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La réserve de liquidationLa réserve de liquidationLa réserve de liquidationLa réserve de liquidation : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué: pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué: pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué: pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ????
1.1.1.1.---- Naguère, la liquidation d’une société entraînait le paiement d’un impôt sur le boni
de liquidation, sous forme d’un précompte mobilier libératoire de 10 %.
Ce taux, a priori particulièrement favorable, pouvait se justifier dès lors qu’il s’appliquait
en quelque sorte sur l’épargne d’une société, après paiement de l’impôt des sociétés et des
autres prélèvements. Il s’agissait donc d’une sorte d’impôt sur la fortune de la société.
Le gouvernement Di Rupo, à la recherche de recettes fiscales nouvelles, a décidé de porter
le taux du précompte mobilier applicable au boni de liquidation à 25 %.
Toutefois, afin de ne pas (trop) prendre de court les nombreux indépendants constitués en
société, pour qui le boni de liquidation constitue un capital de pension souvent
indispensable pour compléter la pension légale, il a été décidé que la mesure ne
s’appliquerait qu’à partir du 1er octobre 2014.
En somme, ceux qui le désiraient pouvaient donc anticiper la liquidation de leur société et
payer 10 % (immédiatement) sur le boni de liquidation. Il n’est guère douteux que le
gouvernement espérait que l’effet d’aubaine joue à plein régime et qu’un maximum de
sociétés se mettent en liquidation au cours des quelques mois précédant l’entrée en
vigueur du nouveau taux, pour profiter de l’ancien à 10 %, le sachant condamné.
2.2.2.2.---- La mesure a rencontré un certain succès, mais il est cependant rapidement apparu
évident qu’un certain nombre d’entrepreneurs ne pouvaient envisager la liquidation
anticipée de leur société, soit qu’ils soient désireux de poursuivre leur activité pendant
plusieurs années encore, soit qu’ils ne puissent faire autrement, par exemple en raison de
crédits bancaires en cours, ou de l’impossibilité de continuer à travailler en personne
physique (par exemple, en raison du cumul limité de la pension légale et de revenus d’une
activité indépendante).
Pour ceux-là, le gouvernement Di Rupo a introduit une mesure de faveur spécifique et
temporaire, à savoir le fameux « 537 », correspondant au numéro de la disposition du Code
des impôts sur le revenu régissant cette mesure.
En vertu de cette disposition, applicable à toutes les sociétés et pas uniquement aux PME,
il était possible, moyennant de nombreuses conditions – de forme et de fond – de pré-
taxer le bénéfice réservé moyennant un taux de précompte mobilier limité à 10 %, sans
liquider néanmoins la société. Le bénéfice dont question devait être incorporé au capital et
y rester au moins huit ans (quatre, seulement, pour les PME).
Cette mesure préférentielle a rencontré un vif succès, entraînant quelques encombrements
dans les études notariales dans les semaines qui ont précédé l’expiration du délai pendant
lequel elle pouvait être mise en œuvre, l’incorporation des réserves au capital nécessitant
l’intervention d’un notaire.
Nombreux sont les professionnels du chiffre qui ont légitimement conseillé à leurs clients
de profiter de cette aubaine fiscale.
3.3.3.3.---- C’était évidemment sans compter sur le fait que l’actuel gouvernement a
finalement décidé, en quelque sorte, de faire machine arrière et ce, à peine quelques mois
plus tard.
Plutôt que de revenir purement et simplement au taux de précompte de 10 % qui était
auparavant applicable au boni de liquidation, le gouvernement Michel a entrepris de
mettre en œuvre un régime a priori similaire à celui de l’article 537 du Code des impôts
sur le revenu, à ceci près qu’il est soumis à des conditions de forme et de fond qui ne sont
pas identiques et qu’il est destiné à devenir pérenne. Pourquoi faire simple quand on peut
faire compliqué ?
4.4.4.4.---- A partir de l’exercice d’imposition 2015, une « petite société » au sens du Code des
sociétés – cette notion correspondant à la notion économique de PME – peut décider de
constituer une « réserve de liquidation », c’est-à-dire de comptabiliser de manière distincte
au passif une somme, prélevée sur les réserves taxées de l’exercice, qui est immédiatement
soumise à une cotisation spéciale de 10 %.
Lors de la liquidation ultérieure de la société, cette réserve ne subira plus aucun
prélèvement fiscal, de sorte que le taux d’impôt effectivement applicable sur ces réserves
correspondra à l’ancien taux de précompte mobilier tel qu’applicable avant le 1er octobre
2014, soit 10 %.
Si la réserve de liquidation est distribuée sous forme de dividendes par la société, un impôt
complémentaire de 15 % sera dû, ce qui porte l’imposition globale à 25 %, correspondant
au précompte mobilier actuellement prélevé sur les distributions de dividendes.
Toutefois, si le prélèvement sur la réserve de liquidation survient plus de cinq après la fin
de l’exercice au cours duquel la réserve a été constituée, l’imposition complémentaire ne
s’élèvera plus qu’à 5 %.
Dans le cadre limité de la présente contribution, nous ne développerons pas les difficultés
d’application du régime, notamment en ce qui concerne le calcul de la durée de cinq ans
ou l’importance de l’ordre de retrait des réserves qui ont été constituées au cours de
plusieurs exercices successifs, pas plus que nous ne développerons la problématique de la
conformité de ce nouveau régime à la directive européenne mère-filiale.
5.5.5.5.---- Comme si cela ne suffisait pas en termes de complexité, le législateur s’est en effet
rendu compte qu’en prévoyant l’entrée en vigueur de la mesure pour les réserves
constituées à partir de l’exercice d’imposition 2015 (correspondant le plus souvent à
l’exercice comptable 2014), tandis que l’ancien régime « 537 » ne visait que les réserves
figurant dans des comptes annuels approuvés au plus tard le 31 mars 2013 (correspondant
donc le plus souvent à l’exercice comptable 2011), il demeurait deux exercices en
souffrance, à savoir les exercices comptables 2012 et 2013 (voire 2012-2013 et 2013-2014
pour les sociétés qui ont un exercice comptable décalé par rapport à l’année civile).
Aussi, en cours d’année 2015, le législateur a décidé de mettre en place une réserve de
liquidation spéciale, applicable uniquement aux bénéfices des exercices d’imposition 2013
et 2014.
Cette réserve spéciale a été instaurée par la loi-programme du 10 août 2015. Il s’agit donc
d’un mécanisme correcteur, aux effets nécessairement limités dans le temps.
Les bénéfices réservés par les PME pour les deux exercices en question peuvent être
transférés dans un compte de réserve de liquidation, moyennant le paiement d’une
cotisation spéciale de 10 %. Celle-ci doit être payée au plus tard le 30 novembre 2015 pour
ce qui concerne l’exercice 2013 et le 30 novembre 2016 pour l’exercice suivant.
Quelques différences existent entre le régime ordinaire et celui de la réserve spéciale, que
ce soit sur le plan formel ou de fond. Néanmoins, l’examen détaillé de celles-ci dépasse le
cadre de la présente contribution.
Qu’il nous soit néanmoins permis de déplorer que cette réserve spéciale occasionne un
risque supplémentaire au regard de la sécurité juridique à laquelle le contribuable peut
prétendre.
6666....---- Compte tenu du caractère très favorable du taux de prélèvement – 10 % seulement
– en cas d’affectation à la réserve de liquidation suivie d’une liquidation effective de la
société, certains pourraient être tentés de constituer une telle réserve, puis de liquider à
brève échéance la société, sans plus payer d’impôt sur le boni de liquidation, alors même
que la liquidation immédiate d’une société, sans procéder à la constitution d’une telle
réserve, occasionne le paiement d’un précompte mobilier désormais fixé à 25 %.
L’administration fiscale pourrait considérer qu’en agissant de la sorte, il est commis un
abus fiscal, mais il nous paraît que l’administration devrait alors démontrer que l’opération
n’a été accomplie qu’en vue de réaliser cet avantage fiscal. Ce pourrait notamment être le
cas si la liquidation de la société est suivie, de manière rapprochée, de la constitution par
les mêmes associés d’une autre société ayant un objet social identique.
7.7.7.7.---- Ces mesures sont évidemment favorables aux contribuables et l’on devrait donc se
réjouir de leur adoption.
Cependant, compte tenu de leur complexité et de l’insécurité juridique qui les menace,
nous ne pouvons nous empêcher de penser qu’il aurait été, en définitive, nettement plus
simple de ramener purement et simplement le taux du précompte mobilier à 10 % sur le
boni de liquidation, quitte à réserver cette faveur aux PME.
Immanquablement, par manque d’information ou en raison du non-respect de l’une ou
l’autre condition de forme ou de délai, certains contribuables ne pourront profiter de cette
mesure de faveur, ce qui risque de générer un contentieux fiscal dont les Cours et
Tribunaux se passeraient volontiers, sans même évoquer la problématique de la
responsabilité des professionnels du chiffre qui accompagnent au quotidien, dans ce
dédale, les patrons de PME.
Olivier Robijns
Avocat au Barreau de Liège