21
© EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp. 58-78 3. LA PROBLEMATIQUE DE LA CONSTRUCTION DU SAVOIR HISTORIQUE PAR LE DOCUMENT CARTOGRAPHIE: L’EXEMPLE DU MANUEL «ECOLE ET DEVELOPPEMENT» DU COURS ELEMENTAIRE KISSIEDOU Kacou Vincent 1 INTRODUCTION Le système éducatif ivoirien selon la loi n°95-696 du 07 septembre 1995, se divise en trois degrés d’enseignement: l’enseignement préscolaire et primaire, l’enseignement secondaire, et l’enseignement supérieur. L’enseignement préscolaire et primaire, formé par le cycle préscolaire et le cycle primaire, est l’objet de la présente étude. Le cycle primaire comprend le cours préparatoire (CP), le cours élémentaire (CE) et le cours moyen (CM). Selon l’article 4 de la loi de 1995, les objectifs et les contenus sont organisés de façon à favoriser une progression régulière des apprentissages. Dans cette perspective, le cours élémentaire est réservé pour les apprentissages fondamentaux. Les manuels élèves qui sont conçus et élaborés à cet effet, sont conformes aux programmes et devraient assurer l’apprentissage progressif et régulier des apprenants. En histoire et géographie l’unique manuel élève en vigueur et utilisé en classe pour la construction du savoir chez les apprenants au cours élémentaire n’intègre pas de façon logique et constructive les savoirs de l’histoire et de la géographie. C’est notamment, le cas dans l’utilisation du document cartographique, objet d’apprentissage en géographie, et support d’apprentissage en histoire. Pour rendre observable ce constat, nous nous proposons d’articuler la présente étude autour de trois points principaux. Le premier point traite les considérations théoriques de la question, quand le second s’intéresse à l’approche méthodologie. Enfin, le dernier point présente les résultats de notre investigation et fait des recommandations. 1 Doctorant, Enseignant de didactique (Histoire et Géographie) à l’Ecole Normale Supé- rieure d’Abidjan (E N S)

3. LA PROBLEMATIQUE DE LA CONSTRUCTION DU … KISSIEDOU (58-78).pdf · construction du savoir historique. Le savoir ou la connaissance est généralement classé en trois ordres

Embed Size (px)

Citation preview

58 KISSIEDOU Kacou Vincent

© EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp. 58-78

3. LA PROBLEMATIQUE DE LA CONSTRUCTION DU SAVOIR HISTORIQUE PAR LE DOCUMENT CARTOGRAPHIE: L’EXEMPLE DU MANUEL «ECOLE ET DEVELOPPEMENT»

DU COURS ELEMENTAIREKISSIEDOU Kacou Vincent1

INTRODUCTION

Le système éducatif ivoirien selon la loi n°95-696 du 07 septembre 1995, se divise en trois degrés d’enseignement: l’enseignement préscolaire et primaire, l’enseignement secondaire, et l’enseignement supérieur.

L’enseignement préscolaire et primaire, formé par le cycle préscolaire et le cycle primaire, est l’objet de la présente étude. Le cycle primaire comprend le cours préparatoire (CP), le cours élémentaire (CE) et le cours moyen (CM). Selon l’article 4 de la loi de 1995, les objectifs et les contenus sont organisés de façon à favoriser une progression régulière des apprentissages. Dans cette perspective, le cours élémentaire est réservé pour les apprentissages fondamentaux. Les manuels élèves qui sont conçus et élaborés à cet effet, sont conformes aux programmes et devraient assurer l’apprentissage progressif et régulier des apprenants.

En histoire et géographie l’unique manuel élève en vigueur et utilisé en classe pour la construction du savoir chez les apprenants au cours élémentaire n’intègre pas de façon logique et constructive les savoirs de l’histoire et de la géographie. C’est notamment, le cas dans l’utilisation du document cartographique, objet d’apprentissage en géographie, et support d’apprentissage en histoire.

Pour rendre observable ce constat, nous nous proposons d’articuler la présente étude autour de trois points principaux. Le premier point traite les considérations théoriques de la question, quand le second s’intéresse à l’approche méthodologie. Enfi n, le dernier point présente les résultats de notre investigation et fait des recommandations.

1 Doctorant, Enseignant de didactique (Histoire et Géographie) à l’Ecole Normale Supé-rieure d’Abidjan (E N S)

59’LA PROBLEMATIQUE DE LA CONSTRUCTION DU SAVOIR HISTORIQUE...

© EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp. 58-78

I- LES CONSIDERATIONS THEORIQUES

1.1. L’analyse théorique et conceptuelle du problème

1.1.1. L’analyse conceptuelle

Pour une meilleure compréhension de notre thème d’étude, nous avons jugé nécessaire de défi nir les concepts de base qui le compose. Le document cartographique est une représentation graphique. Il est composé de la carte stricto sensu, du croquis cartographique, du schéma et des modèles. Pour Gérard Dorel (1998), il existe depuis la dernière décennie un «véritable bouillonnement intellectuel» autour de la cartographie. Cela est à l’origine de beaucoup de confusion ; d’où le besoin de clarifi cation des différentes composantes du document cartographique. Aussi, de précise-t-il la différence entre la carte, le croquis , le schéma. Pour lui la carte dans ses différentes formes (thématique, topographique et synthétique) permet de repérer les lieux et l’extension des phénomènes dans un rapport de proportionnalité. La carte permet donc de représenter les phénomènes de façon exhaustive grâce à une échelle Le croquis quant à lui part d’un fond de carte et «sans s’abstraire des lieux et de l’échelle» mobilise des connaissances à mettre en relation dans une perspective géodynamique.

Gérard Dorel poursuit avec le schéma qu’il définit comme une représentation graphique simple à réaliser mais «plus ambitieux dans ses objectifs». Il souligne par ailleurs que le schéma met en évidence la structure et la dynamique de l’espace étudié avec «des signes porteurs de sens géographique sur des supports volontairement simplifi és». En somme, le schéma présente les phénomènes géographiques de façon caricaturale. Pour compléter la défi nition des documents cartographiques nous nous intéressons au modèle qui selon Michel. Lextreyt (2003) est une forme de schématisation poussée à l’extrême qui aboutit à la réalisation de quelques formes géométriques simples. La défi nition de ces différentes composantes du document cartographique nous permet dans le cadre de cette étude, d’identifi er la nature du document cartographique utilisé dans le manuel élève et de discuter par la suite sa pertinence dans la construction du savoir historique.

Le savoir ou la connaissance est généralement classé en trois ordres qui sont le savoir, le savoir-faire et le savoir être. Toutes les disciplines comportent des savoirs, des savoir-faire et des savoirs être. Mais l’histoire en tant que discipline scolaire, à des exigences particulières lorsqu’on parle de savoir, de savoir-faire et savoir être. Le savoir historique est

60 KISSIEDOU Kacou Vincent

© EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp. 58-78

très composite avec des savoirs (faits, de concepts, de théories), des savoir-faire (savoir-faire de recherche, de savoir-faire d’étude) et enfi n des savoirs-être regroupant un ensemble de valeurs liées au comportement en classe, à la méthodologie, à l’éthique. C’est pour cette raison que Henry Moniot parle de la présence de “beaucoup d’ingrédients dans le savoir historique, différemment dosés et différemment visibles selon les présentations mais toujours là1.” Le document cartographique permet l’appropriation des composantes du savoir historique dans de l’étude d’un thème donné.

En effet, toutes les informations historiques véhiculées par le document cartographique appartiennent au domaine du savoir qu’on appelle aussi connaissance déclarative. Il peut être un fait historique (les peuples lagunaire sont localisés dans le sud de la Côte d’Ivoire); il peut être un concept (on appelle peuple lagunaire tout peuple riverain des lagunes); il peut être une théorie (tous les peuples lagunaires sont organisés en classes d’âge). Pour accéder à ces savoirs, des savoir-faire ou connaissances procédurales, sont mises en œuvre. C’est par exemple la capacité de lecture ou comment lire une carte? La technique de lecture d’un document cartographique relève du savoir-faire, de la connaissance procédurale. Enfi n, les savoirs et les savoir-faire véhiculent des attitudes appelées savoir être. Ce savoir être est composé des savoir-être éthiques comme par exemple l’acceptation de l’autre et le droit à la différence. A cela s’ajoute, les savoir être d’étude tels que la rigueur, la précision qui sou tend par exemple la capacité de localisation des peuples lagunaire donc, de lecture d’un document cartographique. Ces éclairages doivent nous permettre de mieux comprendre le sens de la construction du savoir historique.

Les mots construire et construction sont couramment employés dans la vie quotidienne: on dit qu’on construit une maison, qu’on doit construire un État ou une nation… il s’agit de disposer, de ranger différents éléments pour constituer un ensemble cohérent. Pour le dictionnaire Larousse (1996), la construction est l’action de construire. Dans le domaine intellectuel c’est disposer les mots, les phrases et les idées dans un certain ordre. Placé dans le contexte de notre étude, cela nous renvoie au concept de la situation didactique. La théorie des situations didactiques a été lancée par Guy Brousseau (1986). Il y a situation didactique toutes les fois où il y a un savoir spécifi que, un enseignant et des apprenants avec une intention manifeste de transmission d’un savoir de l’enseignant à l’apprenant. L’analyse des processus d’enseignement et d’apprentissage dans ce cadre a conduit Guy Brousseau, à proposer leur modélisation sous la forme de ce qu’on appelle maintenant la théorie des situations didactiques.

61’LA PROBLEMATIQUE DE LA CONSTRUCTION DU SAVOIR HISTORIQUE...

© EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp. 58-78

Cette approche théorique des processus d’enseignement et d’apprentissage propose, pour les observer et les analyser, de les décomposer en quatre phases différentes au cours desquelles le savoir n’a pas la même fonction et l’apprenant n’a pas le même rapport avec lui. Dans ces phases imbriquées, on peut observer des temps dominants d’action, de formulation, de validation et d’institutionnalisation. Mais dans la mesure où la théorie des situations didactiques tire son essence des mathématiques, il nous a fallu l’adapter à l’apprentissage de l’histoire. Nous avons de ce fait, remplacé le concept de situation didactique par le concept de stratégie didactique au regard des nuances que nous avons introduites. Le concept de stratégie didactique s’inspire à la fois de la situation didactique telle que présentée par Guy Brousseau et de la démarche de construction des savoirs historiques à partir de la démarche scientifi que expérimentale et de la méthode des disciplines d’éveil. Cette stratégie didactique peut être mieux appréciée dans le tableau de correspondance suivant:

62 KISSIEDOU Kacou Vincent

© EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp. 58-78

Tableau 1: La correspondance entre la situation didactique la démarche scientifi que expérimentale et la démarche des disciplines d’éveil

Stratégies didactiques

Phases de la séance

Situation didactique

Dém

arche Scientifi que Expérim

entale (DES)

Stratégie didactique ou m

éthode d’étude d’une discipline

d’éveil

Début de la séance

Phase d’action Phase de form

ulation

Observation,

Problématique et H

ypo-thèse

Rappel des pré requis, M

otivation

Déroulem

ent de la séancePhase de validation

Vérifi cation des hypo-

thèsesSéquence d’apprentis-sage et contrôle partiel

Fin de la séancePhase d’institutionnali-

sationConclusion

synthèse

63’LA PROBLEMATIQUE DE LA CONSTRUCTION DU SAVOIR HISTORIQUE...

© EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp. 58-78

L’activité d’apprentissage est un ensemble de tâches dévolues à l’apprenant dans une situation didactique et qui lui permet donc de rentrer en contact avec le savoir. L’activité d’enseignement quant à elle, est un ensemble d’actions réalisées par l’enseignant pour faciliter la découverte et l’appropriation du savoir par l’apprenant. La situation didactique, la DSE et la démarche d’étude des disciplines d’éveil prennent leur sens à l’intérieur d’un système appelé système didactique; il se traduit par l’interaction dynamique entre l’enseignant, l’apprenant et le savoir. C’est la phase de déroulement qui correspondant à la phase de validation ou à la phase de vérifi cation des hypothèses ou à la séquence d’apprentissage de cette interaction dynamique qui nous intéresse dans le présent travail. C’est ce qui nous permet à présent d’aborder le cadre théorique de ce travail.

1.1.2. Le cadre théorique de la recherche

La didactique de l’histoire s’appuie au niveau psychologique sur les travaux de Jean Piaget (1969) et de Lev Vygotsky (1997/1934). Pour Jean Piaget, l’histoire est une discipline abstraite qui nécessite pour son apprentissage des conditions particulières. Il estime que les jeunes apprenants accèdent à la pensée formelle qu’à l’âge de 11 à 12 ans. Toutefois, des travaux menés en Grande Bretagne par Hallam cité par dans ses travaux de (1972) pense même que les apprenants y accèdent qu’à l’âge de 18 ans. Pour contourner cette diffi culté, Jean Piaget recommande que les objets d’enseignement soient le plus concret possible; c’est-à-dire qu’ils soient liés à l’expérience de l’enfant, avec à environnement, à son vécu quotidien. Aussi soutient-il qu’à l’âge de 7 à 10 ans (âge moyen au CE) le jeune apprenant en histoire dans les conditions ci-dessus citées, est capable de classer, de situer dans le temps et dans l’espace; il reconnaît les relations causales car, cette tranche d’âge correspond au début de la réversibilité opératoire. Ces travaux de Jean Piaget nous permettent de mieux apprécier la pertinence des documents cartographiques utilisés comme support didactique dans l’apprentissage de l’histoire au cours élémentaire première et deuxième année. Toutefois, ces travaux qui prennent seulement en compte l’apprenant dans son rapport au savoir occulte le rôle du médiateur qu’est l’enseignant.

C’est pour cela que nous nous sommes intéressés aussi aux travaux de Lev Vygotsky à travers le concept de zone proximale de développement. Il estime qu’on peut pousser le seuil du développement cognitif de l’apprenant grâce à l’aide d’autrui, de l’enseignant par exemple; autrement dit l’apport de l’enseignant est déterminant dans la qualité de l’apprentissage et donc développe sa maturation intellectuelle. Cet aspect des travaux apporte un éclairage à notre étude compte tenu du fait que les documents

64 KISSIEDOU Kacou Vincent

© EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp. 58-78

cartographiques sont accompagnés de consignes que l’enseignant élabore dans la construction du savoir chez l’apprenant. Les travaux de Jean Piaget et de Lev Vygotsky dans le domaine de l’apprentissage éclairent par leur complémentarité la compréhension de notre préoccupation. Mais au niveau didactique, il s’avère nécessaire d’analyser également les considérations théoriques sur le document cartographique en tant qu’objet et en tant que support d’apprentissage. Le document cartographique en tant qu’objet d’apprentissage est connaissance scientifi que qui est avant tout la propriété du géographe savant. Son apprentissage à l’école primaire nécessite inéluctable sa didactisation.

La transposition didactique selon Yves Chevallard (1985) est l’ensemble des transformations que subit un savoir aux fi ns d’être enseigné. Cette défi nition nous conduit immédiatement à distinguer le savoir savant et le savoir enseigné. Le savoir savant ou savoir scientifi que est celui élaboré par une communauté scientifi que donnée. Il obéit à une certaine logique, à des paradigmes qui ne sont pas forcement ceux de la communauté scolaire. Il revient à la communauté scolaire de désigner les connaissances en matière de connaissances qui, par exemple, ont une pertinence pour la formation des apprenants au regard des fi nalités et des objectifs défi nis: c’est le savoir à enseigner. Ce travail de mise en texte du savoir à enseigner est souvent l’œuvre des experts du ministère de l’éducation nationale. C’est en principe ce savoir à enseigner qui est la référence première de l’enseignant. En réalité, les enseignants se réfèrent aussi bien au savoir à enseigner qu’aux contenus des manuels comme c’est le cas dans l’enseignement primaire. La combinaison des savoirs à enseigner et des contenus dans les manuels donnent le savoir enseigné qui est produit par l’enseignant en classe. Le passage du savoir savant au savoir enseigné ne va pas sans poser des problèmes. La transposition didactique ne suppose pas la simple transmission du savoir, mais un décalage, un écart, entre le savoir savant et le savoir enseigné. Le savoir enseigné n’est pas seulement une simplifi cation, une réduction du savoir savant, mais il est différent par nature, sa structure et sa fonction d’après Chevallard (1985).

Aussi, pour Anne Le Roux (2004), se pose le problème en géographie, de savoir si ce savoir enseigné n’est pas tout à fait différent du concept de départ, en rupture avec le savoir scientifi que dans un processus de recomposition plutôt que de transposition. Toutefois, nous savons que ce savoir enseigné n’est pas en tout point identique au savoir savant. Il existe donc un écart entre les deux types de savoirs qu’il faut absolument défi nir. Le savoir enseigné qui en résulte est ainsi différent par sa nature, sa structure et sa fonction. C’est pourquoi nous préférons le concept de

65’LA PROBLEMATIQUE DE LA CONSTRUCTION DU SAVOIR HISTORIQUE...

© EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp. 58-78

“recomposition didactique1 ” proposé par Anne Le Roux car, le savoir savant et le savoir à enseigner ont des fi nalités, des démarches, et des problématiques différentes. Il apparaît de plus en plus clairement que ce qui est enseigné n’est pas le décalque simplifi é d’un savoir savant mais résulte d’une reconstruction spécifi que pour l’école. Cela signifi e que le savoir scolaire ne doit pas se soustraire de se qui fonde la validité scientifi que du savoir savant.. L’analyse des écarts est donc première dans la réfl exion didactique.

Toutefois, si nous apprécions le terme recomposition utilisé par Le Roux, en lieu et place de la transposition, nous estimons que, cette recomposition tire sa légitimité du savoir scientifi que et ne saurait être en rupture avec lui. C’est dans cette optique que s’inscrivent les travaux de F. Lorin cité par Pierre Giolitto (1992) à propos de l’apprentissage cartographique à l’école primaire. Pour ce chercheur c’est dès l’école primaire que l’apprentissage de la cartographie doit être mené; cet apprentissage doit être avant tout au niveau de développement mental de l’apprenant. C’est dans cette perspective que ce chercheur préconise pour le CE, l’utilisation de l’échelle graphique plutôt que l’échelle numérique; la légende morphologique plutôt que la légende thématique; l’orientation sur repère plutôt que l’indication du nord géographique et , nécessairement le titre du document. Nous voyons à travers ces exemples que, la notion d’échelle à travers ce qui fait sa validité scientifi que ne change point quand on passe de l’enseignement supérieur à l’enseignement primaire. Ce qui change c’est la forme de représentation de l’échelle d’où notre préférence pour le concept de recomposition didactique.

Au demeurant, apprendre à lire un document cartographique représente l’un des buts de l’enseignement de géographie. Il s’agit d’un apprentissage long et diffi cile, car le document cartographique correspond à une représentation abstraite du réel. Savoir décoder le document cartographique, et donc atteindre le réel à travers sa représentation graphique, suppose selon Giolitto la maîtrise de certains concepts de base. C’est ainsi que l’apprenant doit être capable d’identifi er à partir de la légende, les composantes de l’espace représenté, donc avoir une idée assez nette de la notion de symbole. Il doit être en mesure de situer un point ou un phénomène à l’aide de ses coordonnées géographiques et maîtriser la notion d’orientation. Enfi n, il doit comprendre l’échelle et être capable d’interpréter le document.

Dans le cadre de l’interdisciplinarité, le document cartographique objet d’apprentissage en géographie est utilisé comme outil d’apprentissage en histoire c’est à dire comme support didactique. L’interdisciplinarité est une structure curriculaire qui traduit l’interaction qui existe entre deux ou

66 KISSIEDOU Kacou Vincent

© EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp. 58-78

plusieurs disciplines et qui peut aller jusqu à l’intégration des concepts, de la terminologie, de la méthodologie selon Viviane DE Landsherre (1992). Dans ce sens que, l’interdisciplinarité peut signifi er échange et coopération. Nous en déduisons que le document cartographique lors de son utilisation comme support d’apprentissage en histoire, doit «importer» toutes les caractéristiques qui le défi nit comme tel. C’est à ce niveau que se situe la problématique qui sou tend notre réfl exion.

1.2- La problématique

1.2.1. Les constats

L’enseignement et l’apprentissage de l’histoire à l’école primaire se déroulent en classe, selon les acquis et les innovations de la recherche en science de l’éducation, et notamment ceux de la didactique de l’histoire. L’histoire et la géographie sont des disciplines jumelles qui, dans le système de formation en Côte d’Ivoire sont dispensées par un seul et même enseignant aussi bien, à l’école primaire, au collège qu’au lycée.

L’histoire dans le cadre de son enseignement fait appel à des supports didactiques qui émanent de la géographie c’est à dire ici, le document cartographique. La carte est en effet, le signe distinctif du géographe; Le géographe a la carte, comme le mathématicien a le nombre selon Pierre Giolitto (1992). Le document cartographique comprend la carte stricto sensu, le croquis, le schéma, le modèle qui sont tous des représentations graphiques qui peuvent intervenir dans la construction du savoir historique. C’est le cas au cours élémentaire première et deuxième année de l’école primaire en Côte d’Ivoire à travers le manuel «Ecole et développement». Dans ce manuel d’histoire, nous constatons qu’il est fait abondamment usage du document cartographique dans la construction du savoir chez les apprenants. Le tableau synoptique ci-dessus, nous présente de façon exhaustive les différents documents cartographiques par leçon, par niveau, et les pages correspondantes à l’intérieur du manuel.

67’LA PROBLEMATIQUE DE LA CONSTRUCTION DU SAVOIR HISTORIQUE...

© EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp. 58-78

Tableau synoptique des documents cartographiques du manuel-histoire

N°d ’ o r -dre

Titre du document cartographique L e -çons

N i -veau Page

1 Carte des peuples lagunaires L 11 C E 1 -CE2 44

2 Carte des peuples lagunaires L 9 C E 1 -CE2 37

3 Carte des peuples de la forêt de l’Ouest L 10 C E 1 -

CE2 40

4 Carte des peuples de la savane L 11 C E 1 -CE2 44

5 Carte des migrations Akan L 12 C E 1 -CE2 40

6 Carte des migrations des Krou L 13 C E 1 -CE2 52

7 Carte de la migration des Mandé du Sud L 13 C E 1 -

CE2 52

8 Carte de la migration des Gours L 14 C E 1 -CE2 55

9 Carte de la migration de Mandé du Nord L 14 C E 1 -

CE2 56

10 Carte du peuplement de la Côte d’Ivoire L 15 C E 1 -

CE2 59

11 Carte du royaume de Bouna L16 CE2 63

12 Carte de la fi n du royaume de Bou-na L16 CE2 64

13 Carte du royaume Akan L17 CE2 6714 Carte du royaume de Kong L18 CE2 7015 Carte du royaume de Krinjabo L19 CE2 7416 Carte du royaume de Kabadougou L19 CE2 7917 Carte des autres royaumes de la

Côte d’Ivoire L20 CE2 80

68 KISSIEDOU Kacou Vincent

© EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp. 58-78

Ainsi, on dénombre au total dix sept (17) documents cartographiques qui représente environ 13 % de l’ensemble des supports didactiques utilisés en histoire dans le manuel; de même sur un total de 23 leçons au programme en Histoire dans ce manuel, 12 soit environ 45%, font appel au document cartographique comme support didactique. Nous constatons par ailleurs, et paradoxalement que les documents cartographiques sont abondants en histoire dix sept (17) contre un (1) en géographie. Ces constats sont du reste proche de ceux de Gérard Dorel (1998) qui, parle du foisonnement des documents cartographiques dans les manuels au cours de la dernière décennie.

1.2.2. Le problème

Le document cartographique est un support didactique assez particulier qui exige pour son exploitation, des connaissances particulières. Pour Gérard Dorel (1998), le document cartographique est une construction intellectuelle avec un langage propre dont il faut connaître l’alphabet (les signes) et la grammaire (les règles). Autant dire que sa recomposition didactique et son utilisation comme support didactique dans une autre discipline autre que la géographie ne saurait faire l’économie de ses traits caractéristiques, car c’est ce qui fonde sa validité au plan scientifi que.

Pourtant, les documents cartographiques utilisés comme support didactique dans la construction du savoir historique dans le manuel élève, «Ecole et développement» se présentent dans une forme autre que celle qui favorisait l’apprentissage, c’est-à-dire au mépris des normes cartographiques conventionnelles.

Ce problème est au centre des préoccupations de notre étude dont l’intitulé est: la problématique de la construction du savoir historique par le document cartographique: l’exemple du manuel élève «Ecole et développement» du cours élémentaire. Ce problème se fonde sur une hypothèse et des objectifs qui sont à défi nir.

1.2.3. L’hypothèse et les objectifs

A travers ce sujet nous soutenons que les documents cartographiques utilisés dans le manuel élève «Ecole et développement» à l’école élémentaire en histoire ne sont pas conformes aux normes scientifi ques en vigueur et donc ne favorisent pas la construction du savoir historique. Autrement dit, nous soutenons que les documents cartographiques sont mal défi nis et que les éléments nécessaires à la lecture et à la compréhension ne sont pas représentés lors de leur utilisation comme support didactique en histoire.

69’LA PROBLEMATIQUE DE LA CONSTRUCTION DU SAVOIR HISTORIQUE...

© EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp. 58-78

Notre objectif à travers cette étude est donc d’identifi er la nature des documents cartographiques utilisés comme support d’apprentissage en histoire dans le manuel élève «Ecole et développement» et de montrer les diffi cultés de leur exploitation. Dans cette perspective nous avons défi ni une méthodologie qu’il est indispensable ici de préciser.

II- L’APPROCHE METHODOLOGIQUE

2.1. La méthode utilisée

2.1.1. Le choix de la méthode qualitative

La volonté d’identifi er la nature des documents cartographiques utilisés dans la construction du savoir historique d’une part, et de discuter de leurs incapacités à favoriser la découverte du savoir par les apprenants dans le cadre de la méthode active nous a conduits à opter pour la méthode qualitative.

2.1.2. La présentation de la méthode qualitative

L’approche qualitative va nous conduire à vérifi er la présence des éléments constitutifs des documents cartographiques et de rendre observable leur nature afi n de déterminer la fréquence de chaque type de document cartographique. Le tout permettra de mener une refl exion sur les résultats obtenus.

2.2. La collecte des données

2.2.1. La source des donnée

Toutes les données ont été recueillies dans le manuel « Ecole et Developpement » du cours élémentaire première et deuxième année de 1998 (2ème édition). C’est un manuel qui est organisé en rubrique. Une des rubriques est formée par un ensemble de supports didactiques parmi lesquels on retrouve le document cartographique.

2.2.2. Le corpus

Nos données sont constituées par l’ensemble des documents cartographiques présents dans le manuel ″Ecole et Développement″ au titre des leçons d’histoire pour les niveaux CE1 et CE2. Dans ce cadre nous avons dénombré dix sept (17) documents cartographiques qui constituent ainsi le corpus de notre étude.

70 KISSIEDOU Kacou Vincent

© EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp. 58-78

2.3. Le traitement des données

Le traitement des données va s’articuler autour de différents points notamment le type du document cartographique, l’analyse de la présence de ses éléments constitutifs.

2.3.1. La nature du document cartographique

Pour déterminer le type de document (carte, croquis, schéma modèle) nous allons nous appuyer sur la défi nition scientifi que en vigueur. L’analyse de contenu va s’appuyer sur le contenu manifeste des éléments constitutifs du document cartographique considéré: «carte», «croquis» «schéma» ou «modèle». Celle-ci se fera à partir des défi nitions proposées par Gérard Dorel et Michel Lextreyt.

2.3.2. L’analyse des éléments constitutifs

Par la suite il s’agira de vérifi er si ces documents cartographiques sont dotés des éléments indispensables en vue de leur exploitation effective. Les cartes, les croquis, les schémas ou les modèles doivent comporter les éléments caractéristiques nécessaires à leur exploitation selon Gérard Dorel (1998). C’est ainsi que la carte le croquis doivent nécessairement avoir un titre, une légende, une échelle, une orientation; pour le schéma et le modèle seul le titre est absolument nécessaire. Par la suite, nous établirons des fréquences en fonction de la présence des éléments constitutifs relativement d’abord à chaque document, puis des fréquences relativement à chaque élément constitutif. Cela signifi e concrètement que lorsqu’un document comporte deux éléments sur quatre nous avons une fréquence 50%, un sur quatre donne 25%. Lorsque nous considérons les éléments constitutifs, il s’agira de dire combien de fois il est apparu pour l’ensemble des documents : un sur dix sept donne 05,88%, deux sur dix sept donne 11,76 %... Enfi n, nous dégagerons le pourcentage de représentation des types de document cartographique.

III- LE RESULTAT DES DIFFERENTES INVESTIGATIONS

3.1. Le résultat des analyses

3.1.1. La situation du Tableau 1

Le tableau n°1 qui s’intitule type de document cartographique nous permet de rendre observable la nature des représentations graphiques utilisées dans le cadre de la construction du savoir historique.

71’LA PROBLEMATIQUE DE LA CONSTRUCTION DU SAVOIR HISTORIQUE...

© EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp. 58-78

3.1.2. Présentation du tableau du type de document cartographique.

N

o du

doc

umen

t

Nat

ure

dudo

cum

ent

12

34

56

78

910

1112

1314

1516

17

Car

te

Cro

quis

Sché

ma

Mod

èle

Légende: type de document cartographique

72 KISSIEDOU Kacou Vincent

© EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp. 58-78

3.1.3. Le commentaire du tableau des types de documents utilisés.

L’ensemble des documents cartographiques utilisés comme support didactique dans le manuel ″Ecole et Développement″ en histoire au cours élémentaire sont tous appelés cartes. Mais à l’analyse de ces documents, l’on peut constater qu’ils sont plus conformes à des croquis qu’à des cartes. En effet la carte se distingue fortement par le principe de la proportionnalité des phénomènes représentés selon la défi nition proposée par Gérard Dorel (1998). Cela suppose l’utilisation effective d’une échelle qui établit une relation de proportionnalité entre les phénomènes observés. Le croquis, quant à lui part d’un fond de carte et les phénomènes représentés s’inscrivent dans "une perspective géodynamique". Les phénomènes représentés dans le cadre du croquis sont non exhaustifs et l’objectif visé est d’aller à l’essentiel. Le document cartographique utilisé dans le manuel met l’accent sur l’origine, la migration, et l’implantation des peuples de la côte d’ivoire. Ainsi on retrouve l’essentiel du phénomène et son caractère «géodynamique» à travers le mouvement des peuples. Les phénomènes observés ne s’inscrivent pas dans un rapport de proportionnalité et on constate l’utilisation d’un fond de carte: nous sommes en présence d’un croquis selon l’approche de Gérard Dorel (1998) Cette distinction entre la carte stricto sensu et le croquis cartographique au plan scientifi que n’est pas sans intérêt didactique. En effet, dans la construction du savoir on peut reproduire le fond de carte et amener les apprenants à construire progressivement le croquis qui va constituer la trace de la leçon et l’activité de fi xation. Pour A. Cholley cité par Pierre Giolitto (1992) le croquis apporte le secours de la localisation précise en faisant ressortir les rapports essentiels et facilite la communication. C’est dans cette optique que Michel. Lextreyt (2003) affi rme qu’en classe, on construit des croquis mais jamais des cartes. La réalisation d’une carte est un travail de cartographe qui demande une précision à laquelle ne peuvent prétende les enseignants et les élèves dans le cadre le cadre de la construction du savoir historique. La confusion entre la carte et le croquis par la conséquence qu’elle produit au plan didactique confi rme notre hypothèse. La vérifi cation complète de notre hypothèse ne peut faire l’économie de l’analyse des caractéristiques du document cartographique.

3.1.4. La situation du tableau n°2

Le tableau n°2 a pour objectifs de vérifi er la présence des éléments constitutifs essentiels de tout document cartographique (carte ou croquis). Il s’agit notamment du titre, de l’échelle, de l’orientation et de la légende sans lesquels le document reste "muet".

73’LA PROBLEMATIQUE DE LA CONSTRUCTION DU SAVOIR HISTORIQUE...

© EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp. 58-78

3.1.5. La présentation du tableau n°2

Tableau de présentation des éléments constitutifs des croquis.

No d

u

do

cum

ent

Elém

ents

du docu

men

t

12

34

56

78

910

1112

1314

1516

17En

%

Titre

100

Lége

nde

11,16

Éche

lle

-

Orien

tatio

n 1

00%

En %

5050

5075

5050

5050

5050

5050

5050

5050

75

Légende: Les éléments constitutifs identifi és

74 KISSIEDOU Kacou Vincent

© EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp. 58-78

3.1.6 commentaire du tableau N°2

Les éléments constitutifs essentiels d’un document cartographique tels que défi nis par F. Lorin et al cité par Giolitto (1992) ne sont pas pris en compte de façon totale par l’ensemble des documents identifi és. Le pourcentage de présence des éléments oscille de façon générale entre 50% et 75%. De façon particulière, tous les documents sont dotés d’un titre et d’une orientation géographique soit 100% ; aucun des documents ne possède une échelle soit 100% ; enfin seulement 11,16% des documents disposent d’une légende. Ces différents constats invitent à des commentaires au plan scientifi que et didactique.

Nous nous rendons compte qu’aucun des documents cartographiques n’est conforme aux normes scientifi ques en vigueur ; cela pose le problème de la qualité scientifi que des manuels scolaires. Il est donc question de s’interroger sur la conception et l’élaboration de ces précieux documents dans la construction des savoirs chez les apprenants. La transposition didactique ne saurait justifi er de telles lacunes, car la recomposition du savoir ou savoir savant qu’elle suppose ne doit faire pas l’économie de la vérité scientifi que.

Au plan didactique les travaux de Lorin (2003) montre que les éléments constitutifs du document cartographique peuvent être l’objet d’apprentissage sous des formes diverses et demeurent essentiels. Ainsi, pour le cours élémentaire (CE) le titre du document, la légende, l’orientation sur repère, l’échelle graphique sont considérés comme nécessaires et indispensables.

Dans le cas du croquis par exemple, Michel Lextreyt estime que la construction de la légende est nécessaire, essentielle. La légende développe une idée et doit pouvoir se lire, car le croquis a pour rôle, à la fois de localiser, de démontrer et de mettre en évidence. La lecture du croquis a partir de la légende a non seulement une fonction d’acquisition des connaissances, mais aussi d’acquisition de capacités, de méthode et de rigueur. Il faut noter aussi que, dans le cas du manuel du CE, l’utilisation du document cartographique en que support didactique en histoire précède quelque fois son apprentissage en tant qu’objet en géographie. Cela rend diffi cile voire même impossible la pratique de l’interdisciplinarité.

75’LA PROBLEMATIQUE DE LA CONSTRUCTION DU SAVOIR HISTORIQUE...

© EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp. 58-78

IV. DISCUSSION ET RECOMMANDATIONS

4.1. La discussion

4.1.1. La formation des enseignants

Pour Michel. Lextreyt (2003) l’utilisation du document cartographique doit être une des préoccupations des enseignants d’histoire et de géographie. Toutefois, l’utilisation des documents cartographiques dans les manuels n’est pas précédée d’une formation initiale des enseignants. L’enseignement de la cartographie dans le supérieur est fort éloigné des besoins de futurs enseignants qui doivent être rompus aux diverses formes du langage cartographique et à leur recomposition didactique dans les classes de l’école primaire. De même, lorsque les enseignants ont uniquement une formation de base en histoire il faut les préparer à une meilleure mise en œuvre de l’interdisciplinarité.

Les problèmes liés à la recomposition didactique et à l’interdisciplinarité dans l’apprentissage du document cartographique à l’école primaire, méritent une attention particulière. En effet, le niveau de développement mental des apprenants ainsi que les nombreuses disciplines que l’enseignant de l’école primaire a à faire apprendre ne sont pas de nature à faciliter sa tâche. L’analyse critique des documents cartographiques contenus dans le manuel est loin d’être aisée pour l’enseignant de l’école primaire. Dans ce contexte, le manuel aussi bien dans sa conception que dans son élaboration doit être un outil de qualité capable de réduire les nombreuses diffi cultés auxquelles les enseignants sont confrontés dans l’exercice quotidien de leur mission.

Aussi faut-il le rappeler le manuel a pour fonction de favoriser l’acquisition de connaissances, de capacités, de méthodes nécessaires à l’insertion de l’apprenant dans son milieu, dans son environnement. L’incapacité pour un apprenant d’utiliser les acquis scolaires dans une situation un tant soit peu différente de celle rencontrée à l’école peut trouver son explication dans la qualité des manuels. En effet, l’on constate que les adolescents ou les adultes éprouvent des diffi cultés énormes à s’orienter dans une ville avec l’aide d’une carte, d’un croquis, à localiser des lieux, parce que l’apprentissage à l’école est resté très approximatif. A ce niveau la formation des enseignants est en cause comme est aussi en cause la responsabilité des concepteurs des manuels. La responsabilité de ces derniers est engagée dans la confusion qu’on note dans la distinction entre les cartes et les croquis.

76 KISSIEDOU Kacou Vincent

© EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp. 58-78

4.1.2. Une confusion entre les cartes et les croquis.

La carte et le croquis sont des documents cartographiques qui ne présentent pas les mêmes intérêts didactiques. La confusion qui est donc entretenue entre ces deux documents cartographiques est de nature à compromettre la réussite des apprentissages.

En effet, la carte est un document cartographique qui ne peut pas être réalisée en classe parce qu’elle exige des moyens techniques qui ne peuvent pas être réunis en classe. Toutefois, si sa réalisation en classe est impossible, son exploitation elle ne l’est pas. Son exploitation facilite l’étude exhaustive des phénomènes dans un rapport de proportionalité.

Le croquis lui, est non seulement exploitable mais aussi réalisable en classe. Il permet d’étudier le dynamisme des phénomènes comme c’est le cas ici, avec l’étude de la migration et de l’installation des peuples en Côte d’Ivoire. Il permet à la fois de localiser, de démontrer et de mettre en évidence. De ce fait, il peut être utilisé dans la séquence d’apprentissage comme dans l’évaluation des apprentissages. Son intérêt didactique paraît donc plus important que celui de la carte dans l’étude de la migration et de l’installation des peuples en Côte d’Ivoire. La confusion devrait être évitée dans l’identifi cation des cartes et des croquis pour que soit garanties les stratégies didactiques choisies par les enseignants. Mais, qu’on soit en face d’un croquis ou d’une carte la légende demeure indispensable et obligatoire.

- Le caractère indispensable et obligatoire de la légendeLe document cartographique peut couvrir plusieurs types de sujets ou

servir des problématiques différentes. C’est don la légende qui fait la différence fait la différence en permettant de décoder les informations véhiculées.

La légende se construit, se hiérarchise, développe une idée et aboutit à un constat. Elle doit pouvoir se lire comme une composition et sa lecture. La légende se décompose en rubriques qui rassemblent les informations correspondant à un même thème. On peut même trouver des entêtes pour les différentes rubriques afi n de faciliter l’identifi cation du sujet à l’étude et la lecture de la légende.

La légende de la carte ou du croquis a pour objectif de traduire le contenu du croquis cartographique. C’est relativement à ces différentes considérations que la légende est indispensable à la réalisation et à l’exploitation de la carte et du croquis. Au regard de ces nombreux constats, nous formulons les recommandations qui suivent.

77’LA PROBLEMATIQUE DE LA CONSTRUCTION DU SAVOIR HISTORIQUE...

© EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp. 58-78

4.2. Les recommandations

Les différentes observations faites nous invitent à former les recommandations suivantes :

4.2.1. La formation des enseignants

- La formation des enseignants à l’élaboration et à l’utilisation des documents cartographiques par le biais de module de formation à l’ENS et dans les CAFOP est nécessaire.

- La formation des enseignants doit favoriser par des modules spécifi ques la compétence interdisciplinaire.

- Les enseignants et les encadreurs pédagogiques doivent bénéfi cier d’une formation académique solide.

- Faire la promotion de la didactique comme outil d’analyse et d’amélioration des manuels scolaires dans les systèmes de formation universitaire et de formation des enseignants

4.2.2. La conception et l’élaboration des contenus dans les manuels

- Les commissions de sélections des manuels doivent comprendre nécessairement des didacticiens et des universitaires.

- Les manuels scolaires doivent admettre et accepter la complexité des objets d’apprentissage dans la formation des apprenants

CONCLUSIONL’élaboration et l’utilisation du document cartographique dans

l’apprentissage de l’histoire dans le manuel ont permis de déceler les diffi cultés de la transposition didactique et de l’interdisciplinarité. Les documents cartographiques aussi bien en géographie qu’en histoire où ailleurs restent des outils d’apprentissage. La démarche d’exploitation n’est pas un jeu, une simple activité ludique pour décorer les manuels scolaires. Elle présente un réel intérêt dans le processus d’apprentissage et même d’évaluation, car elle aide les apprenants à conceptualiser et développer leur capacité d’abstraction.

L’utilisation du document cartographique comme le souligne M. Lextreyt doit favoriser l’enseignement actif, dynamique, utile, qui a pour objectif de penser l’espace et réfl échir sur son organisation.

Dans cette perspective, nous proposerons dans une prochaine étude l’observation et l’analyse d’une situation de classe mettant en œuvre l’utilisation du document cartographique en histoire.

78 KISSIEDOU Kacou Vincent

© EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp. 58-78

BIBLIOGRAPHIE

Chevallard Yves (1985) La transposition didactique Paris, Edition de la pensée sauvage.

Landsherre (De) Viviane. (1992) Éducation et Formation, Paris, PUF

Dorel. Gérard (1998) Cartes et Croquis en GéographieReims, Bulletin histoire-géographie n° 16.

Foulin. S (1998) Psychologie de l’Education, Paris, Nathan.

Giolitto. Pierre (1992) Enseigner la Géographie à l’écoleParis, Hachette.

Heimberg. C harles (2002) L’histoire à l’école, Paris, ESF.

MONIOT Henry (1985) «Sur la didactique de l’histoire», Historiens et Géographe Paris, 75ème année, n° 305.

Le Roux. Anne (2003) La didactique de la géographie, Paris, PUF.

Lextreyt. M (2003)Histoire-Géographie et documents cartographiqueshttp//histgeo ac-aix-marseille fr/inspect/carto.htm.

M.E N.F.B (1998) Histoire Géographie (CE) Abidjan, NEI.

Piaget Jean (1969) Psychologie et pédagogie Paris, Denoël.

Vygotsky Lev (1997/1934) Pensée et langage Paris, la Dispute.