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20 CRIIRAD - Trait d’Union n° 50 PUITS CANADIENS Le puits canadien (ou puits proven- çal) est un système de ventilation naturelle où l’air extérieur pénètre dans le bâtiment après avoir traversé une canalisation souterraine. L’inertie thermique du sol permet de réchauf- fer (en période froide) ou refroidir (en période chaude) l’air insufflé dans les locaux. Le radon, gaz naturel radioactif généralement présent en concen- tration élevée dans le sol, peut être transféré dans l’air desservant le bâtiment par le biais des défauts d’étanchéité du puits canadien (communication avec le sol ; regards ; porosité des canalisations souterraines ; joints entre différents tronçons de canalisations ; point d’écoulement des condensats...). Ce transfert peut être favorisé si la canalisation souterraine est en dépression vis-à-vis du terrain traversé. C’est le cas lorsque le dispositif est équipé d’un système de ventilation mécanique situé en aval de la cana- lisation souterraine. Mesures d’un puits canadien dans un immeuble de bureaux En 2009, le laboratoire CRIIRAD a effec- tué des mesures de radon dans un bâti- ment de bureaux équipé d’un puits canadien et situé dans la Drôme. Le bâtiment, construit sur terrain plat, pos- sède une surface habitable de 2 600 m 2 répartie sur 3 niveaux. Il est équipé d’une ventilation mécanique double flux comportant une centrale de traite- ment d’air (notée CTA dans la suite de l’article) avec échangeur de chaleur. L’air extérieur aspiré par la CTA peut transiter par un puits canadien ou pro- venir d’une entrée d’air directe. Ce choix est défini par un automate en fonction de la différence entre les tem- pératures en amont et en aval du puits canadien. Dans un premier temps (entre le 2 mars et le 27 avril 2009), le laboratoire CRII- RAD a effectué des mesures intégrées de radon au moyen de films LR115 DOSIRAD. Les concentrations mesurées étaient de 684 ± 48 Becquerels par PUITS CANADIENS : LA CRIIRAD CONTRÔLE LE RADON Le puits canadien, qui permet de réduire la consommation énergétique des bâtiments, peut être un bon complément aux systèmes de chauffage, de cli- matisation et d’aération. Les tests récemment effectués par le laboratoire CRIIRAD montrent toutefois un risque d’augmentation de la concentration en radon en cas de défaut d’étanchéité 1 . 1. Voir TU n°48 (avril 2010). OCTOBRE 2010

50 28/03/13 9:39 Page 20 PUITS CANADIENS PUITS … · CRIIRAD - Trait d’Union n° 50 20 q PUITS CANADIENS Le puits canadien (ou puits proven-çal) est un système de ventilation

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Le puits canadien (ou puits proven-çal) est un système de ventilationnaturelle où l’air extérieur pénètredans le bâtiment après avoir traverséune canalisation souterraine. L’inertiethermique du sol permet de réchauf-fer (en période froide) ou refroidir (enpériode chaude) l’air insufflé dans leslocaux.

Le radon, gaz naturel radioactifgénéralement présent en concen-tration élevée dans le sol, peut êtretransféré dans l’air desservant lebâtiment par le biais des défautsd’étanchéité du puits canadien(communication avec le sol ;regards ; porosité des canalisationssouterraines ; joints entre différentstronçons de canalisations ; pointd’écoulement des condensats...).

Ce transfert peut être favorisé si lacanalisation souterraine est endépression vis-à-vis du terrain traversé.C’est le cas lorsque le dispositif estéquipé d’un système de ventilationmécanique situé en aval de la cana-lisation souterraine.

Mesures d’un puits canadiendans un immeuble de bureaux

En 2009, le laboratoire CRIIRAD a effec-tué des mesures de radon dans un bâti-ment de bureaux équipé d’un puitscanadien et situé dans la Drôme. Lebâtiment, construit sur terrain plat, pos-sède une surface habitable de 2 600 m2

répartie sur 3 niveaux. Il est équipéd’une ventilation mécanique doubleflux comportant une centrale de traite-ment d’air (notée CTA dans la suite del’article) avec échangeur de chaleur.L’air extérieur aspiré par la CTA peuttransiter par un puits canadien ou pro-venir d’une entrée d’air directe. Cechoix est défini par un automate enfonction de la différence entre les tem-pératures en amont et en aval du puitscanadien.

Dans un premier temps (entre le 2 marset le 27 avril 2009), le laboratoire CRII-RAD a effectué des mesures intégréesde radon au moyen de films LR115DOSIRAD. Les concentrations mesuréesétaient de 684 ± 48 Becquerels par

PUITS CANADIENS : LA CRIIRAD CONTRÔLE LE RADON Le puits canadien, qui permet de réduire la consommation énergétique desbâtiments, peut être un bon complément aux systèmes de chauffage, de cli-matisation et d’aération. Les tests récemment effectués par le laboratoireCRIIRAD montrent toutefois un risque d’augmentation de la concentrationen radon en cas de défaut d’étanchéité1.

1. Voir TU n°48 (avril 2010).

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mètre cube (Bq/m3) dans la CTA, enaval d’un filtre à poussières, et 339 ± 31 Bq/m3 dans des bureaux du 1erétage desservis par la CTA.

Premiers résultats qui interpellent

La concentration mesurée dans lesbureaux est légèrement inférieure aupremier seuil réglementaire de 400 Bq/m3 au-delà duquel la réglemen-tation impose de mettre en œuvre desactions correctrices dans les établisse-ments recevant du public et dans leslieux de travail. Toutefois :

• ce niveau est élevé compte tenu ducontexte régional. La concentration estprès de 4 fois supérieure à la concentra-tion moyenne dans l’habitat français (90 Bq/m3) et près de 10 fois supérieure àla moyenne départementale de laDrôme (36 Bq/m3),

• cette concentration est élevéecompte tenu de la situation de la pièceau sein du bâtiment. Les concentrationsen radon sont généralement plus éle-vées dans les niveaux en contact avecle sol (sous-sol et rez-de-chaussée) quedans les étages ; or la pièce contrôléeest située au premier étage.

De plus, le seuil de 400 Bq/m3 nereprésente pas une limite en dessousde laquelle le radon est inoffensif : lerisque augmente de façon linéaire etsans seuil.

Suite à ces premiers résultats, le labora-toire CRIIRAD a effectué au cours del’été 2009 plusieurs séries de mesurescomplémentaires visant à mieux com-prendre l’origine du radon.

Le puits canadien en cause

En juillet-août 2009, le laboratoire CRII-RAD a étudié l’évolution des concen-trations en radon en fonction durégime de ventilation au moyen de 2moniteurs Alphaguard PQ2000 PRO.Ces appareils mesurent l’activité volu-mique en radon 222 à intervalle detemps réglable (10 ou 60 minutes). Lesdonnées enregistrées sont ensuite trai-tées par un logiciel spécifique afind’être présentées sous forme detableaux de valeurs et de graphes.

La confrontation des résultats avec lesdonnées des témoins de régime deventilation a montré que lorsque l’airextérieur transite par le puits canadien,la concentration moyenne en radon estnettement plus élevée que lorsque l’airprovient directement de l’extérieur. Cephénomène a été constaté :

• à l’intérieur de la CTA, dans le compar-timent où débouchent les deux arrivéesd’air extérieur (arrivée directe et puitscanadien) avant d’être insufflé dans lebâtiment (concentration en radon 10fois plus élevée lorsque l’air provient dupuits canadien),

• dans les bureaux du 1er étage ayantfait l’objet du premier relevé de radon(concentration en radon 3,5 fois plusélevée lorsque l’air provient du puitscanadien).

L’étanchéité des puits canadiensen question

Le puits canadien proprement dit estconstitué de deux nappes parallèles decanalisations PVC de 200 mm de dia-

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mètre, enterrées à une profondeurd’environ 1,5 m et 2,5 m. Les jonctionsamont et aval de ces nappes sonteffectuées par des canalisations PVCde 500 mm de diamètre. Les canalisa-tions sont constituées de plusieurs tron-çons emboîtés.

Le puits canadien comporte 4 regardsvisitables de 3 à 4 mètres de profondeur, constitués de boisseaux en béton empi-lés (section carrée 600 mm x 600 mm).La base de chaque regard est encontact direct avec le terrain sous-jacent. C’est également le cas de cer-taines jonctions de boisseaux non join-tées. Le puits canadien étant en dépres-sion vis-à-vis du terrain qui l’entoure, unepartie de l’air du sol peut se mélanger àl’air extérieur acheminé par les canalisa-tions, en traversant les bases de regardsainsi que les défauts d’étanchéité dudispositif (jonctions de boisseaux, jonc-tions de canalisations PVC).

Afin de localiser les points d’entrée duradon, le laboratoire CRIIRAD a effec-tué des mesures simultanées de radonen différents points du circuit de ventila-tion. Les résultats montrent que dans lapartie souterraine du puits canadien,l’air se charge progressivement enradon. La concentration en radon estmultipliée par 8 entre l’amont et l’avaldu puits canadien.

Le radon provient surtout des défautsd’étanchéité au niveau des regards (solnu, cf. schéma), et plus spécifiquementdes regards 2 et 4. Les canalisations pro-prement dites ne semblent pas être dessources significatives de radon, à l’ex-ception de la canalisation de 500 mmde diamètre reliant les regards 3 et 4.

Solutions correctives

Dans le bâtiment étudié par le labora-toire CRIIRAD, l’influence du puits cana-dien peut être réduite par un colma-tage de ses défauts d’étanchéité, et enparticulier :

• des bases de regards. Le sol en terrebattue peut être couvert par une mem-brane étanche à l’air (la limite entremembrane et parois verticales doit êtrejointée correctement) puis un dallage.Dans le regard utilisé pour l’évacuationdes condensats, l’écoulement en puitsperdu étant supprimé par le colma-tage, une solution alternative doit être

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mise en place. Il pourrait par exemples’agir d’une pompe de relevageextrayant les condensats pour les rejeterà l’extérieur;

• des pourtours des boisseaux bétondes regards, dont certains ne sont pasjointés. Le colmatage peut être assurépar des produits ayant une élasticité suf-fisante pour éviter l’apparition de nou-veaux problèmes d’étanchéité ulté-rieurs ;

• des jonctions des canalisations acces-sibles.

L’efficacité des actions correctrices doitêtre bien sûr vérifiée par une nouvellesérie de mesures intégrées de radondans le bâtiment.

Précautions avant de construireun puits canadien

Dans le cadre d’un projet de construc-tion, le risque lié au radon peut être prisen compte en amont en optant pourune solution technique adaptée. A titred’exemple :

• la différence de pression entre lacanalisation souterraine et le terrainenvironnant peut être inversée en pla-çant un insufflateur au niveau du pointd’entrée de l’air extérieur, en amont dupuits canadien ;

• l’étanchéité du dispositif vis-à-vis duterrain traversé peut être améliorée enutilisant des canalisations aussi étanchesque possible au radon, en soignant lesjonctions de canalisations et en privilé-

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giant un système d’écoulement descondensats qui ne soit pas en contactdirect avec le terrain (siphon étanchedans la cave ou pompe aspirant lescondensats au fond d’un regard étan-che) ;

• il existe des systèmes de puits cana-dien indirects dans lesquels ce n’est pasl’air extérieur insufflé dans le bâtimentqui traverse le sous-sol. Un fluide calo-porteur joue ce rôle en circuit fermé ettempère, par le biais d’un échangeurde chaleur, l’air extérieur insufflé dans lebâtiment.

Pour une prise en compte duradon dans les puits canadiens.

Les mesures effectuées en 2009/2010par le laboratoire CRIIRAD montrentqu’un puits canadien en situation dedépression vis-à-vis du terrain traversé etcomportant des défauts d’étanchéitépeut être à l’origine d’une accumula-tion de radon dans le bâtiment desservi,y compris dans un secteur présentant apriori un faible potentiel d’émanationen radon.

En effet, toutes les roches produisent duradon, qui est, par conséquent, présenten concentrations beaucoup plus éle-vées dans l’air du sous-sol que dans l’airextérieur.

Dans le bâtiment de bureaux étudié parle laboratoire CRIIRAD, les principauxpoints d’entrée du radon sont desregards non étanches vis-à-vis du ter-rain traversé. Ces regards étant visita-bles, il devrait être possible d’améliorerleur étanchéité de manière relative-ment simple.

Pour les installations dont les défautsd’étanchéité ne sont pas accessibles,les actions correctrices sont plus com-plexes à mettre en œuvre.

Il est important d’informer et de formerles concepteurs et les installateurs depuits canadiens. Des solutions techni-ques permettent de limiter les apportsde radon à partir du sol. Encore faut-il lesmettre en oeuvre. C’est nécessaire bienau-delà des 31 départements officielle-ment déclarés à risque. Nos contrôlesmontrent clairement qu’un puits cana-dien mal conçu peut conduire à desaccumulations de radon préocupantesdans des régions pourtant dispenséesd’obligation de contrôle.

Julien Syren,responsable service radon

Remarque concernant le financementde l’étude :

- les tests préliminaires (mars-avril 2009)ont été financés par la CRIIRAD sur sesfonds propres ;- les contrôles complémentaires (prin-temps-été 2009) ont été effectués dansle cadre d’une convention triennale departenariat signée en 2007 entre leConseil Régional Rhône-Alpes et la CRII-RAD. Le programme 2009 de cetteconvention comporte notamment uneaction de sensibilisation des concep-teurs, installateurs et utilisateurs de puitscanadiens au risque lié au radon. Cetteaction est financée à 70 % par le ConseilRégional et à 30 % par la CRIIRAD.

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