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40 santé le drainage en pratique L e drainage est à l'origine lié à l'héritage hippocratique et para- celsien de la médecine. La théo- rie des humeurs véhiculait l'idée que l'organisme avait besoin de nettoyer ces résidus et toxines, considérés comme des «humeurs peccantes ou viciées». La saignée et le clystère (lavement) étaient utilisés afin d'assainir l'orga- nisme, la contamination des humeurs étant considérée comme l'origine des maladies. Plus tard, la notion de ter- rain s’est largement développée, coha- bitant avec la conception pasteurienne selon laquelle les microbes étaient à l'origine des maladies. Pasteur, lui- même, confia sur son lit de mort ce cé- lèbre adage : «Finalement, Claude Bernard avait raison, le microbe n’est rien, le terrain est tout». Mono-diètes, jeûnes, thermalisme procèdent aujourd’hui du même rai- sonnement de purification. Aujourd'hui, la notion de drainage est encore largement utilisée dans un contexte de santé globale, tant par les phytothérapeutes que les naturo- pathes et homéopathes. Avec l'aide des plantes médicinales, le drainage consiste à stimuler un organe dont le fonctionnement est défectueux ou dont la sollicitation prolongée entrave l'élimination des substances toxiques qu'elles soient endogènes ou exo- gènes. Le drainage contribue égale- ment à réguler les fonctions de sécrétion des tissus et des organes, et en particulier la fonction des cellules, essentiellement épithéliales, permet- tant le transport des nutriments et l’élimination des déchets. Les épithé- liums sont des tissus dont le rôle est d’assurer la séparation entre le milieu extérieur et le milieu intérieur et jouent, à ce titre, un rôle de défense et de protection par la production de mucus. Ils constituent de véritables in- terfaces, zones d’échange et de com- munication intercellulaire. Par exemple, l’épithélium de l’estomac, par la sécrétion de mucus, protège ce dernier de l’agression de l’acide chlo- rhydrique, celui de l’intestin favorise l’absorption des nutriments, la protec- tion contre les déchets toxiques et l’élimination des déchets... Le rôle de certaines plantes est d’acti- ver ces échanges et d’accélérer le transport actif de certaines molécules. Le drainage va donc s’opérer par plu- sieurs mécanismes d’action : - Accentuer la fonction sécrétoire de l’organe ; - Accélérer les échanges cellulaires et le transport actif des molécules ; - Réguler le contrôle neurovégétatif. Les organes chargés d’éliminer les dé- chets sont appelés émonctoires du latin «emonctorium», dérivé lui-même de «emungere», action de se moucher. Certains émonctoires ont également une fonction glandulaire produisant un produit de sécrétion endocrine (dans le sang), exocrine (dans un canal) ou amphicrine (les deux conju- gués), comme le pancréas, le foie. Le foie est considéré comme organe central en termes de drainage car, outre sa fonction ••• Enquêtes de santé N°25 - septembre otobre 2014 Représentation de clystère (http://dotyy-snoop.forumgratuit.org/t19-cours-v-le-lavement-et-purgation) «Le drainage des toxines : le point sur cette pratique ancestrale...» Par Catherine Picard, naturopathe-iridologue

40 «Le drainage des toxines : le point sur cette pratique ... · métabolique, Soutenir et/ou restaurer la muqueuse intestinale et/ou respira-toire. Deuxième objectif : nettoyer,

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Page 1: 40 «Le drainage des toxines : le point sur cette pratique ... · métabolique, Soutenir et/ou restaurer la muqueuse intestinale et/ou respira-toire. Deuxième objectif : nettoyer,

40 santé le drainage en pratique

Le drainage est à l'origine lié àl'héritage hippocratique et para-celsien de la médecine. La théo-

rie des humeurs véhiculait l'idée quel'organisme avait besoin de nettoyerces résidus et toxines, considéréscomme des «humeurs peccantes ou viciées».La saignée et le clystère (lavement)étaient utilisés afin d'assainir l'orga-nisme, la contamination des humeursétant considérée comme l'origine desmaladies. Plus tard, la notion de ter-rain s’est largement développée, coha-bitant avec la conception pasteurienneselon laquelle les microbes étaient àl'origine des maladies. Pasteur, lui-même, confia sur son lit de mort ce cé-lèbre adage : «Finalement, Claude Bernardavait raison, le microbe n’est rien, le terrainest tout».Mono-diètes, jeûnes, thermalismeprocèdent aujourd’hui du même rai-sonnement de purification.Aujourd'hui, la notion de drainage estencore largement utilisée dans uncontexte de santé globale, tant par lesphytothérapeutes que les naturo-pathes et homéopathes. Avec l'aidedes plantes médicinales, le drainageconsiste à stimuler un organe dont lefonctionnement est défectueux oudont la sollicitation prolongée entravel'élimination des substances toxiquesqu'elles soient endogènes ou exo-gènes. Le drainage contribue égale-ment à réguler les fonctions desécrétion des tissus et des organes, eten particulier la fonction des cellules,essentiellement épithéliales, permet-

tant le transport des nutriments etl’élimination des déchets. Les épithé-liums sont des tissus dont le rôle estd’assurer la séparation entre le milieuextérieur et le milieu intérieur etjouent, à ce titre, un rôle de défense etde protection par la production demucus. Ils constituent de véritables in-terfaces, zones d’échange et de com-munication intercellulaire. Parexemple, l’épithélium de l’estomac,par la sécrétion de mucus, protège cedernier de l’agression de l’acide chlo-rhydrique, celui de l’intestin favorisel’absorption des nutriments, la protec-tion contre les déchets toxiques etl’élimination des déchets...Le rôle de certaines plantes est d’acti-ver ces échanges et d’accélérer letransport actif de certaines molécules.

Le drainage va donc s’opérer par plu-sieurs mécanismes d’action :- Accentuer la fonction sécrétoire del’organe ;- Accélérer les échanges cellulaires etle transport actif des molécules ;- Réguler le contrôle neurovégétatif.Les organes chargés d’éliminer les dé-chets sont appelés émonctoires dulatin «emonctorium», dérivé lui-même de«emungere», action de se moucher.Certains émonctoires ont égalementune fonction glandulaire produisantun produit de sécrétion endocrine(dans le sang), exocrine (dans uncanal) ou amphicrine (les deux conju-gués), comme le pancréas, le foie.Le foie est considéré comme organecentral en termes de drainage car,outre sa fonction •••

Enquêtes de santé N°25 - septembre otobre 2014

Représentation de clystère (http://dotyy-snoop.forumgratuit.org/t19-cours-v-le-lavement-et-purgation)

«Le drainage des toxines :le point sur cette pratique ancestrale...»

Par Catherine Picard, naturopathe-iridologue

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émonctorielle et glandulaire, il estégalement l’acteur majeur de la dé-toxification hépatique.

Rappel des phases de la détoxifica-tion hépatique- Phase 1 : un système enzymatiquetrès spécialisé, les cytochromes P 450,permet de solubiliser dans l’eau lesmolécules étrangères appelées xéno-biotiques, souvent lipophiles (solublesdans la graisse).- Phase 2 : d’autres enzymes ont laspécificité d’assurer un processus deconjugaison, en greffant le métaboliteà éliminer à des radicaux moléculaires.Ces enzymes sont de puissants anti-oxydants : glutathion peroxydase, su-peroxyde dismutase, transférases... Denombreuses plantes renferment dessubstances permettant d’activer cettephase, comme les glucosinolates descrucifères ou la silymarine du chardonMarie.- Phase 3 : c’est une phase de trans-port actif des métabolites ainsi conju-gués, dont l’activité est devenue nontoxique, vers l’extérieur de l’organismepar les émonctoires et, en particulier,les reins.Chez les homéopathes, le drainage estun adjuvant au travail de fond sur la

modification du terrain, permettant leretour à l’homéostasie.Dans certaines pathologies, le drai-nage représente la clé de voûte du trai-tement : surcharge et ralentissement méta-bolique (hyperlipidémie, goutte, rhu-matologie) ; dermatologie (furoncle, acné, der-matose suintante, les variqueux) ; infection prolongée et traînante(broncho-pneumopathie chroniqueobstructive, sinusite, infection uri-naire) ; exposition à différents toxiques exo-gènes (intoxication accidentelle, chi-mio thérapie de toute nature) ouendogènes (élimination de débris né-crotiques) ; certaines colopathies, affectionsgastriques ; accompagnement de la perte depoids.Lors d’un drainage, il n’est pas rare devoir apparaître des réactions de déblo-cage émonctoriel, se traduisant pardes réactivations passagères de cer-tains symptômes. Dans ce cas, le drai-nage est suspendu jusqu’ànormalisation et repris ensuite douce-ment.Les drainages se font toujours de ma-

nière discontinue afin de ne pas épui-ser l’organisme et favoriser un risquede déminéralisation par fuite des mi-néraux.

Quelques plantes ayant une fonctionde drainage - Des reins :Dans leur fonction d'élimination del'eau, par les feuilles de bouleau Bé-tula sp, par les stigmates de maïs Zeamays, pour éliminer plus particulière-ment certains produits indésirables :acide urique par le peuplier Populusnigra, l’ajkékenge Physalis alkékengi,chlorures par la piloselle Hieracium pi-losella, urée par le lespedeza Lespe-deza capitata et l’orthosiphonOrthosiphon stamineus.- Du foie et de la vésicule biliaire :Par l’artichaut Cynara scolymus, leboldo Peumus boldo, chacun d’entreeux ayant une activité spécifique, deprotection par exemple pour le char-don Marie Silybum marianum.- Du pancréas :Par la fumeterre Fumaria officinalis, lesbaies de Genièvre Juniperus commu-nis.- Des intestins :Par la mauve Malvia sylvestris, la gui-mauve Althaea officinalis, le

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Les phases de la détoxication hépatique (http://www.kinesport.info/Micronutrition-Special-detox-_a1623_3.html)

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psyllium Plantg psyllium, la rose deProvins Rosa gallica.- De la peau :Par la bardane Arctium major, la pen-sée sauvage Viola tricolor, la douceamère Solanum dulcamara.- Des poumons :Par le pied de chat Antennaria dioica,le marrube Marrubium vulgare, lebouillon blanc Verbascum thapsus, lesbourgeons de pin Pinus sylvestris.

Les principes actifs impliqués dansune action de drainage- Les polyphénols, dont certains flavo-noïdes (kaempferol et quercitine duthé, de l’oignon Alium cepa, du bou-leau Betula sp). Ils renferment des ta-nins avec une action antiseptique etastringente, et piègent les radicaux li-bres.- Acides phénols (nombreux dansl’aubier de tilleul Tilia sylvestris et lapiloselle Hieracium pilosella), l’aciderosmarinique des labiées a une fonc-tion métabolique importante, en par-ticulier drainante.- Diterpènes (orthosiphols) et triter-pènes (acide ursolique) de l’orthosi-phon Orthosiphon stamineus. Ils ontune action cholérétique, mucolytique,expectorante, analgésique et antago-niste de la sérotonine.- Lactones sesquiterpéniques ouamères aromatiques, sans doute lesplus actifves car elles stimulent l'acti-vité enzymatique rénale hépatique,améliorent les capacités de protectiondu foie vis-à-vis des toxiques. Ellessont cholagogues et cholérétiques (ac-

centuent respectivement la productionde bile et son élimination). La plupartdes plantes qui en contiennent furentdénommées dépuratives par le bonsens de nos prédécesseurs : ce sont enréalité des détoxiquants par activationmétabolique. Ces amères sont large-ment répandues dans la famille desAsteraceae, grosse pourvoyeuse deplantes de drainage : absinthe Artemi-sia absinthium, artichaut Cynara ssco-lymus, bardane Arctium major,chicorée Cichorium intybus).- Glucosinolates (molécules souffrées)des Brassicasseae : radis noir Rapha-nus sativus niger, raifort Cochlearia ar-morica, détoxifiants vis-à-vis denombreux toxiques exogènes.- Certains polyssacharides diuré-tiques (fructanes comme l’inuline)également très présents dans la fa-mille des Asteraceae : pissenlit Taraxa-cum dens-leonis ; et des Boraginaceae :pulmonaire Pulmonaria officinalis, bu-glosse Anchusa officinalis.- Saponosides connus comme anti-œdémateux : ficaire Ficaria ranuncu-loïdes ; expextorants : lierre Hederahelix ; diurétiques et détoxiquants hé-patiques : Chrisantellum indicum.- Phtalides, molécules intervenantdans le processus enzymatique de dé-toxification hépatique et rénale (huile

essentielle de céleri Apium graveolens.

Notion de dérivation émonctorielleLorsqu’un émonctoire est surmené, ilest préférable de dériver les toxinesvers un émonctoire secondaire ayantla même fonction.Lors d’une maladie les toxines sontnaturellement dérivées d’un émonc-toire à l’autre.Ainsi, un symptôme disparaît pour êtreremplacé par un autre : par exemple,alternance entre crise d’eczéma etcrise d’asthme.Il s’agit là d’un mécanisme d’adapta-tion physiologique, appelé transfertmorbide, visant à maintenir l’homéos-tasie tout en adoptant une stratégied’économie émonctorielle.

Pratique des dérivationsUne dérivation est donc le transfert detoxines d’un émonctoire à un autre,réalisé volontairement.- Élimination vers un émonctoire demême genre. Ex : peau → reins.- Pour protéger un organe interne, ondérive vers la surface : reins → peau.- Il est possible de créer un émonctoireartificiel (rare) : saignées, sangsues,produits irritants...- Dérivation proche de la localisationdes troubles: ventouses,

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Pensée sauvage Viola tricolor

Les polyphénols (http://www.gurufitnessplanet.com/2012/12/article-131-poly-phenols-its-benefits.html

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cataplasmes (argile, feuille de choux).

Dans la pratique :- Lors d’une affection aiguë : on ren-force l’effort d’élimination de l’émonc-toire concerné.- Lors d’une affection chronique : ondérive les toxines vers un autre émonc-toire car l’encrassement est tel quel’organe chargé de l’élimination destoxines est dépassé et inefficace.

Le drainage dans la stratégie théra-peutiqueLa stratégie sera différente selon quela pathologie est aiguë ou chronique,et que les facteurs d’entretien et d’ag-gravation sont endogènes ou exo-gènes.

1) Analyse du terrainLes bilans naturopathiques serviront àappréhender le terrain selon ses diffé-rents niveaux :- Génétique ou constitutionnel ;- Physique : degré d’encrassement, decarences, équilibre énergétique... ;- Environnemental : stress, alimenta-tion, hygiène de vie, pollutions exo-gènes, etc. ;- Psycho-émotionnel.

2) Déterminer les objectifs priori-tairesPremier objectif : relancer le processusmétabolique, Soutenir et/ou restaurerla muqueuse intestinale et/ou respira-toire.Deuxième objectif : nettoyer, désacidi-fier, désoxyder.Troisième objectif : revitaliser, soutenirune fonction déficiente.

3) Établir un plan de cure adapté

Quand drainer ?Pathologie aiguë :- Soutenir l’émonctoire qui estconcerné par la pathologie dans sontravail d’élimination : une cure de 20jours.Pathologie chronique :- Dérivation émonctorielle.

- Drainages doux, de courte durée maisrépétés sur du long terme.Drainage saisonnier préventif : au-tomne et printemps.Drainages occasionnels lors d’un excèstemporaire (fêtes de Noël, voyage,etc.). n

Bibliographie- «Manuel de détoxication : Santé et Vitalité par l’élimination des toxines»,Christopher Vasey, Broché, avril 2013- «Traité pratique de phytothérapie», Dr Jean-Michel Morel, Éd. Grancher, juin2009Les sites Internet de Catherine Picard :http://www.catherine-picard.comhttp://www.naturoformleblog.wordpress.com

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Enquêtes de santé N°25 - septembre otobre 2014

Le chou vert a décidément de multiples vertus...