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Google envisage de quitter son paradis des Bermudes Attaqué pour sa stratégie d’optimisation fiscale agressive, Google réfléchit depuis plusieurs mois, en secret, à une modification de son organisation juridique et fiscale mondiale. La multinationale américaine envisage, dans ce cadre, de démanteler sa société aux Bermudes, pour se concentrer sur son implantation en Irlande, où le taux d’imposition des sociétés de 12,5 % reste très compétitif. L’idée est à la foi s de restaurer son image et d’anticiper le durcissement des règles fiscales. Le projet est, selon nos informations, discuté au niveau du management et du conseil d’administration de Google, où il fait débat. Il est de fait ultrasensible, les Bermudes étant aujourd’hui le pivot du schéma fiscal du moteur de recherche. Parmi les partisans du changement figurerait Patrick Pichette, le directeur financier de Google depuis 2008, et premier vice-président du groupe. Les actionnaires, eux, exprimeraient des réticences. La décision de l’Irlande, le 14 octobre, de changer sa loi et de mettre fin au fameux « double irish » cette technique fiscale basée sur le statut de société hybride irlandaise, qui permet aux multinationales implantées à Dublin de délocaliser leurs profits vers des paradis fiscaux devrait renforcer les soutiens du projet. Ce « double irish » est en effet utilisé par Google pour extérioriser ses profits aux Bermudes. Son interdiction condamne donc l’implantation bermudienne de Google à l’horizon 2020 au plus tard. Lire aussi : Les grandes multinationales sereines après la fin du « double irish » Schématiquement, Google a créé à Dublin deux sociétés. La première (Google Ireland Limited, siège européen de Google, avec 2 500 employés) est une société opérationnelle classique, qui reçoit toutes les redevances de la part des filiales du groupe en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient. Elle transfère ces profits (par un détour par les Pays-Bas) à une seconde entité, Google Ireland Holding, qui se trouve être une société hybride, dont la particularité statutaire est d’être enregistrée en Irlande mais d’avoir sa résidence fiscale ailleurs, où l’impôt sur les sociétés est nul. Dans le cas de Google Ireland Holding, c’est aux Bermudes où la structure y apparaît sous la dénomination de Google Bermuda Unlimited. Le montage est parfait. L’économie d’impôts, totale. Interrogé par Le Monde sur ses projets, Google a refusé de commenter mais rappelé que le groupe appliquait les lois à la lettre. RÉORGANISATION PRAGMATIQUE En fait, pour Google, le projet de réorganisation fiscale du groupe est pragmatique. Il vise à mettre le groupe en conformité avec les nouvelles règles internationales en matière de fiscalité des entreprises prônées par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et soutenues par de nombreux membres du G20. Une telle démarche vise aussi à redorer l’image de mauvais payeur et de piètre contributeur aux finances publiques du géant du numérique.

4. Google Envisage de Quitter Son Paradis Des Bermudes

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  • Google envisage de quitter son paradis des Bermudes

    Attaqu pour sa stratgie doptimisation fiscale agressive, Google

    rflchit depuis plusieurs mois, en secret, une modification de son

    organisation juridique et fiscale mondiale.

    La multinationale amricaine envisage, dans ce cadre, de dmanteler sa socit aux

    Bermudes, pour se concentrer sur son implantation en Irlande, o le taux dimposition des socits de 12,5 % reste trs comptitif. Lide est la fois de restaurer son image et danticiper le durcissement des rgles fiscales.

    Le projet est, selon nos informations, discut au niveau du management et du conseil

    dadministration de Google, o il fait dbat. Il est de fait ultrasensible, les Bermudes tant aujourdhui le pivot du schma fiscal du moteur de recherche. Parmi les partisans du changement figurerait Patrick Pichette, le directeur financier de Google depuis 2008,

    et premier vice-prsident du groupe. Les actionnaires, eux, exprimeraient des rticences.

    La dcision de lIrlande, le 14 octobre, de changer sa loi et de mettre fin au fameux double irish cette technique fiscale base sur le statut de socit hybride irlandaise, qui permet aux multinationales implantes Dublin de dlocaliser leurs profits vers des

    paradis fiscaux devrait renforcer les soutiens du projet.

    Ce double irish est en effet utilis par Google pour extrioriser ses profits aux Bermudes. Son interdiction condamne donc limplantation bermudienne de Google lhorizon 2020 au plus tard.

    Lire aussi : Les grandes multinationales sereines aprs la fin du double irish

    Schmatiquement, Google a cr Dublin deux socits. La premire (Google Ireland

    Limited, sige europen de Google, avec 2 500 employs) est une socit oprationnelle

    classique, qui reoit toutes les redevances de la part des filiales du groupe en Europe, en

    Afrique et au Moyen-Orient.

    Elle transfre ces profits (par un dtour par les Pays-Bas) une seconde entit, Google

    Ireland Holding, qui se trouve tre une socit hybride, dont la particularit statutaire est

    dtre enregistre en Irlande mais davoir sa rsidence fiscale ailleurs, o limpt sur les socits est nul. Dans le cas de Google Ireland Holding, cest aux Bermudes o la structure y apparat sous la dnomination de Google Bermuda Unlimited. Le montage

    est parfait. Lconomie dimpts, totale.

    Interrog par Le Monde sur ses projets, Google a refus de commenter mais rappel que

    le groupe appliquait les lois la lettre.

    RORGANISATION PRAGMATIQUE

    En fait, pour Google, le projet de rorganisation fiscale du groupe est pragmatique. Il

    vise mettre le groupe en conformit avec les nouvelles rgles internationales en

    matire de fiscalit des entreprises prnes par lOrganisation de coopration et de dveloppement conomiques (OCDE) et soutenues par de nombreux membres du G20.

    Une telle dmarche vise aussi redorer limage de mauvais payeur et de pitre contributeur aux finances publiques du gant du numrique.

  • De nombreux Etats, telle la France, se plaignent dalimenter le chiffre daffaires et les profits de Google sans percevoir dimpts en retour. Ils ont engag des bras de fer avec la multinationale amricaine. De ce point de vue-l, la fermeture de Google Bermudes

    ne changerait certes rien. Mais elle aurait au moins pour effet dadoucir la critique lencontre de Google, en augmentant sa charge dimpt.

    JOUER LA MONTRE

    Le retrait de Google des Bermudes reste toutefois arbitrer : faut-il lorganiser en 2015, 2016, 2017 ou 2020 ? Avant lannonce de lIrlande, il tait tentant pour le groupe de quitter assez vite le centre financier offshore. Certains membres du management

    staient mme pris esprer que cela puisse tre annonc avant le sommet des chefs dEtat et de gouvernement du G20 de Brisbane, en Australie, les 15 et 16 novembre, notamment consacr la fiscalit des entreprises et la lutte contre loptimisation fiscale agressive. Les chefs dEtat doivent y valider la premire partie du plan daction concoct par lOCDE pour contrer loptimisation fiscale agressive des multinationales. Laffichage aurait t du plus bel effet.

    Mais maintenant que lIrlande a donn le la, par la voix de son ministre des finances, Michael Noonan, en annonant la fin prochaine des socits hybrides, et laiss aux

    multinationales jusqu 2020 pour sadapter, peut-tre les dirigeants de Google, et surtout ses actionnaires, voudront-ils jouer la montre. Et continuer profiter de

    considrables conomies dimpts pendant cinq ans encore

    LA PRESSION INTERNATIONALE SE RENFORCE

    Quoi quil en soit, le projet de Google pourrait aussi faire rflchir dautres multinationales adeptes de loptimisation fiscale agressive. Celles qui sont installes, comme lui, en Irlande, telles Apple, Amazon, Facebook, qui sont galement contraintes

    de rflchir leur dispositif fiscal.

    Ou dautres comme la chane de cafs amricaine Starbucks, critique au Royaume-Uni pour ses mthodes doptimisation, et qui a annonc en avril quelle dplacerait son sige europen dAmsterdam Londres pour payer plus dimpts .

    Aprs des annes dimmobilisme, les lignes bougent. La pression internationale sur les grands groupes mondiaux ne va dailleurs pas cesser de se renforcer au cours des prochains mois, comme lannonce lenvi lOCDE, mandate par le G20 pour lutter contre la fraude fiscale ou loptimisation agressive notamment celle des gants du numrique.

    Le but de cette organisation internationale est que les entreprises acquittent limpt d et si possible, lendroit o ils exercent une activit conomique relle. Loptimisation fiscale, qui est aujourdhui le cur du racteur, expliquent les responsables de lOCDE, doit devenir marginale demain.

    De son ct, ladministration Obama semploie compliquer les manuvres des multinationales tentes de se domicilier artificiellement ltranger afin de rduire leur taux dimposition qui culmine 35 % aux Etats-Unis (taux nominal).