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Deuxième conférence nationale médicale inter-fédérale CNOSF Paris, les 25 et 26 novembre 2005 25 2 ème Table ronde Intervenants Mme Marie-Carol PARUIT : Modératrice : Pédiatre Service de médecine du sport-CHU Saint Jacques de Nantes « Dépistage et prise en charge des risques de l’entraînement intenesif chez l’enfant » Mr Pierre LASCOMBES : Professeur des universités; Chirurgien orthopédiste pédiatre-Hôpital d’Enfants CHU de Brabois de Nancy « Surmenage ostéo-articulaire et entraînement intensif chez l’enfant » Mr Michel BINDER : Pédiatre orthopédiste et médecin du sport de l’enfant et de l’adolescent- Clinique du Sport de Paris « Prise en compte de la spécificité de l’enfant dans son suivi médico-sportif »

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Paris, les 25 et 26 novembre 2005 25

2ème Table ronde

Intervenants

Mme Marie-Carol PARUIT : Modératrice : Pédiatre Service de médecine du sport-CHU Saint Jacques de Nantes

« Dépistage et prise en charge des risques de l’entraînement intenesif chez l’enfant »

Mr Pierre LASCOMBES : Professeur des universités; Chirurgien orthopédiste pédiatre-Hôpital d’Enfants CHU de Brabois de Nancy

« Surmenage ostéo-articulaire et entraînement intensif chez l’enfant »

Mr Michel BINDER : Pédiatre orthopédiste et médecin du sport de l’enfant et de l’adolescent-Clinique du Sport de Paris

« Prise en compte de la spécificité de l’enfant dans son suivi médico-sportif »

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Le suivi pédiatrique

Marie-Carol PARUIT

D’après le CNOSF, la moitié des licenciés sont des jeunes. Actuellement les sélections s’effectuent de plus en plus précocement et les plans d’entraînement ne sont pas adaptés aux plus petites catégories d’âge.

1 ère intervention

Michel BINDER : Prise en compte de la spécificité de l'enfant dans son suivi médico-sportif

Il faut tenir compte de la spécificité de l’enfant, car son organisme est en croissance. Il faut donc rappeler cinq principes. Premièrement, l’enfant est un « petit d’homme » et non un « petit homme ». Deuxièmement, la motivation doit être la première condition à la pratique du sport. Troisièmement, la douleur est le premier facteur limitant du geste sportif. Quatrièmement, les contre-indications absolues à la pratique du sport doivent être exceptionnelles. Cinquièmement, le sport « hors limite » est mauvais pour la santé. Le surentraînement fatigue l’organisme. Il faut noter qu’il en est de même pour la paresse. Le sport libre ou encadré doit faire partie des rythmes de vie, au même titre que le repos et l’alimentation.

La spécificité de l’enfant

Il faut d’abord tenir compte de la croissance de l’enfant. Il faut distinguer l’âge réel, l’âge statural et l’âge osseux. La maturation osseuse conditionne la puberté et la taille adulte. Il faut donc la connaître pour surveiller la croissance de l’organisme et pour connaître le réel potentiel physique de l’enfant. Un enfant en retard de maturation osseuse devrait d’ailleurs être sous-classé, ce qui n’est réglementairement pas prévu.

Il faut également tenir compte du développement psychomoteur. Le développement comprend quatre périodes charnières. Entre deux et six ans, seul un éveil sportif peut être pratiqué. Il s’agit d’une éducation motrice qui se fait par le plaisir et le jeu et qui est orientée vers l’accompagnement psychomoteur et la stimulation psychomotrice. Entre six et sept ans, le schéma corporel se met en place. L’enfant apprend à maîtriser sa condition physique (contrôle postural, latéralité, équilibre, orientation, anticipation…). Il peut s’initier au sport. De sept à douze ans, l’enfant peut passer de l’initiation au perfectionnement et à la compétition. Enfin, de treize à quinze ans, la croissance est rapide. L’exigence de performance augmente. L’adolescent est en opposition avec ses parents et avec l’entraîneur. Si la période est mal gérée, elle peut conduire à une démotivation et un abandon de la pratique sportive.

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Par ailleurs, il faut tenir compte du statut psychologique de l’enfant. Ce dernier peut être agressif, timide, angoissé… Il est vulnérable et influençable. Son libre arbitre est flottant. Comme l’enfant ne distingue pas le « bien fait » du « mal fait », l’encadrement doit l’aider objectivement. Le statut psychologique de l’enfant peut avoir des conséquences négatives (démotivation, relations avec l’entraîneur et avec les parents, recherche d’honneurs à tout prix) ou positives (valorisation, culte de l’effort et de la persévérance, accélération du processus de prise de décision, affirmation de soi, extériorisation, canalisation de l’agressivité, respect des règles, fair-play, facteur de socialisation).

Il faut également prendre en compte la situation énergétique. Les besoins énergétiques sont accrus du fait de l’activité physique et de la croissance. Les voies de mobilisation énergétique sont différentes de l’adulte, puisque l’adaptation à l’effort anaérobique lactique est tardive. L’endurance doit être la base de tout entraînement physique chez l’enfant.

Enfin, il faut prendre en compte les cartilages de croissance. La sur sollicitation peut entraîner une pathologie aiguë ou chronique. Les enfants n’ont qu’exceptionnellement des tendinites, des entorses ou des déchirures musculaires, mais plus certainement

Ostéochondroses apophysaires décollements épiphysaires

et des arrachements apophysaires, c’est-à-dire une souffrance du cartilage, point d’insertion du tendon ou du ligament. Ils peuvent également avoir des ostéochondroses des vertébrales (maladie de Scheuerman),

Ostéochondrose du genou ostéochondroses jugales

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Ostéochondroses articulaires vertébrales

Le rôle du médecin

Le médecin doit encourager sans contraindre, dépister une pathologie préexistante, juger de l’aptitude avec rigueur et nuance, adapter le rythme, l’intensité et le type de sport aux possibilités, ajuster des traitements, remettre en cause les contre-indications abusives ou injustifiées et enfin, éventuellement, freiner et moduler avant d’être contraint d’interdire. L’interdiction est toujours un échec de l’ensemble des intervenants. Le médecin doit également observer l’enfant en tenant compte des entraînements encadrés et des activités libres. Différents points doivent être surveillés :

• la croissance (le sport ne rend pas petit, mais ralentit la croissance) ;

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• l’alimentation, qui doit être suffisante (le goûter est important, car les entraînements ont

souvent lieu en soirée) ; • les signes de souffrance (la douleur est toujours un signe d’alarme et l’enfant doit apprendre à la

comprendre, à l’exprimer et à la respecter) ; • les signes de surmenage (qui n’est pas lié à un nombre d’heures, mais à une perturbation d’un

des facteurs de l’équilibre général

Par ailleurs, le médecin doit conseiller l’enfant, lui apprendre à s’échauffer et à respecter ses rythmes. Il doit prévenir contre les conduites addictives. Sur ce point, il faut noter que la prescription de vitamines est un premier pas vers le dopage si le lien est fait avec la réussite sportive. A noter que l’enfant est désormais responsable des produits qu’il prend.

En conclusion, une question se pose : tous les enfants peuvent-ils faire du sport ? Deux cas se présentent.

Si l’enfant n’a pas de problème de santé, il peut faire du sport. S’il n’en fait pas, il faut l’y inciter sans le forcer. Il ne faut pas accepter les contre-indications injustifiées qui éloignent abusivement l’enfant du stade.

Si l’enfant a des problèmes de santé, il peut également faire du sport, mais il faut être vigilant et adapter l’activité à ses capacités. S’il ne fait pas de sport, il faut trouver une activité appropriée et le sortir du ghetto des pseudos handicapés du sport.

2ème intervention

Marie-Carol PARUIT : Dépistage et prise en charge des risques de l'entraînement intensif chez l'enfant

L’entraînement intensif entraîne des risques spécifiques pour chaque catégorie d’âge. Les risques doivent être bien connus pour être dépistés efficacement et dépistés par un suivi médical régulier adapté.

LA NOTION D’ENTRAINEMENT INTENSIF :

Dans la littérature, les durées d’entraînement intensif sont variables d’une étude à l’autre. Sur le plan pratique, on peut proposer la définition retenue par l’ensemble des experts réunis à l’occasion de l’étude sur les risques de l’entraînement intensif :

- plus de 10 heures par semaine d’entraînement pour les enfants de plus de 10 ans,

- plus de 6 heures d’entraînement par semaine pour les moins de 10 ans.

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Officiellement, la population concernée par l’entraînement intensif (INSEP, pôles, centres de formation) est de 5 000 enfants, mais cela ne comprend pas les pratiques intensives en famille et en club. Ces derniers ne sont d’ailleurs pas informés des risques liés à l’entraînement intensif.

Les risques

Les risques liés à l’entraînement intensif sont bien connus. Dès 1981, l’Académie de médecine avait signalé un certain nombre de risques traumatiques, addictifs, le retentissement sur la croissance et le risque sur le dopage. En 2000, la revue Pediatrics a publié une étude sur les risques et établit six recommandations.

Nous constatons en consultation de Médecine du Sport l’augmentation importante des pathologies liées à l’entraînement intensif. La loi oblige à un dépistage et un suivi pour les sujets sélectionnés mais l’ensemble des enfants soumis à un entraînement intensif n’en bénéficient pas. Les compétitions s’effectuent de plus en plus précocement, ce qui majore le risque de retentissement sur la croissance et les noyaux d’ossification. Nous ne disposons pas d’étude sur la poly traumatologie en pratique sportive. Il n’y a pas pour l’instant d’épidémiologie des risques de l’entraînement intensif.

Pour certains auteurs, la frontière entre l’ESI et la maltraitance est floue. Les signalements effectués dans un cadre sportif n’ont pas toujours été suivis des faits par méconnaissance des institutions par rapport au fonctionnement du milieu sportif.

La question de l’entraînement abusif doit être prise en compte. Un entraînement est abusif s’il entraîne un retentissement clinique ou scolaire. Les fédérations devraient établir des normes physiologiques claires par âge car on a vu des enfants de 9 ans obligés de faire 100km en cyclo tourisme en famille.

J’ai assuré la coordination des réunions d’experts pour une étude sur les risques de l’entraînement intensif de l’enfant sportif, ce qui a permis de lister les problèmes de prise en charge :

• risques traumatiques (ostéochondroses, technopathies, lésions musculaires, atteintes ligamentaires et méniscales, fractures de fatigue). On déplore les délais de prise en charge et l’inégalité des schémas thérapeutiques.

• risques de retentissements sur la croissance. On constate un retard diagnostic anormal des cassures de courbe et un manque de rigueur dans le suivi staturo pondéral et morphologique.

• carences nutritionnelles (les besoins d’un enfant sédentaire ne sont pas les mêmes que ceux d’un enfant sportif). L’AFSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) a publié à la demande du Ministère des Sports, un guide sur les apports nutritionnels conseillés de l’enfant sportif. La restauration collective pose le problème de l’absence d’application de ces recommandations ne permettant pas la possibilité d’apports complémentaires et de collation.

• Les risques psychologiques doivent être mieux dépistés (stress, burn-out, syndromes dépressifs…, troubles des conduites alimentaires et troubles du comportement).

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La loi mise ne place en 2004 pour le suivi des jeunes sportifs permet un dépistage des différents risques de l’entraînement intensif avant entrée en structure. Il faut que ce dépistage soit couplé à une surveillance rigoureuse de l’entraînement intensif en collaboration avec l’équipe d’entraîneurs.

En conclusion, les risques de l’entraînement intensif existent, mais il est possible de les prévenir. Le dépistage doit être systématique et adapté à l’âge (par exemple pour les ostéochondroses : Sever entre 8 et 10 ans, Osgood de 12 à 14 ans et Scheuermann à 15 ans).

OstOstééochondrosesochondrosesSEVER OSGOOD

80 80 àà 90 % 90 % 54 %54 %

boursiers de Ligue tennisboursiers de Ligue tennis(2000 M(2000 Méémoire Vitet)moire Vitet)

DISPARITE D INAPTITUDEDISPARITE D INAPTITUDE

Ensuite, il faut tenir compte des contre-indications spécifiques à l’entraînement intensif (limitations physiologiques, malformations). La recherche étiologique des douleurs est essentielle dans le suivi et la prévention des risques de l’entraînement intensif.

Douleurs et SouffranceDouleurs et Souffrance

Etude de Score 2005Etude de Score 20056 mois6 mois69 jours69 jours6 jours 6 jours àà 55 1

12 23 34 45 56 67 78 89

100 boilevin

0

2

4

6

8

fréquencescore

score douleur

Enfin, la prise en charge des risques de l’ESI impose un consensus pour la terminologie et les modalités de suivi des enfants soumis à un risque d’entraînement intensif.

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3ème intervention

Pierre LASCOMBES : Surmenage ostéo-articulaire et entraînement intensif chez l'enfant

Cet exposé portera sur la physe, c’est-à-dire sur la plaque de croissance, autrefois appelée cartilage de conjugaison. Cette physe assure l’allongement de l’os durant la croissance et disparaît à la fin de l’adolescence. La physe est beaucoup plus fragile que les structures fibreuses ligamentaires capsulaires. Cela explique l’importance du risque d’épiphysiodèse, c’est-à-dire de soudure de l’épiphyse, chez l’enfant (genou du sauteur, poignet du gymnaste…). Cette soudure empêche la croissance.

LA PHYSE

PHYSE & EPIPHYSE

Un risque =Epiphysiodèse

Gardien de but

La zone de croissance existe également au niveau des apophyses, pour lesquelles il existe un risque d’ostéochondrose apophysaire. Cette dernière peut être diagnostiquée par élimination. Il faut s’assurer que la douleur se trouve sur la saillie osseuse et qu’elle est purement mécanique, non nocturne et non spontanée. La radiographie ne permet pas de la repérer.

Maladie de Sever : calcanéum

Ossification vers 8 ansÂge = 9 – 10 ansMarche sur la pointe

du pied

RX = éliminationTt = talon Visco Heel

et « repos »

14 à 16 ans

15 15 àà 16 ans16 ans

12 12 àà 14 ans14 ans

12 12 àà 16 ans16 ans

12 12 àà 15 ans15 ans

Arrachements apophysaires

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Les ostéochondroses du calcanéum, de la tubérosité tibiale antérieure… sont bien connus. Il s’agit d’une traction tendineuse qui ne peut pas apparaître avant l’ossification de l’apophyse et qui ne peut plus exister après la soudure de la plaque de croissance. Les créneaux d’âge sont très précis.

Il faut également évoquer les arrachements apophysaires, les fractures de fatigue dont la spondylolyse L5. Cette dernière touche 6 % de la population totale, mais 33 % des gymnastes et 63 % des plongeurs. Enfin, il faut rappeler le risque d’ostéochondrite disséquante, qui porte sur le sommet de l’épiphyse, c’est-à-dire sur la physe « épiphyso-articulaire ».

Spondylolyse L5 : 6 % de la population33% des gymnastes, 63% des plongeurs

La Physe « épiphyso-articulaire »

Ostéochondrite disséquante

« little league elbow – pitcher » : adolescents

König : 1887

Une fois que le diagnostic est affirmé, le choix du traitement reste à effectuer.

Quoi qu’il en soit, le surmenage ostéo-articulaire est propre à chaque individu. Chacun a son niveau de tolérance. L’os peut souffrir, mais la physe cartilagineuse est plus fragile, ce qui entraîne des risques d’arrachement, d’épiphysiodèse et d’ostéochondrite disséquante.

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Questions – Réponses avec l’amphithéâtre

Éric JOUSSELIN

Compte tenu des risques liés à l’entraînement sportif chez les enfants, il est regrettable que l’on recrute les sportifs de plus en plus jeunes et qu’on les entraîne de plus en plus intensément sous prétexte que l’un de ces jeunes sera peut-être un champion. Il est inquiétant de constater que peu de fédérations luttent efficacement contre ce phénomène. Il faudrait faire une étude afin de connaître ce que deviennent réellement les jeunes licenciés des fédérations.

Marie-Carol PARUIT

Des études épidémiologiques sont réalisées, mais elles ne sont pas forcément connues. Il est important que ces données épidémiologiques soient connues de l’ensemble des équipes médicales et des équipes techniques pour assurer une prévention efficace.

Michel BINDER

Le praticien doit, prioritairement défendre, face aux entraîneurs, l’intérêt de l’enfant. Le médecin doit être suffisamment persuasif vis-à-vis de l’entraîneur. En gymnastique, le problème du surentrainement se pose surtout chez les filles, qui s’entraînent plus tôt et qui ne disposent pas des ressources pour exprimer son désaccord à l’entraîneur.

Elèna MACHET médecin à Lyon

Le diagnostic est parfois difficile à effectuer, car il n’est pas possible de voir l’enfant seul.

Michel BINDER

Il est difficile de voir l’enfant seul. Néanmoins, lors d’une consultation, il faut s’adresser à l’enfant et l écouter quitte à interrompre les parents et Il faut également apprendre à l’enfant à exprimer ses douleurs.

Marie-Carol PARUIT

Il faut noter que sur les pôles, les enfants sont examinés seuls. Il est utile d’avoir des informations émanant du terrain de la part des entraîneurs. Il faut apprendre aux enfants à évaluer correctement les signes fonctionnels et à les signaler en temps utile.

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Frédéric DEPIESSE, médecin conseiller de la DRDJSVA de Midi-Pyrénées, médecin fédéral FFA

Les médecins doivent s’investir dans les formations d’éducateurs sportifs et dans les formations fédérales. Les éducateurs doivent en effet avoir une information médicale, surtout dans les sports tels que le tennis où l’entraînement peut être précoce.

Concernant la récupération de la taille adulte, les gymnastes arrêtaient leurs activités assez jeunes, ce qui leur permettait de poursuivre leur croissance. Maintenant, elles se dirigent vers l’aérobic et continuent l’entraînement intensif. Cela pose-t-il problème ?

Michel BINDER

La récupération de la taille n’est pas liée à une accélération de la vitesse de croissance, mais à une prolongation de la croissance au-delà de l’âge habituel de l’obtention de la taille adulte.

Un médecin d’une fédération

Je souhaite formuler deux remarques. Premièrement, au niveau fédéral, les médecins ont une tâche réglementaire. Ils peuvent intervenir par exemple sur le cumul de matchs le week-end et sur le surclassement. Ils ne sont donc pas soumis au pouvoir des entraîneurs. Deuxièmement, les problèmes ne sont pas si fréquents. Les Osgood-Schlatter sont rares et ne sont pas une cause de handicap à l’âge adulte ou d’arrêt de carrière. Néanmoins, il faut développer les enquêtes épidémiologiques sur ces problèmes et informer les praticiens. En outre, il faut développer le consensus pour pouvoir imposer les décisions médicales aux instances fédérales.

Pierre ROCHCONGAR

Existe-t-il des enquêtes épidémiologiques montrant l’incidence de certaines lésions cartilagineuses en fonction de la pratique sportive par rapport à des groupes témoins ?

Pierre LASCOMBES

Je n’ai pas la réponse précise. Quoi qu’il en soit, il faut expliquer aux parents et aux enfants qu’ils doivent prendre en compte la douleur. L’enfant doit s’arrêter avant d’avoir mal.

Michel BINDER

Il est difficile de connaître la l’activité sportive réelle d’un enfant, car il a souvent des activités en dehors des clubs.

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Paris, les 25 et 26 novembre 2005 37

Michel RIEU

L’Académie de médecine avait publié un rapport en 1981. La situation n’a pas changé. Que pensez-vous du rapport de la défenseure des enfants, Claire Brisset, qui vient d’être publié à la Documentation française ?

Marie-Carol PARUIT

L’Académie de Médecine avait signalé un certain nombre de risques de l’entraînement intensif qui ont été complétés par les études ultérieures. Pour ma part, la situation a considérablement changé avec la mise en place de la loi de 2004, les réunions d’experts sur les différents risques, la mise en place de la commission Sport et Enfant au sein des sociétés savantes (Société Française de Pédiatrie et Société Française de Médecine du Sport).

En ce qui concerne le rapport de Madame Claire BRISSET, défenseure des enfants, j’ai été convoquée comme un certain nombre de confrères Médecins du Sport pour compléter l’enquête sur ce thème en 2004. Je l’avais initialement contactée en 2000 pour répertorier les cas de maltraitance en sport. A cette époque, elle ne disposait pas d’informations sur l’entraînement intensif et n’avait répertorié que de rares cas de sévices sexuels. Dans son dernier rapport, nous retrouvons les signalements effectués par les médecins du sport.

Michel RIEU

Les fédérations devraient mettre en place des directeurs médicaux nationaux. Ceux-ci auraient en charge la politique médicale des fédérations.

Par ailleurs, la sédentarité et l’obésité ont une prévalence plus importante que les risques liés à l’entraînement intensif. Il n’en demeure pas moins que l’entraînement intensif est un problème.

Marie-Carol PARUIT

C’est la raison pour laquelle il faut établir des recommandations compatibles avec les différents risques, sédentarité ou entraînement intensif. Il faut éviter les incohérences actuelles: la suppression de la collation du matin permet de lutter contre l’obésité, mais elle entraîne des carences chez les jeunes sportifs.