes. »Mais comment cela fonctionne-t-il ? « Dans l’armoire électrique, il y a l’atelier d’énergie. C’est le cerveau de la station. Un véritable atelier d’énergie, le centre de contrôle et de commandement. Il ne fait pas que gérer le courant. Il prend les décisions intelligentes pour optimi-ser le fonctionnement du système et augmenter sa durée de vie. » La nuit tombe sur le refuge. Les tests de fonctionnement seront réalisés le lendemain − avec succès − par Antonio. C’est l’heure de déguster la croziflette de Marion, cette tarti-flette à base des petites pâtes locales nommées crozets. Les bouteilles se débouchent. Il faut bien stocker suffisamment d’énergie pour rechar-ger les batteries. Demain, c’est la descente... à pied, avec les sacs sur le dos.

Une source d’énergie indépendante des réseaux traditionnels, avec en ligne de mire, le développement de systèmes autonomes.

De gauche à droite : David, technicien spécialisé dans l'hydrogène, Emmanuel, chef de chantier, et Antonio, directeur du projet, sont prêts à monter dans l'hélicoptère pour atteindre le refuge du Col du Palet.

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