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Évolution des modes de vie et qualité de vie 3. Choix de vie et environnement urbain 3.1 Des conditions de logement moins attrayantes pour les franciliens Amélioration des conditions de vie, aspirations au confort, à l’espace, à la propriété, à la maison individuelle, mais un ralentissement sur la période récente… Lente progression des conditions de logement en France depuis vingt ans 1984 2002 Surface des logements 82 m 2 90 m 2 Nombre de pièces 3,8 4 Surface par personne 31 m 2 37 m 2 Surface des maisons individuelles 96 m 2 108 m 2 Proportion des maisons individuelles 54 % 56,6 % Source : enquêtes logement, INSEE Signe de l’amélioration continue des conditions de vie matérielles, la taille des logements poursuit sa progression quoique de manière ralentie 7 . Elle est ainsi passée de 82 m 2 en 1984 à 90 m 2 en 2002 et de 3,8 à 4 pièces. La surface par personne s’est également élevée de 31 à 37 m 2 . Toutefois cette progression concerne uniquement les maisons individuelles dont la surface s’est élevée de 96 à 108 m 2 et de 4,4 à 4,8 pièces. En revanche, la taille des appartements a stagné, demeurant à 65 m 2 pour 3 pièces en moyenne. La taille des appartements construits depuis 1982 a même diminué, pour se stabiliser à 60 m 2 depuis 1993 8 . La proportion de maisons individuelles a légèrement progressé, de 54 à 56,6 %, car elles représentent une part plus substantielle de la construction depuis 1997 (62,2 %). L’importance relative du flux de construction de maisons individuelles a fortement varié selon l’époque de construction. Très important avant 1948, il a fortement baissé entre 1948 et 1974 où la priorité était donnée à la construction de logements collectifs, pour se stabiliser autour de 60 % de la construction depuis 1975, retrouvant son poids relatif d’avant-guerre. L’augmentation de la taille des logements s’est poursuivie bien que la taille des ménages ait diminué linéairement, de 3,19 en 1954 à 2,4 en 1999. Toutefois, en dépit de cette amélioration globale, et outre le fait que la taille des appartements construits récemment diminue, la proportion de logements suroccupés reste stable, autour de 10 % en 2002. Cette proportion est beaucoup plus élevée dans l’habitat collectif, où elle atteint 20 %, et pour les jeunes ménages (18-29 ans), pour lesquels elle est de 28,7% 9 . Il demeure quelques logements inconfortables essentiellement construits avant 1948. 7 Enquêtes Logement, INSEE, in « De plus en plus de maisons individuelles », Alain Jacquot, INSEE première, n°885, Février 2003. 8 C’était aussi ce que soulignait l’intervention de Christian ROLLOY, PROMOGIM, au séminaire « Modes de vie et habitat » co-organisé par la DREIF et la DRAST en Janvier 2003. Il est frappant de constater un double mouvement inverse de progression continue de la taille des maisons individuelles et de diminution de la taille des appartements depuis 1982, ce qui constitue une inversion de tendance. 9 La définition de la suroccupation utilisée par l’INSEE inclut toutefois les personnes seules logées dans un studio. La véritable suroccupation concerne surtout les familles nombreuses (5 personnes et plus) dont une partie, à Paris notamment, est logée dans de petits logements, en raison du niveau élevé des loyers privés et de l’insuffisance d’un parc adapté dans le logement social. 19

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Évolution des modes de vie et qualité de vie

3. Choix de vie et environnement urbain

3.1 Des conditions de logement moins attrayantes pour les franciliens

Amélioration des conditions de vie, aspirations au confort, à l’espace, à la propriété, à la maison individuelle, mais un ralentissement sur la période récente… Lente progression des conditions de logement en France depuis vingt ans 1984 2002 Surface des logements 82 m2 90 m2

Nombre de pièces 3,8 4 Surface par personne 31 m2 37 m2

Surface des maisons individuelles 96 m2 108 m2

Proportion des maisons individuelles 54 % 56,6 % Source : enquêtes logement, INSEE Signe de l’amélioration continue des conditions de vie matérielles, la taille des logements poursuit sa progression quoique de manière ralentie7. Elle est ainsi passée de 82 m2 en 1984 à 90 m2 en 2002 et de 3,8 à 4 pièces. La surface par personne s’est également élevée de 31 à 37 m2. Toutefois cette progression concerne uniquement les maisons individuelles dont la surface s’est élevée de 96 à 108 m2 et de 4,4 à 4,8 pièces. En revanche, la taille des appartements a stagné, demeurant à 65 m2 pour 3 pièces en moyenne. La taille des appartements construits depuis 1982 a même diminué, pour se stabiliser à 60 m2 depuis 19938. La proportion de maisons individuelles a légèrement progressé, de 54 à 56,6 %, car elles représentent une part plus substantielle de la construction depuis 1997 (62,2 %). L’importance relative du flux de construction de maisons individuelles a fortement varié selon l’époque de construction. Très important avant 1948, il a fortement baissé entre 1948 et 1974 où la priorité était donnée à la construction de logements collectifs, pour se stabiliser autour de 60 % de la construction depuis 1975, retrouvant son poids relatif d’avant-guerre. L’augmentation de la taille des logements s’est poursuivie bien que la taille des ménages ait diminué linéairement, de 3,19 en 1954 à 2,4 en 1999. Toutefois, en dépit de cette amélioration globale, et outre le fait que la taille des appartements construits récemment diminue, la proportion de logements suroccupés reste stable, autour de 10 % en 2002. Cette proportion est beaucoup plus élevée dans l’habitat collectif, où elle atteint 20 %, et pour les jeunes ménages (18-29 ans), pour lesquels elle est de 28,7%9. Il demeure quelques logements inconfortables essentiellement construits avant 1948.

7 Enquêtes Logement, INSEE, in « De plus en plus de maisons individuelles », Alain Jacquot, INSEE première, n°885, Février 2003. 8 C’était aussi ce que soulignait l’intervention de Christian ROLLOY, PROMOGIM, au séminaire « Modes de vie et habitat » co-organisé par la DREIF et la DRAST en Janvier 2003. Il est frappant de constater un double mouvement inverse de progression continue de la taille des maisons individuelles et de diminution de la taille des appartements depuis 1982, ce qui constitue une inversion de tendance. 9 La définition de la suroccupation utilisée par l’INSEE inclut toutefois les personnes seules logées dans un studio. La véritable suroccupation concerne surtout les familles nombreuses (5 personnes et plus) dont une partie, à Paris notamment, est logée dans de petits logements, en raison du niveau élevé des loyers privés et de l’insuffisance d’un parc adapté dans le logement social.

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Progression de la propriété chez les plus âgés, régression chez les plus jeunes Age de la personne de référence Part des ménages propriétaires (%)

1982 1990 1999 Moins de 30 ans 16,2 15,3 10,5 De 30 à 39 ans 45,3 46,2 39,8 De 40 à 49 ans 58,8 61,4 58,5 De 50 à 59 ans 62,2 66,7 66,7 De 60 à 74 ans 62,1 68,8 72,8 75 ans ou plus 54 59,2 64,8 ENSEMBLE 50,7 54,4 54,7 Source : INSEE, RGP 1982-90-99 La diffusion de l’accession à la propriété s’est poursuivie à un rythme ralenti10. Après avoir progressé de 50,7 % en 1982 à 54,4 % en 1990, le taux de propriétaires s’est stabilisé (54,7 % en 1999). Il a poursuivi sa progression parmi les générations plus âgées (de 62 à 73 % pour les ménages dont la personne de référence a entre 60 et 75 ans) et a diminué parmi les jeunes générations (de 16,2 à 10,5 % pour les moins de 30 ans, de 45,3 à 39,8 % pour les ménages entre trente et quarante ans). De plus, l’accession à la propriété devient plus sélective : ainsi, l’apport personnel des accédants de 1993 à 1996 représentait 40 % du montant de l’acquisition, contre 30 % huit ans auparavant11. Les facteurs pouvant contribuer au ralentissement de l’accession à la propriété sont notamment un accroissement des incertitudes diminuant l’horizon de visibilité à long terme et pouvant dissuader l’engagement dans un projet immobilier, liées à une stabilisation professionnelle plus tardive, un environnement économique plus incertain induisant un marché du travail plus précaire, des ruptures conjugales plus fréquentes et plus précoces, mais aussi une transmission plus tardive des patrimoines familiaux en raison de l’accroissement de l’espérance de vie, qui peuvent entraîner l’apparition de nouveaux modes de vie, plus « nomades », axés sur la recherche de flexibilité et qui se traduisent par une préférence pour la location. Enfin, dernier signe de l’amélioration des conditions de logement, il y avait en 1999 plus de 2,9 millions de résidences secondaires. L’amélioration des conditions de logement correspond aux aspirations des ménages, ainsi que l’accession à la propriété. Ainsi, 61 % des candidats au déménagement souhaitent avoir un logement plus grand, 42 % de ceux qui résident en appartement vivre en maison individuelle, et 41 % des locataires devenir propriétaires. Le souhait d’être propriétaire s’est renforcé depuis 1996, où il concernait 32 % seulement des locataires12.

10 Portrait de la France, recensement de 1999, INSEE. 11 « Accession à la propriété : le régime de croisière ? », n° 718, juin 2000. 12 On avance généralement différentes explications à cette évolution, comme la difficulté de se loger dans des conditions acceptables et à un prix accessible dans le parc locatif (hausse des loyers privés, forte demande, difficultés d’accès au parc social, rejet de certains quartiers…) ou le souhait de se constituer un patrimoine de précaution (défiance à l’égard de la Bourse entraînant un repli sur la pierre, craintes pour les retraites…).

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Satisfaction à l’égard des conditions de logement selon le statut d’occupation et le type de logement

Propriétaire Locataire en logement social

Individuel Collectif

Taux de satisfaction (%)

85 56 81 66

Source : ENL 2002 Ces aspirations se reflètent dans le degré de satisfaction des ménages à l’égard de leurs conditions de logement. 81 % des occupants de maison individuelle et 85 % des propriétaires sont satisfaits de leur logement en 2002, contre 66 % des occupants de logements collectifs et 56 % des locataires en logement social, par exemple. …mais des modes de vie plus urbains en Ile-de-France… Ile-de-France France métropolitaine Taux de logements de moins de deux pièces 34,3 % 21,9 % Taux de logements de cinq pièces ou plus 18,7 % 28,6 % Taux de logements collectifs 73 % 44 % Taux de locataires 51 % 40,7 % Taux de mobilité intercensitaire 54 % 50 % Taux de résidences secondaires 1,7 % 9,2 % Source : RGP 1999

3.2 Des modes de vie plus « urbains » en Ile-de-France

L’Ile-de-France se caractérise par des modes de vie plus urbains, qui se reflètent notamment dans la structure du parc immobilier. Ainsi, les logements sont de plus petite taille : 34,3 % des logements ont moins de deux pièces, contre 21,9 % en France métropolitaine, et 18,7 % seulement des logements ont cinq pièces ou plus, contre 28,6 % en France métropolitaine. L’habitat est majoritairement collectif (73 % des logements contre 44 % pour l’ensemble de la France). Le taux de locataires (51 %) est nettement plus élevé qu’en France entière (40,7 %). Le taux de résidences secondaires y est nettement plus faible qu’en France : 86 633 résidences secondaires, soit 1,7 % du parc de logements, contre 9,2 % du parc pour la France entière. Les franciliens sont aussi plus mobiles : 54 % de la population francilienne a déménagé au moins une fois entre les deux derniers recensements, contre 50 % en France13. Ce niveau plus élevé de mobilité est lié à la jeunesse relative de la population francilienne ainsi qu’au rôle prépondérant du parc locatif. La mobilité résidentielle diminue en effet avec l’âge. 93 % des ménages de moins de 30 ans ont changé de logement entre 1990 et 1999, contre 44 % pour les 40-60 ans, et 15 % pour les ménages de plus de 75 ans. De même, les locataires sont plus mobiles que les propriétaires : 63 % des locataires en 1999 ont changé de logement entre 1990 et 1999, contre 38 % pour les propriétaires. L’Ile-de-France accueille une population mobile importante de jeunes, de cadres et de célibataires. En considérant les seuls emménagés récents14, on constate que 56 % des

13 INSEE Ile-de-France, Regards, Les déménagements en Ile-de-France, n°51, Juin 2001 14 Personnes emménagées depuis moins d’un an au moment du recensement.

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ménages mobiles franciliens sont célibataires, alors que ces derniers ne représentent que 31 % des ménages franciliens. Ils ont en moyenne 36 ans. Le parc locatif privé de petite taille du centre de l’agglomération (Paris et communes limitrophes) joue un rôle d’accueil spécifique pour les nouveaux arrivants dans la région. Le parc privé accueille ainsi 52 % des ménages mobiles, alors qu’il ne représente que 28 % du parc francilien de résidences principales. En raison de la structure de son parc, Paris capte plus de 30 % de la mobilité régionale, le taux de mobilité s’y élevant à 17 %. Il ne faudrait pas croire toutefois à une mobilité quasi-généralisée. La proximité de la famille joue un rôle décisif dans les comportements résidentiels en début de cycle de vie. Une enquête15 réalisée auprès de jeunes franciliens d’origine au sujet de leur premier logement autonome révèle ainsi que 32 % d’entre eux se sont installés dans la même commune que leurs parents, et 65 % d’entre eux à moins de 10 kilomètres. D’autre part, le suivi des individus du Panel Européen des ménages16 (1994-96), qui fournit des indications sur les motivations ex post des déménagements, met en évidence une opposition entre les mobilités de longue distance, pour lesquelles les raisons professionnelles prévalent, et les mobilités de courtes distances, où les arguments liés au logement, aux évènements familiaux et au cadre de vie l’emportent. Trois quarts des ménages ayant déménagé au sein de la même commune invoquent des raisons liées au logement, contre seulement un tiers de ceux qui ont changé de commune. Le fait d’être propriétaire de sa résidence principale réduit la mobilité, ce qui peut induire une limitation des perspectives professionnelles et la constitution de marchés locaux de l’emploi. Le taux de migration annuel s’élevait ainsi à 1,4 % pour les propriétaires en 1995-96, pour 9,1 % pour les locataires d’un logement privé. De même, le niveau de diplôme et la dynamique de la situation financière constituent des facteurs très favorables à la mobilité résidentielle, qui permettent de comprendre pourquoi le niveau de mobilité est plus élevé en Ile-de-France, compte tenu de la structure de sa population.

3.3 Les franciliens compensent une qualité de vie médiocre par des séjours alternés en province ou à l’étranger

Ile-de-France France entière Taux de seniors franciliens détenteurs d’une résidence secondaire 40 % 17 %

Taux de départs en congés 77 % 62 % La faiblesse des résidences secondaires situées en Ile-de-France est cependant compensée par la propriété ou la jouissance de résidences secondaires en province, en particulier chez les seniors. Ainsi, selon l’enquête du BIPE sur les intentions de mobilité des ménages, 40 % des seniors (55-64 ans) franciliens sont propriétaires d’une résidence secondaire, contre seulement 17 % des seniors de province. De plus, 14 % des seniors franciliens envisagent d’en acheter une dans les cinq années à venir. 45% d’entre eux envisagent soit de partager leur temps entre les deux résidences, soit de s’y installer définitivement. Ces données d’enquête révèlent l’importance spécifique de la bi-résidentialité en Ile-de-France.

15 Enquête réalisée par l’IAURIF en 1994 auprès de 2365 franciliens âgés de 25 à 34 ans, in « Histoire familiale et proximité résidentielle », Habitat n° 26, Février 2000. 16 « Emploi, logement et mobilité résidentielle », Economie et Statistique n° 349-350, 2001

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Plus généralement, les franciliens tendent à compenser une qualité de vie jugée médiocre en Ile-de-France par des séjours alternés en province, en attendant pour certains d’entre eux une migration définitive. Ainsi, 77 % des franciliens ont pris des congés hors domicile en 1999, contre 62 % pour la France métropolitaine17. Le taux de départs en congés paraît lié au degré d’urbanisation (67 % des habitants des agglomérations de plus de 100 000 habitants partent en congés, contre 51 % des habitants des communes rurales), mais aussi à la catégorie sociale (87% des cadres et professions intellectuelles supérieures sont partis en congés au moins une fois dans l’année, contre 45 % des ouvriers). Or, la population francilienne est à la fois la région la plus urbanisée et celle qui comporte la plus forte proportion de cadres.

3.4 Des modes de vie liés aux spécificités de la population francilienne

Des modes de vie liés à la spécificité de la population francilienne Ile-de-France France entière Taux de plus de 60 ans 16,6 % 21,3 % Taux de personnes seules 34,6 % 31 % Taux de cadres 21,3 % 12,1 % Taux de retraités 14,1 % 18,2 % Taux d’étrangers 11,8 % 5,6 % Les modes de vie plus urbains en Ile-de-France s’expliquent en partie par la structure de la population. La population francilienne est ainsi un peu plus jeune que celle de France métropolitaine (40,3 % de personnes de moins de 30 ans, pour 38,1 % en France métropolitaine, mais surtout 16,6 % de plus de 60 ans, pour 21,3 % en France métropolitaine), avec plus de personnes seules et moins de couples (respectivement 34,6 et 27,9 % des ménages en Ile-de-France, contre 31 et 31,1 % en France entière), et davantage de catégories socio-professionnelles élevées: les cadres représentent en Ile-de-France 21,3 % de la population active ayant un emploi, pour seulement 12,1 % en France métropolitaine. La population francilienne est aussi plus active (seulement 14,1 % de retraités contre 18,2 % en France entière). C’est aussi la porte d’entrée de l’immigration en France. Ainsi, 11,8 % de la population francilienne est étrangère, contre 5,6 % de la population française. Les arrivées en provenance des DOM-TOM et de l’étranger ont représenté 473 129 personnes entre 1990 et 1999. Toutefois, les particularités de la population francilienne sont moins marquées que les spécificités urbaines (prédominance du collectif, de la location, des petits appartements…). Les conditions de vie, plus difficiles en Ile-de-France, incitent un grand nombre de ménages à quitter la région dès lors que se forme une famille et qu’il devient impossible ou difficile de pourvoir aux besoins en logements plus grands qui en résultent. L’attractivité de la région tient essentiellement aux opportunités d’emploi permises par un marché du travail très vaste, mais ne parvient pas à retenir ses habitants par la qualité de vie. Il résulte de ces particularités régionales des échanges migratoires de grande ampleur : entre les deux derniers recensements, il y a eu 871 285 entrées, soit 8,1 % de la population régionale en 1990, et 1 438 546 sorties, soit 13,5 % de la population francilienne de 1990. La structure de ces échanges, combinée au niveau élevé de l’excédent naturel francilien (785714 naissances de plus que les décès), contribue à entretenir la jeunesse relative de la

17 Enquête permanente sur les conditions de vie, 1999, in « Chaque année, quatre français sur dix ne partent pas en vacances », INSEE première, n°734, Août 2000

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population. La plus grande partie des arrivées dans la région se situe en effet entre 25 et 35 ans, tandis que les départs se situent surtout entre 30 et 40 ans, ainsi qu’entre 60 et 70 ans. Les naissances qui ont lieu en Ile-de-France compensent pour l’instant les départs de familles vers la province, mais le solde migratoire se dégrade nettement quand la conjoncture économique francilienne est morose.

3.5 Le desserrement de la population francilienne se poursuit au profit de la grande couronne et des départements limitrophes.

Les aspirations à des logements plus grands, à la maison individuelle, à la propriété, se reflètent dans le mouvement continu d’expansion urbaine et de desserrement de la population, avec une spécialisation croissante des espaces entre le centre et la périphérie en fonction des étapes du cycle de vie. Evolution de la population de 1968 à 1999, par couronnes concentriques autour de Paris 1968 1982 1999 Paris 2 590 771 2 176 243 2 125 246 Petite couronne 3 832 544 3 904 995 4 038 992 Grande couronne 2 825 316 3 991 821 4 787 773 Départements limitrophes (Eure, Eure-et-Loir, Loiret, Oise)

1 657 066 2 022 517 2 333 286

Source : RGP 1968, 82, 99 Ainsi, entre 1968 et 1999, la population de Paris a reculé de 2,6 à 2,1 millions d’habitants, tandis que celle de la grande couronne s’est accrue de 2,8 à 4,8 millions d’habitants, la population de proche couronne restant relativement stable. Sur la période récente, toutefois, cette tendance au desserrement s’est ralentie. Ainsi, entre 1982 et 1999, la population de Paris n’a diminué que d’environ 50000 habitants, tandis que celle de grande couronne n’a augmenté que de 800 000 habitants environ, absorbant toutefois la quasi-totalité de la croissance régionale. La croissance urbaine s’effectue aux franges de l’agglomération, essentiellement à l’est et au sud18. Le desserrement s’étend également aux départements limitrophes (Oise, Eure, Loiret, Eure-et-Loir). Ainsi, la population de l’Eure est passée de 460 000 à 540 000 habitants de 1982 à 1999, soit +17 %, celle de l’Eure-et-Loir de 360 000 à 408 000, soit +12,4 %, celle du Loiret de 535 000 à 620 000, soit +15,4 %, celle de l’Oise de 660 000 à 770 000, soit +15,8 %. Le desserrement a été rendu possible par l’extension du réseau de grandes infrastructures (RER, trains de banlieue, TGV, autoroutes…) qui permettent un éloignement accru entre le lieu de domicile et le lieu de travail19. Le desserrement de la population s’accompagne du phénomène des migrations alternantes, dans la mesure où l’emploi reste beaucoup plus concentré sur le territoire que l’habitat. En France métropolitaine, la distance moyenne entre le domicile et le travail est ainsi passée de 13,1 à

18 Population-Emploi, évolutions longues, éléments de suivi du SDRIF, DREIF, Mai 2002. 19 Selon la « conjecture de Zahavi », les budgets-temps de déplacements restent constants en moyenne à l’échelle d’une agglomération urbaine, mais les distances entre domicile et travail s’accroissent avec l’augmentation des vitesses résultant de la modernisation des moyens de transports.

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15,1 km entre 1982 et 199920. Les migrations alternantes entre la commune de résidence et la commune du lieu de travail concernaient ainsi 60,9 % des actifs en 1999, contre 46,1 % en 1982. Ces déplacements quotidiens concernaient tout particulièrement les habitants des communes périurbaines : 79,1 % d’entre eux, contre 31,7 % des habitants des villes-centres. C’est en Ile-de-France que les migrations quotidiennes sont les plus répandues: 69,5 % des actifs franciliens effectuent des migrations alternantes. En moyenne, en raison de la densité de la région, les franciliens soumis aux migrations alternantes effectuent des trajets un peu moins longs qu’en province. Cependant, la distance moyenne parcourue par les actifs de la couronne périurbaine de Paris est beaucoup plus élevée qu’en province : de 23,8 kilomètres, contre 16,6 kilomètres en moyenne. Conséquence du desserrement du bassin d’habitat francilien au-delà des limites de la région, les régions voisines de l’Ile-de-France sont aussi celles où les distances moyennes parcourues par les actifs sont les plus élevées : entre 17 et 21 km.

3.6 Des choix de vie diversifiés

En dépit de ces aspirations générales, les modes de vie restent diversifiés et les choix résidentiels sont assez fortement liés aux étapes du cycle de vie : décohabitation, mise en couple, naissance d’un enfant, divorce, départ des enfants du nid familial, retraite. Il en résulte une distribution inégale des populations dans l’espace : à Paris, 52,4 % des ménages sont des personnes seules, tandis qu’en Seine-et-Marne, 67 % des ménages sont des couples avec ou sans enfants. Indépendamment des contraintes liées à la structure de l’habitat, le fait d’habiter à Paris ou en grande banlieue, d’être locataire ou propriétaire, par exemple, peut aussi correspondre à des choix de vie affirmés21 manifestant des rapports individuels contrastés au logement et à la ville. Les ménages qui disposent de marges de manœuvre financières satisfaisantes sont en effet amenés à faire des choix résidentiels : ne pouvant toutefois satisfaire l’ensemble de leurs exigences simultanément, ils en viennent à définir des priorités qui reflètent des choix de vie. Certains ménages, essentiellement les familles, optent pour la maison individuelle en périurbain qui leur permet de satisfaire leurs aspirations à avoir une chambre par enfant, un jardin, à être au calme, à fuir la pollution, tout en constituant un patrimoine familial, au prix il est vrai de temps de transport souvent plus élevés. D’autres au contraire choisissent d’habiter à Paris ou en proche banlieue car ils souhaitent minimiser les temps de transports, diminuer le stress lié aux déplacements quotidiens, avoir la possibilité de sortir le soir en ne rentrant pas trop tard, d’accéder plus facilement à une grande diversité de services et d’équipements ou de bénéficier des avantages culturels de Paris. Le choix d’un mode de vie urbain correspond aussi à une recherche de liberté et de mobilité, qui se traduit par la décision de rester locataire, afin de ne pas s’engager à long terme. C’est notamment le cas des jeunes cadres célibataires, très nombreux à Paris. On observe aussi des phénomènes de « retour au centre »22 de couples dont les enfants ont grandi, et qui souhaitent retrouver le mode de vie dont ils bénéficiaient avant de partir en banlieue.

20 « Les déplacements domicile-travail : de plus en plus d’actifs travaillent loin de chez eux », INSEE première n°767, avril 2001 21 « Paris ou la banlieue, le choix d’un mode de vie ? », Jacques BRUN, Jeanne FAGNANI. Cette étude met en évidence la diversité des arbitrages résidentiels des couples de cadres et professions intellectuelles supérieures, s’interrogeant notamment sur la flambée immobilière qui a eu son point culminant en 1990. 22 L’agglomération parisienne est polycentrique et cette notion doit donc s’entendre plus largement qu’un simple retour à Paris. Il s’agit plutôt de l’idée d’un retour vers les quartiers possédant une certaine « urbanité ».

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Le retour au centre correspond aussi à la demande de couples ou de personnes seules dont les enfants ou le conjoint ont quitté le domicile familial, et qui jouissent d’un logement devenu trop grand. En vieillissant, ils peuvent alors souhaiter intégrer un logement plus petit en revendant la maison individuelle, mais dans une position plus urbaine, qui leur permette de bénéficier de la proximité des commerces, des services de soins, des transports collectifs. Le vieillissement de la population est susceptible d’avoir des répercussions sur cette demande dans les zones urbaines denses, qu’elle soit locative ou en accession. D’autres mécanismes liés aux modes de vie influent sur les choix résidentiels et les dynamiques urbaines. Le développement de la bi-activité au sein des couples a ainsi favorisé l’essor des banlieues pavillonnaires et du périurbain, de la maison individuelle et de l’accession à la propriété, en renforçant les capacités financières d’une partie des ménages. Au sein des couples où les deux conjoints travaillent, la répartition des tâches domestiques et parentales entre l’homme et la femme conduit à une proximité plus grande du domicile et du travail de la femme, l’homme privilégiant la vie professionnelle, et acceptant en contrepartie des temps de transports plus élevés. D’autre part, la biactivité conduit à rechercher des localisations permettant d’optimiser les temps de déplacement des deux conjoints, ce qui joue cette fois en faveur de Paris et des communes limitrophes. Paris se signale par l’importance relative des jeunes, des cadres et des célibataires, qui définissent par leur mobilité et leur activité extérieure au domicile un mode de vie spécifique. La population parisienne comprenait ainsi 393 883 cadres et professions intellectuelles supérieures en 1999, soit 18,5 % de la population totale et 35,3 % de la population active occupée. 54,3 % des parisiens avaient moins de 40 ans.

3.7 Des territoires socialement contrastés

A ces choix de vie contrastés correspond une spécialisation des espaces résidentiels: les espaces où vivent les familles, avec ou sans enfants, tendent à s’opposer à ceux où vivent les personnes seules. Les taux de personnes seules sont en effet nettement plus élevés à l’intérieur de l’agglomération. Les ménages de deux personnes, qui correspondent dans l’ensemble aux couples sans enfants, sont sous-représentés dans le cœur de la zone agglomérée, notamment en petite couronne, et surreprésentés en grande couronne, notamment à l’extérieur de la zone agglomérée. A cet effet concentrique se superpose pour ce type de ménages un effet de quadrant : les ménages sans enfants sont sous-représentés dans les territoires socialement plus défavorisés du nord-est de la région et sur-représentés dans les territoires plus riches du sud-ouest. Les taux de familles avec enfants sont faibles dans l’ensemble de la zone agglomérée et plus élevés dans les franges extérieures de la zone agglomérée qui accueille généralement des ménages avec 1 ou 2 enfants. La population de ces territoires ainsi que la forme urbaine est relativement homogène, caractérisée par une prépondérance de la maison individuelle. Enfin, les familles nombreuses sont surtout concentrées dans les villes nouvelles et les territoires anciennement industrialisés, ainsi que dans le périurbain éloigné et l’est rural de la Seine-et-Marne, où il s’agit cependant d’effectifs très réduits. Comment cette répartition a-t-elle évolué au cours du temps ? Entre les deux précédents recensements, le nombre de ménages a augmenté de plus de 277 000 en Ile-de-France. La croissance des ménages est très concentrée sur la zone agglomérée et seuls les arrondissements centraux de Paris ainsi que quelques communes limitrophes de Paris perdent des ménages. L’essentiel de cette croissance provient des personnes seules qui

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sont, avec les ménages de deux et de quatre personnes, les seules catégories de ménages en expansion dans la région (respectivement + 220 000, + 87 000 et + 7 495), tandis que le nombre de familles avec enfants diminue légèrement. A l’exception des villes nouvelles, la croissance du nombre des personnes seules est très concentrée sur le cœur de la zone agglomérée, Paris y compris. Le nombre de ménages de deux personnes, qui peuvent à peu près être identifiés aux couples sans enfants, diminue à Paris et dans certaines communes voisines de petite couronne et augmentent dans le reste de la zone agglomérée, à l’exception des communes moins valorisées du nord-est de la région. Les ménages de trois personnes qui comprennent essentiellement les familles avec un enfant diminuent sur l’ensemble de la zone agglomérée, à l’exception des villes nouvelles et des franges. Enfin, le mouvement est moins net pour les familles avec deux enfants, catégorie dont le bilan est globalement positif pour la période, qui s’accroissent fortement en villes nouvelles ainsi que dans les communes de la ceinture de Paris, ce qui pourrait indiquer l’amorce d’un mouvement de retour vers le centre des familles aisées. Il pourrait y avoir une transformation qualitative des modes de vie, une partie des familles acceptant moins que par le passé de subir des temps de transports élevés, et disposant de suffisamment de moyens financiers pour acquérir un appartement dans la banlieue proche, participant de ce fait à la requalification de la proche banlieue parisienne. Le taux de personnes seules s’est donc fortement accru sur l’ensemble de l’agglomération, à l’exception des arrondissements de l’ouest de Paris où il a diminué, ainsi que dans le périurbain éloigné et les communes rurales. Il a évolué moins fortement à la hausse dans l’est de Paris et la proche banlieue ouest que dans le reste de la banlieue où il a nettement progressé. Le taux de ménages de deux personnes diminue dans le cœur de la zone agglomérée, en particulier au nord-est, et s’accroît fortement aux franges de la zone agglomérée, notamment au sud-ouest. Les couples sans enfants tendent donc à s’éloigner de la zone dense. Pour les familles avec enfants, l’évolution est plus surprenante. On constate en effet un recul du poids relatif des familles dans la zone agglomérée et une stabilisation ou une hausse dans les territoires périurbains, à l’exception de Paris et de quelques communes limitrophes en proche couronne où le poids des familles tend à se stabiliser voire à légèrement augmenter. Ces données révèlent que la zone agglomérée, et plus particulièrement la partie centrale de la zone agglomérée, subissent une forte pression de la demande de logements résultant de l’accroissement du nombre de personnes seules, qui n’est sans doute que partiellement satisfaite par l’accroissement du parc de résidences principales. Elles laissent d’autre part présager un mouvement de gentrification résultant d’une reconquête du cœur de la zone centrale par les familles les plus aisées. D’autres indices semblent témoigner de ce mouvement de fond, comme l’envolée des prix immobiliers des grands appartements situés dans les quartiers résidentiels réputés. Différents facteurs précités, liés aux modes de vie, contribuent à entretenir une demande élevée et très solvable pour les territoires urbains valorisés, qui se traduit, indépendamment des effets de cycle, par un renchérissement immobilier des « bonnes » localisations et une « gentrification » des centres urbains. Par exemple, à Paris, le nombre de cadres est passé de 245 852 à 393 883 entre 1982 et 1999, alors même que la population totale diminuait. La proportion de cadres et professions intellectuelles supérieures en activité vivant à Paris est ainsi passée de 11,3 % à 18,5 %. On peut aussi voir la « gentrification » au travers de la localisation des cadres supérieurs et chefs d’entreprise, en relation avec l’implantation des emplois supérieurs.

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La correspondance relative entre les lieux de résidence des cadres et chefs d’entreprise, d’une part, les localisations des emplois supérieurs, d’autre part, entretient une forte polarisation sociale de l’espace régional, qui tend à s’accentuer, dans le sens d’une concentration à l’ouest des activités économiques supérieures, du potentiel fiscal et des catégories sociales aisées. Les territoires tendent donc à se spécialiser davantage dans les populations qu’ils accueillent. Paris et les communes voisines de petite couronne, ainsi que l’ouest francilien, vont sans doute poursuivre leur gentrification. A terme, l’ensemble de la petite couronne sera le lieu d’accueil privilégié des célibataires, des cadres et des familles avec enfants les plus aisées. La majorité des familles, avec ou sans enfants, qui tendent à se raréfier, seront quant à elles de plus en plus souvent localisées en grande couronne où elles recherchent notamment des maisons individuelles ou des logements plus grands. Les espaces à l’extérieur de la zone agglomérée seront de plus en plus homogènes du point de vue de la composition des ménages. Le mode de vie familial tend cependant à devenir de plus en plus marginal puisque personnes seules et couples sans enfants représentent déjà à eux seuls 62 % des ménages.

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