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Du Col du Mont-Cenis à Susa 03 Le col et la digue du Mont-Cenis. 24,7 km Cette étape est particulièrement riche en beautés na- turelles alpines ainsi qu’en traces historiques de toutes les époques qui ont marqué ce lieu de traversée des Alpes. Un des points cruciaux est le grand lac artificiel du Mont-Cenis, ouvrage franco-italien complété dans les années 1960 dans ses dimensions actuelles et qui occupe toute la « plaine du Cenis », où existait déjà un petit lac naturel. Les virages de la « Grande Echelle » rappellent l’im- portance stratégique de la route, à tel point qu’afin de faciliter le passage, Napoléon décida de réaliser cet ouvrage énorme et encore bien conservé. Dans la des- cente vers Susa, on remarquera les traces d’une vieille voie ferrée, antérieure au tunnel ferroviaire du Fréjus, construite dans la deuxième moitié des années 1800 afin de relier le chemin de fer italien qui était à ses dé- buts avec le chemin de fer français (la première partie qui longe la route est encore praticable !). Cet ouvrage, réalisé par une société anglaise, tandis que dans la Méditerranée on creusait le canal de Suez, avait entre autres pour but de faciliter le parcours de la route des Indes aux Anglais et d’éviter la circumnavigation de l’Afrique. La descente vers Ferrera Cenisio et Novalesa se fait en marchant sur le pavé de l’antique « Route royale » qui, grâce à sa pente régulière, nous laisse le temps de pen- ser à tous les voyageurs qui empruntèrent ce chemin : pèlerins, mais aussi marchands, étudiants, nobles ou pauvres montagnards qui vivaient en fonction des ressources que leur procurait un petit trafic de contre- bandier transfrontalier de subsistance. En traversant Ferrera, on pourra admirer un cadran solaire qui semble vouloir passer un message à celui qui marche lentement en se fondant dans le paysage et dans l’histoire et en lançant sa maxime : « Souviens-toi de vivre ». À Novalesa, la via Maestra, avec ses petites rues et ses auberges, nous replonge dans un passé toujours aussi présent. En effet, l’économie de Novalesa, comme pour Lanslebourg en Savoie, pendant des siècles s’arti- cula autour du passage de la frontière par le Mont-Ce- 32

24,7 km Du Col du Mont-Cenis à Susa - Via Alta · 2014. 12. 23. · Du Col du Mont-Cenis à Susa 03 Le col et la digue du Mont-Cenis. 24,7 km Cette étape est particulièrement riche

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Du Col du Mont-Cenis à Susa

03

Le col et la digue du Mont-Cenis.

24,7

km

Cette étape est particulièrement riche en beautés na-turelles alpines ainsi qu’en traces historiques de toutes les époques qui ont marqué ce lieu de traversée des Alpes.Un des points cruciaux est le grand lac artificiel du Mont-Cenis, ouvrage franco-italien complété dans les années 1960 dans ses dimensions actuelles et qui occupe toute la « plaine du Cenis », où existait déjà un petit lac naturel.Les virages de la « Grande Echelle » rappellent l’im-portance stratégique de la route, à tel point qu’afin de faciliter le passage, Napoléon décida de réaliser cet ouvrage énorme et encore bien conservé. Dans la des-cente vers Susa, on remarquera les traces d’une vieille voie ferrée, antérieure au tunnel ferroviaire du Fréjus, construite dans la deuxième moitié des années 1800 afin de relier le chemin de fer italien qui était à ses dé-buts avec le chemin de fer français (la première partie qui longe la route est encore praticable !). Cet ouvrage, réalisé par une société anglaise, tandis que dans la Méditerranée on creusait le canal de Suez, avait entre

autres pour but de faciliter le parcours de la route des Indes aux Anglais et d’éviter la circumnavigation de l’Afrique. La descente vers Ferrera Cenisio et Novalesa se fait en marchant sur le pavé de l’antique « Route royale » qui, grâce à sa pente régulière, nous laisse le temps de pen-ser à tous les voyageurs qui empruntèrent ce chemin : pèlerins, mais aussi marchands, étudiants, nobles ou pauvres montagnards qui vivaient en fonction des ressources que leur procurait un petit trafic de contre-bandier transfrontalier de subsistance.En traversant Ferrera, on pourra admirer un cadran solaire qui semble vouloir passer un message à celui qui marche lentement en se fondant dans le paysage et dans l’histoire et en lançant sa maxime : « Souviens-toi de vivre ».À Novalesa, la via Maestra, avec ses petites rues et ses auberges, nous replonge dans un passé toujours aussi présent. En effet, l’économie de Novalesa, comme pour Lanslebourg en Savoie, pendant des siècles s’arti-cula autour du passage de la frontière par le Mont-Ce-

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DISTANCE 24,7 km

DÉNIVELÉ 1580 m

CENTRES D’INTÉRÊT CULTUREL

Ecomusée des Terres Frontièresvia Trento, 9 - località Ferrera10050 Moncenisio (TO)Infos : Mairie de Moncenisio, piazza Municipio, 110050 Moncenisio (TO)Tél + 39 0122 [email protected].

Centre Culturel Diocésainvia Mazzini, 1, 10059 Susa (TO)Tél et Fax + 39 0122 622640, [email protected] : tous les jours sauf le mardi, 9h 30 - 18h 30 ; entrée gratuite, accès facilité pour les personnes à mobilité réduite.

Musée archéologique de l’ab-baye de Novalesa, borgata San Pietro, 4 – 10050 Novalesa, ouvert : 1er juillet - 15 sep-tembre : tous les jours sauf le jeudi, 9h 30 - 12h 30, 14h 30 - 17h 30 ; 16 septembre - 30 juin : same-di-dimanche 9h 00 - 12h 30, 14h 00 - 16h 00. Sur réserva-tion pour les groupes tous les mercredis et vendredis.Infos : [email protected], www.abbazianovalesa.org.

TEMPS DE PARCOURS 7 h 20

Du Col du Mont-Cenis à Susa 24,7 km03nis. Le passage du col, à une certaine époque, imposait le démontage des carrosses, le transport du matériel et des passagers à dos d’hommes ou à dos de mulets pour ensuite tout remonter avant de poursuivre le chemin. Cette économie florissante avec ses échanges culturels vivaces cessèrent brusquement avec la construction de la route napoléonienne au début des années 1800. La

magnifique abbaye de Novalesa, un peu isolée au pied de la montagne immergée dans la nature, revit car, de nos jours, elle est habitée par des moines bénédic-tins, ordre fondateur au temps de Charlemagne. Elle se trouve à 1 km du chemin principal, mais c’est une déviation qui mérite vraiment d’être faite même pour ceux qui se déplacent à pied. (M.D.)

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Les fortifications qui, encore aujourd’hui dominent le vaste espace dans lequel se louvoie le lac artificiel du Mont-Cenis, ainsi que la montagne en amont de Ferrera Cenisio, jouèrent un rôle très important lors du déploiement des forces alpines anti-françaises or-ganisé entre le moment de l’adhésion de l’Italie à la Triple-Alliance (1882) et les années de guerre sous le gouvernement du Duce.Ces bastions, qui furent érigés entre la fin des années 1800 et le premier quart des années 1900, furent tous détruits après le second conflit mondial, bien qu’ils continuent d’imposer leur architecture sur les pentes herbeuses qui recouvrent les montagnes alentours.On observant ce haut plateau depuis la grande digue

située à l’extrémité méridionale du lac, réalisée en terre battue dans les années 1950, on distingue clai-rement trois grosses places fortifiées sur la gauche et sur la droite des eaux. Sur la gauche, les struc-tures puissantes du Fort Varisello et la batterie du Malamot couronnent le sommet de la montagne du même nom ; à droite, il est impossible d’ignorer la masse imposante du Fort Roncia. Jadis, à l’endroit même où se dresse la grande digue qui retient le lac artificiel, se trouvait le Fort Cassa, démoli dans les années 1950 pour laisser la place à la construction du barrage.

Fort VariselloConstruit entre 1880 et 1887, le Fort Varisello du haut de ses 2106 m d’altitude domine l’actuel lac artificiel du Mont-Cenis. Avec le Fort Cassa qui fut détruit et le Fort Roncia, réalisé de façon symétrique sur l’autre versant du lac, ils constituaient un sérieux

élément de barrage sur le col. La structure à plan polygonale est entourée par un ample fossé et pos-sédait de nombreuses embrasures pour canons ainsi que des casemates disposées sur plusieurs niveaux. Au niveau supérieur se trouvaient les canons de 9 AR/Ret (calibre en cm 9 ; Acier-Rayé/Rétro-chargé), tandis que sur les côtés nord, est et ouest s’ouvraient non moins de 27 embrasures pour obusiers et des rangées de créneaux de fusillade. Ce fort fut désarmé en 1900, après seulement 20 ans de service, car il n’aurait manifestement plus pu résister à la force de feu des obus modernes et il fut même utilisé comme cible pour les tirs d’artillerie d’entraînement, puis comme entrepôt.

Fort CassaIl fut construit à la même époque que le Varisello et se trouve sur le versant méridional du lac naturel qui, alors, occupait une partie du plateau du Mont-Cenis. Il était doté de 24 embrasures, armé de canons de 9 AR/Ret, qui prenaient d’enfilade le plateau jusqu’à une distance d’environ 5 km. L’ouvrage fut démantelé en 1900 et reconverti en logement pour les troupes. Dans les années 1950, étant donné qu’il se trouvait sur le terrain destiné à la construction de la nouvelle digue, une partie fut démolie, tandis que l’autre inté-gra la structure même du barrage.

Fort RonciaLe Fort Roncia, symétrique par rapport au Fort Va-risello, est beaucoup plus petit que ce dernier et se trouve à 2294 m d’altitude sur le vaste haut plateau connu sous le nom de « piano delle Cavalle », « pla-teau des Juments ». L’ouvrage de construction était

Le Fort Varisello.

LE COL DU MONT-CENIS ET SES FORTIFICATIONS

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identique aux deux ouvrages précédents, a un plan circulaire, entouré par un ample fossé ; il était armé de 6 canons de 9 AR/Ret qui prenaient de mire le Col du Petit Mont-Cenis. Désarmé en 1915, le Fort Roncia, à partir de 1937, fut utilisé uniquement en tant que casernement. Ses fonctions furent transfé-rées à la batterie moderne B4 juste à côté, construite en caverne dans les années 1930.

Caserne défensive et batterie MalamotSituée à 2914 m d’altitude au sommet du Mont Malamot, la caserne était desservie par une route en terre carrossable, dont la seule réalisation fut une véritable entreprise. Entre la fin des années 1880 et les premières années 1890, sur ce versant de nombreux ouvrages furent construits bien que de nos jours peu restent encore visibles : les batte-ries Fusere Alte et les abris du Giaset ; plus haut la caserne défensive, édifiée en 1889 derrière la ligne

frontière, apte à loger 200 hommes et 4 officiers, et armée de 4 mitrailleuses Gardner très puissantes. Un peu plus bas, au Petit Col Malamot on aperçoit encore les restes de la batterie Malamot, réalisée en barbette, elle aussi en 1889, et armée de 12 canons 149 G (calibre 149 en fonte).Dans les années 1930, avec la construction du Vallo Alpino, toutes ces structures fortifiées furent remplacées par des ouvrages en caverne bien plus efficaces. On remarquera la coupole en acier bien visible au sommet du Malamot, dotée de 4 cré-neaux pour mitrailleuses et reliée à une casemate en partie creusée dans la roche et en partie en béton, qui pouvait loger 30 hommes. En 1944 les positions du Malamot furent occupées par des troupes alle-mandes qui les armèrent avec des pièces antichars. En avril 1945, avec ces mêmes armes, les nazis réussirent à repousser l’attaque française qui visait à prendre ces positions.

ITINÉRAIRE

Du Col du Mont-Cenis (2083 m) parcourir le grand plateau en côtoyant le lac et les infrastructures touristiques tout le long de la route, sans oublier la très caractéristique église en forme de grande pyramide en ciment. Conti-nuer jusqu’à un grand virage sur la droite qui amorce la descente en nous ramenant vers la base de la digue en terre, à la hauteur de laquelle se trouve l’ancien poste de douanes françaises, avant d’amorcer la descente avec les virages de la Grande Echelle. Au pied de ces virages, nous arrivons sur le long Plan de San Nicolao, au bout duquel, sur la droite, nous pouvons encore voir certaines des galeries de l’ancien chemin de fer Fell.Dépassé le Plan, à environ 1 km, lorsque la route recommence à descendre vers Suse, nous pouvons voir sur la gauche les restes d’une maison de can-tonnier ; juste derrière l’édifice, toujours à gauche, prendre le sentier pavé, avant la Route de Napoléon.

Le Fort Roncia.

Du Col du Mont-Cenis à Susa 24,7 km03

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Le murianengo (également appelé à tort bleu du Mont-Cenis) est un fromage affiné gras ou semi-gras à la pâte persillée, il est relativement rare à trouver et il est produit par un très petit nombre de bergers. Son nom vient du fait qu’il soit produit

dans la vallée de la Maurienne et, plus précisément, dans sa partie la plus élevée, sur le haut plateau qui accueille le lac du Mont-Cenis. Le murianengo est le fromage produit sur le versant italien du col ; tan-dis que sur le versant français, avec les mêmes pro-

Suite à la construction de la Route de Napoléon au début du XIXe siècle, le Col du Mont-Cenis pris une très grande importance, certes d’un point de vue stra-tégique et militaire, mais surtout en ce qui concerne les échanges et le commerce. Très rapidement, la nouvelle route carrossable devint très fréquentée à tel point, qu’entre 1806 et 1810, le transit des voya-geurs doubla tandis que les échanges de marchandises furent multipliés par quatre. Cependant, malgré tous les ouvrages de protection réalisés tout le long de la route, le cheminement qui menait au col restait parti-culièrement compliqué, surtout en hiver, à cause des congères de neige provoquées par les tempêtes, et du vent parfois violent qui peut balayer le Mont-Cenis, pénalisant encore les échanges commerciaux, qui en ces temps-là progressaient à un rythme vertigineux.La solution trouvée pour résoudre une bonne fois pour toutes ces problèmes fut le projet de construction de la ligne de chemin de fer reliant Suse à Modane via le tunnel du Fréjus. Le projet fut adopté en 1857. Cette construction toutefois, on le savait, aurait pris du temps, c’est alors que l’on envisagea de pourvoir éga-lement l’ancien itinéraire d’un chemin de fer. Ce fut

une société privée, la Mont Cenis Railway, qui réalisa en seulement 16 mois la liaison entre Suse et Saint-Jean-de-Maurienne. Le tracé de la route préexistante fut réutilisé dans sa majeure partie mais, pour les sec-tions les plus délicates, il fallut réaliser des galeries dont certaines sont encore visibles aujourd’hui. La ligne était à écartement réduit et utilisait le système inventé par l’anglais J.B. Fell qui permettait d’aug-menter l’adhérence entre les roues et les rails, et ceci même en faisant des virages très serrés et sans risque de déraillement, grâce auquel on pouvait affronter les fortes pentes qui séparent Suse du col sur 1600 m de dénivelé. En outre, un troisième rail, avec pro-fil à double champignon et accroché à deux couples de roues motrices, permettait au machiniste d’aug-menter l’adhérence selon la nécessité. Le trajet durait cinq heures et la société garantissait au moins quatre courses par jour (deux à l’aller - deux au retour).Le train Fell fonctionna de 1868 au 1er novembre 1871, date à laquelle le tunnel du Fréjus fut inauguré, déplaçant le flux des voyageurs vers le nouveau par-cours, ce qui eut pour conséquence l’abandon de cette ligne.

Une photo d’époque du chemin de fer Fell assurant les transports.

LE MURIANENGO, UN FROMAGE AVEC LA MOISISSURE

LE CHEMIN DE FER SUSE - SAINT-MICHEL-DE-MAURIENNE (« FELL »)

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cédés, les bergers confectionnent un pro-duit similaire qui est vendu sous le nom de « bleu », bleu de Bonneval. Le fro-mage est produit pendant la période d’es-tivage dans les alpages en utilisant du lait de vache et du lait de chèvre, selon des pourcentages qui peuvent varier (dans le bleu français par contre, on met le 10% de lait de brebis). Après avoir légèrement fait chauffer le lait, le fromager ajoute de la présure qui permet au lait de coaguler en formant une masse compacte. Cette pâte est travaillée avec la technique du brassage de façon très similaire au cas-telmagno, elle est découpée et tranchée plusieurs fois pour « coiffer le grain » avant de placer ce caillé dans des moules. Enfin, pour obtenir une pâte persillée, à son entrée à la cave, le fromage est piqué à l’aide d’une aiguille en cuivre à inter-valles réguliers. Le piquage permet une aération jusqu’au cœur du fromage, ce qui contribue au développement de la moisissure, identique à celle du gorgon-zola ou du roquefort, afin d’obtenir un développement homogène du bleu dans la forme. Ce procédé confère un goût et un parfum très particuliers au fromage.Le procédé d’affinage est très long et se poursuit dans les alpages pendant au moins 4 à 5 mois. Il est travaillé en dé-but de saison et, étant donnée la maigre quantité produite, le murianengo est vendu aux enchères au début du mois d’octobre.Le fromage est de forme ronde, de cou-leur brunâtre et, au toucher, il est ru-gueux ; il pèse entre 8 et 10 kg, avec un diamètre de 30 à 35 cm. Sa pâte est de couleur jaunâtre, friable, il est fondant en bouche et a un goût assez aromatisé.

La paroisse de Ferrera Cenisio.

Du Col du Mont-Cenis à Susa 24,7 km03Ce sentier muletier constituait ladite « Route Royale » du Mont-Cenis qui, grâce à quelques virages à la pente régulière, nous accompagne dans un mélézin dense pour rejoindre assez rapidement un ruisseau que tra-verse un pont en bois. Après ce pont, tourner à droite et descendre en suivant le sentier muletier (connu comme « Sentier Paradis »), qui rejoint rapidement une petite route goudronnée et nous conduit au petit village concentré et très gracieux de Ferrera Cenisio (1438 m). Le village, entouré de très hauts sommets et partagé en deux quartiers par le cours d’eau du Cenischia, présente de très beaux modèles d’archi-tecture alpine de maisons restaurées.

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FERRERA CENISIO ET L’ÉCOMUSÉE DES TERRITOIRES DE FRONTIÈRE

L’histoire de Ferrera Cenisio est celle d’une petite commune de montagne avec une cinquantaine d’ha-bitants (moins de la moitié y résident à l’année), dont le destin a été marqué par deux routes. En effet, le village se trouve à mi-chemin entre le Mont-Ce-nis et le village de Novalesa qui était la première étape de la Via Francigena. Ce tracé voyait passer les échanges commerciaux, les troupes armées, les voyageurs et les pèlerins. Autour de cette importante voie de communication, c’était organisé un véritable commerce qui, de nos jours, serait défini secteur ter-tiaire, avec une myriade de personnes qui louaient toutes sortes de services, allant de la sécurité à la logistique. Nous savons que, pendant la période la plus florissante, entre Novalesa et Ferrera Cenisio on dénombrait pas moins de 78 restaurants, auberges, écuries et hôtels, dont le fameux Écu de France, sou-vent nommé dans de nombreux récits de voyages.Chaque village avait ses particularités et la spéciali-sation des habitants de Ferrera Cenisio et de Nova-lesa était le transport de personnes et de biens le long du sentier muletier étroit et raide qui conduit aux 2083 m du col. De là l’origine du métier des mar-rons, ainsi étaient nommés les sherpas du Mont-Ce-nis. Les voyageurs étaient transportés sur des sièges, protégés par des peaux tannées et des toiles imper-méables, tandis que les personnages les plus impor-

tants et aisés voyageaient dans des chaises à porteurs couvertes, fermées par des rideaux ou parfois même avec des vitres, ainsi que le fit le roi de France.En hiver, la descente se faisait en utilisant des ra-masses, genres de traineaux à fond plat que le mar-ron conduisait avec une grande dextérité en manœu-vrant les deux lèves à l’arrière. La descente était très rapide et les plus experts mettaient seulement dix minutes pour rejoindre Lanslebourg depuis le col. C’était une expérience très excitante à tel point que, à la fin des années 1700, un anglais excentrique décida de rester une semaine sur place, afin de pou-voir répéter l’expérience tous les jours : et ce ne fut pas le seul !C’est à Novalesa que la route carrossable se ter-minait pour laisser la place à un sentier muletier et c’est justement là que les carrosses étaient démon-tés pour passer le col à dos d’hommes ou de mulets, que l’on organisait les transports et que l’on déci-dait de combien de marrons on avait besoin pour porter les charges. Les tarifs étaient établis chaque année alternativement par le maire de Lanslebourg et le maire de Novalesa, tandis que le nombre de porteurs dépendait du poids à porter : ils pouvaient être jusqu’à douze hommes pour les personnes par-ticulièrement corpulentes. De très nombreux person-nages illustres transitèrent par le col. Parmi eux, le

Le Grand Lac de Ferrera Cenisio.

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pape Pie VI fut de l’aventure le 30 avril 1799. Il fut parmi les derniers à avoir besoin des services des marrons puisque, au début du XIXe siècle, Napo-léon fit construire une route qui permit de faciliter le voyage. Son tracé, qui passait à environ 5 km de Ferrera Cenisio, correspondait pratiquement au tracé de l’actuelle SS 25 (RN), ce qui détermina la fin du travail des marrons. Pour ce petit village, ce fut un désastre ; une après l’autre, les six auberges durent fermer et ceux qui ne surent pas s’inventer un nouveau métier s’expatrièrent, tandis que ceux qui prirent la décision de rester durent s’adapter à une vie réduite à sa plus simple expression.Et pourtant, ainsi que l’Écomusée l’illustre si bien, Ferrera Cenisio fut une véritable communauté : preuve en est le lavoir, le four banal et le moulin, éléments essentiels que l’on retrouve dans tous les villages de montagne. Les trois structures restaurées peuvent se visiter et se trouvent à quelques mètres l’une de l’autre sur la gauche orographique du tor-rent Cenischia. Dans l’édifice qui accueille l’écomu-sée, et qui est celui du four et du lavoir, on découvre une exposition permanente sur le col frontière, deux diaporamas qui illustrent la faune typique de la val-lée et un petit espace dédié à la culture matérielle de Ferrera Cenisio.Les édifices religieux ne manquent pas dans le vil-lage, comme les chapelles de Saint-Joseph, Saint-Antoine et Sainte-Barbe, outre la paroisse de Saint-Georges martyre représenté sur un bas-relief du

portail d’entrée tandis qu’il transperce le démon. L’église fut reconstruite en 1659 en remplacement d’un édifice préexistant du XVe siècle.A côté de la paroisse se trouve un frêne âgé de plus de trois cents ans avec une circonférence de presque six mètres, inscrit au catalogue des Arbres Monu-mentaux du Piémont. La légende raconte que les nouveaux nés étaient pendus à une des branches de l’arbre qui s’avançaient sur le torrent Chisola. Ceux qui restaient accrochés à la branche étaient reconnus comme étant de vrais ferouglién (du nom des habi-tants de Ferrera Cenisio), si par contre ils tombaient, ils étaient reconnus comme étant des novalicensi – habitants de Novalesa. Ce n’est qu’une légende, mais elle illustre bien la ténacité de ces gens des ter-ritoires aux frontières.

Ferrera Cenisio : le moulin.

Le frêne sur le torrent Cenischia à Ferrera Cenisio.

Du Col du Mont-Cenis à Susa 24,7 km03

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La visite concerne essentiellement le village et l’abbaye située non loin, à environ 1 km. Dans le centre habité se trouve la paroisse de Saint-Stéphane. On peut y voir certaines toiles remontant au XVe et XVIe siècles, dont un précieux polyp-tyque provenant de l’abbaye, œuvre du bourguignon Antoine de Lohny, une Déposition attribuée à Giulio Campi, l’Adoration des Pasteurs de François Lemoyne et une copie de qualité du XVIIe siècle de la Crucifixion de Saint-Pierre, œuvre du Caravaggio de grande valeur, donnée par Napoléon à l’abbé Ga-bet, prieur de l’antique hospice du

Mont-Cenis. Dans la chapelle de la Confraternité du Très-Saint-Sacrement adjacente, se trouve le Musée d’Art Religieux Alpin qui abrite la très belle arche de Saint-Eldrade (abbé du monastère voisin datant du IXe siècle), une importante œuvre d’argenterie de style rhénan-mosellan qui remonte au XIIe siècle. Sur le mur extérieur de la paroisse et sur celui de la maison voisine, se trouve un cycle de fresques du XVIe siècle très intéressant, représentant la Chevau-chée des vices et des vertus et certaines des Scènes de la passion du Christ. Sur la droite, certains ta-bleaux singuliers reportent les peines à infliger aux vicieux.En restant dans le thème de l’architecture religieuse, remarquables les chapelles de Saint-Antoine-Abbé, Saint-Antoine-de-Padoue (Fraita), Saint-Venan-

zio (Baciassi), Saint-Roc (dans le hameau du même nom), Saint-Anne (hameau Saint-Anne), de Nôtre-Dame-des-Neiges (Traverse), de Nôtre-Dame-des-Sept-Douleurs (Borgetto), de Nôtre-Dame-de-Rochemelon (Bellavarda) et de Saint-Sébastien. Ce dernier petit temple, dédié au saint qui avec saint-Roc est invoqué par les pestiférés, fut édi-fié pendant la terrible épi-démie de 1630-32, en tant qu’oratoire du lazaret. Une curiosité, dans le hameau Santa Maria, dans une maison fermière on peut

NOVALESA, LE VILLAGE DES MOINES BÉNÉDICTINS

Paroisse de Novalesa : retable du XVIe siècle.

Novalesa : ancienne fontaine.

En tournant à gauche, à la sortie du village, suivre le tracé de l’antique Route Royale qui, avec son parcours tortueux, descend vers Novalesa en restant sur la droite orographique de la vallée et en traversant de vastes forêts de résineux dans la partie haute et de feuillus un peu plus bas. Après avoir traversé le torrent Cenischia, un faux plat nous accompagne jusqu’aux habi-tations de Novalesa (819 m), une ancienne station de poste et de change sur la route du Cenis, mais aussi un centre historique et artistique notoire, qui vit le jour en complément de l’abbaye bénédictine non loin et qui mérite le détour.

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encore distinguer les formes de l’antique église de Sainte-Marie-ad-Radicem-Montis. Outre ceux déjà cités la commune comprend également les hameaux de Ronelle et Villaretto. Des cascades pittoresques dévalent les parois des montagnes qui encerclent le

chef-lieu, mettant en évidence le travail d’érosion qu’effectue l’eau sur la roche.

L’ABBAYE DE NOVALESA

Novalesa : à gauche, fresques dans la via Maestra ; à droite, la Chevauchée des vices et des vertus, sur les parois externes du presbytère.

Ce monastère très important dédié aux Saints Pierre et André, fut érigé sur un territoire déjà peuplé à l’âge du fer sur le chemin qui conduit au Mont-Cenis, alors guère fréquenté faut-il dire. L’abbaye, le plus ancien des couvents bénédictins du Piémont (le second en Italie après celui de Montecassino, où fut établi la règle de l’ordre) tire son nom du latin Nova Lux (selon certains Nova Lex). Il doit son ori-gine au notable franc Abbon, recteur de Suse et de Maurienne qui, le 30 janvier 726, non loin de Suse, fit édifier une cellule dédiée aux Saints Pierre et André, laissée aux soins de l’abbé Godone. C’est cependant dans le testament de ce notable, datant du 5 janvier 739, que l’on retrouve la liste des avantages qui furent alloués à Novalesa, c’est-à-dire la vallée du torrent Cenischia toute entière, une partie de la vallée de la Maurienne (Sa-voie), plusieurs villages de la basse et de la haute vallée de la Doire et certaines localités côtières situées aux alentours d’Arles et de Marseille. Selon la tradition, qui n’est cepen-dant pas documentée, quelques années après sa fondation, le monastère avait déjà une nommée notoire au point d’accueillir Char-lemagne en marche pour les Chiuse d’Ita-lia dans le but de combattre la bataille qui allait signifier la défaite définitive de Didier Abbaye de Novalesa, chapelle de Saint-Eldrade : Christus pantokrator.

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de Lombardie ; à ce moment-là, le souverain, qui était venu en aide au pape Adrien Ier, aurait établi son quartier général dans l’enceinte de l’abbaye et aurait été aidé par un moine local (pour certain un traite bouffon) pour trouver le chemin le plus appro-prié afin de prendre l’adversaire par surprise (celui qui, de nos jours, est le « Sentier des Francs »). Grâce aux legs et donations toujours plus géné-reux et à la gestion clairvoyante de certains abbés – Giuseppe, Ingellelmo, Gislado, Frodoino et sur-tout Eldrado (par la suite sanctifié : il gouverna 500 bénédictins) – les possessions du monastère conti-nuèrent d’augmenter, mais il fut saccagé par une horde de Sarrasins. Les bénédictins furent obligés de fuir et d’aller se mettre à l’abri à Turin, où il s’établirent dans l’église de Saint-André qui au-jourd’hui intègre le sanctuaire de la Consolata. La reconstruction du monastère eut lieu au XIe siècle sous les auspices de l’abbé Gezzone ; par la suite, l’empereur Henri IV y séjourna, ainsi que Frédéric Ier (Barberousse), le pape Eugène VII, ainsi que la dépouille de Saint-Louis, roi de France, mort de la peste en Tunisie au cours d’une croisade.Le convent fut confié en commanderie en 1480. En 1646 les derniers bénédictins qui restaient furent remplacés par des cisterciens ; tandis qu’en 1710, d’après les dessins de l’architecte militaire Antonio Bertola, Amédée II de Savoie fit reconstruire cer-tains des édifices de l’abbaye, ce qui modifia radi-calement la structure primaire. Napoléon Ier rendit plusieurs fois visite à la communauté. Le monastère fut fermé en 1855 suite à la loi Siccardi ; en 1861

et 1884, tous les biens lui appartenant furent ven-dus et il fut transformé en établissement de soins par les eaux. Après toutes ses adversités, l’abbaye connut un regain en 1973, lorsque l’administration de la province, propriétaire des édifices, en confia la gestion à la communauté bénédictine de San Giorgio Maggiore de Venise. C’est alors que des travaux de recherche archéologique et de restauration impor-tants furent entamés et ne sont toujours pas terminés.D’un point de vue artistique, la structure est com-posée d’un couvent, d’une église principale, de dif-férents édifices et surtout de quatre chapelles qui existaient déjà en époque préromane et qui peuvent être rapportées au VIIIe - XIe siècle : Saint-Eldrade, Saint-Michel, Saint-Salvator et Sainte-Marie-Ma-deleine. La première recèle un précieux cycle de peintures romaines (XIe siècle) qui illustre la vie du saint auquel elle est dédiée ; dans l’église abbatiale se trouvent des fresques romaines également très importantes (lapidation de Stéphane, XIe siècle). D’autres fresques encore, toujours d’époque ro-maine, se trouvent dans le cloître et dans l’antique réfectoire, où est aussi conservé un antique tissu en voile du XVe siècle. La bibliothèque, qui jadis accueillait 6000 volumes, fut dispersée, mais depuis 1973 on travaille à sa reconstitution ; de nombreux manuscrits y sont éga-lement conservés, mais le Chronicon Novalicense, dans lequel la création de l’abbaye, dans un mixte de légende et d’histoire, était racontée depuis ses débuts à l’époque romaine, n’en est plus, puisqu’il est désormais aux Archives d’État de Turin.

Novalesa, chapelle de Saint-Eldrade.

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Du Col du Mont-Cenis à Susa 24,7 km03À la sortie du village, laisser le croisement pour l’abbaye sur la droite (à environ 1 km) et descendre le long de la route jusqu’au village de Venaus (595 m), bien connu pour son groupe folklorique des « Spadonari » – Sabreurs – qui pratiquent le Bal dâ Sabre, c’est-à-dire le bal des sabres.À Venaus, abandonner la route principale qui court au fond de la vallée pour prendre une route secondaire qui part sur la gauche et poursuit son chemin en traversant des prés et des vignes délimités par des murets en pierres, avant de rejoindre San Giuseppe (567 m), hameau de la com-mune de Mompantero situé au pied du Mont Rochemelon qu’il domine exactement de 3000 m. Depuis San Giuseppe, sur route facile, on atteint assez rapidement Pas-seggeri di Susa, situé légèrement en hauteur par rapport à la ville. On y pénètre en arrivant à l’antique Place Savoia.

Suse et le Rochemelon.

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LOU BAL DÂ SABRE (LA DANSE DES SABRES) ET LES SABREURS DE VENAUS

L’origine de la Dance des Sabres (Lou Bal dâ Sabre) remonte sans nul doute à des temps très anciens, certainement médiévaux. Pendant de très nombreuses années, ce bal a accompagné la fête de Saint-Blaise et Agathe qui se déroule à Ve-naus chaque année du 3 au 5 février. Les sabreurs, au nombre de 4 et vêtus de leur costume si particulier, dansent vêtus d’une chemise et de gants blancs, pantalons et chaussures bleus, gilets de couleur différente pour chacun orné de décorations et de bouffettes, couvre-chef couvert de fleurs en soie et de longs rubans colorés qui descendent dans le dos, attaché sous le menton à l’aide d’un ruban rouge pour deux sabreurs et vert pour les deux autres.Les danseurs, entre autres, ont des sabres qui dépassent le mètre de lon-gueur avec une lame incurvée à double tranchant, une garde mobile et une poi-gnée finie en cuir avec des broquettes métalliques. Six prieurs accompagnent les danseurs (deux filles célibataires, deux mariées, deux plus âgées), vêtues du costume savoyard qui se compose d’un habit noir long, d’un châle en soie brodé et orné de franges, différent pour chacune, d’un collier cache-cou fait d’un ruban de velours noir qui sup-porte une grosse croix en or travaillée en relief, une coiffe noire attachée sous le menton ornée, à l’arrière, d’un gros nœud coloré duquel partent de longs rubans en soie.Outre les figurants, des hommes et des femmes ap-partenant à la Confrérie du Saint-Rosaire animent la fête : les femmes vêtues d’un long voile blanc (les trois plus jeunes, les « lanternières », portent deux lanternes et la croix ; celles plus âgées portent les cierges) ; les hommes vêtus du costume avec un béret blanc.Les origines de la danse des sabreurs, que l’on pra-tique aussi à Giaglione dans la vallée de Suse, à Ba-gnasco dans la vallée du Tanaro et à Fenestrelle dans la vallée Chisone, se réfèrent peut-être à l’évènement qui permit de chasser les Sarrasins des vallées alpines piémontaises (comme pour la Bahio dans la vallée Varaita), mais elle pourrait aussi dériver de cérémo-nies préchrétiennes de propitiation pour invoquer la

Photos d’époque et d’aujourd’hui des sabreurs à Venàus.

fécondité du printemps et l’abondance des récoltes, ou de la tradition belligérante des Celtes.La fête de Saint-Blaise commence à 9h 30 le matin du 3 février avec une réunion dans la maison du sabreur dont l’habitation est la plus proche de la paroisse. Après avoir offert du vin brulé et de la fou-gasse à tous les invités, le sabreur intègre la proces-sion qui part depuis chez lui pour aller rencontrer un cortège en tous points similaire à celui-ci, mais qui part depuis la maison de la prieure la plus âgée.Dans la procession, les conscrits portent sur leurs épaules la statue de Saint-Blaise et les conscrites portent celle d’Agathe, elles sont escortées par les sabreurs, les pompiers et par la fanfare du village.Puis, sur le parvis de l’église, les sabreurs effectuent leurs différentes danses communément nommées : Pointe, Carré, Cœur et Saut.

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SUSE ET SON HISTOIRE

Suse, l’antique Ségusium, est une petite ville située à la confluence de la Doire et du Cenischia, de laquelle dépendent de nombreux hameaux et fau-bourgs, parmi lesquels San Giuliano, Coldimosso, Traduerivi (Torduri) et Castelpietra. Suse, aux ori-gines très antiques, fut habitée par des populations ligures et celtes, ainsi qu’en témoignent certaines trouvailles archéologiques plus ou moins récentes. Au Ier siècle av. J.-C., elle devint capitale d’un vaste royaume alpin qui s’étendait du Piémont occiden-tal à la Vallée d’Aoste, sur lequel régnèrent Donno, Cottius Ier et Cottius II. Après la mort de Jules César, Cottius Ier réussit à trouver un accord de non belligérance avec Au-guste, ce qui lui consentit de régner de façon paci-fique, avec une organisation économique efficace pour son État. Lorsqu’en 63 apr. J.-C. Segusium fut réunie à l’empire de Néron, elle fut enrichie par la construction de monuments grandioses comme l’arc d’Auguste, arc à une seule arche qui fut construit sur ordre de Cottius en l’honneur de son bienfaiteur, le théâtre, la galerie, les termes et, plus tard, les murs puissants dans lesquels s’ouvraient d’énormes portes entourées de tours, ainsi qu’en témoigne encore la porte Savoia. En 312 la ville fut détruite par Constantin qui ne lui pardonna pas de s’être ralliée à Maxence, puis par les Goths, les Sarrasins et encore par Frédé-

ric Barberousse qui, en 1147, punit les habitants car ils avaient osé se rebeller contre lui quelques années auparavant. Propriété de Olderico Man-fredi et de la comtesse Adelaïde (mieux connue comme Adelaïde de Suse), la ville fut donnée en dot à Olderico par Odon, père d’Adelaïde. En fait elle appartint longtemps aux Savoia, excepté pen-dant deux périodes brèves d’occupation française (1536-1559 et 1796-1814) ; en effet, bien qu’ayant toutes les caractéristiques d’une ville frontière, puisque jusqu’en 1713 la frontière entre la France et le duché de Savoie se situait entre Gravere et Chiomonte, Suse fut le berceau de la dynastie des Savoia, sinon parmi les premières possessions que la famille eut en Italie. Sous le profil religieux, une bonne partie de la basse vallée de la Doire, ainsi que les églises qui dépendaient de la prévôté Saint-Laurent d’Oulx et qui, au départ, dépendaient des abbayes de la vallée de Suse de Saint-Just et Sainte-Marie-Mag-giore, en 1748, passèrent sous l’égide du diocèse de Pinerolo. Celui-ci, en pleine création, eut pour évêque monseigneur G.B. d’Orlié, justement le dernier abbé d’Oulx. En 1771, Suse devint siège épiscopal et, avec elle, toutes les paroisses de la val-lée se séparèrent de l’organisme qu’elles venaient à peine d’intégrer. La séparation devint effective seulement en 1794.

La porta Savoia à Suse.L’arc d’Auguste à Suse.

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