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Océanographie géologique Chapitre 2a Structure des bassins océaniques 28 Chapitre 2 - Structure des bassins océaniques Introduction L’océan recouvre 71% de la surface terrestre (361 M km 2 , Tab. 1). Il est resté méconnu jusqu’à récemment vu l’absence d’observation directe. Le développement de l’étude des bassins océaniques a été possible suite à des progrès techniques dans les méthodes d’investigation dans les années 30-40. Actuellement on dispose d’une bonne connaissance de la morphologie, de la structure, de la nature des fonds océaniques mais aussi de leur évolution. Caractéristiques morphologiques Les méthodes d’investigation principales sont les sondages acoustiques, la sismique réflexion et l’imagerie satellitaire radar. Ces méthodes ont permis d’obtenir une image de la topographie du fond des océans. Table 2.1. – répartition des ensembles structuraux océaniques – Pinet, 1998 (from Caron et al., 1989) La figure 2.1 illustre la répartition bathymétrique des océans. La profondeur moyenne des océans est de 3730 m. La profondeur maximale est atteinte au niveau de la fosse des Mariannes (11.035 m, Océan Pacifique). Le maximum de fréquence se situe vers 4000-5000 m. Par opposition, l’altitude moyenne des continents est de 870 m. La distribution bathymétrique est bipolaire, elle reflète la différence de densité entre la croûte continentale granitique et la croûte océanique basaltique (principe d’isostasie).

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Chapitre 2 - Structure des bassins océaniques Introduction L’océan recouvre 71% de la surface terrestre (361 M km2, Tab. 1). Il est resté méconnu jusqu’à

récemment vu l’absence d’observation directe. Le développement de l’étude des bassins océaniques a été possible suite à des progrès techniques dans les méthodes d’investigation dans les années 30-40. Actuellement on dispose d’une bonne connaissance de la morphologie, de la structure, de la nature des fonds océaniques mais aussi de leur évolution.

Caractéristiques morphologiques Les méthodes d’investigation principales sont les sondages acoustiques, la sismique réflexion et

l’imagerie satellitaire radar. Ces méthodes ont permis d’obtenir une image de la topographie du fond des océans.

Table 2.1. – répartition des ensembles structuraux océaniques – Pinet, 1998

(from Caron et al., 1989)

La figure 2.1 illustre la répartition bathymétrique des océans. La profondeur moyenne des océans

est de 3730 m. La profondeur maximale est atteinte au niveau de la fosse des Mariannes (11.035 m, Océan Pacifique). Le maximum de fréquence se situe vers 4000-5000 m. Par opposition, l’altitude moyenne des continents est de 870 m. La distribution bathymétrique est bipolaire, elle reflète la différence de densité entre la croûte continentale granitique et la croûte océanique basaltique (principe d’isostasie).

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Figure 2.1 – Répartition des altitudes – Pinet, 1998 Les bassins océaniques comportent 5 principales structures morphologiques: les rides océaniques,

les plaines abyssales, les fosses, les îles et guyots, les marges continentales (Fig. 2.2).

Figure .2.2 – Carte des ensembles structuraux océaniques – Hamblin & Christiansen, 1995

(1) Les rides océaniques sont situées à 2000m de profondeur en moyenne. Il s’agit du principal trait tectonique de la terre qui serait visible de la lune sans la couche d’eau. Les rides sont des structures assez larges (1500m), elles s’élèvent à 3000 m du fond et couvre 23% de la surface terrestre. Leur extension sur toute la surface du globe représente un parcours de 64.000 km. Les rides présentent une forme de zig-zag suite à leur fragmentation par des failles transformantes qui décalent les différents segments. Elles sont différentes par rapport aux chaînes de montagne continentales car elles ne sont pas déformées par des plissements, présentent une composition homogène et une pente qui reste assez faible (1/200ième).

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Leur relief est accidenté au niveau de la crête qui est occupée par une vallée axiale ou rift (i.e., 2 km de profondeur, 30 km de large). La structure de la ride dépend de la vitesse d’expansion (Fig. 2.3). Par exemple, pour des vitesses lentes < 5 cm/an, la ride est haute et accidentée avec une vallée axiale très prononcée. De nombreuses photographies ont été prises par des submersibles depuis 1974.

Figure 2.3 – Morphologie des rides selon la vitesse d’expansion des fonds océaniques:

(a) dorsale lente, ride médio-atlantique 37°N (2 cm/an); (b) dorsale rapide, ride est-pacifique 3°S (>10 cm/an).- Caron et al., 1989

Figure 2.3 – Morphologie des rides selon la vitesse d’expansion des fonds océaniques:

(a) dorsale lente, ride médio-atlantique 37°N (2 cm/an); (b) dorsale rapide, ride est-pacifique 3°S (>10 cm/an).- Caron et al., 1989

(2) Les plaines abyssales constituent de larges surfaces très peu accidentées (pente < 1/1000ième),

présentes à des profondeurs comprises entre 3000 et 5500 m. Leur topographie a été découverte en 1947 et cartographiée avec une précision de 2 m. Les plaines abyssales comportent quelques petits reliefs (abyssal hills) de 75 à 900 m au-dessus du plancher océanique. Ces reliefs sont de formes circulaires ou elliptiques, ils s’étendent sur 1 à 8 km de large à la base et sont très fréquents par exemple le long du flanc des rides. Les plaines abyssales sont lisses, plates, localisées à proximité des marges continentales où les reliefs sont complètement masqués par les apports sédimentaires. Dans l’Atlantique, il existe de nombreuses plaines abyssales le long de la marge nord et sud américaine, sud africaine et européenne. Dans le Pacifique, les plaines abyssales sont rares car les apports sédimentaires sont bloqués au niveau des fosses.

(3) Les fosses représentent des zones de convergences où la croûte océanique est recyclée par subduction. Leur profondeur maximale atteint plus de 11.000m. Les fosses présentent une morphologie asymétrique, avec une pente forte du côté continental et plus faible vers l’océan. Elles s’étendent sur 100 km de large et sur plusieurs milliers de kilomètres de long. Il s’agit de zones d’intense activité sismique et volcanique. L’Ouest Pacifique montre un système continu de fosses depuis la Nouvelle-Zélande vers l’Indonésie, le Japon, puis vers le NE les Iles Aléoutiennes. D’autres fosses se retrouvent au niveau de l’Amérique centrale et de l’Amérique du sud. Dans l’Atlantique, les fosses sont moins nombreuses, elles se situent à la pointe sud de l’Afrique et dans la Mer des Caraïbes.

(4) Les îles et guyots correspondent à des édifices volcaniques émergés (îles) ou submergés (guyots ou seamounts). Ces édifices de 100 km de large et parfois 1000m de haut apparaissent groupés ou alignés. Les guyots représentent un type de seamounts caractérisés par une surface aplatie et non conique. Les chaînes d’îles et de seamounts seraient formées à l’aplomb d’un point chaud où remonte une colonne ascendante de magma (i.e., plume). Ce point serait fixe. Avec le déplacement des plaques lithosphériques, le volcan ne serait plus alimenté et un nouvel édifice se développerait à l’aplomb du point chaud. L’origine des guyots est controversée, ils seraient formés suite à l’érosion par les vagues des îles volcaniques. Ils sont généralement entourés par une barrière récifale qui ne peut se développer qu’à de faibles tranches d’eau. Pourquoi les guyots peuvent-ils atteindrent des hauteurs de 1000-2000 m avec des récifs de moins de 1000m? En fait, cette observation s’explique par la tectonique des

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plaques. Lorsque le volcan se forme, le plancher océanique se bombe sous l’effet de la chaleur et de la remontée du magma. Le volcan peut ainsi atteindre l’émersion. Il est érodé par les vagues et progressivement colonisés par des récifs coralliens à proximité de la surface de l’océan. Ensuite avec l’expansion océanique, l’édifice est submergé. Le récif va se maintenir à la même profondeur au fur et à mesure que le guyot s’enfonce de plus en plus profond (e.g., Atoll de Bikini).

(5) Les marges continentales sont couvertes par les océans mais ne font pas partie de la croûte

océanique. Leur composition est celle de la croûte continentale, recouverte de sédiments détritiques. Les marges continentales sont elles-mêmes divisées en 3 parties : la plateforme continentale (shelf), le talus (slope) et le glacis (rise). La plateforme continentale est généralement limitée aux 200 premiers mètres de profondeur, elle s’étend sur 200 à 1500 km et présente des pentes faibles de l’ordre de 1/1000ième. Il s’agit de la partie submergée des continents, domaine de transition entre le continent et l’océan. La plateforme recouvre 18% de la surface terrestre. Sa largeur fluctue dans le temps, plus large lors des périodes d’intense expansion océanique. Elle se caractérise par un relief peu accentué dont la topographie est influencée par les variations du niveau marin. Le talus s’étend jusqu’à 2000-3000 m de profondeur sur une largeur de 20 à 40 km. Il se caractérise par une pente forte (1/20 – 1/30ième). Il reflète les différences de densité et de composition entre la croûte continentale et la croûte océanique. Le glacis constitue une zone de transition vers les plaines abyssales. Il se caractérise par des pentes plus faibles (1/100 – 1/200ième) et est recouvert par des sédiments continentaux. Des canyons sous-marins sont fréquents au niveau du talus continental, ils recoupent la marge continentale et s’étendent jusqu’aux plaines abyssales. Ils constituent le prolongement des fleuves sous le niveau de la mer. Il s’agit de zones privilégiées de transport en masse de matériel continental.

On distingue deux types de marges, les marges passives et les marges actives (Fig. 2.4). Les marges passives sont larges, non soumises à des forces de compression et donc caractérisées par l’absence d’activité sismique ou volcanique. Les marges actives subissent quant à elles des déformations suite à la convergence entre deux plaques océanique et continentale. La plaque océanique descend sous la plaque continentale moins dense et il y a formation d’une fosse.

Figure 2. 4 – Distribution des marges passives et actives – Landry & Mercier, 1992

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La figure 2.5 montre la dissymétrie des marges est et ouest de l’Océan Atlantique au niveau d’un transect entre le Sénégal et les Antilles.

Figure 2.5 – Transect W-E entre le Sénégal et les Antilles – Caron et al., 1989 Composition et structure de la croûte océanique La structure de la croûte océanique est déterminée essentiellement par des investigations

sismiques: sismique réflection ou réfraction des ondes P et S, dispersion des ondes L. Les variations latérales sont négligeables par rapport aux variations verticales, celles-ci confèrent à la croûte une stratification mise en évidence par l’évolution des ondes P.

Figure 2.6 – Structure de la croûte océanique selon la vitesse de propagation des ondes - Caron et al., 1989

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On distingue 4 couches (Fig. 2.6) :

- La couche 1 se compose de sédiments non consolidés en surface puis indurés en profondeur. Son épaisseur est nulle au niveau des rides, puis s’épaissit en s’éloignant de celles-ci pour atteindre environ 500m d’épaisseur. Elle présente des discontinuités internes correspondant aux différentes strates qui jouent un rôle de réflecteur.

- La couche 2 s’étend sur près de 1700 m d’épaisseur. Elle est caractérisée par un fort gradient

des ondes P. Sa composition est basaltique. Elle présente une surface irrégulière en contact direct avec l’eau de mer au niveau de la ride ou surmontée de sédiments.

- La couche 3 (5000m d’épaisseur) est marquée par un changement dans le gradient des vitesses

des ondes P. L’augmentation des vitesses devient plus faible avec la profondeur. Elle constitue avec la couche 2 la croûte océanique.

- La couche 4 correspond à la partie supérieure du manteau séparée de la croûte océanique sus-

jacente par la discontinuité de Moho, i.e., discontinuité sismique nette sauf au niveau des dorsales océaniques.

La lithosphère océanique comprend la partie supérieure du manteau peu déformable, elle repose

sur une zone de ralentissement des ondes P et S correspondant à l’asthénosphère située entre 50 et 250 km de profondeur selon les endroits (Fig. 2.7).

Fig. 2. 7 – Structure de la lithosphère selon la vitesse de propagation des ondes - Caron et al., 1989

Nature de la croûte Les caractéristiques de la croûte océanique sont principalement obtenues par des méthodes

indirectes. Seule la nature de la couche 1 et du sommet de la couche 2 sont connues grâce aux forages océaniques (Fig. 2.8).

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Figure 2.8 – Structure de la croûte océanique - Hamblin& Christiansen, 1995

En fait, de nombreuses hypothèses ont été émises sur la nature de la couche 3 : (1) Des arguments sont basés sur l’analyse d’échantillons dragués au niveau des failles

transformantes. Les échantillons récoltés sont des gabbros, des amphibolites ou des gabbros métamorphisés et des serpentinites1. La relation entre les roches n’est pas connue mais elles sont caractérisées par des vitesses des ondes P compatibles avec la couche 3. Les trois modèles qui ont été proposés sont présentés à la figure 2.9.

Fig. 2.9 – Modèles de composition de la croûte océanique compatible avec la vitesse de propagation des ondes – Caron et al., 1989

Composition?

(2) Des observations de panneaux océaniques anormaux ont été effectuées ponctuellement par

submersibles, par exemple le Banc de Gorrige entre le Portugal et les Açores dans l’Atlantique. A cet endroit, la lithosphère océanique a été basculée, ce qui permet l’observation en coupe de sa structure. La série montre une succession de sédiments, basaltes en coussins, gabbros recoupés par des filons avec des zones déformées où les gabbros sont transformés en amphibolites (vers 500-600°C), et des serpentinites. Selon ce modèle, les filons constitueraient la base de la couche 2, les gabbros la couche 3 et les serpentinites1 la couche 4.

1 Pour information, les serpentinites sont des roches du manteau, de composition très riche en minéraux ferro-magnésiens (roches ultrabasiques ou péridotites) qui ont été transformées, altérées au contact de l’eau de mer.

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(3) L’étude de complexes de roches volcaniques retrouvées au cœur des chaînes de montagne

(i.e., complexe ophiolitique ou roches vertes) a permis d’élaborer un troisième modèle de structure de croûte océanique. Les ophiolites sont considérées comme d’anciennes portions de lithosphère océanique actuellement incorporées à la croûte continentale au niveau des chaînes de montagne. Ces complexes s’observent ponctuellement au niveau du globe mais à différents niveaux de préservation. Les complexes ophiolitiques de Corse sont partiellement affectés par des déformation et du métamorphisme (i.e., recristallisation à l’état solide). Par contre, les ophiolites sont quasi intactes dans le sultanat d’Oman. Globalement, les complexes ophiolitiques se composent de quatre ensembles:

(a) des péridotites dans leur partie inférieure (stables à température > 900°C, pression > 5kb);

(b) un ensemble gabbroïque lité résultant du refroidissement lent d’un magma à des températures de 1200-1500°C, le litage est lié à de variations de taille et de nature des minéraux;

(c) un complexe de gabbros massifs recoupés par des filons; (d) des basaltes en coussins qui résultent du refroidissement rapide d’un magma au

contact de l’eau de mer.

L’ensemble de ces informations a permis d’élaborer un modèle pétrologique cohérent compatible avec le modèle géophysique. Il existe cependant de nombreuses variations d’une région à l’autre. Le modèle ne constitue qu’un première approximation.

Formation de la croûte Les couches 2, 3, 4 sont faites de roches basiques à ultrabasiques, mises en place au niveau des

dorsales. Des dorsales sont émergées en uniquement deux points du globe : en Islande (Atlantique Nord) et dans la région de l’Afar (NE Afrique). Le volcanisme fissural apporte à la surface des magmas tholéitiques qui par refroidissement donnent des basaltes. La formation peut s’expliquer par une diffé renciation en 2 étapes (Fig. 2.10) :

(1) une étape de fusion partielle d’un matériel mantéllique (lherzolites) est responsable de l’appauvrissement du manteau en éléments compatibles ;

(2) une seconde étape de cristallisation fractionnée du magma, les premiers minéraux s’accumulent à la base des chambres magmatiques tandis que les liquides s’injectent en filons au sommet de la chambre ou s’épanchent en surface sous forme de coulées basaltiques ou forment des roches grenues de plus en plus différenciées.

Figure 2.10a – Formation des roches magmatiques par cristallisation fractionnée - Caron et al., 1989.

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Figure 2.10b – Formation des roches magmatiques par cristallisation fractionnée. Landry & Mercier, 1990.

Morphologie e t fonctionnement des dorsales Les rides océaniques ou dorsales sont plus larges et de formes plus régulières que les montagnes

en milieu continental, avec une pente douce vers le bassin océanique. Comment peut-on expliquer cette forme ? La figure 2.11 montre la courbe de gravité à proximité d’une dorsale. Il y a peu de différences de gravité au niveau de la ride, ce qui suggère que la ride est proche de l’équilibre isostatique. Cela suppose que la partie haute de la ride est constituée de matériel moins dense. Comme ce matériel moins dense se déplace latéralement suite à l’expansion, la différence de gravité ne peut pas être expliquée par une variation de composition mais à une différence de température : les roches plus chaudes au niveau de la ride sont moins denses. Le manteau chaud se comporte comme un fluide, il remonte au niveau de la ride puis se refroidit pour constituer la plaque lithosphérique. Au fur et à mesure de l’expansion, la plaque continue à se refroidir par conduction, les températures plus froides se retrouvent plus profondément et la plaque s’épaissit. Comme la chaleur doit traverser une épaisseur importante, le gradient de température diminue et donc le flux de chaleur diminue également. Lorsque le matériel de la plaque se refroidit, il se contracte ce qui explique pourquoi la surface de la plaque s’abaisse depuis la ride.

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Figure 2.11 – Morphologie des rides médio océaniques - Khan & Mussett, 2000

La morphologie des dorsales varie selon la vitesse d’expansion (Fig. 2.12). Les dorsales lentes

(vitesse d’expansion de 0.5 à 4 cm/an) présentent une vallée axiale large (e.g., ride médio-Atlantique). Les dorsales dites rapides (> 5 cm/an) ne comportent pas de vallées axiales ou sont peu marquées (e.g., est Pacifique). Seules les dorsales rapides sont caractérisées par des chambres magmatiques. Ces chambres sont mises en évidence par une atténuation locale des ondes sismiques. Elles sont généralement larges de 4 à 5 km (voire 10 à 15 km) et se situent à 3 km sous le plancher océanique.

Au niveau des rides lentes, il n’y a pas de zone de faible vitesse décelable par investigation

sismique. De petits séismes sont observés jusqu’à près de 8 km de profondeur. Ces deux observations suggèrent qu’il n’y a pas de chambre magmatique permanente sous les rides lentes. Le magma serait injecté directement depuis le manteau. La présence d’anomalies de gravité suggère qu’il y aurait plutôt une accumulation temporaire dans des zones peu étendues. Au contraire, au niveau des rides rapides, un réflecteur important, proche de l’horizontal est décelé à 1-2 km sous la ride. Cette forte réflexion suggère la présence d’un fluide. La présence d’un fluide et le ralentissement des vitesses de propagation des ondes sismiques révèlent la présence d’une chambre magmatique permanente.

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Figure 2.12 – Présence d’une chambre magmatique ou non sous les rides médio-océaniques selon leur vitesse d’expansion - Khan & Mussett, 2000

Un modèle de fonctionnement des dorsales avec chambre magmatique est schématisé à la figure

2.13. La chambre magmatique se caractérise par une zonation thermique verticale (i.e, refroidissement vers la surface) et horizontale (i.e., refroidissement à partir de l’axe de la dorsale). Près des parois de la chambre, il y a cristallisation des minéraux. La température diminue et le pourcentage de cristallisation augmente au fur et à mesure que l’on s’écarte de l’axe de la chambre. Les liquides différenciés sont injectés dans les fissures du toit de la chambre. Il y a formation de gabbros au toit et de cumulats à olivines à la base selon le principe de la cristallisation fractionnée. Il y aurait des brassages dus aux différences de températures. La chambre serait alimentée successivement, ce qui permettrait de maintenir son fonctionnement au fur et à mesure de l’extension et du refroidissements des parois.

Ce modèle n’explique cependant pas toutes les situations: - les failles transformantes joueraient un rôle dans la modifications de la structure thermique et

de la direction d’écoulement ; - des chambres magmatiques non permanentes et plus étroites (1-2 km) sont observées au

niveau de dorsales lentes ; - l’activité magmatique évolue le long de l’axe de la dorsale…

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Figure 2.13 – Fonctionnement d’une chambre magmatique – Caron et al., 1989

Pour résumer la lithosphère océanique se forme à l’axe des dorsales. - Sa stratification horizontale identique aux ophiolites résulte d’une activité magmatique en deux

étapes, avec fusion partie lle à faible profondeur (20-30 km) d’un manteau de composition péridotitique puis d’une cristallisation fractionnée du magma (tholéitique) produit dans la chambre magmatique. Globalement il y a une production de 20 km3/an de nouvelle croûte océanique le long des dorsales (3 km3 de basaltes, 17 km3 de gabbros).

- La lithosphère est chimiquement et pétrologiquement hétérogène mais mécaniquement homogène. Elle est plus rigide que l’asthénosphère sous-jacente et ne se déforme qu’au niveau des dorsales. Les variations latérales sont mineures, elles résultent uniquement des évolutions post-magmatiques des fonds océaniques liées à la tectonique des plaques.

Figure 2.14 – Modèle de fonctionnement des océans selon la théorie de la tectonique des plaques- Caron et al., 1989